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51ème Congrès International


Société d’Ergonomie
de Langue Française https://www.ebscohost.com/corpor
www.ergonomie-self.org ate-research/ergonomics-abstracts

Texte original*.

Effet d’un programme d’échauffement en entreprise


sur les aptitudes physiques et impact potentiel sur les
troubles musculosquelettiques (TMS)
Nicolas Draye, Carlyne Arnould PhD, Marion Malbranque, Maxime Morand, Mikaël
Scohier PhD
Unité de recherche Forme et Fonctionnement Humain, Haute Ecole Louvain en Hainaut, 134
rue Trieu Kaisin, 6061 Montignies-sur-Sambre (Belgique)
drayen@helha.be scohierm@helha.be

Cette étude a examiné l’effet d’un programme d’échauffement de 4 semaines sur la condition
physique de travailleurs soumis à des mouvements répétitifs au niveau des membres
supérieurs et du tronc. Cent trente-trois travailleurs ont complété l’étude dans les groupes
contrôle (n=63) ou échauffement (n=70). Les séances d’échauffement, d’une durée de 6 à 8
minutes et dispensées 5 fois par semaine, incluaient des exercices d’étirement et de
renforcement musculaire. Les participants du groupe ayant suivi les échauffements ont montré
une augmentation hautement significative de la souplesse, de l’endurance cardio-vasculaire et
de la force musculaire ainsi qu’une réduction de l’indice de masse corporelle alors que ceux
du groupe contrôle n’ont obtenu que quelques petites améliorations. Six à 8 minutes
d’activités physiques par jour suffisent donc à améliorer la condition physique du travailleur
sédentaire, ce qui pourrait indirectement avoir un impact positif sur leur bien-être, la réduction
des troubles musculosquelettiques et l’absentéisme au travail.
Mots-clés : Force musculaire et endurance, Condition physique, Programme d’entraînement, État de
santé.

Effect of a workplace warm-up program on the physical fitness and its potential
impact on the musculoskeletal injuries.
This study investigated the effect of a 4-week warm-up program on the physical fitness of
workers subject to repeated upper limb and trunk movements. A hundred and thirty-three
workers completed this study in the control (n=63) or warm-up (n=70) groups. The
participants of the warm-up group performed a 4-week program of workplace exercises for 5
x 6-8 minutes a week including stretching and strenghtening exercises. The participants of the
warm-up group showed a highly significant increased flexibility, cardiovascular endurance
and muscular strength and also a decreased body mass index while the control group only
showed some minor improvements. We can conclude 6 to 8 minutes of physical activity are
sufficient to improve the physical fitness of sedentary workers, which could indirectly induce
an improved well-being of workers and a decrease of the musculoskeletal injuries and work
absenteeism.
Keywords: Muscular strength and endurance, Physical fitness, Training program, State of health.

*Ce texte original a été produit dans le cadre du congrès de la Société d’Ergonomie de Langue Française qui s’est tenu à Marseille du 21 au
23 septembre 2016. Il est permis d’en faire une copie papier ou digitale pour un usage pédagogique ou universitaire, en citant la source
exacte du document, qui est la suivante :

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sciencesconf.org:self2016:90711
Archivé électroniquement et disponible en ligne sur :
51ème Congrès International
Société d’Ergonomie
de Langue Française https://www.ebscohost.com/corpor
www.ergonomie-self.org ate-research/ergonomics-abstracts

Texte original*.

Draye, N., Arnould, C., Malbranque, M., Morand, M., & Scohier, M. (2016). Effet d’un programme d’échauffement réalisé en entreprise sur
les aptitudes physiques et impact potentiel sur les troubles musculosquelettiques (TMS), Actes du 51ème Congrès de la SELF, Marseille, 21-
23/09/16.
Aucun usage commercial ne peut en être fait sans l’accord des éditeurs ou archiveurs électroniques. Permission to make digital or hard
copies of all or part of this work for personal or classroom use is granted without fee provided that copies are not made or distributed for
profit or commercial advantage and that copies bear this notice and the full citation on the first page.

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INTRODUCTION
Les troubles musculosquelettiques (TMS) regroupent de nombreuses pathologies des tissus
mous et constituent la maladie professionnelle la plus courante en entreprise (Aublet-
Cuvelier, Gaudez, & Cail, 2015). Pour lutter contre les TMS, différentes approches existent :
l’approche ergonomique, l’apprentissage d’une bonne gestuelle et l’approche individuelle
dont l’objectif est notamment d’amener chaque travailleur vers un état de santé optimal. Dans
cette dernière optique, la mise en place d’un programme d’activité physique sur le lieu de
travail est une stratégie d’intervention qui reçoit un intérêt croissant de la part des entreprises.
Cette intervention peut prendre la forme d’un échauffement de courte durée réalisé avant la
prise en main du poste de travail. Similairement à ce qui est réalisé dans le domaine sportif,
l’échauffement permet de préparer l’organisme à l’effort à venir et d’éviter ainsi les
manipulations à froid. Il devrait également permettre au travailleur de revigorer son esprit et
de passer de manière progressive en mode travail.
Cet intérêt croissant pour l’activité physique en entreprise a incité quelques groupes de
chercheurs à étudier ses effets. Plusieurs études ont récemment montré que la pratique
d’activité physique légère sur le lieu de travail permet de diminuer les douleurs
musculosquelettiques au niveau de la région lombaire, du cou et des épaules (Blangsted,
Sogaard, Hansen, Hannerz, & Sjogaard, 2008 ; Jakobsen, Sundstrup, Brandt, Jay, Aagaard, &
Andersen, 2015 ; Moreira-Silva, Santos, Abreu, & Mota, 2014 ; Sihawong, Janwantanakul, &
Jiamjarasrangsi, 2014 ; Sjogren, Nissinen, Jarvenpaa, Ojanen, Vanharanta, & Malkia, 2005).
Les séances d’activité physique réalisées dans ces études, généralement de courte durée (10 à
15 minutes) et répétées plusieurs fois par semaine, comportaient la plupart du temps des
exercices d’étirement et de renforcement musculaire.
Bien que pouvant avoir une certaine importance, le moment pendant lequel est dispensé
l’activité physique n’est pas toujours précisé dans ces études. Or dans un contexte en
entreprise où la rentabilité prime souvent, l’activité physique est régulièrement réalisée sous la
forme d’un échauffement bref (d’une durée parfois inférieure à 10 minutes en fonction des
desiderata des entreprises) et est administrée avant la prise en main du poste de travail. Avant
d’évaluer l’impact d’une telle intervention sur les TMS, il semble important de vérifier dans
un premier temps si une activité physique régulière de très courte durée et réalisée avant la
prise en main du poste de travail permet une amélioration des aptitudes physiques globales.
Or à notre connaissance, aucune étude scientifique n’a mesuré l’effet d’un échauffement de
très courte durée sur les aptitudes physiques globales : souplesse, endurance cardio-vasculaire
et force musculaire.
L’objectif de cette étude, réalisée au sein d’une entreprise d’entreposage et de stockage, est
donc de mesurer l’évolution de la condition physique de salariés sédentaires après
l’instauration d’un échauffement quotidien de 6 à 8 minutes pendant 4 semaines. A partir des
résultats et à la suite de certaines observations, l’intérêt de ce type de stratégie pour diminuer
le risque d’apparition des TMS sera discuté.
MATERIEL ET METHODES
Cette étude s’est inscrite dans un plan global de lutte contre les TMS et d’amélioration du
bien-être au travail réalisé au sein de la plateforme logistique d’une entreprise d’entreposage
et de stockage située en France. Le plan comportait 3 phases : une amélioration continue des
conditions de travail de manière participative, une formation initiale et continue aux gestes et
postures ergonomiques et la mise en place de séances d’échauffement. La présente étude se
focalise sur la troisième phase de ce plan global. Elle s’est étendue sur 3 mois, d’avril à juin
2015, comprenant : 1) l’observation des postes de travail (méthode BRIEF®), 2) les rencontres
avec le bureau d’administration, le département des ressources humaines et les travailleurs, 3)
la préparation des séances d’échauffement, et 4) l’exécution du programme d’échauffement

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qui a duré 4 semaines. Une évaluation initiale de la condition physique a été réalisée avant la
première séance d’intervention (PRE-intervention) et une seconde évaluation 4 semaines
après, c’est-à-dire à la fin du programme d’intervention (POST-intervention). Certains
participants ont réalisé les mêmes évaluations mais n’ont pas suivi le programme
d’échauffement afin de constituer un groupe contrôle.
Population
Le nombre total d’employés dans l’entreprise était d’environ 400 travailleurs. Parmi ceux-ci,
154 salariés volontaires (103 femmes et 51 hommes) ont été autorisés à participer à cette
étude. Le travail de ces employés se caractérisait par la réalisation de tâches répétitives
sollicitant majoritairement les membres supérieurs et le tronc et nécessitant une force modérée
à importante. Le site logistique ayant été implanté assez récemment, les employés retenus
possédaient en moyenne une courte expérience au sein de l’entreprise (3.0±2.1 ans). Après
l’évaluation initiale de la condition physique, les employés ont été répartis en 2
groupes (contrôle CTRL et échauffement ECH) imposés en fonction des équipes matin/après-
midi. Vingt et un participants ont été exclus de l’étude entre l’évaluation initiale et
l’évaluation finale pour les motifs suivants : arrêt maladie, maternité, accident du travail,
absence lors d’une évaluation ou manque d’assuétude aux séances d’échauffement. Au final,
133 participants (âge = 31.5±8.5 ans, taille = 1.68±0.08 m, masse = 70.7±14.7 kg) ont pu être
inclus à l’étude dont 63 dans le groupe CTRL et 70 dans le groupe ECH.
Programme d’échauffement
Une analyse biomécanique des postes de travail (méthode BRIEF®) mettant en évidence les
contraintes articulaires a été réalisée de manière à proposer lors de chaque échauffement des
exercices adaptés aux contraintes quotidiennes. Les participants du groupe ECH ont participé
à un programme de 4 semaines incluant 5 séances hebdomadaires de 6 à 8 minutes
d’exercices physiques exécutés juste avant la prise en main du poste de travail. Toutes les
séances d’échauffement comportaient des exercices de renforcement musculaire et
d’étirement. Les exercices de renforcement musculaire se focalisaient sur 3 régions : la
colonne vertébrale (nuque, tronc, bassin), les membres supérieurs et les membres inférieurs.
La plupart de ces exercices permettait un travail sur toute l’amplitude articulaire. Chaque
exercice de renforcement était répété 10 fois à un rythme lent de manière à ne pas produire
une fatigue musculaire importante. Des conseils sur la respiration étaient administrés aux
participants pendant l’exécution de ces exercices. Les étirements, d’une durée de 30 secondes
chacun, intervenaient généralement en fin de séance. Pour une bonne exécution de ces
derniers, il était demandé aux participants d’adopter une expiration lente, de ne pas réaliser
d’à-coups lors du maintien de la posture, de ne pas dépasser le seuil de la douleur et de
relâcher les muscles à étirer.
Toutes les séances ont été encadrées par 2 étudiants en dernière année de master en
kinésithérapie (HELHa, Montignies-sur-Sambre, Belgique). Pour une meilleure vision du
groupe, ils étaient placés sur une estrade pour une démonstration de l’exercice. Les consignes
précitées ainsi que les corrections de posture étaient données à voix haute pendant les
exercices. L'échauffement ne devait jamais être épuisant, mais au contraire stimulant. Pour
accroître cette stimulation, de la musique était diffusée pendant la séance et les participants
s’applaudissaient mutuellement à la fin de l’échauffement.
Récolte des données
Les participants ayant suivi l’ensemble de l’étude ont réalisé, dans un lieu calme et isolé, 2
sessions d’évaluation espacées de 4 semaines : PRE- et POST-intervention. Chaque
participant a, à chaque fois, été évalué dans la même tranche horaire par les mêmes
évaluateurs. Chaque session d’évaluation a duré approximativement 20 minutes et comportait
une prise de données biométriques et plusieurs tests d’aptitudes physiques.

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Les sessions d’évaluation ont débuté par la prise de données biométriques. Pour cela, les
sujets ont été placés, pieds nus, sur un pèse-personne à impédancemétrie (Beurer BG42®,
précision : 100g) de manière à mesurer leur masse (en kg) et leur quantité de masse grasse (en
%). Connaissant la taille des sujets, l’indice de masse corporelle (IMC) a pu être calculé à
partir de la formule suivante :
masse (kg)
IMC =
taille (m)1

La deuxième partie de la session d’évaluation consistait à réaliser 4 tests d’aptitudes


physiques : le test de Ruffier-Dickson, le test de force de préhension, le scratch test d’Apley et
le test sit-and-reach (Figure 1).

Figure 1. Tests réalisés pour la mesure des


aptitudes physiques : test de Ruffier-Dickson
(A), test de force de préhension (B), scratch
test d’Apley (C) et sit-and-reach (D).

Le test de Ruffier-Dickson est un test utilisé pour évaluer le niveau d’endurance cardio-
vasculaire. Pour la réalisation de ce test, le sujet devait d’abord se tenir assis sur une chaise
pendant 5 minutes. Ensuite, il lui était demandé d’effectuer 30 squats (c.-à-d. 30 flexions-
extensions des membres inférieurs, cf. Figure 1A) en 45 secondes, bras tendus et pieds à plats
sur le sol avec un espacement équivalent à la largeur des épaules. Après les 30 flexions-
extensions, le sujet se reposait à nouveau en position assise pendant au minimum 1 minute. A
l’aide d’un cardiofréquencemètre (Polar ®), la fréquence cardiaque était mesurée au repos (FC
repos, c.-à-d. à la fin des 5 minutes en position assise précédant le début du test), directement
après les 30 flexions-extensions (FC effort) et après 1 minute de récupération (FC
récupération). L’indice de Ruffier-Dickson a ensuite été évalué à partir de l’équation
suivante :

FC effort − 70 + 2×(FC récupération − FC repos)


Indice Ruffier − Dickson =
10

D’après les normes établies, un indice inférieur à 0 démontre une excellente endurance
cardio-vasculaire alors qu’un indice supérieur à 10 signifie une mauvaise adaptation à l’effort.
Le test de force de préhension mesure la force isométrique maximale des muscles de la main
et de l’avant-bras à travers une prise de type « serrage » et à l’aide d’un dynamomètre de
Jamar (T.K.K. 5101 Grip-D®). D’un point de vue pratique, le sujet testé était invité à tenir en
main le dynamomètre, coude au corps, et l’avant-bras à angle droit. Quand le sujet était prêt,

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il devait serrer le dynamomètre le plus fort possible en maintenant la position décrite ci-avant
(Figure 1B).
Le scratch test d’Apley teste la mobilité de l’épaule en rotation interne et rotation externe. Le
sujet se plaçait debout en position neutre. Il lui était alors demandé de maintenir dans le dos
un bâton gradué avec les 2 mains (Figure 1C). Le sujet devait rapprocher le plus possible les
mains l’une de l’autre en gardant les doigts serrés et fermés autour du bâton. L’examinateur
mesurait alors la distance séparant les deux mains (en cm). Plus la distance est courte, plus
l’individu est souple. Le sujet réalisait 2 tentatives et le meilleur résultat était retenu.
Enfin, le test sit-and-reach permet d’estimer la souplesse des muscles du rachis et surtout de
la chaîne postérieure des membres inférieurs. Le sujet était assis au sol avec les jambes
serrées et tendues et les pieds nus placés à plat contre la boîte du test (Figure 1D). Les genoux
ne pouvaient pas être fléchis, c’est pourquoi une pression était exercée sur ceux-ci par
l’examinateur. Le sujet était invité à pousser une petite réglette symétriquement le plus loin
possible sur la boîte, sans à-coups. La position devait être maintenue au minimum 2 secondes
pour valider la mesure. Le sujet réalisait 2 tentatives et le meilleur résultat était retenu. La
distance était enregistrée au mm près ; une valeur de 15 cm correspondant à l’atteinte des
pieds. Au plus la distance est importante, au plus le sujet est souple.
Analyse statistique
L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel SigmaPlot version 11.0 (Systat
Software, Inc., San Jose, California, USA). Les données biométriques et de condition
physique ont été comparées à l’aide d’une analyse de la variance (ANOVA) à mesures
répétées à 2 facteurs, avec un facteur inter-sujets « groupe » (ECH Vs CTRL) et un facteur
intra-sujet « timing » (PRE- Vs POST-intervention), suivie d’un test post-hoc de Holm-Sidak
pour les comparaisons multiples. Le seuil de signification statistique α a été fixé pour une p-
valeur inférieure à 0.05. Dans la section suivante, les résultats sont présentés en termes de
moyenne ± écart type.
RESULTATS
L’évolution des données biométriques et des résultats aux différents tests d’aptitudes
physiques est présentée dans le Tableau 1 pour les participants du groupe contrôle et pour
ceux ayant suivi le programme d’échauffement.

Tableau 1. Evolution des données biométriques et de l’aptitude physique avant (PRE) et après 1 mois de
programme d’échauffement (POST).
Groupe contrôle Groupe échauffement
PRE POST p-valeur PRE POST p-valeur
IMC (kg.m-2) 24.3±4.6 24.2±4.2 0.059 25.5±5.0 25.3±4.9 0.010
Masse grasse (%) 28.3±7.2 28.2±6.9 0.840 28.5±7.8 28.7±7.0 0.308
Indice Ruffier-Dickson 9.8±3.5 9.0±2.8 0.024 9.4±3.1 7.6±2.3 <0.001
Sit-and-Reach (cm) 21.8±7.9 21.4±8.2 0.181 20.6±8.0 22.6±7.2 <0.001
Scratch test - D (cm) 9.7±6.9 7.5±7.0 0.002 13.4±6.3 7.1±6.5 <0.001
Scratch test - G (cm) 12.9±8.1 10.8±8.1 0.004 16.3±6.6 10.3±7.3 <0.001
Force de préh. - D (kg) 31.1±8.9 31.8±9.6 0.053 33.1±10.5 34.6±11.3 <0.001
Force de préh. - G (kg) 30.8±9.5 30.8±10.0 0.942 32.6±10.5 34.4±11.7 <0.001
Les p-valeurs < 0.05 indiquées en gras montrent une amélioration significative.
Données biométriques
Nous n’avons pas observé d’interaction groupe x timing significative pour l’IMC (p=0.670)
et le pourcentage de masse grasse (0.397). Toutefois, les résultats montrent une diminution
faible mais significative de l’IMC pour les participants du groupe ECH uniquement (-0.2
kg.m-2, p=0.010). Aucune modification n’est observée pour le pourcentage de masse grasse.

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Aptitudes physiques
Excepté pour la force de préhension à droite (p=0.016), nous avons observé une interaction
groupe x timing significative pour tous les paramètres d’aptitudes physiques (p<0.001 pour
les 3 tests de souplesse, p=0.008 pour la force de préhension à gauche et p=0.039 pour
l’indice Ruffier-Dickson). Les participants ayant suivi le programme d’échauffement
quotidien ont amélioré tous les paramètres évalués de la condition physique de manière
hautement significative (p<0.001). Ainsi, de l’évaluation PRE- à l’évaluation POST-
intervention, les participants du groupe ECH sont passés de 9.4 à 7.6 pour l’indice de Ruffier-
Dickson. Ils ont gagné respectivement 2.0, 6.3 et 6.0 cm aux tests de souplesse de la chaîne
postérieure, de l’épaule droite et de l’épaule gauche, respectivement. Et enfin, ils ont
augmenté leur force de préhension de 1.5 et 1.8 kg pour les mains droite et gauche
respectivement. A l’inverse, les participants de l’étude qui n’ont subi aucune intervention
(groupe CTRL) ne montrent des améliorations positives que pour l’indice de Ruffier-Dickson
(-0.8) et le scratch test d’Apley à droite (-2.2 cm) et à gauche (-2.1 cm). L’importance de ces
améliorations est nettement moindre que celles observées au sein du groupe ECH.
DISCUSSION
La condition physique des travailleurs a été mesurée par des tests simples et fiables. Ainsi,
l’indice de Ruffier-Dickson est une mesure valide pour l’évaluation du niveau d’endurance
cardio-vasculaire (cf. Piquet, Dalmay, Ayoub, Vandroux, Menier, Antonini, & Pourcelot,
2000) et la mesure de la force de préhension à l’aide d’un dynamomètre de Jamar montre une
bonne fiabilité test-retest quand les consignes et les instructions sont standardisées
(Mathiowetz, Weber, Volland, & Kashman, 1984). Le scratch test d’Apley démontre
également une bonne fiabilité (Milanovic, Pantelic, Trajkovic, Sporis, Kostic, & James,
2013). Seul le test sit-and-reach n’est pas recommandé pour l’évaluation de la souplesse du
rachis mais il reste considéré comme une bonne alternative pour l’évaluation de la souplesse
des muscles ischio-jambiers (Mayorga-Vega, Merino-Marban, & Viciana, 2014).
L’évolution des résultats à ces différents tests montre qu’un programme d’échauffement
réalisé sur le lieu de travail de 5 x 6-8 minutes hebdomadairement pendant 4 semaines est
suffisant pour améliorer la condition physique. Le programme d’échauffement comportait des
exercices de renforcement musculaire pouvant expliquer l’augmentation d’environ 5% de la
force de préhension observée chez les participants ayant suivi ce programme. Des études
antérieures ont déjà montré une augmentation de la force d’extension des membres supérieurs
(Sjogren et al., 2005) et de la force musculaire du dos (Jakobsen et al., 2015) après un
programme d’activité physique sur le lieu de travail mais la durée des séances (> 10 minutes)
et du programme (10 à 15 semaines) était plus importante. En plus des exercices de
renforcement, le programme comprenait également des exercices d’étirement d’une durée de
30 secondes. Nelson & Bandy (2004) ont observé que 30 secondes d’étirement 3 fois par
semaine pendant 6 semaines suffisent à augmenter la souplesse des muscles étirés. En accord
avec cette étude, un gain important de souplesse a été observé dans notre étude au niveau des
muscles ischio-jambiers et des épaules. Enfin, l’amélioration de l’indice de Ruffier-Dickson
peut être due à une réelle augmentation de l’endurance cardio-vasculaire liée à la répétition
des exercices mais aussi à une amélioration de la gestuelle lors du squat. En effet, le squat
faisait partie des exercices inclus dans le programme d’échauffement et la répétition de cet
exercice pourrait avoir induit un meilleur recrutement des fibres musculaires lors de ce
mouvement. Notons que nous n’avons pas contrôlé la pratique d’activités physiques hors
entreprise et il est possible que certains participants du groupe échauffement, ayant pris
conscience des bienfaits de l’activité physique, aient augmenté cette pratique. Quoi qu’il en
soit, le programme d’échauffement a ainsi contribué à améliorer la capacité fonctionnelle du
travailleur ; meilleure est cette capacité, plus faible est le risque de survenue de TMS au

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niveau du membre supérieur (Aptel, Cail, & Aublet-Cuvelier, 2011). Plusieurs études ont déjà
montré, après 3-5 x 10-20 minutes d’activité physique ciblée incluse dans un programme long
de 15 à 52 semaines, une diminution des douleurs musculosquelettiques au niveau du cou
(Blangsted et al., 2008 ; Sjogren et al., 2005), des épaules (Blangsted et al., 2008), du coude,
des cuisses et des hanches (Moreira-Silva et al., 2014) chez des employés de bureau
(Blangsted et al., 2008 ; Sjogren et al., 2005) et des travailleurs avec une charge physique
importante (Moreira-Silva et al., 2014). De plus, Jakobsen et al. (2015) ont observé qu’un
programme plus court de 2-3 x 10 minutes d’activité physique pendant 10 semaines
engendrait également une diminution des douleurs au niveau de la région lombaire, du cou et
des épaules auprès du personnel en soins de santé. Un questionnaire informatif distribué aux
participants de notre étude avant et après le programme d’échauffement semble confirmer ces
résultats. Ce questionnaire évaluait la fréquence des douleurs ressenties sur une échelle de 0
(aucune) à 3 (beaucoup) au cours des 7 derniers jours et une légère diminution (-0.1 à -0.5
points) des plaintes a été observée au niveau de la nuque, des épaules, des coudes, des
poignets/mains, du bas du dos et des genoux.
Nos résultats montrent aussi que l’échauffement a permis une faible diminution de la valeur
de l’indice de masse corporelle. Cet indice est fréquemment utilisé dans le domaine de la
santé pour définir une surcharge pondérale (IMC>25). En ergonomie, Sethi, Sandhu &
Imbanathan (2011) ont montré chez des travailleurs sur ordinateur qu’un IMC élevé était
associé à davantage de TMS liés au travail. Une diminution de cet indice, même faible,
associée à l’amélioration de la condition physique pourraient aussi contribuer à la réduction
des TMS. Enfin, des interviews réalisées auprès des travailleurs ont mis en avant d’autres
bénéfices potentiels du programme d’échauffement qui pourraient permettre une diminution
du risque d’apparition de TMS (Aptel et al., 2011) : prise de conscience corporelle et
meilleure hygiène de vie, augmentation de la convivialité et du bien-être au travail et adoption
d’une meilleure gestuelle. Pour l’employeur, les résultats d’une santé améliorée associée avec
d’autres interventions peuvent mener à une réduction de l’absentéisme et des absences pour
maladie et, in fine, à une productivité augmentée (Kuoppala, Lamminpaa, & Husman, 2008).
Cette étude insiste sur l’importance de réaliser une activité physique, même de courte durée,
sur le lieu de travail. Cette activité peut améliorer les aptitudes physiques et à travers les
relations précédemment décrites diminuer le risque d’apparition de TMS. Toutefois, il nous
paraît important de souligner que cette approche individuelle ne peut pas constituer à elle
seule une réponse de prévention. Comme proposé par Aptel et al. (2011), elle doit être
considérée comme une réponse complémentaire de la réduction des sollicitations. Il est
nécessaire au préalable de mettre en place d’autres réponses de prévention afin de créer un
climat propice à l’introduction d’un programme d’activités physiques sur le lieu de travail.
CONCLUSION
Cette étude avait pour objectif de mesurer l’effet d’un programme d’échauffement de 4
semaines sur les aptitudes physiques. Nos résultats montrent que 5 séances de 6 à 8 minutes
par semaine permettent une augmentation de la souplesse de la chaîne postérieure et des
épaules, de l’endurance cardio-vasculaire et de la force musculaire. Ainsi, pour une
population relativement sédentaire, 6 à 8 minutes par jour d’activités physiques (étirements et
renforcement musculaire) suffisent à accroître le niveau de condition physique, ce qui pourrait
avoir des répercussions positives sur le bien-être du travailleur et entraîner une diminution des
TMS, avec peut-être aussi une diminution de l’absentéisme. Toutefois, ces dernières
hypothèses devraient être vérifiées par des recherches scientifiques ultérieures. Au vu de nos
résultats, il apparaît tout de même bénéfique, au moins pour le travailleur, d’inclure un
programme d’activités physiques avant la prise en main du poste de travail au sein de
l’entreprise.

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BIBLIOGRAPHIE
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membre supérieur (TMS-MS). Guide pour les préventeurs. Paris : INRS, ED 957.
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membres supérieurs d’origine professionnelle. Encyclopédie Médico-Chirurgicale (EMC),
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sciencesconf.org:self2016:90711

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