Analyse Du Discours-Fascicule l1&l2.23!24!1
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Fascicule de cours
1
2
Descriptif du cours
En termes de connaissance
Au sortir du cours, l’étudiant devrait :
3
Avoir compris l’importance du contexte dans l’analyse des textes et autres
énoncés écrits ou oraux.
En termes de savoir-faire
Au sortir du cours l’étudiant devrait, entre autres :
Méthode d’enseignement
Approche mixte reposant sur :
- Le cours magistral
- Des lectures préalables
- Des discussions
- Des exercices.
Mode d’évaluation
- Écrit (devoirs sur table)
1
La notion de Signe est expliquée dans la section 1.4
4
(b) Le langage peut être aussi considéré comme une activité d’individus qui se
situent dans des contextes précis (D. Maingueneau 1996 :28). C’est dans ce sens que l’on
parlera d’activité verbale (à travers l’usage de la parole ou de l’écriture) ou non verbale (à
travers les gestes, les expressions faciales, les symboles, etc.)
5
(vocaux ou transcrits graphiquement) constituant un instrument de communication
spécifique aux êtres humains. Retenons donc que si le langage est la faculté de
communiquer, la langue est quant à elle un moyen ou un instrument à travers lequel cette
faculté s’exprime.
2
Il faut toutefois noter qu’en dehors de la parole, le langage des signes constitue un autre médium de la
langue.
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de deux aspects (ou formes) psychiques et indissociables à savoir: un signifiant et un
signifié.
- Le signifiant (Sa)est l’aspect matériel, lié à la forme du signe. Il s’agit précisément
de la représentation mentale d’une suite de sons ou de lettres. Exemple : f-r-è-r-e
- Le signifié (Sé) est l’aspect conceptuel, lié au sens du signe. Il s’agit de la
représentation mentale d’une idée ou d’une chose. Exemple de ce qui nous vient à
l’esprit lorsque nous lisons la suite f-r-è-r-e
C’est le rapprochement ou l’association de ces deux aspects, c’est-à-dire le signifiant et le
signifié, qui constitue le signe linguistique. C’est ainsi par exemple qu’à la suite de sons ou
de lettres se rapportant au mot « frère », nous associons le sens ou l’idée d’une personne
particulière de sexe mâle (considérée comme) née de même père et/ou de même mère,
ou membre d’une même communauté religieuse, etc. Cela dit, le signifié de « frère » peut
être associé à un signifiant différent. Il vous suffit de penser au signifiant de « frère » dans
votre langue maternelle. C’est parce que les signifiants diffèrent selon les langues, qu’on
dit du signe linguistique qu’il est arbitraire.
A travers donc le signe linguistique, la langue constitue une sorte de code dans lequel les
sons sont associés à des significations (encodage), et des significations sont associées à
des sons (décodage). De ce fait, afin de communiquer entre eux et de se comprendre, les
membres d’une même communauté linguistique doivent partager entre eux et
reproduire les mêmes signifiants auxquels ils associent les mêmes signifiés.
communiquent aussi à travers l’usage d’un vaste répertoire de signes variés qui servent à
s’agit de signes non verbaux tels que les gestes, attitudes, expressions faciales, symboles,
L’étude des signes est l’objet de la discipline qu’on appelle Sémiotique. C’est ainsi que
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signifiant/signifié, la signification du signe (ou « semiosis ») résulte d’une relation
blanche
parties en conflit.
cette colombe blanche nous nous engageant à promouvoir la paix entre nous ».
types de signes :
- Le symbole : relation par convention. Ex : vert, jaune et bleu sont les symboles de
République Gabonaise
Vous me regardez
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1. On peut découper cet énoncé sur la chaîne parlée en signes linguistiques, c’est-à-
dire en unités de sens dotée chacune d’un signifiant (Sa) et d’un signifié (Sé) :
Les quatre unités dégagées ici sont appelées des morphèmes ou des monèmes et sont les
plus petites unités linguistiques de sens. Ces unités de sens appartiennent à la première
articulation du langage. Elles existent en nombre illimité dans la langue (pensez
simplement aux nombreux énoncés que vous pouvez construire avec chacun de ces
morphèmes).
2. Cela dit, chacun de ces morphèmes peut aussi être découpé en unités plus petites :
/ V/+ / o / + / u / + / s / / m / + / e / / r / + / e / + / g / a / + / r / + / d / + / e / + / z /
Les quatorze unités dégagées ici sont appelées des phonèmes. Il s’agit des plus petites
unités phoniques dépourvues de sens, mais dont la fonction sert à distinguer les
morphèmes. Par exemple, le phonème / m / dans le morphème | me | permet de
distinguer | me | d’un | le | (Ex : Vous le regardez) ou d’un | ne | (Ex : Vous ne regardez). Les
phonèmes appartiennent aux unités de la seconde articulation du langage. Ils sont en
nombre limité dans la langue mais se combinent entre eux pour former des morphèmes.
Ainsi donc la double articulation du langage humain est une propriété des langues du
monde qui permet d’analyser les énoncés sur deux niveaux distincts de combinaison
d’unités linguistiques.
3
La considération ou la valeur accordée à un ou plusieurs de ces éléments dans la réalisation du processus
varie selon les auteurs et les approches théoriques.
4
Source : https://www.pinterest.com/pin/577094139723450216/
9
Les éléments constitutifs du processus de communication englobent ainsi:
dans lequel des signifiants correspondent à des signifiés. Dans le cas de l’usage de
signifiants à des signifiés, puis de combiner les morphèmes afin de former des
unités ou des énoncés plus grands. L’information est ainsi contenue dans la
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langue en usage. Le décodage consistera donc à retrouver l’information exacte
Cela dit, le processus de communication n’est pas linéaire, c’est-à-dire qu’il ne se déroule
pas dans un seul sens de l’émetteur au destinataire. Il s’agit en effet d’un processus
communicationnel. Il s’agit de :
entre amis)
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déroulement de l’événement communicationnel. Le bruit peut être d’ordre
physique (le son strident d’un klaxon durant une conversation téléphonique),
Au regard de tous ces éléments, nous retenons surtout que la communication est un
processus, une activité sociale et un échange langagier mettant en relation des individus
motivés par des enjeux communicationnels (ex : informer, expliquer, se connaitre, etc.) et
sociaux (ex : pouvoir, liberté, justice, etc.) et qui, grâce au langage humain, s’échangent
En ce qui concerne le langage humain, nous avons dit qu’il recouvrait deux propriétés à
savoir le langage verbal (l’usage de la langue à travers la parole ou l’écrit), et le langage
non verbal (l’usage des gestes, expressions faciales, symboles, etc.). De ce point de vue il
existe deux types de communication entre les êtres humains à savoir :
- la communication verbale qui renvoie à l’usage de la langue, et donc des signes
linguistiques, en situation de communication,
- et la communication non-verbale qui renvoie à l’usage des signes non-verbaux.
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Cela dit, il est important de rappeler que l’orientation théorique adoptée dans le présent
enseignement met en avant la dimension fonctionnelle du langage humain qui est celle
de permettre la communication et les interactions au sein de la vie sociale. De ce point de
vue, l’usage du langage est perçu comme une activité d’individus qui se situent dans des
contextes bien particuliers (D. Maingueneau 1996 :28).
Concevoir le langage comme une activité, nous amène donc à considérer le discours
comme la langue en usage dans un contexte particulier. En effet, à travers le médium de
la parole ou de l’écriture, le discours renvoie ainsi à une activité verbale orale ou écrite en
général. Dans ce sens large, il s’emploie au singulier, comme dans le terme « Analyse du
Discours » ou le « discours populiste » (ce dernier exemple illustre un cas ou le terme
renvoie à un usage de la langue associé à une position idéologique, philosophique, ou
sociale). Dans le cas où le discours renvoie tout simplement à une ou des productions
verbales, le terme peut s’employer au pluriel, comme dans « les gens aiment les discours ».
Si dans un sens large le discours renvoie à l’usage de la langue dans un contexte
particulier, il faut dire que ce sens englobe aussi d’autres acceptions beaucoup plus
précises. En effet tel que l’indique D. Maingueneau (2012 :41-45) dans la liste ci-dessous,
les différents sens précis que l’on peut attribuer au discours et que l’on retrouve d’ailleurs
dans d’autres approches théoriques incluent :
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Dans le cadre de ce cours, et au regard de tout ce qui précède, nous retiendrons
particulièrement et à la suite de T.A Van Dijk (1997) et de M.A Paveau (2011) la définition
de la notion de « discours » suivante :
Le discours est une forme d’usage de la langue (qui consiste en des productions
verbales orales ou écrites) qui apparait dans un événement communicationnel et
dans un environnement particulier dont les paramètres sont des éléments à la fois
humains et non-humains, explicites, implicites et tacites.
Rappelons tout d’abord que notre manière de concevoir le langage humain est basée sur
sa fonction qui est de permettre la communication et les interactions au sein de la
société. C’est dans cette perspective que nous concevons le discours comme la langue en
usage, c’est-à-dire comme une activité verbale (orale ou écrite) d’un individu ou entre
individus en interaction dans un contexte social bien particulier. Par conséquent, nous
adopterons la définition selon laquelle, l’Analyse du Discours (AD) est la discipline
scientifique (née à la fin des années 1960) qui étudie l’usage réelle de la langue par un ou
des locuteurs en situation de communication dans un contexte social bien déterminé. En
d’autres termes, l’AD étudie le discours en tenant compte de sa relation ou de son
rapport avec la situation sociale précise dans lequel il est produit. C’est donc la corrélation
entre le discours et ses conditions sociales de production (y compris culturelles,
économiques, politiques, historiques, idéologiques, psychologiques, etc.) qui intéresse
l’AD. Comme le stipule si bien A.W. He (2017 :445), il s’agit donc pour l’AD de décrire les
éléments linguistiques contenus dans le discours, ou les caractéristiques du discours, en
se posant deux types de questions, à savoir :
- Pourquoi, dans une situation sociale bien précise, certains éléments ou formes
linguistiques sont utilisés et pas d’autres ?
- Quels sont les ressources linguistiques à travers lesquels les locuteurs construisent
ou reconstruisent leur vie, c’est-à-dire leur identité, rôle social, activité,
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communauté, savoir, idéologie, leurs relations, émotions, sentiments, croyances,
etc. ?
Par ailleurs, pour des raisons de rigueur ou de clarté dans l’analyse, et afin de mieux
cerner son objet d’étude dans ses multiples aspects, l’AD peut emprunter des concepts
ou autres éléments d’analyse aux autres disciplines qui s’intéressent au discours. Par
exemple, la linguistique peut permettre de délimiter certaines unités linguistiques, tandis
que l’anthropologie quant à elle peut aider à associer un usage particulier de la langue à
un code culturel. Le fait donc de pouvoir associer d’autres disciplines dans sa démarche
analytique, amène à considérer l’AD comme un domaine de recherche pluridisciplinaire.
5
La notion de « contexte » est aussi utilisée en Linguistique, mais avec un sens différent. En effet en
linguistique le contexte, ou encore appelé « cotexte », renvoie à l’entourage ou à l’environnement linguistique
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important de faire remarquer que tel que présenté ici, le contexte renvoie à une situation
ou à des conditions de production pouvant comporter des éléments ou des facteurs
divers et dont le nombre pourrait être difficile à limiter. En effet, les sociétés humaines
sont caractérisées, marquées, et rythmées par de nombreux et divers faits, phénomènes,
comportements, idéologies, etc., que nous devons considérer dans leurs simultanéités
et/ou leurs enchainements, leurs récurrences, leur historicité, etc.
Devant donc la nature complexe de la notion de contexte, T. Van Dijk (2009) propose de
considérer le contexte comme l’ensemble des éléments (paramètres ou propriétés) de la
situation sociale précise dans laquelle un discours est produit, et qui sont retenus et
considérés comme pertinents au moment même de la production et de la réception du
discours par le locuteur et son/ses interlocuteurs. En clair, à partir des multiples éléments
ou paramètres qui peuvent caractériser une situation sociale, le locuteur ou son
interlocuteur ne retient qu’un nombre limité d’entre eux et qu’il considère comme
important dans la production et à la compréhension. Cela veut donc dire qu’il s’agit ici
d’éléments de différents savoirs (sur le monde, la société, la culture, sur l’interlocuteur,
les comportements, etc.) qui ont été pris en compte par le locuteur dans son processus
d’encodage, et que l’interlocuteur se doit en retour de reconnaitre et d’intégrer dans son
processus de décodage afin d’aboutir à une certaine intercompréhension. Les éléments
ou propriétés du contexte incluent le cadre (le lieu, le temps…), l’événement ou l’activité
en cours, le locuteur et l’interlocuteur (y compris leurs personnalités, âges, intérêts,
genres, relations, rôles sociaux, savoirs, idéologies, croyances...), etc.
Ainsi donc, tout discours est produit, évolue, et n’a de sens que dans des conditions de
production, c’est-à-dire un contexte, bien déterminé. C’est dans ce sens que l’on dit du
discours qu’il est « contextualisé ». Toutefois, il est important de retenir ici que le
contexte est une construction, une représentation mentale (de celui/celle qui produit ou
interprète le discours) de la situation sociale en cours et de l’événement communicatif. Il
est donc individuel, subjectif et peut être relatif. Les éléments du contexte ont, à travers
l’intérêt que leur accordent le locuteur et l’interlocuteur, un impact sur la production et la
d’un élément (un son, un mot ou une suite de mots, etc.) dans un énoncé ou un texte. En d’autres termes, il
s’agit des éléments linguistiques qui précèdent ou qui suivent une unité linguistique. Par exemple, dans
l’énoncé « je mange du pain » l’élément « mange » a pour contexte « je » et « pain ». Ou encore, la lettre « c »
en Français se prononce [s] et s’écrit « ç » lorsque dans son contexte elle est suivie des lettres « a », « u » et «
o ».
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compréhension du discours. Des contextes différents peuvent par exemple être la cause
d’incompréhension, de polémique, ou de propos jugés inappropriés. En outre, la
construction du contexte, c’est-à-dire la contextualisation, est un processus dynamique.
C’est-à-dire que les éléments qui constituent le contexte peuvent évoluer et varier
continuellement en fonction du déroulement de l’événement communicatif. C’est parce
que le contexte se reconstruit continuellement tout au long de l’échange
communicationnel que l’on dit du discours qu’il est « orienté ».
Rappelons-nous que nous avons dit du langage humain qu’il permet la communication et
les interactions au sein de la vie sociale. L’acte de produire un énoncé est donc motivé par
une intention qui anime l’énonciateur. E. Morin (2008) parle de cette intention en termes
d’enjeu humain de la communication à savoir que les êtres humains communiquent pour
informer, s’informer, connaitre, se connaitre, expliquer, s’expliquer, comprendre, se
comprendre (Morin 2008 :21). Par conséquent, et d’un point de vue pragmatique, on peut
affirmer que l’énoncé a une fonction correspondant à une ou plusieurs des six fonctions
du langage humain déclinées par R. Jakobson (1963) que nous présentons de la manière
ci-dessous :
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Les six fonctions du langage humain selon R. Jakobson (1963)
Conative C’est l’effet (voulu ou non) produit par le message sur le récepteur, Récepteur
l’impression éprouvée par celui-ci (Pathos).
Phatique Établissement et maintien du contact entre les individus par le biais d’un canal Contact
Métalinguistique Centrée sur le code lui-même. Permet d’interroger le code lui-même et de Code
l’expliquer ou d’expliquer un autre code. La langue est le méta-discours de
tous les autres codes.
C’est ainsi que dans le domaine du Marketing par exemple, les fonctions expressive,
conative (ou cognitive) et poétique sont souvent dominantes à travers les énoncés. C’est
donc parce que l’énonciation a une visée communicationnelle que l’énoncé est considéré
comme l’unité élémentaire de la communication (D. Maingueneau 2012).
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Distinguons donc bien l’énonciation de l’énoncé en retenant que : l’énonciation c’est
l’acte de produire un énoncé ; l’énoncé est la séquence verbale qui découle de
l’énonciation. De ce fait, la personne qui pose l’acte d’énonciation, c’est-à-dire celui ou
celle qui produit un énoncé est appelé énonciateur et la personne à qui s’adresse
l’énonciateur (c’est-à-dire son interlocuteur) est appelée co-énonciateur. En outre,
notons qu’en tant que produit de l’énonciation, c’est-à-dire en tant que production
verbale effective résultant de l’usage de la langue dans un contexte particulier, l’énoncé
est constitutif du discours. Ce qui distingue le discours de l’énoncé c’est que le discours
est toujours associé à un « genre de discours » particulier (cf. le point 8).
II.4.2. Enoncé et phrase
Contrairement à l’énoncé, la phrase est une unité syntaxique dont on considère la
structure du point de vue d’un système grammatical donné. Dit autrement, la phrase est
une séquence verbale dont on considère les unités linguistiques qui la composent,
comment ces unités se combinent et sont liées entre elles dans la séquence, et comment
ces combinaisons et ces liaisons sont en accordance avec les règles grammaticales d’une
langue donnée. Par conséquent, en tant que séquence verbale formée d’unités
linguistiques combinées et liées entre elles selon des règles grammaticales, l’énoncé peut
se présenter (mais pas toujours) sous l’aspect d’une phrase. Tel est le cas par exemple
de :
- Je suis là
- Ici
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Considérons par exemple la séquence verbale en français ci-après:
Je suis Charlie6
D’un point de vue grammatical, cette séquence verbale est syntaxiquement acceptable et
peut contenir plusieurs sens. En effet, hors contexte il difficile par exemple de dire à qui
renvoie le « Je ». Il nous suffit en effet de penser à différentes situations qui pourraient
amener quelqu’un à prononcer cette phrase. Le fait de relever la nature grammaticale de
cette séquence verbale revient donc à la considérer comme une phrase. Mais l’on
pourrait aussi chercher à déterminer le sens exact de cette séquence verbale. Il s’agirait
donc ici de sortir du système grammatical de la langue en intégrant dans notre analyse les
conditions particulières de production (c’est-à-dire le temps, le lieu, les circonstances) de
cette séquence verbale à savoir qu’elle a été prononcée, inscrite sur des t-shirts ou des
murs, utilisée à travers les réseaux sociaux, etc., à la suite de l’attentat contre le journal
Charlie Hebdo. Ce contexte donne ainsi à cette phrase son sens et une valeur
pragmatique bien précis. Dès l’instant où nous intégrons une phrase dans son contexte
de production afin de déterminer son sens précis elle devient un énoncé. Telle que
structurée et utilisée dans son contexte précis, la phrase « Je suis Charlie » est un énoncé,
plus précisément un discours associé au genre de discours qu’on appelle « slogan ».
II.4.3. Texte et discours
En linguistique, l’usage de la notion de « texte » renvoie à des définitions variées selon
les domaines et les approches théoriques. C’est ainsi qu’une manière générale de définir
le texte consiste à l’appréhender du point de vue de sa fonction sociale ou de ses
caractéristiques structurelles. En linguistique textuelle par exemple, R. De Beaugrande et
W. Dressler (1980 :3) définissent le texte comme une occurrence communicationnelle (ou
une unité communicationnelle) qui doit obéir aux principes indépendants suivants (De
Beaugrande & Dressler 1980 :3-10) :
(1) Le principe de cohésion : la façon dont les mots (prononcés ou écrits) sont
mutuellement connectés selon des formes grammaticales et des conventions à
l’intérieure d’une séquence.
6
Du slogan « Je suis Charlie » créé en soutien aux victimes de l'attentat contre le journal Charlie Hebdo en
Janvier 2015 en France.
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(2) Le principe de cohérence : la façon dont les concepts et les liens entre les concepts
dans le texte sont mutuellement accessibles et pertinents.
(1) Sa structure générique : la forme du texte comme caractéristique d’un genre (ex :
un article de journal ou un poème).
En linguistique A. Culioli associe le texte à l’énoncé en ce sens que pour l’auteur, le texte
constitue la « matérialité formelle l’énoncé, en tant qu’agencement de marqueurs, et en
tant que constituant la donnée empirique première de toute analyse » (S. de Vogüé
1992 :88). C’est-à-dire ici que l’énoncé se matérialise à travers le texte (oral ou écrit).
Cette conception n’est pas bien loin de celle adoptée en Analyse du Discours. Dans ce
champ de recherche, le texte est défini en relation ou en opposition avec le discours. T.A.
Van Dijk (1997) par exemple utilise le terme « texte » comme une dimension ou une
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propriété du discours. De son point de vue, l’auteur considère deux modes d’usage de la
langue :
Pour D. Maingueneau (2012 :47), le texte (oral ou écrit) renvoie aux unités verbales
relevant d’un genre de discours. C’est cette conception du texte qui nous adoptons dans
le présent enseignement.
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- Entre l’énonciateur et le co-énonciateur (dont le marqueur en français est le
déictique pronom personnel de la 2ème personne TU/VOUS) il existe une relation de «
différence », d’altérité. En effet, ces deux pôles de l’énonciation sont à la fois solidaires et
opposés sur le même plan. Selon E. Benveniste (1970 :14) toute énonciation est, explicite
ou implicite, une allocution et de ce fait elle postule un allocutaire. Le terme co-
énonciateur indique simplement ici le partenaire de l’échange verbal. C’est ainsi dans une
situation de dialogue, l’énoncé pourrait contenir des marqueurs de tension impliquant un
rapport vivant et immédiat de l’énonciateur au co-énonciateur. Ces marqueurs de tension
peuvent être véhiculés par l’usage de l’impératif (ex : Sortez), les énoncés exclamatif (ex :
Silence !), les modaux (ex : vous devez me le dire), ou les actes de langage (ex : je vous
retire de ce dossier).
Retenons donc que la notion de « situation d’énonciation » ne doit pas laisser penser à
une sorte d’environnement physique ou social dans lequel l’acte d’énonciation est réalisé.
En d’autres termes, la situation d’énonciation ne renvoie pas à une situation empirique
(i.e. physique, géographique, spatial, social, culturel, politique, etc.) où se situent
l’énonciateur et le co-énonciateur et que l’on pourrait décrire. Il s’agit d’un système de
23
coordonnées ou d’indices linguistiques qui sont présent dans l’énoncé et qui permettent
de reconstituer le processus de constitution de l’énoncé.
Dans la situation abstraite d’énonciation, nous avons vu que les déictiques de personnes
JE/TU renvoient aux positions d’énonciateur/co-énonciateur. Mais la situation de locution
renvoie au rôle ou à la place dans l’échange verbal des partenaires de l’activité discursive.
De ce point de vue, comme l’indique D. Maingueneau (2004 :14) il existe une distinction
entre les trois positions de la situation d’énonciation et les trois places ou rôles de la
situation de locution. Les deux premières places sont celles des interlocuteurs, c’est-à-
dire le locuteur et l’allocutaire :
- à ces deux premières places il faut en ajouter une troisième, celle du délocuté qui
renvoie à ce dont parlent les interlocuteurs.
Généralement, les positions de la situation d’énonciation et les places ou rôles de la
situation de locution tendent normalement à s’harmoniser, c’est-à-dire à se correspondre
terme à terme. Mais ce n’est pas toujours le cas. Pensez à ce réceptionniste d’hôtel qui
s’adresse à un client en disant : « Monsieur a-t-il apprécié son séjour ? »
En AD, les activités verbales sont classées en types de discours selon trois critères à
savoir: la visée communicationnelle de l’énoncé (typologies communicationnelles), la
relation entre l’énoncé et la situation d’énonciation (typologies énonciatives), le domaine
d’activité sociale dans lequel l’activité est produite (typologies des genres de discours).
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que l’intention du locuteur a sur l’élaboration linguistique de l’énoncé. Selon
l’auteur, à une visée communicationnelle du discours correspond un « mode
d’organisation du discours » c’est-à-dire un principe d’organisation grammaticale
du discours qui correspond à la finalité donnée. P. Charaudeau identifie ainsi
quatre grands modes d’organisations grammaticales du discours correspondant à
quatre finalités communicatives du locuteur à savoir : l’énonciatif (énoncer), le
descriptif (décrire), le narratif (raconter), et l’argumentatif (argumenter).
- Les typologies énonciatives reposent sur des critères purement
linguistiques. Cette classification met en avant la relation entre l’énoncé et ses
conditions de production, c’est-à-dire sa situation d’énonciation dont les
principaux paramètres sont : l’énonciateur, le co-énonciateur, le moment où se
produit l’énonciation, et le lieu où se produit l’énonciation (cf. point 6). En clair, il
s’agit de considérer comment l’énoncé contient des unités ou des formes
linguistiques qui, tels des indices, renvoient à la situation d’énonciation. C’est sur
cette base qu’E. Benveniste distingue le « discours » (qui comporte des indices
linguistiques de la situation d’énonciation, « je », « ici », « aujourd’hui ») de
l’« histoire » ou du « récit » (qui ne comporte pas d’indices de la situation
d’énonciation). Outre les marques linguistiques de la situation d’énonciation, les
typologies énonciatives retiennent aussi les phénomènes linguistiques qui
traduisent des prises de position, c’est-à-dire renvoient à des valeurs positives ou
négatives, de l’énonciateur. Ces phénomènes de subjectivité qui renvoient à
l’attitude de l’énonciateur peuvent être des termes péjoratifs (ex : chialer,
énervant, soi-disant, etc.) ou mélioratifs (ex : très, drôle, beau, etc.).
- Les typologies des genres de discours retiennent comme critère de
classification le secteur d’activité sociale dans lequel se produit l’activité verbale.
Tout repose donc ici sur la situation de communication (cf. point 9). Pour
comprendre ce principe de classification, appuyons-nous sur l’assertion de M.
Bakhtine (1984 :266) selon laquelle : « les domaines de l’activité humaine, aussi
variés soient-ils, se rattachent toujours à l’utilisation du langage ». C’est dans ce
sens que nous avons le « discours politique », le « discours administratif », le
« discours médiatique », etc. qui sont de ce fait des types de discours. Cela dit, et
toujours dans le sens de l’assertion de M. Bakhtine, le lieu institutionnel (c’est-à-
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dire l’institution où se pratique une activité sociale) peut aussi servir de critère de
classification. C’est dans cette optique que nous avons le « discours de l’hôpital »,
le « discours de l’église », etc. En outre, dans cette même typologie certains
analystes peuvent plutôt choisir de considérer comme critère de classification le
statut des partenaires de l’activité discursive (âge, relations sociales et culturelles,
rapports hiérarchiques, etc.). Dans ce cas, les types de discours incluent le
« discours des anciens », le « discours des jeunes » le « discours des femmes », etc.
Enfin le dernier critère de classification qui peut être retenu dans cette typologie
est le positionnement de nature idéologique. Ce qui aboutit à des types de
discours tels que le « discours féministe », le « discours communiste », le « discours
panafricaniste », etc.
« L’énoncé reflète les conditions spécifiques et les finalités de chacun de ces domaines
[d’activité sociale], non seulement par son contenu (thématique) et son style de
langue, autrement dit par la sélection opérée dans les moyens de la langue –moyens
lexicaux, phraséologiques et grammaticaux –mais aussi et surtout par sa
construction compositionnelle ».
Cette assertion implique, d’une part, qu’à chaque domaine d’activité sociale
correspondent des pratiques verbales. Par conséquent, et d’autre part, la situation de
communication (relative à un domaine d’activité, un lieu institutionnel, le statut des
partenaires de l’activité verbale, ou le positionnement idéologique) impose des
contraintes, des normes communicatives qui déterminent la production linguistique (en
termes de qualité linguistique de l’activité verbale) et l’interprétation de l’énoncé. En
d’autres termes, les contraintes liées à la situation de communication dans un domaine
d’activité imposent à l’énonciateur des contraintes linguistiques. Les activités verbales
soumises aux contraintes des situations de communication appartiennent à plusieurs
catégories que D. Maingueneau (2012) appelle genres de discours. Par exemple, la
« consultation médicale » constitue un genre de discours, tout comme le « débat
télévisé » en est un. Dans sa révision de la schématisation de la communication verbale
de R. Jakobson (ci-dessous), C. Kerbrat-Orecchioni (1980) tient compte des contraintes
26
liées au genre de discours dans le processus de production (encodage) et d’interprétation
(décodage) du message. L’auteur intègre ces contraintes dans ce qu’elle appelle « les
contraintes de l’univers du discours ».
Tous ces paramètres représentent les conditions de réussite des genres de discours. Ce
qui veut dire que le genre de discours a une dimension pragmatique. En outres, selon (D.
Maingueneau 2012), un genre de discours renvoie à :
27
- un contrat : les partenaires de l’activité discursive acceptent de conformer à un
certain nombre de règles mutuellement connues,
- un rôle: les partenaires de l’activité discursive se comportent selon un statut social
bien déterminé,
- un jeu : avec des règles auquel les partenaires de l’activité discursive acceptent de
participer.
Retenons donc que dans la typologie des genres de discours, les types de discours sont
associés aux domaines des activités sociales. Mais les types de discours sont hétérogènes,
en ce sens qu’un type de discours peut aussi contenir un autre type (par exemple le
discours médiatique est constitué du discours de la presse écrite). A l’intérieur des types
de discours sont regroupées différentes catégories de genres de discours. En clair, tout
type de discours est constitué de nombreux genres de discours et par conséquent tout
genre de discours correspond à un type de discours. C’est parce que le discours est une
production verbale associée à un genre de discours qu’on dit du discours qu’il est une
organisation au-delà de la phrase.
2. « Qui communique avec qui ? » La réponse ici détermine l'identité des partenaires de
l'échange (âge, sexe, statut professionnel, traits psychologiques, etc.
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3. On est là pour communiquer « à propos de quoi ? » La réponse définit le propos, le
thème, qui fait l'objet de l'échange entre les deux partenaires.
Comme on le remarque, la situation de communication telle que présentée ici est similaire
à ce que nous avons dit du contexte dans le point 4 de notre cours. Toutefois, P.
Charaudeau (2015) insiste sur le fait, qu’en dehors des contraintes psychosociales qu’elle
impose dans l’interprétation des énoncés, la situation de communication impose aussi
des contraintes dans la mise en scène du discours. Il s’agit par exemple des :
Tout discours (ou texte) associé à un genre de discours intervient toujours dans une
situation de communication bien spécifique.
V. La scène d’énonciation
La scène d’énonciation est une notion issue des travaux de D. Maingueneau (2012 :77).
Contrairement à la situation de communication qui est externe, il s’agit ici de la situation
interne au discours. Elle amène de ce fait à aborder les productions verbales sous l’angle
d’une étude de texte afin de faire de ressortir comment l’usage des signes linguistiques
dans le texte correspondent à une sorte de mise en scène. L’auteur distingue ainsi trois
scènes complémentaires :
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- La scène englobante : elle correspond au type de discours auquel renvoie l’usage
des signes linguistiques
- La scène générique : elle correspond au genre de discours associée au type de
discours
- La scénographie : c’est la scène à laquelle renvoient les signes linguistiques
VI. L’Intertextualité
- L’intertextualité interne renvoie à des relations entre textes de même type, c’est-
à-dire issus d’un même champ discursif. Par exemple entre deux textes issus du
discours politique.
- L’intertextualité externe renvoie quant à elle à des relations entre des textes
n’appartenant pas au même champ discursif. Par exemple entre un texte
appartenant au discours politique, et un autre texte appartenant au discours
scientifique.
VII. L’Interdiscursivité
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VIII. Le Dialogisme du discours
« Toute énonciation, même sous forme écrite figée, est une réponse à quelque
chose et est construite comme telle. Elle n’est qu’un maillon de la chaîne des actes
de parole. Toute inscription prolonge celle qui l’ont précédée, engage une
polémique avec elles, s’attend à des réactions actives de compréhension, anticipe
sur celles-ci, etc. » (M. Bakhtine (1977 :106).
Ce principe de dialogisme se retrouve aussi chez E. Benveniste (1970 :14) lorsqu’il affirme
que toute énonciation est, explicite ou implicite, une allocution et de ce fait elle postule
un allocutaire. Dans sa théorisation de l’énonciation J. Authier (1984) porte son attention
sur les formes du discours rapporté et parle de dialogisme de l’énoncé en termes
d’hétérogénéité montrée qui se manifeste à travers des formes linguistiques (discours
direct, italiques, guillemets, modalisation autonymique) ou autres procédés linguistiques
(discours indirect libre, ironie, détournement, allusion).
Cette notion est associée à celle de dialogisme tous deux inspirées de M. Bakhtine. La
polyphonie renvoie à la pluralité de voix dans l’énoncé et le texte. En d’autres termes,
l’énoncé (et par conséquent le texte) laisse entendre plusieurs voix. En fait chez M.
Bakhtine, le principe de pluralité de voix dans l’énoncé et le texte découle du principe
dialogique de l’énoncé. Cependant dans les théories de l’énonciation, certains auteurs
tels que (O. Ducrot 1989) utilisent le terme « polyphonie » au lieu « dialogisme » (J. Bres &
L. Rosier 2008). Dans son approche, O. Ducrot rejette le postulat de l’unicité du sujet
parlant qui soutient que : pour un énoncé, il y a un unique sujet parlant, qui est à la fois le
responsable des activités psycho-physiologiques qui permettent la production de
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l’énoncé, et le responsable des positions exprimées par l’énoncé, la source des
prédications qui y sont faits. Pour O. Ducrot (1984), l’énonciation est une mise en scène
de différents points de vue. Il distingue de ce fait le sujet parlant (être empirique,
l’individu qui énonce l’énoncé), du locuteur (être de discours, l’individu qui prend la parole
et donc à qui est imputée la responsabilité de l’énoncé), et de l’énonciateur. Il est
important de comprendre ici, par exemple, qu’il est tout à fait possible que le locuteur ne
soit pas l’auteur empirique de l’énoncé en question. Tout comme il est possible que le
locuteur ne soit pas l’auteur du message. Ces distinctions sont utiles dans l’analyse du
discours rapporté.
La théorie des actes de langage trouve ses origines dans les travaux de J.L. Austin (1962)
et sera développée notamment par J.R. Searle (1969). La théorie met en avant le fait
selon lequel les énoncés ne servent pas seulement à dire des choses mais aussi à poser
des actes. Il s’agit de la valeur pragmatique de l’énoncé. Ces actes que l’on pose à travers
l’usage du langage sont appelés actes de langage. Par exemple, l’acte de promettre
quelque chose ne peut se réaliser qu’à travers la production d’un énoncé contenant ou
ayant le sens du verbe « promettre » (ex : je vous promets d’y réfléchir »). Selon J.L Austin
(1962) l’acte de langage comporte trois dimensions qui s’actualisent de manière
simultanée à savoir : la locution, l’illocution, la perlocution.
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- La perlocution : renvoie aux actions ou aux effets qui découlent d’un acte
illocutoire. Par exemple une assertion (ex : il est tard) peut être destinée à gêner
son interlocuteur et à modifier son comportement (ex : s’excuser ou s’en aller).
L’acte ainsi posé est un acte perlocutoire.
Comme le montre notre exemple (« Avez-vous du pain ? ») il existe des actes de langage
indirects dont la force illocutoire est à reconnaitre à partir du contexte. De ce point de
vue, J.L Austin (1962) insiste sur le fait que l’effectivité d’un acte de langage repose sur un
certain nombre de conditions et de règles sociales et conventionnelles qui garantissent sa
réussite. On appelle ces conditions les conditions de félicité. Par exemple dans « Je vous
condamne à 2 mois de prison ferme » l’acte illocutoire de cet énoncé ne peut être réussi
que si l’énonciateur a la légitimité de condamner quelqu’un.
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Bibliographie succincte du cours
BOURDIEU P., 1982, Ce que parler veut dire : L’économie des échanges linguistiques, Paris,
Fayard.
CUTTING J., 2008, Pagmatics and Discourse : A resource book for students, London,
Routledge.
De BEAUGRANDE R., «The Story of Discourse Analysis», in VAN DIJK T.A. (éd.), 1997,
Discourse as Structure and Process. A Multidisciplinary Introduction,
(Vol.1), London, Sage Production, p.35-62.
Armand Colin.
MAINGUENEAU D., 2016, Les Termes clés de l’analyse du discours, Paris, Le Seuil, coll.
Sciences Humaines.
MAINGUENEAU D., 2012, Analyser les textes de communication, Paris, Armand Colin.
SCHIFFRIN D., TANNEN D., HAMILTON H.E. (éd.), 2001, The Handbook of Discourse
Analysis, Oxford, Blackwell Publishers.
VAN DIJK T.A. (éd.), 1997, Discourse as Structure and Process. A Multidisciplinary
Introduction, (Vol.1), London, Sage Production.
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