Analyse Du Discours-Fascicule l1&l2.23!24!1

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FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

DEPARTEMENT DES SCIENCES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (DSIC)


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Introduction à l’Analyse de Discours

Fascicule de cours

Niveaux d’études : Licence 1 et 2

Année Universitaire : 2023-2024


Chargé du cours : Ndenguino-Mpira Hermanno, PhD.
Tel/WhatsApp : 077.58.12.10
Table des Matières
Descriptif du cours ................................................................................................................................. 3
Objectifs et résultats visés par le cours ............................................................................................... 3
En termes de connaissance ............................................................................................................... 3
En termes de savoir-faire .................................................................................................................. 4
Méthode d’enseignement ..................................................................................................................... 4
Mode d’évaluation ................................................................................................................................. 4
I. Langage, Langue et Communication : Comprendre la communication humaine ..................... 4
I.1. Le langage humain ....................................................................................................................... 4
I.2. Langage et langue ........................................................................................................................ 5
I.3. Langage, langue et parole ........................................................................................................... 6
I.4. Le signe linguistique (ou signe verbal) ...................................................................................... 6
I.5. Le signe non-linguistique (ou signe non-verbal) ....................................................................... 7
I.6. La double articulation du langage humain ................................................................................ 8
I.7. Langage, langue et communication ........................................................................................... 9
II. Langage, langue et discours........................................................................................................ 12
II.1. Comprendre la notion de discours .......................................................................................... 12
II.2. Qu’est-ce que l’analyse du discours ? ...................................................................................... 14
II.3. La notion de contexte ............................................................................................................... 15
II.4. Discours, énoncé, phrase et texte ........................................................................................... 17
II.4.1. Enonciation et énoncé ........................................................................................................... 17
II.4.2. Enoncé et phrase .................................................................................................................... 19
II.4.3. Texte et discours..................................................................................................................... 20
II.5. La situation d’énonciation ....................................................................................................... 22
II.6. La situation de locution ............................................................................................................ 24
III. Typologie et genres de discours ............................................................................................. 24
IV. La situation de communication............................................................................................... 28
V. La scène d’énonciation ................................................................................................................ 29
VI. L’Intertextualité ....................................................................................................................... 30
VII. L’Interdiscursivité .................................................................................................................... 30
VIII. Le Dialogisme du discours ....................................................................................................... 31
IX. La polyphonie dans le discours ............................................................................................... 31
X. Les actes de langage .................................................................................................................... 32
Bibliographie succincte du cours ........................................................................................................ 34

1
2
Descriptif du cours

En situation de communication, nos productions langagières sont motivées par des


enjeux d’ordre communicationnel et/ou social. De ce point de vue, l’Analyse de Discours
s’intéresse essentiellement à l’usage du langage verbal à ces fins dans des contextes
variés. S’adressant à un public novice dans le domaine, il s’agira à travers ce cours
d’introduire dans un premier temps les étudiants à la notion de discours à travers
différentes approches conceptuelles et théoriques tirées de plusieurs disciplines. Puis,
dans un second temps, de les initier aux méthodes d’Analyse de Discours rattachées aux
principales et aux plus courantes approches théoriques en Analyse de Discours.

Ce cours à la fois théorique et pratique, permettra d’examiner ce que l’étude du discours


révèle au sujet de la nature du langage, les interactions sociales, les relations de pouvoir
et la construction du sens. Les concepts et théories dans la discipline permettront ainsi de
pourvoir l’étudiant de principes théoriques et de méthodes d’analyse nécessaires à
l’étude de divers discours tels que les déclarations politiques, les interviews, les
conversations, les textes médiatiques, etc.

Objectifs et résultats visés par le cours


Les objectifs principaux visés par le cours sont :

 D’introduire la notion de discours dans le processus de communication

 De présenter à l’étudiant l’Analyse de Discours comme discipline, domaine de


recherche, et méthode d’analyse pour l’étude des textes médiatiques, politiques,
institutionnels, etc.

 D’introduire les étudiants à des applications pratiques des techniques d’analyse


de discours sur des énoncés réels produit dans la vie quotidienne.

En termes de connaissance
Au sortir du cours, l’étudiant devrait :

 Avoir saisi la notion de discours dans ses nombreuses conceptions et différents


genres

 Avoir intégré des bases théoriques et conceptuelles en Analyse de Discours

3
 Avoir compris l’importance du contexte dans l’analyse des textes et autres
énoncés écrits ou oraux.

En termes de savoir-faire
Au sortir du cours l’étudiant devrait, entre autres :

 Avoir développé des aptitudes à identifier un discours selon le genre

 A tenir compte du contexte dans la compréhension des productions verbales


écrites ou orales

 Pouvoir recourir aux concepts et théories en Analyse de Discours dans


l’exploration des textes et autres énoncés produits dans la vie courante.

Méthode d’enseignement
Approche mixte reposant sur :
- Le cours magistral
- Des lectures préalables
- Des discussions
- Des exercices.

Mode d’évaluation
- Écrit (devoirs sur table)

I. Langage, Langue et Communication : Comprendre la communication


humaine

I.1. Le langage humain


Comprendre les mécanismes de la communication entre les êtres humains amène à
s’intéresser dans un premier temps à la notion de langage. Mais qu’est-ce que le langage
humain ?
(a) Le langage humain est avant tout une faculté, un habilité biologique. En
effet, c’est cette propriété essentielle que mettent en avant les sciences du langage qui le
définissent comme la capacité des êtres humains de communiquer entre eux au moyen
de signes1. C’est parce qu’il permet de communiquer que l’on dit ainsi du langage qu’il a
une fonction communicative.

1
La notion de Signe est expliquée dans la section 1.4

4
(b) Le langage peut être aussi considéré comme une activité d’individus qui se
situent dans des contextes précis (D. Maingueneau 1996 :28). C’est dans ce sens que l’on
parlera d’activité verbale (à travers l’usage de la parole ou de l’écriture) ou non verbale (à
travers les gestes, les expressions faciales, les symboles, etc.)

I.2. Langage et langue


Il est important de distinguer le langage humain de la langue. De ce fait, commençons par
noter que les nombreuses approches théoriques en Sciences du Langage mettent en
évidence le fait que l’on peut considérer la langue sous plusieurs aspects (ou apparences).
Ce sont ces différents aspects qui rendent complexe la définition de la langue.
Cependant, dans le cadre de notre cours nous allons définir la langue en la considérant
sous trois aspects à savoir : un système de signes, un produit social, un instrument de
communication.
(a) Tout d’abord, la langue est un système abstrait et mental dont les éléments
qui le composent (les sons, les mots, etc.) sont reliés et se combinent entre eux selon un
ensemble de règles, de principes, et de contraintes. On appelle cet ensemble de règles,
de principes, et de contraintes de relation le système grammatical d’une langue.
(b) Mais la langue est aussi un produit social, en ce sens qu’elle ne s’acquiert et
ne se parle qu’au sein d’une communauté d’individus vivant en société. La langue
n’appartient donc pas à un seul individu mais plutôt à un groupe social. On appelle ainsi
communauté linguistique, le groupe social ou l’ensemble des personnes qui parlent une
même langue. Il faut donc comprendre ici que l’existence d’une langue –c’est-à-dire son
état (son usage et la façon dont elle est utilisée), son rôle ou son statut, son évolution, et
son avenir) –est déterminée par son usage collective dans la société.
(c) Nous avons défini dans la section précédente le langage humain comme
une faculté, c’est-à-dire la capacité des êtres humains de communiquer entre eux au
moyen de signes. La langue est un aspect (ou apparence), et donc une composante du
langage humain.
C’est donc à travers l’usage d’une langue donnée (entre autres) que les membres d’une
communauté linguistique arrivent à communiquer entre eux. C’est parce qu’elle permet
ainsi aux membres de la communauté sociale de communiquer entre eux et de se
comprendre que la Linguistique moderne définit la langue comme un système de signes

5
(vocaux ou transcrits graphiquement) constituant un instrument de communication
spécifique aux êtres humains. Retenons donc que si le langage est la faculté de
communiquer, la langue est quant à elle un moyen ou un instrument à travers lequel cette
faculté s’exprime.

I.3. Langage, langue et parole


Comprendre la notion de parole revient à considérer ses différents aspects : un médium,
un acte, une série de sons formant un ou plusieurs énoncés.
(a) Tout comme la langue, la parole est avant tout une composante du langage
humain. En fait, elle sert de médium (c’est-à-dire de support) à la langue. En effet, la
langue étant abstraite, elle se matérialise à travers les sons de la parole (ou à travers les
formes graphiques de l’écriture qui elle est une extension de la parole)2. Plus
précisément, c’est dans les sons de la parole que l’information linguistique est encodée.
C’est dans ce sens que la Linguistique moderne considère la parole comme la réalisation,
l’actualisation, ou la manifestation concrète de la langue. L’usage de la langue à travers la
parole (ou l’écriture) constitue ainsi le langage verbal, et ce qui est prononcé (à travers la
parole) ou écrit (à travers l’écriture) constitue une production verbale.
(b) La parole peut aussi renvoyer aux sonorités vocales effectivement émises
par un locuteur. C’est dans ce sens que nous avons, des expressions telles que :
- Prise de parole
- Temps de parole
(c) La parole peut aussi se rapporter à tout comportement linguistique de
celui/celle qui parle. C’est ainsi par exemple qu’en prononçant la phrase « fermez la
porte », son auteur exprime un ordre (celui de fermer la porte) à l’endroit de son
interlocuteur. L’ordre ici, constitue un acte de parole ou de langage.

I.4. Le signe linguistique (ou signe verbal)


A partir des Sciences du Langage, nous avons défini la langue par le signe, c’est-à-dire
comme un « système de signes ». Cela dit, qu’est-ce qu’un signe linguistique ? Selon F. de
Saussure (1964), un signe linguistique est un élément constitutif de la langue et composé

2
Il faut toutefois noter qu’en dehors de la parole, le langage des signes constitue un autre médium de la
langue.

6
de deux aspects (ou formes) psychiques et indissociables à savoir: un signifiant et un
signifié.
- Le signifiant (Sa)est l’aspect matériel, lié à la forme du signe. Il s’agit précisément
de la représentation mentale d’une suite de sons ou de lettres. Exemple : f-r-è-r-e
- Le signifié (Sé) est l’aspect conceptuel, lié au sens du signe. Il s’agit de la
représentation mentale d’une idée ou d’une chose. Exemple de ce qui nous vient à
l’esprit lorsque nous lisons la suite f-r-è-r-e
C’est le rapprochement ou l’association de ces deux aspects, c’est-à-dire le signifiant et le
signifié, qui constitue le signe linguistique. C’est ainsi par exemple qu’à la suite de sons ou
de lettres se rapportant au mot « frère », nous associons le sens ou l’idée d’une personne
particulière de sexe mâle (considérée comme) née de même père et/ou de même mère,
ou membre d’une même communauté religieuse, etc. Cela dit, le signifié de « frère » peut
être associé à un signifiant différent. Il vous suffit de penser au signifiant de « frère » dans
votre langue maternelle. C’est parce que les signifiants diffèrent selon les langues, qu’on
dit du signe linguistique qu’il est arbitraire.
A travers donc le signe linguistique, la langue constitue une sorte de code dans lequel les
sons sont associés à des significations (encodage), et des significations sont associées à
des sons (décodage). De ce fait, afin de communiquer entre eux et de se comprendre, les
membres d’une même communauté linguistique doivent partager entre eux et
reproduire les mêmes signifiants auxquels ils associent les mêmes signifiés.

I.5. Le signe non-linguistique (ou signe non-verbal)


Il est important de mentionner qu’en dehors des signes linguistiques, les êtres humains

communiquent aussi à travers l’usage d’un vaste répertoire de signes variés qui servent à

véhiculer (volontairement ou non) leurs pensées, émotions, idées ou des informations. Il

s’agit de signes non verbaux tels que les gestes, attitudes, expressions faciales, symboles,

images, couleurs, etc.

L’étude des signes est l’objet de la discipline qu’on appelle Sémiotique. C’est ainsi que

selon C.S Peirce (A. Atkin 2010), et à la différence de l’approche dyadique

7
signifiant/signifié, la signification du signe (ou « semiosis ») résulte d’une relation

triadique, c’est-à-dire de l’association entre trois éléments qui le composent, à savoir :

- Le representamen ou signe : c’est dans une certaine mesure le signifiant. Il s’agit

de l’aspect physique du signe. Ex : la libération dans les airs d’une colombe

blanche

- L’objet ou référant (réel ou imaginaire, conceptuel ou matériel): c’est

l’actualisation de ce que le signe représente, ou ce pour quoi le signe est utilisé.

Ex : la poignée de main ou la signature effective d’un accord de paix entre des

parties en conflit.

- L’interprétant ou sens (mental): pourrait s’apparenter au signifié. Il s’agit du sens

attribué au signe par celui/celle qui l’interprète. Ex : « à travers la libération de

cette colombe blanche nous nous engageant à promouvoir la paix entre nous ».

A partir de la relation entre le representamen et l’objet, C.S Peirce distingue trois

types de signes :

- L’icône : relation de similarité. Ex : les émoticons

- Le symbole : relation par convention. Ex : vert, jaune et bleu sont les symboles de

République Gabonaise

- L’indice : relation de cause ou de contigüité. Ex : la fumée est causée par le feu

I.6. La double articulation du langage humain


Selon le linguiste A. Martinet (1968), la double articulation est un trait qui distingue le
langage humain des systèmes de communication d’autres êtres vivants. Plus
précisément, il s’agit d’une propriété de la langue selon laquelle tout énoncé est
linguistiquement constitué sur deux niveaux. Considérons l’énoncé suivant :

Vous me regardez

8
1. On peut découper cet énoncé sur la chaîne parlée en signes linguistiques, c’est-à-
dire en unités de sens dotée chacune d’un signifiant (Sa) et d’un signifié (Sé) :

| vous | + | me | + | regard- | + | -ez |

Les quatre unités dégagées ici sont appelées des morphèmes ou des monèmes et sont les
plus petites unités linguistiques de sens. Ces unités de sens appartiennent à la première
articulation du langage. Elles existent en nombre illimité dans la langue (pensez
simplement aux nombreux énoncés que vous pouvez construire avec chacun de ces
morphèmes).

2. Cela dit, chacun de ces morphèmes peut aussi être découpé en unités plus petites :

/ V/+ / o / + / u / + / s / / m / + / e / / r / + / e / + / g / a / + / r / + / d / + / e / + / z /

Les quatorze unités dégagées ici sont appelées des phonèmes. Il s’agit des plus petites
unités phoniques dépourvues de sens, mais dont la fonction sert à distinguer les
morphèmes. Par exemple, le phonème / m / dans le morphème | me | permet de
distinguer | me | d’un | le | (Ex : Vous le regardez) ou d’un | ne | (Ex : Vous ne regardez). Les
phonèmes appartiennent aux unités de la seconde articulation du langage. Ils sont en
nombre limité dans la langue mais se combinent entre eux pour former des morphèmes.

Ainsi donc la double articulation du langage humain est une propriété des langues du
monde qui permet d’analyser les énoncés sur deux niveaux distincts de combinaison
d’unités linguistiques.

I.7. Langage, langue et communication


Au-delà de ces nombreuses définitions, il est tout de même important de noter que la

notion de communication renvoie à un processus complexe qui fait intervenir de

nombreux éléments divers. Ces éléments déterminent3 la réalisation et la réussite d’un

événement communicationnel. Ce processus peut être illustré à partir du schéma de la

communication proposé par R. Jakobson (1963) ci-dessous4.

3
La considération ou la valeur accordée à un ou plusieurs de ces éléments dans la réalisation du processus
varie selon les auteurs et les approches théoriques.
4
Source : https://www.pinterest.com/pin/577094139723450216/

9
Les éléments constitutifs du processus de communication englobent ainsi:

- Un ou plusieurs émetteurs qui envoient ou encodent un message. Dans son

action, l’émetteur est motivé par un/des objectif(s) de communication précis

- Un message qui consiste en une information encodée à travers des signes

linguistiques et/ou non verbaux.

- Un code qui renvoie à un système de signes langagiers, par exemple la langue,

dans lequel des signifiants correspondent à des signifiés. Dans le cas de l’usage de

la langue, c’est à ce niveau que la double articulation du langage humain se

manifeste à travers l’encodage et le décodage. L’encodage consiste à sélectionner

et à combiner des phonèmes en morphèmes, afin de faire correspondre des

signifiants à des signifiés, puis de combiner les morphèmes afin de former des

unités ou des énoncés plus grands. L’information est ainsi contenue dans la

combinaison de différentes unités linguistiques. L’encodage renvoie donc à la

10
langue en usage. Le décodage consistera donc à retrouver l’information exacte

contenue dans la combinaison des unités linguistiques reçues.

- Un canal qui permet le transfert du message vers un destinataire

- Un ou plusieurs récepteurs ou destinataires qui est l’autre individu à qui le

message est destiné et qui effectue le décodage du message.

Cela dit, le processus de communication n’est pas linéaire, c’est-à-dire qu’il ne se déroule

pas dans un seul sens de l’émetteur au destinataire. Il s’agit en effet d’un processus

circulaire car les individus en situation de communication interagissent. Cette circularité

du processus fait de ce fait intervenir d’autres éléments du processus tels que :

- l’éventuelle réponse du destinataire (le destinataire deviendrait ainsi à son tour un

émetteur) résultant du sens attribué au message suite à son décodage

- ou encore le feedback, qui correspond à tout élément provenant du destinataire

et qui permet à l’émetteur de déterminer si le sens accordé au message après le

décodage correspond au sens de l’encodage.

Il existe des éléments importants qui interviennent dans le déroulement du processus de

communication car ils déterminent la qualité et le dénouement de l’événement

communicationnel. Il s’agit de :

- l’environnement physique et contextuel dans lequel les acteurs de l’événement

communicationnel se trouvent. Cela pourrait correspondre à un lieu (une salle de

cours, un restaurent, un commissariat de police), un contexte social ou culturel

particulier (une consultation médicale, un entretien d’embauche, un anniversaire

entre amis)

- le bruit qui correspond aux différents éléments responsables d’interférence,

distraction ou de perturbation de l’encodage ou du décodage, c’est-à-dire au bon

11
déroulement de l’événement communicationnel. Le bruit peut être d’ordre

physique (le son strident d’un klaxon durant une conversation téléphonique),

psychologique (le stress durant un exposé de classe), physiologique (la douleur

durant un interrogatoire musclé), ou sémantique (l’incompétence dans la langue,

le jargon utilisé, ou la non maîtrise des normes culturelles d’usage du langage).

Au regard de tous ces éléments, nous retenons surtout que la communication est un

processus, une activité sociale et un échange langagier mettant en relation des individus

motivés par des enjeux communicationnels (ex : informer, expliquer, se connaitre, etc.) et

sociaux (ex : pouvoir, liberté, justice, etc.) et qui, grâce au langage humain, s’échangent

de manière consciente ou inconsciente des idées ou des pensées.

En ce qui concerne le langage humain, nous avons dit qu’il recouvrait deux propriétés à
savoir le langage verbal (l’usage de la langue à travers la parole ou l’écrit), et le langage
non verbal (l’usage des gestes, expressions faciales, symboles, etc.). De ce point de vue il
existe deux types de communication entre les êtres humains à savoir :
- la communication verbale qui renvoie à l’usage de la langue, et donc des signes
linguistiques, en situation de communication,
- et la communication non-verbale qui renvoie à l’usage des signes non-verbaux.

Le présent cours est centré sur l’usage de la langue en situation de communication.

II. Langage, langue et discours

II.1. Comprendre la notion de discours


Il existe de nombreuses définitions du concept de discours. Ses usages varient selon les
nombreuses disciplines scientifiques et approches théoriques qui s’y intéressent (ex : la
linguistique, la rhétorique, les sciences de la communication, la psychologie, la sociologie,
la philosophie, la didactique, etc.) Pour des questions d’espace, nous n’allons pas nous
adonner à faire ici l’inventaire ou à discuter les nombreuses définitions que proposent ces
différentes disciplines.

12
Cela dit, il est important de rappeler que l’orientation théorique adoptée dans le présent
enseignement met en avant la dimension fonctionnelle du langage humain qui est celle
de permettre la communication et les interactions au sein de la vie sociale. De ce point de
vue, l’usage du langage est perçu comme une activité d’individus qui se situent dans des
contextes bien particuliers (D. Maingueneau 1996 :28).
Concevoir le langage comme une activité, nous amène donc à considérer le discours
comme la langue en usage dans un contexte particulier. En effet, à travers le médium de
la parole ou de l’écriture, le discours renvoie ainsi à une activité verbale orale ou écrite en
général. Dans ce sens large, il s’emploie au singulier, comme dans le terme « Analyse du
Discours » ou le « discours populiste » (ce dernier exemple illustre un cas ou le terme
renvoie à un usage de la langue associé à une position idéologique, philosophique, ou
sociale). Dans le cas où le discours renvoie tout simplement à une ou des productions
verbales, le terme peut s’employer au pluriel, comme dans « les gens aiment les discours ».
Si dans un sens large le discours renvoie à l’usage de la langue dans un contexte
particulier, il faut dire que ce sens englobe aussi d’autres acceptions beaucoup plus
précises. En effet tel que l’indique D. Maingueneau (2012 :41-45) dans la liste ci-dessous,
les différents sens précis que l’on peut attribuer au discours et que l’on retrouve d’ailleurs
dans d’autres approches théoriques incluent :

(1) – le discours est une organisation au-delà de la phrase

(2) – Le discours est orienté

(3) – le discours est une forme d’action

(4) – Le discours est interactif

(5) – Le discours est contextualisé

(6) – Le discours est pris en charge par un sujet

(7) – Le discours est régis par des normes

(8) – Le discours est pris dans un interdiscours.

Ces différentes conceptions du discours seront expliquées tout au long de cet


enseignement.

13
Dans le cadre de ce cours, et au regard de tout ce qui précède, nous retiendrons
particulièrement et à la suite de T.A Van Dijk (1997) et de M.A Paveau (2011) la définition
de la notion de « discours » suivante :

Le discours est une forme d’usage de la langue (qui consiste en des productions
verbales orales ou écrites) qui apparait dans un événement communicationnel et
dans un environnement particulier dont les paramètres sont des éléments à la fois
humains et non-humains, explicites, implicites et tacites.

II.2. Qu’est-ce que l’analyse du discours ?


Comme dans le cas du « discours », l’usage du terme « analyse du discours » varie selon les
diverses disciplines des sciences humaines qui s’intéressent à l’étude du discours, et aussi
selon les approches théoriques ou méthodologiques.

Rappelons tout d’abord que notre manière de concevoir le langage humain est basée sur
sa fonction qui est de permettre la communication et les interactions au sein de la
société. C’est dans cette perspective que nous concevons le discours comme la langue en
usage, c’est-à-dire comme une activité verbale (orale ou écrite) d’un individu ou entre
individus en interaction dans un contexte social bien particulier. Par conséquent, nous
adopterons la définition selon laquelle, l’Analyse du Discours (AD) est la discipline
scientifique (née à la fin des années 1960) qui étudie l’usage réelle de la langue par un ou
des locuteurs en situation de communication dans un contexte social bien déterminé. En
d’autres termes, l’AD étudie le discours en tenant compte de sa relation ou de son
rapport avec la situation sociale précise dans lequel il est produit. C’est donc la corrélation
entre le discours et ses conditions sociales de production (y compris culturelles,
économiques, politiques, historiques, idéologiques, psychologiques, etc.) qui intéresse
l’AD. Comme le stipule si bien A.W. He (2017 :445), il s’agit donc pour l’AD de décrire les
éléments linguistiques contenus dans le discours, ou les caractéristiques du discours, en
se posant deux types de questions, à savoir :

- Pourquoi, dans une situation sociale bien précise, certains éléments ou formes
linguistiques sont utilisés et pas d’autres ?

- Quels sont les ressources linguistiques à travers lesquels les locuteurs construisent
ou reconstruisent leur vie, c’est-à-dire leur identité, rôle social, activité,

14
communauté, savoir, idéologie, leurs relations, émotions, sentiments, croyances,
etc. ?

L’importance accordée à la relation qui existe entre discours et ses conditions de


production est donc un principe fondamental en AD. Toutefois, comme nous l’avons déjà
indiqué, Il existe de nombreuses définitions du concept de discours qui varient selon les
disciplines et les approches théoriques. En outre, étant donné les diverses propriétés du
discours – à savoir sa nature orale ou écrite, ainsi que ses différentes unités linguistiques
et structures à des niveaux distincts (lexical, syntaxique, sémantiques, etc.) – les
recherches en AD tendent à se concentrer sur un ou plusieurs de ces aspects du discours,
ou encore à un certain type ou genre de discours. Il est donc important de mentionner ici
qu’il n’existe pas une seule, mais plusieurs façons d’analyser un discours. Toute étude en
AD correspond ainsi à un type ou à un genre particulier d’analyse dont la nature est
déterminée par la discipline, l’intérêt, ou l’approche théorique et méthodologique de
l’analyste.

Par ailleurs, pour des raisons de rigueur ou de clarté dans l’analyse, et afin de mieux
cerner son objet d’étude dans ses multiples aspects, l’AD peut emprunter des concepts
ou autres éléments d’analyse aux autres disciplines qui s’intéressent au discours. Par
exemple, la linguistique peut permettre de délimiter certaines unités linguistiques, tandis
que l’anthropologie quant à elle peut aider à associer un usage particulier de la langue à
un code culturel. Le fait donc de pouvoir associer d’autres disciplines dans sa démarche
analytique, amène à considérer l’AD comme un domaine de recherche pluridisciplinaire.

II.3. La notion de contexte


Nous avons dit que l’AD s’intéresse au discours tel que produit dans un contexte bien
déterminé. Cela dit, qu’entendons-nous par contexte ?

Rappelons-nous que le langage humain permet la communication et les interactions au


sein de la vie sociale. Par conséquent, tout discours est produit dans une situation
sociale, culturelle, économique, politique, idéologique, etc., bien déterminée. C’est cette
situation bien précise de production, en d’autres termes les conditions de production du
discours, que l’on appelle ici le contexte5 (ou contexte de production du discours). Il

5
La notion de « contexte » est aussi utilisée en Linguistique, mais avec un sens différent. En effet en
linguistique le contexte, ou encore appelé « cotexte », renvoie à l’entourage ou à l’environnement linguistique

15
important de faire remarquer que tel que présenté ici, le contexte renvoie à une situation
ou à des conditions de production pouvant comporter des éléments ou des facteurs
divers et dont le nombre pourrait être difficile à limiter. En effet, les sociétés humaines
sont caractérisées, marquées, et rythmées par de nombreux et divers faits, phénomènes,
comportements, idéologies, etc., que nous devons considérer dans leurs simultanéités
et/ou leurs enchainements, leurs récurrences, leur historicité, etc.

Devant donc la nature complexe de la notion de contexte, T. Van Dijk (2009) propose de
considérer le contexte comme l’ensemble des éléments (paramètres ou propriétés) de la
situation sociale précise dans laquelle un discours est produit, et qui sont retenus et
considérés comme pertinents au moment même de la production et de la réception du
discours par le locuteur et son/ses interlocuteurs. En clair, à partir des multiples éléments
ou paramètres qui peuvent caractériser une situation sociale, le locuteur ou son
interlocuteur ne retient qu’un nombre limité d’entre eux et qu’il considère comme
important dans la production et à la compréhension. Cela veut donc dire qu’il s’agit ici
d’éléments de différents savoirs (sur le monde, la société, la culture, sur l’interlocuteur,
les comportements, etc.) qui ont été pris en compte par le locuteur dans son processus
d’encodage, et que l’interlocuteur se doit en retour de reconnaitre et d’intégrer dans son
processus de décodage afin d’aboutir à une certaine intercompréhension. Les éléments
ou propriétés du contexte incluent le cadre (le lieu, le temps…), l’événement ou l’activité
en cours, le locuteur et l’interlocuteur (y compris leurs personnalités, âges, intérêts,
genres, relations, rôles sociaux, savoirs, idéologies, croyances...), etc.

Ainsi donc, tout discours est produit, évolue, et n’a de sens que dans des conditions de
production, c’est-à-dire un contexte, bien déterminé. C’est dans ce sens que l’on dit du
discours qu’il est « contextualisé ». Toutefois, il est important de retenir ici que le
contexte est une construction, une représentation mentale (de celui/celle qui produit ou
interprète le discours) de la situation sociale en cours et de l’événement communicatif. Il
est donc individuel, subjectif et peut être relatif. Les éléments du contexte ont, à travers
l’intérêt que leur accordent le locuteur et l’interlocuteur, un impact sur la production et la

d’un élément (un son, un mot ou une suite de mots, etc.) dans un énoncé ou un texte. En d’autres termes, il
s’agit des éléments linguistiques qui précèdent ou qui suivent une unité linguistique. Par exemple, dans
l’énoncé « je mange du pain » l’élément « mange » a pour contexte « je » et « pain ». Ou encore, la lettre « c »
en Français se prononce [s] et s’écrit « ç » lorsque dans son contexte elle est suivie des lettres « a », « u » et «
o ».

16
compréhension du discours. Des contextes différents peuvent par exemple être la cause
d’incompréhension, de polémique, ou de propos jugés inappropriés. En outre, la
construction du contexte, c’est-à-dire la contextualisation, est un processus dynamique.
C’est-à-dire que les éléments qui constituent le contexte peuvent évoluer et varier
continuellement en fonction du déroulement de l’événement communicatif. C’est parce
que le contexte se reconstruit continuellement tout au long de l’échange
communicationnel que l’on dit du discours qu’il est « orienté ».

II.4. Discours, énoncé, phrase et texte


II.4.1. Enonciation et énoncé
En analyse du discours, l’énonciation est considérée comme un événement. C’est le fait,
l’acte, ou l’action de dire quelque chose dans une situation précise. Dans sa définition de
l’énonciation, E. Benveniste (1974 :80) considère cet acte comme la « mise en
fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation ». L’acte de dire quelque
chose est aussi appelé acte d’énonciation, et la séquence verbale qui résulte de cet acte,
c’est-à-dire ce qui est dit, est appelé énoncé. En d’autres termes, l’énonciation est l’acte
par lequel l’énoncé est produit. Plus précisément, l’énoncé renvoie ainsi à une production
ou une séquence verbale de taille quelconque, produite par l’acte d’énonciation dans une
situation ou contexte (c’est-à-dire un temps et un lieu, des circonstances) donnée, et qui
se matérialise à travers les sons de la parole ou les formes graphiques de l’écriture.

Rappelons-nous que nous avons dit du langage humain qu’il permet la communication et
les interactions au sein de la vie sociale. L’acte de produire un énoncé est donc motivé par
une intention qui anime l’énonciateur. E. Morin (2008) parle de cette intention en termes
d’enjeu humain de la communication à savoir que les êtres humains communiquent pour
informer, s’informer, connaitre, se connaitre, expliquer, s’expliquer, comprendre, se
comprendre (Morin 2008 :21). Par conséquent, et d’un point de vue pragmatique, on peut
affirmer que l’énoncé a une fonction correspondant à une ou plusieurs des six fonctions
du langage humain déclinées par R. Jakobson (1963) que nous présentons de la manière
ci-dessous :

17
Les six fonctions du langage humain selon R. Jakobson (1963)

A la suite de C. Kerbrat-Orecchioni (1980) nous pouvons expliquer ces fonctions en


d’autres termes comme présenté dans le tableau ci-dessous :

Les six fonctions du langage humain de R. Jakobson

Fonction Finalité Centré sur


le

Expressive En émettant un message on transmet un sentiment, une humeur, on met en Emetteur


avant une personnalité (d’un individu ou d’un objet). C’est l’image de l’orateur
à travers le discours (Ethos)

Conative C’est l’effet (voulu ou non) produit par le message sur le récepteur, Récepteur
l’impression éprouvée par celui-ci (Pathos).

Référentielle Renvoie au référent et au contexte Contexte

Phatique Établissement et maintien du contact entre les individus par le biais d’un canal Contact

Poétique S’intéresse à la création du message, de l’argumentation Message

Métalinguistique Centrée sur le code lui-même. Permet d’interroger le code lui-même et de Code
l’expliquer ou d’expliquer un autre code. La langue est le méta-discours de
tous les autres codes.

C’est ainsi que dans le domaine du Marketing par exemple, les fonctions expressive,
conative (ou cognitive) et poétique sont souvent dominantes à travers les énoncés. C’est
donc parce que l’énonciation a une visée communicationnelle que l’énoncé est considéré
comme l’unité élémentaire de la communication (D. Maingueneau 2012).

18
Distinguons donc bien l’énonciation de l’énoncé en retenant que : l’énonciation c’est
l’acte de produire un énoncé ; l’énoncé est la séquence verbale qui découle de
l’énonciation. De ce fait, la personne qui pose l’acte d’énonciation, c’est-à-dire celui ou
celle qui produit un énoncé est appelé énonciateur et la personne à qui s’adresse
l’énonciateur (c’est-à-dire son interlocuteur) est appelée co-énonciateur. En outre,
notons qu’en tant que produit de l’énonciation, c’est-à-dire en tant que production
verbale effective résultant de l’usage de la langue dans un contexte particulier, l’énoncé
est constitutif du discours. Ce qui distingue le discours de l’énoncé c’est que le discours
est toujours associé à un « genre de discours » particulier (cf. le point 8).
II.4.2. Enoncé et phrase
Contrairement à l’énoncé, la phrase est une unité syntaxique dont on considère la
structure du point de vue d’un système grammatical donné. Dit autrement, la phrase est
une séquence verbale dont on considère les unités linguistiques qui la composent,
comment ces unités se combinent et sont liées entre elles dans la séquence, et comment
ces combinaisons et ces liaisons sont en accordance avec les règles grammaticales d’une
langue donnée. Par conséquent, en tant que séquence verbale formée d’unités
linguistiques combinées et liées entre elles selon des règles grammaticales, l’énoncé peut
se présenter (mais pas toujours) sous l’aspect d’une phrase. Tel est le cas par exemple
de :

- Je suis là

- Ici

Toutefois, lorsqu’on va au-delà de sa simple structure syntaxique et que l’on considère


son sens particulier tel qu’il est déterminé par son contexte de production, alors la phrase
devient un énoncé. En clair, c’est l’inscription de la séquence verbale dans ses conditions
de production afin de déterminer son sens qui distingue l’énoncé à la phrase. Avec
l’énoncé nous nous situons donc dans une perspective sémantique ou pragmatique, dans
la mesure où c’est l’interprétation de la séquence verbale comme dotée d’un sens défini
et d’une finalité communicative dans un contexte donné que l’on retient, et non la
grammaticalité (i.e. conformité aux règles grammaticales) de la séquence. Nous devons
donc retenir que le discours, dont l’énoncé constitue un caractère, est constitué d’une ou
d’une succession de phrases.

19
Considérons par exemple la séquence verbale en français ci-après:

Je suis Charlie6

D’un point de vue grammatical, cette séquence verbale est syntaxiquement acceptable et
peut contenir plusieurs sens. En effet, hors contexte il difficile par exemple de dire à qui
renvoie le « Je ». Il nous suffit en effet de penser à différentes situations qui pourraient
amener quelqu’un à prononcer cette phrase. Le fait de relever la nature grammaticale de
cette séquence verbale revient donc à la considérer comme une phrase. Mais l’on
pourrait aussi chercher à déterminer le sens exact de cette séquence verbale. Il s’agirait
donc ici de sortir du système grammatical de la langue en intégrant dans notre analyse les
conditions particulières de production (c’est-à-dire le temps, le lieu, les circonstances) de
cette séquence verbale à savoir qu’elle a été prononcée, inscrite sur des t-shirts ou des
murs, utilisée à travers les réseaux sociaux, etc., à la suite de l’attentat contre le journal
Charlie Hebdo. Ce contexte donne ainsi à cette phrase son sens et une valeur
pragmatique bien précis. Dès l’instant où nous intégrons une phrase dans son contexte
de production afin de déterminer son sens précis elle devient un énoncé. Telle que
structurée et utilisée dans son contexte précis, la phrase « Je suis Charlie » est un énoncé,
plus précisément un discours associé au genre de discours qu’on appelle « slogan ».
II.4.3. Texte et discours
En linguistique, l’usage de la notion de « texte » renvoie à des définitions variées selon
les domaines et les approches théoriques. C’est ainsi qu’une manière générale de définir
le texte consiste à l’appréhender du point de vue de sa fonction sociale ou de ses
caractéristiques structurelles. En linguistique textuelle par exemple, R. De Beaugrande et
W. Dressler (1980 :3) définissent le texte comme une occurrence communicationnelle (ou
une unité communicationnelle) qui doit obéir aux principes indépendants suivants (De
Beaugrande & Dressler 1980 :3-10) :

(1) Le principe de cohésion : la façon dont les mots (prononcés ou écrits) sont
mutuellement connectés selon des formes grammaticales et des conventions à
l’intérieure d’une séquence.

6
Du slogan « Je suis Charlie » créé en soutien aux victimes de l'attentat contre le journal Charlie Hebdo en
Janvier 2015 en France.

20
(2) Le principe de cohérence : la façon dont les concepts et les liens entre les concepts
dans le texte sont mutuellement accessibles et pertinents.

(3) Le principe d’intentionnalité : ce que celui/celle qui produit le texte (l’énonciateur)


a l’intention de communiquer ou d’atteindre comme objectif.

(4) Le principe d’acceptabilité : cela renvoie à l’attitude envers le texte de celui/celle


qui le reçoit (le destinataire ou co-énonciateur) et qui s’attend à retrouver dans le
texte les trois premiers principes ci-dessus.

(5) Le principe d’informativité : il s’agit, du point de vue du destinataire/co-


énonciateur, du niveau de prévisibilité de la production du texte considéré.

(6) Le principe de situationalité : il concerne les facteurs qui rendent un texte


pertinent par rapport au contexte dans lequel il est produit.

(7) Le principe d’intertextualité : il traite du rapport entre un texte et d’autres textes


de même type produits antérieurement.

En Grammaire Fonctionnelle, certains auteurs comme M.A.K. Halliday (2002) définissent


le texte (oral ou écrit) comme une unité sémantique, un cas d’usage de la langue
considéré comme un comportement social. Selon M.A.K. Halliday (2002) cependant, les
éléments caractéristiques d’un texte sont :

(1) Sa structure générique : la forme du texte comme caractéristique d’un genre (ex :
un article de journal ou un poème).

(2) Sa structure textuelle : l’organisation de la phrase en message, ou comment le


message est réparti à travers des unités d’information.

(3) La cohésion : les relations sémantiques entre les unités linguistiques

En linguistique A. Culioli associe le texte à l’énoncé en ce sens que pour l’auteur, le texte
constitue la « matérialité formelle l’énoncé, en tant qu’agencement de marqueurs, et en
tant que constituant la donnée empirique première de toute analyse » (S. de Vogüé
1992 :88). C’est-à-dire ici que l’énoncé se matérialise à travers le texte (oral ou écrit).
Cette conception n’est pas bien loin de celle adoptée en Analyse du Discours. Dans ce
champ de recherche, le texte est défini en relation ou en opposition avec le discours. T.A.
Van Dijk (1997) par exemple utilise le terme « texte » comme une dimension ou une

21
propriété du discours. De son point de vue, l’auteur considère deux modes d’usage de la
langue :

- L’usage parlé de la langue, c’est-à-dire le discours oral qu’il appelle « discours »

- L’usage écrit de la langue, c’est-à-dire le discours écrit qu’il appelle « texte »

Pour D. Maingueneau (2012 :47), le texte (oral ou écrit) renvoie aux unités verbales
relevant d’un genre de discours. C’est cette conception du texte qui nous adoptons dans
le présent enseignement.

II.5. La situation d’énonciation

A la suite mais contrairement à E. Benveniste qui conçoit l’énonciation comme un acte


individuel d’appropriation de la langue, A. Culioli la définit comme le processus de
constitution d’un énoncé (S. de Vogüé 1992). C’est à partir de cette conception de A.
Culioli que repose la notion de « situation d’énonciation ». Dans la mesure où
l’énonciation est un processus de constitution dont le résultat est l’énoncé, il est possible,
selon A. Culioli, à partir du texte (qui est la forme matérielle de l’énoncé) de reconstruire
les conditions de production matérielle de l’énoncé. En d’autres termes, l’énoncé contient
des formes linguistiques qui renvoient à son processus de constitution. De ce point de
vue, la situation d’énonciation renvoie à un système de coordonnées abstraites et
linguistiques qui rendent tout énoncé possible en lui faisant refléter dans sa forme les
marques de sons énonciation. Comme le présente D. Maingueneau (2004 :13) c’est dans
ce système de coordonnées linguistiques que reposent les trois positions fondamentales
que sont : énonciateur, co-énonciateur et de non-personne :

- La position d’énonciateur est le point origine des coordonnées énonciatives, le


repère de la référence mais aussi de la prise en charge de la modalité. En français, la
catégorie grammaticale et pronom de la première personne JE/NOUS (collectif ou de
majesté) constitue ainsi un déictique, marqueur de la coïncidence entre énonciateur et
position de sujet syntaxique. La modalisation renvoie la marque d’adhésion de
l’énonciateur à son énoncé, elle exprime l’attitude de l’énonciateur face à son énoncé. La
modalisation est véhiculée par les adverbes d’opinion (ex : surement), le conditionnel
(ex : il serait possible), les verbes de modalité (ex : il faut), etc.

22
- Entre l’énonciateur et le co-énonciateur (dont le marqueur en français est le
déictique pronom personnel de la 2ème personne TU/VOUS) il existe une relation de «
différence », d’altérité. En effet, ces deux pôles de l’énonciation sont à la fois solidaires et
opposés sur le même plan. Selon E. Benveniste (1970 :14) toute énonciation est, explicite
ou implicite, une allocution et de ce fait elle postule un allocutaire. Le terme co-
énonciateur indique simplement ici le partenaire de l’échange verbal. C’est ainsi dans une
situation de dialogue, l’énoncé pourrait contenir des marqueurs de tension impliquant un
rapport vivant et immédiat de l’énonciateur au co-énonciateur. Ces marqueurs de tension
peuvent être véhiculés par l’usage de l’impératif (ex : Sortez), les énoncés exclamatif (ex :
Silence !), les modaux (ex : vous devez me le dire), ou les actes de langage (ex : je vous
retire de ce dossier).

- La position de non-personne, terme que E. Benveniste préfère à celui de 3 ème


personne (dont le marqueur en français est le pronom personnel IL/ELLE), est celle des
entités qui sont présentées comme n’étant pas susceptibles de prendre en charge un
énoncé, d’assumer un acte d’énonciation.

La particularité de ces coordonnées linguistiques de personnes réside, entre autres, dans


le fait que leur référent n’est pas stable en ce sens que leur sens est rattaché aux
positions d’énonciateur et de co-énonciateur. C’est donc parce qu’ils n’ont pas de
référent stable qu’on les appelle embrayeurs ou shifters. Par ailleurs, dans ce système de
coordonnées linguistiques, la position d’énonciateur sert de point de repère-origine aux
cordonnées linguistiques des deux autres paramètres du processus énonciatif que sont le
temps et l’espace. Ces coordonnées spatiaux et temporels, qui sont aussi des
embrayeurs, sont des déictiques spatiaux (ex : ici…), des adverbes de lieux (ex : à deux
pas d’ici…), etc., des déictiques temporels (ex : maintenant), des adverbes de temps (ex :
hier, ce matin…), la catégorie des temps verbaux (le présent, le passé, le futur…), etc.

Retenons donc que la notion de « situation d’énonciation » ne doit pas laisser penser à
une sorte d’environnement physique ou social dans lequel l’acte d’énonciation est réalisé.
En d’autres termes, la situation d’énonciation ne renvoie pas à une situation empirique
(i.e. physique, géographique, spatial, social, culturel, politique, etc.) où se situent
l’énonciateur et le co-énonciateur et que l’on pourrait décrire. Il s’agit d’un système de

23
coordonnées ou d’indices linguistiques qui sont présent dans l’énoncé et qui permettent
de reconstituer le processus de constitution de l’énoncé.

II.6. La situation de locution

Dans la situation abstraite d’énonciation, nous avons vu que les déictiques de personnes
JE/TU renvoient aux positions d’énonciateur/co-énonciateur. Mais la situation de locution
renvoie au rôle ou à la place dans l’échange verbal des partenaires de l’activité discursive.
De ce point de vue, comme l’indique D. Maingueneau (2004 :14) il existe une distinction
entre les trois positions de la situation d’énonciation et les trois places ou rôles de la
situation de locution. Les deux premières places sont celles des interlocuteurs, c’est-à-
dire le locuteur et l’allocutaire :

- la place de locuteur est celle de celui qui parle ;

- la place d’allocutaire est celle de celui à qui s’adresse la parole ;

- à ces deux premières places il faut en ajouter une troisième, celle du délocuté qui
renvoie à ce dont parlent les interlocuteurs.
Généralement, les positions de la situation d’énonciation et les places ou rôles de la
situation de locution tendent normalement à s’harmoniser, c’est-à-dire à se correspondre
terme à terme. Mais ce n’est pas toujours le cas. Pensez à ce réceptionniste d’hôtel qui
s’adresse à un client en disant : « Monsieur a-t-il apprécié son séjour ? »

III. Typologie et genres de discours

En AD, les activités verbales sont classées en types de discours selon trois critères à
savoir: la visée communicationnelle de l’énoncé (typologies communicationnelles), la
relation entre l’énoncé et la situation d’énonciation (typologies énonciatives), le domaine
d’activité sociale dans lequel l’activité est produite (typologies des genres de discours).

- Les typologies communicationnelles reposent sur le critère de la


visée communicationnelle de l’énoncé, c’est-à-dire l’intention de l’énonciateur
telle que représentée par les fonctions du langage humain décrites notamment
par R. Jakobson. P. Charaudeau (1992) insiste sur les implications grammaticales

24
que l’intention du locuteur a sur l’élaboration linguistique de l’énoncé. Selon
l’auteur, à une visée communicationnelle du discours correspond un « mode
d’organisation du discours » c’est-à-dire un principe d’organisation grammaticale
du discours qui correspond à la finalité donnée. P. Charaudeau identifie ainsi
quatre grands modes d’organisations grammaticales du discours correspondant à
quatre finalités communicatives du locuteur à savoir : l’énonciatif (énoncer), le
descriptif (décrire), le narratif (raconter), et l’argumentatif (argumenter).
- Les typologies énonciatives reposent sur des critères purement
linguistiques. Cette classification met en avant la relation entre l’énoncé et ses
conditions de production, c’est-à-dire sa situation d’énonciation dont les
principaux paramètres sont : l’énonciateur, le co-énonciateur, le moment où se
produit l’énonciation, et le lieu où se produit l’énonciation (cf. point 6). En clair, il
s’agit de considérer comment l’énoncé contient des unités ou des formes
linguistiques qui, tels des indices, renvoient à la situation d’énonciation. C’est sur
cette base qu’E. Benveniste distingue le « discours » (qui comporte des indices
linguistiques de la situation d’énonciation, « je », « ici », « aujourd’hui ») de
l’« histoire » ou du « récit » (qui ne comporte pas d’indices de la situation
d’énonciation). Outre les marques linguistiques de la situation d’énonciation, les
typologies énonciatives retiennent aussi les phénomènes linguistiques qui
traduisent des prises de position, c’est-à-dire renvoient à des valeurs positives ou
négatives, de l’énonciateur. Ces phénomènes de subjectivité qui renvoient à
l’attitude de l’énonciateur peuvent être des termes péjoratifs (ex : chialer,
énervant, soi-disant, etc.) ou mélioratifs (ex : très, drôle, beau, etc.).
- Les typologies des genres de discours retiennent comme critère de
classification le secteur d’activité sociale dans lequel se produit l’activité verbale.
Tout repose donc ici sur la situation de communication (cf. point 9). Pour
comprendre ce principe de classification, appuyons-nous sur l’assertion de M.
Bakhtine (1984 :266) selon laquelle : « les domaines de l’activité humaine, aussi
variés soient-ils, se rattachent toujours à l’utilisation du langage ». C’est dans ce
sens que nous avons le « discours politique », le « discours administratif », le
« discours médiatique », etc. qui sont de ce fait des types de discours. Cela dit, et
toujours dans le sens de l’assertion de M. Bakhtine, le lieu institutionnel (c’est-à-

25
dire l’institution où se pratique une activité sociale) peut aussi servir de critère de
classification. C’est dans cette optique que nous avons le « discours de l’hôpital »,
le « discours de l’église », etc. En outre, dans cette même typologie certains
analystes peuvent plutôt choisir de considérer comme critère de classification le
statut des partenaires de l’activité discursive (âge, relations sociales et culturelles,
rapports hiérarchiques, etc.). Dans ce cas, les types de discours incluent le
« discours des anciens », le « discours des jeunes » le « discours des femmes », etc.
Enfin le dernier critère de classification qui peut être retenu dans cette typologie
est le positionnement de nature idéologique. Ce qui aboutit à des types de
discours tels que le « discours féministe », le « discours communiste », le « discours
panafricaniste », etc.

Selon M. Bakhtine (1984 :266) :

« L’énoncé reflète les conditions spécifiques et les finalités de chacun de ces domaines
[d’activité sociale], non seulement par son contenu (thématique) et son style de
langue, autrement dit par la sélection opérée dans les moyens de la langue –moyens
lexicaux, phraséologiques et grammaticaux –mais aussi et surtout par sa
construction compositionnelle ».

Cette assertion implique, d’une part, qu’à chaque domaine d’activité sociale
correspondent des pratiques verbales. Par conséquent, et d’autre part, la situation de
communication (relative à un domaine d’activité, un lieu institutionnel, le statut des
partenaires de l’activité verbale, ou le positionnement idéologique) impose des
contraintes, des normes communicatives qui déterminent la production linguistique (en
termes de qualité linguistique de l’activité verbale) et l’interprétation de l’énoncé. En
d’autres termes, les contraintes liées à la situation de communication dans un domaine
d’activité imposent à l’énonciateur des contraintes linguistiques. Les activités verbales
soumises aux contraintes des situations de communication appartiennent à plusieurs
catégories que D. Maingueneau (2012) appelle genres de discours. Par exemple, la
« consultation médicale » constitue un genre de discours, tout comme le « débat
télévisé » en est un. Dans sa révision de la schématisation de la communication verbale
de R. Jakobson (ci-dessous), C. Kerbrat-Orecchioni (1980) tient compte des contraintes

26
liées au genre de discours dans le processus de production (encodage) et d’interprétation
(décodage) du message. L’auteur intègre ces contraintes dans ce qu’elle appelle « les
contraintes de l’univers du discours ».

Un genre de discours selon D. Maingueneau (2012 :51) est un dispositif de communication


qui ne peut apparaitre que si certaines conditions socio-historiques sont réunies. Selon
l’auteur (D. Maingueneau 2012), cinq paramètres ou caractéristiques permettent de
définir un genre de discours à savoir :

- Le statut respectif de l’énonciateur et du/des co-énonciateurs (ex : le journaliste et


son invité dans leur rôle respectif lors d’une interview télévisée)
- Les circonstances temporelles et locales de l’énonciation;
- Le support et les modes de diffusion (ex : un débat télévisé est différent d’un
échange de tweets)
- Les thèmes qui peuvent être introduits
- La longueur, le mode d’organisation.

Tous ces paramètres représentent les conditions de réussite des genres de discours. Ce
qui veut dire que le genre de discours a une dimension pragmatique. En outres, selon (D.
Maingueneau 2012), un genre de discours renvoie à :

27
- un contrat : les partenaires de l’activité discursive acceptent de conformer à un
certain nombre de règles mutuellement connues,
- un rôle: les partenaires de l’activité discursive se comportent selon un statut social
bien déterminé,
- un jeu : avec des règles auquel les partenaires de l’activité discursive acceptent de
participer.

Retenons donc que dans la typologie des genres de discours, les types de discours sont
associés aux domaines des activités sociales. Mais les types de discours sont hétérogènes,
en ce sens qu’un type de discours peut aussi contenir un autre type (par exemple le
discours médiatique est constitué du discours de la presse écrite). A l’intérieur des types
de discours sont regroupées différentes catégories de genres de discours. En clair, tout
type de discours est constitué de nombreux genres de discours et par conséquent tout
genre de discours correspond à un type de discours. C’est parce que le discours est une
production verbale associée à un genre de discours qu’on dit du discours qu’il est une
organisation au-delà de la phrase.

IV. La situation de communication

La situation de communication est une composante des échanges verbaux. Selon P.


Charaudeau (2015) la situation de communication est la situation psychosociale dans
laquelle se trouvent les partenaires de l’échange verbal qui communiquent avec l'espoir
d'aboutir à une certaine intercompréhension, et dont le sens de leurs propos dépend,
pour une part, des conditions relationnelles dans lesquelles ils réalisent cet
échange. Selon l’auteur, les composantes de la situation de communication sont à
déterminer à partir des quatre questions ci-dessous (P. Charaudeau 2015):

1. On communique « pour quoi dire ? » La réponse à cette interrogation définit la finalité


ou la visée de tout acte de communication (ex : faire savoir, faire faire, faire penser, etc.).

2. « Qui communique avec qui ? » La réponse ici détermine l'identité des partenaires de
l'échange (âge, sexe, statut professionnel, traits psychologiques, etc.

28
3. On est là pour communiquer « à propos de quoi ? » La réponse définit le propos, le
thème, qui fait l'objet de l'échange entre les deux partenaires.

4. « Dans quelles circonstances communique-t-on ? » La réponse permet de tenir compte


des conditions matérielles et physiques dans lesquelles se déroule la communication.

Comme on le remarque, la situation de communication telle que présentée ici est similaire
à ce que nous avons dit du contexte dans le point 4 de notre cours. Toutefois, P.
Charaudeau (2015) insiste sur le fait, qu’en dehors des contraintes psychosociales qu’elle
impose dans l’interprétation des énoncés, la situation de communication impose aussi
des contraintes dans la mise en scène du discours. Il s’agit par exemple des :

- instructions correspondant à la visée de la finalité communicationnelle (par exemple,


questionner quand il s'agit de solliciter l'interlocuteur dans une interview)

- instructions correspondant à l'identité (par exemple, le rôle énonciatif à tenir quand on


a une position sociale d'autorité)

- instructions correspondant au propos

- instructions correspondant aux circonstances (par exemple, être obligé d'expliciter,


dans une publicité-radio ce qui est exprimé par l'image dans un spot télévisé).

Tout discours (ou texte) associé à un genre de discours intervient toujours dans une
situation de communication bien spécifique.

V. La scène d’énonciation

La scène d’énonciation est une notion issue des travaux de D. Maingueneau (2012 :77).
Contrairement à la situation de communication qui est externe, il s’agit ici de la situation
interne au discours. Elle amène de ce fait à aborder les productions verbales sous l’angle
d’une étude de texte afin de faire de ressortir comment l’usage des signes linguistiques
dans le texte correspondent à une sorte de mise en scène. L’auteur distingue ainsi trois
scènes complémentaires :

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- La scène englobante : elle correspond au type de discours auquel renvoie l’usage
des signes linguistiques
- La scène générique : elle correspond au genre de discours associée au type de
discours
- La scénographie : c’est la scène à laquelle renvoient les signes linguistiques

VI. L’Intertextualité

L’intertextualité renvoie à l’ensemble des relations, implicites ou explicites, entre un texte


particulier et d’autres textes. Plus spécifiquement, il s’agit de la présence (par citation,
allusion, etc…) d’un texte dans un autre texte. Par exemple, le fait de reprendre ou de
citer un ou des éléments du Discours à la Nation du Président de la République dans un
texte d’analyse politique constitue un cas d’intertextualité. L’ensemble des fragments de
texte cités, explicitement ou non, c’est-à-dire associés à des relations d’intertextualité,
constitue un intertexte.

On distingue l’intertextualité interne, de l’intertextualité externe :

- L’intertextualité interne renvoie à des relations entre textes de même type, c’est-
à-dire issus d’un même champ discursif. Par exemple entre deux textes issus du
discours politique.
- L’intertextualité externe renvoie quant à elle à des relations entre des textes
n’appartenant pas au même champ discursif. Par exemple entre un texte
appartenant au discours politique, et un autre texte appartenant au discours
scientifique.

VII. L’Interdiscursivité

L’interdiscursivité à un sens équivalent de celui d’intertextualité. En effet,


l’interdiscursivité renvoie à l’ensemble des relations, implicites ou explicites, entre un
discours particulier et un ou d’autres discours. Par exemple, entre le Discours à la Nation
du Président de la République et le Discours du Secrétaire Général de l’ONU. On appelle
interdiscours, l’ensembles des unités discursives avec lesquelles un discours particulier
entre en relation avec un ou d’autres discours.

30
VIII. Le Dialogisme du discours

Inspirée des travaux du sémioticien M. Bakhtine, la notion de dialogisme est clairement


expliquée à travers l’assertion suivante :

« Toute énonciation, même sous forme écrite figée, est une réponse à quelque
chose et est construite comme telle. Elle n’est qu’un maillon de la chaîne des actes
de parole. Toute inscription prolonge celle qui l’ont précédée, engage une
polémique avec elles, s’attend à des réactions actives de compréhension, anticipe
sur celles-ci, etc. » (M. Bakhtine (1977 :106).

Ce principe de dialogisme se retrouve aussi chez E. Benveniste (1970 :14) lorsqu’il affirme
que toute énonciation est, explicite ou implicite, une allocution et de ce fait elle postule
un allocutaire. Dans sa théorisation de l’énonciation J. Authier (1984) porte son attention
sur les formes du discours rapporté et parle de dialogisme de l’énoncé en termes
d’hétérogénéité montrée qui se manifeste à travers des formes linguistiques (discours
direct, italiques, guillemets, modalisation autonymique) ou autres procédés linguistiques
(discours indirect libre, ironie, détournement, allusion).

Concevoir le dialogisme dans l’énonciation renvoie ainsi à la fonction communicative et au


caractère foncièrement interactif du langage humain. En outre, le dialogisme du discours
est lié aux notions d’intertextualité et d’interdiscursivité.

IX. La polyphonie dans le discours

Cette notion est associée à celle de dialogisme tous deux inspirées de M. Bakhtine. La
polyphonie renvoie à la pluralité de voix dans l’énoncé et le texte. En d’autres termes,
l’énoncé (et par conséquent le texte) laisse entendre plusieurs voix. En fait chez M.
Bakhtine, le principe de pluralité de voix dans l’énoncé et le texte découle du principe
dialogique de l’énoncé. Cependant dans les théories de l’énonciation, certains auteurs
tels que (O. Ducrot 1989) utilisent le terme « polyphonie » au lieu « dialogisme » (J. Bres &
L. Rosier 2008). Dans son approche, O. Ducrot rejette le postulat de l’unicité du sujet
parlant qui soutient que : pour un énoncé, il y a un unique sujet parlant, qui est à la fois le
responsable des activités psycho-physiologiques qui permettent la production de

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l’énoncé, et le responsable des positions exprimées par l’énoncé, la source des
prédications qui y sont faits. Pour O. Ducrot (1984), l’énonciation est une mise en scène
de différents points de vue. Il distingue de ce fait le sujet parlant (être empirique,
l’individu qui énonce l’énoncé), du locuteur (être de discours, l’individu qui prend la parole
et donc à qui est imputée la responsabilité de l’énoncé), et de l’énonciateur. Il est
important de comprendre ici, par exemple, qu’il est tout à fait possible que le locuteur ne
soit pas l’auteur empirique de l’énoncé en question. Tout comme il est possible que le
locuteur ne soit pas l’auteur du message. Ces distinctions sont utiles dans l’analyse du
discours rapporté.

X. Les actes de langage

La théorie des actes de langage trouve ses origines dans les travaux de J.L. Austin (1962)
et sera développée notamment par J.R. Searle (1969). La théorie met en avant le fait
selon lequel les énoncés ne servent pas seulement à dire des choses mais aussi à poser
des actes. Il s’agit de la valeur pragmatique de l’énoncé. Ces actes que l’on pose à travers
l’usage du langage sont appelés actes de langage. Par exemple, l’acte de promettre
quelque chose ne peut se réaliser qu’à travers la production d’un énoncé contenant ou
ayant le sens du verbe « promettre » (ex : je vous promets d’y réfléchir »). Selon J.L Austin
(1962) l’acte de langage comporte trois dimensions qui s’actualisent de manière
simultanée à savoir : la locution, l’illocution, la perlocution.

- La locution : renvoie d’une part au processus physiologique de production


des sons de parole et, d’autre part, la structure grammaticale et le sens littéral (le
contenu propositionnel) de la phrase prononcée. Ex : Avez-vous du pain ?
Dans cette dimension, le fait de prononcer cette phrase correspond à un acte locutoire.
- L’illocution : renvoie à l’intention du locuteur véhiculé par la prononciation
de cette phrase. En d’autres termes, il s’agit de la force (la valeur) que le locuteur
donne à la phrase et qu’il espère être saisie par l’interlocuteur. Dans le cas de
notre exemple « Avez-vous du pain ? », c’est une question mais dont la valeur,
c’est-à-dire, la force illocutoire est une requête. Lorsque par l’usage de la langue on
accomplit une action (promesse, avertissement, requête, ordre, condamnation,
excuse, etc.) on pose un acte illocutoire.

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- La perlocution : renvoie aux actions ou aux effets qui découlent d’un acte
illocutoire. Par exemple une assertion (ex : il est tard) peut être destinée à gêner
son interlocuteur et à modifier son comportement (ex : s’excuser ou s’en aller).
L’acte ainsi posé est un acte perlocutoire.
Comme le montre notre exemple (« Avez-vous du pain ? ») il existe des actes de langage
indirects dont la force illocutoire est à reconnaitre à partir du contexte. De ce point de
vue, J.L Austin (1962) insiste sur le fait que l’effectivité d’un acte de langage repose sur un
certain nombre de conditions et de règles sociales et conventionnelles qui garantissent sa
réussite. On appelle ces conditions les conditions de félicité. Par exemple dans « Je vous
condamne à 2 mois de prison ferme » l’acte illocutoire de cet énoncé ne peut être réussi
que si l’énonciateur a la légitimité de condamner quelqu’un.

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Bibliographie succincte du cours

BENVENISTE E., 1974, Problèmes de linguistique générale 2, Paris, Gallimard.

BOURDIEU P., 1982, Ce que parler veut dire : L’économie des échanges linguistiques, Paris,
Fayard.

CHARAUDEAU P., 1983, Langage et discours, Paris, Hachette.

CHARAUDEAU P., MAINGUENEAU D. (éd.), 2002, Dictionnaire d’analyse du discours, Paris,


Le Seuil.

CUTTING J., 2008, Pagmatics and Discourse : A resource book for students, London,
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De BEAUGRANDE R., «The Story of Discourse Analysis», in VAN DIJK T.A. (éd.), 1997,
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KERBRAT-ORECCHIONI C., 2005, Le Discours en interaction, Paris, Armand Colin.

KERBRAT-ORECCHIONI C., 2002, L’Énonciation. De la subjectivité dans le langage, Paris,

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MAINGUENEAU D., 2016, Les Termes clés de l’analyse du discours, Paris, Le Seuil, coll.
Sciences Humaines.

MAINGUENEAU D., 1997, L’Analyse du discours, Paris, Hachette.

MAINGUENEAU D., 1993, L’Enonciation en linguistique française, Paris, Hachette.

MAINGUENEAU D., 2012, Analyser les textes de communication, Paris, Armand Colin.

MAINGUENEAU D., 2010, « Analyse du discours et champ disciplinaire». Questions de


communication, 18, (2), p.185-196. https://www.cairn.info/revue-
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Marges Linguistiques, n°9, «l’Analyse du discours», 2005, revue électronique


(http://www.marges-linguistiques.com ).

SARFATI G.-E., 2005, Éléments d’analyse du discours, Paris, Armand Colin.

SCHIFFRIN D., TANNEN D., HAMILTON H.E. (éd.), 2001, The Handbook of Discourse
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VAN DIJK T.A. (éd.), 1997, Discourse as Structure and Process. A Multidisciplinary
Introduction, (Vol.1), London, Sage Production.

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