Vulneralp: L'enquête Au Service de L'évaluation Des Vulnérabilités Sismiques en Milieu Urbain. L'exemple de Grenoble
Vulneralp: L'enquête Au Service de L'évaluation Des Vulnérabilités Sismiques en Milieu Urbain. L'exemple de Grenoble
Vulneralp: L'enquête Au Service de L'évaluation Des Vulnérabilités Sismiques en Milieu Urbain. L'exemple de Grenoble
* PACTE/IGA, Université J. Fourier, Grenoble, 14 bis avenue Marie Reynoard, 38100 Grenoble
** LGIT/CNRS/LCPC, Université J. Fourier Grenoble, BP 53, 38041 Grenoble cedex 9
*** LIG Institut National Polytechnique de Grenoble, BP72, Grenoble cedex 9 - pdavoine@imag.fr
RÉSUMÉ. Evaluer la vulnérabilité constitue un élément essentiel de l’analyse des risques sismiques et une gageure lorsque
cette analyse porte sur une ville. Depuis plusieurs années maintenant, différentes équipes travaillent à l’élaboration de
méthodes d’approche de cette vulnérabilité des villes face à l’aléa sismique. La méthode d’analyse que nous proposons ici
constitue une première approche, basée sur l’enquête par questionnaires. L’enquête, outil des sciences sociales, est utilisée
ici pour analyser la vulnérabilité tant physique que sociale. L’idée est en effet de se baser sur une observation guidée des
occupants des bâtiments au travers d’un questionnaire précis pour aborder les questions de vulnérabilité. Cette méthode a
été testé en 2004 sur la ville de Grenoble dans un programme intitulé Vulneralp. Il s’agit ici de rendre compte des résultats
de cette enquête : résultats tant au plan méthodologique qu’en terme de vulnérabilité. Les apports, les limites de la méthode
et les résultats obtenus sont présentés de manière distincte concernant l’évaluation de la vulnérabilité physique d’une part et
de la vulnérabilité sociale d’autre part.
ABSTRACT. Vulnerability assessment is one of the main point of seismic risk analysis particularly difficult to perform
concerning a city. Since several years, different teams are working to propose a methodology able to assess cities
vulnerability facing to earthquake. The method we propose here is a first approach, based on survey. The questionnaire,
social sciences tool, is used to learn about both physical and social vulnerability. The idea is to carry out a guided
observation of vulnerability made by inhabitants themselves trough a very precise questionnaire. This method has been tested
in 2004 on Grenoble through the regional program “Vulneralp”. The aim of this article is to give the results of this survey :
both methodological results and vulnerability assessment. Improvements, limits and global results are given separately for
physical and social vulnerability.
MOTS-CLÉS : risque sismique, ville, évaluation de la vulnérabilité, méthode, enquête, vulnérabilité physique, vulnérabilité
sociale
KEYWORDS: seismic risk, city, vulnerability assessment, method, survey, physical vulnerability, social vulnerability,
1. Introduction
Les pays à sismicité modérée peuvent avoir subi des séismes historiques importants ayant provoqué des
dommages ou/et des victimes et peuvent subir des séismes même modérés avec des conséquences économiques
importantes. C’est le cas de la France où un séisme historique majeur a eu lieu au 20ème siècle. Il produisit des
effets importants dans la région rurale d’Aix en Provence (Séisme de Lambesc). Pour une magnitude estimée
supérieure à 6, ce séisme a servi de base à une simulation du MEDD (1982) qui a conclu en 1982 à des effets
directs et indirects majeurs sur les constructions, les vies humaines et l’économie, cette région ayant subi des
transformations socio-économiques importantes depuis 1909. Dans ces pays à sismicité modérée, des séismes
qui ne sont pas considérés comme majeurs peuvent également provoquer des dommages importants : par
exemple les séismes d’Ossau-Arudy de 1980 (Ml=5.1) et d’Annecy de 1996 (Ml=4.8), malgré des magnitudes
faibles ont respectivement provoqué environ 20 MF (MEDD, 1982) et 300 MF de dommages (AFPS, 1996).
C’est également le cas d’un séisme modéré du Canada (Sable Forks, New York, 20 avril 2002, Mw=5.0) qui
provoqua 15 millions de dollars de réparations (Pierre and Montagne, 2004).
L’évaluation du risque sismique impose donc d’avoir une évaluation de l’aléa probable mais également
une représentation de la qualité sismique du bâti et une connaissance du niveau de préparation de la collectivité à
subir d’éventuels dommages. C’est l’objectif des méthodes d’évaluation de la vulnérabilité sismique. Cette
évaluation est un exercice périlleux. Du point de vue physique, la quantité des ouvrages et la variabilité des types
de construction sont généralement importantes, en particulier pour les régions européennes. De plus, la
connaissance du comportement d’une structure ancienne est souvent impossible par manque d’informations
disponibles sur la conception et la qualité des matériaux de construction. Du point de vue de la vulnérabilité
sociale, plusieurs facteurs sont en jeu. Concernant le risque volcanique, D’Ercole (1991) cite la représentation
que les populations se font des risques, mais également leur confiance dans les autorités et dans les informations
transmises. De nombreuses méthodes ont été développées, basées sur des approches probabilistes ou
déterministes pour aborder l’évaluation de la vulnérabilité physique (e.g., ATC21, 1988 ; FEMA, 1997 ; Hazus,
1999 ; GNDT, 1993). Récemment, un projet européen (RiskUE, 2003) s’est focalisé sur la vulnérabilité de 7
grandes villes européennes et un consensus a été atteint pour la définition d’une méthodologie d’évaluation de la
vulnérabilité. Une étude bibliographique portant sur ces méthodes a été menée par le groupe de travail de l’AFPS
« Vulnérabilité sismique du bâti existant – Approche d’ensemble » (Combescure et al., 2005) en vue d’une
application en France.
Dans la plupart des cas, ces méthodes ont été établies pour ce qui concerne la vulnérabilité physique sur la
base d’observations post-sismiques, recensant le niveau de dommage observé en fonction de la nature de la
construction. Des similitudes apparaissent entre les méthodes : (1) toutes définissent différents niveaux d’analyse
traduisant la qualité de l’estimation ; (2) elles utilisent une échelle de dommage et une classification des
constructions suivant une typologie pré-définie ; (3) elles se basent sur la recherche visuelle d’indicateurs
structuraux qui modulent la vulnérabilité. Répondre à une problématique de vulnérabilité revient ainsi à réaliser
un inventaire sismique du bâti de la zone étudiée.
La vulnérabilité sociale est assez peu abordée dans la plupart de ces méthodes. La méthode Risk-UE est
l’une de celles qui fait la plus large part à la vulnérabilité des populations au cœur de l’évaluation. Néanmoins, la
vulnérabilité est bornée ici à l’estimation du type et du nombre de personnes potentiellement exposées et à la
variation de ce nombre dans l’espace et dans le temps. Les différents facteurs sociaux de vulnérabilité
(perception, connaissance, expérience, information) ne sont pas réellement abordés dans cette démarche.
Le projet VULNERALP s’est donc concentré sur la possibilité de collecter des informations fiables sur la
nature du bâti et sur la perception et la connaissance du risque sismique par la population. Grenoble a été choisie
comme ville pilote du projet, étant une des villes les plus exposées au risque sismique dans la région Rhône-
Alpes. La nature du bâti de Grenoble a motivé la validation. L’objectif principal du projet VULNERALP (2003-
2006) piloté par le LGIT et financé en partie par la région Rhône-Alpes est donc l’application d’une méthode
élémentaire d’évaluation sismique du bâti et de recensement de la vulnérabilité sociale.
Nous présentons dans un premier temps le protocole de l’enquête, puis les résultats obtenus concernant d’une
part la vulnérabilité physique, d’autre part la vulnérabilité sociale.
2. L’enquête
Concernant les aspects physiques, le questionnaire reprend les critères structuraux nécessaires pour
l’estimation d’un indice de vulnérabilité IV et est composé essentiellement de questions fermées de type binaires
(réponse oui ou non), à choix multiples ou à échelle. Pour faciliter le recueil des données, certains aspects liés à
la configuration du bâti, tels que les irrégularités en plan et en élévation ou la position du bâtiment, sont
appréhendés à travers des illustrations.
Le questionnaire comporte en parallèle un volet social portant sur la connaissance et la représentation du
risque sismique par la population grenobloise. Dans le champ de la vulnérabilité sociale, les objectifs du travail
sont similaires à ceux poursuivis pour la vulnérabilité physique. Il s’agit de tester l’efficacité de ce type
d’enquête pour recueillir des indicateurs de vulnérabilité sociale.
Sur la base d’études antérieures réalisées sur ce thème (D’Ercole 1994), nous avons donc structuré cette
partie du questionnaire en trois points principaux: (i) la connaissance et la perception des phénomènes (les
séismes par rapport à d’autres phénomènes, naturels ou non), (ii) l’information sur les séismes à Grenoble, (iii) la
connaissance des moyens de protection individuels contre les séismes et des consignes de secours en cas de
crise.
Nous avons également ajouté une série de questions permettant de mieux comprendre la mobilité des
populations sur une journée. L’objectif de ce dernier thème était de tester si cette forme d’enquête permettait de
savoir combien de personnes se trouvent habituellement sur Grenoble, dans les quartiers, ou dans
l’agglomération aux différents moments de la journée (matin, midi, après-midi, soir). Toutefois, l’outil s’est très
vite révélé très limité en termes d’efficacité. Cette partie du questionnaire a donc été abandonnée.
Enfin, cinq questions permettent de recueillir des indicateurs, pouvant nous aider à expliquer les
variations possibles dans les réponses obtenues. Nous avons recensés quatre indicateurs, pouvant faire varier à la
fois les réponses concernant la vulnérabilité physique et celles concernant la vulnérabilité sociale. Ces quatre
indicateurs sont les suivants : (i) le lieu d’habitation, (ii) le type de logement (individuel, collectif), (iii) la
profession, (iv) l’expérience antérieure de séismes, en France ou à l’étranger.
Le questionnaire comporte donc au total 24 questions, dont 11 plus spécifiquement sur la vulnérabilité
sociale. Le questionnaire est disponible sur le site web du projet VULNERALP (http://www-lgit.obs.ujf-
grenoble.fr/~pgueg/VULNERALP/).
D’un point de vue méthodologique, nous avons choisi un mode de passation auto-administré (sans
enquêteur), avec des questionnaires envoyés en masse (90 000 questionnaires) par voie postale sur la commune
de Grenoble et dont les réponses ont été effectuées sur la base du volontariat.
Sur les 90 000 envois réalisés, 4 215 questionnaires ont pu être validés pour le recueil des données sur la
vulnérabilité sociale et 4 190 pour les données sur la vulnérabilité physique. Il est cependant impossible
d’assurer la représentativité de l’échantillon. Ne répondent que ceux qui le souhaitent, et ce sont souvent des
catégories sociales qui ne représentent qu’une partie de la population dont on cherche à évaluer la vulnérabilité.
3. Le bâti Grenoblois
La situation de Grenoble aux confins du Dauphiné, proche de la Savoie, de l’Italie et de la Suisse, en fait
un lieu stratégique d’un point de vue militaire mais aussi commercial. Depuis les fortifications romaines et tout
au long de son histoire, c’est en partie l’afflux de population (Parent, 1982) qui va contrôler l’urbanisation de
Grenoble (Fig. 1) :
• XVI-XVII siècles : de plus en plus à l’étroit dans l’enceinte romaine et avec le besoin de se protéger,
Grenoble reconstruit les fortifications en deux phases, en 1590 et 1673. La peur du Drac et de ses
inondations violentes décourage les populations à s’installer en dehors des remparts et les servitudes
militaires (casernes, arsenal, enceintes…) empêchent le développement de la ville.
• XVII-XIX : Jusqu’en 1850, la population de Grenoble n’évoluera pas beaucoup (27000 habitants en
1840).
• 1850-1870 : la population augmente (40000 habitants en 1870) et de nouvelles guerres nécessitent la
transformation des remparts, qui s’élargissent vers le Sud.
4 7ème Colloque National AFPS 2007 – Ecole Centrale Paris
• 1870-1914 : l’industrialisation de la ville voit arriver de nombreux ouvriers qui s’installent à proximité des
entreprises vers l’ouest de la ville (quartier Berriat). En 1901, la moitié de la population de Grenoble y
réside. Deux centres urbains coexistent, séparés par des remparts. La municipalité décide alors de détruire
les remparts et de créer une nouvelle enceinte vers l’ouest qui englobe les deux noyaux urbains.
• 1900 : de nouvelles zones urbaines périphériques au Sud se développent, que l’on nommera les quartiers
d’expansion (Bajatière, La Capuche, l’Abbaye et le Grand Chatelet). Le quartier Ile-Verte au Nord-Est
subi également des transformations à cette époque. La présence de cimenteries à proximité favorise
l’emploi des ciments comme liant et les premières constructions en béton armé apparaissent.
• 1918-1945 : entre les deux guerres, la population augmente, les fortifications sont détruites et l’expansion
de la ville vers le Sud commence alors, avec en particulier le début des logements sociaux. Ce sont surtout
les quartiers du Sud qui se développent et s’urbanisent. En 1945, ils totalisent 20000 habitants, soit autant
que le centre historique de Grenoble. Le béton se généralise.
• 1945-1970 : une très forte poussée démographique commence, accompagnée vers 1950 d’un boom
immobilier, avec près de 500 logements cette année là. Puis, en onze an, (1954/1965), autant de logements
seront construits qu’il n’en existait auparavant (47000), à un rythme qui ne va pas cesser d’augmenter
(1000 par an jusqu’en 1954, 3000/an jusqu’en 1962 et enfin 4500/an jusqu’en 1965). La croissance
urbaine provoque l’apparition de « grands ensembles » systématiques dont l’implantation et le
déploiement altèrent le site. Il devient nécessaire de les établir à la périphérie des villes, en groupements
autonomes.
• 1970-2000 : la population augmente régulièrement pour atteindre en 1999 397549 habitants sur les 27
communes de l’agglomération. Grenoble reste la ville centre avec ses 160000 habitants des années 60,
mais le flux de populations devient plus important sur les communes situées autours. On note également le
développement du polygone scientifique au Nord-Ouest (peu résidentiel).
Il est donc intéressant de pouvoir distinguer un centre historique n’ayant pas beaucoup évolué depuis le
XXème siècle, des quartiers d’expansion qui ont vu leur urbanisation s’étaler sur plusieurs décennies et des
quartiers périphériques qui ont été aménagés dans la deuxième moitié du XXème siècle. Guéguen et Vassail
(2003) référencent les différentes typologies et leur distribution sur Grenoble, en tenant compte des spécificités
locales, des évolutions nationales des constructeurs (les codes de dimensionnement en particulier) et de
l’histoire. Ils montrent globalement que : (i) le centre est essentiellement constitué de maçonnerie de pierre (les
carrières des montagnes voisines ayant fournies des pierres calcaires), (ii) les quartiers périphériques sont
essentiellement en béton armé, poteaux-poutres avant 1965 et murs voiles après 1970, (iii) les quartiers de
l’expansion sont très hétérogènes, mélangeants des maisons individuelles et des logements collectifs, des
constructions en béton et des constructions en maçonnerie et enfin des époques de constructions variables.
La répartition des informations collectées ainsi que la division des quartiers de Grenoble sont représentées
sur la Fig. 2a. Cette division a été définie en fonction de la morphologie urbaine. On observe des quartiers pour
lesquels peu d’informations ont été collectées. Ce sont les quartiers industriels de Grenoble ou le polygone
scientifique où peu de logements existent. La proportion de bâtiments pour lesquels nous avons une information
par rapport au nombre total de bâtiments du quartier est représenté Fig. 2b. On s’aperçoit ainsi que les quartiers
du centre sont les mieux échantillonnés, les quartiers Sud étant les moins renseignés, en particulier à cause de la
faible mobilisation de la population.
a) b)
Figure 2: Distribution des enquêtes collectées auprès des habitants (a) et pourcentage des constructions
échantillonnées par zone urbaine (b).
leur urbanisation s’étale sur plusieurs années, tout comme le quartier de l’Ile Verte au Nord-Est. Il est à noter
que très peu de constructions ont été réalisées après 2000, soit quatre ans avant la diffusion de l’enquête.
En parallèle, si on analyse la
distribution des constructions en
béton armé ou en maçonnerie, une
forte cohérence apparaît (Fig. 4). En
effet, les quartiers Centre Ville et
Berriat sont essentiellement
construits en maçonnerie tandis que
le quartier Villeneuve est à 65% en
béton armé. Là encore, les quartiers
d’expansion, l’Ile Verte et les Quais
sont moins marqués, le béton et la
maçonnerie se répartissant de façon
homogène. Le déficit de pourcentage
est le résultat d’information non
renseignée par la population (choix
Figure 4 : Pourcentages des matériaux de constructions (gauche : NSP), le critère « type de
maçonnerie – droite : béton armé) par zone urbaine extraits des construction » étant certainement un
enquêtes de vulnérabilité sismique à Grenoble. des plus difficiles à renseigner.
Néanmoins, la contribution de la
population est utile, cohérente et significative pour obtenir des informations à grande échelle sur le patrimoine
urbain. Tous ces paramètres peuvent être intégrés à l’estimation de la vulnérabilité à grande échelle et donnent
ainsi une première évaluation de la vulnérabilité sismique (Guéguen et al., 2007).
L’enquête se révèle donc un outil utile pour une première approximation de la vulnérabilité physique, malgré les
défauts d’échantillonnage directement liés au type d’enquête retenu, rapide et simple à mettre en œuvre. Qu’en
est-il concernant la vulnérabilité sociale ? Malgré ses défauts, l’outil permet-il là aussi une première approche
des principaux facteurs de vulnérabilité ?
4. Vulnérabilité sociale
Les données recueillies sur la vulnérabilité sociale permettent une première mesure des principaux facteurs de
vulnérabilité sociale retenus sur l’ensemble de la ville. Par contre, la trop forte hétérogénéité des taux de réponse
par secteurs géographiques ne permet pas (i) d’exploiter les résultats d’un point de vue spatial (ii) de vérifier si
les facteurs identifiés varient à l’intérieur de l’espace géographique analysé. Nous savons à l’issue de l’enquête
si les Grenoblois ont ou non une représentation réaliste du risque sismique, mais nous ne savons pas si cette
représentation varie d’un quartier à l’autre.
Nous proposons donc de présenter l’évaluation de la vulnérabilité sur l’ensemble de la population
grenobloise en déclinant les différents facteurs retenus et en mesurant l’influence que les indicateurs socio-
économiques peuvent avoir sur eux. Ce constat nous amène à définir des profils de population présentant des
caractéristiques de vulnérabilité spécifiques.
globalement pertinentes : une majorité des répondants pensent que l’on peut s’en prémunir et déclarent adopter
les bonnes réactions pour se protéger en se cachant sous une table, en se dirigeant vers un parc voisin en cas
d’évacuation ou en cherchant de l’information au moyen de la radio locale. Toutefois près de 20% des
répondants ont déclaré utiliser leur téléphone pour contacter leurs familles ou les secours et évacueraient au
moyen de leur véhicule personnel ce qui entraverait le processus de gestion de crise, d’autant plus que 40 %
chercheraient à rejoindre au plus vite leurs enfants.
4.2. Une perception et des comportements communs quelles que soient les CSP – Excepté une légère sur-
représentation des répondants retraités, la répartition des taux de réponse par catégorie socioprofessionnelle suit
globalement la répartition de la population grenobloise par CSP. Compte tenu des modalités de passation de
l’enquête, ceci signifierait que l’intérêt que portent les répondants face aux risques sismiques n’est pas fonction
de la CSP. De la même façon, d’après les résultats de l’enquête, les comportements supposés des répondants face
aux risques sismiques ne sont pas fonction de la catégorie socioprofessionnelle. Ils sembleraient que les retraités
sont plus inquiets du risque sismique que les autres groupes sociaux, et qu’ils utiliseraient plus facilement le
téléphone pour contacter leurs proches.
4.3. Des profils de comportements diversifiés – L’un des objectifs de l’enquête concernant la vulnérabilité
sociale était d’identifier des groupes homogènes de population face à la perception du risque sismique et de
connaître leur répartition spatiale. Nous avons noté qu ce dernier objectif est difficile à atteindre étant donné
l’hétérogénéité spatiale des réponses. Néanmoins, une analyse des correspondances multiples nous a permis
d’identifier 5 groupes de population :
Les informés responsables (classe 2): Ils représentent 62 % des répondants, essentiellement des cadres.
Ces personnes sont conscientes de la probabilité d’un séisme à Grenoble et se sentent concernés (Elles
pensent que l’on peut s’en prémunir). Leur comportement pendant et après la secousse est tout à fait
pertinent et responsable, car elles annoncent se protéger sous la table pendant la secousse, évacuer à
pieds vers un parc voisin après la secousse et ne pas utiliser ni le téléphone, ni leur véhicule personnel,
et écouteront la radio pour obtenir de l’information.
Les non informés et paniqués (classe 1): Ils représentent 17,25 % des répondants. N’ayant généralement
pas reçu d’information sur le risque sismique à Grenoble, ils en ont une perception modérée et ne se
sentent pas concernés (« C’est plutôt l’affaire des spécialistes »). Ils ont des comportements
contradictoires pendant et après la secousse, ce qui au final contribuera à aggraver la situation de crise :
en effet, pendant la secousse leur réflexe est de se protéger en se mettant sous la table mais en même
temps ils utilisent le téléphone contribuant à l’encombrement des réseaux. Après la secousse, ils
annoncent se diriger dans un parc voisin, ce qui est une attitude pertinente, mais tentent aussi de
rejoindre leurs proches au moyen de leur véhicule personnel. En conclusion, on peut dire que ces
personnes qui pour la plupart sont des retraités n’ont pas une attitude responsable.
Les non informés irresponsables (classe 3): Ce groupe qui représente environ 10,5 % des répondants est
constitué essentiellement d’étudiants. Ils ont une perception faible du risque sismique à Grenoble et ont
donc un comportement incontrôlé face à la crise. Une partie importante de ce groupe se mettrait en
danger au moment du séisme (car ils annoncent rester debout dans la cuisine) et n’auraient pas une
attitude responsable (Ils annoncent quitter la ville avec leur véhicule et aller chercher des informations
chez leurs voisins). Certains d’entre eux chercheraient à évacuer à pied vers un parc voisin mais n’est ce
pas par manque de moyen de locomotion personnel ? Ils ont des comportements comparables aux
individus de la classe 1 (les non informés paniqués), mais avec des caractéristiques sociales différentes.
Les non informés, non paniqués (classe 4): Ce groupe constitué principalement d’étudiants représente
6,5% des répondants. Ils considèrent le risque sismique à Grenoble comme peu important mais
connaissent à priori les bonnes réactions à avoir en cas de secousse.
Les fatalistes et traumatisés (classe 5): Ce groupe qui représente une faible part des répondants (4%
environ) est conscient du risque sismique à Grenoble mais pensent qu’ils n’y a aucun moyen de s’en
prémunir. Ils ont généralement déjà vécu une expérience de séisme, et pensent que le traumatisme
pendant la secousse sera tellement important qu’ils seront incapables d’avoir une attitude responsable.
5 Conclusions
8 7ème Colloque National AFPS 2007 – Ecole Centrale Paris
Lorsqu’on revient sur le champ méthodologique, le bilan de cette expérience concernant l’évaluation de la
vulnérabilité sociale est assez mitigé. Cette forme d’enquête, basée sur le volontariat, permet indubitablement de
recueillir, à peu de frais, une première information sur la vulnérabilité physique et sociale. Elle permet
notamment d’avoir un échantillon suffisant pour mener des analyses complexes (analyse de correspondances
multiples ici) et de proposer ainsi des profils de vulnérabilité sociale caractéristiques. Au sein de la population
des répondants, il est ainsi possible d’identifier des groupes de personnes plus fragiles que les autres face à un
séisme.
Elle permet en outre d’avoir une première approche de la manière dont le risque sismique est perçu par la
population grenobloise. Néanmoins les résultats obtenus doivent ici être largement relativisés du fait de la non
représentativité de l’échantillon. La majorité des répondants (62%) se caractérise par une vulnérabilité sociale
très modérée, avec une connaissance réaliste des phénomènes, une conscience des risques sismique pour la ville
et une assez bonne connaissance des moyens individuels de se protéger. Toutefois, il s’agit là d’une majorité sur
l’échantillon non représentatif des personnes qui ont accepté de répondre à l’enquête. Ces réponses volontaires
marquent à elles seules la sensibilité de ces personnes sur le sujet. Elles ont effectivement répondu parce qu’elles
se sont senties concernées par les risques sismiques à Grenoble. Il n’est donc pas très étonnant de voir une
majorité d’entre elle consciente du danger.
Ce type d’outil ne peut donc être qu’une approche partielle de la vulnérabilité physique et sociale d’une
ville. Pour autant, l’enquête sur réponse volontaire peut se révéler efficace pour une première approche des
facteurs sociologiques de vulnérabilité sociale et pour aborder certaines tendances géographiques. Elle permet en
effet de distinguer d’un côté des secteurs géographiques et les catégories sociales qui se sentent concernés par
l’enquête et qui se prêtent à l’analyse, et de l’autre des secteurs ou groupes sociaux « défaillants », dont les taux
de réponse sont quasi nuls. Ces résultats ne peuvent être interprétés directement. La non réponse ne signifie pas
forcément que les personnes ne se soucient pas de ce type de risque. Elle peut également s’expliquer d’une autre
manière (complexité du questionnaire, manque de temps, peur de donner de mauvaises réponses, mauvaise
maîtrise de la langue …).
Par ailleurs, cette première approche permet de formuler de nouvelles hypothèses concernant les
indicateurs possibles de vulnérabilité sociale. Le grand nombre de réponses obtenues offre notamment la
possibilité d’identifier des profils d’attitudes face au risque qui pourront ensuite servir de base à de nouvelles
enquêtes éventuellement ciblées sur certains espaces géographiques. En conclusion, ce type de méthode
d’enquête par voie postale peut être utile pour l’analyse de la vulnérabilité, mais seulement comme préalable à
une enquête plus précise en terme d’échantillonnage. Elle peut servir à déterminer le mode d’investigation le
mieux adapté (centré sur des catégories sociales ou sur des espaces géographiques) et aider à formuler des
hypothèses pour une évaluation plus pertinente des facteurs vulnérabilité.
A la différence de la vulnérabilité sociale, la vulnérabilité physique peut bénéficier des informations
collectées auprès de la population. Couplée à une méthode sommaire de vulnérabilité (Guéguen, 2007 ; Guéguen
et al., 2007), il est donc possible de représenter la vulnérabilité physique des bâtiments grâce à ces informations.
Elles sont cohérentes avec l’urbanisation de la ville et des tests réalisés sur des quartiers particuliers montrent la
qualité des informations recueillies par cette méthode pour des coûts modérés. Cela reste néanmoins un premier
niveau d’évaluation, proche de l’inventaire sismique, première étape d’une évaluation de la vulnérabilité
physique d’une ville. Cette étape permet une représentation de la vulnérabilité et permet ainsi de sensibiliser les
acteurs locaux au risque sismique.
Remerciements
Ce travail a été réalisé grâce au financement du Conseil Régional Rhône-Alpes dans le cadre du programme
VULNERALP (2004-2006). Les auteurs tiennent à remercier les différents représentants de la municipalité pour
leur soutien et les habitants de Grenoble qui se sont prêtés au jeu de l’enquête.
7ème Colloque National AFPS 2007 – Ecole Centrale Paris 9
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