Christologie Et Soteriologie Selon Karl

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CENTRE SEVRES

1 1993-1994

l
1

l
1
CHRISTOLOGIE ET SOTERIOLOGIE

l D'APRES LA SIXIEME ETAPE

DU TRAITE FONDAMENTAL DE LA FOI


]
DE KARL RAHNER
]

\
1

J
1
J MEMOIRE PRESENTE PAR JEAN-MARIE HYACINTHE QUENUM

POUR L'OBTENTION DE LA MAITRISE EN THEOLOGIE


J
DIRECTEUR: P. MICHEL FEDQU
J
J
J .1 io!

-. -
J
l
1

CHRTSTOLOGIE-ET SOTERI L G~

D'APRES LA SIXIEME ETAPE DU TRAITE FONDAMENTAL DE LA FOI

DE KARL RAHNER

INTRODUCTION

Dans la perspective chrétienne, le mystère le


plus grand de la destinée humaine est celui du premier
avènement de l'Homme-Dieu, Jésus Christ. Appartenant à l'un
et l'autre testament, Jésus Christ s'est imposé dans
l'histoire humaine comme le sauveur absolu de l'humanité et
du monde par sa vie, sa mort et sa résurrection.

Désigné par ses disciples comme l'Alpha et


l'Omega du monde "c'est lui qui, aux jours de sa chair,
enseigne l'Ecriture, ayant présenté, avec une violente
clameur et des larmes, des implorations et des
supplications à Celui qui pouvait le sauver de la mort, et
.J ayant été exaucé en raison de sa piété, tout Fils qu'il
était, apprit de ce qu'il souffrit, l'obéissance; après
J avoir été rendu parfait, il est devenu pour tous ceux qui
lui obéissent principe de salut éternel(Heb.5,7-9)

J
C'est ce mystère le plus grand de la destinée
humaine qu'a eu le courage intellectuel d'aborder le très
respecté théologien catholique Karl RAHNER dans le TRAITE
FONDAMENTAL DE LA FOI

Dans la sixième étape du TRAITE FONDAMENTAL DE LA


FOI intitulée JESUS CHRIST, Karl RAHNER réhabilite contre
les méprises monophysites et mythologiques le sens
historique de l'événement du Christ dans l'existence
humaine.

Pour suivre les axes majeurs de sa christologie


et de sa sotériologie, nous nous proposons de mener notre
enquête en cinq temps:

Nous nous attacherons d'abord à présenter dans


leur plus grande généralité la christologie et la
sotériologie rahnériennes à l'intérieur d' une vision
évolutive du monde.

En deuxième lieu, contrairement à l'ordre logique


du TRAITE FONDAMENTAL DE LA FOI, nous verrons comment le
mystère pascal introduit dans l'histoire la foi en la
résurrection et en !ICelui qui apporte absolument le salut".

Cette deuxième partie du travail se justifie par


le fait que nous établirons dans notre investigation que la
résurrection est le lieu théologique décisif de la relation
de Jésus à Dieu et à l'histoire humaine.

Ensuite nous mettrons en évidence la Christologie


Transcendantale qui ouvre un nouveau chemin pour repenser
la sotériologie.

Nous devrons récapituler, en terminant, les

l conclusions auxquelles nous aura


sixième étape du TRAITE FONDAMENTAL DE LA FOI
conduits l'étude de
en indiquant
la
dans quelle mesure Karl RAHNER reste tributaire de la
.3 christologie néo-testamentaire et magistérielle.

Enfin, nous confronterons sa problématique aux


approches christoîôgiques dës tnédIogiens èblîtëinp'o-rairïs qui
ont été à l'écoute de ses riches intuitions.

I. LA CHRISTOLOGIE AU SEIN D'UNE VISION EVOLUTIVE DU MONDE

Karl RAHNER adresse sa christologie au monde


moderne imprégné d'une vision évolutive de la vie. Ce monde
en possession de moyens techniques et scientifiques
interprète l'existence comme une transformation graduelle
et continuelle du vivant.

La vision évolutive du monde remonte à l'origine


insaisissable. Elle rend compte de la matière vivante comme
d'une réalité qui s'auto-organise du simple au complexe
avec des lois de transformation progressive. Ces lois sont
perceptibles par l' esprit humain La vie émerge de la
matière et trouve son accomplissement en l' homme, pointe
fine de l' espri t et de la matière. Et c'est l' esprit de
l'homme qui s'interroge sur son origine à partir des
limitations des réa.lités corporelles et spatio-temporelles.
-'

La problématique de l'origine et de la finalité


de l'aventure de la matière et de l'esprit comme phénomène

J universel
d'une
sera
sotériologie
le lieu et
dans
l' enj eu d' une
la sixième
christologie et
étape du TRAITE
FONDAMENTAL DE LA FOI .
1
..J
Nous essaierons de rendre compte de la manière
dont le théologien tente de réconcilier la doctrine de
l'incarnation avec une interprétation particulière et
l 'historique de l' ori-gine de -l' -univers l de la vie et de
l'humanité.

Nous évaluerons en quoi la lecture finaliste


d'une image du monde peut fournir à la christologie et à la
sotériologie de nouveaux concepts comme voies d'accès au
mystère révélé.

A. LA VISION EVOLUTIVE DU MONDE


ET L'INCARNATION DE LA PAROLE DE DIEU

Pour Karl RAHNER 1 "la question la plus radicale


et finalement plus évidente pour la foi chrétienne serait
de se demander comment une vision évolutive du monde peut
se justifier par-devant la foi chrétienne " (TTF p. 205-
206) .

Dans le traitement de la question l le théologien


ne décrit pas l'image évolutive du monde qui prévaut en
notre temps. Il s'appuie sur le dogme fondamental du
christianisme qui affirme que la Parole de Dieu est devenue
chair. Il n'en fait pas un moment nécessaire et intérieur à
la vision évolutive du monde mais il tente de trouver une
affinité intérieure entre une vérité de foi qui peut
traverser tous les temps et une image du monde située dans
un temps et dans un espace culturel déterminés par les
progrès de la rationalité.

l
5 s
Il écarte toute interprétation du dogme
fondamental du christianisme comme parole d'autorité ayant
la force de la chose jugée.

Il retient des idées de Pierre Teilhard de


Chardin que l' homme est la clef de l'évolution finale de
l'univers. Mais sans s'annexer les théories du Jésuite
français il réintègre l' homme et le phénomène spirituel
dont il est porteur dans le monde matériel et historique où
le Dieu mystérieux et ineffable par grâce se communique à
lui.

Cet homme est esprit dans le monde dans la mesure


où il se libère de la matière qui lui sert de cadre spatio-
temporel pour s'ouvrir à tout ce qui existe avec la
possibilité de se dépasser continuellement. En se dépassant
l'homme remonte à la source première de son origine qui se
trouve enveloppée dans le mystère de celui qui accomplit le
caractère permanent de son aspiration à être du monde sans
n'être que du monde.

Ainsi "le même et unique homme se comprend lui-


même, ainsi que le milieu qui lui appartient de façon
nécessaire comme matière pour autant que l'acte de ce
retour à soi dans l'expérience du renvoi au mystère qu'il
convient d'accueillir de façon aimante n'advient que dans
une rencontre avec ce qui est singulier, avec ce qui se
montre à partir de soi, avec ce dont on ne peut
concrètement disposer et qui nous prévient de façon
inéluctable. C'est comme matière que s'expérimente l'homme,
lui et le monde qu'il rencontre immédiatement lorsqu'il

J s'appréhende comme
s'accepter, qui d'emblée est donné à
celui qui est de fait,
lui-même,
qui
et qui par
doit

là n'est pas encore percé à jour lorsqu'au coeur de la


connaissance comme possession de soi se tient ce qui est
étranger à soi et non disponible pour soi. La matière est
la condition de possibilité de cette altérité objective que
le monde et l'homme sont à eux-mêmes, condition de ce que
nous expérimentons immédiatement comme espace et temps
l (précisément lorsque nous ne pouvons objectivement
objectiver cela conceptuellement). La matière signifie la
Gondi-tion de cette altérité qui al iène l' homme par _xappor_t
à lui-même et par là précisémeht le fait de ven-ir à lui-
même, et la condition de possibilité d'une
intercommunication immédiate avec d'autres étants

l spirituels dans l'espace et le temps,


matière est le fondement de l'être-donné
dans l'histoire.
de ce qui
La
est
autre comme matériau de la liberté, fondement de la
communication réelle des esprits finis dans la connaissance
et l'amour réciproques. " (TTF p.21D-211)

Selon le texte cité, l' homme a la capacité de


connaître le monde matériel dont il émerge. limité et
engagé dans le processus d'une connaissance provisoire de
la réalité, l' homme sait qu'il n'a pas la connaissance
ultime de l' univers matériel qui l'entoure. Cependant la
structure du monde qui se manifeste à lui dans l'expérience
empirique le renvoie à une instance qui ne fait pas partie
de la manifestation de l'univers matériel. Cette instance
est la condition ultime de la réalité qui entoure l'homme
et le positionne dans le monde. Aussi l' homme a-t-il la
conscience d'une radicale dépendance par rapport à cette
instance qui est le fondement et la source de vie de son
être-au-monde.

L'univers trouve son achèvement et son sens dans


le phénomène humain qui s'oriente vers un but. Ce but se
laisse percevoir à travers l'horizon fuyant de l'auto-
transcendance de l'homme.

J L'auto-transcendance de l'homme est l'aspiration


de l' homme à évoluer dans une réalité essentiellement en
devenir. Elle permet à l' homme d'émerger comme événement
vers l'improbable, l'imprévisible et l'inédit.

J
7
Cette orientation de l'homme vers un parfait
accomplissement se heurte à la loi de la corruption de
l'univers matériel. Mais l'homme dans son invincible
espérance aspYr'e à un àvenîr au-delà de l'uni vers mat·ériël.
Cet avenir est inconcevable à partir de la vie empirique de
l' homme. Cependant l' homme comme phénomène spirituel est
ouvert au-delà de sa mort biologique à une vie en
plénitude. Cette vie en plénitude ne peut être qu'un don de
la source de vie. Cette source de vie qui se manifeste
l concrètement et historiquement dans le monde matériel dont
l'homme émerge est le fondement de l'espérance invincible
de l'homme.

La source de vie qui est au fondement de l'être-


au-monde de l'homme se donne sous forme d'événement. Elle
se déploie dans le monde matériel qui n'est pas son
fondement puisqu'elle le transcende. Cette source de vie
qui transcende le monde matériel est en même temps
immanente à lui tout en ne dépendant pas de lui.

Une transcription chrétienne de la réalité de


cette source de vie établirait que sa relation fondamentale
au monde réside dans le fait de la création dont la
finali té est l'incarnation du phénomène humain par
excellence qui est le révélateur de cette source de vie se
communiquant aux hommes.

L'incarnation du phénomène humain par excellence


est le mode de communication aux hommes par lequel par
grâce la source ineffable et mystérieuse de vie se
communique de façon définitive, insurpassable et

J irréversible sous
individuelle dl un homme.
la forme concrète,
Cet homme par excellence partage
historique et

réellement et effectivement la condition précaire du monde


1
tout en étant la révélation définitive de cette source de
vie immuable et éternelle. La condition humaine devient
1
J ainsi l' histoire personnelle du révélateur par excellence
o
de cette source de vie parmi les hommes. Homme parmi les
hommes, cet homme a une figure historique déterminée. Il
est façonné par une culture particulière. Il partage avec
ses contemporains une vision particulière du monde, un
système de valeur.s et une forme d'organisation so_ciaIe.. Il
fait des expéri-ences humaine-s- et historiques. Il est un
homme devant la source mystérieuse et ineffable de vie.
Comme homme par excellence il a un rapport privilégié,

l
unique et personnel à cette source de vie devant laquelle
il assume dans une conscience adorante et obéissante le
rôle unique et insurpassable du révélateur par excellence.
1
Ce révélateur par excellence de la source
mystérieuse et ineffable de vie est reconnu par la foi
chrétienne comme la présence absolue de Dieu dans la
singularité concrète d'un homme. Il est l'aboutissement
anticipé du processus évolutif de la matière en quête de
son fondement en l' homme. Il est la clef de l 1 évolution
finale de llhistoire du monde. En lui l'histoire reçoit son
principe puisqu'il est le développement final de la
communication que Dieu fait de lui-même au monde. En ce
sens, le révélateur par excellence du Dieu mystérieux et
ineffable peut être appelé homme-Dieu. Il est la
manifestation historique du Dieu qui se rend présent de
manière incomparable à la créature spirituelle. L' homme-
Dieu est le médiateur absolu entre le monde et Dieu; il est
la plénitude historique de la matière parvenue à la vie
dont émerge une conscience humaine orientée vers la
communion avec la source de vie.

Ce révélateur par excellence est aussi le symbole


du sauveur par excellence. Son humanité a évolué dans le
sens d'une plus grande communion avec la source de la vie.
Sa mort est l'espace ouvert à la vie absolue qui assure une
nouvelle communion entre la créature spirituelle et le Dieu
mystérieux et ineffable.
o]
l

B.EVALUATION DE LA TACHE DU THEOLOGIEN RECONCILIANT LA


.
1
DOCTRINE DE L'INCARNATION ET LA VISION EVOLUTIVE DU
MONDE

Entre la doctrine chrétienne de l'incarnation et


la vision évolutive du monde qui reste ouverte à une
possible communication d'un révélateur de Dieu, Karl RAHNER
confronte deux données appartenant à deux ordres de réalité
et leur trouve une affinité intrinsèque.
l
1

Sa démarche méthodologique est d'intégrer la


vision évolutive du monde dans la christologie. Il ne
considère pas la christologie comme une conséquence
nécessaire et un prolongement obligatoire de la vision
évolutive du monde. Par des arguments philosophiques et
théologiques, il réconcilie les deux ordres de réalités en
mettant en évidence leur affinité ~nterne.

LI image de 11 évolution du monde dont il traite


n'est pas la reprise servile des "théories évolutionnistes"
de Pierre Teilhard de Chardin. Il ne donne pas à la vision
évolutive du monde le caractère scientifique que lui
confère la communauté des savants. C'est en théologien
qu'il organise les données des hypothèses scientifiques
pour en dégager la signification ontologique.

Pour lui matière et esprit sont des réalités qui


ont une similitude intrinsèque; l'uni té de l' homme
manifeste l'intégration de ces deux réalités où matière et
esprit se comprennent comme relatifs l'un à l'autre.

J
10
Dans cette vision ontologique et anthropologique
l' homme est la perfection d' un esprit doué du pouvoir de
nomination de la matière.
l
En tant qu'esprit fini, l'homme dans la totalité
de son être prend conscience de lui-même dans le
conditionnement de la matière qui le situe dans un rapport
l d'altérité où il se sait saisi et enveloppé dans un mystère
infini et incompréhensible. Ce mystère le renvoie à lui-
même et le place dans un rapport de réceptivité et
d' accuei l qui rend possible une intercommuni cation avec
d'autres sujets spirituels dans l'espace et le temps.

l La matière est le principe de


l'autre en tant qu'il permet l'exercice de la connaissance
l' antériori té de

et de la liberté dans une histoire. Esprit et matière se


rapportent l'un à l'autre de manière dynamique dans cette
histoire.

En l' homme un, l' espri t et la matière ne sont


point séparés; il sont ordonnés l'un à l'autre,
indissociables mais irréductibles l'un à l'autre.

Esprit prenant conscience de soi, l'homme connaît


dans l ' expérience qu'il fait d'autrui sa propre antériorité
et sa propre aliénation. Il appartient à la nature. Il
existe dans le temps en soi et dans ce qui l'entoure. Sa
matériali té temporelle et sa pré-histoire comme liberté
réfléchie sont ordonnées à l' histoire de l' esprit humain.
Plus la matière évolue à partir de sa nature interne en
direction de l' esprit, plus il y a un "devenir davantage",
J un surgissement de plus de réalité et l'obtention effective
d'une plus grande plénitude d'être.

Produi t et accroissement d'être intrinsèquement


propre à la réalité produi te, le devenir est une auto-

J
J
transcendance, un dépassement de soi. L' autotranscendance 1\
active est un événement dû à la plénitude d'être absolu,
intrinsèque à l'étant qui se meut vers son propre
accomplissement.

Le concept d'autotranscendance de la matière dans


l
j une vision évolutive du monde permet de rendre compte de
l'autocommunication de Dieu en cet Homme-Dieu qui nlest pas
l 1
une idée abstraite mais l'oméga de l'évolution du monde.
L'Homme-Dieu résume en lui l'histoire du monde aboutissant
à l'histoire humaine et commune des créatures spirituelles
appellées par leur fondement à répondre en liberté à
l'événement ou l'avènement de cette auto-communication de
Dieu au monde. L 'Homme-Dieu est "Celui qui apporte
absolument le salut" car il est la personnalité historique
dans la figure anticipée de l'accomplissement dans le temps
et dans l'espace du sens contenu dans la radicali té et
l'irréversibilité du don que Dieu fait de lui-même au monde
comme source de vie. La maturation et la radicalité de son
acte salvifique qui ne sont autres que la divinisation du
monde n' éliminent pas ses préfigurations et ses annonces
dans le monde créé. Mais en lui le terme du monde est
atteint, car il est la médiation permanente de la présence
de l'absolu de Dieu. Cet homme-Dieu peut être identifié à
Jésus. En effet, l'autocornmunication de Dieu en Jésus dans
le monde s' inscri t dans la corporeïté, le devenir et les
mouvements internes et externes de la subjectivité
spirituelle marquée par la contingence et la mort.

L'intérêt d'une réconciliation de la doctrine de


l'incarnation avec la vision évolutive du monde réside dans
l'élaboration des concepts qui préparent une christologie
transcendantale qui est comme la réalisation la plus
radicale de l'anthropologie.

Ce travail d'élaboration conceptuelle annonce la


Christologie Transcendantale qui se traduira dans une
J
1
vision évolutive du monde. Elle déterminera la possibilité
transcendantale pour un sujet imprégné d'une vision

1
J
J évolutive du monde d'entendre un message sur l'Homme-Dieu. t2
La Christologie Transcendantale aura à préciser le statut
du sujet humain, auditeur possible d'une révélation dans la
condition réelle du monde où il a une parenté réelle avec
l' h o m e ~ D i e u dans son unicité in_comparable et radicale.

La vision évolutive du monde fournit à la


christologie un langage de vie qui pourra exprimer
adéquatement l'expérience de foi en la résurrection du
phénomène humain par excellence, révélateur de la source de
1 vie, symbole du sauveur par excellence .
.1
Avant d' aborder la christologie transcendantale
dans son dialogue avec la christologie néo-testamentaire et
magistérielle, laissons-nous convertir par le mystère
pascal où émerge l 1 expérience originale et originaire du
sauveur par excellence, Jésus de Nazareth, le Messie de
Dieu en qui Dieu s'est communiqué de manière appropriée au
monde dans l'auto-compréhension de l'expérience ecclésiale
marquée par sa résurrection.

II. LE MYSTERE PASCAL: LA FOI EN LA RESURRECTION


ET EN "CELUI QUI APPORTE ABSOLUMENT LE SALUT"

La section six de la sixième étape du TRAITE


FONDAMENTAL DE LA FOI développe la théologie de la mort et
de la résurrection de Jésus.

Karl RAHNER part de l 1 expérience originaire de


Jésus comme Christ dans la conscience des premiers témoins
prédestinés de sa résurrection.
\3
Sa perspective théologique se si tue au-delà de
l'interprétation immédiate des christologies et
sotériologies néo-testamentaires et magistérielles.

Elle met en valeur le Jésus terrestre de


l' histoire dont 11 expérience pascale rej oint l'espérance
humaine de la résurrection qui habite tout sujet historique
en situation existentielle de responsabilité personnelle et
éthique.

Selon le fil conducteur de son investigation


théologique, la résurrection renvoie de façon originale à
la compréhension du rapport de Dieu avec l' homme dans sa
libre initiative de le sauver de la mort, du péché, afin
d'établir avec lui une relation de type communionnel.

La primauté de la résurrection est affirmée comme


la clef de compréhension de la nouvelle identité de Jésus
"Messie" et "Seigneur".

Elle est le lieu théologique décisif de la


relation de Jésus à Dieu et à l'histoire humaine.

Dans cette histoire assumée par Dieu dans la


total i té de sa réalité humaine, le rapport de Dieu avec
l'homme s'extériorise dans une nouvelle proximité avec son
dernier prophète en qui s' incarne son ultime parole de
salut.

La mort et la résurrection de Jésus de Nazareth,


le prophète de Galilée, le crucifié de Jérusalem sont deux
moments de deux phases inséparables de l'événement de
l'auto-manifestation de Dieu sous le mode d'une ré~ lation

singulière aux conséquences sotériologiques uni~ersel es

pour l'histoire humaine.


Au nombre des multiples significations de la
résurrection nous retiendrons dans le cadre limité de notre
réflexion la résurrection de Jésus comme une relecture
1
,
croyanté inspirée par l' Esprit qui manifeste la vérité
humaine et divine du ministère historique de Jésus
l authentifiant sa prétention à être "Celui qui apporte
absolument le salut".

Ce chapitre comprendra trois parties intitulées:


(A) La résurrection: un témoignage révêlé

(B) La résurrection: une authentification divine de


l'espérance humaine

(C) La résurrection: fondement de la christologie et


de la sotériologie

A. LA RESURRECTION:UN TEMOIGNAGE REVELE

Le mystère de la résurrection concerne une


personne et une cause. Cette personne est Jésus dans le
concret de sa vie terrestre parvenue après sa mort violente
à l'état définitif du salut grâce à l'intervention libre et
mystérieuse de Dieu. Cette intervention mystérieuse de Dieu
sauvant la cause de sa nouvelle proximité réalisée dans
l'existence concrète de Jésus en lui conférant un caractère
permanent échappe à l'observation empirique et à la méthode

1
historique qui ne peuvent rendre compte adéquatement de la
réalité de la résurrection de Jésus

La résurrection de Jésus n'ayant pas un caractère


physTcistè du ma't-érYaTi'ste, ne peut pas être pensé en
termes de son retour à la vie antérieure prépascale.
Cependant elle n'est pas non plus sans rapport avec notre
histoire. Le réssuscité avec son corps glorieux est le même

1 crucifié de Jérusalem, le même


manifeste comme vivant aux témoins prédestinés dans leurs
Jésus de Nazareth qui se

expériences personnelles et historiques.

Par sa résurrection, ce Jésus a atteint


l'accomplissement définitif de sa particularité historique.
Il Si la résurrection de Jésus est le caractère de
permanence et de validité de sa personne et de sa cause, et
si cette personne-cause ne signifie pas la permanence d'un
homme quelconque et de son histoire, mais le caractère
victorieux de sa prétention à être Celui qui apporte
absolument le salut, alors la foi en sa résurrection est un
moment intérieur de cette résurrection elle-même et non le
fait de prendre connaissance d'une réalité qui en vertu de
son essence, pourrait subsister tout aussi bien sans cette
appréhension. 1l
(TTF, p.3ül)

Jésus a traversé l'existence humaine comme un


incomparable prophète de Dieu investi d'une mission
méssianique. Il a vécu comme un réformateur religieux très
J radical dans l'environnement historique de son peuple. Ce
qui le caractérise est sa proximité radicale avec Dieu et
sa solidarité avec les marginaux de la société politique et
religieuse. Son messianisme spirituel a rendu Dieu plus
proche et plus vrai à travers l'inscription historique de
sa cause inséparable de sa personne. Entré en conflit
mortel avec la société religieuse et politique de son
temps, il a assumé sa mort comme une conséquence inévitable
de sa fidélité à sa mission messianique.
J

J
lb if,
La cause qui était inséparable de sa personne est
l'attente prochaine du Royaume de Dieu dont sa prédication
réformatrice livre les conditions d'accès: appel au
retournement intérl:eur, "engagement à se décider
incondi tionnellement pour le Royaume à venir, urgence de
s'ajuster au temps de grâce qui est offert pour entrer dans
le Royaume.

L'échec de son attente à voir le Royaume de Dieu


se réaliser sans violence se solde par sa mort où il
manifeste un abandon et une confiance à la volonté de celui
qui l'envoie dans le monde comme son dernier prophète.

La résurrection est d'abord une expérience


humaine d'interprétation théologique de la vie prépascale
de Jésus à la lumière de sa fin violente. Les témoins
prédestinés de sa résurrection marqués par la confiance et
l'abandon de Jésus devant l'événement de sa mort ont
orienté leur espérance dans une direction nouvelle où ils
appliquent à sa personne une interprétation messianique de
sa mission.

La résurrection de Jésus appartient à l'histoire


du salut où Dieu se révèle à la foi des témoins prédestinés
comme celui qui intervient de manière mystérieuse et
victorieuse en faveur de son Messie

Cette intervention de Dieu en faveur de son


Messie n'est pas un miracle biologique. Elle n'est pas la
réanimation d'un corps physique matériel. Elle n'est pas la
permanence d'un homme dans la prolongation d'une durée
J illimitée de vie. Jésus ne reprend pas la vie en ce monde.
" Et l'on doit se garder de mésinterpréter la résurrection
en faisant d'elle le retour à une existence vitale spatio-
temporelle, telle que nous l'expérimentons; car mécomprise
de la sorte, la résurrection ne pourrait certes pas être le
J

)
salut dont Dieu dispose d'une manière incompréhensible et
ft
que l'on peut seulement espérer" (TTF, p.300)

La résurrection est l'avenir inattendu de la


des'tînée irtessian'ique de Jésus qui se révèle dans la -ftH de
ses disciples. Il En ce sens, l'on peut tranquillement, et
l'on doit dire, que Jésus ressuscite dans la foi de ses
disciples. Mais cette foi dans laquelle Jésus ressuscite
ni est pas à proprement par 1er ni directement la foi en
cette résurrection, mais cette foi qui se sait comme état
de liberté divinement opéré par rapport à toutes les
puissances de la finitude, de la faute et de la mort, et
qui se sait en puissance de cela du fait que cette liberté
est advenue en Jésus lui-même, et pour nous est devenue
manifeste. Il (TTF, p.301)

En effet, dans la foi en la résurrection de


Jésus, le Messie de Dieu n'est pas seul en cause.
L'humanité siest toujours interrogée sur la possibilité
d'une vie une et totale qui, au-delà de la mort, pourrait
s'épanouir en un état de liberté divinement opéré par
rapport à la précarité de la vie humaine. La réponse de la
foi en la résurrection de Jésus à cette interrogation n'est
pas dans la reviviscence corporelle du réssuscité, mais
dans le passage de la vie humaine, une et totale marquée
par la finitude, la faute et la mort dans le mystère de
Dieu. Ce mystère de Dieu est impensable puisqu'il n'est pas
à la mesure de l' homme. Le passage de la vie humaine au
mystère de Dieu ne peut être qu'un don de Dieu.

La résurrection de Jésus doit être la victoire


Il

eschatologique de la grâce de Dieu dans le monde Il (TTF',


p. 301) Cependant la foi en la résurrection de Jésus ne
vient pas conclure le raisonnement humain et limité sur la
condition nouvelle et supérieure de Jésus dans le mystère
de Dieu. Elle n'est pas le souvenir sublimé de son absence
promue au rang d'une présence. La foi en la résurrection
est de l'ordre d' un événemenr vécu ayant le poids d'une
expérience dont la densité sans précédent échappe à toutes

j
tentatives de représentations réalistes. Elle ne peut être {g
qu'un signe compréhensible dans la foi qui engage le
destinataire du message. Elle est l'attitude de l'homme par
rapport à Jésus en fonction de qui il doit se décider pour
son salut; elle est un fait unique dans l' histoire de
Y'humanité. L'uni~ té d~ la résurrection de Jésus illustre
une expérience sans précédent dont on ne note aucune
répétition postérieure. Dépendant exclusivement des
témoignages des disciples prédestinés, la foi en la
résurrection est une oeuvre divine de révélation et de
salut où la décision humaine a sa place comme acceptation
de l'initiative gracieuse de Dieu.

B. LA RESURRECTION: UNE AUTHENTIFICATION DIVINE


DE L'ESPERANCE HUMAINE

La résurrection de Jésus est un mystère de Dieu


dont le sens rejoint l'espérance humaine. Nous croyons en
la résurrection de Jésus parce que " nous ne percevons pas
du tout quelque chose de totalement inattendu, qui se
trouverait entièrement en dehors de notre horizon
d'expérience et de notre possibilité de vérification."
(TTF, p.309)

En effet, la résurrection de Jésus telle qu'elle


est réinterprétée par Karl RAHNER prend au sérieux la
réalité humaine une et totale de Jésus de Nazareth dans sa
transcendance personnelle. La transcendance personnelle de
l' humani té de Jésus authentiquement identique à la nôtre
est le lieu de l'espérance transcendantale de la
résurrection.

J
I~r -- -
Il
Il Tout homme, de par une nécessi té
transcendantale, accomplit soit sous le mode de l'accueil
libre soit sous celui du libre refus, l'acte d'espérance
-qui concerne sa propre résUrrection. Car tout homme veut
s'affirmer lui-même dans un état définitif, il éprouve
cette prétention dans l'action de sa liberté responsable,
que cette implication de son accomplissement de liberté
soit pour lui thématisée ou non, qu'il l'accueille dans la
foi ou la rejette dans le desespoir." (TTF, p.302)

La thèse de l'espérance transcendantale de la


résurrection de Jésus place le sens de la résurrection dans
le contexte originel de l'affirmation de l'accomplissement
défini tif de la transcendance personnelle de tout homme.
Vue sous cet angle, la compréhension de la résurrection de
Jésus est l'expérience humaine d'une vie parvenue à
l'accomplissement défini tif du caractère permanent de son
salut à travers la mort. L'événement de la résurrection est
alors perçu comme la décision libre de l'homme d'accueillir
l'accomplissement définitif de sa transcendance personnelle
par un acte d' abandon de lui-même qui le délivre de son
savoir sur sa mort propre. L'événemment de la mort,
conclusion de toute existence humaine débouche sur la
singulari té d'un état défini tif accompli exclusivement et
gracieusement par celui qui est au fondement de la vie
humaine, celui que les croyants appellent Dieu. Cet état
définitif objet d'espérance ne peut être perçu dans la vie
historique de l' honune que " sous l'effet du témoigange
intérieur de l'expérience de l'Esprit ll (TTF, p.309).

"C' est dans la foi et dans l'espérance de sa


propre «résurrection» que l'on éprouve le courage de
se tenir au-dessus de la mort, et cela en tournant le
regard vers le ressuscité qui parait devant nous dans le
témoignage apostolique et c'est dans ce courage (librement
voulu) que le ressuscité lui-même se rend témoignage comme
vivant dans la correspondance réussie et indissoluble entre
l'espérance transcendantale de résurrection et la donnée-

-',
1
catégoriale réelle d'une telle résurrection. C'est dans ce
lb
cercle que ces deux aspects se portent l'un l'autre et
qu'ils témoignent pour nous de leur véracité." (TTF,p.309)

l
Ainsi une aspiration à -un état défini"tif-de salut
indépendante de l'expérience historique de l'homme
lorsqu'elle vient à être confrontée à la tradition
apostolique de la proclamation de la résurrection de Jésus
sous l'effet de la grâce peut susciter la foi en la
résurrection dans l' Espri t. "Car même si, et si
précisément, nous acceptons qu'existe une espérance
transcendantale de résurrection, et que celle-ci soit
touj ours en recherche de sa visibilité et de son
attestation catégoriales (acceptation proposée à qui croit
à la possibilité chrétienne d'un salut pour tous, quand
bien même la plupart d'entre eux n'ont pas entendu le
message évangélique explicite), cette espérance
transcendentale de résurrection ne peut justement attribuer
à son fondement et objet son nom catégorial qu'au moyen du
témoignage apostolique concernant Jésus le ressuscité."
(TTF, p.310)

La foi en la résurrection de Jésus ne peut


reposer que sur le témoignage révélé. Cependant l'événement
de la résurrection de Jésus n'intéressera que l'homme qui
espère sa propre" résurrection". Seule celui qui prend au
sérieux sa condition mortelle et l'espérance qui le porte à
chercher un sens à sa vie au-delà de la mort peut trouver
1 t écho de sa préoccupation dans le témoignage apostolique
sur la résurrection de Jésus. Il doit alors se déposséder
du sens qu'il donnerait spontanément à sa vie marquée par
la finitude.

Ainsi le témoignage de l'Esprit lui donnera


accès à la résurrection qui est le sens de la mort de Jésus
pour l'humanité.
2-' 21
La résurrection de Jésus introduit ainsi dans
l'histoire de l'humanité la volonté salvifique de Dieu
disponible pour tous. Par sa résurrection, Jésus est proche
de-- l'-hi-stoire dans un rapport intime et ouvert avec le
monde. Il n'a point au-delà de la mort un destin
exclusivement privé. Il est le commencement de la
transformation glorieuse du monde. Il révèle le salut de
l' homme et l'accomplit dans un acte de réconciliation où
le don de Dieu atteint tout homme sauvé par lui et en lui.

C. LA RESURRECTION:FONDEMENT DE LA CHRISTOLOGIE
ET DE LA SOTERIOLOGIE

Les récits du témoignage apostolique de la


résurrection n'ont pas la prétention de décrire la réalité
de la résurrection. Les récits d'apparition du ressuscité,
les formules de confession et les prédications sur la
résurrection de Jésus (Actes 2:22-40, Actes 3:12-16, Actes
5: 29-32, Actes 10:34-43) évoquent dans un langage
symbolique plus qu'ils ne décrivent fidèlement un mystère
caché en Dieu et rendu disponible à l'histoire dans un acte
de foi pour le salut de tous. Aussi, ne doivent-ils pas
être interprétés dans le sens d'une matérialisation de la
résurrection de Jésus dans l'histoire.

Le tombeau vide (Marc 16:1-8), les christo-


phanies, le message de résurrection, les envois en mission,
les appels à la conversion au ressuscité, le don de la paix
et de l'Esprit, donnent dans la foi au ressuscité un point
d'appui à l'espérance humaine.
J
22.
"Cet entrecroisement mutuel de notre espérance
transcendantalement inéluctable de résurrection et de la
foi en la résurrection de Jésus ne doit pas effacer la
différence qui SI affirme entre la résurrect-ion dé JésusJ' et
notre résurrection telle que nous l'espérons. La
compréhension néo-testamentaire de la résurrection de Jésus
se distingue de la nôtre en ce que par elle Jésus a été
fait «Seigneur» et «Messie» (sans que par là soit
contesté, que, en vertu du dessein de Dieu dès toujours
réalisé, cela fut vrai dès le début de son existence
humaine; mais à l'inverse, cela justement ne s'est accompli
historiquement de façon réelle et pour nous, que dans sa
résurrection)" (TTF,p.312)

La bonne nouvelle de la résurrection est le


témoignage de l'oeuvre messianique de Jésus parvenue à son
accomplissement définitif. Jésus sauvé de la mort et
ressuscité apporte le salut à l'humanité pour laquelle il a
été investi de la mission messianique dès le début de son
existence humaine.

Dans son existence humaine prépascale, Jésus


avait révélé la réalité mystérieuse de son messianisme
spirituel par des signes de restauration de l'humanité
(oeuvres de puissance, signes, miracles, guérisons
soudaines, exorcismes, etc ... )

La réalité de la restauration de l'humanité


entière est donné pour tous par sa résurrection qui ouvre
un avenir absolument nouveau à l'histoire humaine, délivrée
de la fatalité, du péché et de l'angoisse de la mort.

Karl RAHNER suggère que la théologie originaire


1
.J de la résurrection soit le fondement de la christologie en
général; "selon le Nouveau Testament, la résurrection
éprouvée a contribué quant au conténu à l'interprétation
essentielle de la personne et de l'oeuvre de Jésus, et né
.J fut pas seulement l'authentification divine d r un savoir
23
déj à clairement énoncé par Jésus dès avant Pâque ll (TTF,
p.313)

- La ré-surrection est -l' horizon "d°'intelligibilité


signifiant qui permet de saisir dans l'histoire
j l'authentification et l'acceptation de la prétention de
Jésus à être celui ItCelui qui apporte absolument le salut".

La résurrection est l'achèvement de l'action


salvifique de Dieu envers le monde et envers l'homme. Cette
action saIvifique de Dieu est inséparable du mystère de
llincarnation dont il est l'aboutissement glorieux.

L'expérience de la résurrection de Jésus


transmise dans l'histoire par le témoignage de ses
disciples (1 Cor 15: 3b-5) donne au-delà de sa mort une
valeur permanente à sa prétention d'être celui qui apporte
le salut. Par la résurrection Dieu accueille Jésus et sa
prétention inséparable de lui-même dans la sphère de son
mystère. En lui Dieu se rend proche d'une manière nouvelle,
indépassable, et s'imposant victorieusement par elle-même
dans l'histoire de l'humanité.

Jésus dans son existence une et totale est le


dernier prophète "porteur d'une parole de Dieu visant
11 existence concrètement historique (par-delà toutes les
«vérités» toujours valables) visant une décision Il (TTF
p.314)

IlMais voici que ce prophète tient sa parole pour


ultime et indépassable. Cela contredit tout d'abord llauto-
compréhension de tout autre prophète authentique, auto-
compréhension explicitement donnée, ou qui, avec
llauthenticité d'une vocation prophétique, est à postuler
du Dieu de liberté; de ce prophète qui dans sa parole doit
laisser Dieu être plus grand dans ses possibles illimités
et qui engage sa parole dans une situation déterminée, une

,. ...: , -:"i.: 1

)
situation qui existe maintenant et fait place ensuite à une
autre; de ce prophète qui doit éprouver et annoncer
essentiellement sa parole comme une promesse qui s'étend au
large et ne saurait se clore. Jésus est donc un prophète
qui justement, par la prétention de sa parole,. supprime ce
qui fait l'essence du prophète. En quoi- il faut- considérer
que sa parole en tant que parole ultime de Dieu ne saurait
être pensée comme définitive pour la raison que Dieu,
maintenant justement cesse arbitrairement de parler, bien
qu'il soit en mésure de continuer de le faire (il "clôt" la
révélation, bien qu'il puisse la pousser plus avant, si
J seulement il le voulait); c'est la dernière parole de Dieu
qui est là en Jésus, parce que outre cela il n'est rien de
plus à dire, parce que Dieu s'est dit lui-même en toute
rigueur en Jésus Christ" (TTF,p.314)

Dieu se dit en toute rigueur dans la présence


historique de Jésus dernier prophète de Dieu, parole ultime
et indépassable de Dieu.

La prétention de Jésus d'être comme le dernier


prophète, Celui qui apporte absolument le salut, fait de sa
résurrection la source dl une relation personnelle à Dieu
dans l'histoire. Celui qui décide en faveur de sa
prétention fait entrer son destin dans le sien.

La résurrection de Jésus dans sa réalité


inépuisable a suscité la théologie néo-testamentaire
tardive et la christologie écclesiale. Toutes deux, en
maintenant implicitement la conviction de foi que Jésus
ressuscité avec sa prétention à être "Celui qui apporte le
salut Il est la présence unique, insurpassable de Dieu l ui-
même dans l'histoire ont interprété l'événement de la
résurrection dans les catégories objectivantes du
sacrifice, du serviteur de Dieu, du nouvel Adam, du chef de
file de la vie, d'auteur et modèle de la nouvelle création,
du Seigneur présent dans sa gloire à sa communauté, du Fils
de l' homme, de l'obéissance kénotique, de l' humble exalté
et du sommet du cosmos. Cependant elles ont peu montré de
façon rigoureuse que " nous sommes sauvés parce que cet
homme, qui est des nôtres, est sauvé par Dieu et que par là
Dieu a rendu sa volonté salvifique historiquement réelle et
irrévocablement présente dans le monde" (TTF, p.319). Elles
ont p.eu montr.éaussi que la décision et l'espérance
humaines font partie intégrante de l'accueil ~e la volonté
salvifique de Dieu .

.,
Dieu en Jésus a suscité dans l' histoire humaine
un homme qui est son ultime parole aux hommes. Cette parole
de Dieu incarnée en cet homme Jésus s'est manifestée dans
la vie une et totale du Messie qui en traversant la mort
est accueilli en son lieu d' origine pour être la source
d'une relation personnelle à Dieu. Cette relation découlant
du mystère pascal ne se comprend que dans le dynamisme du
mystère de l'incarnation.

La résurrection devient alors l (accueil de cet


homme Jésus en qui la parole de Dieu est accomplie. Cette
parole accomplie devient historiquement présente par la foi
et l'espérance de ceux qui adhèrent par une libre décision
à leur propre salut par Jésus et en Jésus.

Cet homme n'est pas une livrée prête-voix du


sujet divin qui seul serait actif en lui. Jésus est
véritablement un homme avec une conscience humaine
dépendant des lois de la création. Il exerce sa liberté
d'homme qui murît dans le temps du désir et se fixe dans un
état définitif par la mort.

La conscience de soi de Jésus a une histoire


façonnée par l'environnement social et religieux de son
1
peuple. Dans notre histoire humaine Jésus a appris comme
J
tout autre homme; il a fait des e&périences nouvelles qui
ont augmenté sa capacité de s'adapter à la réalité de notre
monde. Comme tout suj et historique Jésus a affronté un
avenir inconnu. Il a éprouvé l'angoisse et il a engagé sa
liberté d'homme dans une conscience mobilisée par la cause
du Royaume de Dieu qui était le projet de son existence. Il
a attendu dans l'espérance la réalisation du Royaume de
Dieu. Il a annoncé le Royaume de Dieu en espérant
l rétablir. Dans sa mort il sr est oublié en faveur de Dieu

l dans une impuissance totale et dans. Ir abandon. C' est cette


expériénce de la mort qu' il a vécu comme un évéheinent de
liberté et de fidélité à la cause du Royaume de Dieu qui
s'est épanouie en une manifestation de puissance de Dieu
apparue dans l'histoire sous la forme d'une confession que
sa cause a été victorieuse et que Dieu est intervenu en
faveur de lui pour apposer sa signature sur l'oeuvre du
salut qu'il révèle et qu'il accomplit. Sa mort s'inscrit
dans une destinée de prophète. Mais à la différence des
autres prophètes, sa mort est expérimentée d'une manière
incompréhensiblement nouvelle et imprévue. Une possibilité
nouvelle jaillit de sa mort; une conviction nouvelle se
fait autour d'une nouvelle identité que sa mort fait
apparaîtrie. Son message devient sa personne, et désormais
le Royaume de Dieu c'est Jésus ressuscité.

J
J
J
~(

III. LA CHRISTOLOGIE TRANSCENDANTALE: 27-


UN NOUVEAU CHEMIN POUR REPENSER LA SOTERIOLOGIE

C'est pour rendre raison à un événement


historique, le "devenir-homme de Dieu ,ll
que Karl Rahner
propose une christologie dynamique d'orientation
anthropologique qui met en valeur l' humani té du Christ,

l
Parole de Dieu.

En nous invitant à suivre un nouveau chemin


christologique pour repenser la sotériologie, Karl RAHNER
nous introduit au coeur de "l'expérience transcendantale",
source de nouveaux concepts clés qui permettront de <<
formuler, face à la christologie de la tradition, son
pendant proprement ontologique, qui nécessairement est
articulée à cette christologie ontique. On peut alors
débarasser les énoncés traditionnels de la dogmatique de
cette impression mythologique que, sous la livrée dl une
nature humaine qui ne l'affecte que de façon extrinsèque,
Dieu serait allé sur terre pour voir ce que If on y fait,
cela n'étant plus possible à partir du ciel.» (TTF p.247-
248)

Dans cette troisième partie de notre travail,


nous préciserons en le réinterprétant dans le contexte du
TRAITE FONDAMENTAL DE LA FOI le sens de l' "expérience
transcendantale ll en dégageant de l'approche philosophico-
théologique qui l'énonce les concepts clés qui ouvrent le
chemin à une réflexion christologique et sotériologique.

Ceci nous amènera deuxièmement à rechercher


comment la Christologie Transcendantale formule autrement
le même témoignage historique de Dieu sur lui-même dans sa
conduite salutaire envers le monde et l'homme. Enfin,
troisièmement, nous verrons quel intérêt et quelle
difficulté soulève la Christologie Transcendantale pour
notre réflexion christologique et sotériologique.

A. LE SENS DE- L' '''EXPERIENCE TRANSCENDANTALE Il


CHEZ KARL RAHNER
l

l
Pour Karl RAHNER, l'homme est un sujet ouvert sur
lui-même, sur le monde et sur Dieu qui est son horizon
d' intelligibili té existentielle. Le dynamisme interne de
l'homme comme sujet ayant la capacité de connaître et
d'aimer le prédispose comme partenaire de Dieu à rechercher
dans son histoire sa présence.

Dans le vocabulaire rahnérien, "Transcendantal"


évoque les conditions a priori de la vie spirituelle du
sujet humain ouverte à la possibilité de la communication
que Dieu, par grâce, fait de lui-même.

La vie spirituelle du sujet humain est la


condition nécessaire et
de toutespermanente
ses
expériences. Elle est illimitée quoique conditionnée par
l'expérience sensible et historique.

Le suj et humain s'engage touj ours et partout à


connaître. Cette action de connaître est une tâche dont le
contenu dépasse le temps du désir et l'espace structurant
de l' horizon d' intelligibili té existentielle où le suj et
humain est confronté aux limites de l'expérience sensible
et historique. Au-delà de la connaissance partielle
provisoire et occasionnelle d'objets qui entrent dans
l'horizon de son expérience sensible et historique, le
suj et humain fait l'expérience de sa radicale dépendance.
Cette expérience mondaine le renvoie au mystère
J incompréhensible de celui qui est au-delà de tout objet de
connaissance. Celui qui est au-delà de tout objet de

J
--- - - - ---
connaissance n'est ni dans le temps ni dans l'espace.
Pourtant dans son "inaccessibilité il promeut et conserve
Il

indépendamment du sujet la réalité matérielle et


spirituelle. Cependant cette réalité matérielle et
spiri tuelle existe dans le monde dans une autonomie par
rapport à ce-lui qui est au delà -de tout obj et de

J connaissance. Tout en étant au-delà de tout objet de


connaissance, celui qui promeut et conserve indépendamment

l du sujet la réalité matérielle et spirituelle fonde aussi


les actes de connaissance, de liberté et d'amour.

Le suj et est l ' homme dans le monde comme


connaissance, liberté et amour finis. Il est si tué
historiquement et se distingue de tout être de la nature
par sa capacité à penser, à aimer dans la 1 iberté d'une
l créature spirituelle orientée vers Dieu par son dynamisme
transcendantal. Il peut anticiper par un acte d'affirmation
de soi et d'accueil de 11 autre le mystère absolu qui fonde
la réalité de son être-au-monde.

Grâce à sa vie spirituelle, le suj et humain se


projette en avant et s'éprouve comme une transcendance
finie. « Cette transcendance qui constitue le sujet comme
sujet libre et personnel de l'agir dans un espace illimité
d'action, est tout aussi importante et n'est au fond qu'un
autre aspect de la transcendance d'un sujet spirituel,
partant d'un sujet connaissant, et, pour cette raison
justement, d'un sujet libre. La liberté est toujours

J liberté dl un suj et en communication interpersonnelle avec


d' autres suj ets. Partant, elle est nécessairement liberté
face à un autre sujet de transcendance, qui n'est pas tout
d'abord condition de possibilité du demeurer près de soi
d'un sujet. La liberté de consentement d'un sujet remis à
J lui-même face à un autre a nom, en défini ti ve, amour.
Lorsque, par conséquent, nous réfléchissons ici à la
transcendance comme volonté, comme liberté, il nous faut
considérer également le caractère d'un ce-vers-quoi et d'un

J ce-à-partir-de-quoi aimants de cette transcendance.


là le ce-vers-quoi d'une liberté absolue, ce-vers-quoi qui
CI est

s'impose comme ce dont on ne peut disposer, le sans-nom, ce


J
qui dispose absolument de tout en liberté aimante. C'est là
'~C _ , 1
l'ouverture de ma transcendance propre comme liberté et
amour. Mais le ce-vers-quoi de la transcendance est
touj ours originairement un ce-à-partir-de-quoi procède le
mystère. C'est ce-vers-quoi qui ouvre lui-même notre
transcendance; elle- n'est pas posée souverainement par nous
comme par un sujet absolu. Si donc la libre transcendance
marquée d'amour s'oriente vers un ce-vers-quoi qui lui-même
ouvre cette transcendance, nous pouvons dire que Si impose
ce dont on ne peut disposer en liberté aimante, et que
c' est cela même que nous avons en esprit lorsque nous
disons "mystère sacré". (TTF p.81-82)

Le suj et humain est dans sa transcendance une


réalité spirituelle libre qui dans son agir spécifique
communique avec d'autres suj ets humains dans le temps et
dans l'espace. Le mouvement d'ouverture d'un sujet humain
vers un autre dans un acte de communication libre est
l'amour. L'origine et la finalité de ce mouvement procèdent
d'un lieu non représentable, non définissable et non
limité. Ce lieu qui n'est pas le produit de l'imaginaire du
suj et humain est ce-vers-quoi et ce-à-partir-de-quoi un
sujet humain s'auto-détermine pour accepter d'être dans un
consentement de liberté aimante. C'est alors et alors
seulement que le non-représentable, le non-définissable, le
non-limi té se manifeste gracieusement dans l'-horizon
d'intelligibilité existentielle du sujet humain dans un
dialogue de liberté et d'amour.

Echappant à toute prise du sujet humain et à sa


conceptual i té obj ecti vante, le non-représentable, le non-
définissable et le non-limité est le mystère ineffable
distinct de la transcendance humaine qui se donne lui-même
à cette réalité spirituelle différente, indigente par
rapport à lui pour l'assumer en en faisant sa propre
histoire.

Aussi le mystère ineffable tout en étant une


réalité non mondaine est humainement historique et
s' adresse à l'intercommunication des suj ets "humains.
L'expérience transcendantale est le mouvement du sujet
humain qui habité par le mystère ineffable, dépasse l'ordre
du particulier, du thématique, de l'explicite, et se trouve
1
1
gratifié d'un savoir anonyme et non thématique de Dieu ~ u i
re -di~spo -e à accueillir son -existence-dans la- -radicali té de
sa condition humaine et historique.

L'expérience transcendantale est la condition


humaine acceptée en ses dimensions constitutives dans une
atti tude d' humili té et d'extrême respect des fai ts
contingents SI opposant aux constructions général isatrices
de la vie spirituelle du sujet humain.

L'expérience transcendantale dispose le sujet


humain à être attentif et à écouter l'autocommunication de
Dieu dans son histoire. Elle est le préalable pour
accueillir la révélation explicite de Dieu dans l'histoire.
L 1 originalité de l'approche rahnérienne de l' lI expérience
transcendantale Il réside dans sa compréhension du sujet
humain habité par le mystère. « Un mystère n'est pas
quelque chose de non encore dévoilé qui se tient comme un
second terme, à côté d'un terme compris de part en part.

l
Ainsi entendu, le mystère serait confondu avec ce qui n'est
pas su ou découvert. Mystère est bien plutôt ce qui
précisément est comme ce qui ne peut être pénétré, comme ce
1 qui est donné, ce qui n'exige absolument pas d'être
produit; ce n'est pas un terme second, qui n'échapperait à
1 la maîtrise que de façon provisoire, mais l'horizon
./
dominant de toute compréhension sans pouvoir lui-même être
dominé, l'horizon qui permet de comprendre autre chose dans
la mesure où il se tait lui-même comme l'incompréhensible

l
qui est là. Le mystère n'est donc pas le provisoire dont on
peut venir à bout, ou qui en soi pourrait exister
autrement, mais la caractéristique qui, toujours et
nécessairement, marque Dieu (et, à partir de lui, nous
aussi) » (TTF p.246)

J
Le suj et humain étant marqué par le mystère, il
est la réalité spirituelle inachevée et ouverte dans sa
totali té à la plénitude de 11 horizon infini vers lequel
elle asI;fi,rè. « Le dev n"ir ~ '= hom e de Dieu, -de ce point de
vue, est le cas unique et suprême de l'accomplissement
essentiel de la réalité humaine, lequel tient en ce que
l'homme existe en se perdant dans le secret absolu que nous
nommons Dieu » (TTF p.247)

Ainsi l'homme et Dieu ont une parenté indéniable.


Dieu est le Mystère infini, le sujet humain est la réalité
spiri tuelle finie qui dans sa référence de pauvreté ne
trouve son accomplissement comme totalité que dans le
mystère infini. Ce mystère infini se manifeste dans
l'histoire en l'homme-Dieu qui réalise le but et le sens de
l'unité de Ilhomme et de Dieu. llhomme-Dieu devient ainsi
la présence de Dieu à la réalité spirituelle finie. « Si
donc le logos devient homme, cette sienne humanité ni est
pas ce qui est donné par avance, mais ce qui devient, et ce
qui surgit dans l'être et l'existence quand et dans la
mesure où le Logos Si extériorise. Cet homme précisément
comme homme est l'autodiction de Dieu dans son auto-
extériorisation, parce que Dieu se dit justement quand il
Si extériorise, lorsqu 1 il se fait connaître lui-même comme
11 amour lorsqu 1 il voile la maj esté de cet amour et se
montre comme le commun des hommes. Si nous ne pensions pas
ainsi, l'humanité du Logos, telle qu'assumée par lui serait
en fin de compte un déguisement de Dieu, à proprement
parler rien de plus qu'un signal de ce que rien de ce qui
est là n'est dévoilé, si ce n'est peut-être par des mots
d' homme, mais qui pourraient tout aussi bien être pensés
comme donnés et justifiés s'il n'étaient pas ceux du Logos
de Dieu devenu homme. Mais nous ne pouvons saisir la chose
ainsi, comme si le Logos devenait homme et que désormais il
ne disait quelque chose de Dieu que par le fait qu' il
parle. Car à l'instant où nous le concevrions de la sorte,
ce devenir-homme de Dieu serait superflu. Les mots en effet
que l' homme Jésus dit de Dieu comme envoyé de Dieu, Dieu
pourrait les susciter et les dire aussi bien dans n'importe
quel autre prophète. Il faut que l'homme Jésus comme tel,
et non pas d'abord par ses paroles, soit auto-révélation de
Dieu, et il ne saurait l'être si cette humanité, justement
n'était pas l'expression de Dieu. » (TTF p.253)

L' homme-Dieu est le mystère absolu qui dans sa


p1éni tude se révèle ou se communique dans la singularité
concrète d'un homme. En l'homme-Dieu la véritable rencontre
avec le mystère absolu se réalise dans l'histoire sous le
mode corporel et spirituel. En lui se reconnaît de manière
incomparable et insurpassable la rencontre concrète avec le
mystère absolu. l'homme-Dieu est le centre de rencontre de
l' homme et du mystère absolu vers lequel converge toute
l'histoire du monde. En l'homme-Dieu un fait historique et
contingent exprime dans le monde la présence absolue du
mystère absolu. En l'homme-Dieu le monde est assumé au sein
du mystère absolu. Il est l'expression personnelle du
mystère absolu adressée au monde. Il est le terme et le
point culminant de l'autotranscendance radicale de l'homme
en Dieu. « L'on pourrait, à partir de 1à, définir l'homme
en le plongeant dans son mystère le plus grand et le
plus obscur comme ce qui surgit lorsque l'autodiction
de Dieu, sa parole, se trouve projetée par amour dans le
vide du néant sans Dieu. C'est aussi pour cette raison que
le Logos devenu homme a été appelé la Parole abrégée de
Dieu. Abréviation, chiffre de Dieu: tel est l' homme, je
veux dire, le Fils de l'homme, et les hommes qui, en fin de
compte, sont parce que devait exister le Fils de l'homme.
L'homme est question radicale sur Dieu, question qui comme
telle, créée par Dieu, peut aussi avoir une réponse; une
réponse qui, apparaissant dans l' histoire et radicalement
saisissable, est l'homme Dieu et qui en nous tous reçoit sa
réponse de Dieu lui-même. Voilà qui advient au beau milieu
de la fragilité absolue de notre être, au moyen de ce que
nous nommons grâce, auto-communication de Dieu et vision
béatifique. Lorsque Dieu veut être non-Dieu, surgit
l'homme. Par là, naturellement, l'homme n'est pas expliqué
en étant cantonné dans la platitude du quotidien, mais il
est introduit dans le mystère incompréhensible. Or un tel
mystère, c'est lui. Car il devient justement qüui qui
participe au mystère infini de Dieu tout ainsi que la
34
question participe à sa réponse, que la question ni est
elle-même portée comme possible que par la réponse. Cela
nous le savons du fait que dans notre histoire nous
reconnaissons le Logos devenu homme ..et que nous diso.ns:
c '-est ic-i que la queS1:ion que nous ·s·omme-strouve réponse de
par Dieu lui-même jusqulen concretude d'histoire. » (TTF
p.254)
l

En l'homme Dieu et dans la grâce le monde devient


l'histoire de Dieu. L'histoire de l'homme est ordonnée au
mystère de Dieu; elle devient le processus par lequel le
sujet humain participe au mystère de Dieu comme question-
réponse. « A partir d'une telle position le dogme chrétien
de l'incarnation du Logos éternel serait accessible. Si
Dieu lui-même est homme, et le demeure pour l'éternité; si
toute théologie par suite, demeure anthropologie pour
l' éternité; s'il est interdit à l' homme de penser
petitement de lui-même, étant donné qulil penserait
petitement de Dieu, et si ce Dieu demeure le mystère
indépassable, l'homme est alors, pour l'éternité, le
mystère de Dieu proféré, mystère qui, pour l' éterni té, a
part au mystère de son fondement.» (TTF p.255)

Ainsi Dieu dans sa réalité absolue pour se faire


connaître se donne dans son auto-expression une réalité
insurpassable et définitive, sa Parole qui est son
authentique auto-communication. Cette Parole a un rapport
avec Dieu autre que celui qui se vérifie pour quoi que ce
soit d'autre dans le monde.

Aussi la Christologie Transcendantale est, selon


l'expression même de Karl RAHNER une anthropologie qui se
transcende et elle est une christologie déficiente en
recherche de son explicitation dans le témoignage
historique que Dieu se donne de lui-même dans le
christianisme historique.

1
j
B. LA CHRISTOLOGIE TRANSCENDANTALE:
UN TEMOIGNAGE ANONYME DE DIEU SUR LUI-MEME
DANS SA CONDUITE LIBRE ET SALUTAIRE A L'EGARD DU
MONDE

La Christologie Transcendantale montre à partir


du sujet humain, réalité spirituelle finie ouverte au
mystère infini, les conditions de possibilité du devenir-
homme de Dieu. Elle est « la théologie tout dl abord que
Dieu lui-même a di te en proférant sa parole, comme notre
chair, dans le vide du non-divin, et, partant, de la
réalité pécheresse, la théologie que nous-mêmes pratiquons
dans la foi lorsque nous ne pensons pas pouvoir trouver le
Christ, en marge de l' homme, et partant, en marge de
l'homme en général, trouver Dieu. » (TTF p.255)

En effet, Qieu tout en étant lui-même assume dans


son auto-expression, sa parole, une réalité spirituelle
ouverte à lui, le sujet humain en qui il se dit de façon
incomparable et définitive. En ce sujet humain en qui Dieu
s'exprime de manière ultime Dieu se rend présent au monde
et à l'histoire.

La Christologie Transcendantale formule de façon


implicite ce que dit la tradition de l'Eglise sur le
témoignage historique que Dieu donne de lui-même dans son
action salutaire à travers sa Parole abrégée. Tout en
affirmant le caractère unique et non déductible de
l'événement Jésus Christ, la Christologie Transcendantale
part du sujet humain. Pour elle Dieu est connu par le sujet
humain à travers l'histoire de sa manifestation salutaire.
Ce dessein est disponible au sujet humain dans le mouvement
de Dieu vers lui en tant qu'il est orienté vers Dieu dans
son dynamisme transcendantal. Ce dynamisme transcendantal
est sa manière propre d'accueillir le mystère de Dieu. Ce
mystère est présent en lui comme une question à la
recherche d'une réponse. Le sujet humain dans son dynamisme
l transcendantal est orienté vers Dieu comme l'horizon de son
agir spécifique. Habité par le mystère absolu il peut
accueillir dans son histoire Dieu se communiquant à lui de
façon progressive à travers les dimensions structurantes de
son existence qui rendent possible dans l'anticipation
l'accomplissement de sa condition spirituelle. La
Christologie Transcendantale perçoit l'histoire humaine
comme l' histoire de Dieu se communiquant au suj et humain.
Dans sa perspective théologique Dieu est le seul maître du
monde et de l'histoire, et son dessein est la clé de
compréhension de toute l'histoire humaine. Le sujet humain
accueille la révélation de Dieu dans son histoire quand il
prend conscience de lui-même comme mystère relié au mystère
absolu à partir de son rapport au monde. Dans son agir dans
le monde la particularité de sa condition limitée lui
révèle l'infini, l'absolu qui est l'horizon indéterminé
vers lequel il se met en route. Le sujet humain est celui
qui dans le monde s'interroge sur Dieu. Et c'est comme un
sujet historique qu'il accueille la communication gracieuse
que Dieu fait de lui-même au moyen du monde matériel et de
l'histoire.

La Christologie Transcendantale présuppose la


rencontre historique de Jésus comme Christ. Cependant Jésus
Christ y est présenté comme Il "existential décisif" de
l'existence humaine. Il est celui qui est au coeur de toute
réali té et auquel toute réalité reste ordonnée dans le
dessein salvifique de Dieu. La Christologie Transcendantale
part d'une anthropologie métaphysique affirmant la
possibilité d'une révélation de Dieu dans l'histoire, une
révélation sans nom fondée sur l'uni té de l'être et du
i
i
connaître. Le sujet humain y est perçu comme un être
J
historique capable de disposer de lui-même. Il est finalisé
dans sa conduite interrogative vers le mystère sacré qui
est l'horizon indéterminé qui donne consistance à son être-
dans-le monde. Le suj et humain étant un être ouvert à la
communication avec d'autres suj ets, une communication de
Dieu est possible si Dieu dans la plénitude de son être se
communique sans cesser d'être lui-même dans un sujet
humain. Le sujet humain en question est l'homme-Dieu, une
réalité historique qui surgit au coeur de l'interrogation
du suj et humain comme une réponse unique à la -question
qu'est le sujet humain à lui-même. L'homme-Dieu réalise
l'uni té de 11 humain et du divin. En lui le suj et humain
dans sa concretude historique révèle l'infini. En lui, dans
l'unité de la connaissance du sujet humain, l'universel et
l'historique sensible sont réunis. En lui, Dieu agit dans
l'histoire et tout sujet humain devient l'espace disponible
pour l'agir libre de Dieu. En lui, l'histoire humaine est
nécessairement le lieu d'une révélation où l'homme-Dieu est
le médiateur entre le fini et l'infini. En assumant la
condition historique du sujet humain, l'homme-Dieu devient
11 unique point de vue de l'être à partir duquel le suj et
humain peut être saisi comme un tout. Les structures de
l'existence humaine sont envisagées dans un cadre
christologique et sotériologique. Ce qui est assumé par
l' homme-Dieu (le Christ) est sauvé. La condition humaine
comme un tout assumé par le Logos devient l'espace
sotériologique de la christologie. L'anthropologie devient
théologie.

C. LA CHRISTOLOGIE TRANSCENDANTALE: INTERET ET DIFFICULTE

C'est à partir d'une anthropologie métaphysique


que la Christologie Transcendantale établit la révélation
J
de l'être-dans le-monde. Estimant que le sujet humain est
indéfinissable, la Christologie Transcendantale ne s'appuie
pas sur les sciences de l' homme pour parler de l' homme.
Elle évite ainsi le danger de réduire l'homme à un objet de
connaissance dont les procédures de connaissances ne
donneront que l'aspect empirique, observable, calculable et

37
formel. Pour elle, le sujet humain est perçu comme un être
libre ne se possédant comme un tout qu'à travers le mystère
qui l'habite et vers lequel il est orienté dans son
dynamisme transcendantal. Du coup, la philosophie critique
devient la condition de possibilité de la Christologie
Transcendantale. La théorie de la connaissance- -que Karl
RAHNER élabore devient le cadre où se déploie la
transcendance de l'homme comme une ouverture du sujet
humain à l'Etre absolu de Dieu.

La Christologie Transcendantale valorise la


fonction permanente du Christ comme homme-Dieu. Elle évite
ainsi les risques d'une interprétation mythologique de
l'incarnation du Logos. Elle met le sujet humain qui porte
en lui une prétention à l'absolu en relation avec l'homme-
Dieu en établissant la phénoménologie d'une relation avec
celui qui apporte de façon définitive le salut en assumant
la condition du sujet humain.

Le sujet humain dont Karl RAHNER parle est


l' homme tout entier, celui qui n'est pas dissous par les
sciences de l' homme. Il est celui qui dans la conscience
qu'il a de lui-même dans sa liberté de s'accomplir
entièrement dans toute les dimensions de son existence est
en route vers l'infini qu'il porte au creux de son
histoire. C'est à partir de l'acte d'affirmation contingent
et historique du suj et humain que l'ouverture radicale à
l'ultime point d'identité du sujet s'effectue à travers la
force dynamique de Dieu. Cette force se communique dans une
réali té en devenir dont celui qui apporte absolument le
salut est un moment singulier et irréitérable de l'histoire
du monde

Celui qui apporte absolument le salut ni est pas


une idée abstraite. Il est très concret comme élément
matériel tout en étant doté d'une subjectivité en rapport
immédiat avec Dieu. Point culminant de l'histoire de
l'autocommunication de Dieu, l'homme-Dieu est l 'auto-
transcendance dans une histoire de l' uni t~ .. esprit-matière

J
unie à ce qui est non-homme, non-monde, Dieu, le mystère
absolu, l'horizon d'intelligibilité existentielle. La
confession de foi reconnaît que l'expression de
l'autocommunication de Dieu au monde est un homme unique et
l
1
irremplaçable, Jésus de Nazareth, le Christ. Dans la
perspective- de la -Christologie Transcendantale, cet homme
ne produit pas le salut de façon mythique. Il assume en lui
la condition humaine qui est sauvée en vertu du mouvement

l
libre et gracieux de Dieu comme réponse à la question
qu 1 est le suj et humain dans le monde. Tous les suj ets
humains sont sauvés comme questions en participant à la
réponse de Dieu qu'est l'homme-Dieu. La Christologie
Transcendantale montre comment l'homme-Dieu peut entrer
dans le champ de la possibilité transcendantale qu'a
l'homme d'entendre un message sur lui.

La difficulté de la Christologie transcendantale


est qu'elle donne la place centrale à l' homme-Dieu dans
l'histoire humaine inséparable de L'histoire du salut.
Certes, la connaissance salutaire du Christ (l'homme-Dieu)
implicite ou explicite est déjà l'autocommunication de Dieu
au sujet humain pour le faire participer en plénitude au
mystère de Dieu. Cependant, la présentation rahnérienne de
la Christologie Transcendantale peut par moments donner à
un lecteur superficiel l'impression de réduire
l'incarnation du Logos à un fait physique et méta-physique
quoique essentiellement salutaire. Elle insiste peu en
elle-même sur la constitution d'un suj et humain restauré
ayant à devenir dans l'homme-Dieu (le Christ) un être
historique manifestant le rayonnement de son nouveau statut
de sujet humain II c hristique".

Néanmoins, si la sixième étape du TRAITE


J FONDAMENTAL DE LA FOI nous met en présence de ce qui est
proprement chrétien, Jésus Christ, elle ne dédaigne pas les

J médiations humaines par lesquelles la conduite salutaire de


Dieu à l'égard du monde se manifeste dans le Christ. A côté
d'un christianisme historique déployant les richesses d'une
révélation explicite de Dieu la Christologie
transcendantale fonde le rapport personnel à Jésus Christ
J
39
par voie ascendante en partant de l'uni té spécifique de
l'amour de Dieu et du prochain dans l'acceptation des
dimensions structurantes de l'existence humaine. Elle
comprend la conduite salutaire de Dieu à l'égard du monde
non corrune un état de fait à caractère purement obj ectif
maiscorrune une rel-ation personnelle à 11 horrune-Dieu,
implicite ou explicite. Elle pose la signification
salvifique de l'intercommunication des sujets humains entre
eux. La mort du sujet humain est perçue dans le dynamisme
de cette approche corrune un accomplissement dans le temps
d'un projet salvifique qui trouve son caractère permanent
dans le mystère absolu de Dieu. La Christologie
Transcendantale pense le sujet humain corrune dépassant les
limites du temps et de l'espace par la foi, l'espérance et
l'amour dans leur version universelle. Elle montre le monde
comme finalisé et dynamisé par l'autocornrnunication de Dieu.

4:0
"
.. -
YT

IV. KARL RAHNER: UN THEOLOGIEN CATHOLIQUE


PROFONDEMENT TRIBUTAIRE DE LA CHRISTOLOGIE
l ET DE LA SOTERIOLOGIE NEO-TESTAMENTAI'RES
ET MAGISTERIELLES

j
Comme tous les Evangélistes, Karl RAHNER dans son
l projet christologique et sotériologique s'est intéressé
d'une manière originale à la pré-histoire de Jésus Christ.

Le problème de l'origine humaine et divine de


Jésus Christ occupe une place de choix dans sa réflexion
théologique.

Dans son approche anthropologico-métaphysique


informée par la révélation historique de Jésus de Nazareth,
Karl RAHNER, par rapport à une présentation mythologique de
la présence de Jésus Christ dans l'histoire humaine,
privilégie le commencement de l' homme Jésus Christ dans
l'histoire du monde qui aboutit absolument et
irrévocablement à l'auto-communication gracieuse de Dieu
dans les profondeurs de l'existence humaine spirituelle
devenue dans un moment particulier de l'histoire une
réalité de Dieu même sans confusion mais aussi sans
séparation selon la formule dogmatique du concile de
Chalcédoine.

Dans une vision christologiquement évolutive du


monde Karl RAHNER ne fait pas appel aux récits évangéliques
de la naissance merveilleuse de Jésus christ (Mat.l,18-25).
Il n'utilise pas la généalogie pour insérer Jésus Christ
dans l'histoire de l'humanité (Mat.l,l-l8; Luc 3,23-38). Il
n'inscrit pas Jésus-Christ dans une génération abrahamique
ou davidique. Son approche anthropologico-métaphysique de
l'origine de Jésus Christ, tout en s' inspirant de
l'Ecriture néo-testamentaire, est largement marquée par la
vision évolutive de l'univers et l 1 ontologie du devenir
honune de Dieu.

Avec le regard du croyant moderne- persuadé du


- -
caractère désacralisé de l'univers, Karl RAHNER, au prix
d'une réflexion pointue sur les perspectives philosophiques
des sciences modernes de l'univers, n'hésite pas à situer
Jésus Christ dans l' humani té conune un véritable horrune de
l' histoire solidaire du processus évolutif de la matière
qui aboutit de façon ponctuelle à l'émergence de l'honune-
Dieu.

Il utilise l'analogie de l'incarnation de Dieu


dans l 1 espèce humaine pour rendre compte de l 1 humani té
profonde de Jésus. Dans cette inscription biologique de
Dieu dans le monde, celui qui s'incarne se manifeste comme
un maillon de l'espèce qui transcende les générations par
son "union hypostatique". C'est cet homme-Dieu, expression
absolue de Dieu et promesse que Dieu adresse à l'humanité
pour son avenir absolu, qui est le but et la fin de la
réalité même du monde. En Jésus Christ, la réalité de Dieu
est conununiquée à un homme qui l'assume pour toute
l' humani té et en Dieu, la réalité humaine est pleinement
assumée dans l'histoire. Cet homme accueille par sa
résurrection Dieu qui est lui-même le salut. Il est pour
ses frères en humanité le sauveur par excellence. Le
caractère sauvé de sa vie et de sa mort transcende toutes
les limitations de sa finitude. Il devient pour ainsi dire
l'homme éternel en qui l'univers reçoit son sens suprême.
En lui l' honune qui est la clef de l'évolution finale de
l'univers trouve son terme et sa perfection dans une auto-
transcendance absolue.

Dans cette quatrième partie de notre réflexion,


1 nous justifierons en quoi premièrement la christologie et
J

la sotériologie à l'intérieur d' une vision évolutive du


monde est en accord tacite avec certaines orientations de

J
pensée du Nouveau Testament et du dogme christologique de
Chalcédoine.

En deuxième lieu nous montrerons à l'aide du


context-e de l' Ecriture néo-testamentaire que la
résurrection de Jésus Christ est le sens de l f événement
pascal qui fait entrer l'humanité dans le mystère de Dieu
par le biais de l'événement pascal qui est source de vie,
libération des limites de la finitude, divinisation de la
créature spirituelle, et apogée du monde par anticipation.

1 A travers la résurrection de Jésus Christ, Dieu


transforme la condition humaine qui parvient à lui. Il en
1
fait le couronnement et le sommet de sa volonté salvifique
en inaugurant dans le Christ la résurrection de toute
chair.

C'est à travers la résurrection de l'homme


éternel Jésus Christ que tous les hommes unis à lui
participent à la communion absolue d'intelligence et de
liberté avec Dieu.

A. JESUS CHRIST, HOMME VERITABLE, PRINCIPE ET TERME


DU DESSEIN DIVIN, HERITIER DE L'UNIVERS
EN EVOLUTION QUI EN LUI TROUVE SON SENS

Pour fonder une vision christo logiquement


évolutive du monde, Karl RAHNER renonce méthodiquement à
l'emploi des schématismes bibliques et aux relectures
chrétiennes de l'Ancien Testament. Evitant tout
anachronisme qui ferait remonter la vision
christologiquement évolutive du monde à des formules de foi
chrétiennes du Nouveau Testament, KaRL RAHNER, s'inspirant
de l'intelligence de la foi ecclésiale au Christ ~ travers
-
la définition dogmatique de Chalcédoine, repense la
signification dans l'histoire du salut d'un homme véritable
qui est le principe et le terme d'un univers en évolution.
Son approche christologique est un approfondissement du
mystère de Jésus pour le rendre crédible aux croyants
modernes imprégnés -d'une vision évolutive du monde~

l Son intérêt pour les théories de l'uni vers en

l évolution lu~ permet de situer dans l'histoire


l'intervention de Dieu qui dans sa libre initiative de se
communiquer aux hommes par le plus humain s'engage dans le
monde.

Dans sa démarche méthodique, Karl RAHNER a


commenté de façon originale et avec tout le poids que donne
le réalisme des théories de l'univers en évolution,
l'expérience concrète et historique de Jésus Christ, le
crucifié et le ressuscité, en qui la grâce de Dieu dans le
monde est certaine et irrévocable. En intégrant sa
christologie dans une vision évolutive du monde il perçoit
l' homme comme un être historique. Cet homme n' est jamais
envisagé comme une entité statique. Il est une tâche à
réaliser et il évolue dans une réalité historique
essentiellement en devenir. Le devenir de l' homme est le
signe de son indigence. Cete indigence renvoie l'homme dans
son unité transcendantale à la source de son aspiration, à
la plénitude d'être. Cette aspiration à la plénitude d'être
chez l' homme est une disposition pour recevoir la
communication que Dieu fait de lui-même en prenant
possession du monde dans l'unité du sujet humain en qui le
monde prend conscience de lui-même et de son rapport à la
source de plénitude d'être. Karl RAHNER affirme que Dieu en
Jésus Christ s'est fait Matière. Il est vraiment horrune
J conçu et né de la femme (Gal. 4,4). Et parce qu' il est
vraiment mort et ressuscité il fait transcender le monde du
suj et humain vers la source de la plénitude de vie et
d'être qu'est Dieu. Ainsi Jésus Christ est sauveur en tant
qu'il est un moment historique de la conduite salutaire de
. .1

Dieu pour le monde. Il est aussi sauveur en tant qu'il est


un moment du devenir biologique parvenu à l'apogée de
l'évolution par sa mort qui amorce la divinisation du monde
et tient la subj ectivi té finie dans une proximité
radicalement immédiate de Dieu.

La christologie à l t intérieur dl une vision-


évolutive du monde manifeste dans le Christ une unité
d'origine et de réussite de la destinée du monde.
L'incarnation de Dieu dans le monde par la naissance, la
croissance en humanité, la mort et la résurrection de Jésus
Christ y est perçue et crue comme le commencement
nécessaire et permanent de la divinisation du monde dans sa
totalité.

Cette christologie à l'intérieur d'une vision


évolutive du monde, en dépit de son langage moderne, est en
accord tacite avec les données scripturaires du Nouveau
Testament. En effet, l'Ecriture néo-testamentaire évoque à
sa manière symbolique et avec des anthropologies
culturellement situées l'évolution de l'humanité
indissociable de la création dans les termes dlune histoire
qui est le lieu de l' accompl issement du dessein de Dieu.
Cette histoire obéit à la loi de progression lente qui
aboutit au Christ comme centre de l'histoire du salut. Dans
cette histoire du salut qui commence avec la création qui
est le premier Evangile de Dieu, 11 homme est envisagé
malgré sa faute comme un être perfectible qui grâce à la
"philanthropie ll et à la "pédagogie" divines parvient dans
le Christ au salut qui est le but mystérieux prévu dès le
commencement de l'action divine dans la création. Dieu pour
révéler ce but mystérieux à l' homme a parlé en des temps
différents, de différentes manières (Heb.l,l). Ce Dieu de
l'Ecriture néo-testamentaire s'est fait autre dans sa libre
irruption dans le monde en devenant un homme pour
s'adresser historiquement à l'humanité. Il est le Dieu
vivant, concret et proche qui ne peut être véritablement
connu dans l'histoire que dans sa matérialité charnelle et
spirituelle. Ce Dieu unique de toute l'humanité, l'Ecriture
néo-testamentaire le présente dans son uni té et dans sa
cohérence à travers la présence active dans le monde de sa
parole définitive qui souligne le caractère provisoire de
J
1
la connaissance que l'humanité peut avoir de lui à travers

l
des faits de révélation évènementielle et prophétique.
Jésus Christ, Parole définitive de Dieu, est prophète par
excellence. Il est le prophète qui doit venir dans le monde
J (Jean 6,14). Il est le dernier prophète. En lui Dieu
deviendra un esprit -incarné, fini et ouvert -sur l'absolu.

La présence de Dieu dans le monde en Jésus Christ


est un mystère de foi qui situe de façon originale l'homme
J
Jésus face à Dieu. Jésus est le médiateur prophétique entre
Dieu et les hommes. Il est un homme véritable dont
l' activité est orientée vers l'absolu dans l'authentique
déploiement de la liberté d'une créature spirituelle. Dans
son agir spécifique l' homme Jésus par analogie à
l'évolution biologique de l'homme, montre que Dieu est un
l être qui change, qui se modifie tout en restant lui-même.
Par la vie historique de Jésus en qui Dieu assume l'être
fini de l'homme pour se communiquer d'une manière absolue à
lui, la réalité du salut de l' homme se vit en Dieu qui
englobe de sa propre vie le monde pour en faire sa propre
histoire.

Ainsi l'évolution du monde trouve en Jésus Christ


une mutation ascendante. Jésus Christ devient le sommet de
l
l'évolution du monde qui reçoit en lui un sens. L'histoire
du salut est alors la prise de possession historique du
monde par Dieu. Dans cette perspective Dieu n'est pas
devenu homme de manière statique . Il assume une existence
humaine faisant partie d'une histoire totale du monde et de
l'humanité. Il donne au monde l'impulsion en vertu de
laquelle il progresse vers le terme que le créateur lui a
_f
assigné.

l Ces considérations sur Jésus Christ et la vision


évolutive du monde sont extraordinairement éclairantes pour
comprendre la christologie et la sotériologie rahnériennes
qui donnent une compréhension historique, dynamique et
existentielle du mystère de l'incarnation. Karl RAHNER,
pour nous rendre attentifs au mystère de Jésus Christ nous
donne une image dynamique et évolutive du monde dans lequel
Jésus a vécu. Ensuite par l'analyse transcendantale il nous
renvoie à la question que Jésus, homme, est pour nous. Puis
il propose une réponse à llhomme qui slinterroge à partir
du mouvement de visée de sa transcendance. Cette réponse se
trouve dans la possibi-lité en llhomme dtune foi -implicite
ou explicite en un homme-Dieu qui lui dévoile le sens
effectif de ce qu'il est. Cet homme-Dieu est pour le
croyant Jésus Christ.

LI originalité du recours de Karl RAHNER à une


vision évolutive du monde pour nous rendre attentifs au
mystère de Jésus est féconde à plusieurs titres. L'humanité
de Jésus Christ est mise en valeur avec beaucoup de
sobriété et de rigueur. Elle échappe à toute idéalisation,
à toute projection idéologique et utopique. La vision
évolutive du monde présente Jésus comme un homme commun,
vraiment solidaire de l'humanité avec ses limites,sa
finitude et sa contingence. Cette sol~darité biologique se
renforce d'une solidarité humanisante où Jésus assumera
tout ce qui est humain jusqu'à la mort, limite ultime de la
vie biologique.

Karl RAHNER, dans 11 élaboration de sa


christologie indissociable de sa sotériologie reste
profondément tributaire de la christologie et de la
sotériologie néo-testamentaires. Pour lui 1 ' Ecriture néo-
testamentaire est la norme et le fondement de toute
christologie et sotériologie. Il reprend à nouveaux frais
le développement christologique de Jean 1,1 sqq, Rom.8 et
Col.l.. Il a une manière particulière de se référer à
l'Ecriture néo-testamentaire comme cadre de pensée et
d'actualisation de sa christologie et de sa sotériologie.
Il respecte les décisions créatrices et irréversibles de
l'Esprit du Christ manifestées dans les Ecritures néo-
testamentaires. Son effort d'interprétation tient surtout
compte du contexte culturel contemporain qui interroge
11 Ecri ture plus dans sa signification que dans sa
littéralité culturellement conditionnée. Il évite tout
fondamentalisme, tout concordisme, tout littéralisme et
tout modernisme. L'Ecriture néo-testamentaire n'est jamais
utilisée comme une argumentation contraignante pour
prouver des énoncés christologiques et sotériologique. Il
prend ses distances par rapport aux formes littéraires
mythologisantes et anthropomorphiques, et il élabore une
co-nception dynamique, historique et existentiel-le de l'être
du Christ dans son rapport au salut qu'il apporte à
l'humanité. Il utilise les données de l'exégèse moderne
plus en dogrnaticien qu'en phénoménologue des religions. Il
ne proj ette aucune vision particulière du monde sur les
données scripturaires. Il tâche de saisir l'homme dans sa
signification structurante et dans son ouverture au mystère
de Dieu.

Enraciné dans les traditions de l'Eglise croyante


de tous les temps, il interroge activement l'intelligence
de la foi des traditions ecclésiales du passé qu 1 il ne
considère pas comme points d'arrivée et conclusions de la
démarche de compréhension du mystère du Christ et du salut
qu'il apporte à l'humanité.

En recherchant le sens profond que véhiculent les


énoncés traditionnels sur le Christ, sauveur de l'humanité,
Karl RAHNER les confronte à l'intelligence de la foi
dl auj ourd r hui ouvrant ainsi de nouvelles pistes de
compréhension. Dans sa christologie et dans sa sotériologie
Karl RAHNER a pris en compte les besoins de l'homme moderne
qui ne se contente plus d'une vision mythologique de
l'incarnation de Dieu. Pour lui, l'incarnation de Dieu en
Jésus Christ a une valeur prophétique. Jésus ne se si tue
dans l' histoire ni comme roi, ni comme prêtre, ni comme
docteur de la Loi ou maître de sagesse. La catégorie qui
convient le mieux à Jésus est celle du prophète qui profère
la parole définitive et ultime de Dieu. Le comportement
prophétique de Jésus illustre son oeuvre historique où il
surgit et agit comme le témoin du Dieu toujours plus grand
devant qui il se tient comme un envoyé privilégié.
Cependant, la catégorie prophétique n'épuise pas le mystère
insondable de Jésus. La particularité et la grandeur propre
de Jésus reste une énigme face à cet acte unique, libre et
historique, posé par Dieu pour entraîner l'humanité vers le
salut. Karl RAHNER, pour rendre compte de la grandeur
propre de Jésus, prophète de Galilée, se réfère à
l'évolution de sa conscience d'homme. Jésus, tout en
restant tr~butaire de .la culture et de la religion de son
temps, reste un mystère insondab-le dans son intimité ·unique
à Dieu. C'est l'Ecriture néo-testamentaire qui, en plus des
données objectives de l'histoire, confesse la double
identité de Jésus, homme et Dieu. En lui, l'Ecriture néo-
J testamentaire reconnaît qu'il a toujours été et sera
toujours présent à toute l'histoire comme sa fin. Tout ce
qui précède la présence active et salvatrice de Jésus dans
l'histoire est là pour préparer et accueillir l'achèvement
de la fin de l'homme en lui. Il situe l'incarnation de Dieu
en Jésus Christ comme le but indiscutable du mouvement
créateur dans sa total i té. C'est au sein de cette
conception théologique de la création que l'évolution du
monde trouve en Jésus christ une marche ascendante qui est
son sommet.

En proposant une nouvelle compréhension du


mystère de l'incarnation qui tienne compte de la vision
évolutive du monde, Karl RAHNER intègre la dimension
anthropologique de l'existence humaine à la christologie et
à la sotériologie. Pour Karl RAHNER le Logos fait homme
rejoint le besoin de salut qui est en tout homme. Ce besoin
de salut détermine le parti pris du théologien pour situer
le Christ dans une histoire d'hommes en marche vers
l'unique salut qui ne peut être pour eux que la réussite de
l'humanité dans le projet d'être assumée en Dieu. Dans le
Christ et par le Christ l'human~té dans la réalité
historique de son devenir retrouve par la mort de Jésus le
chemin d'une divinisation qui est la réussi te de
l'intercommunication des libertés subjectives. Dans la
christologie et la sotériologie rahnériennes les limites
humaines ne sont point incontournables; elles sont le lieu
de l'accueil de la plénitude d'être. L' humani té dans son

j évolution passe de l'indigence à la plénitude, de la mort à


la vie.
Le malaise de la christologie et de la
.J
sotériologie rahnériennes est lié à un système
anthropologico-métaphysique qui dans sa cohérence donne
l'impressi'on de présenter une visionopt-imiste du sa·lut où
la gratuité de Dieu s'impose de manière victorieuse à
l'humanité qu'elle associe de façon irrésistible à son
dessein de salut. Karl RAHNER tout en reconnaissant à
l'humanité la possibilité de perdition a peu insisté sur le
paradoxe d'une existence humaine qui se fermerait sur elle-
même. Sa théorie de "chrétiens anonymes" montre que la
grâce de Dieu dans le monde peut opérer dans les
profondeurs insoupçonnées de tout acte humain de liberté,
d' amour et d'acceptation des limites de la condition
humaine. L'homme serait-il irrésistiblement conduit au
salut ?

La difficulté dans la christologie et la


sotériologie rahnériennes est la modalité du salut que Dieu
offre en Jésus Christ. Si en un honune la divinisation du
monde est amorcée elle ne peut que se prolonger sans heurt.
Cependant si tout homme est libre d'accueillir sa
divinisation ou peut la refuser il n'est point
irrésistiblement contraint à la recevoir; il coopère à sa
réalisation. Les structures anthropologiques disposent
toute subj ecti vi té à entrer dans ce dialogue fécond de
liberté pour s'humaniser et se diviniser. Il y a donc un
choix pour le salut. Jésus Christ est l'horizon signifiant
qui permet à l' homme de prendre conscience du salut déj à
offert, présent dans le monde et qui doit s'actualiser pour
chaque membre de l'humanité.

A travers ce parcours christologique et


sotériologique nous découvrons en Karl RAHNER un philosophe
et un dogmaticien. Il a un présupposé théologique qui
oriente toute sa réflexion, à savoir que l' humanité est
toute entière ordonnée à Dieu qui constitue son salut et sa
fin authentique. La nouveauté radicale de la venue
révélatrice du Christ rend manifeste la bienveillance
originaire de Dieu dont la grâce est à l'oeuvre au sein de
l'humanité comme une force unifiante. Tout homme parce
qu'il est homme est en relation salutaire avec Dieu, car de
tout temps Dieu dans sa générosité débordante cherche à
pénétrer le fini., le créé, dl une façon originale et libre
pour l' entraîner- à ce qui- lui donne un sens-: lui-même;

Le Christ de RAHNER est le proto-homme, principe


et terme d'un univers en évolution parvenu dans sa
particularité historique à une émergence ponctuelle pour la
foi en Jésus de Nazareth confessé par les traditions
ecclésiales et dont l'humanité dans sa structure
existentielle anticipe la rencontre de liberté et d'amour
dans l'expérience transcendantale.

B. LA RESURRECTION: UNE EXPERIENCE DE RELECTURE


CROYANTE DE LA DIMENSION TRANSCENDANTALE
DE L'HUMANITE DE JESUS

Les apôtres qui sont les témoins autorisés pour


parler de Jésus ressuscité nous livrent à travers la
première prédication de Pierre, témoin par excellence de la
résurrection selon la tradition néo-testamentaire, le sens
de l'événement. IlJésus le Nazoréen, cet homme que Dieu
avai t accrédité auprès de vous en opérant par lui des
miracles, des prodiges et des signes .... vous l'avez livré
et supprimé en le faisant crucifier par les mains des
impies. Mais Dieu l'a ressuscité (Act.2,22-24).

Chez le prince des Apôtres l'événement était déjà


une relecture croyante de la vie et de la mort violente de
Jésus. La mort humaine de Jésus y apparaît comme un
événement banal et accidentel résultant d'un procès inique.
Pierre affirme dans la foi que Dieu a ressuscité Jésus. Il
n'entre pas dans les détails minutieux de cet acte de Dieu
qui ne peut qu'être cru. Les évangélistes, témoins de la
foi des premiers disciples de Jésus élaborent avec le
langage conventionnel inspiré de l'Ecriture le sens du
tombeau vide (Mat.28,l-8; Mc 16,1-8; Luc 24,1-12).

Pour eux le tombeau est vide parce que Jésus qui


avait été crucifié est ressuscité d'entre les morts. Dans
leur esprit la résurrection n'est pas un miracle
biologique. Elle est un acte de foi des disciples qui
interprètent le caractère permanent de la cause de Jésus
liée à sa vie et à son oeuvre. La résurrection est
l'affirmation que Dieu s'est engagé jusqu'au bout dans la
vie et dans la mort de Jésus. Elle est le sens de
l'existence et de l'oeuvre de Jésus envisageés dans la
perspective de sa mort humaine qui donne un caractère
irréversible à son destin d'homme et de prophète. La
résurrection de Jésus montre que la prétention qu'il a eue
au cours de sa vie terrestre d'apporter absolument le salut
manifeste la réalité de ce qu'il est et qui est
irréductible à l'ordre du monde où il émerge comme un homme
commun. Tout en étant un homme commun allant jusqau bout
des possibilités et limites humaines, Jésus dépasse l'ordre
purement humain par sa radicale proximité avec Dieu et avec
tout homme en quête du salut avec qui il a des liens de
convivialité manifestés dans ses rencontres prépascales et
postpascales. La résurrection de Jésus dévoile à la foi des
disciples la singularité de Jésus comme l' homme en qui
"l'espérance transcendantalellexpérimentée par tout homme
qui croit au caractère irréversible de sa vie trouve son
accomplissement. La résurrection de Jésus montre que sa
particularité historique et son aventure humaine entrent à
travers l'événement pascal dans le mystère de Dieu. "Le
Dieu de nos pères a ressuscité Jésus que vous aviez fait
mourir _ I l l ' a exalté par sa droite le faisant chef et
sauveur (Act.S,30-31). Evénement de portée prophétique qui
concerne toute l'humanité, la résurrection de Jésus assure
la glorification de l' humani té qui dans son originalité
signifiante a une valeur permanante pour le monde. En
effet, la mort humaine de Jésus est le point de départ pour
une compréhension correcte de la résurrection. En mourant
comme tout homme Jésus dans un acte décisif de sa liberté
d'homme fait entrer l'histoire de sa vie unique et totale
dans- le mystère d'une humanité éternelle où il n -' existe
qu'en Dieu. dans un acte définitif de remise totale de sa
vie à Dieu Il se livre par sa mort au mystère de l'amour
infini de Dieu. L'événement pascal achève de donner un sens
à l'existence historique de Jésus. Il est le moment décisif
où la mort et la résurrection de Jésus sont des réalités
inséparables dans un unique mouvement. Par la mort et la
résurrection de Jésus, Dieu opère au sein de l' humani té
indissociable de la réalité du monde un acte où il reçoit
la soumission libre et active de l'humanité et du monde à
sa réalité mystérieuse.

L' humani té entrant par la résurrection dans le


mystère de la source d'être et de vie qu'est Dieu devient
la réalité même de Dieu qui la transfigure en la
divinisant. Cette assomption de l'humanité en Dieu délivre
celle-ci de toutes limites. Le Christ dans sa nouvelle
condition est le commencement irréversible de la
di vinisation de l'univers. C'est l'exercice de ce rôle du
Christ sur l' univers et pour l' univers qui est manifesté
pour la foi dans l'événement de sa mort et de sa
résurrection. En ce sens la résurrection du Christ est le
commencement de la transformation et de la divinisation du
monde. L'Ecriture néo-testamentaire désigne cette
transformation par "nouvelle création" dans le Christ. En
mourant et en ressuscitant dans son corps qui est un
élément du monde, la nouvelle liberté du Christ est à
jamais plantée au coeur du monde. En Christ mort et
ressuscité notre humanité se trouve libérée de toutes
limi tes. Le Christ inaugure la résurrection de l' humani té
en devenant le terme de l'aspiration à "l'espérance
transcendantale ll
de l'homme. Médiateur d'une humanité
sauvée, le Christ, premier né d'entre les morts, vit à
jamais pour l'humanité (Rom.14,7-10). En lui le salut
définitif est réalisé sans retour; un homme de notre monde
a définitivement vaincu la mort et tous ses frères en
humanité unis à lui partagent dans l'espérance la condition
de l'achèvement final qu'il vit en réalisant toute son
essence devant Dieu. La résurrection est cet avenir absolu
que trace le Christ pour l'humanité qui en lui peut entrer
en pLeine communion ave-c Dieu, avec l J Espri t pe.rsonnel et
créateur qui est condition de communion interpersonnelle.

l Le processus humain de la mort de Jésus donne un


sens salutaire à tout ce qui est humain. En Jésus Dieu
assume toute mort qui est non seulement le terme de sa vie
biologique mais l'épanouissement de son historicité vécue
dans le mystère de Dieu. Le passage de Jésus à travers la
mort est l'achèvement interne et définitif de son existence
humaine. Grâce à la vie divinisante de son humanité, Jésus
trouve une ouverture sur l'univers. En effet, en Jésus la
mort devient un acte humain personnalisé et non une
fatali té biologique sans finalité. A la différence dt une
mort passive et biologique, la mort de Jésus Christ est un
événement prophétique, un chemin salutaire, un acte
d'obéissance de la créature spirituelle qui se livre à Dieu
dans l'abandon de sa forme corporelle et temporelle. Parce
qu'il représente l'univers dans son acte de soumission à
Dieu, Jésus, en acceptant sa mort, intègre complètement son
être historique dans une humanité éternelle et glorieuse,
source d'une nouvelle naissance et d'une transfiguration du
monde auquel appartient son corps ressuscité.

La mort de Jésus est donc l'acte décisif de sa


liberté personnelle qui le libère des contingences du monde
pour être présent à toute réalité. Il devient ainsi le
premier né de toute créature et l'image du Dieu invisible
en qui toutes choses sont créées (Col.l,15-16). En
ressusci tant Jésus Dieu fait de lui le coeur du monde
humain, la réalité du salut pour l'histoire et la
1
1 transfiguration du monde. En devenant par sa mort et sa
résurrection le centre inti~e de toute réalité créée, Jésus
le Christ devient le sacrement de la présence de la
puissance salvatrice de Dieu dans le monde. L'Eucharistie
célébrée rend présente l'humanité glorieuse du Christ

S4
ressuscité. C'est ce Christ ressuscité qui divinise et
transforme la réalité historique grâce à la collaboration
des honunes qui participent à 11 accueil de leur salut en
suivant le chemin salutaire frayé par le prophète de
Galilée, le Crucifié de Jérusalem, le Ressuscité dans la
fot des disciples- en qui tout homme -anticipe son avenir
transcendantal. C'est en raison de la vérité salutaire de
la résurrection que Karl RAHNER propose celle-ci comme le
fondement originaire de toute christologie. En effet, le
but de la création est l'incarnation de Dieu dans le monde
pour le diviniser. La résurrection de Jésus est le point
dl arrivée qui permet de comprendre le point de départ de
l'intention créatrice de Dieu. En créant, Dieu n'a qu r un
but: faire participer la créature spirituelle à sa propre
vie, cette vie qui est communion d'intelligence, de liberté
et d'amour. Dieu est Amour. Il est celui qui sort de lui-
même, et tout en restant lui-même se donne sans
s'appauvrir. Il est source de vie, plénitude de vie, et la
créature spirituelle se réfère à lui comme source d'être et
de plénitude.
V. TROIS THEOLOGIENS CATHOLIQUES A L'ECOUTE
DES RICHES INTUITIONS DE KARL RAHNER

Le caractère formel du point de départ de la


christologie et de la sotériologies rahnériennes a suscité
des critiques de la part de trois théologiens catholiques
qui ont été à l'écoute des riches intuitions de l'auteur de
la Christologie Transcendantale.

Wal ter KASPER, Hans Urs Von BALTHASAR et Joseph


MOINGT par leur ouverture philosophique et théologiques à
l'originalité du projet christologique rahnérien ont porté
plus loin dans leurs sphères respectives l'effort de
réflexion théologique amorcé par Karl RAHNER.

Ce chapitre se subdivise en trois parties où nous


nous limiterons à présenter les critiques constructives des
théologiens catholiques précédemment mentionnés en les
confrontant à la cohérence de la démarche théologique
rahnérienne.

A. WALTER KASPER ET LA CHRISTOLOGIE


D'ORIENTATION ANTHROPOLOGIQUE

Dans Jésus le Christ, Walter KASPER(l) reconnaît à Karl


RAHNER le mérite d'avoir élaboré une chistologie et une
sotériologie avec les présupposés de la situation
spirituelle contemporaine. En assumant avec courage et
honnêteté les exigences et les requêtes de l'homme moderne

l
1. KASPER Walter, Jésus Le Christ, Cogitatio fidei 88,
Cerf, Paris 1980
sl

sur la pertinence d' un discours de foi qui intègre les


acquis culturels de la modernité, Karl RAHNER, dans son
proj et christologique et sotériologique, a 'mis au point un
travail d'interprétation et d'actualisation des énoncés
dogmatiques sur le Christ et le salut qu'il apporte à
l'humanité.

L' originali té de Karl RAHNER est à trouver dans


l'affirmation du contenu salvifique des énoncés
christologiques dans leur lien intime avec l'essence
humaine réalisée concrètement dans la condition historique.

Selon Walter KASPER, Karl RAHNER a dénoncé à


juste titre la conception instrumentale du Christ qui
dégrade le médiateur au rang de moyen. Il a aussi écarté de
sa démarche théologique toute représentation mythologique
de l'incarnation de Dieu qui ne verrait dans l'humanité du
Christ que l'habit ou la livrée dont il se servirait pour
signaler sa présence parmi les hommes. Pour Karl RAHNER,
l'humanité du Christ est le symbole réel de Dieu. Elle est
la voie étroite d'accès à la manifestation historique
définitive et unique de Dieu.

La christologie d'en bas, "ascendante" dont il


est l'un des promoteurs défend la distinction et la
singularité de l'homme Jésus en face de Dieu.

La christologie d'orientation anthropologique


dont il est l'auteur a son point de départ dans la réalité
historique de l' homme Jésus Si engageant entièrement dans
l'acceptation de sa condition d'homme. Elle s'ouvre aussi à
la réalité du Logos incarné en qui, distinct du devenir
humain, Dieu révèle au creux de l'existence humaine le sens
ul time de 11 expérience humaine. Elle invite tout homme à
reconnaître dans le destin salutaire de l'homme Jésus,
homme-Dieu, ce qu'il cherche dans ses aspirations
profondes. Ainsi l' hurnêj.ni té du Christ est le lieu
privilégié et exclusif de la manifestation du sens
salutaire de l'existence humaine réalisée de façon éminente
en l' homme Jésus. Il La cri tique que l'on fait le plus
souvent à RAHNER est de réduire, en prenant pour point de
départ la subjectivité de l'honune, le phénomène de
l' intersubj e-cti vi té. "-C1) -Cette réduction peut être
justifiée par devant la cohérence de l'ensemble de la
démarche rahnérienne. En effet, le projet christologique et
sotériologique de Karl RAHNER est d'offrir à l'honune
d'aujourd'hui un accès à la réalité de la foi en partant de
la compréhension qu'il a de lui-même. Karl RAHNER n'est pas
directement concerné par le phénomène de
l'intersubjectivité en tant que fait de culture par rapport
à la compréhension de la réalité de la foi. Son point de
départ est celui du suj et humain à qui s' adresse
aujourd'hui la proposition de foi chrétienne. Le sujet
humain dont il est question est tout homme de bonne volonté
qui a du mal à réconcilier son existence humaine avec les
données de foi qui lui paraissent venir d'un horizon autre
que celui de sa vie quotidienne. Il nia pas les mêmes
réflexes, le même langage, les mêmes préoccupations et le
même horizon de compréhension que les chrétiens du passé
qui ont élaboré ces propositions de foi. La démarche
théologique de Karl RAHNER est de rejoindre le sujet humain
moderne dont l'univers culturel immédiat n'est plus ajusté
aux propositions théocentriques du christianisme
historique. Aussi part-il du sujet humain moderne avec sa
compréhension anthropocentrique de la réalité. C'est à
l'intérieur de cette compréhension anthropocentrique de la
réalité que Karl RAHNER examine a priori l'horizon de
possibili té de la connaissance salutaire de Dieu chez le
suj et humain moderne. La compréhension moderne du suj et
humain est la mesure de la christologie et de la
sotériologie rahnériennes. Le sujet humain moderne, à

1. KASPER Walter, Op.Cit. p.71


travers les conditions nécessaires de sa possibilité de
connaître Dieu et d'agir en fonction de cette cQn ais ~nce,
conditionne le moment de réflexion christologique et
sotériologique rahnériennes.

Karl RAHNER définit le sujet humain moderne comme


une transcendance absolue orientée vers Dieu. Il est un
être humain capable par sa transcendance dl atteindre la
réalité même de Dieu qui est son salut. Autrement dit, la
société humaine ne médiatise plus pour l'homme moderne la
connaissance salutaire de Dieu. L homme moderne, tout en
t

étant membre dlune société, n'est pas la somme des acquis


culturels de la société. Il n'est pas un microcosme social.
Son développement comme suj et est autonome par rapport à
l'environnement. Le suj et humain moderne est autonome et
plus grand que sa réalité culturelle. Il est capable de se
situer en être responsable devant le but de son existence
une et unique qui n'est pas la mise en oeuvre d'un
programme social. Aussi le sujet humain moderne est celui
qui prend ses distances par rapport à un christianisme
sociologique et historique dont le lien à Dieu est maintenu
par le tissu social. Le monde moderne dans lequel il vit
est marqué par la fracture du tissu social où l'individu
atomisé recherche le sens de son existence à travers sa
subjectivité. L'individu éclaté ne se réfère plus
directement au phénomène de l'intersubjectivité. Il est
plus concerné par son projet et par l'unité de sa vie qui
se développent dans l'historicité de sa condition humaine.
Il n'est plus celui qui est enraciné dans la tradition de
sa société. Il n'est plus le détenteur d'un héritage
culturel à promouvoir. Il n'est plus renvoyé au passé
collectif. Chez le suj et humain moderne, la subj ectivi té
est le lieu par excellence de l'expérience personnelle.

Karl RAHNER, adressant sa christologie et sa


sotériologie au monde moderne ne peut se tromper d'époque.
Il s'adresse à un individu atomisé dans son rapport à Dieu.
C'est à cet individu, riche d'aspirations, que Karl RAHNER
présente la manière authentique d'être homme à la suite du
proto-homme, Jésus le Christ.

Certes, Il L' homme en soi ne se rencontre jamais;


l'homme ne se rencontre jamais qu'à l'intérieur du réseau
des relations, je - tu - nous; l'homme n'existe pour ainsi
dire que comme plurale tantum. La conscience de l'enfant
s'éveille au sourire de la mère, la liberté de l'individu
dans la rencontre avec la liberté d'autres hommes. L'indice
le plus évident de cette intersubjectivité est le phénomène
du langage humain, par l'intermédiaire duquel s'effectuent
tous les processus intellectuels. Ainsi, ce qui est premier
ni est pas, comme le pense RAHNER, la question que l'on
pose, mais le fait d'être interpellé "(1)

Wal ter KASPER a bien raison de montrer que le


sujet humain ne s'éveille à lui-même qu'à travers la
cul ture qui le façonne. Le suj et humain en soi n'existe
nulle part. Le suj et humain est au confluent du
conditionnement biologique, psychologique, social et
économique. Son autonomie est réelle, mais seulement dans
l'ordre symbolique. Le sujet humain est toujours situé dans
un réseau de relations. C'est à l'intérieur d'un ordre
symbolique qui porte l'homme qu'il peut se représenter son
être-au-monde et se décider en liberté. Le sujet humain est
touj ours interpellé par les événements qui suscitent ses
réponses. Les diverses réponses que le sujet humain donne
aux interpellations s'inscrivent dans une vision du monde
présente en lui à travers le phénomène du langage.

1. KASPER Walter, Op.Cit. p.71-72


Le langage humain conditionne toutes les opérations
intellectuelles et volontaires du sujet humain. Aussi, le
fait d'être interpellé est premier, car toute réalité
perçue. et énoncée par le suj et humain ne répond pas
forcément aux questions qu'il se poserait dans une "tour
transcendantale". Chaque interpellation provient d'un monde
cul turellement investi de significations. La subj ectivi té
de l'homme ne préexiste pas au langage. C'est à travers le
langage que se constitue la subj ectivi té humaine. De ce
point de vue, partir de la subjectivité humaine sans faire
appel de façon explicite au phénomène global du langage
humain, paraît un point de départ contestable.

Ainsi" ce qui est premier n'est pas, comme le


pense RAHNER, la question que l'on pose mais le fait d'être
interpellé. Même la problématique transcendantale très
compliquée de la philosophie moderne n'est pas un point de
départ "qui va de soi", mais elle a été transmise par toute
l'histoire de la philosophie occidentale et par l'histoire
du christianisme. Dans ses écrits ultérieurs, RAHNER a lui-
même réfléchi sur cette transmission historique et il a
essayé de montrer le rapport du conditionnement réciproque
qui existe entre la transcendantalité et l'histoire. Il a
aussi montré qu'une insistance particulière sur
l'intersubjectivité et sur l'histoire n'exclut pas pour
autant son point de départ transcendantal en tant que tel.
Car aussi vrai que l'homme existe seulement dans et par le
langage, il est c~pendant également vrai que la parole et
la question que l'autre nous pose présuppose la possibilité
d'être interpellé. Ce n'est pas le point de départ
transcendantal en tant que tel qui peut donc être l'objet
d'une critique, mais seulement le fait que RAHNER ait trop
pris en considération le caractère formel de ce point de
départ. Dans ses écrits récents également, l'histoire est
pour l'essentiel le matériau catégoriel dans lequel et par
lequel se réalise la liberté transcendantale. RAHNER prend
trop peu en considération le fait que la réalité du contenu
de l'histoire signifie une détermination des conditions de
possibilité transcendantale de la compréhension,
détermination qui n' est pas déductible de celles-ci mais
n'est pas non plus complètement saisissable" (1)

W.KASPER continue: "cette tension constitutive


entre la réalité historique et la possibilité
transcendantale nous renvoie au problème fondamental du
point de départ de Karl RAHNER. Sous forme de thèse, on
pourrait dire que, par sa pensée, il reste, dans une très
large mesure, prisonnier de la philosophie idéaliste de
l' identi té et de son identification de l'être et de la
conscience. Aussi, conclut-il immédiatement, à partir de
l'ouverture indubitable de l'esprit humain à l'infini, à la
réali té de cet infini. Mais ne faudrait-il pas faire ici
une distinction? l'homme reste un esprit fini également et
justement dans ce contact avec l'infini. Peut-il donc en
tant qu'esprit fini avoir même l'idée de l'infini? Ou bien
ne doit-il pas nécessairement en le reconnaissant, le
méconnaître en même temps? Peut-il donc avoir de l'infini
plus qu'un concept négatif ? L homme ne touche-t-il pas
f

justement, dans ce contact avec la raison dernière de son


existence, à un mystère insurmontable? En effet, ce qu'est
cet infini reste en définitive ouvert, ambigu, ambivalent;
il est capable de nombreuses interprétations. On peut
l'interpréter comme le fondement panthéiste de toute
réalité; mais on peut aussi le comprendre comme
l'expression d'une absurdité ultime de l'existence; on peut
l'interpréter au sens du scepticisme et adorer en silence
l'impénétrable en se tenant dans une sage réserve; on peut
aussi le comprendre de manière théiste. Chacune de ces
interprétations inclut une option. Ainsi s'ouvre sur le
fondement dernier de notre condition humaine une tension
insurmontable de conscience et d r être. Elle signifie que
l'homme qui interroge, qui pense et qui veut, est d'une
part plus grand que la réalité parce qu'il dépasse tout en

1. KASPER Walter, Op.Cit. p.71-72


interrogeant, en pensant, en voulant; mais
inversement aussi la réalité se montre plus grande que
l'homme; l'homme ne peut pas en définitive rattraper la
réalité. Ainsi l'nomme se trouve devant un mystère
insurmontable; bien plus, il est lui-même à lui-même, un
tel mystère impénétrable. Il est impossible de tracer les
lignes essentielles de son existence. Si l'on tient compte
de cette situation ambiguë de l'humanité, les lignes
essentielles de l'homme ne peuvent pas non plus être
tracées par rapport à Jésus Christ. Au plus, on peut
montrer une certaine convergence des lignes de l'existence
humaine en direction du Christ."(l)

Pour W.KASPER, Karl RAHNER reste tributaire


d'une métaphysique où être et connaissance sont
correlatifs. En effet, Karl RAHNER est conscient de
l'historicité de la connaissance. Il sait aussi que c'est
dans l'événement et l'avènement du langage que se produit
tout acte de connaissance. Cependant, il reste fermement
persuadé que la subjectivité de l'homme est transcendance.
C' est dans la subj ectivi té hwnaine que se creuse l'écart
douloureux entre le particulier de l'histoire et
l'universel de l'affirmation de l'être. C'est à travers le
dynamisme de la transcendance humaine que l'affirmation de
l'être est possible .

Karl RAHNER passe de l'historique à l'ontologique


et de l'ontologique au mystagogique. L' être ineffable se
laisse dire et affirmer au coeur de la totalité de
l'existence humaine. Pour lui, l'être se manifeste au coeur
de la structure de l'expérience subjective. En partant de
cette structure spirituelle de l'homme, la subjectivité
humaine devient le point d'émergence de la question que

J
1. KASPER Walter, Op.Çit. p.72-73
l'homme pose à la réalité. Cette question part de la
situation historique du sujet. C'est à travers le recours à
l'expérience historique concrète du sujet que la
connaissanèe de Dieu dans son mystère sr annon-ce au sein
d'une question que le sujet pose à la réalité vécue. Dieu
dans son mystère est l'origine de toute intelligibilité du
sujet. Pour Karl RAHNER, le sujet humain dans son rapport à
lui-même et à son monde, vit dans une constante extension
de lui-même vers l'absolu. En vertu de la causalité
efficiente de l'oeuvre de la création, le suj et humain a
une ouverture innée vers l'infini. Suscité dans son
altérité par Dieu lui-même, le sujet est constitué dès
l'origine dans l'ordre surnaturel. " La promotion de
l' homme au surnaturel est l'accomplissement absolu, bien
que gratuit - d'un être qui ne peut être "défini", c'est à
dire "délimité" à la manière des êtres "non-humains" parce
qu'il est esprit et transcendance vers l'Etre absolu" (1)

Wal ter KASPER ne partage pas les présupposés de


la métaphysique de la connaissance de l'être de Karl
RAHNER. L' identification de l'être infini au dynamisme de
la connaissance subj ective reste pour lui problématique.
L'Etre infini ne peut être identifié ni à Dieu, ni au
fondement du monde ou de la subj ectivi té. L' Etre est le
non-représentable, le non-identifiable, le non-maîtrisable,
l'impénétrable insurmontable. Il peut être l'horizon d'une
option (panthéiste, nihiliste, sceptique, théiste .... ) Il
est la révélation du mystère impénétrable de la
subjectivité humaine et de la réalité.

Pourtant Karl RAHNER affirme de manière plus


positive l'existence de cet Etre obscur, sans nom, qui est
J le fondement de l'existence. Il l'affirme parce que la
l
i

1. RAHNER Karl, Questions Théologiques Aujourd'hui, t.II


p.36
subjectivité humaine est intercommunication. Il est le
rapport à ce qui est pl us qu'elle. Cette réalité
irréductible à la subjectivité humaine est le principe
ïhterrie de toute subjectivité, et l'accueil -de cet Etre est
possible au delà de la limite de la subjectivité humaine.
C'est cette référence de la subjectivité à ce qui n'est pas
elle qui est l'horizon infini où elle reconnaît la
signification permanente de l'existence humaine.

En dépassant le primat du suj et transcendantal


dans sa prétention à disposer du fondement de l'existence
humaine, W. KASPER, en opposition à Karl RAHNER, ouvre un
autre chemin à la christologie et à la sotériologie
rahnériennes. Il valorise la particularité historique aux
dépens dl une métaphysique de l'affirmation de l'Etre de
Dieu dans son mystère. Il ramène le mystagogique et
l' ontologique à l' historique. L' homme doit, en effet
Il

reconnaître que tout ce qu'il espère se réalise en Jésus-


Christ d'une manière totalement imprévisible. Ceci nous
conduit, en opposition avec RAHNER, à une nouvelle
définition du rapport entre l'anthropologie et la
christologie; nous nous inspirons surtout pour la formuler
du représentant sans doute le plus éminent de la théologie
spéculative dans l'école catholique de Tübingen du XIX
siècle, J.E.KUHN. La christologie n'est pas seulement
l'anthropologie qui se transcende. La christologie est une
détermination du contenu de l'anthropologie, qui en tant
que telle, reste ouverte. C'est pourquoi, au sens de la
doctrine classique de l'analogie, on doit dire que malgré
toute similitude existant entre l'anthropologie et la
christologie, si grande soit-elle, il subsiste une grande
dissemblance. L'anthropologie est pour ainsi dire la
grammaire dont Dieu se sert pour se dire Lui-même; mais la
grammaire en tant que telle est encore disponible pour
toutes sortes d'affirmations; sa détermination concrète
n'est donnée que pour la vie humaine concrète de Jésus. Si
cette distinction n'est pas observée, il ne peut au fond
survenir rien de vraiment nouveau en face de la conscience
transcendantale de l' homme, au delà du simple fait que
l'idée du sauveur absolu se réalise justement en Jésus
Christ, et nulle part ailleurs. Si cette irréductibilité du
contenu de l'événement du Christ nlest plus tenue, on doit
alors nécessairement relativiser aussi le " Dass", le fait
"que" l'idée de sauveur absolu s'est justement réalisée en
Jésus de Nazareth. Car, si l'indéductibilité ne réside pas
dans le "Dass" mais non plus dans le "was" dans
l'affirmation du fait et non plus dans sa substance - on
doit se demander avec Hans Urs Von Baltasar si le don et l
'ouverture radicale, que RAHNER affirme du Christ, ne
peuvent pas être dits aussi bien de Marie. On doit même
aller plus loin avec D.F.STRAUSS, et se demander s'il est
de la nature de l'idée de déverser toute sa plénitude en un
seul exemplaire ou s'il n'est pas plutôt conforme à cette
nature d'étendre sa richesse à une multitude d'exemplaire,
qui se complètent mutuellement. Ni le contenu de l'idée du
Christ ni la réalisation de ce contenu en un individu
unique ne peuvent se déduire. Nous pouvons seulement
confesser que ce que nous espérons au plus profond de notre
être s'est réalisé en Jésus Christ d'une manière qui
dépasse toute attente. C'est seulement si l'on respecte de
cette manière la catégorie du "nouveau" qu'on aboutit à une
pensée historique dans le cadre de laquelle nous avons à
poser la question de Jésus Christ." (1)

Ainsi en opposition à Karl RAHNER, W.KASPER


propose une christologie qui serait une détermination de
l'anthropologie. En effet, la christologie n'est pas le
prolongement parfait de l'anthropologie. Elle nlest pas le
modèle parfait de llanthropologie. Elle n'est ni le point
de départ absolu ni le point d'arrivée de llanthropologie.
Parler de

fffee l'homme et parler de Jésus Christ sont deux


réalités différentes. En effet, le Christ, quoique homme,
l'est de manière unique et autre. Il n'est pas l'homme
1. KASPER Walter, Op.Cit. p.73-74

authentique à partir duquel il faut penser tout homme. Ce


serait lui ravir sa particularité historique. Comme homme
il est l'unique, irréductible à un autre homme. Semblable à
tout homme, il n'est pareil à aucun autre homme. C'est en
respectant la nouveauté de l' homme Jésus comme homme de
l' histoire qu'on peut penser adéquatement son rapport aux
autres hommes. L'homme Jésus, sujet de la christologie est
un cas unique, irréductible à la généralisation.
L'anthropologie est la manière humaine dont Dieu s'énonce.
En s'énonçant à travers l'anthropologie, le Christ de
l'histoire n'épuise pas entièrement le contenu de
l'anthropologie. L'anthropologie reste ouverte à
l'énonciation d'autres réalités méta-historiques concernant
le Christ. Seule la vie humaine du Christ se dit de manière
appropriée à travers l'anthropologie. Après avoir énoncé la
vie humaine du Christ, l'anthropologie reste disponible
pour penser, par exemple, le rapport du Christ à la société
ou à l'histoire comme le lieu de surgissement du nouveau et
de l'imprévisible . Certes, il y aura toujours une relation
mutuelle de conditionnement entre christologie et
anthropologie. Cependant la connaissance du Christ ni est
pas un degré moindre de la connaissance de l'homme.

La cri tique de W. KASPER nous permet de faire à


Karl RAHNER une observation de méthode. Karl RAHNER, avec
quelque esprit d~ système, a construit un modèle de
christologie a priori. Ce modèle de christologie offre des
clés de compréhension anthropologique au mystère du Christ.
Cette christologie a priori qui présuppose la rencontre
vivante du Christ dans l'histoire et dans l'Eglise est un
effort de fidélité vivante et créatrice à l'Evangile et à
la tradition de l'Eglise. Mais l'entreprise enferme la
J réali té historique de la foi au Christ dans une
métaphysique dont les présupposés sont problématiques. La
particularité historique du Christ n'apparaît pas dans
toute sa densité factuelle. Le fait historique est
conceptualisé d'une manière si rigoureuse que la tonalité
dramatique du salut apparaît de façon périphérique.
-'

B. HANS URS VON BALTHASAR: NÜl~SIMO'L CHEZ' KARL


RAHNER DU DRAME DU SALUT

Hans Urs Von BALTHASAR propose un chemin


sotériologique où la conception dramatique du salut rend
compte de l'événement de la mort de Jésus comme révélation
de salut.

Dans La Dramatique Divine III, L'action,(1) Hans


Urs Von Balthasar cri tique la manière dont Karl RAHNER a
réaménagé l'éclatement décisif et irrémédiable des sciences
théologiques.

La philosophie qui sert de cadre au déploiement


de la réflexion christologique et sotériologique
rahnériennes, par une préférence marquée pour la thèse de
l'inunutabilité de Dieu, exclut l'idée de substitution de
Jésus à la place des pécheurs, cette idée étant considérée
conune impensable. C'est autour du thème d'une authentique
fonction substutitive de Jésus à la place des pécheurs que
H.U.VON BALTHASAR apporte une réelle contribution à la
sotériologie rahnérienne.

Dans cette partie de notre travail nous


insisterons sur la cri tique de BALTHASAR et nous
proposerons une approche personnelle du drame du salut

1. BALTHASAR H.U.Von, La Dramatique Divine III L'Action,


j Culture et Vérité, Namur, 1990

J
(1) H.U.VON BALTHASAR ET LA REVELAT.LON BIBLIQUE

H.U.VON BALTHASAR critique le fait que Karl


RAHNER ne donne pas une prééminence à la révélation
biblique: Il RAHNER met en garde contre un "biblicisme" pur
et simple. La raison en est finalement, comme on le verra,
que la révélation biblique par la Parole de Dieu n'est
qu'une "espèce" dans un genre, une étape particulière à
l'intérieur d'une histoire plus englobante de la
révélation. Autrement dit encore, elle n'est que
«l'expression le mieux accomplie du nécessaire déploiement
catégorial de la révélation transcendantale » ou encore «
l'explicitation de ce que nous sommes depuis toujours par
la grâce et de ce que nous expérimentons, du moins de
manière non thématisée, dans l'infini de notre
transcendance» " (1)

Pour Karl RAHNER, la révélation n'est pas une


information que Dieu donne sur lui-même. Elle n'est pas le
reportage de faits divins accomplis dans l'histoire du
salut. La révélation est la rencontre de deux subjectivités
qui dans une interaction donne une interprétation de
l'événement du salut. Cet événement du salut est co-
extensif à l'histoire universelle. Tout sujet humain en
acceptant sa destinée historique concrète, se trouve en
lien avec l'offre de salut de Dieu car son être historique
contient la promesse de son achèvement définitif en Dieu.
La révélation biblique est l' explici tation historique de
cette rencontre de deux subj ectivi tés en un lieu
particulier à une époque particulière contenant une

1. BALTHASAR H.U.Von, Op.Cit. p.249

70
Il
signification normative pour toutes les autres révélations
qui se déroulent dans le temps et dans l'espace. Vue sous
cet angle, la révélation manifeste Dieu comme mystère
insondable et comme avenir absolu de tout homme -qui accepte
avec confiance son histoire propre avec tout ce qu r elle
comporte d'incompréhensible. Dieu en se révélant dans la
Bible se donne comme le mystère permanent que l'homme doit
accueillir avec confiance. La connaissance que l'homme a de
Dieu à travers la révélation biblique doit être constamment
confrontée à l'expérience personnelle de tout homme. La
révélation catégoriale de l'Ancien et du Nouveau Testaments
a des limites spatio-temporelles mais elle est normative
pour saisir l'événement de grâce dans l'existence de
l'homme interpellé par sa signification. La révélation
biblique enveloppe l'homme dans le mystère du Dieu qui est
plus grand que le coeur de 11 homme. Au contact de la
révélation biblique, l'homme ne fait pas l'économie du
risque de l'espérance. Comme le salut est de l'ordre de
l'existence, tout homme doit l'accueillir dans 11 anonymat
concret de son histoire. L'existence historique est le lieu
par excellence de la révélation de Dieu et il n'existe
point d'histoire profane. L'immédiateté de Dieu étant
inscrite dans l'intime de la subjectivité humaine, elle est
ouverte au mystère du Dieu qui se révèle. Ainsi
l'expérience humaine informée par la grâce et
philosophiquement réfléchie est le lieu de la proximité de
Dieu. Ce qui est signifié par Dieu est à comprendre à
partir de l'expérience humaine. Le passé de l'Ecriture
sainte ne révèle pas le présent de la foi; c'est le présent
qui, dans son offre de grâce, ouvre à la réalité qu'entend
communiquer l'Ecriture. L'Ecriture est, pour ainsi dire, le
témoin de l'affirmation de foi qui jaillit au coeur de
l'existence humaine. Une figure humaine concrète peut
ouvrir au Christ de l'Evangile, et l' Ecriture est
l'expression de grâce originelle qui permet à la foi
d' advenir dans le suj et qui se trouve interpellé par son
contenu dans l'enracinement de sa vie historique.
Quand H.U.VON BALTHASAR critique la manière dont
Karl RAHNER si tue la fonction de l' Ecri ture sainte l il
prend une position qui est en contradiction avec les
présupposés de la pensée - rahnérienne - sur la révélation.
Aussi n'est-il pas étonnant de voir que selon BALTHA8AH li

HAHNER rej ette la manière l devenue courante depuis


l' Ecri ture l les pères et Ahselme l d' interpréter le" pro
nobis" et d'abord celui de la croix de Jésus, compris dans
la perspective plus large de l'incarnation comme une
expiation à la place des pécheurs. La raison en est que
cette théorie "postule l'idée d'une substitution finalement
impensable logiquement entre l'homme et Jésus; elle
contredit en outre la juste intelligence de la rédemption;
enfin elle réduit à 11 extrême la valeur du huper hêmôn
paulinien, et cela de façon purement arbitraire. Comment et
d'où l'apôtre des nations pouvait-il d'ailleurs, en
présence de l'expérience que les premiers disciples avaient
de la mort et de la résurrection de Jésus connaître, cet
huper et en parler ? " La formule est pourtant
certainement pré-paulinienne; mais l'auteur n'en tient pas
compte et parle plutôt d'une "théologie tardive", à
laquelle appartiendrait aussi "la théologie réfléchie sur
le Logos 1 la doctrine de la préexistence du Christ 1 les
déclarations johanniques utilisant le "je suis" 1 11 emploi
explicite d'autres titres de prééminence, certains
développements de la sotériologie etc "Il faut donc
inverser le courant et revenir à ilIa révélation la plus
primitive", c'est à dire: l'expérience pascale spontanée
des disciples, à ce moment où la mort de Jésus n'avait pas
encore revêtu de signification rédemptrice effaçant notre
faute devant Dieu" (1)

1. BALTHASAR H.U.Von, Op.Cit. p.249

'7-L
Karl RAHNER prend ses distances par rapport aux
interprétations taràives àe llévénement du salut. Ces
interprétations sont colorées par la vision du monde de
ceux qui ont donné une forme définitive à la révélation
biblique. Leur conditionnement culturel aujourd'hui
accessible à la cri tique historique permet de rej oindre
l'événement originel pour dégager sa signification
sotériologique pour l'homme d'aujourd'hui. Pour l'homme
d'aujourd'hui, l'idée d'une substitution de Jésus à la
place des pécheurs est impensable. Nul ne peut être sauvé
par procuration. Le salut concerne le sujet humain qui se
si tue face à Dieu en être responsable, et l'idée qu un1

homme se substitue à soi pour décider en liberté de ce qui


engage le sujet est intolérable. C'est à travers l'horizon
de compréhension de l'homme d'aujourd'hui soucieux de
défendre par lui-même sa propre intégrité que l'idée d'une
substi tution de Jésus à la place des pécheurs paraît une
idée infantile, contraire à la dignité de l'homme.

Cependant, le témoignage de l'Ecriture est formel


sur l'identification de Jésus avec les pécheurs (2 Cor
5,14). Selon la compréhension de l'Ecriture néo-
testamentaire, Jésus représente les pécheurs devant Dieu.
Sa mort est un moyen de salut contre le péché où il
manifeste sa solidarité avec tous ceux qui sont enfermés
dans la logique du péché. Si l'idée d'une authentique
substitution de Jésus à la place des pécheurs est comprise
comme une représentation de ceux-ci auprès de Dieu en
raison de sa commune humanité avec eux, si l'idée d'une
identification à eux est un chemin de libération pour les
pécheurs et si la solidarité de Jésus avec les pécheurs
exprime sa mission salvifique, on peut parler d'une
authentique substitution de Jésus à la place des pécheurs.
D'4illeurs, dans la trame des événements de sa mort, les
auteurs néo-testamentaires ont toujours affirmé son
innocence et le caractère inj us te de sa condamnation qui
laisse entrevoir la possibilité d'un salut qu'il apporte à
ceux qu'il représente, à ceux auxquels il s'identifie et à
ceux avec lesquels il reste solidaire. Mais la raison
principale du refus par Karl RAHN~t{ ae la Ïonc'tion
substi tutïve de Jésus à :La place des pécheurs est à
rechercher dans sa sotériologie. II RAHNER répète
inlassablement apparemment contre St Anselme que Dieu est
immuable et qu 1 il ..ne saurait donc évoluer sous l'effet dl un
événement -de ce monde, par exemple, celui de la croix du
Christ. Il ne passe pas de l'attitude d'un Dieu offensé et
irrité à celui d'un Dieu apaisé. D'aileurs, c'est ce que
les auteurs de l'Ecriture, et même St Anselme, savaient
très bien, puisqu'ils attribuent l'initiative de toute
lloeuvre du salut au Père aimant dans un acte où ce n'est
pas lui qui se réconcilie avec le monde, mais à l'inverse,
où il réconcilie le monde avec lui. Soit! Mais le
raisonnement n'est-il pas trop court si l'on interprète les
textes de l'Ecriture sans nombre qui parlent de la colère

1 de Dieu contre les pécheurs et ceux qui (même très


précisément) parlent de jugement, en les ramenant sans plus
à la "volonté salvifique libre de Dieu comme cause a
priori. . . .. y compris de l'incarnation et de la croix du
Christ". C'est pourtant ce que fait RAHNER, et cela parait
très net à partir du contexte suivant dont il faut dire un
mot. Pour lui, en effet, (et on le suivra sur ce point),
l'ordre de la création est posé en vue de la communication
surnaturelle et libre de Dieu; cependant, la créature comme
telle nia pas à emettre la moindre exigence à cet égard.
Toutefois, à supposer par impossible que la révélation
nIait pas eu lieu, l'homme serait placé en face d'un Dieu
en quelque sorte muet: il serait fl SOUS le jugement ll , mais
Dieu s'étant révélé de fait, 11 homme se trouve dans le
salut ll (Idem, p. 251). Ainsi Dieu, selon Karl RAHNER, dans
l'incompréhensibilité de son mystère a pris dans son
immutabilité l'initiative de sauver l'homme. Il le fait en
le créant et la création de l' homme a pour finalité le
salut qui est la cause a priori émanant de Dieu dans le
surgissement de l'initiative par laquelle il crée l'homme,
ini tiati ve indissociable de sa volonté de le sauver. Le
salut alors n'est pas une entreprise de sauvetage de
l'homme dévoyé. Il n'est pas le replâtrage de l'homme cassé
dans son ressort profond. " Pour RAHNER, il suit de la
thèse de l'immutabilité divine que Dieu ne pouvant changer
de disposition est toujours déjà réconcilié, c'est à dire
que, dans son offre de grâce, est inclus\; cette volŒTté de
pardonner les- p-échés et de justifier l' horrune. Par
conséquent l'incarnation et la mort de Jésus Christ ne
peuvent agir que dans l'ordre de la cause finale, ou encore
II quas i-sacramentelle". Cette position acquiert toute son
évidence- si, de nouveau, on se réfère à l'ensemble du
projet christologique rahnérien. Jésus y est présenté corrune
l ! honune" (et l! unique) qui accueille parfaitement le don
divin, précisément dans sa situation de mort, là où il
s'abandonne et s'en remet totalement à la nuit du mystère
caché de Dieu: c'est en vue de cet événement (auquel Dieu
donne sa garantie par la résurrection que le monde et
l'histoire du salut ont été audacieusement conçus et mis en
oeuvre par Dieu ll (1)

Cette compréhension rahnérienne de la volonté


salvifique de Dieu donne une place prééminente à l' homme
Jésus comme condition de possibilité du monde et du salut.
A travers elle Dieu est celui qui est pour tous, et la mort
de Jésus est l'expression de la volonté de Dieu d'être pour
tous. Or, selon le témoignage de l' Ecri ture néo-
testamentaire, le Christ est mort pour tous. Nous avons là
un paradoxe par rapport à la position rahnérienne sur la
volonté salvifique de Dieu. IIRAHNER rej ette l'idée d'une
substitution comme "impensable ll parce que pour lui le
concept de liberté, en tant qu'accomplissement du suj"et en
sa totalité, occupe une place tout aussi centrale que chez
KANT. Si l'on demande alors quel acte de la liberté créée a
pu "pousserll Dieu à se donner au monde définitivement et
sans repentance, on dira que c'est celui par lequel un
honune s'est donné tout aussi absolument à Dieu, corrune au
mystère infini et hors des prise d'un sujet humain:
concrètement, c'est l'acte de la mort de Jésus Christ. Ici
on a l'uni té indissoluble du don fait par Dieu et de son
accueil; Jésus est le lieu où l'acte le plus libre coincide

1. BALTHASAR H.U.Von, Op.Cit. p.251


absolument avec le don de soi libre de Dieu.';" {l']

Pour Karl RAHNER, l'existence humaine de Jésus


est celle qui répond adéquatement au don de Dieu. Jésus est
l'unique en qui se réalise de façon parfaite la volonté
salvifique de Dieu. Par son consentement à vivre et à
mourir pour Dieu il est celui en qui le salut se manifeste
de façon définitive. Sa mort est le lieu où il accueille le
salut pour lui-même et délivré des contingences de
l'histoire, il rend présent le salut à toute l'humanité et
au monde. En lui l'humanité est sauvée en fait, le salut
est communiqué au monde. Il est le nouveau né au salut, le
premier né des morts, le commencement de la nouvelle
création, le représentant valable de l'humanité et le
1 sauveur unique grâce auquel le don du salut rejoint les
hommes dans leur universalité; Cette sotériologie originale
n'est pas en contradiction avec les dOnnées de la
révélation néo-testamentaire; Cependant, il y a de la part
de karl RAHNER un parti pris pour une orientation
sotériologique omettant la fonction substitutive du Christ
à la place des pécheurs. Karl RAHNER, rompt avec la
sotériologie qui désigne Jésuscomme celui qui offre à Dieu
une satisfaction pour les péchés. Sa mort comme toute mort
est la conséquence du péché dans le monde, mais elle ne se
lit pas à la lumière de la catégorie du sacrifice
expiatoire. Elle est le passage obligé à travers lequel il
est introduit dans le chemin d'une plus grande liberté par
rapport à l' histoire qu r il tient inscrite dans le proj et
salvifique de Dieu parvenu à son accomplissement pa::c sa
résurrection. Karl
a RAHNER
abordé la question
sotériologique de façon originale. le labeur du concept a
permis d'illustrer la volonté salvifique de Dieu à travers
le destin historique de Jésus. Dépassant la sotériologie
narrative grâce au labeur du concept, RARNER ouvre une
nouvelle intelligibilité du salut à lrhomme d'aujourd'huit,

1. BALTHASAR H.U.Von, Op.Cit. p.253


Cependant, nous nous proposons eL! 9u.LSt:: JepIl.ogue a cet:-C8
re:flexion sotério"logique une conception dramatique du salut
pour compléter la vision sotériologique rahnérienne . Pour
nous", le salut "offert par Di"eu en Jésus a un caractère
dramatique. A travers ces lignes nous voulons établir à
partir de notre propre relecture des Ecritures néo-
testamentaires et de l'existence chrétienne un lien entre
le salut par la croix du Messie et l'expérience du don de
l' Espri t Saint rassemblant les disciples dispersés pour le
témoignage du Messie glorifié

(2) UNE RELECTURE PERSONNELLE Du U:t<A!·l-c' vU" SALüT


LiAWS "ERuTl:~tC;ï"=.I :NEo"-7EB7A1ViE:N7A::L:tŒ

ù'U:t"è:Ü1T. ôon minis-c.ère" public, le- prophète de


Galilée, Jésus de Nazareth, a suscité autour de lui une
petite communauté de disciples. Ceux-ci furent complètelllê!lC
bouleversés par la mort d"e leur maî tre et ami. La petite
conununauté a semblé pour un temps ne plus avoir sa raison
d'être puisque celui qui la rassemblait a disparu. Peut-
être les disciples auraient-ils vécu de souvenirs et
d'espoirs déçus s'il n'y avait pas eu un événement
inattendu, l'expérience du don de l'Esprit Saint qui leur
ouvrit le chemin de l'adhésion à la foi en la résurrection
du Messie crucifié. En effet, durant la vie publique de
Jésus de Nazareth, plusieurs de ses contemporains ont fait
à l'échelle de leur vie individuelle des expériences de
salut à son contact: malades guéris (Mat.11,S), exclus et
marginaux réinsérés dans le réseau des relations sociales (
Luc 5,27-32) pécheurs pardonnés (Jean 8,1-11; Mat.l,21, Luc
19,9-10) affamés rassasiés (Mc 8,1-10). Ces contemporains
de Jésus ont été sauvés de leurs situations de détresse.
Ils ont accueilli avec joie les bienfaits soit d'une
guérison, soit d'une réinsertion sociale, soit d'un pardon

77
inconditionnel, soit du pain gracieuse~8 L 0rfel~ et
par i...a:gé. Si les contemporains de J'ésus ont été sauvés avant
leur mort' de situations de détresse qui rendaient pénibles
leurs conditions humaines, ils restaient marqués par
l'angoisse et la crainte de la mort. Bénéficiaires des
signes de salut, les contemporains de Jésus restaient
solidaires de l'humanité aspirant à un salut plus radical
qui opérerait sur la mort, l'antique ennemi de l'homme, une
victoire définitive et permanente. Vues sous cet angle, les
expériences individuelles de salut procurées par le
ministère public de Jésus sont des signes du Royaume de
Dieu présent en lui (Actes 10,37-38). Jésus le Messie par
ses paroles et ses actes salvifiques invite ses
contemporains à construire avec Dieu un avenir qui est au
delà du monde présent marqué par la fragilité, la faute, le
péché et la mort. Par un appel vigoureux à la conversion et
à la foi Jésus le Messie prépare son peuple et l'humanité à
recevoir le don de l'Esprit Saint la force de Dieu à
l'oeuvre dans sa vie. Jésus annonce le Royaume présent et
futur et espère la conversion de ses auditeurs. Mais le
refus d'un certain nombre entraîna un conflit dramatique.
Aussi fut-il jugé et condamné. Il resta fidèle à sa mission
et mourut. En réponse à sa fidélité, il fut délivré de la
mort et ressuscite dans la foi de ses disciples. Il est
promu à une condition de vie entièrement nouvelle. Il
devient le chef de l'humanité sauvée et le monde qui
s'enferme dans la violence et le péché se trouve réconcilié
avec celui qui l'a envoyé dans le monde, celui qu'il
appelle son Père. Il donne l' Espr i t du Père qui est le
sien. L'Esprit Saint montre que la passion du Messie et sa
mort, loin de mettre un terme à l'expérience du salut
inaugurée par son ministère public, suscite un nouveau
peuple, les communautés d'Eglise pour témoigner de la
victoire du Messie sur la mort et annoncer à tous les âges
le salùt définitif qu'il apporte. Ceux qui sont rassemblés
par 1: Espri t Saint en communautés d' Eglise sont ceux qui
sont sauvés par la croix du Messie. Le bois maudit devient
bois de vie, symbole de régénération, de transformation, de
guérison et de salut grâce â l' Espri t du Messie répandu
abondamment sur la communauté de ceux qui adhèrent dans la
foi à lui par le baptême. La croix du Messie est le symbole

71
de sa victoire sur le mal. Elle est le triomplu:: Ù;E: 1. ' C1i~(ta:L'

sû.'c la !rdine, la vengeance et le péché. Elle provoque


l'engagement éthique, la construction d ' un monde meilleur,
pacifique et fraternel, solidaire et sans phénomènes
d' exclusion, et toute l'existence chrétienne est marquée
par la célébration de cette action salvifique. Le salut est
cette geste de Dieu. C'est la dramatique divine au coeur de
l'histoire humaine. Elle interpelle l'homme sur les

l
questions fondamentales. L'un des gestes les plus délicats
de Dieu envers l' homme est d'ouvrir un avenir absolu à
celui-ci. La mort qui est pour un sujet humain l'événement
1 le plus bouleversant de son existence se trouve investie
d'une nouvelle signification. Elle reste l'achèvement du
devenir personnel du sujet humain, mais elle acquiert une
signification salvifique. Mourir qui est humain comme terme
intrinsèque d'un sujet personnel vivant devient le moment
de la rencontre du fondement absolu du sujet. La primauté
ontologique de Jésus comme premier ressuscité offre à toute
vie humaine parvenue à son achèvement une ultime mutation
en Dieu. L'homme devient dans son univers réconcilié avec
Dieu citoyen du milieu divin par sa participation
sacramentelle à la mort du Christ. L'intensité dramatique
du péché est couverte par la bienveillance et la bonté de
Dieu qui se manifestent dans la compassion prépascale et
postpascale du Christ" pour l es pécheurs. L'envergure du
mystère pascal amorce la glorification et la divinisation
du monde. C'est à partir de ce point d'arrivée que nous
pouvons avoir une nouvelle compréhension du salut. Le salut
s'offre dans la geste de Dieu et la dramatique divine ouvre
l'espérance d'un monde qui est le commencement d'une
nouvelle création.
---av- - -

C. JOSEPH MOINGT : KARL RAHN6n J.n..t..DUJ..M..Ln.c.

Dans L 'HOlVlME QUI VENAIT DE DIEU (1), Joseph


NOINGT propose une christologie et une sotériologie
fonctionnant à partir des modules narratifs de l' Ecri ture
Néo-testamentaire.

Pour rendre compte de l'identité de Jésus, Christ


et sauveur, J.ivIOINGT, tout en étant à l'écoute des riches
intuitions de Karl RAHNER, prend ses distances par rap o~t

à sa manière d' articuler le Jésus de l' histoire et le


Christ de la foi.

Pour J .MOINGT, Karl RAHNER reste tributaire du


dogme dans sa proposition christologique et sotériologique.
Aussi propos'e-t-il un retour à la lecture existentielle des
modules narratifs de l'Ecriture néo-testamentaire pour: une
meilleure compréhension de la personne du Christ et de son
oeuvre salvifique annoncées et racontées à partir de la
rumeur de sa résurrection. Le rapport existentiel du
croyant au récit et au corps ecclésial qui fait mémoire de
celui qui est Christ et sauveur est pour J.MOINGT le lieu
par excellence où s'énoncent une christologie et une
sotériologie touj ours en devenir éclairant le cheminement
de l "I-fOflUï\e d! dujourd 1 hui.

1. MOINGT Joseph, L' Homme qui Venait de Dieu, Cogi tatio


Fidei 176, Cerf, Paris 1993

81J

1
Nous nous proposons dans cette de.i:ù.,;..::: . . t: t:Lcl1Jt: ù~

.liuL.c'€' L't:;fl eKLorl SUL." la manière dont c-ertains théologiens


catholiques ont réagi par rapport à la proposition
christologique et sotériologique rahnériennes de ' pré-:::rente'C
la coat-.cibution positive de J .MOINGT.

(1) LES RICHES INTUITIONS DE ~RAK n~ùhA~

J. MOINGT exprime son accord avec le proj et


rahnérien de refondation d'une christologie et d'une
sotériologie orthodoxes pour auj ourd 1 hui. Karl RAHNEH y
poursui t le souci de réinterpréter les formulations trop
statiques de la doctrine de l'incarnation et de l'union
hypostatique. Ainsi Karl RAHNER, dans son projet

l
christologique et sotériologique ne s'éloigne-t-il pas du
point de départ de la christologie et de la sotériologie
magistérielles. En effet, Karl RAHNER, à travers ses thèse8
l dans la sixième étape du TRAITE FONDAMENTAL Db; LA t'UT
propose une nouveLle hermèneutique àu dogme de Chalcédoine
à la lumière àes progrès rea,usés à notre époque dans le
domaine des techniques d'investigation historique,
philosophique et théologique. Il commente de manière
originale les affirmations conciliaires de Nicée (325)
d' Ephèse (431) de Constantinople II (553) et de
Constantinople III (680-681). Pour lui, la divinisation de
l' honune est réalisée car en Jésus s'exprime de manière
défini ti ve et absolue la nouvelle proximité de Dieu. Il
défend avec le Concile dl Ephèse l'uni té hurnano-divine du
Christ en réinterprétant l'union hypostatique avec les
catégories de la dialectique du même et de l'autre. Selon
cette dialectique l ' Absolu par pur don de soi se communique
au fini créant par libre initiative la possibilité de
devenir l'autre qu'il assume sans s'appauvrir et sans
J
priver le fini de son autonomie par rapiJ-:'~ ~ .::.. 1..;( ...-é-ëü.i:i:.:à

.i:.üfinie. AU88'i établit-il avec le concile- de Chalcédoine la


distinction entre l' ;'humani té et la ài vini té du Christ en
maintenant la motivation sotériologique qui rend l'humanité
du Christ solidaire de la nôtre. La nouvelle proximité
unique de Dieu dans l'humanité du Christ justifie sa
médiation définitive et absolue. Aussi c'est dans le
respect de l' intégri té de la personne du Christ que Karl
RAHNER peut affirmer avec les conciles de Constantinople
que le salut de l'humanité est dû à l'agir historique d'une
volonté humaine libre du Christ répondant absolument à
l'initiative de salut de Dieu sur l'humanité qu'il intègre
dans la sienne.

Mais en repensant la christologie et la


sotériologie à partir du dogme, Karl RAHNER reste
tributaire de l'histoire de la christologie et de la
sotériologie du Dieu créateur de la Bible, sauveur de sa
créature à qui il veut se communiquer pour s'unir à elle.
Aussi, la visée salutaire commande la modalité de
l'incarnation. L'union de Dieu avec l'humanité sera le
résultat salutaire de l'incarnation. Par la médiation de
Jésus Christ, Fils de Dieu, l'humanité participe à la
divinité. La christologie et la sotériologie seront le
déploiement des relations mutuelles entre Dieu et l'homme
dans l'histoire du monde. Cette option pour le Dieu
créateur qui sauve sa créature impose le réalisme de
l'incarnation qui se tradui t dans l' Ecri ture néo-
testamentaire par la proposition christologique et
sotériologique johannique (Jn 1,14) . La sotériologie
devient le principe herméneutique de la christologie. Elle
a une perspective frphysiciste" et sa finalité est la
divinisation de l'être humain et de son environnement
physique par la participation sacramentelle à l'homme
parfai t et total, Jésus le Christ. Il RAHNER invite en
conséquence à édifier une " c hristologie transcendanl:ct18"
accordée a notre l'vision évolutive du monde" selon laquelle
l'homme se comprend comme esprit, autotranscendance et
autodépassement, entraîné par l'histoire libre de l'esprit,
elle-même portée par l'histoire de la nature, vêrs ce

82
mystère absolu de l'être qui a nom Dieu, Espl. i L: cn:f"'8Tt- à
l'accomplissement de soi par l'autocommunication imméûidte
de Dieu (T'TF po. 205.:....221). La- eigol tsirhc~' transcendantale Il
aurait ainsï pour fonction de présenter le Christ comme
"celui qui apporte absolument le salut ll
, cl-est à dir.e,_qui.
à la fois accueille, en tant qu 1 homme, -et apporte, en tant
que Dieu l'autocommunication à l'homme de façon absolue et
défini tive (TTF p. 221-240), et de présenter le "devenir-
homme de Dieu ll
comme Ille cas unique et suprême de
11 accomplissement essentiel de la réalité humaine, lequel
tient en ce que l'homme existe en se perdant dans le secret
absolu que nous nommons Dieu." (TTF p.247). Une telle
conception de l'incarnation oblige à prendre au sérieux non
moins la réalité humaine de Jésus que le devenir-homm8 du
Logos, la première étant créée par l'extériorisation du
Logos dans une autre chose qu'il assume comme son bien
propre (TTF P.251-252): Il cet homme, précisément comme
homme, est llautodiction de Dieu dans son auto-
extériorisation, parce que Dieu se dit justement quand il
s'extériorise, lorsqu'il se fait connaître lui_même comme
l'amour" (TTF P.253), et l'humanité du Christ est ilIa plus
autonome" qui soit, linon pas bien qu'elle soit, mais parce
qulelle est l'humanité assumée, posée comme autodiction ùe
Dieu" (TTF p.ZS6j'. Cette vision transcendantale amène donc
à penser ensemble et à articuler 1: une à l'autre création
et incarnation Il comme deux moments et deux phases d'un
processus d'auto-extériorisation et d'auto-expression de
Dïeu un seul processus, bien qu'intérieurement
différencié " (TTF p. 225 et p251-252). Le bien-fondé des
formules dogmatiques est d'affirmer la singularité
historique de l'événement et de l' homme en qui Dieu a
accueilli Ilhumanité mais leur signification pour l homme, 1

tel qu'il se comprend dans son monde et dans son histoire


reste à dire, et c'est la tâche de cette nouvelle
christologie ll (TTF p.254-258).

Le mot "transcendantal" ne doit pas nous abuser:


la définition du Christ qui vient d'être proposée ne
saurait être déduite par voie de raisonnement, elle ne peut
être que trouvée dans l' histoire (TTF p. 258-259). On est
ainsi renvoyé à l' histoire, à une "christoloy..Lt;:
i1 · a ~ is ·· , " as'c'endante (TTF p. 3'34) dont la tâche est de montrer
que \1 Jésus de Nazareth sIest compris comme celui qui
apporte absolument le salut et que dans sa résurrection
v.int à accomplissement et à manifestation qu.' il eS.t
réellement cela" (TTF p-.335). Il s'agit alors de faire une
"herméneutique et théologie fondamentale Il de la vie, de la
mort et de la résurrection de Jésus grâce à la circularité
de la foi et de la connaissance historique (TTF p.258-266)
qui permet d'appréhender "l'événement historique Jésus, àe
concert avec' ce que nous nommons miracle et résurrection,
dans l'auto-interprétation de la foi chrétienne de la
communauté primitive, pas simplement comme objet que la foi
crée ' pour ' e-lle-mëme, maïs aussi comme fondemenJc de la foi
(TTF p.269). On montrera donc que Jésus "s'est compris
comme le prophète eschatologique" (TTF p.277) dans " une
conscience de soi humaine " (TTF p. 281), qu'il a mis un
lien entre sa personne et l'annonce du Royaume de Dieu (TTF
p. 284), et que cette II prétention a été authentifiée par
ses miracles (TTF p.288), et fondamentalement par sa
résurrection (TTF p.297-316), à condition de comprendre que
sa mort et sa résurrection forment un même événement dé
salut: (TTF p.299, 316-319). "(l)

A travers les lignes précédentes, J . MOING1' montre


les diverses articulations de la pensée rahnérienne sur la
christologie et la s-otériologie. J.MOINGT montre qu'il y a
une double invitation à revenir à l'histoire de Jésus et à
repenser à nouveaux frais la doctrine de l'incarnation.
Mais il précise aussitôt que Karl RAHNER, en frayant le
chemin, n'y parvient pas au terme.

11 Relàtivèment au premier point, la notion de


«cercle» de la foï et de la connaissance historique, sans

1. MOINGT Joseph, Op.Cit. p.251-253


doute inévitable pour un croyant, ne t.ieid_ paS su.:t:L l5ëiïfuïïent
compte de"s débats qui ont eu lieu autour du Jésus de
l ;hïstoire (et que RAHNER semble traiter de haut) et ne
ménage pas entre l' une et l'autre connaissance ( entre le
récit et la prédication), la distance nécessaire à la
pleine autonomie de chacune. Quand au second point, je ne
vois pas comment l'humanité du Christ est posée dans une
souveraine singularité et indépendance du fait qu'elle est
définie comme autodiction de Dieu; cette définition montre
bien, et avec une rare profondeur, que le Verbe devient
réellement homme, mais non un homme, cet homme-ci, car il
ne devient pas un autre sujet, un sujet humain; on peut
dire que "Dieu est lui-même muable en l'autre" en
l'entendant du Père par rapport au Verbe incarné, on ne
peut pas le dire du Logos ( présupposé comme personne du
Fils à l'égard de l'humanité de Jésus, qui n'est pas
assumée comme un autre. La dialectique du même et de
l'autre exige d'être traitée avec plus de rigueur. C'est la
difficulté de conciliera priori la vision (ascendante) de
l'histoire de Jésus avec celle descendante du dogme
RAHNER n'a pas voulu trancher entre llune et l'autre" (1)

Nous sommes en accord avec les deux cri tiques


constructives de J.MOINGT. La première met en lumière
l'option théologique de Karl RAHNER qui a fait un choix en
ne tenant pas compte de la distance nécessaire entre le
récit et la prédication. Ce choix théologique de Karl
RAHNER est dicté par son intérêt d'utiliser en dogmaticien
J
les données scripturaires pour exprimer l'autocomprélœi.L::>..tu.ü
ec lé~d:aTe de salut dans la
d'a' C.fCt--±st et de son 08UvTè
continuité des traditions conciliaires. La seconde critique

1. MOIGNT Joseph, Op.Cit. p.253


de J .MOINGT montre la difficul té d~ :r'~lin:ë. i:p ;'ei:.c i Le dogme
dvec les p1."ésup (Js~ ' Ù"UIl'e philm:rophie q:u-i :cestera tuu'jours
déficiente et peu appropriée pour exprimer dans la clarté
uh mystère qui dépasse -l'entendement humain. Le-mystère de
l'incarnation, tout en étant intelligible, déborde les
catégories philosophiques qui pensent l'exprimer

(2) LA CONTRIBUTION POSITIVE DE J . MüIN\:,,'i" fi LA GiRISTOLOG1.E


ET A LA SOTERIOLOGIE RAHNERIENNES

J. MOINGT retiendra de Karl RAHNER Il deux autres


initiatives d~s plus neuves et des plus fécondes, à savoir
le lien mis, d'un côté, entre Trinité immanente et Trinité
économique, de l'autre entre création et incarnation en
relevant que ces deux liens appellent 11 un et l'autre un
prolongement. Le premier lien affirme que
11 automanifestation de Dieu dans l'oeuvre du salut
appartient à son être immanent, et c'est u~ point
fondamental pour l'intelligence de l'incarnation. Mais,
puisque cette communication se fait dans l'histoire la
logique du principe, conduite jusqu'à son terme, requiert
de montrer, si on le peut, de quelle manière Dieu assume la
temporalité de l'histoire; sinon, le syllogisme: "la
Trinité économique, clest la Trinité immanente et
inversement Il est vrai dans le sens de l'énoncé mais
pléonastique en sens inverse. Le second lien est essentiel
comme lia bien vu RAHNER, pour dire la vraie signification
de l'lIévénement Jésus Christ" comme événement et de
révélation et de salut, à la condition de ne pas l'arrêter
au moment où se produit l'union hypostatique et de
l'étendre à la mort et à la résurrection de Jésus, puisque
-
c'est là que la vie est véritablemelLÎ... dÉ:.i É:~ cre:- .s ·~ i ·

assujetlssement â l 'a mort. ivJais en quel sens va-t-on


établir cette liaison ? Si l'on va de la création à
l'incarnation, la christologie transcendantale reste
tributaira (et c'est aussi le cas, à mon avis de
l'anthropologie transcendantale' rahnérrenne) d'une
christologie "d en
1 haut" , substituée au plan de
l' intelligibili té, à la christologie "d'en bas" dont on
n'aurait fait que subir les contraintes; si l'on veut que
celle-ci pointe "vers le haut" selon le souhait de RAHN~rt,

alors il f 'aut- renoncer aux a priori au dogme et remonter de


la résurrection de Jésus à la création en passant par sa
mort et sa naissance. ~l( 1)

J.IilIOTNGT, tout en reconnaissant la validité du


projet christologique et sotériologique de Karl RAHN~f<

attire l'attention sur le f ait que karl RAHNER, en prenant


pour point de départ de sa réflexion les a priori du dogme,
nia pas pu mener à son terme le proj et plus radical de
déconstruction du dogme qui fige le Christ et l'histoire du
salut dans des formules à croire qui servent de repères à
toute orientation christologique et sotériologiqué.

J . HO-IL.j'GT L'élTabt l rte le n~ ' C'it de la rU1ïleur de la


résurrection de Jés-as dans l'acte contemporain du kérygmE:
apostolique- du corps eccles'la'l. Ce récit est destiné à
l'homme' d'aujourd'hui pour le décider sur son avenir absolu
et susciter sa foi au Christ sauveur de son histoire. Cette
histoire est livrée à la responsabilité de l'homme
d'aujourd'hui. Le sens de son histoire est perceptible dan::;
l8' Léc-i t rûmlateuI.- de Jésus le Christ, celui dont la
conduite salutaire dans le passé sauvé d-e la mort par le
récit peut encore inspirer un chemin d'humanité dans une

1. MOINGT Joseph, Op.Cit. p.253-254


perspecti ve eschatologique. Cette déiui:..t.L ,-iiè de .T. TGN01~ - a-
l r intérêt de ramener le Christ de la foi a l ' horizon
d' intell igibi 1 i té de l' homme d' auj ourd' hui. L'homme d' au-
j ourd r hùi qui écoUte le réei t fondateur de son salut dans
un rapport existentiel à celui dont fait mémoire le récit
se détermine en fonction de la nouveauté que suscite sa
liberté de s'ouvrir à un avenir imprévisible, créateur d'un
monde plus humain, plus fraternel, plus juste et plus
transparent à la cause de Jésus; Cette démarche plaide pour
le mode eS'cha-tologique de 1 " appel a exister, un appel a
être ce qu ,- on n; est pas encore. El le est le d-ynamisme de
1 ; espérance au coeur d ;un monde travaillé par le récit du
salut de Jésus. L 'homme dans sa situation existentielle
n'accueille pas un salut qui surplombe son existence.
Portant le futur en lui-même avec son courage d'exister,
l' homme se proj ette vers l'avenir. En faisant mémoire de
l'événement de Jésus Christ, le récit propulse le passé de
Jésus à l' horizon du futur. Il éclaire le cheminement de
l'homme et dit le sens des réalités historiques que l'hom ~
vLt. Le récit n'invi't -e pas- à un retüur au passé; il rait
partager l'avenir de Jésus en rendant l'homme responsovie
àe- son histoire qu ~ il construit, éclairé par le myst.ère du
Christ.

La christologie et la sotériologie narratives que


propose J.MOINGT ont le mérite de ne pas réduire le Christ
de la foi et le salut qu'il apporte à des événements
passés. Eh faisant mémoire du Christ ressuscité, le récit
provoque l'homme d'aujourd'hui à s'engager et à s'impliquer
dans l'acte de libération qu'ouvre la perspective
eschatologique ct' un monde qui se transforme chaque fois
qu'est évoquée la mémoire de celui qui lui donne un sens,
Jésus le Christ.

Dans le monde sécularisé du vingtième siècle


finissant, partir du récit de la résurrection de Jésus pour
annoncer aux hommes un avenir qu'ils peuvent construire en
s'inspirant de la conduite salutaire de Dieu en Jésus, peut
être un motif d' espérance. C'est ce motir LI' êspé:caùt.;l;: qui
trav-erse tous les modules narratifs de l'Ecriture biblique.
Cette espérance diffuse qui est au coeur de tout homme se
voit attribuer une fonction sotériologique dans le cadre de
la .relecture des événements du monde dans leur lien avec la
victoire esChat'ologi-que de Dieu assumant le salut dans la
temporalité par Jésus.

Cette importante contribution de J .MOINGT à la


christologie et à la sotériologie rahnériennes permet
c'Falle-c plus loin dans la compréhension existentielle du
Christ et du salut qu'il apporte à l'homme d' aujourd 1 hui.
Ce salut, tout en étant un don de Dieu en Jésus Christ, est
aussi oeuvre de l'homme qui l'accueille par son engagemtUc
historique provoqué par le récit du salut. Cette
contribution de J.MOINGT valorise la nouveauté de
l'engagement hwnain que suscite l'acte de foi chaque fois
qu'est évoquée l'histoire du salut racontée dans un
contexte historique pour que l' homme passe du non-être à
l'être, du courage d'exister au risque d'espérer en
recherchant dans son histoire l'autopromesse de Dieu
réalisée par anticipation en Jésus Christ.
CONCLUSION

Le TRAITE FONDAMENTAL DE LA Fu.!. ~:J riÔL Jo. nrirti1'Lt'\: eH'

id sixieme étape, àéveloppe sous une forme synthétique et


intégrée à l'ensemble une christologie et une sotêriologie
dans une unité indissoluble.

Nous avions précisé, en le situant, le sens de la


problématique de Karl RAHNER sur la christologie et la
sotériologie.

Nous avions mis en valeur sa manière critique de


procéder pour penser le rapport de la christologie et de la
sotériologie dans le contexte de la foi de l'Eglise et de
l'ambiance culturelle post-chrétienne.

En effet, la question centrale qui est traitée


tout au long de la sixième étape du TRAITE FONuAJ!ir:..!'dAL bt{
.LA FûI de Karl R'AHNER est- celle de la relat-ion de
l' humani té à Jésus Christ en qui Dieu se communique de
manière appropriée au monde.

Dans le parcours de la sixième étape nous avions


suivi l'ordre logique de la pensée de Karl RAHN~rt .

Les' .[.n::üiegomènes pnilosopitiques qui conditionnent


le cheminement théologique de Karl RAHNElt n'ont été évoques
que dans leurs rap or~s directs aux conclusions
christologiques et sotériologiques.
L' herméneutique de Karl RAHNéri. a paL't-iL"- dé sa
{Cféthade c:canscenàantale a fait l t objet d ~un développement,
pour introduire ses thèses christologiques et
sÔt'êriologïquès. Par- rtlbmentSnOu"s avions -rappelé-"les- grands
principe-s- de cett-e herméneutique.

Sa dOctrine a priori de l'unique Homme-Dieu s'est


dégagée d'une part de la méthode transcendantale et. d;aut.re
part de la t.ension ent.re une christologie "a"en bas'T-"
(ascendante)" et une christologie n'd'en haut lt
(descendante)
dont la confrontatïon fructueuse a fait intervenir les
critères de la théologie fondamentale, de la dogmatique, de
l'exé.gèse et d'une anthropulogie théologique spécifique
redéployant les éléments fondamentaux de la foi
scripturaire et magistérielle dans une reprise spéculative
éclairée par le paradigme fondamental de l'uni té dans la
pluralité.

Nous avions été approximativement fidèle au plan


que Karl RAHNER a adopté dans la sixième étape du TRA1'!'t:
FONDAMENTAL DE LA FOI pour montrer comment Jésus Christ est
réellement et absolument la présence de Dieu dans le monde,
et qu 1 en tant que membre de Ir humani té irrévocablement UiTi

à DiëU, il apport"e réellement' et absolument le salut à


l'ensemble de l'humanité.

Par lui et en lui l'univers tout entier parvient


à l' ul time transcendance de l' Espri t dans la grâce et la
gloire.

Son histoire concrète d'homme non dépouillé de sa


divinité en solidarité existentielle et corporelle avec le
devenir du monde, le désigne dans son unicité incomparable
et" ol"igirra.te- COlïune le- terme et le" po:b:rt cuLluinant d'e la
communication que Dieu fait de lui-même au moyen du monde
matériel élevé à la fine pointe de ItEsprit et de la grâce.

9f

J
. - - ~- ç-

Nous avions précisé la tâche de Karl RAhl~i: .n Ut:


.Lè..i:fl-ce-rpré-ter la doctrine cla"ssique de 1: incarnation àans "
la ligne' des P-è"r:es de l' Egl ise. Sans' les mentionne-r
explicitËùnent kàil RAHNER é"tablTt uri acccf:t"ô" etïtreo T"eur
vision théologique du salut et la vision évolutive du monde
réinterprétée dans le sens du sauveur absolu dont
l'apparition dans le monde prolonge la volonté créatrice et
salvifique de Dieu sur le monde.

Dans la christologie et sotériologie


rahnériennes, la vision théologique du salut qui se déploie
dans Il image d'un monde en évolution, se confond avec la
révélation du mystère du Christ et du salut. La vision
rahnérienne du salut se structure autour de l'événement
sauveur par excellence qui porte le nom de Jésus Christ.
L' événement pascal est la révélation dans la foi de la
réalisation de la volonté salvifique de Dieu en l 'horrune-
Dieu, Jésus christ. En lui se réalise l'initiative libre et
bienveillante de Dieu de faire accéder la création humaine
à son but qui est la divinisation de toute la réalité
matérielle et spirituelle. Le mystère du salut se concentre
dans la personne de Jésus Christ. Jésus Christ est la
réussite de l'homme. En lui Dieu s'exprime dans sa volonté
salvifique qui est de parfaire en lui sa création. Parce
qu'il est l' homme dont la réussi te est attestée par la
révélation de Dieu en son mystère pour le monde, Jésus
Christ déborde son monde d'origine. Il déborde la tradition
juive dont il est issu. Il en est le réformateur le plus
radical pour l'ouvrir au monde transfiguré par sa présence
universelle au moyen de sa mort et- de s "a résurrection.
Jésus Christ appartient par sa mort et sa résurrection à
l'humanité entière. Par son enracinement dans le processus
évolutif de la matière et par son consentement à vivre la
médiation permanente entre le monde et Dieu, Jésus Christ
parvient par la volonté salvifique de Dieu à la
transcendance absolue, figure réalisée de l'humanité à
venir.
Ce sauveur absolu dégagé sans dé~u.'- ;....i..uü d:8 la.
christologie transcendantale de Karl RAHNER est- identifié ci
Jésus de Nazareth que confesse l'Eglise comme Messie et
Sëlgneur. JésUs -Chris't: est -pour lé ëY6yan't mod'erne-" 'il 'qui
s'adresse la christologie et la sotériologie rahnériennes,
la présence permanente de celui qui apporte absolument le
salut par sa solidarité charnelle et spirituelle avec le
monde. Sa vie, sa mort et sa résurrection dans l'uni té
d'une destinée réussie justifient tout homme qui croit en
lui.

A partir de la compréhension théologique,


historique et existentielle de la figure rahnérienne de
Jésus Christ dans son rapport de sauveur absolu au monde
nous avions confronté la créati vi té théologique de Karl
RAHNER sur la christologie et la sotériologie au débat
contemporain sur le dogme christologique en faisant
intervenir sur le fond des questions discutées les apports
des théologiens comme Walter KASPER, Hans Urs VON .K A~ H'1VAB

et ..Josep-rt MU1NG'l'-. Leurs apports respectifs dans leur


critiques bienveillantes comme dans leurs criti'ques
radicales élargissent les perspectives rahnèriennes sans
démolir l t'édifice conceptuel qui rend compte du mystère le
plus grand de notre destinée humaine. en effet, la première
tâche de Karl RAHNER fut d'ajuster sa christologie et sa
sotériologie au cadre conceptuel d'une vision évolutive du
monde. Il évita toute compréhension extrinsèque et
mythologique de l'incarnation en partant de l' uni té de la
matière et de l'esprit. Il opta pour une autocompréhen:3ion
de Dieu eU l'homme respectueuse de l'auto"'-interpré'tation de
l'existence croyante vétéro--testamentaire et chrétienne. Il
introduisit dans son analyse la logique de l'expérience qui
se fonde sur une dialectique historique intégrant la
nouveauté irréductible de l'initiative gracieuse de Dieu
dans le fait sans précédent du Christ dans son unité
historico-sotériologique. Pour Karl RAHNER, l l'homme est
l'esprit dans le monde disposé dans ses structures
intentionnelles à être à l'écoute du Logos. Réalisant dans
son indi viduali té concrète 11 uni té de la matière et de
- - ----
l'esprit, l'homme a une histoire solidé:t:;'.LC \.Le ~·évùlèi · tio-I'i

unique de la matièTe à' la' vie qui aboutit à" l' espri t
inséparable du monde. Aussi l'homme est""il dans le monde
une totalité organique inachevée, biodégradaLle , dont - la'
tâ"cfre . est. d.: entreT dans: une v.is'iorr sp:éci.f.i.que. dU' ,monde' pour
déployer ses possibilités d'autotranscendance. Dans cette
perspective anthropologique, l 'horrune dans l'expérience
transcendantale et dans l'activité catégoriale est une
autotranscendance de la matière vivante qui devient
l' histoire libre dl une subj ectivi té spirituelle dotée de
l'infini té radicale de son fondement unique qui est son
point d'identité. ce point d'identité se communique dans :id.
Léa:iité intime de l'homme en devenir sans faire nombre avec
le mouvement de l'être fini qui est constitutif à l' "étant
dans lequel la tendance fondamentale de la matière à se
trouver elle-même parvient par autotranscendance à sa
percée définitive" (TTF,p208).

L'intérêt de cette perspective anthrop logiqu~ de


Kar 1 RAHN"ER est de si tuer l' 'honune- dans' l 'a' genèse de
l"uni ve-rs comme le médiateur entre la matière et l' esprit.
c'est à l'intérieur de cette anthropologie que se dégag8 ô.

}i[l'(f["l: l~ do-ct::clüe de 1!- cmique hOl1Ulle-Dieu qU'i est "


l'origine première de la réussite définitive du monde qui
le porte vers la proximité absolue du mystère de Dieu"
(TTF, p.211).

l L'unique Homme-Dieu, irremplaçable dans son


historicité, est celui qui de manière indépas abl~ apporte
absol ument au monde le salut. La nouveauté radicale de
cette irruption gracieuse de l'autotranscenàance de l ' horrune
J
en D~eu établit entre le monde entier et le mystère inoui
de Dieu la méà'iation permanente qui permet à l"homme
d '-atteindre sur un fond d"espérance son avenir
transcendantal.

L'unique Honune-Dieu, par sa présence dans le


monde, engage lthistoire du salut dans sa réussite
irréversible. Il est le moment de l'autoconununication de
Dieu qui inaugure une nouvelle phasE, d.:liI:·S" l ' hist:0il~8 d'U'
monde. Il est le terme et le' point culminant de
l'autocommunication de Dieu dans l'histoire et le monde. Il
réalise la divinisation de la réalité du monde parvenu en
lui ,-à--l'.ul time transcendance de __irpse~L t,.._En lui la. grâce.
fai't son apparition dans le monde. Eil lui l' espri t humain
dans le monde est élevé dans la sphère de la vie
mystérieuse de Dieu. Le salut en lui s' exprime en termes
d'humanisation du monde, de divinisation de la réalité
matérielle et spirituelle d r accomplissement de l'alliance
entre l'homme et Dieu, d'achèvement de la création,
d'élevation de l'homme vers le haut, d'autotrancendance
active et de finalisation divinisatrice ....

Ainsi la perspective évolutionniste élargie à une


ontologie du devenir permet à Karl RAHNER ct i int.erpréter la
presence de l "unique Homme-Dieu dans le monde dans les
termes d~une eschatologie réaliste. Tbut en donnant la
priori té historique et logique à l'événement fondateur du
christianisme, if s-avoir la rencontre décisive dans la foi
avec l'histoire concrète de Jésus de Nazareth, Karl RAHN~.K

élabore- une christologie et une' sotériologie de portée


universelle dans une perspectl.ve cosma-biologique et
anthropologique. sa conception particulière de l'homme
comme 1 i étant orienté vers le mystère incompréherlsible de
son fondement tait àé tout homme marqué par son indigence
ontologique dans le monde le lieu du renvoi de soi à la
plénitude de son manque que comble de manière incomparable
la rlgure historique de celui qui apporte absolument le
salut à l'intérieur de la relation Dieu-monde. Eh effet,
l' histoire du salut est le processus par lequel l' homme
dans sa culture participe au mystère de Dieu dans le monde.
L'auto-interprétation de l'existence croyante chrétienne
nomme l'histoire du salut de manière tangible dans ce Jésus
de Nazareth, le prophète de Galilée qui est
l'accomplissement définitif permanent et irrévocable de
l'essence de la réalité humaine à l'intérieur du monde et
de son histoire. Tout homme dans toute culture habité par
le désir d'absolu est porté dans sa conscience
transcendantale comme dans son expérience historique a etre
_-=.:.:-..:-,"-

en lien nécessaire avec celui qui appori...:: absolumellL 1:ë


s-alut. L1homme concret dans toute culture vivant dans le
monde est marqué par la finitude la plus radicale qu ' est la
mort. Il est une conscience ouverte à l iabsolu. L'absolu
sans -être -intramondain consti t ue le. -.fond·ement . du monde e.t
reste interne au monde dans la conscienc'e humaine qui se
risque à espérer au-delà du champ de l'expérience
intramondaine. Aspirant à un avenir transcendantal, l'homme
en Jésus Christ est en rapport nécessaire avec un événement
salv-ifiqu'e qui ne peut être qu :un homme-Dieu semblable à
lui dont la mort assure la permanence avec le fondement
unique de l'existence mondaine. cet homme-Dieu est sauveur
dans la mesure où il assume de notre humanité tout ce qui a
besoin d'être élargi dans l'intégralité du fondemeùL unique
de 1: existence. Cet· homme-Dieu entre dans l' histoire
humaine solidaire du processus de croissance et doté de la
capacité d'accomplir l'humanité en lui apportant de manière
définitive le salut. Cet homme-Dieu qui apporte absolument
le salut a une identité plus profonde que la simple
identité humaine et c'est pourquoi il a une valeur
existentielle pour le croyant qui perçoit dans la foi que
ce sauveur est tout entier indivisiblement Dieu et homme.
C'est dans l'Eglise et par l'Eglise, présence perman8lice du
Christ dans le monde que le sauveur absolu est identifié à
Jésus de Nazareth.

L'Eglise a la conviction ferme qu'il y a une


correlation stricte entre la réalité du salut et celui qui
apporte le salut.

La christologie transcendantale rahnérienne


permet d ' énoncer rigoureusement ce que le croyant chrétien
confesse au sujet de Jésus de Nazareth dont la vie, la mort
et la résurrection apportent le salut à l'humanité, salut
qu'il acoomplit en son humanité et pour l'humanité .

Dans le contexte de la christologie


transcendantale, le sauveur absolu est la pléni tude de
l'autocommunication de Dieu au monde. Comme tel il a un
rapport nécessaire à tout être humaiù It.L6l.ü:L..i::qUt:üü=:ù.-t" situé
et" OUvert à sa gTacieuse manifestation salvif ique.

Le sauveur absolu par l'épaisseur profonde et


mysterieuse de son humanitè entièrè irrév·ocaolenl\::uL wLie à
D'±eu révèle dans la finitude le mystère absolu de Dieu. En
lui tout être humain se découvre en lien avec le mystère
absolu de Dieu dont il devient ilIa grammaire d' un auto-
énoncé possible de Dieu!! (TTF p.252).

Dieu, en s' énonçant de façon définitive dans le


Logos apporte par son incarnation dans le monde la réponsé
à la que"stion radic-ale qu'est l'homme en quête de son point
d' identité qui est son accomplissement dans la promotion
parfaite de son humanité.

La christologie et la sotériolos,':" _ -'- :sen.1"r2:i.c"é:-~ .:o


se lilûIlLc81Tl': airIs-i cL-lL-ignes vis-à-vis de- l! ima:g-ina.:":-:-::

_ ' :;- ,""oude a des énoncés mythologiques peu compatibles


avec la condition humaine les nécessités de l' histoire et
de la mort. Les fondements de la christologie et
sotériologie rahnériennes se réfèrent à l'absolu q:ui se
donne dans le corporel et le théologal. L'absolu se profile
à travers la médiation de l'anthropologie sans se réduire
entièrement à elle.

Karl RAHNER Prend au serieux la logique de


l'incarnation et la mort de Dieu en Jésus. Il élabore de
nouvelles voies d r accès à une meilleure compréhension du
mystère de Dieu en Jésus. Il confronte les différentes
propositions christologiques dans un parcours de
l'intelligence, du coeur et de l'engagement éthique où
l'humanité du Christ dans son union hypostatique trouve sa
consistance dans une orientation cosmologico-
anthropologique et sotériologique.

Karl RAHNER étudie la condition humano-divine du


Christ en s'appuyant sur une variété d'approches et sur une
pluralité de méthodes et d'arguments philosophiques et
théologiques. Il manie avec aisance les aspects
complémentaires des christologies pour fonder leur uni té
sur le caractère sotériologique de leur rapport au mystère
du -Logos ·qu r e1:--1e -e:xpr-ime··sans -le réduir·e à un· -savoir clos
et défini. Il é'tabi'i t dans son exposé et dans 11 évaluation
de ses interprétations sur la vision dynamique et
existentielle de l'incarnation un lien nécessaire entre la
plénitude de l'autocommunication de Dieu et la réalisation
absolue et définitive de la transcendance humaine.

Sur le plan méthodologique Karl RAHNER part du


monde dans lequel Dieu se communique de manière appropriée.
De manière dialectique il détermine les conditions
d'ouverture de l' homme à cette possible communication de
Dieu au monde. Ensuite il situe l'initiative libre de Dieu
de se communiquer dans l' histoire et ainsi s'établit un
point de contact entre une christologie transcendantale et
une christologie catégoriale.

La compréhension de la mort comme réalisation


définitive et permanente du Logos dans le monde assure la
cohésion interne entre une christologie ontologique et une
christologie fonctionnelle.

Karl RAHNER considère l'incarnation du Logos


comme le paradigme de la relation Dieu-monde et le point
culminant de l'histoire de salut. L'auto-révélation de Dieu
s'effectue dans l' humani té de Jésus. "Si donc le logos
devient homme cette sienne humanité nI est pas ce qui est
donné par avance, mais ce qui devient et qui surgit dans
l'être et l'existence quand et dans la mesure où le Logos
s'extériorise. Cet homme précisément comme homme est
l l'autodiction de Dieu dans son extériorisation parce que
Dieu se dit justement quand il s'extériorise. Lorsqu'il se
fait connaître lui-même comme l'amour, lorsqu'il voile la
maj esté de cet amour et se montre le commun des hommes"
(TTF p.253). Le Dieu de Karl RAHNER comme celui du prophète
Isaïe est un Dieu caché dont le mystère révélé à l' homme
dans la foi ne peut que le mettre en route vers
l'inaccessibilité et l'incompréhensibilité de celui qui
parfait le monde en étant son fondement ultime.

*************** 00000 ***************


BIBLIOGRAPHIE

NB. La présente bibliographie ne contient que les ouvrages


principaux des auteurs directement cités dans notre étude

ECRITS DE KARL RAHNER TRADUITS EN FRANCAIS

Ecrits Théologiques 1, Desclée de Brouwer, Bruges, 1959

Réflexions Théologiques sur l'Incarnation, in Sciences


Eccl.12, Montréal, 1960, p.5-19

Ecrits Théologiques 2, Desclée de Brouwer, Bruges, 1960

Mission et Grâce 1, Marne, Tours, 1962

Mission et Grâce 2, Marne, Tours, 1963

Mission et Grâce 3, Marne, Tours, 1963

Ecrits Théologiques 3, Desclée de Brouwer, Bruges, 1963

Ecrits Théologiques 4, Desclée de Brouwer, Bruges, 1966

Ecrits Théologiques 5, Desclée de Brouwer, Bruges, 1966

Ecrits Théologiques 6, Desclée de Brouwer, Bruges, 1966

Exégèse et Dogmatique, in Exégèse et Dogmatique, Desclée de


Brouwer, Paris, 1966, p.27-57

Considérations Dogmatiques sur la psychologie du Christ,


in Exégèse et Dogmatique, Desclée de Brouwer,
Paris, 1966 p.185-21ü
Est-il Possible Aujourd'hui de Croire? Dialogue avec les
hommes de notre temps, Marne, Tours, 1966

Ecrits Théologiques 7, Desclée de Brouwer, 1967

Ecrits Théologiques 8, Desclée de Brouwer, Bruges, 1967

Science, Evolution et Pensée Chrétienne, Desclée de


Brouwer, Paris, 1967

Vivre et Croire Aujourd'hui, Desclée de Brouwer, Paris 1967

Théologie et Anthropologie, in Théologie d'Aujourd'hui et


de Demain, Cerf, Paris, 1967, p.99-120

La Tâche de la Prédication face au Problème de la


Dérnythologisation, in Conciliurn, Paris, 1968, p.23-40

Ecrits Théologiques 9, Desclée de Brouwer, bruges, 1968

L'Esprit dans le Monde, La Métaphysique de la Connaissance


Finie chez St Thomas d'Aquin, Marne, Tours, 1968

L'homme à l'Ecoute du Verbe. Fondements d'une Philosophie


de la Religion, Marne, Tours, 1969

Traité Fondamental de la Foi, Le Centurion, Paris1983

II. ETUDES SUR KARL RAHNER ET SUR LE SUJET DE MEMOIRE

BALTHASAR H.U.Von, A Theology of History, Sheed ans Ward,


London, 1963

BALTHASAR H.U.Von, La Dramatique Divine III L'Action,


Culture et Vérité, Namur, 1990

DE CHARDIN Teilhard, Le Milieu Divin, Seuil, Paris, 1957

(01
CULLMAN o. Christ and Time, Westminster, Philadelphia,
1975, 5th ed.

DUMEIGE G., La Foi Catholique, Ed.Nouvelle revue et


~ - --
corrigée, L'Orante, Paris, 1975

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l'Age apostolique à Chalcédoine, Cogitatio Fidei 72, Cerf,
Paris, 1973

HEIDEGGER M. Sein und Zeit, Niemeyer, Tübingen, 1958

KASPER W. Jésus Le Christ, cogitatio Fidei 88, Cerf,


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de LUBAC, Surnaturel, Aubier, Paris, 1946

MARECHAL J., Le Point de Départ de la Métaphysique, T IV,


Desclée de Brouwer, Paris 1949

MOLTMANN J., Théologie de l'Espérance, Cogitatio Fidei 62,


Cerf, Paris, 1973

MOLTMANN J., Le Dieu Crucifié, Cogitatio Fidei 80, Cerf,


Paris, 1974

MOINGT J. L'Homme Qui Venait de Dieu, Cogitatio Fidei 176,


Cerf, Paris, 1993

NEUNER J. DUPUIS J., The Christian Faith in the Doctrinal


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Dublin-Cork, 1976

PANNENBERG W., Esquisse d'une Christologie, Cogitatio


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ROBERTO L., The Acheivements of Karl RAHNER, Heuder and


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SESBOUE Bernard, IIUne Problématique Nouvelle en


Christologie", Revue Etudes, 1975, p.277-299

SESBOUE Bernard, "Le Mouvement de la Christologie du


Nouveau Testament", Revue Etudes, 1976, p.257-281

SESBOUE Bernard, "Histoire et Foi en Christologie ll ,

Nouvelle Revue Théologique, 1979, p.3-23

VORGUIMBER H., Commentary on the documents of Vatican II, 5


Vol. Burns ans Oates, London, 1969
,
... ~\

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION '.' '.' . . . . . .. 1

1. LA CHRISTOLOGIE AU SEIN r' ::=:-=:

titi ïYI'U!!-tie et l 'Inca:tTlation de


p- - -" -

Ta Parole de Dieu . ..... . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . .. . . .. . . .. 4

Ô Evaluation de la Tâche du Théologien Réconciliant


la Doctrine de l'Incarnation et la Vision
Evolutive du Monde... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 9

II. LE MYSTERE PASCAL: LA FOI EN LA RESURRECTION ET EN


"CELUI QUI APPORTE ABSOLUMENT LE SALUT....................... 12

A. La Résurrection: Un Témoignage...................... 14

B. La Résurrection: Une Authentification


Divine de l'Espérance Humaine
18

C. La Résurrection: Fondement de la Christologie


et de la Sotériologie 21

III. LA CHRISTOLOGIE TRANSCENDANTALE: UN NOUVEAU


CHEMIN POUR REPENSER LA SOTERIOLOGIE 27

A. Le Sens de "l'expérience Transcendantale"


Chez K. RAHNER 28

B. La Christologie Transcendantale: Un Témoignage


Anonyme de Dieu sur Lui-Même dans sa Conduite
Libre et Salutaire à L'Egard du Monde 35

C. La Christologie Transcendantale: Intérêt et

Difficulté 37
IV. KARL RAHNER: UN THEOLOGIEN CATHOLIQUE PROFONDEMENT
TRIBUTAIRE DE LA CHRISTOLOGIE ET DE LA SOTERIOLOGIE
NEO- TESTAMENTAIRES ET MAGISTERIELLES 41

A.- Jésus Christ, Homme véritable, Principe et- Tenne


du Dessein Divin, Héritier de l'Univers en
Evolution Qui en Lui Trouve Son Sens 43

B. La Résurrection: Une Expérience de Relecture


Croyante de la Dimension Transcendantale de
l'Humanité de Jésus 51

V. TROIS THEOLOGIENS CATHOLIQUES A L'ECOUTE DES RICHES


INTUITIONS DE KARL RAHNER 56

A. Walter KASPER et la Christologie d'Orientation


Anthropologique .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

B. Hans Urs Von BALTHASAR: L'Omission Chez Karl


RAHNER du Drame du Salut 68

(1) H.U.Von BALTHASAR et la Révélation Biblique 69

(2) Une Relecture Personnelle du Drame du Salut


dans l'Ecriture Néo-testamentaire 76

C. Joseph MOINGT: Karl RAHNER, Tributaire des


à Priori du Dogme 79

(1) Les Riches Intuitions de Karl RAHNER et les


Difficultés d'Interprétation du Dogme 80

(2) La Contribution positive de J.MOINGT à la


Christologie et à la Sotériologie Rahnériennes 85

CONCLUSION 89

BIBLIOGRAPHIE .... _. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99

TABLE DES MATIERES _~

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