0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
3 vues20 pages

Immigrés À Torrento Canada

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1/ 20

Document généré le 22 fév.

2024 19:26

Reflets
Revue ontaroise d'intervention sociale et communautaire

Être une immigrante noire africaine francophone à Toronto :


vécu et perception des rapports de genre
Gertrude Mianda

Volume 4, numéro 1, printemps 1998 Résumé de l'article


Cette étude qualitative traite du vécu et de la perception des rapports de genre
Intervention en contextes minoritaires des femmes immigrantes originaires de l’Afrique subsaharienne francophone
à Toronto. Les contraintes de la vie d’immigrante engendrent une nouvelle
URI : https://id.erudit.org/iderudit/026196ar situation qui les amène à vivre leurs rapports de genre dans une certaine
DOI : https://doi.org/10.7202/026196ar tension. Leur perception de ces rapports en influencée par leur culture
d’origine. Les Canadiennes, de leur côté, jugent les immigrantes africaines à
partir des stéréotypesvéhiculés sur les Africaines. De là une certaine méfiance
Aller au sommaire du numéro
accentuée par les discriminations sexisteet raciste dont sont victimes les
femmes immigrantes africaines au Canada. Aussi se sentent-ellesbeaucoup
plus solidaires des hommes de leur communauté qui vivent la même exclusion.
Éditeur(s)
Reflets : Revue ontaroise d'intervention sociale et communautaire

ISSN
1203-4576 (imprimé)
1712-8498 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet article


Mianda, G. (1998). Être une immigrante noire africaine francophone à Toronto
: vécu et perception des rapports de genre. Reflets, 4(1), 34–52.
https://doi.org/10.7202/026196ar

Tous droits réservés © Reflets : Revue ontaroise d'intervention sociale et Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des
communautaire, 1998 services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique
d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.
https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.


Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de
l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à
Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.
https://www.erudit.org/fr/
Le dossier Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998

Être une immigrante noire africaine franco-


phone à Toronto :
Vécu et perception des rapports de
genre1
Cette étude qualitative traite du vécu et de la perception des rapports de genre des femmes
immigrantes originaires de l’Afrique subsaharienne francophone à Toronto. Les contraintes de
la vie d’immigrante engendrent une nouvelle situation qui les amène à vivre leurs rapports de
genre dans une certaine tension. Leur perception de ces rapports en influencée par leur culture
d’origine. Les Canadiennes, de leur côté, jugent les immigrantes africaines à partir des stéréotypes
véhiculés sur les Africaines. De là une certaine méfiance accentuée par les discriminations sexiste
et raciste dont sont victimes les femmes immigrantes africaines au Canada.Aussi se sentent-elles
beaucoup plus solidaires des hommes de leur communauté qui vivent la même exclusion.

Gertrude Mianda
Professeure, Sociologie/Études des femmes, Collège Glendon, Université York

La nouvelle immigration au Canada se caractérise de manière


générale par l’arrivée de personnes originaires des pays du Tiers-
monde avec la présence notamment de plus en plus de femmes
(Labelle 1990 :70). En 1996, 55,38 % d’immigrants provenaient
de l’Asie et du Pacifique, 16,11 % de l’Afrique et du Moyen-
Orient, 8,21 % de l’Amérique du Sud et Centrale contre 17,72 %
d’Europe et du Royaume-Uni et 2,58 % des États-Unis
(Immigration Canada 1997). Dans la mesure où la migration
définitive s’accompagne du désir de conserver son identité
ethnique (Berry 1976:8), la diversité culturelle au Canada, qui se

34
Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998 Le dossier

proclame d’ailleurs un pays multiculturel, est par conséquent un


fait incontestable. Cependant, comme le constatent certains cher-
cheurs, le fait de garder des traits culturels des pays d’origine
différents des modèles de la culture dominante paraît constituer
une entrave à l’intégration des nouveaux arrivants. Il provoque
des réactions d’intolérance, de rejet de la part de la population de
souche (Langlois, Laplante et Levy 1990:18). Dans le même
sens, un sondage Gallup de janvier 1992 indique la crainte des
Canadiens face à l’immigration croissante qui menacerait la culture
nationale blanche.Ainsi, un Canadien sur trois refuse l’immigration
afin de préserver la culture nationale blanche, mais également du
fait que les immigrants ne semblent pas respecter certains principes
de base de la société canadienne comme la séparation de l’Église
et de l’État et l’égalité des sexes (Helly 1996:66). Ces immigrants
considérés comme de culture différente proviennent généralement
des pays du Tiers-monde et présentent plus de difficulté
d’intégration que les immigrants d’origine européenne (Rogel
1989:9).
Compte tenu de cette attitude à l’égard des immigrants, je
traite, dans cette étude exploratoire, du vécu et de la perception
des rapports de sexe par les Africaines noires immigrantes
francophones dans le contexte canadien et particulièrement celui
de Toronto. Il existe une abondante littérature sur les immigrantes
au Canada, comme le démontre le bilan exhaustif qu’en fait M.
Labelle (1990). Ces études portent globalement sur l’intégration
fonctionnelle des femmes de multiples communautés ethniques
avec la diversité de problèmes qu’elle soulève, à savoir la
discrimination sexiste, raciale ainsi que leur inscription ou non,
de manière voilée ou évidente, dans les politiques d’immigration
et dans les institutions. Cependant, en vertu de leur faible repré-
sentation démographique et d’une histoire d’immigration encore
récente, les Africaines noires, de par leur vécu, ne semblent pas
intéresser suffisamment les chercheuses. Depuis celle de Kusozi
(1988), une des plus récentes études sur les femmes africaines de
Toronto (Nakanyike, Musisi, Turrittin 1995) traite principalement
de leur intégration économique. Elle met également l’accent sur les
discriminations de sexe, de race dont sont victimes les Africaines.

35
Le dossier Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998

Elle aborde de façon relative les relations entre les sexes telles que
les vivent les Africaines dans le contexte canadien. De ce point de
vue, cette étude s’inscrit dans le prolongement des travaux
antérieurs sur les immigrantes en général.
Tout en traitant également de ces questions, ma recherche se
concentre spécifiquement sur les rapports de sexe à partir de
l’expérience des Africaines et leur perception dans le pays d’accueil.
Pour ce faire, j’ai réalisé des entrevues semi-structurées avec des
Africaines immigrantes vivant à Toronto et à Montréal1, sur le
modèle biographique (Bertaux 1980). Dix de ces entretiens, ceux
de résidantes de Toronto, constituent le corpus de l’analyse que je
tente d’exposer dans cet article. Ces Africaines se sont toutes
mariées2 dans leur pays d’origine où elles avaient vécu en couple
et la majorité d’entre elles vit au Canada depuis plus de 10 ans.
Elles proviennent de divers pays d’Afrique noire francophone et
sont soit chrétiennes soit musulmanes. Cette démarche m’a paru
adéquate pour ce type de recherche dans lequel mes interlocutrices
devaient parler de leur expérience quotidienne autour des rapports
de sexe. Moi-même immigrante d’origine africaine, j’ai été parfois
amenée à partager par des signes d’approbation évidente les dires
de mes interlocutrices. Certaines féministes, à l’instar d’Oakley
(1981), Ramazanoglu (1989), Devault (1990) et Cotterill (1992),
soulignent l’importance de l’interaction entre la chercheuse et la
répondante. Sans occulter le fait, que rappelle si bien Ramazanoglu
(1986), de la multiplicité d’expériences des femmes selon leur
classe, leur race, leur ethnicité, mon expérience de femme immi-
grante africaine peut en certains points différer de celle de mes
répondantes. Ce faisant, mon attitude fut surtout celle de l’écoute
attentive.
D’autre part, les rapports sociaux de sexe étant des relations
complexes qui varient dans l’espace et le temps, selon les situations
et le contexte socio-économique, politique et culturel, certains
enjeux sont apparus plus importants que d’autres pour mes
interlocutrices dans leurs rapports avec les hommes époux dans
l’environnement canadien. L’autorité du mari, le partage de la
charge domestique, la prise de décision au sein du ménage, sont
revenus plus couramment dans les propos des Africaines que, par

36
Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998 Le dossier

exemple, la gestion du revenu ou l’exercice d’une profession par


l’épouse.Ainsi, l’égalité des sexes dans ce cas pourrait se comprendre
comme une égalité autour de ces facteurs. C’est donc sur la base
de ceux-ci que s’articule l’analyse que j’essaie d’esquisser.
Un autre aspect, non moins secondaire, est d’une part, la
perception que les Canadiennes de souche ont des Africaines par
rapport à leur relation avec les hommes et d’autre part, la
perception que les Africaines se font des relations des Canadiennes
avec les hommes. La connaissance de ces points de vue des
Africaines est importante, surtout dans un milieu multiculturel
comme Toronto où la personne intervenante sociale est appelée
à oeuvrer aussi souvent avec des immigrantes des différentes
cultures. Elle facilite non seulement l’échange interculturel mais
peut aussi permettre à l’intervenante de comprendre l’adhésion
ou la résistance des Africaines à certaines valeurs de l’égalité des
sexes telle que comprise dans la société canadienne. En effet, en
plus de certaines attitudes et compétences, l’intervention en milieu
culturel commande la connaissance de diverses cultures (Cohen
1993; Bellfort 1993).
Pour une meilleure compréhension du vécu des Africaines
immigrantes sur leurs rapports sociaux de sexe, il convient de retracer
d’abord les étapes de leur établissement définitif au Canada, en
l’occurence à Toronto. Cela permettra de saisir, dans un deuxième
volet, la manière dont elles vivent les relations avec leurs conjoints
dans le contexte canadien et enfin d’éclairer le regard qu’elles posent
sur les valeurs d’ici quant aux rapports de sexe3.

Des Africaines immigrantes de Toronto et leur


itinéraire : Immigrer pour perdre un statut socio-
économique décent

Le Québec a été la porte d’entrée au Canada pour cinq de mes


dix interlocutrices. En effet, elles ont rejoint leur époux4 qui les

37
Le dossier Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998

avait précédées pour raisons d’études. L’arrivée au Québec s’inscrit


ainsi dans la perspective de décrocher un diplôme de niveau
supérieur, particulièrement pour le conjoint, afin d’accéder à une
position socio-économique convenable dans le pays d’origine.
Car, en dépit de l’ascension politique à caractère arbitraire et
souvent ethnique, la possession d’un diplôme en Afrique,
notamment de niveau universitaire, garantissait encore, il n’y a
pas si longtemps, une position socio-économique prestigieuse.
Cependant, l’instabilité politique persistante et la détérioration
constante des conditions matérielles d’existence ont contraint les
étudiants africains et leurs familles à demeurer au Canada comme
immigrants. Ils se retrouvent alors, à plus d’un égard, dans la même
situation que l’immigrant classique. Celui-ci est attiré par
l’Occident dans le courant inverse de l’internationalisation du
capital, comme le soulignent les études raciales (Lavigne 1987:29-
42), pour vendre sa force de travail en espérant améliorer sa
situation. Même si au-delà de l’internationalisation du capital, le
phénomène d’immigration internationale tend à s’expliquer par
l’image idyllique que le Nord projette vers le Sud, entre autres, à
travers les médias (SIN 1993). N’empêche que l’immigrant est
très vite désillusionné. Les Africaines expérimentent cette dure
réalité, surtout par leurs conjoints qui, malgré le diplôme obtenu
au Canada, attendent des années un emploi correspondant à leur
formation. Faute de mieux, ils finissent souvent par accepter des
emplois subalternes pour survivre dignement. La situation est
encore plus dramatique pour ceux qui sont entrés comme réfugiés
ou ceux qui n’ont pas eu leur diplôme au Canada. Pour ceux qui
sont arrivés au Canada par le Québec, le quitter s’avère une voie
prometteuse.
Mon mari avait perdu un contrat qu’il avait à Montréal
parce qu’il ne parlait pas l’anglais. Comme il ne
trouvait pas du travail, il a préféré qu’on démenage
pour Toronto. Au moins on peut apprendre l’anglais.
Qui sait si un jour.
Nous avons quitté Montréal parce que mon mari le
voulait. Il n’ y a pas beaucoup de travail, donc mon

38
Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998 Le dossier

mari a décidé qu’on devait venir à Toronto pour trouver


du travail. Il a eu de bons contacts et au bout de deux
semaines, il a trouvé un petit boulot. Ce n’est pas ce
qu’il y a de mieux mais c’est mieux que rien.
Pour ces Africaines, la vie à Toronto ou à Montréal n’offre pas des
perspectives valorisantes par rapport à la position économique
qui leur conférait un certain statut social de prestige dans leur
pays d’origine. À défaut de mener une carrière, elles avaient une
source de revenu autonome, soit un petit commerce, une petite
entreprise de couture ou de coiffure. Par ce fait, ces Africaines
considèrent qu’elles avaient là un statut socio-économique
respectable leur assurant une certaine dignité.
En venant ici, j’ai perdu un statut. Je travaillais. Ce
que je gagne ici, c’est le cadre que je peux offrir à mes
enfants pour les études. Encore là, il faut parfois
s’interroger: qu’est-ce que je perds, ces enfants là
n’auront jamais l’éducation que j’aurais voulu leur
donner. Ici là, il faut même craindre ses propres enfants.
Ici, je ne suis plus secrétaire mais j’ai dû travailler
dans des manufactures, mentalement c’est très dur.
J’ai sacrifié mon statut pour le bien de mes enfants.
Malgré le niveau d’étude qui leur permet l’accès à un emploi
correspondant plus ou moins à leurs qualifications dans leur pays
d’origine, les Africaines ne dénichent pas facilement un emploi.
Il faut passer par un long processus d’adaptation en acceptant,
pour survivre, le premier travail disponible, en vue d’avoir
l’expérience canadienne exigée. D’autre part, la reprise d’un autre
cycle d’études semble un moyen de parfaire la formation dans
l’espoir d’intégrer le marché du travail. Mais le fait d’être femme
et en plus noire se présente comme un obstacle qu’il faut
quotidiennement surmonter.
Dans mon travail, on croit que parce que je suis une
femme noire africaine, donc, je ne connais pas. Je ne
connais rien. Le cas typique, quand les gens télé-
phonent, ils ne pensent jamais que je suis une femme

39
Le dossier Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998

noire, jamais, jamais. Et puis bon, ils sont plus ou


moins satisfaits de la première entrevue. Mais quand
ils arrivent, ils sont surpris. Et puis après je vois un
changement dans leur attitude. L’appréciation vient
avec le temps, avec la découverte de la personne. Mais
à priori, quand ils voient qu’il s’agit d’une noire, c’est
négatif. Après, ils se rendent compte que je fais mon
boulot, je suis polie, je suis correcte et efficace, et petit à
petit l’appréciation vient.A priori, tu n’es rien, tu dois
faire tes preuves et tu dois faire plus que les autres.
(...) En fait, j’ai deux patrons : une femme et un
homme. Du côté de la dame, elle a plus d’expérience
avec les gens, elle a plus de respect pour les autres.
Cependant, du côté du monsieur, il a essayé de prendre
contrôle sur moi. Peut-être parce que c’est un homme.
Mais je ne me suis pas laissé faire. Et aujourd’hui,
j’ai gagné du respect. Mais j’ai dû me battre pour cela.
Moi je ne me fais pas de complexe. Je ne tolère pas que
quelqu’un croit que je suis moins bonne parce que je
suis noire, je suis Africaine.
Ces Africaines se sentent victimes de discrimination raciale. L’in-
tégration dans le milieu de travail se révèle un combat perpétuel.
Un éternel recommencement quotidien jusqu’à ce qu’elles
puissent convaincre par la qualité de leur travail. Parce que femmes
noires, elles font face à une remise en question constante de leur
compétence. C’est un facteur de stress supplémentaire dans une
conjoncture d’emploi déjà précaire qui fait accentuer le sentiment
d’humiliation. Être obligées de travailler durement dans des
emplois les moins bien rémunérés, même lorsqu’on a des
qualifications suffisantes, semble être le lot des Africaines immi-
grantes. Elles le vivent comme une perte de leur statut en même
temps qu’elles doivent assumer des responsabilités domestiques
plus lourdes dans un contexte où elles ne bénéficient plus d’un
support familial quelconque.

40
Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998 Le dossier

Une conjugalité dans la tension

En fait, pour les Africaines, la vie d’immigrante loin du contexte


africain permet le développement des relations de couple plus
intenses, une nouvelle forme de conjugalité. La composition
familiale est atomisée. Elle se réduit très souvent aux conjoints
seuls et à leurs enfants. En somme il s’agit d’une famille nucléaire.
De manière générale, ces Africaines immigrantes connaissent alors
la naissance d’une conjugalité beaucoup plus intime que celle
vécue en Afrique. Si celle-ci permet parfois de resserrer de plus
en plus le lien affectif dans le couple, elle peut aussi produire une
certaine tension. En effet, en Afrique, malgré d’autres occupations,
une profession, un commerce, ces femmes pouvaient organiser
assez aisément leur temps. Le fait de vivre toujours entouré d’autres
membres de la famille empêchait une conjugalité très intime certes,
mais permettait le partage de certaines charges domestiques par
des femmes de la parenté. Cependant, l’expérience d’être une
immigrante noire dans ce contexte est non seulement marquée
par la discrimination, l’humiliation, une certaine perte de dignité
mais elle alourdit considérablement la charge domestique pour
les Africaines. Dans la mesure où culturellement les obligations
domestiques incombent aux femmes, le manque d’aide fait qu’elles
sont souvent confrontées à une surcharge de travail. L’organisation
d’une journée, pour celles qui travaillent à l’extérieur, est une
course à la montre sur un mode différent de ce qu’elles ont connu
en Afrique.
Le matin, je dépose les enfants à la garderie. On quitte
la maison à 7 h 15. On attend devant la première
garderie que les portes s’ouvrent. À 7 h 25, on entre.
Mais je dois attendre à 7 h 30 parce qu’il n’y a pas
d’assurance au cas où quelque chose arriverait. Donc,
je dépose d’abord le bébé après je dépose la grande. A
chaque fois, il faut entrer et signer. C’est des «in and
out». Je quitte l’école de la grande, ensuite, je vais
travailler et j’arrive souvent vers 8 h ou 8 h 05. Après

41
Le dossier Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998

le boulot, je dois m’occuper du ménage. Il faut apprêter


le repas. Mais, je m’organise car je fais la plupart des
repas le week-end. Je conserve dans des bols en
plastique. J’ai toujours fait mes affaires toute seule.
Mon mari ne s’est jamais occupé des travaux domestiques.
Il n’y a pas de partage des tâches. Soit mon mari n’est
pas là ou s’il est là, il doit se reposer. La seule chose qu’il
accepte de faire, c’est le ménage le samedi.
Mon mari ne fait pas les travaux ménagers. Ce n’est
pas son rôle. L’aide que nous trouvons chez nous
n’existe pas ici. Les femmes ici demandent que les
hommes participent aux travaux domestiques, mais tu
sais le mariage c’est comme une entreprise. Dans un
ménage chaque personne a son rôle. Dans toute entreprise
il y a un chef d’entreprise. Le chef, le capitaine, c’est
l’homme. La femme, c’est la gardienne de valeurs. C’est
elle qui fait exécuter les choses. Je ne peux pas lui
demander de faire le travail de la maison. S’il veut aider
ça c’est différent. Ici, le contexte est différent. Il peut le
faire s’il veut bien. Mais ce n’est pas son rôle. C’est sûr
que c’est très dur pour moi d’être partagée comme cela à
courir après le temps, mais je sais m’en sortir.
Il y a celles qui acceptent d’assumer seules, au nom du respect des
rôles sexués, toutes les responsabilités domestiques, en dépit des
conditions sociales différentes de celles de l’Afrique. Elles
s’accommodent de la double charge de travail afin de préserver
les valeurs culturelles, faisant lecture fonctionnaliste du rôle des
sexes et acceptant l’autorité du conjoint libéré des travaux
ménagers. Par contre, les autres ressentent comme un lourd fardeau
le fait de s’occuper seules de toute la charge domestique en plus
de travailler à l’extérieur. Ces dernières ne sont pas à l’abri de
certains conflits conjugaux et sont parfois victimes de médisance
de la part de leurs amis africains ou de compatriotes du même
pays d’origine. En Afrique, la conjugalité englobait la parenté.
Essentiellement, la femme ajustait son comportement par rapport
à cette dernière. Au Canada, le réseau de relations entre Africains

42
Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998 Le dossier

se substitue à la parenté et joue sensiblement le même rôle que


celle-ci. Ainsi, le dénigrement des amis peut parfois avoir une
incidence sur le comportement du couple notamment en public,
amenant les conjoints à se conformer en apparence aux normes
culturelles de conduite entre époux. Celles dont le conjoint
participe quelque peu aux travaux domestiques manipulent le
jeu de l’apparence afin de préserver le statut social reconnu à
l’époux dans la communauté.
Quand on est mariée, il faut faire des sacrifices. Ce
qu’une femme est capable de supporter ou d’accepter,
un homme n’est pas capable de le faire. Et moi, j’ai
décidé que je ne pouvais plus supporter le fait par
exemple d’être mariée et d’avoir la responsabilité des
enfants toute seule. J’ai trouvé que cela ne valait pas
la peine de prétendre être mariée si c’est pour faire
tout, toute seule. Cela n’a pas de sens si c’est juste
pour paraître. Alors, je ne sais pas à qui je fais plaisir
en paraissant. En tout cas, pas à moi.
En Afrique tout aurait été différent parce que le contexte
émotionnel et social aurait été différent. J’aurais été
entourée d’une famille. J’aurais eu un support affectif
qui aurait permis d’équilibrer le manque de présence
de mon mari. Je n’aurais pas souffert de la même
manière. J’aurais minimisé par exemple le fait que mon
mari ne soit pas impliqué dans les tâches ménagères.
J’aurais eu une autre source de soutien affectif malgré
son absence, j’aurais eu une source de soutien pratique,
par exemple, pour les enfants. J’aurais eu de l’aide.
J’aurais eu un «nounou». J’aurais eu quelqu’un pour
faire le ménage pour moi, soit pour faire la cuisine.Tout
ce qui pèse sur mes épaules aujourd’hui, je n’aurais pas
eu ça. J’aurais eu certainement d’autres problèmes mais
sur le plan de l’organisation pratique de tous les jours,
je n’aurais pas eu ça.

43
Le dossier Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998

Le partage des travaux domestiques se fait dans le tiraillement. Il


s’opère, pour certaines, au prix d’une demande persistante, non
pas en remettant nécessairement en question l’autorité du mari
ni son rôle. Simplement parce que confrontées à une surcharge
de travail et ne pouvant plus profiter de l’aide qu’elles recevaient
en Afrique, elles se trouvent dans l’obligation de solliciter l’apport
du conjoint surtout lorsqu’il n’y a pas de grands enfants dans la
famille. Cependant pour d’autres, il y a une contestation effective
de l’ordre établi dans le mariage. Dans ce cas, cela se produit assez
souvent dans la tension ou crée une situation de conflit latent.
Une femme africaine croit au mariage et au fait de
rester mariée quoi qu’il advienne. Je le vois autour de
moi. Il y a beaucoup d’Africaines qui sont convaincues
qu’être malheureuse fait partie intégrante du mariage.
Que la tristesse, le malheur, prendre toute les respon-
sabilités domestiques, c’est ça réussir son mariage, même
si cela est trop lourd. Etre mariée est important pour
une femme, je te parle de femmes africaines qui vivent
ici au Canada, pas en Afrique. Le problème est différent
en Afrique parce que l’apport des autres membres de la
famille est là. On ne ressent pas les reponsabilités de la
même façon et ça ne dérange donc pas de rester mariée
malgré tout. Ce que je trouve difficile ici, c’est le stress
qu’on est obligée de vivre en plus de supporter un mari
qui ne vous aide pas et qui se réserve le droit de vous
tabasser. Je trouve cela intolérable.Tu vois ce que je trouve
difficile, c’est d’avoir tellement de choses à faire et d’être
obligée de le faire seule alors que je suis mariée. Alors je
me dis, je n’ai pas besoin d’un mari qui n’aide pas et
qui ajoute aux problèmes. Non, j’ai décidé que je n’avais
pas besoin de plus de stress. Moi, j’ai arrêté de supporter,
j’ai arrêté de faire des efforts. Là, alors, c’est la
dégringolade. J’ai changé parce que j’ai estimé que je
méritais mieux que ça.
La perte du soutien familial pour les travaux domestiques ainsi
que le vécu canadien façonnent la relation à l’égard du mari.

44
Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998 Le dossier

Pour certaines, ce changement occasionne le réaménagement


du partage relatif du travail domestique. Pour d’autres, il donne
lieu à une contestation, une rupture d’avec la vision du mariage.
Cependant, il n’y pas une adhésion totale à l’idée d’égalité de
sexe dans la division des tâches domestiques; ni à ce qui est perçu
comme étant la conception canadienne du mariage, tel que le
suggère le propos suivant.
Ici la conception du mariage est différente. Le sexe ne
va pas seulement avec le mariage. Déjà, ici même, on
peut remarquer qu’au Québec et à Toronto, c’est très
différent. Au Québec, les femmes sont très indé-
pendantes. Elles sont trop féministes. Quelques fois, il
y a même un peu d’exagération. Mais les femmes ont
lutté quand même pour acquérir leurs droits. Ce que
j’ai perçu au Québec, c’est qu’on peut vivre sa sexualité
de manière épanouie sans pour autant être obligée de
se marier. En Ontario, je n’ai pas remarqué la même
liberté sexuelle que j’ai remarquée au Québec. Aussi
peut-être parce qu’en Ontario, on a l’impression que
tout le monde vient de partout sauf d’ici.Vu qu’il y a
trop d’immigrants, il y a un apport culturel important,
on ne perçoit pas des «pure laine».
L’idée de séparer la procréation du mariage ne semble pas être
exprimée avec clarté dans ce propos mais elle me paraît suggérée
dans la phrase suivante:«vivre sa sexualité de manière épanouie
sans pour autant être obligée de se marier». Ceci indique une
certaine distance par rapport à la conception africaine du ma-
riage, lequel est inconcevable sans progéniture (Mbite 1972:143;
Kenyatta 1967:116). Paradoxalement, rien n’indique qu’ on puisse
conclure qu’il y a acceptation totale du modèle des relations de
genre de la société canadienne. Par ailleurs, il ressort également
de ce propos une reconnaissance du combat mené par les femmes
canadiennes de souche, signifiant par là, dans une certaine mesure,
le rapprochement des immigrantes africaines des revendications
des Canadiennes d’origine.

45
Le dossier Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998

D’ici mais toujours d’ailleurs : Solidarité féminine


versus discrimination

Les immigrantes d’origine africaine sont confrontées à la double


charge de travail, comme les autres femmes du Canada, malgré une
plus grande implication du conjoint dans certaines tâches. Cette
situation commune ne suffit pas à constituer une source potentielle
de solidarité comme le révèlent le discours de ces Africaines.
Les femmes d’ici ne sont pas solidaires avec les femmes
africaines. On a beau être une femme, mais il y a la
barrière de la peau. Une femme blanche, d’une façon
ou d’une autre, se croira toujours supérieure à toi. Il
n’y a rien à dire. Il n’ y a pas de vraie solidarité, même
si elles vivent parfois les mêmes problèmes que nous.
Par exemple, si j’observe autour de moi mes amies
blanches ontariennes d’ici, il n’y a pas non plus autant
d’aide à la maison que ça. Cela dépend, l’homme fera
ce qu’il a envie de faire. Il ne se sentira pas la même
responsabilité que la femme. Il va par exemple déneiger
peut-être parce que lui, ça ne le dérange pas de faire
cela. Par contre, il ne fera pas toujours nécessairement
la vaisselle. Dans ce sens là, il y a des maris d’ici qui
ne font rien. Et à l’opposé, on peut trouver également
des hommes africains qui font tout pour leur épouse.
Malgré cela, les femmes d’ici nous jugent toujours
comme des femmes soumises, exploitées. La femme qui
retombe toujours dans les mêmes erreurs d’accepter tout
de l’homme, une femme trop bonne qui va faire l’esclave
de l’homme. Il y a toujours ce cliché qui est là.
Moi, je n’aime pas discuter avec les femmes d’ici; je ne
discute pas avec les féministes. Je n’argumente même
plus. Cela ne vaut pas la peine. Elles ont leur conception.
Pour elles, nous sommes des femmes africaines donc
des femmes exploitées, soumises.Tu vois même dans le

46
Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998 Le dossier

cours de langue pour apprendre l’anglais, la dame qui


nous donnait le cours tenait toujours ce langage là. Les
femmes Africaines font ceci, elles font cela. Il faut laisser
participer les hommes au travail à la maison, changer
les couches du bébé, faire la vaisselle. En fait, il y a des
choses que moi, je trouve normales et qu’elle ne peut pas
comprendre. C’est normal que mon mari prenne des
décisions, qu’il gère l’argent. J’ai été élevée comme ça, je
n’ai pas vu mes grandes soeurs exiger de leur mari de
faire la vaisselle.Vois-tu, avec tout le racisme qu’on connaît
ici, mon mari déjà ne se trouve pas du travail facilement.
Il se sent humilié et si en plus je dois lui imposer de faire
encore les travaux à la maison, tu vois ce que ça donne.
C’est pourquoi mes amies sont Africaines, je ne me tiens
pas avec les femmes d’ici.
En se basant, entre autres, sur la presque absence d’implication
des maris africains dans les tâches du ménage, les Canadiennes de
souche semblent poser un regard condescendant sur les immi-
grantes africaines, les forçant à exprimer avant tout leur identité
africaine au lieu de proclamer une forme de sororité avec les
femmes d’ici. Il s’agit vraisemblablement d’une attitude défensive.
Car loin de nier tout simplement les inégalités de sexe propres à
leur culture, les immigrantes africaines en sont plutôt bien
conscientes. Elles le disent.
Ici on ne lie pas la vie d’une femme au mariage alors
qu’en Afrique, on la lie.Tu as plus de considération si
tu es mariée. Même ici dans le milieu afro-canadien,
quand tu n’es pas mariée, on ne te respecte pas.
Une femme doit être soumise. Elle doit se marier pour
vivre avec un homme. Elle doit être présente pour son
mari. Elle doit assumer sa responsabilité à l’intérieur
du ménage. Une fille célibataire, c’est mal perçu parce
qu’elle n’est pas mariée. En Afrique, l’identité féminine
doit se définir par le mariage. Ici, on est femme parce
qu’on est un être humain. Il faut reconnaître que les

47
Le dossier Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998

femmes d’ici ont lutté pour ça, elles se sont battues.


Sur ce plan, je les envie même si je ne suis pas toujours
d’accord avec elles sur certaines choses.
Le discours des Africaines sur le statut de la femme est paradoxal.
D’un côté, elles présentent la soumission de la femme comme un
fait de la culture. D’autre part, elles sont conscientes de l’inégalité
des rapports de sexe tout en n’osant pas ouvertement la contester.
Dans la mesure où elles reconnaissent les mérites des femmes
blanches d’avoir gagné leur place dans la société au même titre
que les hommes, elles admettent l’inconfort de leur situation.
L’attachement culturel semble agir, pour certaines, comme une
force normative puissante, au point de neutraliser toute
contestation possible.
Par ailleurs, la relation avec les femmes blanches demeure
encore entachée de l’empreinte de l’histoire coloniale. Elle traduit
un rapport de pouvoir entre femmes qui s’inscrit dans la tradition
coloniale. Le regard hautain que les Africaines perçoivent de la
part des femmes blanches s’inscrit dans cette logique. Ainsi,
l’attitude de ces dernières vis-à-vis des immigrantes africaines
semble s’approcher du racisme au lieu d’exprimer la solidarité
qui sans doute sous-tend leur jugement sur les Africaines.
D’autre part, les rapports entre les immigrantes d’origine
africaine et les femmes noires originaires des Caraïbes sont
caractérisés également, selon les premières, par une certaine forme
de mépris de la part des secondes.
Les femmes noires des îles socialisent facilement avec
les femmes blanches. Elles imitent facilement les blanches
et nous considèrent aussi comme des femmes soumises.
Nous n’avons de commun que la couleur de la peau.
On n’est pas pareilles avec les femmes noires des îles.
Culturellement, on est très différentes. Je suis allée un
peu dans des groupes afro-canadiens. J’ai arrêté parce
que je considère qu’on n’a pas les mêmes problèmes.
On n’est pas pareilles. Dans cette société, je veux dire
au Canada, il y a des noires des îles, des noires

48
Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998 Le dossier

d’Afrique, des blancs, des indiens, etc.… Ce qui me


frappe, c’est que les communautés ne se mélangent pas.
On se côtoie sans jamais se mélanger. Une Jamaïcaine,
quand elle parle d’une femme africaine, c’est comme si
elle est dégoutée. Pour elle, la femme africaine aime le
mariage. La plupart des femmes jamaïcaines que je
connais ne sont pas mariées. Elles ne comprennent pas
comment les femmes africaines sont là à traîner avec
les hommes qui parfois les font souffrir. Elle nous
considèrent également comme des femmes soumises.
Les différences culturelles à propos des relations de genre semblent
nuire au développement de solidarité entre les femmes immi-
grantes noires d’origine africaine et les blanches ainsi que les femmes
noires d’autres cultures. Dans ce contexte, la sororité ne paraît pas
transcender les barrières raciales et culturelles. Une question se pose
de toute évidence: est-ce que la solidarité féminine pourait être
assez forte pour parvenir à anéantir la persistance d’un racisme
particulier envers les Noirs dans le monde? Être Africain, soutient
T. Pujolle (1994:30), c’est devoir, indéfiniment, affirmer sa dignité
face à l’autre. Les Africaines immigrantes expérimentent cette réalité
aussi bien dans leur milieu de travail que dans la vie courante, comme
il ressort de leurs propos.

Être francophone à Toronto

Le Canada est connu comme un pays bilingue. Pourtant, la


personne immigrante qui maîtrise une de deux langues officielles,
en particulier le français, court le risque d’être confrontée au
problème d’intégration linguistique, notamment à Toronto. Cela
constitue un handicap de plus pour réussir son intégration
économique.
Les francophones à Toronto, on est une minorité. C’est
difficile d’être francophone ici, dans le sens où il y a

49
Le dossier Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998

une ségrégation contre les francophones. Les gens ont


aussi peur de la séparation. Si on n’apprend pas
l’anglais, c’est très difficile de se trouver du travail. Si
tu ne parles pas très bien l’anglais, ou avec beaucoup
de fautes, l’employeur te dit souvent : «The customers
won’t be happy». C’est pas évident non plus que si on
parle anglais, on est accepté facilement. Les gens me
disent souvent: «You have a funny accent, a french
accent». Donc, mon accent va rester toujours pour
m’identifier comme francophone d’origine africaine parce
qu’il y a aussi cet accent là et je ne cherche pas non
plus à le perdre.
Métropole du Canada, reconnue comme un des poumons éco-
nomiques du pays,Toronto se présente comme la ville de l’espoir
d’un statut socio-économique plus ou moins digne. À défaut de
cela, elle offre l’opportunité d’apprendre l’anglais qui, pour ces
immigrantes francophones, semble être la langue indispensable
pour percer le marché du travail.Ainsi, le bilinguisme n’est efficace
que sur papier, dans les documents officiels et dans la vie courante,
surtout dans une région où le français est minoritaire.

Conclusion

Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une recherche plus large.


Dans ce sens, elle pose le jalon d’une analyse encore à approfondir.
J’ai exploré essentiellement quelques éléments qui reviennent dans
les propos des femmes. À travers ceux-ci, elles disent leur
expérience d’immigrantes noires d’Afrique. Ce facteur de la race
me paraît capital dans la compréhension de la situation des
immigrantes originaires de l’Afrique subsaharienne autant sur le
marché du travail, où le racisme omniprésent ressort avec acuité
quand il s’agit d’une femme, que dans la vie quotidienne. En
outre, il apporte, avec la dimension culturelle, un éclairage sur la
vision que les Africaines immigrantes ont des rapports de sexe et

50
Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998 Le dossier

sur leur vécu dans la société canadienne où elles connaissent une


forme de conjugalité nouvelle mais problématique. Le fait d’être
noire, combiné aux stéréotypes associés aux femmes africaines à
partir desquels les femmes blanches canadiennes posent un regard
qui paraît exprimer une certaine forme d’arrogance plutôt que
de la compassion, tend à saper les bases d’une réelle solidarité
féminine. Il en découle que les immigrantes africaines se soli-
darisent facilement entre elles et avec les hommes de la com-
munauté qui comme elles, sont victimes de la même
discrimination raciale.

Bibliographie
BERRY, John W, Rudolf KALN, Donald M.TAYLOR (1976). Attitudes à l’égard du multiculturalisme
et des groupes ethniques au Canada.
BERTAUX, D. (1980). «L’approche biographique: sa validité méthodologique, sa potentialité», Cahier
internationaux de sociologie, vol.69, 197-225.
BELLFORT, S. (1993). «Au carrefour de plusieurs vérités: une réflexion sur la pratique en milieu
scolaire pluriculturel», Intervention, vol. 96, 36-46.
COHEN, Émerique (1993). «L’approche interculturelle dans le processus d’aide», Revue française de
Service Social, vol.171, 7-19.
COTTERILL, Pamela (1992). «Interviewing Women. Issues of Friendship,Vulnerability and Power»,
Women’s Studies International Forum, vol. 5, no 6, 29-42.
DEVAULT, Marjorie L. (1990). «Talking and Listening from Women’s Standpoint: Feminist Strategies
for Interviewing and Analysis», Social Problems, vol. 37, no 1, 96-113.
HELLY, Denise (1996). Le Québec face à la pluralité culturelle 1977-1984. Un bilan documentaire des
politiques, Québec, Les Presses de l’Université Laval.
IMMIGRATION CANADA (1997). Faits et chiffres 1996.Aperçu de l’immigration, Ottawa, Citoyenneté
et Immigration Canada.
KASOZI, A.B.K (1988). The Integration of Black African Immigrants in Canadian Society:A Case Study of
Toronto, CMA, 1986. Toronto, Canadian African Neewcomer Aid Center of Toronto (CANACT).
KENYATTA J. (1967). Au pied du mont Kenya, Paris, Maspéro.
LABELLE, M. (1990). «Femmes et immigration au Canada: Bilan et perspective», Études ethniques au
Canada, vol.22, no 1, 67-82.
LANGLOIS, Jacques, Pierre LAPLANTE et Joseph LEVY (1990). Le Québec de demain et les
communautés culturelles, Montréal, Éditions du Méridien.
LAVIGNE, Gilles (1987). Les ethniques et la ville, Montréal, les Editions du Préambule, Collection
Science et théorie.
MBITI J. (1972). Religion et philosophie africaine,Yaoundé, Editions Clé.

51
Le dossier Reflets — Vol. 4, no 1, printemps 1998

NAKANYIKE B, Musisi, Jane TURRITTIN (1995). African Women and the Metropolitan Toronto
Labour Market in the 1990s. Migrating to A Multicultural Society in A Recession, Toronto.
OAKLEY, An (1981). «Interviewing Women: A Contradiction in Terms», in Helen Roberts (Ed.),
Doing Feminist Research, London, Routledge and Kegan Paul, 30-61.
PUJOLLE, Thérèse (1994). L’Afrique noire, France, Dominos/Flammarion.
ROGEL, Jean -Pierre (1989). Le défi de l’immigration, Québec, Institut québecois de recherche sur la
culture.
RAMAZANOGLU, Caroline (1986). Feminism and the Contradictions of Oppression, London, Routledge.
RAMAZANOGLU, Caroline ( 1989). «Improving on Sociology :The Problems of Taking a Feminist
Standpoint», Sociology, vol.23, no3, 427-442.
SIN, Naïr (1993). «Mondialisation et migrations : l’axe Sud-Nord», Les migrations internationales, Lausane,
Payot.

Notes
1. J’utilise l’expression «genre» comme traduction francaise de
gender qui exprime le fait de la construction sociale de la
différence entre les sexes. La littérature francophone préfère
plutôt le terme rapports sociaux de sexe.
2. Le fait d’être mariée dans le pays d’origine est important car
il permet à mes interlocutrices d’établir une comparaison entre
leur situation là-bas et celle vécue ici quant aux rapports de
sexe.
3. On ne peut nier ici le fait que ce vécu, tout adapté soit-il à la
vie au Canada, est influencé par la représentation des rapports
de genre de la société d’origine.
4. Malgré cette tendance générale, il y a maintenant certaines
Africaines qui s’installent au Canada avant leur époux.

52

Vous aimerez peut-être aussi