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LA CANTINE

PAR LE MENU

LES COULISSES
DE LA RESTAURATION COLLECTIVE

Édité par
le Syndicat National
de la Restauration
Collective
© SNRC
2019
9 rue de la Trémoille - 75008 Paris
Tél : 01 56 62 16 16
info@snrc.fr
www.snrc.fr
TABLE
Le mot du Président 7
Introduction 9

LA RESTAURATION COLLECTIVE SOUS CONTRAT

Chapitre 1 : Son modèle économique 16


I Garantir un menu de qualité :
le changement de paradigme 16
Chapitre 2 : Son cadre réglementaire
et législatif 22
I Un peu d’histoire :
les bases de la réglementation 22
II La question problématique de la TVA 27
III Le contrat : un élément clé 34
IV Un problème récent : la « sur-législation » 36
V Les difficultés d’application
des normes d’hygiène et de sécurité 38
Chapitre 3 : Sa contribution économique
et sociale 41
I Sa place dans l’économie française 41
II L’importance de la formation professionnelle 47
III Un univers riche en opportunités verticales 50
IV Maintien de la logistique et gestion des volumes 53
V Diminution des coûts, garantie locale et bio :
comment on fait ? 56
Chapitre 4 : Les nouveaux défis
d’un secteur en mutation 68
I Le challenge du bio et du durable 69
II La démarche RSE en restauration collective 73
III La lutte contre le gaspillage et les déchets 76
IV La contribution à l’éducation 84

LES GRANDS SECTEURS D’INTERVENTION DE


LA RESTAURATION COLLECTIVE SOUS CONTRAT

Chapitre 1 : Dans l’entreprise 90


Chapitre 2 : Dans l’enseignement 97
Chapitre 3 : La santé et le médico-social 103
I Dans les hôpitaux et cliniques 104
II Dans le médico-social 105
Chapitre 4 : Le secteur institutionnel 112
I Les armées 113
II Le monde carcéral 114
Postface 118
Sources principales 122
Remerciements 123
LE MOT DU PRÉSIDENT

Jamais nos choix alimentaires n’auront autant impacté le


développement socio-économique des territoires, la santé
de nos convives et notre environnement.

Notre métier, en qualité de restaurateurs est de nourrir


les Français.

Nous le faisons au quotidien, avec passion, en lien avec


toutes les filières d’approvisionnement, en lien avec tous les
secteurs d’activité de notre pays, par les liens contractuels
que nous avons noués avec nos clients - entreprises,
administrations, professionnels de la santé et de l’éducation
et de la formation.

Aujourd’hui notre métier occupe une place centrale dans


la vie des Français. La manière dont nous restaurons est
un vrai choix politique au sens le plus noble qui soit. C’est
immensément engageant.

Sur le terrain de l’assiette, nous avons la formidable


opportunité de traduire à l’échelle locale des choix collectifs
et globaux majeurs.

Nous repensons nos façons de produire, de consommer, de


servir pour relever le défi économique d’une nouvelle création
de valeur, de son partage, et le défi social en donnant accès
à une alimentation de qualité qui est assurément un enjeu de
justice sociale.

Sur le terrain de l’emploi, nous avons un rôle central de


formation, d’accès à l’emploi et d’accompagnement de nos

7
100 000 salariés qui sont le reflet de la diversité de la société
française, eux-mêmes au service quotidien de 4 millions de
nos compatriotes.

Les économies de proximité et la mobilisation du


capital humain sont l’articulation d’un nouveau mode
de développement économique territorial durable.
L’alimentation, et donc de fait la restauration, est à la
confluence de toutes ces dimensions. Nos choix doivent
être conscients qu’une alimentation de qualité à un prix, un
juste prix. Ce juste prix c’est celui qui permet à l’opérateur
de disposer de conditions favorables pour investir, innover et
donner le meilleur de lui-même.

Philippe Pont-Nourat, Président du SNRC

8
INTRODUCTION

Il faut imaginer le coeur de la Bretagne. Un méchant hiver


en pleine crise économique, au milieu du XIXe siècle. Des
cohortes d’enfants affamés errent dans les rues de Lannion,
au grand dam de son maire, Émile Depasse, qui tente de
proposer des solutions. Plutôt que de distribuer des fonds ou
un bol de soupe anecdotique aux passants, il met en place
une structure d’accueil pour ces pauvres dénutris : il mise
sur l’enseignement pour les sortir de la misère. Bien sûr,
pour que les parents acceptent d’y envoyer leurs enfants, il a
l’idée centrale d’y faire servir deux repas par jour. C’est ainsi
que se développe une toute nouvelle école populaire, fondée
sur… sa cantine.

Le maire passe alors un accord avec les agriculteurs de la


région, auprès de qui il commande à l’avance les quantités
nécessaires à l’alimentation de tous ces petits estomacs à
l’année et à un prix fixe (donc stable).

Voilà comment naquit la cantine scolaire, qui garantit


encore aujourd’hui - au bon vouloir des politiques locales -
une alimentation quotidienne, accessible aux enfants de
familles qui en font la demande. Voilà qui fixe aussi l’un
des principes-clés de la restauration collective : l’accès à
un repas pour tous, même les plus démunis, grâce à un
système de prix social, maintenu volontairement très
bas. Au fil des années, il a fallu installer un modèle fiscal
bien particulier pour qu’il demeure possible d’offrir des repas
complets à tous, à un prix très inférieur à leur véritable coût.

Un autre pilier de la restauration collective est apparu plus


tard dans les grandes entreprises françaises, c’est celui

9
du temps de pause et d’un moment de partage. Cette
réunion collective autour d’une table (telle qu’elle pouvait
déjà exister dans les institutions religieuses notamment) a
tout d’une avancée sociale révolutionnaire en France. De
la première salle mise à disposition de ses employés par la
Banque de France en 1866 à l’ambiance futuriste du siège
de Carrefour France où les convives ont le choix entre plats
sous cloche et stand de hot dog haute qualité dans le plus
pur style new-yorkais, le voyage a été long vers le bien-être
alimentaire en entreprise.

En effet, l’ouvrier qui était, à la fin du XIXe siècle, invité à


rentrer chez lui (au mieux), sinon à engloutir dans un coin de
l’usine et à toute vitesse une gamelle préparée par sa femme,
ne pouvait considérer le moment du repas que comme une
nécessité, une obligation sans plaisir et qui lui permette de
tenir sa journée. Il a fallu nombre d’initiatives individuelles
pour que la pause déjeuner soit reconnue comme vitale, puis
que soit ouverte une salle de restaurant dans les entreprises.

Il y a encore tout juste cent ans, la cantine d’entreprise


n’existait donc quasiment nulle part. Au mieux, le décret du
10 juillet 1913 sur les mesures générales de protection et
de salubrité dans les établissements professionnels s’est
assuré qu’on offre bien à tout salarié une salle de repas
pour qu’il pose sa gamelle sur une table propre, et pas entre
deux machines.

Aujourd’hui, le changement est radical. 7,4 milliards de repas


français sont pris hors domicile, dont 50 % en restauration
collective... Alors il ne s’agit plus pour l’entreprise de verser
un bol de soupe comme « une ration nécessaire » à son
salarié. Bien au contraire, l’offre de restauration d’une
société fait désormais partie intégrante de sa politique de
bien-être, elle est parfois un argument privilégié pour séduire
de futurs collaborateurs.

10
La cantine par le menu

Il semble ainsi naturel à chacun de trouver sur son lieu


de travail un restaurant où l’on peut choisir son plat,
son entrée et son dessert. Où l’on mange pour le plaisir
autant - voire plus - que par nécessité, avec une variété
inédite de possibles : plats traditionnels ou locaux, buffets
vegan, pâtisseries de chefs, cuisines du monde, recettes
gourmandes et produits bio… Une offre qui s’adapte aux
nouveaux modes de consommation des Français comme
aux rythmes de travail ainsi qu’à leurs choix actuels de
bonnes pratiques alimentaires, pour un prix qui n’a rien à voir
avec celui rencontré dans un restaurant commercial.

En quelques générations, la restauration collective s’est


ancrée dans les mentalités. Il existe un véritable attachement
populaire au restaurant collectif, public ou non. Du
souvenir d’enfance des repas à l’école avec les cantinières
généreuses et les verres Duralex qui prédisent notre âge
jusqu’aux déjeuners animés entre collègues, ces restaurants
font partie de nos vies.

Ils sont si bien intégrés dans notre quotidien qu’on en oublie


en réalité les paradoxes sur lesquels ils sont bâtis : servir
3,7 milliards de repas équilibrés par an dans une gamme
de prix bas, et où le client n’est pas le consommateur final.
Tout en proposant un éventail alimentaire riche, varié et
équilibré, qui doit être renouvelé tous les jours de l’année (ce
qui suppose une logistique énorme et un vaste maillage de
fournisseurs à travers le territoire). En effet, à l’inverse d’un
restaurant commercial classique qui n’a besoin de changer
que le plat du jour sur sa carte, une cantine, un restaurant
d’entreprise, d’hôpital, de prison ou de maison de retraite doit
pouvoir présenter un menu varié avec des plats différents
chaque jour. Si un restaurant commercial peut inscrire le
même steak-frites sur sa carte aussi longtemps qu’il le
souhaite, un restaurant d’entreprise, une cantine scolaire

11
ou d’hôpital doit, à l’inverse, proposer un panel riche de
nouveaux plats renouvelé au quotidien et toute l’année.

Considérant sa mission sociale et de santé publique, la


restauration collective a longtemps bénéficié d’un modèle
économique spécifique. En manoeuvrant entre ses frais
de personnel et les coûts d’achats alimentaires, elle a pu
maintenir ses prix raisonnablement bas grâce à un système
de subvention par l’établissement (prise en charge partielle
ou totale dans les secteurs de la santé, du social et du
médico-social) et grâce à une TVA allégée par rapport aux
restaurants commerciaux. Elle a pu ainsi établir et entretenir
une très longue chaîne d’intermédiaires (fournisseurs,
producteurs, agriculteurs…) en respectant chaque acteur
de chaque filière impliquée dans le processus de création de
ces repas « sociaux ».

Or, ce privilège lui a été retiré en 2012, et sa TVA réindexée


sur celle de la restauration commerciale. Le cadre législatif
se resserre autour du secteur de la restauration collective, qui
devient aujourd’hui un enjeu majeur des politiques locales.

Cet enjeu pèse particulièrement sur la restauration collective


dite concédée. Soit un prestataire externe qui assure la
préparation et le service des repas selon un mode de
fonctionnement défini par un certain type de contrat. Dans
ce contrat s’établit un cahier des charges auquel devra
se conformer le prestataire (l’entreprise de restauration
collective). Ces cahiers des charges sont aujourd’hui aussi
précis qu’exigeants, car devant répondre à des normes de
plus en plus pointues.

Dans le cadre des collectivités publiques, la restauration


collective peut être confiée à un délégataire par le biais de
marchés publics ou d’une délégation de service public (DSP).
On parle de restauration collective concédée lorsque le

12
La cantine par le menu

prestataire n’a pas seulement des installations à disposition


(contrat d’affermage) mais doit se charger d’une partie ou de
toute la réalisation du service.

Les cantines scolaires sont aujourd’hui le principal fixateur


des questionnements politiques, dépendant des collectivités
territoriales et des maires de communes. La restauration
n’est pas obligatoire à l’école, mais elle participe d’un enjeu
de santé publique et dépend encore de la décision du maire
de proposer ou non cette offre de services aux familles de sa
commune. Le prix fixé, les moyens d’exécution, l’existence
d’une cuisine sur place ou la conception en cuisine centrale,
délégation de service public ou régie... Tout cela relève de
choix politiques et économiques, eux-mêmes influencés par
de nouvelles attentes sociétales notamment en matière de
nutrition chez les enfants.

On attend toujours plus de la restauration collective. Qualité,


hygiène, santé, traçabilité, prix réduit, approvisionnement
local et responsable… Et il se pose maintenant la question
des moyens qui sont alloués au secteur pour lui permettre
de remplir toutes ces conditions sans léser aucun acteur des
filières de l’amont à l’aval.

Au-delà de cette lutte constante pour parvenir à se maintenir


à la hauteur des exigences qui l’étranglent, la restauration
collective s’efforce aussi de relever les nouveaux défis du
monde moderne. Les questions du bio et d’une agriculture
locale, raisonnée et responsable se posent. La problématique
de la santé est elle aussi essentielle dans sa mission, et
les sociétés de restauration collective font preuve d’une
remise en question permanente de leur production pour se
rapprocher chaque jour un peu plus d’une alimentation qui
nourrit et qui prend soin de l’environnement comme de la
santé, en plus de la dimension évidente de plaisir.

13
La restauration collective remplit enfin une mission éducative
capitale. Il arrive encore trop souvent que certains de ses
convives prennent à la cantine le seul repas équilibré de
leur journée. En servant 10 millions de repas complets
par jour (les adhérents du SNRC fournissent 87 % des
repas pris hors foyer en restauration collective concédée),
elle est un acteur essentiel de l’alimentation des Français.
C’est donc à son contact que se fait une grande partie de
l’éducation nutritionnelle.

L’éducation va même plus loin, et certaines entreprises


prennent très à coeur la transmission d’un message fort, celui
des problématiques environnementales qui jalonnent tout le
parcours de la fourche à la fourchette. Il s’agit d’informer et
de sensibiliser à tous les niveaux de cette grande chaîne
alimentaire, sur les questions de production responsable
et d’avenir.

C’est en conscience de cet ensemble de valeurs qu’est né,


en 1983, le Syndicat National de la Restauration Collective
(SNRC). Il regroupe actuellement 41 sociétés de toutes
tailles et participe activement aux groupes de travail sur
l’alimentation, la nutrition et la santé, aux côtés des pouvoirs
publics. Et c’est pour continuer à les défendre décemment
que le SNRC appelle aujourd’hui à une juste réévaluation
de la réglementation pour laisser suffisamment de place
à l’innovation.

14
LA
RESTAURATION
COLLECTIVE
SOUS CONTRAT

Ce système de restauration représente un modèle


économique à part entière, dans lequel la société de
restauration collective (SRC) apporte un savoir-faire et une
capacité de mutualisation et d’expériences croisées.

L’entreprise de restauration collective fait aussi face à une


dualité inédite qui n’existe pas en restauration commerciale :
son client n’est pas le consommateur final mais une entreprise
ou la collectivité elle-même. Aussi, elle doit répondre au
cahier des charges établi avec son client et lui fournir un
service de qualité, tout en apportant aux convives un repas
quotidien complet à la fois appétissant, nutritif et équilibré,
passé par la moulinette de centaines de normes d’hygiène.

15
CHAPITRE 1
SON MODÈLE ÉCONOMIQUE

La restauration collective concédée dépasse aujourd’hui


largement les frontières de la cantine. Elle réunit chaque
jour des milliers de consommateurs autour d’une assiette
d’un côté, et elle met en branle de l’autre une vaste
chaîne d’approvisionnement qui touche à tout un réseau
de production.

Par son ampleur, la restauration collective est un important


levier des politiques publiques et elle contribue dans le même
temps à la vitalité des filières alimentaires et agroalimentaires
du territoire français.

Pour comprendre comment fonctionne la restauration


collective, il ne suffit donc pas d’observer le plateau garni
du self. Il faut en réalité remonter bien plus en amont et se
pencher sur la fourche qui donne la première impulsion vers
la fourchette.

I Garantir un menu de qualité :


le changement de paradigme

Malgré des années d’évolution radicale, la restauration


collective souffre encore d’une représentation assez
désastreuse dans l’imaginaire collectif. Beaucoup l’associent
toujours à la société de malbouffe de L’Aile ou la Cuisse,
et l’invocation de la « cantine » fait parfois tinter le nom de
Tricatel comme une triste rengaine difficile à oublier.

16
La cantine par le menu

Or, si cette image a pu être une réalité dans l’immédiat


après-guerre, la restauration collective a fait des prouesses
remarquables depuis les trente dernières années et n’a plus
aucun rapport désormais avec cette idée d’une production
industrielle et robotisée des repas. De la fabrication au
service, elle est aux antipodes de ce qu’elle a pu être, mais le
changement de paradigme dans les mentalités tarde encore
à se faire.

Aujourd’hui, les sociétés de restauration collective cuisinent


directement chez le client, sur les installations mises à
disposition ou, s’il n’y a pas de cuisine dans les locaux du
client, dans une cuisine centrale où s’élaborent les repas
qui se répartiront ensuite sur un ou plusieurs sites. Dans les
deux cas, les plats sont préparés par des cuisiniers avec des
produits frais et avec de plus en plus d’adaptations techniques
qui rendent ceci possible : légumerie, atelier pâtisserie...

Par ailleurs, une entreprise de restauration collective répond


exclusivement à ce que le client lui achète. Entre eux s’établit
un contrat et donc un cahier des charges qui reflète avant
tout la volonté du client et, parfois, son budget. Mais il n’est
pas question pour autant de fournir des boîtes de conserves
et des viandes reconstituées sous prétexte que l’enveloppe
est maigre. Aujourd’hui, la restauration collective a les
moyens de proposer de très belles prestations à des prix
faibles. Il s’agit d’avoir les bonnes ressources matérielles, la
logistique adéquate et de miser sur des produits simples qui,
bien cuisinés, font toute la différence.

17
Le cahier des charges
S’alimenter peut prendre chaque jour une dimension plaisir
grâce à l’offre étendue des restaurants subventionnés. Les
entreprises de restauration collective ont pour obligation de
varier les goûts et d’ajouter de la créativité à chaque assiette
proposée, notamment parce qu’elles servent tous les jours
les mêmes consommateurs, qui ont des attentes aussi bien
nutritionnelles que de dégustation et de qualité. On est
bien loin désormais du bol de soupe roborative du début du
XXe siècle.

À charge pour chaque entreprise d’établir un menu inventif


en répondant au défi quotidien de satisfaire une palette
large de convives aux besoins différents et dans des
environnements divers. Chaque âge, chaque situation,
chaque établissement a ses propres contraintes et chacun
a son propre comportement alimentaire. Aussi, une même
SRC doit-elle penser ses menus pour fournir à différents
clients un service parfaitement adapté aux exigences de
leurs convives. Elle mène un travail d’analyse main dans la
main avec son client pour comprendre les attentes de son
public, qui peuvent varier du tout au tout entre un centre
social de Bourgogne et un restaurant d’entreprise d’une
tour de la Défense. Habitudes de consommation, recherche
d’ambiance entrent aussi dans le cahier des charges, au
même titre que la composition même du menu.

Cela veut donc dire une réflexion commune avec l’entreprise


cliente ou la collectivité qui passe le contrat. Les menus sont
composés en amont, en suivant la saisonnalité des produits
et de l’approvisionnement, et influant ainsi sur la qualité de
l’assiette. Ils s’élaborent avec l’aide d’un nutritionniste et
sur l’expertise d’un conseiller culinaire qui prépare et teste
des recettes en respectant les notions de goût, d’équilibre
nutritionnel et de présentation d’après son étude la plus

18
La cantine par le menu

récente des attentes et des habitudes de consommation


des convives.

Preuve de qualité, le cahier des charges d’une SRC est


aussi répercuté sur les fournisseurs qu’elle choisit. En effet,
à chaque segment (scolaire, entreprise, santé) correspond
des besoins internes et donc un cahier des charges propre
sur le grammage et la composition des produits. À chaque
segment (scolaire, entreprise, santé) ses besoins internes et
donc son propre cahier des charges sur le grammage et la
composition des produits.

Le fournisseur doit pouvoir répondre à des exigences


globales comme le respect du droit du travail, de la sécurité,
mais également à des exigences spécifiques comme le
respect du bien-être animal, de l’environnement ou encore
la non utilisation d’OGM. La plupart des entreprises de
restauration collective fixent des normes éthiques dans leur
cahier des charges fournisseur.

Les produits passent ensuite par les services qualité et


nutrition de l’entreprise, ils sont testés sous leur forme brute
puis en recette, selon leur saveur, leur odeur, leurs qualités
nutritionnelles, leur texture, etc.

Ces guides techniques, établis depuis déjà plus d’une


vingtaine d’années, sont autant de gages de l’évolution des
pratiques en restauration collective.

Autre notion majeure du cahier des charges, la cuisine mise


en place par la SRC doit correspondre aux moyens alloués et
toujours dans une idée de préparation au plus proche de ce
qui est fait à la maison. Comme les sociétés de restauration
collective sont connues pour manipuler parfois des volumes
très importants, le public s’imagine plutôt des milliers de
plateaux industriels sortis d’usine et livrés en cantine ou au

19
restaurant d’entreprise chaque jour par un ballet de camions
frigorifiques, décongelés et réchauffés rapidement avant
d’être assaisonnés à la va-vite de préparations chimiques.

Pourtant, en coulisses, les professionnels du secteur


concoctent en réalité une cuisine à la main. La très grande
majorité des restaurants reçoit ses produits bruts et prépare
les menus du jour le matin même. La viande est brute,
fraîche ou surgelée pour être cuisinée au plus vite et dans
le respect d’une réglementation très stricte (traces écrites
de tous les processus, règles de conservation et d’hygiène,
échantillonnage de chaque préparation…).

Lorsque des éléments entrant dans la composition des


assiettes font polémique, ils sont pris au sérieux et étudiés.
Aujourd’hui, la très large majorité des produits contestés
par les consommateurs et les spécialistes sont en phase
d’élimination des plats. C’est le cas des additifs, notamment,
qui ont été utilisés pendant des années dans divers secteurs
de l’alimentation pour garantir des produits esthétiquement
beaux, avec une longue durée de vie. Or, poussés par la
forte demande des SRC à mieux prendre en compte les
attentes des consommateurs, les industriels ont entamé une
mue. Aujourd’hui, ils se tournent vers des produits simples
en misant avant tout sur une préparation originale et des
recettes traditionnelles qui plaisent tout autant, voire plus,
que des plats construits sur l’esthétique.

La question des antibiotiques et des pesticides arrive elle


aussi sur la table et fera l’objet de politiques de changement
dans les années à venir. Le segment scolaire, depuis
quelques années, est porteur d’une demande ciblée sur des
produits, labellisés ou origine France, sans huile de palme et
matières grasses hydrogénées, etc.

20
La cantine par le menu

Ces mouvements de fond sont déjà présents en puissance


et réclament une attention toute spéciale de la part des
professionnels du secteur. Car pour pouvoir proposer un
menu amélioré, élaboré intégralement à partir de produits bio,
bruts, locaux, ou reconnus de qualité, il faut aussi réorganiser
toute la chaîne d’approvisionnement, d’acheminement, de
conservation des aliments, mais aussi adapter les formations
du personnel en cuisine et en salle.

L’élaboration des menus de qualité passe désormais par


un vrai choix engageant pour la société de restauration.
L’équation est complexe, elle a un coût mais aussi une
inestimable valeur à ne jamais galvauder, celle de la
préservation du capital santé de chacun et du capital
environnement de tous.

21
CHAPITRE 2
SON CADRE RÉGLEMENTAIRE
ET LÉGISLATIF

L’alimentation n’est pas seulement un besoin quotidien.


Elle remplit, pour les sociétés de restauration collective, un
éventail de fonctions très ouvert. Il faut donc jongler avec le
plaisir, l’équilibre nutritionnel, l’esthétique, la mission curative
(dans le secteur médico-social) tout en obéissant à une
réglementation rigoureuse qui encadre très strictement la
préparation des repas.

Du prix au grammage de chaque assiette, les restaurateurs


sont loin de pouvoir jouer avec la nourriture. De nombreuses
directives, recommandations et décrets régissent le
secteur, poussés notamment par le monde scolaire qui
concentre souvent à lui seul toute l’attention. Les parents se
préoccupent naturellement plus du contenu de l’assiette de
leurs enfants et, l’école présentant un enjeu électoral clair
pour les mairies et les collectivités, elle est l’objet de tous les
déchirements mais aussi de la plupart des expérimentations
qui font avancer les choses.

I Un peu d’histoire :
les bases de la réglementation

Quelques dates ont marqué l’histoire du secteur pour


l’orienter vers ce qu’il est devenu aujourd’hui, une production
de qualité qui tend encore et toujours à s’améliorer. La

22
La cantine par le menu

plupart des textes ont influé en faveur d’un net progrès,


tant dans les mentalités (notre façon de penser un repas
a totalement changé depuis les années 1970) que dans la
production et la conception d’un menu. Le tout était rendu
possible, jusque-là, par un régime de protection du secteur,
notamment fiscal. Toutefois, certaines mesures législatives
récentes ont mis un brutal coup de frein à cette évolution.

La restauration collective concédée dépend en partie,


depuis 2012, du même régime de TVA que la restauration
commerciale, tout en devant se plier à une mission de service
social et de santé publique, ainsi qu’à une grille d’obligations
(nutrition, approvisionnement, contrôles, santé…) que n’a
pas un restaurant commercial. Ce qui la met en grand danger.

QUELQUES DATES À RETENIR

- 1942 : une ordonnance reconnaît le caractère social de


la cantine d’entreprise. Elle est un lieu de restauration
réservé aux salariés, dans les locaux de l’employeur,
pour un prix modique.
- 1945 : la gestion de la cantine d’entreprise devient une
œuvre sociale, prérogative du comité d’entreprise.
- Années 1970 : le premier texte de recommandation
sur la restauration collective scolaire fait son
apparition. Le texte est minuscule, une circulaire qui se
concentre uniquement sur un point central : qu’un repas
soit formé de 5 composantes. Soit :
• Entrée
• Plat principal
• Garniture
• Produit laitier
• Dessert

23
- 1983 : création du SNRC.
- 1987 : c’est la naissance du GPEM-DA (Groupement
Permanent d’Étude de Marché sur les Denrées
Alimentaires), remplacé en 1999 par le GEM-RCN
(Groupement d’Etude des Marchés en Restauration
Collective et de Nutrition). Il étudie les marchés
alimentaires et propose régulièrement des textes
réglementaires relatifs à la nutrition.
- 2000 : ces années sont marquées par une prise de
conscience nutritionnelle plus profonde, et la restauration
collective fait un bond en avant dans l’élaboration de ses
menus. Signature par le SNRC d’une charte de
transparence sur les approvisionnements en viandes
bovines, renforcée peu après par une
réglementation européenne.
- 2001 : la circulaire de l’écolier intitulée « La composition
des repas servis en restauration scolaire et sécurité des
aliments » reprécise les besoins nutritionnels des enfants
et des adolescents.
- 2011 : un arrêté relatif à la qualité nutritionnelle des
repas servis en cantine scolaire revient sur la question
des 5 composantes. Le texte permet de proposer un
menu constitué de 4 à 5 composantes, avec un cadrage
de fréquences d’apparitions et de grammages des
produits à risques (trop gras, sucrés, salés).

Si l’on parle beaucoup des cantines scolaires, c’est qu’elles


sont réellement le moteur des changements de fond dans le
secteur de la restauration collective. L’école est un terrain
politique et c’est par elle que se transforme tout le circuit. Et
les cantines sont un formidable point de repère pour mesurer
son évolution et son succès. Dans l’après-guerre, la France

24
La cantine par le menu

était le cancre de l’Europe et ses enfants dénutris. Les études


montrent qu’aujourd’hui les besoins nutritionnels de l’enfant
sont plus que couverts, grâce aux repas servis à la cantine.

EGalim : la nouvelle donne Agriculture et Alimentation


Les derniers États généraux de l’alimentation ont donné
naissance, à l’automne 2018, à un texte qui protège aussi
bien les filières agricoles que la qualité de l’alimentation
des Français. La loi dite EGalim est entrée en vigueur au
printemps 2019 et doit permettre de rémunérer correctement
tous les acteurs du monde agricole, tout en renforçant la
qualité sanitaire, environnementale et nutritionnelle des
produits, pour une alimentation plus saine, plus sûre, plus
durable.

Elle prévoit, entre autres, que les repas servis en restauration


collective comportent, d’ici 2022, 50 % de produits
reconnus de qualité (incluant exclusivement les signes
officiels Label Rouge, les appellations d’origine protégées
(AOP), les indications géographiques protégées (IGP),
les spécialités traditionnelles garanties (STG) et la haute
valeur environnementale (HVE), dont 20 % de produits bio.
Ces 20 % sont désormais obligatoires, de longues années
après le Grenelle de l’Environnement qui en préconisait
déjà l’existence.

La loi EGalim contient également un volet de lutte contre le


gaspillage alimentaire, qui suppose notamment une nouvelle
façon de penser le grammage des plats et les commandes,
pour limiter les risques de gaspillage.

Cette loi fait aujourd’hui l’objet d’un vaste questionnement


de la part des opérateurs de restauration collective. Si tous
reconnaissent la nécessité d’une telle loi et sont demandeurs
d’un encadrement légal en faveur de la protection des filières

25
et de la qualité alimentaire, une interrogation demeure :
comment financer son application ?

LE LEVIER DES GRAMMAGES

La nutrition des enfants est à l’origine de la réflexion


moderne sur la composition des plats, et notamment des
grammages. Soit des portions à calibrer dans l’assiette.

Une étude menée dans le secteur de la restauration


collective à la fin des années 1990 a conclu à la taille
idéale du bol alimentaire d’un enfant : de 300 à 350 g par
repas. Or, un repas classique composé de 5 éléments
s’élève aisément à 450 g.

En réduisant les repas à 4 composantes (l’entrée ou le


fromage en option), les grammages sont de fait plus
adaptés aux besoins alimentaires infantiles.

Ils sont aussi de fait plus responsables dans une logique


de protection environnementale et de gaspillage. En
réduisant de 10 % les grammages des assiettes en cantine
scolaire, les apports nutritionnels sont parfaitement
couverts et les quantités jetées moindres.

Ces jeux de grammages s’appliquent jusque dans le choix


des ingrédients des plats et des garnitures, en renforçant
par exemple les protéines végétales plus qu’animales,
pour une consommation réduite de viande qui n’impacte
pas la santé des demi-pensionnaires mais répond à une
problématique de responsabilité écologique.

26
La cantine par le menu

Plusieurs leviers ont déjà été activés pour financer la mise en


place des nouvelles obligations prévues dans la loi EGalim.
Toutefois, ils sont jugés insuffisants par les professionnels
du secteur, qui s’inquiètent de l’absence de projection
économique au moment de l’élaboration de ce texte. Offrir
une qualité supérieure de produits aux clients, et même
en supposant une réorganisation des filières agricoles,
appellera nécessairement une augmentation des coûts. Par
essence, la restauration collective se dispense à un prix
« social », qui rencontre ici sa limite.

II La question problématique de la TVA

Cette évolution améliorative est un objectif commun à


l’univers de la restauration dans son ensemble. Mais la
restauration collective, elle, a été créée sur un modèle
spécifique. Et si elle tente constamment d’améliorer son
offre, elle le fait sans pouvoir augmenter librement le prix de
ses repas.

Or, des motifs politiques ont récemment imposé à ce


secteur des règles de restauration générale absurdes. La
restauration collective répond à des normes, elle ne peut pas
s’approvisionner n’importe comment ni modifier du jour au
lendemain sa chaîne de fournisseurs, elle doit produire plus
de qualité, respecter un certain pourcentage de bio dans les
menus (20 %), limiter les additifs, fournir des repas équilibrés
et calibrés.

On exige aujourd’hui de la restauration collective qu’elle


offre un service social et remplisse au mieux une mission de
santé publique qui font partie de son ADN, en lui injectant
par ailleurs les bases réglementaires d’un autre corps. Les
différences entre restauration collective et restauration
commerciale fondent comme neige au soleil, aussi bien en

27
termes de plaisir pris à la dégustation comme en restaurant
d’entreprise où les grands chefs étoilés n’hésitent pas à
s’engager. Mais si on n’imagine pas de déjeuner dans un
restaurant gastronomique en savourant un repas complet
pour moins de 5 €, il semble tout aussi illusoire de demander
à des sociétés de restauration collective de rentrer dans ces
contraintes impossibles.

Il semble illusoire de s’attendre à trouver un boeuf de qualité


Label Rouge, des légumes bio en entrée et dans le plat, une
pâtisserie de chef et des fromages labellisés AOP servis
chaque jour pour un prix aussi infime, que les filières soient
correctement rémunérées, autant que les collaborateurs
du restaurant, si la société est par ailleurs soumise à une
TVA inappropriée. TVA qui va d’ailleurs changeant selon
les secteurs et les publics auxquels elle est appliquée. Ce
qui exige un jonglage permanent de la part des entreprises
de restauration collective pour s’y retrouver dans une grille
fiscale complexe.

28
La cantine par le menu

Voici à quoi ressemblent les applications de TVA dans les dif-


férents secteurs de la restauration collective :

RÉGIME TVA DES SOCIÉTÉS DE RESTAURATION COLLECTIVE (SRC)

(Chiffres relatifs aux taux de TVA applicables en 2019)

Évolution du régime fiscal de


la restauration collective concédée
Rapidement après la reconnaissance de la restauration
collective comme un service d’utilité publique et d’enjeu
national, les sociétés du secteur obtiennent un régime fiscal

29
spécifique qui leur permet de poursuivre leur mission dans
les meilleures conditions.

En 1968, le taux réduit de TVA est instauré sur la fourniture


de repas aux collectivités (entreprises, administrations,
écoles, collèges, lycées, hôpitaux, cliniques, maisons de
retraites, foyers pour personnes handicapées, etc.).

70 ans plus tard, les conditions d’exploitation de l’activité


n’ont pas changé. Et l’intérêt d’un régime fiscal adapté à
la spécificité de la restauration collective ne se dément
pas. Pourtant la restauration collective a vu son régime
TVA complètement démantelé avec la création du taux
intermédiaire en 2012.
Les cantines d’entreprises sont alors passées à 10 %, les
cantines scolaires ont été maintenues à 5,5 %, tandis que
les repas des patients ont subi une hausse du taux à 10 % et
que les repas fournis aux personnes âgées et aux personnes
en situation de handicap sont restés à 5,5 %.

Comment expliquer qu’une même activité, poursuivant une


seule et même finalité, ait un régime fiscal aussi disparate ?
Comment expliquer que les travailleurs – modestes,
comme l’a démontré un rapport de la Cour des comptes de
2015 – aient dû subir une hausse des prix s’agissant d’une
prestation sociale ? Et comment admettre que l’équilibre
financier de la Sécurité sociale s’aggrave encore du fait de la
prise en charge de l’augmentation du prix des repas destinés
aux patients ?

La restauration sociale ne s’apparente en aucun cas à la


restauration traditionnelle et ne la concurrence pas. Le
rapport de la Cour des comptes de 2015 démontre que la
consommation des services de restauration traditionnelle
est concentrée sur les ménages les plus aisés, alors que les

30
La cantine par le menu

services de cantine sont principalement consommés par les


ménages les plus modestes.

Par ailleurs, la restauration sociale poursuit un objectif de


santé publique, car elle se pratique dans des conditions
réglementaires drastiques méconnues du secteur
commercial, avec des métiers différents, des textes
différents, des conditions d’exploitations différentes, des
services et des publics totalement distincts (travailleurs,
élèves, détenus), voire fragiles (patients, personnes âgées,
personnes handicapées).

La restauration traditionnelle opère librement lorsque l’activité


de restauration collective est strictement encadrée en
termes de qualité (équilibre nutritionnel, sûreté alimentaire,
bio), d’environnement (développement durable, gestion de
l’eau et des déchets), de renouvellement de l’offre (menus
quotidiens), de gestion (prérogative du comité d’entreprise),
de fréquentation (usagers uniquement), de situation (locaux
de la collectivité, pas de bail commercial) et de prix (inférieurs
aux prix du marché).

Les enjeux y sont si différents qu’un alignement des régimes


de TVA entre les activités commerciales et collectives n’a pas
de sens. Ce qui est déjà partiellement reconnu :
- Le Conseil d’État a reconnu la spécificité de la
restauration collective en 2008, en maintenant
clairement une distinction entre restaurants d’entreprise
et restaurants commerciaux.
- La Cour des comptes confirmait déjà cette spécificité
et contestait dans son rapport annuel de 2012 que
l’application du taux réduit de TVA aux cantines
puisse être qualifiée de « niche fiscale », l’objectif de
redistribution entre les ménages ayant dans ce secteur

31
un impact important. Impact confirmé par un rapport du
Conseil des Prélèvements Obligatoires de 2015.
- La législation européenne permet aux États membres
une application différenciée des taux réduits de TVA
aux services de restaurant (dans les installations
du prestataire) et de restauration (en dehors de ces
installations). L’Irlande et la Grande-Bretagne ont ainsi
usé de ces prérogatives pour taxer distinctement la
restauration traditionnelle et la restauration collective.

Les professionnels de la restauration collective ont su, en


travaillant en bonne intelligence avec les pouvoirs publics,
faire évoluer leur métier de manière responsable. Ils ont
contribué à l’élaboration d’une réglementation fiscale,
sociale, environnementale et normative à la hauteur des
enjeux sociétaux de la France. Il va sans dire que cette
réglementation exigeante est scrupuleusement respectée
par l’ensemble des acteurs économiques du secteur, et ce
depuis plusieurs décennies.

Enfin, et au-delà de sa vocation sociale propre, le secteur de


la restauration collective contribue à la relance économique
du pays : l’approvisionnement est local, l’emploi est pérenne,
le pouvoir d’achat des ménages est préservé et les dépenses
publiques sont maîtrisées.

Forte de ce constat, la profession demande que la fourniture


de repas aux collectivités soit de nouveau soumise dans son
ensemble au taux réduit de TVA de 5,5 %, d’autant plus que
l’on peut noter depuis quelques années une légère baisse
de l’activité et une tendance au retour de la gamelle maison,
pour des questions de pression sur le pouvoir d’achat.

32
La cantine par le menu

Un secteur très strictement contrôlé


Les normes nutritionnelles prévalent à la composition des
menus, et s’ajoutent évidemment à un arsenal de textes qui
régulent la dimension sanitaire sur toute la ligne d’élaboration
d’un plat.

La restauration collective est soumise à des contrôles bien


plus fréquents que la restauration commerciale. Ses cuisines
sont inspectées tous les ans, et chaque plat préparé doit être
échantillonné chaque jour, pour une surveillance accrue des
contenus des assiettes.

Les pratiques de préparation des repas, des transports et du


stockage sont contrôlées (respect de l’hygiène sur les lieux
de stockage et de manipulation), le respect des températures
avec la chaîne du froid. Et surtout les recommandations liées
aux possibles TIAC (toxi-infections alimentaires collectives),
qui sont observées à la loupe. Les mouvements de fond
actuels s’orientent vers la question des pesticides et des
antibiotiques, qui font l’objet de nouvelles limitations. La prise
de conscience est réelle et suivie d’actions, qui ne sont pas
toujours expliquées et relayées jusqu’au grand public.

Attentives à ces problématiques, la plupart des sociétés


adhérentes du SNRC ont d’ores et déjà conçu leurs propres
guides des bonnes pratiques d’hygiène. Pour être à la pointe
des évolutions réglementaires française et européenne,
le SNRC a créé une commission « sûreté alimentaire » qui
a pour mission de suivre les évolutions réglementaires,
représenter les membres dans les structures officielles
de concertation sur la qualité et la sécurité sanitaire des
aliments afin d’être force de proposition, relayer les alertes
sanitaires des pouvoirs publics auprès des adhérents, faire
des recommandations aux adhérents, élaborer des chartes
de bonnes pratiques.

33
Sur le terrain, les entreprises de restauration collective
mènent des actions plus poussées. De l’approvisionnement
des produits bruts au service des repas, les sociétés
adhérentes du SNRC ont mis en place une traçabilité très
pointue pour leurs interventions et des mesures de contrôle
et d’autocontrôle strictes, avec l’aide de laboratoires
indépendants. Les fournisseurs sont régulièrement
contrôlés, soit par des responsables qualité de la restauration
collective, soit par des laboratoires reconnus. Pour la viande
par exemple, certaines sociétés adhérentes effectuent
elles-mêmes des tests ADN impromptus par sondage.

Poussant encore la sécurité plus loin et dans une optique


d’amélioration continue, les adhérents du SNRC ont
rassemblé dans une même base de données plus de 400 000
analyses en provenance de tous leurs restaurants, et avec
l’aide d’un laboratoire renommé. Chaque année, 100 000
nouvelles analyses vont nourrir cette base d’informations,
riche d’enseignements sur la qualité hygiénique des
produits servis à chacune des étapes du service. Dans le
cadre de leur politique d’amélioration continue en matière
de qualité et de sécurité, plusieurs adhérents du SNRC ont
également obtenu des certifications ISO 9001(management
de la qualité), ISO 14001 (management environnemental)
et ISO 22000 (management de la sécurité des aliments).
Ces certifications concernent l’ensemble des activités de
la restauration.

III Le contrat : un élément clé

Depuis plusieurs années, les attentes des collectivités et des


convives ont évolué, autant que le cadre juridique et fiscal qui
régente la restauration collective sous contrat. Ces mutations
bouleversent le marché et pourraient remettre en cause le
fonctionnement traditionnel de la restauration collective.

34
La cantine par le menu

Son modèle économique repose sur l’établissement de


contrats, chacun répondant à un cahier des charges précis
et personnalisé.

Ces contrats respectent toujours une dynamique similaire,


où se distinguent les coûts variables (matière première des
denrées alimentaires, qui varient selon l’activité du restaurant)
et les coûts fixes (essentiellement de la main-d’œuvre, ils ne
dépendent pas des variations de l’activité du restaurant).

Les contrats peuvent exiger de la SRC qu’elle exploite des


locaux mis à disposition par le client (collectivité ou société
privée), mais aussi qu’elle les entretienne, les rénove ou les
mette à jour, ou encore qu’elle travaille dans ses propres
locaux (cuisine centrale) si le client n’en dispose pas
en propre.

L’actualité des contrats s’enrichit de toujours plus d’exigences


touchant à la qualité et la provenance des produits, ou à la
valeur nutritionnelle des menus. Le bio, le local, l’image du
« produit frais » font partie des nouvelles attentes.

Or, la plupart des contrats aujourd’hui (notamment les


contrats de marchés publics) se font sur des durées de plus
en plus courtes. Une SRC concédée est souvent engagée
pour une exploitation de trois ans. Ce qui lui laisse en réalité
une marge de manœuvre très faible pour établir une relation
stable et durable avec toute sa chaîne d’approvisionnement.
Les éleveurs, abatteurs, agriculteurs, fournisseurs avec qui
elle travaille ont besoin d’accords solides fondés sur le temps
et la constance. Difficile à mettre en place et à maintenir
lorsque la société n’a aucune garantie de resigner pour un
cycle prolongé avec la cantine ou le restaurant demandeur.

De nombreuses entreprises du secteur, liées au SNRC,


réclament des contrats de plus longue durée pour parvenir à

35
créer de véritables liens avec la production locale, notamment
de qualité, comme exigé par les contrats et par le nouveau
texte EGalim. Sur des contrats de courtes durées, il devient
très difficile de répondre à la demande de stabilisation des
filières agricoles, qui tient pourtant à coeur au SNRC.

L’une des questions majeures que posent ces contrats de


courtes durées est celle des débouchés commerciaux.
Comment mettre en place une production solide sur
tout le territoire français en impliquant les producteurs et
fournisseurs sans pouvoir leur garantir que le contrat sera
toujours valable quelques mois plus tard ? En effet, comment
engager des agriculteurs locaux dans un processus de
fourniture de produits bruts pour une cantine de 800 couverts
quotidiens (soit une production très soutenue et sans inter-
ruption), s’il existe le risque que le contrat disparaisse en
deux ans ?

Les grandes entreprises de restauration collective,


engagées dans de très nombreux contrats à la fois, ont
nécessairement plus d’opportunités de rediriger leurs achats
sur un autre marché lorsque l’un des contrats expire. Mais
cette réduction des contrats va en réduisant les chances de
petites et moyennes sociétés de coexister sur le territoire,
et donc d’entretenir un maillage agricole essentiel, dont
la restauration collective est l’un des principaux moteurs
aujourd’hui encore.

IV Un problème récent : la « sur-législation »

En quelques années, les textes législatifs et les


recommandations encadrant l’univers de la restauration
collective se sont multipliés, pour le bien des consommateurs.
La réglementation s’est durcie ces derniers temps, et les
textes se juxtaposent avec des exigences de cahiers des

36
La cantine par le menu

charges propres à chaque contrat. S’il est évident que ces


textes vont dans le bon sens en générant de bonnes habitudes
alimentaires comme de production, ils tendent aussi, par leur
caractère strict, à renforcer la professionnalisation du secteur
et sa complexité.

Des textes généraux encadrent l’alimentation et la nutrition


de la population française depuis des années mais, s’ils
ont un caractère obligatoire (ou presque) en restauration
collective, ils ne sont pas pénalisants en restauration
commerciale. Un bistrot n’est pas pénalisé pour servir tous
les jours un steak-frites avec du sel et un dessert très sucré,
par exemple.

En revanche, les textes du PNNS (Programme national


nutrition santé) mis en place en 2001 (et que l’on peut
retrouver dans les messages publicitaires de type « bougez
plus », ou « mangez 5 fruits et légumes par jour »),
s’appliquent aux SRC.

Curieusement, ces textes tendent à séparer visiblement et


fortement les deux restaurations (commerciale et collective)
quand, dans les faits, plus grand chose ne les sépare en
termes de qualité et d’inventivité culinaire. Les deux secteurs
sont régentés par les mêmes lois, mais la restauration
collective se conforme à des normes supplémentaires.
- Les normes d’hygiène sont plus strictes et diffèrent selon
le public servi (des patients en hôpital ou des convives
de restaurants d’entreprises).
- Les fournisseurs doivent être agréés. Pour faire
entrer des denrées brutes dans une cuisine de
restauration collective, le fournisseur doit avoir été
validé par une certification dont n’a pas besoin la
restauration commerciale.

37
- L’approvisionnement, dont l’ État exige de la restauration
collective qu’il permette de renforcer l’ancrage
territorial de la production de la transformation et de la
commercialisation des produits agricoles et alimentaires.
En mettant en place des outils tels que LOCALIM, que
les SRC doivent maîtriser au plus vite pour pouvoir
répondre à cette demande.
- La sécurité des aliments est surveillée avec plus
d’attention qu’ailleurs. Un établissement de restauration
collective subira un contrôle tous les ans ou tous les
deux ans, contre dix ans en moyenne en restauration
commerciale. Le risque de TIAC (Toxi-Infection
Alimentaire Collective) est surveillé de près.
- Le don alimentaire est aujourd’hui une obligation
(renforcée par EGalim).
- Le tri et la coresponsabilité font aussi partie des
nouveaux prérequis.

Sans compter, bien sûr, les applications au cas par cas de


TVA qui complexifient encore le tableau général.

Tout ce cadre complexe, dans des budgets de plus en


plus restreints, démontre bien l’intérêt d’un recours à des
professionnels capables d’identifier les meilleures pratiques
et de les déployer avec une grande efficacité.

V Les difficultés d’application


des normes d’hygiène et de sécurité

L’hygiène est un point particulièrement sensible en


restauration, et plus normé encore en restauration collective,
où les entreprises sont susceptibles de nourrir des personnes
fragiles (santé, scolaire, petite enfance).

38
La cantine par le menu

Aussi, chaque repas servi est-il soumis à des obligations


d’échantillonnage très strictes. Chaque plat produit doit être
prélevé et un pourcentage placé en chambre froide comme
plat témoin (ce qui n’existe pas en restauration commerciale).
Chaque marché est fondamentalement différent et exige
de la part de la SRC qui en a la charge une attention
particulière aux exigences de santé et d’hygiène qu’il
requiert. Les processus sont bien plus cadrés en
restauration collective, suivant une logique paradoxale
qui exige que l’on serve des ensembles de publics très
vastes aux spécificités alimentaires différentes. Le segment
des personnes âgées, par exemple, exige des régimes
spécialement pensés, des repas mixés pour certains, une
alimentation avec des apports protéiques spécifiques pour
compenser des carences alimentaires ou sans sel pour
d’autres… Le tout étant possiblement élaboré au sein d’une
cuisine centrale qui peut aussi bien fournir un établissement
scolaire à côté. Cela nécessite donc une discipline et une
hygiène exemplaires.

Par ailleurs, la pénalisation est nécessairement plus violente


en restauration collective. En effet, les contrats sont au moins
tripartites et le moindre faux pas impacte bien plus que dans
un petit restaurant de quartier. Le client, les parents d’élèves
ou les clients du restaurant d’entreprise sont autant d’acteurs
qui s’insurgeraient à la moindre question d’hygiène mal
traitée et imposeraient une double sanction à la SRC fautive,
avec une remise en question du marché.

Une erreur en restauration collective est toujours


susceptible de déclencher une TIAC, dont le retentissement
psychologique et médiatique s’étend alors rapidement à tout
le secteur.

Cet hygiénisme a pu conduire, pendant des années, à une


certaine industrialisation des produits. Par précaution, il était

39
plus simple de faire entrer dans des cuisines des produits
transformés dont la teneur était parfaitement contrôlée
en tous points. Ces produits présentaient l’avantage de
la sécurité, plus que de la qualité nutritionnelle, ce qui a
notamment joué en la défaveur de la réputation des sociétés
de restauration collective.

Mais la tendance s’est nettement inversée, et depuis de


nombreuses années déjà. Toutes les entreprises prennent
le chemin inverse et reviennent vers des produits bruts. Les
produits dits « transformés » aujourd’hui font pour beaucoup
allusion aux légumes livrés déjà épluchés ou lavés sur des
sites qui ne seraient pas équipés de légumerie, par exemple.
Le brut a retrouvé le chemin des cuisines, massivement, et
depuis des années déjà. Mais le message est dur à faire
passer, quand une image négative a pu s’imposer dans les
débuts de la restauration collective.

Le défi reste de taille, pour les SRC, qui jonglent avec des
produits frais qu’elles savent traiter dans les règles de
l’hygiène ultra-normée, et les restrictions qui interdisent la
présence de certains produits bruts dans les cuisines. C’est
par exemple le cas d’une coquille d’œuf, bien trop risquée
en termes microbiologiques, et qui ne peut absolument pas
rentrer dans une cuisine collective.

Or, ce défi, la restauration collective est aujourd’hui capable


de le relever. Elle fait preuve d’une expertise et d’une
professionnalisation uniques et, s’il arrive par exemple
que des DSP repassent par la suite aux mains d’une
collectivité, la gestion de la cantine peut rapidement se
révéler un casse-tête impossible pour un personnel et des
gérants qui ne possèdent pas les années de maîtrise de la
restauration collective. Normes de sécurité, réglementation,
filières, cahier des charges… tout cela réclame désormais la
présence d’experts à la manœuvre.

40
CHAPITRE 3
SA CONTRIBUTION
ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

Les sociétés adhérentes du SNRC communiquent encore


peu sur leur engagement pour l’emploi ou auprès du monde
agricole. Pourtant, elles mènent de vraies politiques d’aide
dans leur bassin d’emploi, souvent à l’échelle locale et
en développant une grande variété de postes ; certaines
s’impliquent dans la lutte contre l’illettrisme appliquée
à leurs offres d’emploi, d’autres mettent en place des
plans de formation audacieux avec une solide montée en
compétences et une fidélisation des employés.

De plus, elles contribuent activement au développement du


territoire par leur structure même : il s’agit de milliers de sites
à approvisionner quotidiennement en repas fraîchement
préparés. Soit des contraintes d’achat, de stockage et de
services qui entretiennent un vaste réseau de fournisseurs,
éleveurs, abatteurs, agriculteurs, transporteurs, sur tout le
paysage français.

I Sa place dans l’économie française

Les entreprises adhérentes du SNRC ont un impact fort sur


l’économie française. Leur activité a généré 5,7 milliards
d’euros de chiffre d’affaire hors taxes chaque année.

41
La restauration collective articule son modèle économique
autour de deux socles principaux : les frais de personnel et
les coûts d’achats alimentaires.

En termes d’achats, ce sont plus de 2 milliards d’euros


annuels investis auprès de 50 000 fournisseurs de
denrées sur tout le territoire français. Le secteur de la
restauration collective concédée occupe donc une place
de poids dans l’économie française, notamment par son
développement de relations durables entre divers acteurs de
la production alimentaire.

Les entreprises sont en lien étroit avec le monde agricole et


entretiennent un réseau de filière qui maille tout le territoire.

QU’EST-CE QU’UNE FILIÈRE ?

C’est l’ensemble des activités qui, de l’amont à l’aval,


alimentent le marché final en bout de chaîne.
Concrètement, en restauration collective, la notion de
filière part de la production d’origine agricole (une
exploitation maraîchère, laitière, bovine…) pour arriver
jusqu’à la cuisine.

42
La cantine par le menu

Une mission de transmission


Au-delà des produits, de la cuisine en elle-même et des
étoiles que peut apporter une carrière aux fourneaux, la
restauration collective sert avant tout une mission sociale.
C’est l’un des aspects les plus enrichissants des professions
qui y sont liées, et relativement peu mis en avant.

Certes, les plats servis dans une cantine d’école n’ont pas la
touche raffinée qui sied aux restaurants étoilés. Certes, les
plats préparés en hôpital sont souvent sans sel ou mixés,
ou obéissent à des règles de santé qui permettent peu de

43
créativité esthétique. Mais ces considérations laissent de
côté les valeurs essentielles de l’alimentation.

En cuisinant dans une cantine scolaire, on est en contact


direct avec les papilles encore neuves et ouvertes des
enfants. Ce qui signifie un éveil aux saveurs, une éducation
aux goûts, mais aussi à la nutrition et aux bienfaits de
l’alimentation. Cela signifie aussi un rapport de partage et
de convivialité qui doit s’enseigner dès le plus jeune âge
et faire des cantines un lieu d’apprentissage du plaisir. La
responsabilité est grande, et les sociétés de la restauration
collective l’ont intégrée.

Au sein d’un Ehpad ou d’une maison de repos médicalisée,


la cuisine revêt une dimension autrement plus grande : elle
est un vecteur de sensations dans un parcours de santé
ou de fin de vie où les saveurs du quotidien peinent à
s’imprimer. Plus créative sera l’assiette (tout en respectant
une gamme de contraintes nutritionnelles établies pour
chaque pensionnaire), plus fort sera le plaisir de la
dégustation. Mission fondamentale que la cuisine dans ces
établissements, car c’est aussi et beaucoup par l’assiette
que passe le goût de vivre.

Chaque secteur offre ainsi une mission sociale sincère


et différente. Il ne s’agit ni de servir froidement une soupe
présentée dans de tristes bacs en inox, ni uniquement de
sculpter un dessert digne de catalogue. Les restaurants
collectifs ont un rôle social à jouer, tant par la qualité des
menus qu’ils servent et de l’appétit qu’ils génèrent, que sur
l’ambiance de vie qu’ils proposent.

Son implication sociale


Logistique, achats, finance, gestion, ressources humaines,
informatique, nutrition… la restauration collective offre
de nombreuses opportunités professionnelles qui ne se

44
La cantine par le menu

limitent pas aux métiers de bouche. Autour de la cuisine


gravitent plusieurs mondes, et pas seulement l’union
des cuisiniers et des fameuses dames de cantines. De
l’approvisionnement à l’administration, en passant par la
production et la préparation de commande, de nombreux
métiers sont sollicités pour fournir un plat, et d’autres
encore qui prévalent à sa conception (experts diététiciens,
vétérinaires, ingénieurs agronomes ou spécialistes de
l’hygiène alimentaire).

Depuis sa signature en 1983, la convention collective


qui encadre le secteur de la restauration collective s’est
considérablement enrichie. Métiers, rémunération,
formation, égalité professionnelle, santé et sécurité au
travail, prévoyance… Le tout a été rehaussé en 2011 d’un
nouvel avenant sur les classifications et les salaires qui
prend en compte les nouvelles évolutions technologiques et
économiques pour faire évoluer le système.

Ce texte conventionnel a établi plusieurs priorités, comme :


- L’accent mis sur le recrutement et les efforts à fournir
pour améliorer l’attractivité du secteur, notamment dans
les métiers de la cuisine et auprès des jeunes.
- Maintenir et développer l’emploi par la création de
nouvelles filières.
- Permettre l’ascension sociale par une gestion dynamique
des parcours, notamment pour la population féminine.
- Adapter les classifications à l’évolution des métiers de la
restauration collective.
- Développer la motivation des salariés et les fidéliser en
privilégiant l’emploi et les requalifications en interne.
- Assurer l’égalité des chances par le biais de la formation
et de la promotion.

45
Trente métiers repères ont ainsi été identifiés comme
essentiels au secteur de la restauration collective concédée,
du commis de cuisine au directeur de restaurant et au chef de
secteur, des profils les moins qualifiés aux experts fortements
diplômés, chacun défini par des critères précis qui qualifient
le statut, le niveau et les compétences des salariés.

Par ailleurs, et c’est l’un des piliers sociaux de ce secteur,


la restauration collective se veut un univers de mobilité.
Verticale, d’abord, en réalisant jusqu’à 5 000 promotions
internes dans les entreprises liées au SNRC, notamment
grâce à la formation interne qui permet l’ascension à
toujours plus de responsabilités, y compris à des salariés
sans formation initiale spécifique. Du commis de cuisine à la
direction d’un restaurant, les passerelles existent.

Elles existent également à l’horizontale, et il est possible


de passer d’un secteur d’intervention à un autre, par le jeu
des formations internes. À l’heure où l’employabilité est un
défi majeur, les SRC offrent un avantage incomparable : du
restaurant d’entreprise à la cantine scolaire, des secteurs
de la santé à l’institutionnel, les métiers varient et les
opportunités de carrières en sont d’autant plus nombreuses
qu’une même entreprise couvre souvent plusieurs secteurs
à la fois.

« Je suis un vrai cuisinier, mais comme il faut préparer


300 repas au lieu de 30, les techniques culinaires et
les quantités changent. »

Willy, cuisinier en restauration collective

46
La cantine par le menu

II L’importance de la
formation professionnelle

La restauration collective souffre là aussi d’une image


erronée et qui fait oublier les réalités des métiers que propose
réellement le secteur.

La formation professionnelle est une priorité pour chacune


des entreprises du SNRC. La possibilité d’une évolution
constante représente une source de motivation pour
l’employé, autant qu’une garantie de compétitivité pour
l’entreprise. Dans les formations qu’elles développent,
les sociétés du secteur mettent en avant l’humain, la
valorisation et la reconnaissance personnelle, autant que
les compétences techniques requises pour exercer un
poste précis.

L’un des principaux domaines incompris de la restauration


collective reste sa cuisine. L’imaginaire collectif l’associe

47
encore trop souvent à des préparations industrielles que des
cantiniers et cantinières sortiraient directement de barquettes
en plastique pour les verser dans l’assiette.

En réalité, les cuisines de la restauration collective


sont exactement les mêmes que celles des restaurants
traditionnels, avec leurs commis, leurs chefs et leurs
plongeurs. Si un paramètre diffère vraiment, c’est la
volumétrie. Une cuisine de restauration collective doit
pouvoir assumer 300 couverts par jour sur le site d’une
grande entreprise, par exemple. Ce qui pose en réalité un
défi d’organisation et de techniques culinaires, mais ne
signifie pas pour autant que la production alimentaire se fait
à un niveau industriel. Les cantines servent de vrais repas,
construits sur de vraies recettes, et il faut donc de vrais
cuisiniers à la manœuvre.

C’est pourtant là, en cuisine, que la restauration collective


offre des perspectives différentes, et où elle devrait au
contraire se démarquer. Les sociétés adhérentes au SNRC
ont depuis longtemps mis en place des partenariats avec
de grands noms de la restauration pour offrir une formation
continue de qualité supérieure à leurs chefs.

Les SRC mettent aussi en place des partenariats avec les


écoles d’hôtellerie française, où elles proposent des classes
dédiées qui viennent parfois compléter une formation
purement culinaire. Des experts en nutrition, en marketing,
en RH ou des directeurs régionaux peuvent intervenir lors
de ces formations, et présenter aux apprentis cuisiniers une
vision élargie du paysage de la restauration collective, qui ne
se limite pas aux seules frontières du restaurant.

Aujourd’hui, la restauration collective recrute. Sur le seul


département de l’Île de France, ce sont 200 à 300 postes en
cuisine qui sont à pourvoir dans diverses sociétés.

48
La cantine par le menu

L’EXEMPLE D’UNE ENTREPRISE


QUI GAGNE SUR UN TERRITOIRE EN DIFFICULTÉ

Cette SRC est née il y a plus de 30 ans à Marseille, où elle


s’est implantée professionnellement dans les quartiers
Nord, touchés par de lourdes difficultés d’accès à l’emploi.
L’écosystème professionnel y est en difficulté et les profils
souvent peu qualifiés.

Elle a donc choisi à la fois de valoriser les métiers de la


restauration collective pour les rendre plus attractifs dans
cette zone de la métropole, et de réclamer l’appui des
centres d’aide aux demandeurs d’emplois. Cette stratégie
a permis une embauche soutenue des personnes
accompagnées par ces centres d’aide, en leur proposant
une formation interne qualifiante et une fidélisation de
ses collaborateurs.

La SRC mise sur la fidélisation pour combler un double


besoin : celui des employés en lutte contre la précarité du
travail, et celui de l’entreprise souhaitant professionnaliser
ses équipes. Aussi, elle priorise ses propres salariés dès
que se profile pour elle l’ouverture d’un nouveau marché,
en faisant jouer les leviers de formation professionnelle,
de mobilité et d’ascension.

La société répond ainsi aux besoins de son bassin


d’emploi, et s’est depuis longtemps impliquée à plusieurs
niveaux. Elle est aujourd’hui impliquée dans une démarche
RSE complète, et bénéficie notamment du Label
Empl’itudes, qui reconnaît et valorise l’action d’une
entreprise envers son territoire, envers ses salariés, et la
pérennisation de sa démarche.

49
III Un univers riche en
opportunités verticales

C’est par cette vision générale que la restauration collective


peut le mieux se faire connaître et enseigner l’une des
réalités de ce secteur : sa mobilité interne. Elle n’a rien d’une
légende, et un commis de cuisine peut réellement se hisser
au rang de chef, mais aussi de directeur de restaurant ou de
responsable marketing.

« Je suis sorti d’une école d’hôtellerie, et j’ai bifurqué


vers la restauration collective. Je ne connaissais rien aux
ressources humaines, mais je me suis formé pendant ma
carrière et aujourd’hui je suis directeur de ce service dans
une des premières entreprises de restauration collective
en France ».

Yvan Cadou, Directeur des ressources humaines pour Elior.

Pour promouvoir ces mobilités, les SRC s’appuient sur deux


dispositifs principaux.

- Le Certificat de Qualification Professionnelle (CQP)


Il concrétise un parcours qualifiant, construit sur mesure par
les entreprises pour leurs salariés. Cet outil permet à la fois
de former et diplômer des salariés au sein d’une entreprise,
et de les faire évoluer en gravissant les échelons qui les
intéressent. Classés par blocs de compétences, les CQP
offrent à chacun la possibilité de compléter une formation
vers un secteur qui l’attire, même s’il n’y a jamais mis les
pieds auparavant. C’est un formidable outil de montée
en compétences.

50
La cantine par le menu

Il peut notamment s’obtenir par une VAE (Validation des


Acquis de l’Expérience), qui reconnaît une expérience
professionnelle, ou par le biais classique de la formation.

- La formation continue
Outre l’implication qu’elle renouvelle, la formation continue
permet aussi aux salariés de rester en permanence à la
pointe des mutations technologiques et réglementaires dans
les domaines liés à la sécurité des aliments, l’hygiène et la
nutrition. Elle entretient également la réflexion constante
des équipes autour de la qualité du service et du repas,
et de toutes les questions annexes qui se lient aisément
à l’alimentation.

À titre d’exemple, la formation continue des équipes en


milieu scolaire tend aujourd’hui à travailler sur la pause
méridienne dans son ensemble. L’ambiance des cantines
(sonore, visuelle, olfactive), désormais reconnue comme
critère de la qualité des repas, la psychologie des enfants,
l’apprentissage du goût, la dimension de plaisir de leur
déjeuner… Autant de questions qui progressent entre autres
par la discussion que génère la formation continue.

Si elle recherche en permanence du personnel très qualifié


pour intégrer ses cuisines et ses postes de direction, la
restauration collective est aussi une porte d’entrée pour les
profils les plus divers, notamment les personnes dont l’accès
à l’emploi est plus difficile. Cela passe par des partenariats
avec des écoles comme l’EPMT (Ecole de Paris des métiers
de la table) qui fournit des passerelles pour des stages de
découverte puis un apprentissage à des personnes en
situation de handicap. Cela passe aussi par des dispositifs
de professionnalisation mis en place avec les organismes
d’aide à l’emploi dans des zones touchées par les difficultés
d’accès au travail.

51
« Je suis arrivée dans la restauration collective en tant
que secrétaire. Aujourd’hui, j’ai la charge de la plus grosse
cuisine centrale d’Europe à Osny (Val-d’Oise), composée de
122 personnes ».

Sophie Latapy, Directrice de cuisine centrale.

Mobilités régionales et confort de vie


Le bien-être au travail et la qualité de vie qui y est liée font
aujourd’hui partie des critères essentiels au moment du choix
d’orientation professionnelle. Conscientes de ces demandes
et de l’évolution des modes de travail et de vie, les sociétés
de restauration collective sont justement les plus à même
d’offrir ces garanties d’équilibre difficiles à rencontrer dans le
monde de la restauration classique.

Là où une cuisine de restaurant traditionnel exige énormément


de ses employés, en termes de présence horaire et
saisonnière, les entreprises de restauration collective offrent
au contraire une souplesse liée au fonctionnement même
de leurs restaurants. Les cantines scolaires ne requièrent la
présence du personnel que certaines heures de la journée et
ferment les fins de semaine comme en période de vacances
scolaires. Ce qui rend un travail en cuisine parfaitement
compatible avec une vie de famille, par exemple, ou le
développement d’activités personnelles que ne permettent
pas les restaurants traditionnels.

Par ailleurs, une même société a tendance à développer des


marchés sur tout le territoire, ou du moins sur un maillage
régional. Ce qui permet à ses employés une mobilité
géographique en cas de changement de lieu de vie, par
exemple, ou une remobilisation sur un autre secteur pour

52
La cantine par le menu

un projet personnel ou une envie de changement. Il est


parfaitement possible, pour un employé du secteur du
médico-social de passer à l’enseignement ou au restaurant
d’entreprise, au sein de la même SRC.

Ainsi, le changement, le renouvellement, la mobilité,


l’ascension voire la reconversion professionnelle font
partie des opportunités inhérentes aux sociétés de
restauration collective.

IV Maintien de la logistique
et gestion des volumes

Contrairement à la restauration commerciale, la restauration


collective exige une grande stabilité dans les volumes des
denrées commandées et livrées.

Là où un restaurant commercial peut se permettre une


politique d’achats flexible, une SRC est obligée de mettre
en place une logistique fixe établie à l’avance. Un restaurant
commercial propose sa propre carte et n’a aucune obligation
envers son client (le consommateur direct) d’assurer
l’intégralité du menu toute l’année, ni de remplir un certain
nombre de règles nutritionnelles. Il peut ainsi convenir du
nombre de plats qu’il souhaite présenter sur sa carte et, s’il
compte proposer un traditionnel steak-frites chaque jour, il
est parfaitement libre de le faire. Cela ne tient qu’au choix du
restaurateur et de l’image qu’il souhaite se créer auprès de
ses clients.

En restauration collective, en revanche, les menus sont


fixés à l’avance selon une règle bien plus contraignante : ils
doivent varier tout au long de la semaine et du mois mais,
une fois établis et affichés, il est impossible de servir autre
chose. Ce qui suppose une logistique millimétrée. En effet, si

53
le menu de la cantine scolaire affiche du râble de lapin pour
le jeudi, il faudra bien que les centaines d’assiettes des petits
convives soient remplies de râbles de lapin ce jour-là. Ce qui
exige une stabilité absolue du côté du fournisseur.

Chaque cuisine a son propre fonctionnement, pour pouvoir


assurer de quelques dizaines à quelques milliers de repas
par jour, selon l’établissement. Chacune est donc une petite
entreprise qui doit pouvoir se fournir très régulièrement en
une immense variété de produits. Saviez-vous que 60 % de
l’approvisionnement provient de producteurs français ? Ce
qui correspond à près de 2 milliards d’euros d’achats annuels.

Les approvisionnements alimentaires


La restauration collective sous contrat, ce sont des
milliers de repas servis chaque jour. Ce qui implique un
approvisionnement énorme et quotidien des sites, qu’il
s’agisse d’une cuisine centrale ou sur place. Elle exige
énormément de ses distributeurs et de ses producteurs,
avec des besoins très hétérogènes, un calendrier irrégulier
(moins de commandes l’été puisque les cantines scolaires
sont fermées, par exemple), des quantités conséquentes et
un contrôle de qualité obligatoire.

Prenons l’exemple d’un approvisionnement en pommes


en Loire Atlantique. Une même entreprise de restauration
fournit une petite cantine de maison de retraite et une cuisine
centrale à Angers. Le premier établissement n’a qu’un besoin
réduit en pommes, et commande une cagette par semaine.
Mais la cuisine centrale, elle, en réclame trois palettes. Le
défi consiste donc à mettre en place une logistique sensée,
qui jongle entre la nécessité pour un producteur d’écouler
son stock de pommes et sa capacité à fournir des quantités
suffisamment imposantes, sur toute une période de contrat.

54
La cantine par le menu

Au-delà même de cette logistique, l’approvisionnement ne


relève plus seulement, aujourd’hui, d’un accord entre les
membres de la chaîne alimentaire : il doit aussi et de plus en
plus répondre à des attentes sociales en matière de proximité,
de consommation responsable et de développement durable.
Avec une nette préférence pour le local et un attachement
au terroir qui remettent au centre de la table la relation entre
convives et agriculteurs, l’approvisionnement est un enjeu
majeur pour la restauration collective concédée.

Les entreprises doivent désormais s’attacher à développer


de nouvelles dynamiques territoriales, pour des raisons qui
dépassent le seul aspect géographique. Il s’agit notamment
d’établir un nouveau maillage des filières de proximité, et de
miser sur des labels de qualité qui (re)valorisent le terroir
français, en mettant l’accent sur la notion de qualité, devenue
centrale dans les préoccupations du public. Comprendre les
modes de production et d’élevage, surveiller le degré de
transformation des produits, ce sont aujourd’hui autant de
critères auxquels s’attache le consommateur et qui priment
aussi dans la liste de valeurs des sociétés.

Repenser l’approvisionnement répond enfin à une démarche


de limitation de l’empreinte écologique en réduisant les
temps et les moyens d’acheminement des denrées.

55
V Diminution des coûts, garantie locale
et bio : comment on fait ?

La question du prix dit « social » est au cœur de la mission


de la restauration collective. Il est donc indispensable de
maîtriser les coûts sur toute la chaîne, autant que faire se
peut lorsque toutes les entreprises sont aussi sommées
d’améliorer leur qualité, en produits comme en services,
sans alourdir d’un centime le portefeuille.

Approvisionnement centralisé
Or, dans le mille-feuilles organisationnel de ce secteur
alimentaire, les coûts peuvent facilement s’empiler pour

56
La cantine par le menu

une même entreprise, à moins d’avoir mis en place une


logistique puissante. Les sociétés de restauration collective
les plus efficaces aujourd’hui sont celles qui ont une
capacité à négocier des volumes, et donc leurs prix. Et pour
négocier des volumes, mieux vaut disposer d’un réseau de
fournisseurs relativement centralisé.

La relocalisation des approvisionnements fait ainsi partie


de ces nouveaux défis essentiels. Certaines SRC par
exemple, décident d’acheter désormais en direct auprès
des producteurs, en formant des lots d’achats-filières par
région. Il s’agit de travailler avec des grossistes ou avec des
coopératives qui peuvent réunir des producteurs de toutes
les tailles. Mais en observant toujours un contrôle et une
sélection des fournisseurs.

Recentrer et relocaliser l’approvisionnement n’empêche


pas pour autant une personnalisation de l’offre en fonction
du client. Il est souvent possible de proposer des gammes
de produits différentes selon les besoins et les moyens
déployés par le client, voire d’aller chercher à sa demande
de nouvelles ressources.

Approvisionnement bio et local :


un coût que personne ne veut payer
Il fleurit actuellement une nouvelle demande pour les
produits bio, locaux et labellisés, que le client réclame parfois
dans son cahier des charges. Si la plupart des entreprises de
restauration font leur possible pour y répondre, il est aussi
de leur responsabilité de développer une pédagogie efficace
auprès des clients. En effet, une hyper-personnalisation
de l’offre signifierait un éclatement des fournisseurs pour
pouvoir répondre aux besoins d’une cantine ou d’un
restaurant d’entreprise au quotidien et à l’année, et donc un
coût supérieur.

57
Toutefois, les clients, qu’il s’agisse des collectivités, des
mairies comme des entreprises, ne sont pas encore
prêts, aujourd’hui, à remonter leur budget alloué à la
restauration collective. Leur demande, bien que parfaitement
compréhensible, demeure donc paradoxale. L’amélioration,
la relocalisation et la personnalisation des services, sans
augmentation du prix : une illusion plus qu’une réalité.

Le législateur n’a prévu aucun levier officiel pour


répondre à cette demande, au moment où il implémente
cette année la loi EGalim. Il prévoit simplement que les
restaurateurs fournissent, d’ici 2022, 20 % de produits
issus de l’agriculture biologique et 30 % sous signe de
qualité. Or, cette qualité a un prix. Le bio a un prix, et les
restaurateurs ne disposent pas aujourd’hui de marges
suffisantes pour offrir gratuitement ces produits supérieurs à
leurs consommateurs.

Les SRC sont très conscientes des difficultés pour leurs


clients d’augmenter leurs tarifs. Un directeur de maison de
retraite qui annoncerait une augmentation de ses tarifs pour
respecter la loi EGalim serait confronté aussitôt à une fronde
des familles pour qui les services d’un établissement sont
déjà élevés. Alors si la SRC doit respecter la loi et lui facturer
des produits nécessairement plus chers, doit-elle rompre son
contrat, faute de moyens ? Doit-elle refuser de se conformer
à la loi ?

La restauration collective des cantines scolaires, des hôpitaux


ou des centres sociaux est amplement subventionnée par
les collectivités. Certaines villes offrent la gratuité des repas
(ou presque) à leurs résidents, en fonction des quotients
familiaux. Ces collectivités savent qu’elles doivent désormais
suivre la loi EGalim et se préparent déjà à le faire, en
répercutant comme elles peuvent le prix à raison de quelques
dizaines de centimes sur l’assiette finale. En revanche, dans
les établissements privés, ce sera aux familles d’absorber

58
La cantine par le menu

les coûts du bio, des labels et de la qualité supérieure. Dans


ces établissements, où le taux de bio est parfois proche de
zéro, faute de moyens de le subventionner, comment pourra-
t-on se mettre en conformité avec les textes législatifs ?

Pour maintenir un prix raisonnable et ne pas augmenter les


coûts, les restaurateurs ont déjà activé depuis un moment
plusieurs leviers. Les nouveaux grammages, qui permettent
de réduire le poids des matières premières en raisonnant
leurs achats, constituent le premier pilier.

Certains restaurateurs ont également repensé leur offre,


en incluant des produits plus simples, saisonniers et locaux
autant que possible, en éliminant peu à peu l’exotisme.
Leurs menus s’orientent aujourd’hui vers des assiettes plus
« terroir », dont la matière première coûte moins cher, tout en
gagnant en qualité.

Mais ces leviers se révèlent déjà insuffisants à absorber


les coûts d’une restauration de qualité supérieure. La
restauration collective sous contrat doit également repenser
toute sa logistique d’approvisionnement, mais elle attend
aussi des pouvoirs publics qu’ils tendent la main aux
entreprises du secteur pour leur permettre de mener à bien
leur mission de service social en répondant à toutes les
obligations qui leur sont imposées.

Approvisionnement de proximité :
toujours plus de partenariats sur les territoires
La restauration collective représente toujours un marché
stable, avec une croissance de 0,4 à 0,5 % par an. Ce qui
en fait un partenaire de choix pour les filières agricoles, qui y
trouvent un débouché rassurant et protecteur.

59
L’un des changements majeurs dans les questions
d’approvisionnement est qu’il n’est dorénavant plus
seulement du ressort du restaurateur de s’en préoccuper.
Les clients eux-mêmes souhaitent aujourd’hui savoir
d’où viennent les produits et comment ils sont achetés.
Très souvent, ils réclament des producteurs locaux, un
approvisionnement de proximité qui sonne toujours mieux
en termes d’éthique et de qualité (mais pas toujours à
raison), et c’est là que les sociétés de restauration collective
sous contrat doivent aborder une nouvelle politique de
communication et d’éducation.

C’est certain, les restaurants ne peuvent pas recevoir des


produits de tous les fournisseurs disponibles dans la région
au seul motif qu’il faut encourager le local. Mais il faut encore
pouvoir l’expliquer. Il n’est pas rare qu’un client demande
pourquoi sa cantine ne propose pas le fromage du producteur
voisin, qui paraît pourtant offrir une production de qualité. Or,
le fournisseur doit être audité, certifié, et pouvoir répondre à
un cahier des charges complexe pour pouvoir entrer dans le
circuit. Il doit, notamment, pouvoir répondre à des volumes
conséquents, qui correspondent à des besoins quotidiens et
toute l’année.

Depuis plus d’une vingtaine d’années, la politique d’achats


a changé en restauration collective. Des achats auprès du
distributeur, les sociétés sont passées à une négociation
directe auprès des industriels et des producteurs, au tarif de
sortie d’usine ou de coopérative qui reflète le vrai coût de
production et de mise à disposition. Ce qui offre également
une meilleure traçabilité des produits et va dans le sens tant
demandé d’une relocalisation des fournisseurs.

De cette manière, les sociétés ont commencé également à


redessiner leur propre marché logistique, en groupant par
exemple dans certains cas les produits selon les dépôts et
les températures. Chez un grand groupe de restauration

60
La cantine par le menu

collective, le réseau logistique peut impliquer cinq dépôts


réguliers sur les sites de cuisine : un pour les produits frais,
un pour les surgelés, un autre pour l’épicerie, et deux autres
pour les fruits et légumes. Aussi, au lieu de recevoir une
vingtaine de camions de sites différents chaque jour, une
cuisine en reçoit aujourd’hui cinq, réduisant du même coup la
consommation carbone du secteur.

L’approvisionnement accorde aussi plus de place à l’écoute


des fournisseurs qui sont les mieux à même d’évaluer les
tendances. La saisonnalité est de mieux en mieux comprise
dans les restaurants, et il est plus facile aujourd’hui de suivre
les disponibilités du moment en proposant des soupes de
potimarron en cantine, qui n’auraient jamais été aussi bien
acceptées encore dix ans auparavant.

Certaines critiques s’insurgent de la lenteur de cette évolution


dans l’approvisionnement. Toutefois, il faut garder à l’esprit
que, s’il est très riche (tant en élevage qu’en cultures), le ter-
ritoire français est aussi très éclaté. Les régions ont chacune
leur spécificité et toutes ne sont pas équipées pour fournir
également l’intégralité des repas d’une SRC. Le bassin de
production ou de consommation où se situe l’entreprise de
restauration n’offre pas toujours et nécessairement une offre
suffisante ou les conditions climatiques idoines pour favoriser
un approvisionnement de proximité idoine.

Mais rien ne garantit pour autant que ces productions soient


aussi facilement destinées à la restauration collective. Si elle
est un acteur majeur du secteur alimentaire, elle n’est pas
toujours prioritaire sur l’achat. Comme dans le Sud-Est, dont
les tomates si savoureuses sont très souvent utilisées pour
fleurir les étals de supermarchés partout ailleurs en France,
ce qui force souvent les marchés de la restauration à se
fournir ailleurs.
Nombre d’entreprises du SNRC ont misé sur le local en
rétablissant de nouvelles priorités dans leurs catégories

61
LE LOCAL ET LE MYTHE DU PETIT PRODUCTEUR

Le client de la restauration collective (et le consommateur


même, en général) est en demande de « producteurs
locaux ». Le produit local relève d’une notion subjective qui
rassure et tranquillise les esprits : un produit qui vient d’à côté
ne peut pas avoir subi trop de manipulations, il vient du
champ d’en face, c’est plus écologique… Il est perçu comme
un produit sain, sûr, et de qualité.
Or, l’image du petit producteur local qui viendrait livrer son
unique cagette de pommes aux portes de la cantine scolaire
la plus proche est en fait un mythe. Rien ne garantit la qualité
de ses produits, mais la vision du « petit » agriculteur reste
plus sûre dans les esprits que celle d’une grosse centrale
de production.
Mais si les légumes de ce petit producteur sont certainement
excellents, ils ne suffiront pas à alimenter à l’année une
cantine dont les menus ont déjà été dessinés et approuvés,
et qui nécessitent une production énorme. En revanche, par
le biais de coopératives agricoles (comme en est maillé
l’Ouest de la France, par exemple) ou de grossistes, ce petit
producteur peut s’unir aux autres productions locales et
fournir ainsi les assiettes des restaurants collectifs de
sa région.
Pourtant, production locale ne signifie pas nécessairement
« petite production ». Les légumes produits en Bretagne pour
la marque Bonduelle et distribués dans les restaurants
de la région entrent parfaitement dans une logique
d’approvisionnement de proximité.
Par ailleurs, l’approvisionnement de proximité souffre de
l’absence cruelle d’une définition concrète, qui le rende non
seulement envisageable, mais aussi efficace. Cela tient
notamment à une confusion générale (y compris, il faut le
reconnaître, des professionnels eux-mêmes parfois) entre
circuit court et proximité. La plupart des acteurs du secteur
considère qu’un produit est local lorsque sa provenance est
contenue dans un rayon de moins de 200 km. Pour certains

62
La cantine par le menu

acteurs, ce chiffre tombe à 150 km pour que la provenance


d’un produit cultivé, élevé ou transformé dans le secteur, soit
reconnue comme locale.
Là encore, les professionnels doivent lutter contre une image
très répandue du gros méchant producteur contre le petit
fermier. L’idée de la production industrielle semble
incompatible au consommateur avec celle d’une production
locale. Pourtant, des industriels comme Danone ou Yoplait
réalisent leurs yaourts avec du lait de France, choisi de
préférence à proximité, parmi des agriculteurs de la région.
Une entreprise lyonnaise de Yoplait collecte son lait dans les
environs et entretient ainsi l’écosystème agricole local.
De plus, il est difficile de déterminer ce qui rend le produit
local, à partir du moment où il s’agit d’un produit transformé
(fromages, viandes…). Un yaourt dit « local » consommé en
restaurant d’entreprise à Niort a peut-être été réalisé à partir
d’un lait produit à proximité, mais il a ensuite fallu le réfrigérer,
l’envoyer à brasser et à transformer deux régions plus loin,
puis passer en conditionnement avant d’être rapporté à Niort.
Et là, que reste-t-il de local dans le produit final ? Quelle part
du local intéresse réellement le client ou le consommateur ?
En réalité, cette idée populaire de proximité se rapproche
plutôt de la notion de circuit court. Soit utiliser le moins
d’intermédiaires possibles, et ne garder que ceux qui
présentent une réelle valeur ajoutée. Comme la distribution,
nécessaire dans toute logistique d’approvisionnement. Le
produit doit bien finir par arriver à son restaurant…
Il est à noter que le petit producteur peut tout à fait devenir
partenaire d’une SRC en intégrant le circuit d’une coopérative
ou d’un grossiste. De cette façon, son unique cagette de
pommes produites à côté de l’école du village va rejoindre les
centaines d’autres produites sur le même territoire et
alimenter les riverains ravis. Et ce petit producteur pourra
bénéficier des conseils de la SRC pour améliorer ses propres
processus de production, de commercialisation et se
développer en accédant au portefeuille vaste des débouchés
de la SRC.

63
de produits. L’offre la plus accessible sur ce terrain restant
celle des légumes frais. En allant chercher plus de dépôts de
distributeurs ou de grossistes, une même société peut faire
rayonner des produits locaux frais sur ses restaurants d’un
même département, par exemple.

Pour ce faire, elle a du convaincre ses clients de l’importance


des dépôts centralisés. Et revenir sur un nom trop souvent
ostracisé, celui du grossiste. Car c’est lui qui maintient ce
contact direct avec les vergers et les maraîchers locaux,
il connaît les périodes de ramassage et les procédures, et
c’est lui qui sait le mieux calibrer les produits pour les livrer
sur chaque dépôt en fonction de leur domaine qualitatif.
Aussi, c’est parfois le grossiste lui-même qui informe le client
d’une SRC de l’offre du moment. Il remet ainsi le producteur
livreur au coeur du récit, en expliquant au client les produits
qu’il reçoit, pourquoi et quelle est sa provenance.

S’il est possible de réduire au maximum les intermédiaires


et de varier les fournisseurs sur les produits frais, ça l’est
beaucoup moins sur des catégories de produits plus sensibles.
Notamment sur tous les produits d’origine animale ou denrée
contenant des produits d’origine animale. Contrairement à
la restauration commerciale, pour qu’un producteur puisse
fournir une entreprise de restauration collective, il doit dans
ce cas avoir obtenu un agrément sanitaire. Ce qui signifie
pour lui qu’il doit pouvoir présenter des garanties en termes
de sécurité des aliments, s’être soumis à des analyses
microbiologiques, soit un investissement conséquent. C’est
ce qui explique par exemple pourquoi un fromager local
dont tout un village achèterait et apprécierait la production,
ne pourrait pas nécessairement fournir la cantine de l’école
avec ses petits chèvres ou ses fromages de pays.

La viande, surtout, est soumise à des contrôles extrêmement


stricts. Les attentes se portent sur la qualité, sur le bien-être
animal, sur la sécurité et la santé, avec pour objectif d’éliminer

64
La cantine par le menu

tout risque alimentaire. Autant de contrôles qui sont encore


aujourd’hui maîtrisés par de grands noms du secteur, et ne
permettent pas de donner la priorité à un approvisionnement
toujours 100 % local.

Depuis des années que les entreprises de restauration


collective travaillent à maintenir, entretenir voire raviver les
filières, elles participent désormais à leur bonne santé ainsi
qu’à celle du territoire. En se faisant partenaire d’initiatives
de soutien à la production locale et régionale, la restauration
collective a permis de maintenir en vie et en forme des
exploitations qui sont aujourd’hui remontées parmi les
marques d’excellence en France, comme avec le label des
Veaux de l’Aveyron, désormais Label Rouge et reconnu
sans OGM.

Avant même l’entrée en vigueur de la loi EGalim en 2019,


certaines entreprises du SNRC ont mis en place des
stratégies d’approvisionnement spécifiques pour entamer
une restructuration de leurs filières associées. On compte
parmi ces initiatives l’intégration de la Ferme Bio Île-de-
France dans le réseau d’une grande société pour réadapter
les produits à leur marché, la signature d’un accord entre une
autre SRC et une société leader de la production de lapins
en France en agriculture responsable ou le choix par une
autre SRC de bannir de sa gamme de produits tout élément
contenant des additifs, remettant ainsi l’accent sur son
processus de sélection consciencieux.

De fait, les SRC possèdent, par expérience, un savoir-faire


et une connaissance approfondie du terrain qui en font non
seulement l’un des meilleurs soutiens aux filières locales
et régionales de productions agricoles mais aussi un
partenaire indispensable.

65
EXEMPLES D’INITIATIVES RÉUSSIES
SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS
POUR FACILITER LE DYNAMISME DU LOCAL
TOUT EN VALORISANT DE BONNES PRATIQUES SOCIALES

- A Orléans, une société adhérente du SNRC a signé une


charte de bonnes pratiques avec la Chambre d’agriculture
du Loiret pour garantir des approvisionnements locaux.
Ce partenariat a notamment débouché sur la mise en
place d’une nouvelle légumerie sur le site de la cuisine
centrale de la Ville d’Orléans.
- À Nancy, le boulanger local fabrique sa galette des rois
avec des pommes bio d’un producteur partenaire local
d’une SRC, Les Vergers de Cousancelles. Elle est
ensuite partagée dans un restaurant scolaire par le maire
en personne.
- Pour renforcer la part de produits locaux dans la
restauration de la ville de La Ciotat, une SRC s’est mise
en contact avec une structure employant des personnes
en situation de handicap (l’ESAT Les Glycines, du réseau
la Chrysalide Marseille). Elle leur propose de travailler
des produits à forte valeur gustative, parfois difficile à
travailler pour leur apporter de solides savoir-faire et les
aider à s’insérer durablement dans un emploi.
- À la Teste de Buch et dans plusieurs communes de la
région bordelaise, une SRC s’est liée au Pays Bassin
d’Arcachon - Val de l’Eyre pour mettre en synergie les
filières maritimes et les intercommunalités de ce territoire
(COBAS, COBAN, CDC Val de l’Eyre). La première
étape de leur association visait à préserver et valoriser
l’histoire, les métiers et l’environnement maritime, elle
s’est développée par la suite pour maintenir une
agriculture et une pêche responsable. Ils ont d’abord
réalisé ensemble une animation culinaire pour la semaine
du goût à l’école, en présentant une brandade de morue
à base de poissons locaux. Devant le succès de leur
opération, ce plat s’est désormais inscrit de façon
permanente dans les menus scolaires locaux.

66
La cantine par le menu

Mais cette dynamique positive des filières mises en place


peut se renverser. Si les nouvelles lois vont en théorie dans
un sens positif et encouragent à la relocalisation, certains
acteurs industriels s’inquiètent des effets contraires et
non anticipés que pourrait avoir l’application d’EGalim.
La loi ne permet pas de garantir que 50 % du volume des
produits proposés par une société de restauration soient
réellement sous signe de qualité. Elle offre la possibilité de
contourner cette obligation, en jouant plutôt sur la valeur des
volumes d’achat.

En imaginant par exemple qu’il suffise de n’inclure que


quelques produits sous signe de qualité (qui représentent à
eux seuls 50 % de la valeur des achats) dans une commande,
il devient possible de compléter son approvisionnement sur
des filières à bas coût, ailleurs en Europe, par exemple. De
telles dérives tireraient aussitôt toute la filière alimentation
vers le bas et mettraient à mal des années de construction
du partenariat filières-restauration collective.

67
CHAPITRE 4
LES NOUVEAUX DÉFIS
D’UN SECTEUR EN MUTATION

La volonté qui les anime de proposer une alimentation de


qualité à leurs convives pousse depuis des années les
sociétés de la restauration collective à engager leurs forces
en direction du bio et des produits labellisés.

Si l’assiette doit refléter la main qui la prépare, il est aussi


important que les produits qu’elle contient ne soient pas les
seuls à faire l’objet d’une démarche positive et vertueuse.
Certaines entreprises de restauration collective attachent
aujourd’hui autant d’importance à générer de nouveaux
systèmes de valeurs, et poussent toute leur démarche dans
le sens d’un développement RSE. Soit un engagement en
faveur du développement durable, mais aussi du soutien
aux territoires et aux équipes, avec une responsabilité
sociétale forte.

Là encore, la restauration collective souffre d’une drôle


d’image, qui ne correspond pas à la réalité. Ses entreprises
ont déjà franchi le pas du bio il y a une dizaine d’années,
et ont été parmi les premières à le faire. Les cuisines
centrales en restauration collective ont été un précurseur en
introduisant du bio là où les restaurants classiques n’osaient
pas encore s’aventurer. En 2015, 59 % des établissements
de restauration collective servaient déjà des produits bio à
leurs convives (74 % en restauration scolaire1).
1 source : brochure SNRC « du bio à la cantine ».

68
La cantine par le menu

I Le challenge du bio et du durable

Depuis la dernière loi Alimentation, le bio fait partie des


nouvelles obligations à introduire par quotas dans les menus.
Une mesure ambitieuse et vertueuse qui vise à améliorer la
qualité de l’alimentation de la manière la plus uniforme et
égalitaire possible. La loi prévoit donc que 50 % des produits
achetés soient de qualité dite supérieure ou labellisés, dont
20 % de produits bio. Le texte inclut toutefois dans ces
20 % de bio des produits issus d’exploitations agricoles
en conversion, ce qui permet de structurer les filières, pas
encore prêtes pour ce défi alimentaire imposé.

LE BIO, QU’EST-CE QUE C’EST ?

- C’est d’abord une agriculture respectueuse de


l’environnement et du bien-être animal, par ses
conditions de production. Pas d’engrais chimiques, de
pesticides, d’OGM, d’hormones de croissance ni
d’antibiotiques, et un choix de soins par phytothérapie ou
homéopathie pour les animaux.
- Elle respecte l’écologie en suivant les cycles naturels,
en évitant de polluer l’eau, en luttant contre l’érosion des
sols et en participant à la gestion durable de
la biodiversité.
- En refusant les pesticides, cette agriculture repasse à
des pratiques agronomiques qui évitent la prolifération
des mauvaises herbes, en laissant à la biodiversité
présente localement le soin de s’en charger. La
fertilisation des sols est organique (origine animale et
végétale) et les traitements nécessaires issus d’extraits
de végétaux.

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- C’est aussi un engagement social, avec 60 % de salariés
en plus sur des exploitations bio, par rapport aux
fermes traditionnelles.
- C’est enfin un engagement économique, qui revalorise
les territoires et favorise le développement économique
des zones rurales, etc. Malgré le surcoût qu’il génère à
court terme, le bio peut être un vrai vecteur d’économies
sur le long terme. Un produit bio engendre moins de
dépenses de santé et de dépollution, soit des économies
au final pour les collectivités comme pour les particuliers.

Le défi du bio à l’heure des quotas


Malgré les bonnes volontés de part et d’autre de la loi, il n’est
pas évident d’imposer une assiette à un convive qui n’en veut
pas, ou qui n’a pas les moyens de la payer. Sur la question
du bio, le déclaratif et les faits font le grand écart. Si 95 %
des Français déclarent aujourd’hui vouloir manger du bio, le
volume de produits bio achetés en France reste de 5 %...

Ce prix de la qualité est une réalité que les clients (collectivités


comme entreprises) n’ont pas encore intégré à leurs cahiers
des charges, et que les entreprises de restauration collective
ne peuvent pas amortir seules.

Outre le prix du bio, qui reste un obstacle essentiel à son


introduction brutale dans les plateaux-repas, les habitudes
ont encore la peau dure. Certes, l’idée de consommer des
produits sains, bio ou esthétiques est présente à l’esprit
de tous.

Pour compenser aujourd’hui le prix du bio, les entreprises


adhérentes du SNRC ont mis au point plusieurs stratégies.
La question du bio invite notamment à repenser l’ensemble

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La cantine par le menu

des achats et du système de restauration d’une entreprise, et


plusieurs points s’offrent à la négociation.

Le choix des produits : pas de fraises en plein hiver, produites


sous serre et donc avec un impact environnemental
désastreux, mais des produits bruts et de saison. Pour ne
pas présenter cela comme une offre diminuée en variété, le
défi consiste alors à réinventer les recettes proposées, en
jonglant avec des produits peut-être moins exotiques.

La conception des menus : les protéines végétales (céréales


et légumineuses) peuvent être mises en avant, tout en
réduisant les grammages de la viande. L’introduction dans
les menus de plats et repas végétariens fait aussi partie
des possibles (moins souvent en école et en médico-social
qu’en restaurant d’entreprise, toutefois). Certains produits
peuvent également en remplacer de plus coûteux, à valeur
nutritionnelle équivalente.

L’indispensable relation directe avec les fournisseurs se pose


aussi. Comme sur la question de l’approvisionnement local,
les filières du bio doivent être intégrées dans un dialogue
qui permette de repenser la logistique alimentaire, depuis la
production jusqu’à l’assiette.

La filière bio reste encore volumétriquement moins


développée que les autres, et c’est l’un des points les plus
urgents à travailler pour parvenir à respecter les nouveaux
quotas imposés. En participant au développement de la
filière, la restauration collective peut contribuer à réduire les
coûts de fabrication du bio, dans une certaine mesure. Mais
sa production demeure intrinsèquement plus gourmande en
hommes et en moyens et donc toujours plus chère que les
productions agricoles classiques, et il faut donc s’attendre à
une répercussion sur les prix des repas finaux.

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Le label rouge
Les sociétés de restauration collective sont engagées de
longue date pour le développement des produits labellisés.
Grandes clientes de bio, d’AOC, de label rouge ou encore
d’IGP, elles sont devenues partenaires en 2014 de la
semaine des produits sous signe de qualité organisée par le
Ministère de l’Agriculture et l’INAO.

Elles n’ont pas attendu l’application de la loi EGalim pour


s’emparer du sujet des labels et prospecter les nouvelles
filières avec qui développer une production régulière,
volumineuse et durable. Avec l’introduction de quotas,
cependant, il ne dépend plus de chaque société de
développer ou non son approvisionnement labellisé, et
toutes doivent se tourner vers des producteurs qui arrivent
déjà à saturation.

Le marché est complexe, dans le domaine de la viande


(le fameux Label Rouge), car il exige non seulement des
producteurs (le plus souvent des coopératives) disponibles
et bien fournis, mais aussi des abattoirs à proximité qui
respectent eux aussi tous les critères du label. La question
se pose ici dès l’achat.

Or, compte tenu de ses commandes volumineuses mais très


ciblées, la restauration collective est parfois en difficulté pour
négocier avec les deux partenaires. Une société qui a besoin
de 3 000 cuisses de poulets uniquement, pour les livrer
sur une école, ne peut pas laisser les 3 quarts de l’animal
à l’abattoir s’il ne peut pas, par la suite, les revendre à un
autre client. Ce qui fonctionne avec des viandes classiques
ne vaut pas sur du Label Rouge, dont le coût est encore
bien supérieur à celui des productions traditionnelles. Aussi,
sans autre client pour reprendre le reste du poulet, l’abattoir
n’acceptera pas la découpe proposée par la SRC, qui ne
pourra pas le commander à son producteur. Ces contraintes

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La cantine par le menu

exigent de la part de tous les acteurs de la chaîne de repenser


leur logistique pour pouvoir équilibrer les commandes.

Les exigences de qualité supérieure dans l’assiette sont


pour l’instant en butte à une insuffisance de la production
française, qui ne demande qu’à se développer. De
nombreuses productions de bio et de Label Rouge ont déjà
atteint leur point de saturation. Il faut donc urgemment que
des mesures soient prises pour accompagner la transition
des filières vers des productions dites de qualité, labellisées
ou en agriculture biologique, pour que cette qualité se
retrouve enfin dans les restaurants.

Si, pour l’instant, les fournisseurs français sont encore insuf-


fisants, certaines entreprises vont chercher à l’étranger la
qualité exigée, rompant aussi avec la demande générale en
approvisionnement de proximité. La problématique du Label
Rouge est donc saine et ambitieuse, mais elle nécessite une
réflexion commune et des actions immédiates pour que le
maillage - notamment local - qui s’est mis en place en France
entre les SRC et les acteurs agricoles continue d’avoir
du sens.

II La démarche RSE en restauration collective

La Responsabilité Sociale des Entreprises est de plus en


plus présente dans les consciences, et elle tend à occuper
une part toujours plus importante aussi dans la restauration
collective. La réglementation a veillé - depuis le Grenelle
de l’Environnement - à imprimer les notions d’éthique et
de responsabilité dans les entreprises, et elle favorise
aujourd’hui l’action et l’engagement par de nombreux
leviers légaux.

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LE LABEL LUCIE

Des sociétés adhérentes du SNRC ont déjà reçu


leur labellisation et poursuivent une démarche
continue d’amélioration de leur politique RSE.

Que veut vraiment dire un label de ce genre ?

Le Label LUCIE n’est pas une médaille remise à une


entreprise qui cherche à améliorer son image ou à faire un
effort ponctuel envers la société, son environnement et
son territoire.

Chaque entreprise candidate à la labelisation en fait la


demande et doit, pour cela mettre en place une démarche
réussie, pertinente et adaptée aux spécificités de
l’entreprise. Une démarche d’amélioration continue, qui
doit être maintenue et toujours en mouvement pour ne
pas perdre le label.

L’entreprise travaille sur un grand nombre de sujets à la


fois. Elle établit d’abord son propre diagnostic, puis se fait
accompagner par des experts avant d’entreprendre de
progresser sur tous les points du référentiel qui lui ont été
fixés. Le référentiel inclut un travail sur :
- une gouvernance responsable et transparente,
- le respect des individus,
- la qualité de vie au travail,
- la protection de la nature,
- l’éthique des pratiques,
- des produits et services responsables,
- un engagement pour l’intérêt général.

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La cantine par le menu

Cette démarche à la fois progressive et très aboutie, est


aujourd’hui reconnue comme essentielle par la
restauration collective. Compte-tenu du poids du secteur
dans le quotidien des Français, de son impact sur la santé,
l’éducation et la formation à la nutrition, de son poids
économique national et de sa place charnière au sein du
paysage agricole français, la restauration collective a tout
à gagner à appliquer des politiques responsables et
ambitieuses, qui participent à l’amélioration de tous ces
paysages à la fois.

Le défi environnemental et durable


Un autre axe de réflexion de la question environnementale
et de l’impact de la restauration collective sous contrat sur le
paysage français revient au local. L’un des critères les plus
étudiés aujourd’hui est le bilan carbone de la production et
de l’acheminement. En se recentrant sur un circuit court,
les clients comme les entreprises pensent souvent pouvoir
réduire les gaz à effets de serre liés au transport notamment.

La question est toutefois plus complexe et nécessite un


plan plus vaste que la réorganisation de toutes les filières
en circuit court. La saisonnalité doit aussi entrer en ligne de
compte. Des fraises produites localement mais sous serre
hors saison consomment en réalité bien plus d’énergie et
rejettent plus de gaz à effet de serre que des produits cultivés
en plein air, à l’étranger, et acheminés par différents moyens.

Aussi, les entreprises adhérentes du SNRC réfléchissent-elles


maintenant à des plans d’achats différents, pour des menus
aux produits sans doute moins exotiques mais dont l’impact
écologique est bien moindre. Elles mettent aussi l’accent sur
le maintien de la biodiversité par leurs partenaires agricoles,

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les emballages et conditionnements réduits, qui sont autant
de déchets en moins par la suite.

III La lutte contre le gaspillage


et les déchets

La lutte contre le gaspillage alimentaire est fondamentale


aujourd’hui et s’inscrit elle aussi dans une démarche proche
de la RSE, dans la mesure où elle répond à des valeurs
écologiques, éthiques et économiques dans une visée de
développement durable.

QU’EST-CE QUE LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE ?

« Toute nourriture destinée à la consommation humaine


qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue,
jetée, dégradée ».

Chaque année en France, plus de 10 millions de tonnes


de denrées alimentaires sont jetées ou perdues, dont près
de 15 % pour la restauration.

En restauration collective, il peut atteindre quotidiennement


150 à 200 g par convive, soit jusqu’à 20 tonnes par an.
Les acteurs du secteur ont donc un grand rôle à jouer
dans cette lutte contre le gaspillage.

Les membres du SNRC n’ont pas attendu l’arrivée de la loi


EGalim pour réagir au sujet du gaspillage alimentaire.
Le 14 juin 2014, les sociétés adhérentes ont signé le Pacte
national de lutte contre le gaspillage alimentaire lancé
à l’initiative de M. Guillaume Garot, Ministre délégué à

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La cantine par le menu

l’Agroalimentaire. Les sociétés de restauration collective se


sont engagées à :
- mener des actions de sensibilisation auprès des clients,
des convives, des collaborateurs et des fournisseurs,
- favoriser la diffusion de bonnes pratiques et ainsi
permettre la prévention et l’amélioration des pratiques
professionnelles.

Dans le milieu scolaire, par exemple, cela s’est traduit par


une mise en place de tables de troc, et des actions sur les
quantités servies (l’enfant s’exprime sur ce qu’il reconnaît
comme une petite, moyenne ou grande portion). Certaines
entreprises sont ainsi parvenues à frôler le zéro gaspillage
alimentaire en expliquant à leurs convives la provenance des
produits et leur valeur, et en leur proposant une offre plus
personnalisée. D’autres préparent l’introduction dans leurs
cuisines de barquettes écologiques compostables ou encore
l’utilisation de gourdes réutilisables.

« MOINS DE MIETTES, C’EST PLUS D’ASSIETTES »

Une société adhérente du SNRC a choisi de


responsabiliser les enfants au gaspillage alimentaire à
travers l’exemple du pain dans les restaurants scolaires.

Pour sensibiliser les enfants, elle a choisi de coupler une


méthode forte. Le pain jeté sur un repas est récupéré puis
exposé dans la salle de restauration afin de sensibiliser
visuellement les enfants au gaspillage réalisé. Par la suite,
et par le biais de supports spécifiques, les petits convives
se voient offrir une réflexion plus théorique sur la question
du gaspillage.

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La quantité de pain symboliquement économisée est
ensuite convertie en nombre de repas et redistribuée aux
Restos du Cœur sous forme de dons.

Cette opération a obtenu le label du Programme National


pour l’Alimentation, un plan interministériel qui vise à
garantir une alimentation de qualité, respectueuse de
l’environnement et accessible à tous.

Le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire


s’inscrivait déjà dans la trajectoire et s’appuie sur les
dispositions de la Loi d’engagement national pour
l’environnement du 12 juillet 2010 (« Grenelle II ») obligeant :
- les collectivités locales à fixer dans leurs Plans de
gestion des déchets non dangereux des objectifs de tri
à la source, de collecte sélective et de valorisation des
bio-déchets,
- les grands producteurs de bio-déchets à mettre en place
un tri à la source, une valorisation biologique via un
prestataire spécialisé, ou à défaut une collecte sélective
de ces déchets pour en permettre la valorisation de
manière à limiter les émissions de gaz à effet de serre et
à favoriser le retour au sol,
- l’État à prendre les mesures nécessaires afin de
développer les débouchés de la valorisation organique
de ces déchets et de promouvoir la sécurité sanitaire
et environnementale des composts. Les textes
d’application (décrets du 11 juillet et du 12 juillet 2011)
ont, respectivement, défini la notion de bio-déchets et
fixé les seuils et l’échéancier pour la mise en application
de l’obligation de valorisation des bio-déchets.

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La cantine par le menu

Des questions se posent toutefois sur l’application concrète


des mesures prévues par la loi EGalim, notamment dans
des secteurs déjà très réglementés par l’ État et qui font face
désormais à une dichotomie légale. C’est notamment le cas
du secteur institutionnel, où sur des marchés comme les
lieux de privation de liberté ou les établissements militaires,
le prestataire de restauration a l’obligation de maintenir
la cuisine ouverte et l’intégralité de ses plats disponible au
service jusqu’à la dernière minute d’ouverture du restaurant.
Les convives doivent pouvoir trouver la même variété de
choix alimentaire à l’ouverture de la cantine comme à sa
fermeture. Ce qui génère nécessairement une surproduction
et un gaspillage chroniques, dans des établissements
institutionnels et sur des contrats soumis à fortes péna-
lités dans le cas du non respect de ces obligations. Aucune
réponse n’a encore été apportée quant au respect de ces
deux mesures, profondément antagonistes.

Toutefois, les SRC ont déjà commencé à chercher et


à implémenter des solutions pour pallier le gaspillage
alimentaire dans les centres de détention, et ce, depuis déjà
des années. C’est par exemple le cas des établissements
pénitentiaires de Maubeuge (59) et Longuenesse (62)
où, en 2012, une étude statistique a permis de mesurer la
quantité de déchets issus des repas servis aux personnes
détenues. Bilan de l’étude : 321 kg de déchets - soit 25,23 %
des repas servis - étaient jetés (principalement des légumes,
du poisson et des produits bio). Après une réflexion en
partenariat avec l’administration pénitentiaire, la SRC en
charge de ces établissements a fini par proposer un double
choix de plats aux détenus, ce qui a permis de diviser le
poids des déchets par 3.

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UTILISER LES RESSOURCES TERRITORIALES
POUR LIMITER LA PRODUCTION DE DÉCHETS

À la maison d’arrêt de Saint-Denis (La Réunion), le service


restauration de la SRC responsable a opté pour une
nouvelle génération de barquettes issues de bagasse de
canne à sucre (résidu de canne après fabrication de rhum
ou de sucre). Elles sont résistantes au chaud et au froid,
biodégradables et compostables. Après le repas, les
personnes détenues jettent ces barquettes dans une
poubelle dédiée, les barquettes sont ensuite stockées
dans un lieu dédié. Pour finir, les barquettes sont mises en
compost avec les bio-déchets issus de la fabrication
des repas.

Le don, une solution ?


Alors que les SRC travaillent déjà à respecter toutes ces
mesures, la loi encourage aujourd’hui le don alimentaire.
Cette démarche vise à reverser les excédents alimentaires
à des associations d’aide aux démunis. Elle s’applique déjà
aux grossistes et devrait s’appliquer par la suite aux cuisines
centrales, qui devront s’assurer de la perfection de leur
système de production pour pouvoir délivrer des denrées
dans d’excellentes conditions sanitaires.

Ainsi, un surplus de carottes râpées doit-il être


convenablement conservé en cuisine, puis emballé, maintenu
dans sa chaîne du froid jusque pendant le transport pour
qu’elles ne puissent pas s’altérer. Toutefois, les entreprises
de restauration collective sous contrat ont depuis longtemps
intégré à leurs propres cahiers des charges une gestion
intelligente des achats et des produits, en optant de plus en
plus pour un calibrage qui évite la surproduction, à la fois

80
La cantine par le menu

pour des motifs économiques, logistiques et éthiques. Aussi,


le don alimentaire, s’il se présente comme une évidence
sociétale aujourd’hui, est-il malgré tout associé à l’idée d’une
mauvaise gestion initiale des ressources.

Par ailleurs, et pour que cette mesure soit réellement


applicable, il est urgent que l’État aide à développer aussi
bien les structures d’aide que leur logistique. En effet,
peu d’associations ou d’acteurs locaux impliqués dans la
collecte de dons alimentaires ont les moyens aujourd’hui
de récupérer les surproductions des restaurants. Ils doivent
pouvoir effectuer une tournée de tous les sites distribuant
leurs excédents et à la même heure (l’heure de fermeture
des cuisines), au moyen de transports adaptés aux
conditions sanitaires requises, et pouvoir enfin stocker les
quantités reçues ou les redistribuer dans la foulée sur des
sites équipés pour les recevoir.

Un tel maillage n’existe pas sur tout le territoire français. Il


se met en place petit à petit et sa réussite dépend aussi des
bonnes-volontés des collectivités et de l’implication sincère
de l’État.

La question des déchets


Outre les obligations légales de don, de lutte contre le
gaspillage et d’attention à l’environnement, les adhérents du
SNRC s’engagent aussi désormais à mettre en place un tri et
une éducation au tri parmi leurs convives.

En restauration d’entreprise, ces pratiques sont déjà bien


ancrées dans les habitudes via le système du self. Les rails
sur lesquels les consommateurs déposent leur plateau
en fin de repas sont aujourd’hui fréquemment équipés
de réceptacles sélectifs. Le salarié et client fréquent du

81
restaurant a donc intégré depuis longtemps ce geste à
son quotidien.

La difficulté à laquelle travaillent actuellement les entreprises


reste celle de la gestion des déchets en tant que tels car elles
n’ont pas la possibilité de les recycler dans les locaux. Cette
gestion dépend donc des poubelles et de leur collecte, qui
repose sur une relation tripartite avec le client investi. C’est
un choix qui doit se faire en bonne entente avec l’école,
l’hôpital, l’entreprise propriétaire du restaurant ou l’institution,
qui gère selon sa propre politique son local à poubelles.

La négociation est complexe, puisque le prestataire


restaurateur est responsable des déchets en tant que
producteur et l’école ou le client responsable en tant que
détenteur final des déchets. La coresponsabilité oblige
les entreprises du secteur à observer un fonctionnement
au cas par cas. Les initiatives vont du recyclage des
huiles alimentaires usagées en biocarburants à la pesée
des bio-déchets dans les restaurants, en passant par la
diffusion de recettes à partir de restes ou d’épluchures (pain
perdu, soupes).

Comme dans beaucoup de domaines, les écoles sont


souvent les plus réactives sur ce sujet. Une véritable
logique pédagogique se met en place dans les communes
et les collectivités, et le corps enseignant comme les élus
locaux font montre d’une forte appétence pour l’écologie.
Les chasses au gaspillage sont particulièrement prisées
dans les écoles, et implantées par plusieurs sociétés de
restauration collective sur tout le territoire depuis une dizaine
d’années déjà.

82
La cantine par le menu

Collaborer pour innover


Pour implanter toutes ces pratiques responsables au sein
des divers établissements qu’elles gèrent, les SRC font
de plus en plus appel à de jeunes pousses qui orientent la
barque vers des solutions innovantes. S’inspirant autant
d’une analyse des besoins et des souhaits du client, que des
exigences nouvelles des convives, les collaborations avec
des start-up permettent aux SRC de rénover leurs offres.

Créativité culinaire, nouvelles pratiques de consommation,


démarche citoyenne : par le biais de partenariats, les SRC
font naître de nouvelles approches de la restauration en
proposant plus de flexibilité à leurs clients et en offrant un
parcours alimentaire original à leurs convives. Ces échanges
sont aussi l’occasion pour les start-ups de s’appuyer sur
l’expérience des SRC et leurs réseaux à travers le territoire.

On trouve un exemple réussi d’innovation au sein d’une SRC


lyonnaise, qui travaille pour trouver de nouvelles solutions de
valorisation des produits et du travail de ses collaborateurs,
entre autres. Elle s’est aussi engagée dans une démarche de
labellisation très avancée, ainsi qu’en RSE où elle avance sur
la voie de la lutte contre le gaspillage. Ce sont ces nouvelles
pratiques qui ouvrent par ailleurs des convergences d’idées
entre les filières et les secteurs.

Poussant sa démarche de rejet du gaspillage, cette même


société a monté, en 2013, un label RSE aujourd’hui validé
et reconnu : le référentiel Zéro Gaspil’®. Il s’agit là d’une
démarche qualitative, éducative, durable et responsable
qui vise à faire comprendre aux convives l’importance de
ne pas gâcher la nourriture qui leur est servie, à les pousser
à apprécier et privilégier eux aussi l’économie circulaire et,
enfin, à optimiser les ressources énergétiques.

83
C’est là que l’arrivée d’une start-up peut enclencher des
dynamiques plus innovantes encore. Suivant ce même
exemple, sa collaboration avec la jeune pousse Hari&Co
a été l’occasion d’une démarche plus originale. Leur
partenariat a initié l’introduction de menus alternatifs dans
les restaurants, avec une démarche de « déclic vert ». Soit,
dans les faits, au moins un menu végétal proposé une fois
par semaine dans les cantines et restaurants d’entreprises.
Proposée d’abord comme un test, cette réalisation a permis
de détecter des attentes fortes des convives et d’y répondre
d’autant mieux que le maillage régional (Auvergne Rhône-
Alpes) de la société est particulièrement riche et structuré.
Une source d’inspiration pour l’entreprise.

IV La contribution à l’éducation

La restauration collective accompagne les Français depuis


leur plus jeune âge sur les bancs de l’école jusqu’à leurs
vieux jours en établissements de repos. Elle rayonne
dans le monde de l’entreprise, de l’usine aux plus grandes
compagnies, et s’étend aux institutions publiques, hôpitaux,
centres de détentions ou ministères.

Sa puissance de pénétration lui octroie aussi une grande


responsabilité, notamment d’éducation. Education au goût,
avec des animations spécifiques dans les petites écoles,
rééducation aux saveurs dans le secteur de la santé.
Education nutritionnelle, avec des ateliers sur la composition
d’un repas et les apports des aliments.

Mais aussi, et c’est primordial aujourd’hui, éducation à


l’alimentation et aux produits les plus simples. Car les
entreprises du secteur ont constaté une réelle perte de
connaissance sur les produits que l’on consomme. Des
enfants qui ne distinguent pas une courgette d’une aubergine

84
La cantine par le menu

aux adultes qui ne savent pas identifier un produit transformé,


la question se pose encore et toujours de la meilleure façon
de communiquer sur le sujet de la nourriture. Lorsqu’ils
parlent de produits transformés, les consommateurs pensent
la plupart du temps produits industriels et additifs chimiques.
En oubliant que la farine est déjà, en soi, un produit
transformé. Qu’un yaourt aux fruits l’est aussi, dès lors que
le lait a été transformé, les fruits brassés et cuisinés, puis
aromatisés au besoin. La technique industrielle existe, mais
elle est souvent jetée dans un sac de confusions et dénigrée,
quand certaines préparations qui semblent « naturelles »
contiennent en réalité des quantités de matières grasses ou
de sucres insoupçonnées et à l’impact plus fort.

Le sujet des composants entrant dans les assiettes est sur


la table et finement étudié depuis des années, notamment
à l’initiative du secteur scolaire. Des arrêtés ont normé
et repensé les dosages et jusqu’aux grammages pour
améliorer la qualité comme les quantités nutritionnelles des
repas. Mais il reste encore à faire connaître ces bonnes
pratiques pour qu’elles se démocratisent et prennent place
dans l’esprit des consommateurs.

Certains partenaires du SNRC ont ainsi mis en place dans


les écoles des cours de cuisine avec l’outil Cuisto Rigolo. Des
diététiciens interviennent dans les écoles sur l’importance
du petit-déjeuner et sa composition idéale, des producteurs
viennent montrer ce qu’est un produit, comment il pousse et
comment il est transformé.

En Seine Saint-Denis, un programme appelé « semaine du


bien-être au travail » a vu le jour à l’été 2019, où des ateliers
ont rapproché un coach sportif de la cuisine pour recréer
un lien dynamique et ludique entre les pensionnaires des
cantines et une alimentation saine et savoureuse. Ateliers
culinaires, concours, éducation à l’assiette, sensibilisation

85
des enfants de quartiers défavorisés à la protection de
l’environnement et à des valeurs citoyennes à travers la
cuisine… Le projet s’inscrit dans le respect des textes
d’EGalim, et vise aussi à permettre à une population
fragilisée de se réapproprier son alimentation par de bonnes
pratiques, avec une vraie proposition d’équilibre nutritionnel
et de qualité.

Des programmes équivalents s’appliquent en entreprise


avec une éducation pédagogique liée au bien-être du
consommateur, porte d’entrée bien plus prisée par
les convives. Certains restaurants accueillent des
conférences ou des interventions ciblées sur les maladies
cardio-vasculaires, des thématiques qui lient l’alimentation et
le stress ou l’alimentation et le sport. Ils reçoivent aussi des
accompagnements personnalisés s’ils en font la demande,
adapté à leurs collaborateurs et à leurs problématiques
de vie.

Le tout dans une logique de partage et de transmission,


qui s’appuie sur la conviction que la cuisine est vectrice de
transition dans de nombreux domaines. L’éducation réussie à
l’alimentation passe par une dimension de plaisir essentielle,
plutôt que par une culpabilisation qui ne fonctionne presque
jamais. Elle peut prendre des formes discrètes comme des
codes couleurs qui aident le consommateur à personnaliser
son parcours de repas, sans se frustrer ni se flageller.

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LES GRANDS SECTEURS
D’INTERVENTION DE
LA RESTAURATION
COLLECTIVE
SOUS CONTRAT
En gestion « concédée », la restauration est confiée à un
prestataire spécialiste par une collectivité, qui peut relever
de différents secteurs.

Dans le secteur de l’enseignement, les collectivités


sont des collectivités publiques ou des établissements
d’enseignement. En enseignement public, ce sont
des communes (pour le 1er degré), des conseils
départementaux (pour les collèges) et régionaux (pour
les lycées), des établissements d’enseignement et le
CROUS pour l’enseignement supérieur. En enseignement
privé, la restauration des élèves est organisée par
chaque établissement.

Dans le secteur de la santé, les collectivités sont les


établissements de santé, qu’ils soient publics (hôpitaux) ou
privés (cliniques, établissements de long séjour).

Dans le secteur social et médico-social (maisons de


retraites, établissements accueillant les handicapés, etc.),
les collectivités sont les établissements, qu’ils soient publics
ou privés.

87
Dans le secteur du travail, les collectivités sont des
entreprises ou des administrations qui organisent un service
de restauration collective destiné à leurs salariés et agents.

88
La cantine par le menu

S’il existe des similitudes dans la gestion de restaurants en


gestion concédée d’un secteur à l’autre, chacun comporte
toutefois ses particularités. Les habitudes de consommation,
les exigences du client et du convive final, la logistique...
Autant de différences qui créent de la variété et nécessitent
des approches différentes de la part du prestataire.

Certains secteurs ajoutent des contraintes spécifiques au


cahier des charges établi dans chaque contrat, comme le
social et médico-social, qui doit combiner des dosages et
règles nutritionnelles adaptés aux pensionnaires avec une
créativité accrue dans la conception des menus, l’esthétique,
le goût et la texture des plats pour maintenir un rapport de
plaisir à l’alimentation.

89
CHAPITRE 1
DANS L’ENTREPRISE
Une offre séduisante et peu coûteuse
L’entreprise a pour particularité d’être l’un des rares secteurs
où le consommateur est aussi le payeur (il paie une partie de
son repas, l’autre étant subventionnée par son employeur),
où il est à la fois acteur et conscient de son choix.
L’intermédiaire des familles n’y est pas présent comme en
cantine scolaire ou en maison de retraite, par exemple.
Cette caractéristique permet de s’adresser directement
au consommateur et de mieux comprendre les habitudes
alimentaires des Français. Et de comprendre notamment
la distance entre le déclaratif et la réalisation. En effet, si
une énorme majorité des Français déclarent souhaiter plus
de bio dans leur assiette, seulement une infime portion de
la population franchit vraiment le pas et est prête à mettre
le prix qu’il coûte. Ce même comportement se retrouve
souvent en restauration d’entreprise, où le convive arbitre
plus naturellement en fonction des prix de chaque élément
consommé qu’en fonction de valeurs. Devant un choix de
yaourts dont l’écart de prix peut varier de 5 à 50 centimes (le
plus élevé correspondant au bio), les choix se portent encore
beaucoup plus fréquemment sur les prix inférieurs.

En connaissance de ces réalités, l’une des missions des


membres du SNRC est d’apporter la qualité sous toutes ses
formes en restaurant d’entreprise, en maîtrisant autant que
faire se peut le surcoût éventuel qu’elle pourrait engendrer.
Aussi, de nombreuses offres alimentaires du secteur
ont-elles augmenté leur niveau qualitatif en incluant toujours

90
La cantine par le menu

plus de produits bio et labellisés dans leurs menus tout en


répondant à la demande réelle du consommateur. Certaines
entreprises partenaires mènent aujourd’hui des études pour
établir une approche plus scientifique du comportement
alimentaire français et y apporter des réponses à la fois
satisfaisantes et éducatives.

Pour ce public, qui y déjeune du lundi au vendredi, la cantine


de l’entreprise doit être au moins aussi appétissante que le
restaurant du quartier. Si elle présente l’avantage du prix
bien moins élevé pour des quantités copieuses, l’offre doit
toutefois se faire astucieuse et séduisante pour convaincre
le consommateur que l’assiette de la cantine n’est
pas ennuyeuse.

Chaque entreprise de restauration établit un plan alimentaire


à l’année, voire deux fois par an, qui structure et définit les
menus selon la saison et dans le respect d’un bon équilibre
nutritionnel. Elle met en place des familles nutritionnelles qui
respectent à la fois les saisons et les tendances des marchés
(printemps-été, automne-hiver…) et elle les applique ensuite
dans des recettes qui présentent une variété la plus vaste
possible sur l’année.

La plupart des restaurants d’entreprise fonctionne


aujourd’hui sur un mécanisme de self qui reproduit les halles
d’un marché, avec ses espaces bien définis. Poissonnerie,
fruits frais, viandes et grillades… pour un parcours du
convive qui s’approprie les produits et se forge son propre
repas plaisir. Dès avant l’entrée en vigueur de la loi EGalim,
ces produits faisaient déjà l’objet d’une recherche de qualité
par les prestataires de la restauration collective, avec des
démarches de fraîcheur : interdiction des produits pré-cuits,
viandes fraîches en grillades et préparées à la demande…

91
Si le convive est l’acheteur de son propre repas, il compose
son plateau en fonction de son prix mais aussi de son plaisir
à satisfaire. Il doit donc pouvoir trouver la qualité et la variété
qu’il attend, à un prix abordable, soit une expérience culinaire
qu’il peut s’offrir sans culpabiliser. La pause déjeuner
constitue pour certains un véritable rituel et rien n’oblige le
consommateur à répartir dans son menu quotidien le nombre
de fruits et légumes conseillés plutôt que des féculents, par
exemple. C’est là une mission essentielle et sensible de la
restauration collective : parvenir à rendre aussi attractifs
des plats grammés et calibrés pour leur apport nutritionnel
qu’une assiette de type steak-frites, une raclette ou une
viande en sauce qui font toujours partie des choix proposés
mais constituent une alimentation trop riche au quotidien.
Les chefs cuisiniers redoublent de créativité aujourd’hui
pour créer des plats équilibrés, qui répondent à la fois à des
exigences de santé, de saveur et d’esthétique et qui soient
plus appétissants que jamais aux convives.

Cette mission passe par des actions ciblées qui donnent


leurs fruits au fil du temps, comme des étiquetages des
produits dans le parcours du self, des verrines offertes en
amuse-bouche pour s’autoriser à goûter de nouvelles
saveurs, des animations autour d’un produit, voire des
ateliers ou des conférences sur une thématique de nutrition
et de santé, à la demande de l’entreprise.

Sur le plan économique, le secteur de l’entreprise est aussi


le plus concurrentiel de l’univers de la restauration collective
concédée. Avec une remise en question quasi permanente
de l’offre proposée, chaque prestataire se voit encouragé
à innover et à redoubler de créativité tant sur la forme et la
gestion de l’espace que sur le fond et la composition même
de l’assiette. Ce qui veut dire pour les SRC une recherche
constante de nouvelles recettes et de qualité de production,

92
La cantine par le menu

autant qu’une adaptation aux nouvelles tendances de


consommation, de plus en plus déstructurées.

Le bio dans l’entreprise


Même si le bio est moins présent en entreprise que dans
les autres secteurs (en raison d’une moindre demande),
la prise de conscience est réelle et elle atteint petit à petit
les convives.

Entre autres et parmi les nombreuses initiatives prises


par les prestataires, le SNRC apporte aussi son soutien
au programme FRAB AuRA « Manger Bio Local en
Entreprise ». L’objectif : associer les producteurs bio et
les restaurants d’entreprise pour développer une offre
alimentaire bio locale pour les convives et élargir les
débouchés des producteurs bio rhônalpins. Ce sont 15
restaurants, servant chacun plus de 1 000 repas par jour
et 6 sociétés de restauration collective dont 5 adhérentes
du SNRC qui bénéficient aujourd’hui de ce dispositif. Le
projet s’intègre aujourd’hui dans une dynamique territoriale,
qui permet :
- la valorisation des filières agricoles de proximité,
- la création du lien social entre les acheteurs en
restauration collective et les agriculteurs,
- l’accès à une alimentation respectueuse de l’environ-
nement comme un véritable enjeu de santé publique
auprès de 20 000 salariés,
- la valorisation et la fidélisation des relations de parte-
nariat entre l’entreprise donneur d’ordre et son
prestataire de restauration collective.

93
Nouvelles habitudes alimentaires
La traditionnelle pause déjeuner tend désormais à changer
de forme à mesure que changent aussi les modes de
travail. Télétravail, nomadisme, de nouvelles habitudes se
sont dessinées ces dernières années, dont le snacking,
qui a transformé ce moment du repas en un moment court,
notamment dans les zones urbaines. Plutôt que de s’asseoir
une heure à la table du restaurant avec ses collègues,
le convive choisit de mettre à profit ce temps de liberté au
milieu de sa journée de travail pour exercer une activité
ou se ménager un espace d’isolement. Sortir faire un tour
dans le quartier, s’offrir un moment shopping ou une sieste
rapide, effectuer une course urgente ou même faire du sport,
le déjeuner devient pour certains un rapide moment de
consommation alimentaire au milieu d’une journée chargée.
Les habitudes vont vers un plat à emporter et à déguster
rapidement, ou à savourer seul sur un banc dans un parc
pour un moment plaisir et loin de l’univers professionnel.

Or, c’est aussi le rôle de la restauration collective que de


savoir adapter son offre à ces nouveaux choix qui résultent
en réalité de nouveaux modes de vie. Il s’agit de pouvoir
proposer des menus équilibrés à consommer rapidement
et qui soient une alternative à un sandwich quotidien sous
prétexte que l’on mange désormais « sur le pouce ».
Différentes offres ont donc vu le jour pour proposer des
repas différents et s’adapter aux nouvelles habitudes de
consommation, comme l’alliance d’une SRC majeure et de
Foodchéri, startup française qui s’est spécialisée dans le
déjeuner en livraison, fait maison. La startup est présente
comme application mobile dans plusieurs contrats établis
entre cette SRC et ses clients, comme une garantie de service
complet qui couvre l’entièreté des demandes potentielles des
salariés désireux de bien déjeuner. Si Foodchéri permet au
public de déguster un repas de qualité en un clic, l’entreprise

94
La cantine par le menu

s’inscrit parfaitement dans l’orientation qu’a suivie la


restauration collective ces dernières années : raconter une
histoire par l’assiette et reconnecter le mangeur à chaque
ingrédient qui constitue son plat. Aussi, la plateforme de
Foodchéri détaille chaque plat proposé, ingrédient par
ingrédient, sa provenance (produit de saison, origine France,
pêche durable, bio…), ses informations nutritionnelles et
ce qu’en dit le chef qui l’a concocté. Une excellente façon
de revaloriser l’assiette, même si elle est consommée sur
un banc en une poignée de minutes. Une excellente façon
aussi, pour cette SRC partenaire, de s’affranchir des codes
et carcans des anciennes conceptions de la pause déjeuner,
en prenant le virage de la décennie, celui des repas en
livraison. Ce défi majeur, lié à la digitalisation de notre
quotidien, fait désormais partie de la grille de lecture des
SRC, qui adaptent de plus en plus leurs solutions en restant
à l’écoute de leurs clients.

La géométrie des restaurants d’entreprise se transforme


aussi, suivant les nouvelles attentes des convives. Des
espaces dédiés au snacking s’ouvrent, lieux connectés qui
permettent de venir se restaurer rapidement en poursuivant
une tâche si besoin, avant de prendre une pause à l’extérieur.
Chacun souhaitant désormais gérer ses temps de pause à
l’envi et selon son rythme personnel de travail, le tempo et
l’espace du restaurant va en se modifiant lui aussi.

La digitalisation des modes de vie et la délocalisation des


aires de repas implique aussi un nouveau questionnement
autour de l’emballage. Le plastique devient aujourd’hui une
des composantes à repenser et sa remise en cause ouvre
des défis à la fois complexes et fascinants pour les SRC.

95
Et le recyclage des emballages ?
La population devenant chaque année plus nomade dans
ses habitudes alimentaires, il devenait urgent que les
entreprises du SNRC s’adaptent à la production de repas
à emporter et, ce faisant, se posent la question de leurs
emballages. Ce regard environnemental est de plus en plus
prégnant et réclamé aujourd’hui par les clients qui prennent
conscience de la nécessité du recyclage et de la lutte contre
le gaspillage.

Si le problème du traitement des matériaux écologiques en


bout de chaîne dépend toujours des moyens mis à disposition
par l’entreprise cliente, les prestataires de restauration ont
entamé un virage bien plus tôt que ne l’a fait la restauration
commerciale. Le plastique remplacé par l’amidon de
maïs, les pailles et touillettes en plastique bannies des
recettes… Ces initiatives ont un coût mais, en s’y prenant
tôt, les SRC ont pu mettre en place une logistique, trouver les
partenaires, monter des filières écologiques qui deviennent
viables aujourd’hui. Reste encore à repenser la fin de
cycle alimentaire et à trouver les solutions de recyclage et
compostage satisfaisantes sur tout le territoire français. Ce
qui devra se faire en lien avec les collectivités territoriales,
les entreprises de collecte et un tissu associatif dense encore
trop peu mobilisés.

96
CHAPITRE 2
DANS L’ENSEIGNEMENT

La cantine scolaire, pivot social


de la restauration collective
La pause méridienne dans le milieu scolaire est celle qui
concentre toutes les attentions, et avec le plus de vigueur.
Huit millions d’enfants déjeunent chaque jour à la cantine.
Le secteur de l’enseignement, pour diverses raisons, est
toujours à l’origine des grands bouleversements dans la
restauration collective. Depuis le début des années 1990,
les avis et recommandations se multiplient qui encadrent
la restauration collective dans les écoles et en ont fait
aujourd’hui une restauration toute autre et en très nette
progression qualitative.

Qualité de l’offre alimentaire, rôle éducatif majeur de la


cantine scolaire, normalisation du milieu ambiant lors de la
pause déjeuner, respects des plans d’alimentation, toutes
ces composantes, qui doivent s’accorder aussi avec le
maintien d’un prix social du repas, forment un défi majeur
pour les sociétés de restauration collective qui, toutefois,
demeurent les plus qualifiées pour s’en charger.

Le PNA (Plan National d’Alimentation) qui encadre


notamment la restauration scolaire, a encouragé la mise
en place de diverses mesures qui contribuent aujourd’hui à
l’amélioration des services. On compte notamment la création
d’ateliers « cuisine », d’écoles du goût et de l’alimentation,
de classes du goût, et d’éveil sensoriel ; le contact avec les

97
producteurs locaux pour (re)créer un lien avec le produit, ou
encore la création de jardins potagers dans les écoles.
L’avis N°77 du CNA (Conseil National de l’Alimentation)
précisait en 2017 que l’objectif premier de la restauration en
milieu scolaire est :

« de répondre aux besoins physiologiques et nutritionnels


des enfants et des jeunes, leur permettant ainsi de pouvoir
suivre les enseignements de l’après-midi. Pour cela, il est
nécessaire de leur donner des aliments sûrs, sains, en
quantité suffisante et à leur goût. La civilité, le savoir-vivre,
enseignés de fait durant le temps de la restauration scolaire,
peuvent également être considérés comme un objectif de
base, même implicite (apprendre à partager l’espace, à
respecter les règles de vie, à respecter l’autre). Par ailleurs,
le temps de la restauration doit être vécu dans un confort
minimal en termes de temps et de condition du repas. Il doit
être un moment de récupération et de ressourcement.»

Or, cette mission, les sociétés de restauration collective


adhérentes du SNRC la mènent à bien depuis de longues
années, en conscience des enjeux et responsabilités qui leur
incombent. Les récents travaux dirigés par Nicole Darmon
(Directrice de recherche à l’Institut National de Recherche
Agronomique) en 2016 ont conclu que les besoins
nutritionnels de l’enfant sont désormais largement couverts
par leur alimentation en restauration scolaire.

Les normes établies ces dernières années encadrent


jusqu’au lieu même de restauration, la taille minimale
autorisée pour une cantine scolaire, régulant le bruit et
l’ambiance générale de la pause méridienne, preuve que la
législation et son application suivie vont dans le sens d’une
amélioration constante. Ces recommandations ne sont
toutefois que récentes, sur toute l’histoire de la restauration

98
La cantine par le menu

collective, et les attentes des parents sont toujours


extrêmement sensibles, les critiques vives.

Celles-ci se concentrent toujours sur l’idée que les SRC


produisent selon une logique industrielle. Or, les cuisines
centrales qui livrent les cantines scolaires et divers
restaurants sont de véritables cuisines. Elle réceptionnent les
produits frais et surgelés, elles les préparent et les cuisent sur
place avant de livrer les repas dans la foulée aux restaurants
d’une zone plus ou moins élargie. Cette nouvelle réalité
est le fruit d’une mutation opérée par les cuisines centrales
depuis près de 40 ans. Aujourd’hui elles poursuivent leurs
efforts vers plus de qualité et de plaisir dans l’assiette dans le
respect des normes nutritionnelles et d’hygiène. La vindicte
se soulève aussi régulièrement lorsqu’un ingrédient inscrit
au menu n’apparaît pas le jour dit dans l’assiette. Preuve
pourtant que les produits présentés sont frais et non stockés
dans des entrepôts réfrigérés et disponibles toute l’année,
et qu’ils sont aussi soumis aux possibilités des fournisseurs
ainsi que, plus directement, à la production même.

Par ailleurs, l’école étant un point stratégique des politiques


locales, elle fait aussi l’objet de toutes les attentions de la
part des maires et des directions politiques régionales.
Elle cristallise les promesses et les exigences, et le
bien-être de l’enfant est sans cesse remis au coeur de la
restauration collective. Toutefois, ces attentions ne facilitent
pas toujours le travail des sociétés en charge de nourrir
les plus jeunes. La pression politique tend à resserrer les
contrats et à réduire ainsi les marges de manoeuvre des
SRC pour jongler avec les filières actuelles et les nouvelles
branches dites « de qualité » à mettre en place (bio, labels,
local). Certaines politiques s’appuient aussi sur une DSP
temporaire pour remettre à neuf une cantine scolaire et
former ses équipes pour se réapproprier un savoir-faire au

99
contact de l’entreprise de restauration collective avant de
reprendre la main sur sa propre cantine.
Si ces initiatives sont parfaitement compréhensibles, elles
sont souvent difficiles à maintenir sur la durée car les
collectivités possèdent rarement le réseau et la logistique
dont se sont équipés les SRC, ni parfois leur savoir-faire.
Pensant ainsi reprendre en main la cantine et améliorer
la qualité de l’assiette, les collectivités doivent à leur tour
jongler avec une réglementation très lourde et elles devront
désormais compter elles aussi avec les quotas obligatoires
de la loi EGalim. C’est-à-dire introduire du bio, du label et
du produit de qualité supérieure dans tous les menus, ce qui
implique d’avoir déjà un réseau constitué de fournisseurs de
tous ces produits mais aussi le budget adéquat.

La question du budget devrait peser sur les prochaines


années de mise en place d’EGalim dans les écoles
notamment, puisque les repas y sont déjà très amplement
subventionnés par les collectivités dans le public, mais
atteignent des prix déjà très élevés dans les établissements
privés qui n’ont pas les moyens d’y appliquer le respect
de ces normes de bio et de label. Les derniers relevés ont
montré que ces tarifs sont aujourd’hui inaccessibles à 40 %
des enfants de familles défavorisées, qui ne peuvent pas se
permettre de déjeuner en cantine scolaire. À près de 400 €
par an aujourd’hui (en moyenne, en France), la cantine
devra coûter bien plus cher aux familles ou aux collectivités
si elle doit intégrer toutes les futures évolutions législatives.
Certaines collectivités ont misé sur la subvention totale (et
proposent la cantine à 1 € aux familles pour promouvoir
l’égalité face à l’alimentation) et cette mesure devrait se
démocratiser sur tout le territoire. Mais elle ne tient pas
compte des récentes modifications des textes touchant à
la restauration collective, et l’imbroglio législatif devra d’une
façon ou d’une autre être démêlé dans les années à venir
pour qu’une solution viable et équitable puisse voir le jour.

100
La cantine par le menu

Quel bio à la cantine ?


Pour que les 50 % de produits de qualité entrent dans les
cantines à un coût abordable, les adhérents du SNRC se
tournent pour l’instant vers un approvisionnement proche,
notamment pour des questions de logistique (le stockage et
le traitement du bio ont des exigences spécifiques).

Mais pour qu’EGalim soit efficace, il ne suffit pas d’imposer


au menu des enfants des produits bio, qui ne les touchent
pas plus que les légumes classiques. L’offre alimentaire
scolaire doit aussi imaginer des moyens de susciter l’appétit
des plus petits. Que le chou rouge soit bio ou non, le bol de
100 grammes qui attend le passage de l’enfant risque de
rester sur son étagère et de finir à la poubelle. Une pomme
bio, des pâtes ou des oeufs bio sont facilement consommés
parce qu’ils font déjà partie des habitudes alimentaires
basiques de la plupart des jeunes convives. La réflexion
va donc au-delà de la question de la qualité supérieure du
produit, et rejoint une problématique éducative centrale dans
le scolaire.

Pour faire accepter le produit - bio ou non - il faut aussi et


surtout reconnecter l’enfant à son assiette en lui expliquant
ses ingrédients. Avec une approche ludique et interactive,
les légumes de saison oubliés reviennent au menu, et avec
eux le système agricole local, bio ou de qualité supérieure.
C’est ce qui s’est produit sur les écoles de Brest où une SRC
majeure a introduit en hiver des radis noirs et des panais,
ou encore du potimarron qui, râpés, avaient une forme
plus appétissante et une histoire à raconter. Ce genre de
saveur avait depuis longtemps disparu des cantines : jugées
déplaisantes par les petites bouches, elles avaient fait l’objet
de peu de recettes créatives pour les réconcilier avec les
produits du terroir.

101
Aujourd’hui, la cantine centrale de Brest gérée par cette SRC
parvient déjà à 60 % de bio dans ses prestations, dont toutes
les viandes sont fraîches et label rouge, les purées faites à
partir de pommes de terre, beurre et lait bio, les potages et
pâtisseries faits maison.

Ces réussites doivent se construire avec le client et sur


une volonté qu’il partage, pas seulement sur la base d’une
obligation légale. Cela nécessitera, de la part des politiques
publiques, un questionnement en profondeur des moyens
alloués à la restauration collective. De leur côté, les SRC
ont progressé et offrent déjà des prestations de qualité dans
les écoles, mais n’auront pas les moyens de poursuivre la
progression seules, si les budgets n’intègrent pas rapidement
les dernières évolutions légales.

102
CHAPITRE 3
LA SANTÉ ET LE MÉDICO-SOCIAL

Ces deux secteurs, qui représentent plus de 38 % des repas


servis en restauration collective concédée, sont à la fois
distincts et extrêmements rigoureux dans les exigences qu’ils
posent au quotidien. Leur croissance, liée au vieillissement
de la population, atteint 3 à 4 % par an.

La santé recouvre les hôpitaux et les cliniques (publics ou


privés), et le médico-social les établissements sociaux,
maisons de retraite et établissements spécialisés pour
personnes handicapées (publics ou privés également).
Dans chacun de ces établissements, l’alimentation
des pensionnaires ou des patients revêt une fonction
essentielle inhérente à ce secteur : elle fait partie intégrante
de leur parcours de soin. La priorité, dans le monde de la
restauration de santé, doit toujours rester la sécurité des
convives, un public fragilisé qui demande une attention et
des précautions particulières. Cette restauration obéit à une
logique de grammages pointue, combinée à la nécessité de
répondre aux besoins de chaque patient mais aussi à une
obligation de variété.

L’univers de la santé est très éloigné des restaurants


d’entreprises ou des cantines scolaires, que les convives
sont libres de fréquenter ou non, 5 jours par semaine et
en décomptant les vacances. Dans le secteur médicalisé,
les patients d’un hôpital comme les pensionnaires d’un
EHPAD n’ont pas le choix d’une autre restauration. Ils
représentent un public captif, pour lequel les SRC doivent

103
établir un programme de menus qui couvre les 365 jours
de l’année à raison de 3 repas par jour. Ce public dépend
intégralement de l’entreprise de restauration collective qui se
charge de l’alimenter, soit pour elle une responsabilité bien
plus grande que dans n’importe quel autre univers culinaire.
Les contraintes nutritionnelles liées aux besoins médicaux
de chaque patient se confrontent souvent à des exigences
gustatives et esthétiques qui sont souvent à l’origine des
réactions épidermiques du public.

I Dans les hôpitaux et cliniques

Cliniques ou hôpitaux, privés ou publics, ces établissements


ont un rythme de vie complexe, qui induit une disponibilité
24 heures sur 24. L’alimentation dans ces conditions est
un défi logistique en soi, auquel s’ajoute celui de la durée
variable des séjours des patients et enfin leurs besoins
nutritionnels très spécifiques.

Le personnel des hôpitaux, lui-même, est assujetti à des


rythmes de travail qui varient tellement qu’il est impossible
pour un restaurant ou une entreprise de restauration
collective de prévoir des quantités à l’année.

Cette difficulté croît encore pour les patients, dont la durée


de séjour n’est pas actée et évolue avec l’état de santé. Les
admissions et sorties se suivent en continu, la nuit comme
le jour, et un patient peut entrer pour une journée en hôpital
comme y séjourner finalement beaucoup plus longtemps.
En séjour court, le patient a généralement besoin d’un menu
simplement très équilibré, qui couvre à la fois tous ses besoins
essentiels, mais rarement d’une alimentation spécifique
(sans graisse ni sel par exemple) ; son alimentation, pour
pouvoir convenir aussi au plus grand nombre sans trop de
gaspillage, résulte donc plutôt de l’assemblage d’ingrédients
spécifiquement formulés pour couvrir leurs besoins.

104
La cantine par le menu

L’espace de production alimentaire dans les hôpitaux est


par ailleurs souvent réduit voire inexistant, ce qui oblige les
sociétés de restauration collective à travailler en produits plus
élaborés en amont notamment, et à investir plus largement le
champ des services.

Toutefois, il est possible de remettre la cuisine au centre


de certains services comme l’ambulatoire, où le patient
est plus stabilisé et son séjour plus facilement contrôlé. En
proposant des produits frais relativement accessibles à tous
types de patients, et en proposant du choix parmi une offre
en adéquation avec les besoins de santé de chacun. Ce
type d’ouverture permet aussi au personnel des hôpitaux de
reconnecter avec une alimentation plaisir à laquelle il a moins
facilement accès dans une journée où son temps personnel
lui échappe, en lui redonnant également un contact avec les
produits locaux et le terroir.

Aujourd’hui, la question du « bien manger » est intégrée


par tous et elle revient petit à petit sur la table des hôpitaux.
L’alimentation, primordiale dans le parcours de soin, occupe
une place toujours plus importante dans le traitement des
malades, mais elle doit aussi pouvoir monter dans l’ordre
des priorités des directions des hôpitaux, qui consacrent
aujourd’hui 1 % de leur budget à l’alimentation, alors que
celle-ci est clairement un élément de soin.

II Dans le médico-social

Dans les EHPAD, maisons de repos, établissements


spécialisés pour la population handicapée et autres
structures sociales, l’alimentation revêt la même importance,
mais les possibilités sont plus vastes. La population y réside
sur des temps longs, voire définitifs, et si elle peut être
considérée comme « captive », la durée du séjour ouvre un

105
nouvel enjeu : la possibilité de faire entrer de la variété, voire
des surprises, dans l’assiette.

Varier les menus, les produits, les couleurs, les odeurs, les
textures et les goûts fait aujourd’hui partie de la mission des
sociétés de restauration collective engagées dans le secteur
médico-social, mais sous une contrainte économique
très pesante et qui réduit de beaucoup leurs marges de
manoeuvre. Un pensionnaire, en maison de retraite, doit
pouvoir déguster trois repas par jour, adaptés à son régime
de santé si nécessaire, riches et plaisants de surcroît, ce
qui constitue pour lui une certaine somme à la fin du mois.
Toutefois, les prix de son alimentation sont inclus directement
dans le forfait de son séjour global dans l’établissement,
enveloppant aussi le personnel, la cuisine, ses produits et
son entretien, etc. Pour des tarifs qui évoluent généralement
entre 60 et 150 € par jour. Par ailleurs, des subtilités de calcul
de TVA s’ajoutent au mille-feuilles et compliquent encore la
répartition des coûts de la restauration, notamment avec la
séparation entre pensionnaires et membres du personnel.
Les résidents de l’établissement médico-social sont soumis
sur leur repas à une TVA de 5,5 %, quand le personnel
ou les visiteurs et accompagnants sont soumis à une TVA
différenciée de 10 %.

C’est sous ces contraintes que les diététiciens impliqués


dans le processus de création des menus des entreprises
adhérentes du SNRC ont entamé depuis longtemps déjà une
réflexion culinaire pour varier l’offre alimentaire quotidienne
et sur tout le séjour d’une personne.

Dans le secteur médico-social plus qu’ailleurs, le défi en


cuisine est de parvenir non seulement à faire manger tous
les convives, mais surtout à leur faire apprécier leur repas
avec le même plaisir qu’un repas à la maison. Les menus
sont loin aujourd’hui de ne proposer que des plats sans sel
et bouillis. Au contraire, les adhérents du SNRC ont intégré

106
La cantine par le menu

- autant que les établissements eux-mêmes - l’importance


de rappeler aux pensionnaires leur plaisir de la nourriture
comme un rapport, un lien toujours tendu avec leur vie à
l’extérieur de la résidence.

« Dans les maisons de retraites, les femmes âgées ont


souvent eu un vécu culinaire gourmand. Si elles ont une
famille, elles ont cuisiné pour les enfants, elles ont un
rapport fort aux plats maison. Or, parfois pour la première
fois, elles ne sont plus en charge des courses ni de la
cuisine, elles n’ont plus la main sur les recettes. Certaines
découvrent les repas en collectivité. Et si le plat ne leur
ouvre pas l’appétit, si elles ne peuvent pas se reconnaître
dans la cuisine qu’on leur propose, elles risquent d’arrêter
tout net de manger. L’assiette doit toujours être une joie pour
les pensionnaires, un miroir de ce qu’ils ont vécu, et un lien
rassurant qui motive leur vie actuelle.»

Aurélie Guittet, Directrice des ventes -


secteur médico-social COMPASS GROUP

Ces exigences de plaire transforment aussi les métiers de la


cuisine, dans ce secteur. S’il est plus difficile de fidéliser le
convive et de tisser un lien dans les restaurants d’entreprise,
le rapport est tout autre dans le médico-social. Le cuisinier
et le consommateur ont au contraire un rapport souvent
très personnalisé. Un rapport qui peut même devenir très
personnel (et générer des caprices si un résident choisit
de bouder son assiette parce qu’il n’aime pas le cuisinier),
mais provoque systématiquement une discussion, un
dialogue et pousse chacun des membres de la cuisine sur
place à se dépasser quotidiennement pour plaire. Ils font
autant partie de l’établissement que les membres soignants
ou le personnel accompagnant, en cela qu’ils participent
activement au quotidien des pensionnaires et à l’un de

107
leurs moments de plaisir. Dans le milieu du handicap, tout
particulièrement, où les journées sont rythmées, organisées,
et où le repas constitue un réel temps de liberté, de détente
et d’échange.

Cette attention au partage et à l’humain se combine à un


savoir-faire constamment enrichi. Les équipes travaillent
aujourd’hui diverses techniques de transformation de la
matière pour fournir à chacun un plat qui lui ressemble
tout en gardant le même menu et sans pointer du doigt ses
éventuelles différences physiques ou de santé. Il n’est pas
seulement question d’exécuter des recettes de « mixés »,
« manger-main » et autres textures adaptées à un public
affaibli. La première approche n’est pas la forme mais la
dimension plaisir. Il faut pouvoir faire passer les contraintes
culinaires derrière cette première priorité.

Cela tient notamment à l’évolution des recherches et des


discours sur l’alimentation en milieu de santé. Le discours
culpabilisant et restrictif qui consistait auparavant à limiter les
aliments à leur utilité de régime (sans sel avant tout) faisait
de l’alimentation un ennemi. Face à des repas fades mais
« sains », sans notion de plaisir, les patients comme les
résidents de maisons spécialisées ont tendance à se dénutrir.
Aussi, la bascule penche aujourd’hui vers une priorisation de
la qualité de vie (hors cas pathologiques très sérieux).

Par ailleurs, les établissements d’accueil des personnes


âgées constituant souvent leur dernière résidence,
l’importance du plaisir paraît d’autant plus forte. Bien
se nourrir pour profiter du quotidien devrait faire partie
des mêmes exigences qui ont marqué la vie entière du
pensionnaire jusqu’à son entrée dans l’établissement.

La mode des régimes pour personnes âgées s’appuyait


aussi sur une mauvaise compréhension des problématiques
qui entouraient parfois leur entrée dans l’établissement.

108
La cantine par le menu

Avant de s’installer en résidence spécialisée, ces personnes


sont souvent affaiblies et dénutries - ce qui constitue souvent
par ailleurs un motif de placement dans l’établissement. À
leur entrée, toutefois, elles renouent avec l’habitude des trois
repas par jour, aussi complets que possible, et elles prennent
alors souvent du poids. La réaction médicale classique est
ensuite de les mettre à la diète, par réflexe. Cela a pour
conséquence d’accentuer une sensation de tristesse et
d’abandon de leurs habitudes antérieures, quand leur séjour
devrait à l’inverse leur offrir une richesse de plaisirs qu’ils ne
pouvaient plus se permettre en vivant seuls.

Dans le monde du handicap, les cas pathologiques sont


plus fréquents et l’alimentation doit rester plus encadrée. La
mission de la restauration collective sur ce segment consiste
plutôt en une forme d’éducation à la nutrition et au bon
repas maison, dans la mesure où certains des convives sont
amenés par la suite à (re)prendre leur vie en main et donc à
cuisiner pour eux-mêmes à terme.

Le moment du repas est donc pour eux une façon de


préparer leur future autonomie et leur nouveau départ.
La SRC chargée d’un établissement social de ce type a
donc pour vocation d’être force de proposition chaque
jour et à chaque repas, et d’accompagner à implanter des
habitudes de variété et d’équilibre. Les sociétés le font par
le biais d’activités ludiques, d’offres alimentaires rythmées et
structurées par des icônes, des pictogrammes et des aides
pour identifier clairement le contenu de l’assiette, tout en
renforçant la notion quotidienne d’équilibre.

Et la place du bio ?
Si l’alimentation constitue une bonne médecine, elle ne peut
que gagner en efficacité en intégrant des produits de qualité
supérieure. Mais il faut pour cela que les acteurs du monde

109
médico-social aient les moyens d’augmenter leurs budgets
alloués à la cuisine. La différence de prix entre le produit bio
et le même produit « classique » effraie souvent et ferme la
porte à la discussion.

Le secteur de la santé (notamment de l’hôpital) étant


responsable de l’un des plus gros gaspillages réalisés
en restauration collective, repenser les grammages et la
production pour réduire les pertes pourrait contribuer à
réaliser des économies substantielles à réinjecter par la suite
dans des achats dirigés vers les filières bio et les labels.
D’autres pistes existent aussi, notamment dans la manière
dont le service, de la prise de commande à la consommation,
peut être repensé.

Par ailleurs, la mutualisation des moyens hospitaliers


entamée depuis une dizaine d’années par la loi Hôpital de
2009 s’oppose fortement à la logique d’approvisionnement
local et de terroir qu’induisent à l’inverse les politiques
agricoles récentes. Et il faut envisager là aussi de structurer
rapidement les filières du bio et des labels sur le territoire
français pour qu’elles puissent répondre à des offres
d’ampleur et assumer une production soutenue.

UNE INITIATIVE RÉUSSIE :


LA MAISON DE RETRAITE LA ROSERAIE
(À GESTÉ, DANS LE MAINE-ET-LOIRE)

Pour lutter contre la dénutrition des personnes âgées et


leur redonner le goût de manger, une SRC a repensé toute
la cuisine avec créativité et en prenant le parti du
tout naturel.
Elle a mené un accompagnement des équipes et une
réorganisation du service via ses formateurs métiers qui

110
La cantine par le menu

ont monté un programme sur-mesure. Quelques


changements sont apparus dans le restaurant…
- Une vaisselle spécialement choisie pour évoquer des
souvenirs aux pensionnaires rien qu’à la vue de la
présentation des plats.
- L’usage de gélifiants naturels qui ne dénaturent pas le
goût des ingrédients pour retravailler les textures des
plats dits « manger-main ». Ainsi, les cuisiniers recréent
de la salade ou du fromage accessibles en manger-main.
- Une nourriture enrichie sur-mesure par un protocole
établi avec les nutritionnistes et selon des ingrédients
naturels plutôt que par une surcharge de médicaments
qui, lorsqu’ils sont saupoudrés dans la nourriture,
dénaturent le goût et détournent le convive de
son assiette.
- Une personnalisation des plats, à la fois dans la
dimension plaisir et dans les obligations nutritionnelles.
Les équipes de la SRC travaillent aujourd’hui en
partenariat complice avec l’équipe médicale pour adapter
l’offre au jour le jour et aux résidents. En créant une fiche
d’identité culinaire pour chaque résident et des tableaux
de suivi médicalisés et évolutifs pour l’enrichissement
alimentaire des personnes dénutries, les équipes
parviennent à proposer une cuisine riche, appétissante et
pleine de surprises pour tous les pensionnaires.
Et à recréer un vrai plaisir du repas, tant du moment
partagé que de la dégustation.

111
CHAPITRE 4
LE SECTEUR INSTITUTIONNEL

De nombreux autres établissements français du secteur


institutionnel ont recours aux services de la restauration
collective. C’est le cas de certains ministères, d’institutions
publiques ou de sites comme l’UNESCO, où le
fonctionnement est très similaire à celui de la restauration
d’entreprise. Et c’est enfin le cas des armées et de l’univers
carcéral, qui nécessitent une logistique très spécifique et
sont soumis à des réglementations extrêmement strictes.

La particularité commune à tout le secteur institutionnel, est


qu’il dépend de marchés publics. Les contrats sont donc
soumis à des appels d’offre, qui interdisent la reconduction
automatique et limitent également les monopoles. Il s’agit
également d’un secteur soumis à des pénalités dont les
montants peuvent mettre en péril l’équilibre du partenariat.
La rigidité du cahier des charges est absolue et, si un
prestataire peut à tout moment réorganiser son offre en
cas d’imprévu (retard ou défauts dans les récoltes chez
ses fournisseurs, réorganisation de la logistique) dans un
marché privé, cela lui est strictement interdit lorsqu’il répond
à un contrat institutionnel.

Ce contrat exige par exemple une réactivité chronométrée de


ses équipes sur un établissement pénitentiaire. Une lampe
défectueuse dans une coursive (sur une cantine exploitée
par une entreprise de restauration collective) doit être
changée dans un délai de 30 minutes, et la moindre seconde
de dépassement conduit aussitôt à une forte pénalité. Un

112
La cantine par le menu

site militaire tel que l’Hexagone Balard (siège du Ministère


des Armées, à Paris) exige par contrat que les plats soient
servis à une certaine température. Au-dessous ou au-delà,
l’entreprise reçoit une pénalité. Il exige aussi que la cuisine
offre exactement la même quantité de choix de la première à
la dernière minute de son service, ce qui oblige à penser des
quantités bien supérieures aux besoins réels des convives.

En revanche, si cette logique pénalisante vise à encourager


une performance impeccable de la part du restaurateur, elle
ne comporte pas de volet valorisant qui récompenserait une
exécution parfaite ou des initiatives positives prises dans
l’exercice de la restauration. Or, un équilibre est à trouver
dans l’intérêt des deux parties.

I Les armées

Les établissements militaires sur le territoire français


dépendent d’une logistique très spécifique mais aussi de
contraintes nutritionnelles uniques. Celles-ci doivent prendre
en compte le type de profil (activité légère, de bureau, activité
physique soutenue, activité physique extraordinaire...) et y
adapter les grammages comme les apports. Le choix des
produits est lui-même soumis à un contrôle strict, qui ne
correspond pas toujours aux logiques d’approvisionnement
déjà mises en place localement par l’entreprise restauratrice.

L’armée disposant en général de ses propres infrastructures,


le prestataire de restauration occupe plutôt un rôle
d’accompagnement sur ce secteur, en gérant le maintien des
plats à bonne température sur les bases militaires auxquelles
il est lié.

113
II Le monde carcéral

La population carcérale fait l’objet, depuis des années,


d’un axe de travail spécifié dans le PNA (Plan National
pour l’Alimentation), qui vise à faciliter l’accès de tous à
une alimentation de qualité. L’une des orientations du PNA
prévoit spécifiquement « d’améliorer l’offre alimentaire en
milieu carcéral et favoriser la réinsertion par l’alimentation
des personnes majeures sous main de justice et des jeunes
sous protection judiciaire ». Il s’est notamment penché
sur la meilleure façon d’aborder la cuisine dans les lieux
de détention pour respecter non seulement les besoins
nutritionnels de la population mais aussi ses attentes
envers l’assiette.

Les lieux de privation de liberté font naturellement l’objet d’un


contrôle accru de la part de l’administration. Ce qui signifie
une organisation spécifique, stricte et très réglementée pour
fournir un service de restauration dans ces établissements.
Toute la conception des menus et des recettes est soumise
à la validation en amont de l’administration pénitentiaire,
qui accepte ou sanctionne le moindre geste lors d’une
commission trimestrielle. Cette commission s’assure,
comme dans les autres secteurs, que tous les menus
proposés respectent bien les textes contraignants (suivant
les recommandations du GEMRCN, entre autres) en termes
de qualitatif, de nutritionnel, de variété et de quantité.

Le cahier des charges est plus précis que nulle part


ailleurs, plus contraignant encore que dans le secteur de
la santé, puisqu’il doit s’appliquer à des détenus d’âges et
de conditions physiques et de santé très divers. S’agissant
de lieux de détention permanente, les menus doivent être
élaborés pour les 365 jours de l’année et couvrir les trois
repas quotidiens. Trois menus doivent être proposés chaque
jour, un menu dit « normal », un menu sans porc et un menu

114
La cantine par le menu

sans viande (contenant toutefois du poisson ou des oeufs,


pour un apport nutritionnel maximal), qui doivent couvrir
toutes les attentes alimentaires des détenus, selon les
exigences confessionnelles de chacun. Ils respectent là aussi
une saisonnalité à l’année, avec quatre cycles principaux de
menus répartis en treize semaines différenciées.

Les besoins nutritionnels des détenus doivent être étudiés


précisément en fonction du type d’établissement, des
conditions d’incarcération (durée courte en attente de
jugement, peine longue), de la possibilité de chacun de
pratiquer un exercice physique, de son âge et sa condition
physique. Les menus varient ainsi d’un centre de détention
pour femmes à une maison d’arrêt masculine.

Tout cela suppose, outre la validation des recettes, une


organisation sur place qui répond à des rituels millimétrés et
extrêmement surveillés. Qu’il s’agisse d’une cuisine sur place
ou d’une cuisine centrale, les livreurs, le personnel, et toute la
logistique doit être maîtrisée selon un planning horaire précis,
validé et contrôlé et habilité par l’administration pénitentiaire.

Les particularités du milieu carcéral se prolongent en


cuisine et sur le service, car chaque repas est préparé
en collaboration entre les équipes du prestataire de
restauration et une équipe de détenus. Cette collaboration
est une occasion de réinsertion par le travail des détenus,
qui se forment aux métiers de la cuisine et aux métiers de
bouche, aux contraintes d’hygiène et de sécurité, tout en se
reconnectant avec un certain plaisir du travail en équipe. Elle
permettent aussi un contact des détenus avec des traditions
culinaires qui leur ressemblent : de la pâtisserie aux plats
typiques d’une région, la cuisine en collaboration offre un
retour au « fait maison » qui vise à maintenir le plaisir de
l’alimentation. En cuisinant, les détenus se réapproprient une
certaine forme de leur alimentation, qu’ils assaisonnent selon

115
leurs goûts personnels, réintroduisant ici dans leur quotidien
un peu de la notion de choix.

Ces initiatives participent aussi d’une certaine manière


à retisser un rapport de confiance entre les détenus en
garantissant une alimentation saine, de qualité et en
toute sécurité.

Lorsque l’administration le permet, les SRC en charge


peuvent aussi organiser des ateliers ouverts à des détenus
qui n’y participent pas d’ordinaire, des concours de cuisine,
voire la venue de grands chefs pour accompagner à la
préparation d’un menu spécial.

DES SOLUTIONS INNOVANTES


QUI PARTICIPENT D’UN ÉQUILIBRE AU SEIN
DE L’ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE

- Dans le centre de Saint-Mihiel (Meuse), les palettes


fournies et non récupérées par les clients sont remises
en état par des personnes détenues. Ce travail
représente un emploi à mi-temps tout au long de l’année,
l’autre moitié du temps de travail étant consacrée au tri
sélectif. Grâce à ce recyclage, l’établissement ne
commande plus de palettes depuis la mise en place de
cette procédure. 500 palettes revalorisées, représentent
une économie de 3 000 euros par an.
- À Neuvic (Dordogne), l’administration du centre de
détention et le segment Justice Services de la SRC en
charge ont sollicité le Syndicat départemental des
déchets de la Dordogne pour mettre en place une
politique de gestion des déchets au sein de cet établis-
sement. Un composteur collectif de 20m3 a été installé,

116
La cantine par le menu

pouvant accueillir jusqu’à une tonne de déchets


alimentaires chaque mois. Le compost récupéré a
ensuite vocation à être réutilisé pour les plantations des
espaces verts environnants.

La démarche a permis de sensibiliser les centaines de


détenus au gaspillage alimentaire et aux problématiques
environnementales. Elle est aussi un exemple réussi de
collaboration des collectivités et administrations avec
une entreprise de restauration collective, et preuve que
les politiques locales fonctionnent en parfaite intelligence
avec les restaurateurs.

La variété des secteurs et la diversité de leurs exigences


sont déjà un gage d’adaptation, de flexibilité et de
professionnalisme des entreprises de la restauration
collective concédée. Elles sont aussi la garantie d’un maillage
très complet du territoire par ces sociétés qui assurent le
dynamisme de toute la filière et enrichissent chaque secteur
des savoir-faire développés pour répondre aux exigences
des autres.

117
POSTFACE

Par Patrice Noisette,


Professeur à l’ESSEC Business School

Trois enjeux sous-tendent aujourd’hui la dynamique de la


restauration collective sous contrat, qui doivent inspirer
ses entreprises mais aussi être mieux connus du public
et débattus.

La question de la « délégation de service public » inscrit la


restauration collective dans une longue tradition française
qui a généré au fil des années des cultures et des savoir-faire
spécifiques de la part de ses entreprises.

Cette gestion déléguée est vertueuse dès que les deux


acteurs sont inscrits dans leurs rôles respectifs et se trouvent
à égalité de compétences et d’informations. C’est là, quand
s’établissent ces facteurs d’équilibre, que se joue le meilleur
des deux compétences. La compétence publique, d’une
part ; capacité à définir des objectifs, prendre en compte
les attentes des citoyens, porter et argumenter le service
auprès d’eux et contrôler en utilisant tous les outils de l’action
publique : cette capacité s’exerce d’autant plus pleinement
qu’elle n’entre pas en conflit avec elle-même. Confiant
dans la qualité du service, du modèle économique et de la
qualité de la relation avec les entreprises développant les
compétences spécifiques, l’acteur public permet à celles-ci,
d’autre part, de maintenir leur degré d’exigence et la
réputation qui en découle, et qui leur permet de développer
leurs contrats. Cette synergie, bien construite, contrôlée et
animée, s’avère efficace dès lors que chacun admet qu’il
est dans son rôle. Soit lorsque l’entité publique ne reproche
pas à son délégataire les bénéfices légitimes qu’il engendre

118
La cantine par le menu

en remplissant parfaitement son rôle - et que le délégataire


accepte, par le même accord, son contrôle et se comporte de
manière transparente.

Par la bonne conduite d’une gestion sous-traitée et la


compétence des entreprises, ces dernières offrent aussi
la possibilité d’acquérir une expérience à travers des
contextes locaux très différents, où elles propagent des
savoir-faire à travers les villes et les territoires. Auprès de
leur personnel comme des acteurs de chaque contrat, les
sociétés de restauration collective sont des pollinisateurs de
compétences et d’expérience.

Cette question de la sous-traitance est aujourd’hui


réinterrogée par l’ensemble des mutations actuelles
(organisations publiques, réorganisations territoriales…),
ouvrant à la fois de nouvelles questions et inquiétudes mais
aussi de belles opportunités et possibilités d’innovation.

La restauration collective sous contrat fait, elle, face à de


récents impératifs qui devraient occuper désormais une
place essentielle dans son engagement.

L’une des spécificités de cette activité de restauration est


qu’elle s’adresse à une très grande variété de publics, qu’elle
touche dans des contextes spécialisés (enseignement,
petite enfance, santé, travail…). Ce qui lui offre de multiples
possibilités de toucher ces consommateurs à des âges et
dans des situations différentes. Dans ce cadre d’exercice,
la restauration collective sous contrat obéit aujourd’hui à de
nouvelles exigences de bonne santé (alliant aussi la notion
de bien-être) et de transition écologique, qui s’expriment
aussi bien auprès de ses clients que des consommateurs
finaux. Elle se doit donc, envers ces derniers, de favoriser
une évolution des comportements alimentaires comportant
une dimension pédagogique autant que de sensibilisation
(actions ludiques dans le cadre scolaire, éducative auprès

119
des publics adultes, information, conférences). Elle est
aussi appelée à mettre en place de nouveaux contextes
d’information, notamment à travers les réseaux sociaux,
nouveaux vecteurs d’influence.

Sur ces axes de travail, elle peut également développer


aujourd’hui un vaste potentiel d’évolution des métiers et de
positionnement des entreprises.

En amont, la restauration collective doit aujourd’hui se


positionner comme moteur du changement, à travers ses
nouveaux modèles de contrats, en lien avec les collectivités
territoriales et, plus largement, dans le contexte de l’évolution
d’une agriculture raisonnée, du bio, des circuits courts ou
encore de l’agriculture urbaine.

L’alimentation est devenue un enjeu territorialisé, où


s’imbriquent des problématiques de circuits, de localité
et d’intégration des producteurs. Celles-ci ne s’opposent
pas, toutefois, à une dynamique d’échanges mondialisés
- au contraire. Il ne s’agit pas d’opposer retour au territoire
et mondialisation, mais de (re)travailler un lien d’inclusion
et de territorialisation efficace en définissant de nouvelles
chaînes d’approvisionnement.

Dans le même temps, s’ouvre la possibilité d’une nouvelle


étape dans la gestion de la décentralisation, c’est-à-dire,
dans la relation des villes aux espaces ruraux. Les questions
de production alimentaire rejoignent aujourd’hui celles de
nouvelles relations entre les milieux urbains et ruraux, entre
une sorte de « retour de l’urbain à la terre » à travers une
agriculture internalisée dans la ville et les formes nouvelles
d’une agriculture rurale réapprovisionnant la ville.

Un axe supplémentaire et encore trop méconnu aujourd’hui


est celui des ressources humaines, souvent maîtrisées
par les sociétés de restauration collective à un excellent

120
La cantine par le menu

niveau. Mais, en dépit de leur forte culture de la gestion


prévisionnelle des emplois et des compétences, de leur
culture de l’insertion et du CDI, elles souffrent encore des
vestiges d’une mauvaise réputation de leurs métiers et de
difficultés à recruter.

C’est pourquoi les axes de changements évoqués plus


haut doivent aujourd’hui être soulignés et permettre de
revaloriser le secteur auprès d’une population jeune en
recherche d’activité.

Par ailleurs, le secteur peut aussi être le moteur de futures


exigences législatives et juridiques, pour dépasser la
tradition d’obligations et d’interdictions du droit français.
Cette culture réglementaire - qui entame tout juste sa mue
- tend encore beaucoup à traduire des objectifs publics par
de la réglementation et par une approche très technique et
normative, plutôt que d’exprimer ces objectifs en donnant
plus de liberté quant aux manières de les atteindre. Si la
norme peut être pensée, jusqu’au niveau européen, pour
pousser l’ensemble des acteurs à s’élever vers des objectifs
et des ambitions, c’est là que les sociétés de la restauration
collective peuvent faire une différence en proposant de
nouveaux axes d’innovation, plutôt qu’une réflexion sur
la sanction ou les incitations. En offrant par exemple
de réorganiser - comme elles le font déjà - les chaînes
alimentaires en amont, et en créant de nouvelles chaînes de
valeur qui permettraient de réfléchir à une nouvelle fiscalité
pour une plus juste rémunération de tous les acteurs.

En travaillant sur ces axes, les entreprises de restauration


collective peuvent assurément exercer un réel pouvoir
d’influence sur les changements et mutations qui traversent
actuellement ce secteur.

Texte tiré d’un entretien avec Patrice Noisette, réalisé pour la


conclusion du présent ouvrage.

121
SOURCES PRINCIPALES
- Rapport 16060 du CGAAER « Sociétés de restauration
collective en gestion concédée, en restauration commerciale
et approvisionnements de proximité (consultable sur https://
agriculture.gouv.fr/societes-de-restauration-collective-en-
gestion-concedee-en-restauration-commerciale-et)
- Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire
(2013) (consultable sur https://agriculture.gouv.fr/
presentation-du-pacte-national-de-lutte-contre-le-
gaspillage-alimentaire)
- Recommandation Nutrition Gem Crn 2015 (consultable sur
https://www.economie.gouv.fr/files/directions_services/daj/
marches_publics/oeap/gem/nutrition/nutrition.pdf)
- Brochure SNRC 2017
- Documentation propre et informations site SNRC
- Brochure SNRC « Du bio à la cantine » Mode d’emploi 2e
édition 2015
- https://restauco.fr/
PRESSE :
- https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/20/
cantines-scolaires-le-defenseur-des-droits-se-penche-sur-
les-discriminations-d-acces_5478798_3224.html
- http://www.up-magazine.info/index.php?option=com_
content&view=article&id=8789:militer-pour-des-
cantines-scolaires-responsables&catid=175:securite-
alimentaire&Itemid=2031
- h t t p s : / / w w w. n e o r e s t a u r a t i o n . c o m / a r t i c l e /
palmares-de-la-restauration-collective-2019,44797
- Viande Magazine, N°431

122
La cantine par le menu

REMERCIEMENTS
Jean-Christophe Barusseau Aurélie Guittet
Yvan Cadou Claudine Martin
Frédéric Deren Hervé Morillon
Laetitia Desvignes Florent Moulis
Marie-Hélène Djian Jean-Michel Noël
Sandrine Dufay Patrice Noisette
Carole Galissant Pauline Richard

123
Conception réalisation : Parties Prenantes -
Source : SNRC - Mise en page : G. Le Roux - kiwi’s icon made by Smashicons
from www.flaticon.com

© SNRC, Novembre 2019

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