Le Mois Des Âmes Du Purgatoire: Abbé Antoine Ricard

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Le Mois des Âmes du Purgatoire

Abbé Antoine Ricard

Librairie Périsse Frères


38 rue Saint-Sulpice
Paris
1866

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LES DOUZE MOIS SANCTIFIÉS PAR LA PRIÈRE

XI. NOVEMBRE

LE MOIS DES ÂMES DU PURGATOIRE

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Préface

Un saint religieux, qui a été jusqu'ici le plus grand et le plus savant des ascétiques du XIXe siècle, le P. W. Faber, a écrit
dans un de ses derniers livres qu'il « était grandement à souhaiter que la dévotion qui consacre le mois de novembre aux
âmes du Purgatoire devint générale parmi les fidèles ». Pour entrer dans cette pensée et pour satisfaire la dévotion
croissante des fidèles envers les défunts, nous avons écrit l'ouvrage qui parait aujourd'hui, faisant suite aux petites
publications du même genre que le public religieux a accueillies avec tant de faveur. Suivant notre méthode habituelle,
nous avons recueilli, pour composer ce nouveau livre, les meilleures pensées des ouvrages déjà parus sur la matière et qui
font vraiment autorité. Outre le père Faber, déjà cité, nous devons beaucoup à M. l'abbé Gaduel, et surtout au chef-
d'œuvre du Père Munford, si heureusement réédité dans ces derniers temps par le R. P. Marcel Bouix (1).

(1) Perisse frères, éditeurs à Paris.

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Veille du premier jour

Prélude : Dans la prison ténébreuse qu'on appelle le Purgatoire, les âmes captives de l'expiation tressaillent et s'agitent
dans de vifs mouvements d'espérance. L'approche du mois de novembre est la cause de ce commencement de
consolations. Préparons-nous aujourd'hui à satisfaire pendant ce mois l'attente de nos frères défunts.

Méditation

On a dit avec raison que, « parmi toutes les dévotions catholiques, une des plus solides, des plus fructueuses et des plus
conformes à cet esprit de charité qui fait l'âme et le fond de la morale chrétienne, c'est, sans contredit, la dévotion aux
âmes du purgatoire ».

Quel est en effet le but de cette touchante dévotion ? N'est-ce pas directement de délivrer des flammes expiatrices les
âmes qui trouvent dans nos suffrages une compensation à la lenteur de leurs expiations douloureuses ? Mais ce but direct
et immédiat de la dévotion aux âmes du purgatoire entraîne diverses conséquences qui en multiplient les résultats. En
effet, délivrer une âme du purgatoire, c'est procurer la gloire de Dieu, puisque c'est permettre à cette âme d'aller louer
Dieu dans le ciel.

Délivrer une âme du purgatoire, c'est exercer l'une des meilleures œuvres de charité qu'un chrétien puisse pratiquer,
puisque c'est procurer à quelqu'un le plus grand des biens, celui du bonheur céleste. Délivrer une âme du purgatoire, c'est
se créer dans le ciel un ami tout-puissant, dont la reconnaissance ne saurait faire défaut. Enfin, travailler à la délivrance
des âmes du purgatoire, c'est s'obliger pour ainsi dire soi-même au souvenir fréquent et à la considération attentive des
fins dernières. C'est par conséquent se procurer un gage et un moyen infaillibles de salut, suivant cette parole du Saint-
Esprit : « Souvenez-vous de vos fins dernières, et vous ne pécherez jamais ».

Mon Dieu, je vous remercie d'avoir mis à ma disposition et entre mes mains un moyen de salut qui, tout en concourant à
votre plus grande gloire et en me permettant de satisfaire le désir de mon cœur, ému des misères de mes frères défunts,
me donne à moi-même un gage de prédestination éternelle !

Résolution : S'unir d'intention à tous les fidèles qui se proposent de suivre les exercices du mois des défunts.

Bouquet spirituel : « Bienheureux les miséricordieux, parce qu'il leur sera fait miséricorde ». (Mt. 5, 7)

Exemple
Historique de la dévotion envers les âmes du Purgatoire

La pratique de prier pour les âmes du purgatoire a été en usage dès le temps de la Loi écrite, comme on le voit par
l'histoire des Macchabées. Nous apprenons aussi des saints Pères et des anciennes liturgies qu'elle a toujours été
religieusement observée depuis le temps des Apôtres ; mais il n'y avait point de jour, dans le cours e l'année qui lui fût
particulièrement consacré.

Saint Odilon fut le premier qui fit ce pieux établissement. Il avait eu grand soin, dès les premières années de sa prélature,
de faire faire dans son Ordre beaucoup de prières et d'aumônes, d'offrir souvent et de faire offrir le sacrifice non sanglant
du corps et du sang de Jésus-Christ, pour ces âmes souffrantes et accablées sous le poids de la justice de Dieu.

Mais sa compassion pour elles croissant de jour en jour, et voulant les pourvoir, pour les siècles à venir, d'un secours
ordinaire et qui ne pût pas si facilement être interrompu ; étant d'ailleurs excité par des révélations qui furent faites à un
saint ermite et à quelques-uns de ses religieux, il fit enfin cette belle ordonnance qui est rapportée tout au long dans la
bibliothèque de Cluny, portant que, tous les ans, le second jour de novembre, qui est le lendemain de la fête de tous les
Saints, on ferait, dans tous les monastères de son obédience, la Commémoraison de tous les fidèles défunts, et que ce jour
serait entièrement appliqué à procurer auprès de Dieu la rémission de leurs peines et leur entrée bienheureuse dans le
royaume des Cieux : ce que l’Église universelle a si bien approuvé, qu'elle s'est approprié cette ordonnance, et qu'elle en a
fait une loi pour tous les fidèles, comme il est expressément marqué dans le Martyrologe romain.

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Premier jour
Les peines du Purgatoire comparées aux peines de cette vie

Prélude : Entendons les cris douloureux qui s'échappent des prisons expiatrices où la justice inexorable de Dieu détient
des âmes en qui le Seigneur ne veut rien voir de souillé pour les admettre dans son paradis.

Méditation

Les peines du sens dans le purgatoire surpassent de beaucoup les peines les plus rudes et les plus insupportables de cette
vie. « Tout ce qu'on peut voir, imaginer ou sentir des peines en cette vie, disait saint Augustin, est bien peu de chose en
comparaison des flammes du purgatoire. Que celui donc qui n'ose mettre un de ses doigts dans le feu craigne de brûler,
même peu de temps, dans celui du purgatoire ». Bède le vénérable assure que ni les tourments des martyrs, ni les
supplices des criminels, n'ont rien qui approche des peines du purgatoire. Saint Thomas d'Aquin va plus loin encore. Avec
toute l'autorité de son génie et de sa science, il affirme que la plus petite des peines du purgatoire l'emporte sur la plus
grande des peines de cette vie. Une autre parole du même docteur nous apprendra en un seul mot toute l'étendue des
tourments du purgatoire. « C'est le même feu, dit-il, qui tourmente les damnés dans l'enfer et les justes dans le
purgatoire ».

La peine du sens dans l'enfer et dans le purgatoire ne diffère en rien, excepté en ce que les tourments de l'enfer ne finiront
point, tandis que ceux du purgatoire auront une fin. Ces considérations sont effrayantes, et il faut que l'homme soit bien
aveugle ou bien léger pour s'exposer de gaieté de cœur à ces tourments sensibles du purgatoire, par la facilité avec
laquelle il se laisse aller à des fautes qui, sans être mortelles, offensent cependant le bon Dieu et irritent sa justice. Ces
mêmes considérations doivent encore nous engager fortement à témoigner notre compassion aux pauvres âmes qui
endurent de semblables tourments dans le purgatoire, par la ferveur et la persévérance de nos suffrages en leur faveur.

Résolution : Supporter volontiers les petits ennuis et les peines de cette vie, et offrir cette résignation à Dieu en échange
des peines affreuses qui nous attendent dans le purgatoire.

Bouquet spirituel : « Seigneur, ne me reprenez pas dans votre fureur et ne me châtiez pas dans votre colère ». (Ps. 37, 1).

Exemple
Une heure dans le Purgatoire

Deux religieux, pleins de piété et de zèle pour leur sanctification, ayant le même attrait pour l'oraison, le recueillement et
la pénitence, étaient unis par une si étroite amitié qu'on pouvait leur appliquer ce vers latin : Hi duo corporibus mentibus
unus erant, Ce sont deux corps, mais une seule âme. Le zèle pour la gloire de Dieu les animait également ; ils travaillaient
avec ardeur au salut du prochain et cherchaient à maintenir, autant qu'ils le pouvaient, la stricte observance des règles.
Tout à coup l'un d'eux tombe malade et l'on ne tarde pas à avoir de vives inquiétudes pour sa vie. Un ange du Seigneur lui
apparaît, lui annonce qu'il va mourir et qu'il expiera dans le purgatoire la peine due à ses fautes, jusqu'à ce qu'une messe
soit célébrée pour lui, et qu'alors seulement il s'envolera au ciel, pour y recevoir la récompense de son zèle et de sa
ferveur. Cette nouvelle comble de joie le saint religieux. Appelant à l'instant son ami, il lui fit part de sa vision, de la mort
qui va le délivrer et du temps très court qu'il doit rester en purgatoire. Il le conjure, par les liens de leur fraternelle amitié,
d'offrir le plus tôt possible, après sa mort, le divin sacrifice d'où dépend son éternelle félicité. Tout ému de la perte qu'il
allait faire, le bon religieux promit tout à un ami si cher, et fut fidèle à sa parole; car, la mort étant survenue le lendemain
matin, à peine eut-il fermé les yeux au défunt, qu'il courut à la sacristie revêtir les ornements sacrés, et monta au saint
autel. La messe à peine terminée, pendant son action de grâces, il voit apparaître son ami rayonnant de bonheur, mais
ayant un reste de chagrin et de souffrance sur le visage.

« Mon frère, lui dit-il, où donc était votre foi ? qu'avez-vous fait de votre promesse ? vous mériteriez que Dieu n'eut pas
davantage pitié de vous-même ! - Et pourquoi ? demande celui-ci… - Pourquoi ? Ne m'avez-vous pas laissé une année et
plus au milieu de ce feu vengeur, sans que vous ni aucun de mes frères dit pour moi la messe qui devait me délivrer ? - En
vérité, s'écria le religieux, que me dites-vous, mon frère ? je viens de déposer mes ornements sacerdotaux ; il y a à peine
quelques heures que vous avez quitté la terre, et vos funérailles ne sont pas encore faites ; votre cadavre est encore là ».
Alors son ami, le regardant avec un profond et douloureux soupir, s'écria : « Oh! qu'elles sont épouvantables ces
souffrances, puisqu'elles m'ont fait prendre quelques heures pour une année ! Merci, mon frère, de votre zèle à remplir le
devoir de la charité ; je vais au ciel bénir Dieu et le supplier de vous rendre ce que vous avez fait pour moi, afin que nous
soyons un jour réunis dans l'éternel bonheur, comme nous l'avons été aux jours de la peine et du combat. Merci donc, et
courage ! »

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Deuxième jour
Le feu du Purgatoire

Prélude : du sein de cet abîme ténébreux où les âmes. souffrent pour satisfaire aux exigences de la sainteté et de la justice
de Dieu, des jets de flammes noirâtres s'élancent vers le ciel et nous donnent une idée des horreurs de la fournaise qu'elles
embrasent.

Méditation

Imagine-toi, ô mon âme, les tourments indicibles de l'homme à qui un miracle de la Providence permettrait d'être dévoré
par les flammes d'une fournaise sans être consumé ! Et quelle différence entre notre feu de la terre et le feu du purgatoire
créé par Dieu dans le seul but de punir sévèrement les âmes coupables ! Bien plus, et c'est saint Thomas d'Aquin qui nous
fournit cette considération, le feu du purgatoire ne s'arrête pas, comme celui de la terre, au corps et aux parties matérielles
de l'être humain, il pénètre jusqu'à l'âme pour la brûler et la tourmenter d'un incendie dont les brûlures corporelles ne
sauraient nous donner qu'une faible image.

Ô mon Dieu, m'écrierai-je avec saint Bernard, il est donc vrai que toutes les fautes que je néglige maintenant, que j'excuse
avec tant de complaisance, que je me cache à moi-même, et que je néglige d'avouer au saint tribunal, il est donc vrai que
ces fautes seront punies rigoureusement pa le feu qu'un Dieu vengeur a allumé pour les consumer ! Ah ! Seigneur, donnez
maintenant de l'eau à ma tête et faites couler de mes yeux deux sources de larmes. Ce sera peut-être le moyen d'effacer
mes crimes, et le feu si ardent que je redoute n'aurait plus rien à brûler en moi !

Résolution : Faire plus d'attention aux fautes vénielles et aux imperfections que nous sommes si portés à atténuer.

Bouquet spirituel : C'est le mème feu qui tourmente les damnés dans l'enfer et les justes dans le purgatoire. (Saint
Thomas d'Aquin, Somme Théologique, in-4. dist. 21, qu. 3.)

Exemple
Un doigt dans le feu

Un saint religieux de la Congrégation des Oblats de Marie Immaculée, qui avait vécu long temps dans la compagnie
intime et sous la direction immédiate de monseigneur de Mazenod, avait retenu des leçons de son père spirituel une
pratique à laquelle il resta très fidèle jusqu'à ses derniers moments, celle de prendre souvent le feu du purgatoire comme
sujet de son oraison. Nommé directeur au grand séminaire de Marseille, le R. P. Albini ne cessait de prêcher aux jeunes
séminaristes cette utile pratique de sanctification.

Un jour, l'un de ses disciples les plus dévoués le vit tenir pendant un assez long espace de temps le doigt au-dessus de sa
lampe. La douleur lui arrachait de petits cris que le courageux Oblat faisait taire, en se disant naïvement à lui-même :
« Comment, malheureux, tu ne peux supporter le feu de la lampe, et tu veux pouvoir supporter le feu du purgatoire ! »

Le Père Albini est mort en odeur de sainteté, laissant à ses frères en religion les plus beaux et les plus touchants souvenirs
de son admirable fidélité à toutes les pratiques de la vie religieuse.

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Troisième jour
Encore de l'excès des peines du Purgatoire

Prélude : de nouveaux cris se font entendre du sein de ces abîmes. L'expiation continue, la justice de Dieu poursuit son
œuvre.

Méditation

Pour bien comprendre combien les peines du purgatoire sont excessives, il faut réfléchir aux deux considérations
suivantes : En premier lieu, Dieu veut que le pécheur par ce moyen satisfasse à sa justice pour tous ses péchés. Or, s'il est
vrai que, plutôt que de commettre un seul péché véniel, il vaudrait mieux endurer mille morts et qu'il vaut mieux ne pas le
commettre, quand même il s'agirait de sauver dix mille mondes et d'empêcher tous les maux imaginables, que sera-ce de
nous, qui savons les grandes et nombreuses fautes dont nous nous sommes rendus coupables vis-à-vis de la justice de
Dieu !

La seconde preuve que nous avons de l'extrême sévérité dont Dieu use envers les justes condamnés aux flammes du
purgatoire, c'est que le moment qui termine notre vie termine le temps de grâce et de mérite. Et ainsi, la miséricorde
faisant place à la justice d'un père irrité, il ne faut plus en attendre que des châtiments. « Le juge, disait le Sauveur, vous
fera mettre en prison et vous n'en sortirez point que vous n'ayez payé jusqu'à la dernière obole ».

O mon Dieu ! que vos châtiments sont terribles ! Quand je songe à cette rigueur de votre justice et que, d'un autre côté, je
me vois chargé des grandes dettes qui m'accablent, je tremble, et mon âme est saisie de frayeur ! Aidez-moi, Seigneur,
pendant qu'il est temps encore, et faites-moi profiter des jours de la miséricorde.

Résolution : Nous proposer quelquefois de satisfaire à la justice de Dieu en ce monde pour prévenir les expiations du
purgatoire, et recourir pour cela aux peines volontaires et aux indulgences.

Bouquet spirituel : « Vous n'en sortirez point que vous n'ayez payé jusqu'à la dernière obole ». (Matthieu 5, 26).

Exemple
Une vision du Purgatoire

Adélaïde de Rheinfelden, l'une des prieures d’Unterlinden, femme riche et d'illustre naissance, avait épousé Rodolphe,
noble et jeune chevalier. Deux enfants leur étaient nés, et les deux époux, inspirés par la foi d'en haut, s'étaient séparés
pour emmener avec eux dans leur cloître, l'un son fils, l'autre sa fille....

« Splendide colonne de sainteté, Adélaïde atteignit du premier coup le faite de la perfection ». Le Seigneur la comblait de
faveurs miraculeuses ; plusieurs fois il la communia lui-même, et le prodige de lumières extraordinaires accompagnait
cette participation eucharistique…

Un jour, elle vit apparaître, au milieu des flammes du purgatoire, Rodolphe, le père de ses deux enfants, fixant sur elle un
regard triste et suppliant. Elle redoubla donc de prières et de mortifications, et quelques jours après elle le revit, mais
rayonnant de lumières et de bonheur.

Enfin, à quelque temps de là, son ange la conduisit elle-même en purgatoire, lui donnant à contempler le spectacle d'une
innombrable quantité d'âmes en proie à d'atroces souffrances. Elle voyait chaque péché rencontrer sous ses yeux un
châtiment spécial, et qui se proportionnait avec intelligence à sa nature et à sa gravité ; car toute faute grave ou légère
veut être expiée ; ainsi l'exige la justice divine, et les tourments du purgatoire égalent en intensité ceux de l'enfer.

9
Quatrième jour
Privation de la vue de Dieu

Prélude : La porte du purgatoire a été ouverte : les captifs jettent un regard d'envie sur le ciel, qui apparaît dans le
lointain.

Méditation

Les âmes du purgatoire sont privées de la vue de Dieu ! La faiblesse de notre esprit et la froideur de notre cœur nous
empêchent ici-bas d'apprécier cette privation comme elle le mérite. Essayons cependant d'en avoir une idée affaiblie, en
nous livrant aux considérations que nous suggère la piété des saints docteurs.

Tous les biens de la terre ne sauraient être comparés au bonheur de voir Dieu, même un seul instant. Tous les maux de
cette terre d'exil ne sont rien, quand on les endurerait pendant des siècles, pour mériter le bonheur de voir Dieu. Voilà
deux principes que la foi nous suggère et dont les à mes délivrées des liens du corps ont expérimenté toute la vérité.

Quelle ne doit donc pas être l'affliction d'une âme qui, se trouvant dans un état où elle est capable de voir son Dieu, où
elle le verrait effectivement si ses péchés ne l'en empêchaient, et qui vit ainsi séparée de Dieu ? Quels sont ses regrets,
quelle est sa tristesse lorsqu'elle pense que c'est par sa faute qu'elle a perdu, sinon pour toujours, au moins pour un temps,
les biens du ciel ; lorsqu'elle songe que la possession de Dieu, dont elle est privée, est un bien sans comparaison plus
estimable que celle de tous les biens créés : lorsqu'elle voit clairement que, pour mériter de voir Dieu, elle aurait dû
souffrir de bon cœur tous les maux de cette vie !

Ces pensées occupent continuellement les âmes du purgatoire. Elles ne peuvent s'en défaire, pas même un moment. On a
beau leur suggérer d'autres pensées pour les consoler et les animer, rien ne peut leur ôter le souvenir de la vue de Dieu, et
diminuer le sentiment de cette privation.

Résolution : Se détacher du monde par la comparaison entre le ciel et la terre.

Bouquet spirituel : Que la terre me semble vile, quand je regarde le ciel ! (Saint Bernard).

Exemple
La haute montagne

Sainte Lidwine eut un jour une vision : devant elle s'élevait une haute montagne autour de laquelle circulaient une foule
d'âmes, les unes au pied, les autres plus haut ; toutes voulaient gravir la montagne, mais en vain : elles en étaient
repoussées par une main invisible ; c'était la main de Dieu qui leur apprenait qu'elles n'étaient pas encore assez pures pour
paraître en sa présence.

10
Cinquième jour
Les tourments de l'amour

Prélude : Le cœur des captifs du purgatoire est dévoré par des flammes ardentes dont la morsure ronge cruellement ceux
qu'elle atteint.

Méditation

« L'amour, a dit le Sage, est aussi fort que la mort et aussi dur que l'enfer. L'amour n'est que flammes. Des déluges d'eau,
des fleuves entiers ne sauraient l'éteindre ». Voilà bien les effets et l’énergie dévorante de l'amour divin, mème en cette
vie ; et l'âme n'est pas encore en état de s'unir parfaitement à son bien-aimé ! Il est vrai que bien peu sont en état de
comprendre et de sentir ces vérités.

Notre esprit, trop absorbé par les sens et enseveli dans les langes grossiers qu'ils lui présentent, perd aisément la pensée de
Dieu, pur et sublime esprit qui se révèle aux intelligences. Notre volonté, partagée en tant d'affections, occupée de tant de
désirs frivoles ou criminels, attachée par tant de liens terrestres, ne peut s'élever à Dieu que comme vers un bien inconnu,
dont la possession ne nous importe que faiblement.

Mais, pourtant, il y en a, il y a encore des âmes qui comprendront les tourments de l'amour dans les âmes du purgatoire.
« Donnez-moi un homme qui aime, s'écriait saint Augustin, et il comprendra ce que je dis ! »

Oui, les âmes du purgatoire, privées de leur souverain bonheur, ont un amour très ardent pour Dieu. N'étant plus
prisonnières de leur corps, rien ne les empêche plus de comprendre parfaitement tous les motifs qu'on peut avoir d'aimer
Dieu de toutes ses forces.

Se voyant donc dans un état où l'on est capable de le posséder et sentant qu'elles sont séparées de lui pour un temps de
durée semble infinie à l'impatience de leurs désirs, il est impossible que, l'aimant comme elles l'aiment, cette cruelle
séparation ne leur soit, non-seulement un purgatoire, mais une espèce d'enfer.

Résolution : Nous imposer quelque sacrifice dans les affections de notre cœur.

Bouquet spirituel : « L'amour n'est que feu et flammes ». (Cantique des cantiques 8, 6).

Exemple
Un jour de délai

Un jour que le Père Jean-Baptiste Sanchez, célèbre théologien de la Compagnie de Jésus, rendait compte au Père
Balthazar Alvarez, son supérieur, de l'état de son intérieur, il lui dit, entre autres choses, que, s'il y avait un seul jour en sa
vie dans lequel il fût assuré qu'il ne mourrait point, il en mourrait de douleur, parce qu'il brûlait d'un si grand désir d'être
avec Dieu et de le voir, qu’un jour de délai eût été capable de lui causer une tristesse mortelle. (Louis Dupont, Vie du P.
Alvarez, XVII).

11
Sixième jour
Les souvenirs de l'offense

Prélude : Une morne et insupportable tristesse s'est emparée des âmes captives. Leur mémoire est comme un aiguillon
perçant.

Méditation

Une autre considération accroît la douleur des âmes du purgatoire, c'est le motif de leur exclusion temporaire du ciel.
Elles savent que la seule cause de leur disgrâce est l'offense d'un Dieu digne d'un amour infini, d’un Dieu à qui elles
devaient une reconnaissance et des devoirs infinis, d'un Dieu qu'elles aiment par-dessus toutes choses, au milieu même de
leurs tourments.

Cette pensée doit être le plus cruel de leurs bourreaux. Il eût dépendu d'elles de ne pas s'éloigner de Dieu qui voulait les
recevoir immédiatement après la mort dans son paradis, si elles n'en eussent pas elle-mêmes fermé la porte !… « Où est
notre Dieu, se disent-elles, ce Dieu si aimable qui, maintenant irrité contre nous, se venge de notre ingratitude en nous
cachant son visage, en nous bannissant de sa présence, en nous tenant dans une prison horrible où nous brûlons du même
feu que nos ennemis dans l'enfer ! »

Ce qui augmente encore la douleur de ces reproches de la conscience, c'est quand on considère ces faux biens, les biens
passagers et souvent honteux qu'on a préférés aux biens purs, solides et éternels.

Faut-il donc que, pour un rien, ô mon âme, tu renonces à tant de degrés de gloire que tu perds sans espérance peut-être de
les regagner jamais ; tu t'exposes gaiement à gémir de longues années dans les flammes du purgatoire, tandis que tu
pourrais acquérir tant de droits à une gloire plus prompte ?

Résolution : Nous rappeler souvent les douleurs de l'attente dans le purgatoire pour nous animer dans la pratique de la
perfection.

Bouquet spirituel : « Vois comme il est dur et amer pour toi d'avoir abandonné le Seigneur, ton Dieu ». (Isaïe).

Exemple
Le tribut des défunts

Dans le couvent de Sainte Catherine, à Naples, on avait la pieuse habitude de terminer la journée par la récitation des
vêpres propres des morts, au dortoir. Or, il arriva une fois que les religieuses ayant passé toute la journée, jusqu'à la
dernière heure, occupées à un travail pressé, allèrent se reposer sans payer aux défunts leur tribut accoutumé.

Lorsqu'elles furent endormies, des anges, en même nombre que les religieuses parurent dans le dortoir et, s'étant placés
sur deux rangs, chantèrent avec une céleste mélodie l'office qu'elles avaient remis. Une des sœurs, qui seule veillait à cette
heure, la vénérable Paule de Sainte Thérèse, croyant entendre la psalmodie de ses sœurs, quitta vite sa cellule pour unir sa
voix à la leur.

Mais quel ne fut pas son étonnement lorsqu'elle vit ces esprits célestes psalmodiant les vêpres des morts, afin que les
âmes du purgatoire ne fussent pas privées des secours attachés à cet office !

La servante de Dieu sentit depuis lors sa charité s'accroître pour ces saintes âmes : et lorsqu'elle eut fait part à ses
compagnes de ce fait merveilleux, elles formèrent la résolution de ne jamais plus omettre par leur faute la récitation de cet
office. (Vie de la vénérable Paule).

12
Septième jour
La durée des peines

Prélude : Pénétrant dans les cachots de l'expiation, interrogeons les captifs sur la durée des peines qu'ils y endurent.

Méditation

Si les peines affreuses dont nous avons fait le sujet de nos méditations précédentes finissaient bientôt, il semble que la
pensée de ce terme les adoucirait un peu. Quelle est donc la durée de ces peines ?

Le cardinal Bellarmin, dont tout le monde connaît l'autorité en semblable matière, a écrit dans l'un de ses principaux
ouvrages : « Il est certain que les peines du purgatoire peuvent durer plus de dix et plus de vingt ans, j'ose même dire plus
de cent et plus de mille ». Le savant cardinal prouve son assertion par des révélations très dignes de foi, qui portent que
certaines âmes sont condamnées à brûler dans le purgatoire jusqu'au jour du jugement, et par plusieurs passages de
Tertullien et de saint Cyprien.

Pourquoi cette longue durée ? C'est, répond saint Augustin, qu'il convient que la longueur du châtiment soit proportionnée
au nombre des péchés. Les grands péchés, en effet, ne méritent pas seulement de grandes peines, mais des peines qui
durent longtemps.

Saint Bernard, préoccupé de cette pensée, s'écriait avec un inimitable accent de contrition : « Le nombre de mes péchés
surpasse celui des grains de sable qui sont dans la mer. Ils se sont tellement multipliés, que je ne mérite pas de lever les
yeux au ciel. Je suis assiégé d'une infinité de maux. Comment pourrai-je compter ce qui est innombrable ? Comment donc
payerai-je mes dettes, étant obligé de rendre jusqu'à la dernière obole ? Ô mon âme, toi qui bois l'iniquité comme l'eau,
écoute le conseil d'un grand saint : Si tu fais peu de cas des fautes légères quand tu les pèses, aies-en horreur quand tu les
comptes ».

Résolution : Se propose souvent d'éviter les péchés véniels.

Bouquet spirituel : « Vous ne sortirez point de prison que vous n'ayez payé jusqu'à la dernière obole ». (Matthieu 5, 26).

Exemple
Vingt ans au purgatoire

Un malade était en proie aux plus excessives souffrances et demandait à Dieu, avec larmes, la délivrance de ses maux ; un
ange lui apparut sur son lit de douleur et lui dit : « L'esprit de Dieu m'envoie vers vous pour vous donner le choix d'une
année encore de souffrance sur la terre, ou d'un seul jour dans le purgatoire ». Le malade ne balança pas. « Un seul jour
dans le purgatoire, dit-il, je verrai du moins un terme à mes douleurs ».

Il expira aussitôt ; et son âme fut introduite dans le purgatoire. Alors l'ange compatissant vint s'offrir à lui pour le
consoler. À cette vue, le malheureux pousse une clameur lamentable, semblable au rugissement de l'enfer, et s'écrie :
« Ange séducteur, vous m'avez trompé : vous m'avez assuré que je ne serais qu'un jour dans le purgatoire, et voilà déjà
vingt ans que j'y suis, livré aux plus affreux tourments ». - « Âme infortunée, lui répliqua l'ange, vous êtes dans l'erreur, la
rigueur de vos tourments vous en fait exagérer la durée et regarder comme un siècle ce qui n'est en effet qu'un instant ;
détrompez-vous ! À peine quelques minutes se sont-elles écoulées depuis votre trépas, et votre cadavre est encore plein de
chaleur sur votre lit de mort ». (Saint Antoine).

13
Huitième jour
La gloire de Dieu

Prélude : Représentons-nous Dieu sous la figure du bon Pasteur qui arrache sa brebis à la gueule du loup. Quelle joie
paternelle ! Quels transports d'amour !

Méditation

Une âme qui aime Dieu ardemment comprendra les motifs que cet amour de Dieu lui dicte afin de la pousser à avoir de la
charité et de la compassion pour les âmes du purgatoire. Dieu est si grand, si bon, si parfait, qu'il mérite tout l'amour et
tout l'honneur que ses créatures peuvent lui rendre.

C'est ce principe, qui ne s'enseigne pas, qui se sent et se devine lorsqu'on a le cœur pur et élevé au-dessus des choses de la
terre, c'est ce principe, dis-je, qui fait que les âmes vraiment éprises de l'amour de Dieu ne pensent qu'à procurer sa gloire.

Saint Ignace ne trouvait d'autre parole pour traduire les sentiments d'amour divin qui remplissaient son cour que la célèbre
devise de la sainte Compagnie : « Tout pour la plus grande gloire de Dieu ! » Laissons-nous pénétrer de cette pensée en
voyant combien Dieu est peu connu, peu aimé, peu honoré autour de nous, pensons avec bonheur qu'il est en notre
pouvoir de procurer sa gloire.

Il y a au purgatoire des âmes qui, lorsqu'elles en seront sorties, entreront au ciel, verront Dieu face à face comme les
autres bienheureux, l'aimeront de toutes leurs forces, ne cesseront point durant toute l'éternité de chanter ses louanges.

Hâtez-vous donc, ô âmes chrétiennes, vous toutes qui avez du zèle pour la gloire du Seigneur, hâtez-vous de témoigner ce
zèle d'une manière efficace en vous intéressant de tout votre cour à la délivrance des âmes qui souffrent dans le purgatoire
et qui désirent en sortir pour glorifier le Seigneur votre Dieu dans de perpétuelles éternités !

Résolution : Nous nous ranimerons quelquefois dans la dévotion aux âmes du purgatoire par la pensée de la gloire de
Dieu.

Bouquet spirituel : « Seigneur, délivrez de la prison et mettez en liberté toutes les âmes des fidèles défunts, afin qu'étant
délivrées, elles glorifient votre nom ». (Ps. 141, 8).

Exemple
Les demandes du saint Enfant Jésus

On connaît les rapports intimes et familiers de la vénérable Marguerite de Beaune avec le divin Enfant Jésus, et toutes les
faveurs qu'elle en obtenait. Quelquefois, c'était le saint Enfant Jésus lui-même qui pressait Marguerite de prier pour des
âmes dont il lui révélait les besoins.

Ainsi l'état déplorable d'un grand prince lui fut montré quatre mois avant qu'il mourût. Le saint Enfant lui annonça le jour
et l'heure de sa mort, et voulut qu'elle se trouvât en esprit près de lui pour l'assister en son heure dernière.

Marguerite communiqua cet avertissement à la prieure, à qui elle raconta également plus tard tous les détails de la mort de
son protégé, détails qui furent confirmés de point en point. On ne saurait dire ce que ce pécheur endurci lui coûta de
larmes et de tourments.

Son purgatoire fut terrible, épouvantable, « Il y souffrait, dit Marguerite, des tourments qui ne sauraient s'exprimer, et il
avait son esprit plongé dans une si grande obscurité, qu'il ne savait s'il était en purgatoire ou en enſer ». Marguerite ne
suspendit ni ses prières ni ses pénitences, jusqu'à ce que l'âme de ce prince, ayant été délivrée par l'effet de ses prières et
des suffrages de l’Église, vint remercier sa protectrice.

14
Neuvième jour
L'action de grâces

Prélude : Représentons-nous les saints dans le ciel occupés à offrir sans relâche à Dieu leurs actions de grâces et leurs
louanges.

Méditation

La reconnaissance est le premier de nos devoirs envers Dieu. Considérons en effet ce que nous avons reçu de Dieu et les
biens infinis que nous en recevons chaque jour. Peut-on imaginer des biens d'une nature plus élevée que ceux de l'ordre de
la grâce ? Ils nous élèvent au-dessus de notre propre nature pour nous rendre participants de la nature même de Dieu.

Peut-on compter tous les biens que le Seigneur nous prodigue dans l'ordre de la nature ? C'est pourtant un Dieu d'une
majesté infinie, qui nous les donne sans que nous puissions arguer de notre mérite et nous les attribuer. Il nous les donne
avec un amour et une miséricorde admirables, dans un but de merveilleuse utilité pour nous.

Les âmes chrétiennes qui veulent songer sérieusement à toutes ces choses n'ont pas de peine à comprendre qu'elles sont
obligées de rendre au Seigneur d'éternelles actions de grâces. Or, quelle meilleure action de grâces que celle que les
bienheureux lui pourront rendre pour nous dans le ciel ?

Tâchons donc de délivrer le plus d'âmes que nous pourrons des flammes du purgatoire, afin que, étant dans le ciel, elles
ne cessent jamais de louer, de bénir, d'exalter ce Dieu infiniment libéral, ce souverain bienfaiteur qui nous comble de ses
biens.

Quels remerciements pourraient lui agréer davantage que ceux que lui offriront des âmes glorieuses et immortelles pour
des créatures villes et mortelles ?

Résolution : S'exciter souvent à de grands sentiments d'actions de grâces pour les bienfaits de Dieu, et recourir ensuite à
la dévotion aux âmes du purgatoire pour nous acquitter envers cette majesté souveraine.

Bouquet spirituel : « Soyons toujours dans l'action de grâces ». (Epîtres de saint Paul).

Exemple
Vision de sainte Madeleine de Pazzi

Un jour qu'elle priait devant le très Saint Sacrement, elle vit sortir de terre l'âme d'une de ses sœurs, captive dans les
prisons du purgatoire ; elle était couverte d'un manteau de feu qui cachait une robe d'une éblouissante blancheur, et elle
demeura une heure entière au pied de l'autel, adorant, dans un anéantissement impossible à dire, le Dieu caché sous les
espèces eucharistiques.

Madeleine ayant désiré savoir tout ce que cela signifiait, Dieu lui fit connaître que cette à me avait été condamnée à venir
faire chaque jour une heure d'adoration, sous un manteau de feu, pour la punir d'avoir souvent perdu des communions par
sa faute, et que cette robe, d'une blancheur si vive, était une parure que lui avait value sa virginité et dont la vue lui
donnait une grande consolation.

Cette heure d'adoration que Madeleine lui voyait faire étant la dernière de sa pénitence, elle la vit, à l'expiration, prendre
son vol vers le ciel.

15
Dixième jour
Réparation

Prélude : Autour du trône de l’Agneau immolé, les bienheureux offrent leurs prières et leurs mérites en expiation des
péchés qui offensent la majesté souveraine de Dieu.

Méditation

Jamais, à une époque, le besoin de la réparation n'a été plus grand et plus vif qu'au siècle où nous vivons. Les monastères
se peuplent de victimes volontaires, la dévotion au Sacré Cœur a pris des développements nouveaux, et partout, dans le
cloître comme dans le monde, les âmes pieuses sentent que Dieu demande d'elles surtout l'expiation.

Obéissons à cette tendance inspirée par l'Esprit de Dieu à son Eglise, d'autant plus volontiers que nous reconnaissons
combien nous avons nous-mêmes grand besoin d'expier pour notre propre compte.

Nous avons commis beaucoup de péchés ; nous avons souvent offensé, méprisé, outragé un Dieu d'une majesté, d'une
bonté, d'une libéralité infinies. Il est donc juste que nous fassions tout ce que nous pouvons pour lui rendre ce que nous lui
avons ôté, pour réparer l'injure que nous lui avons faite et pour effacer les taches d'une ingratitude aussi honteuse que la
nôtre. Or, le meilleur moyen de nous acquitter en vers Dieu de ce devoir, c'est de procurer la délivrance de plusieurs âmes
qui puissent le louer dans la gloire.

En effet, nous expierons par ce moyen toutes nos offenses, puis- que, en ouvrant à ces âmes les portes du ciel, nous
rendons par elles à Dieu les mêmes honneurs que lui rendent les esprits célestes. Nous le bénissons, nous le glorifions,
nous le remercions avec elles, ou plutôt nous les substituons en notre lieu et place pour le bénir, le glorifier et le remercier.
Quelle heureuse substitution, et qui ne voudrait en profiter !

Résolution : Ajouter quelque prière ou quelque œuvre de piété, en faveur des âmes du purgatoire, à notre pénitence
sacramentelle.

Bouquet spirituel : « Faites-vous des amis dans le ciel ». (Matthieu 16, 19).

Exemple
Les Trésors

La bienheureuse Marie de Quito vit en esprit, sur une grande place, une table couverte d'or, d'argent, de diamants, de
perles et de toutes sortes de pierres précieuses ; elle entendit en même temps une voix qui criait : « Ce trésor est à la
disposition de tout le monde ; que ceux qui en veulent en prennent pour s'en servir ! »

C'était l'image de l'immense trésor des indulgences, ouvert tous les jours par l’Église à l'avantage des fidèles. Si nous
voulons donc en profiter pour nous ou pour les autres, cherchons à gagner des indulgences, et ne négligeons pas d'en
appliquer aux âmes du purgatoire, à qui elles sont si utiles, et qui les attendent avec tant d'impatience de notre charité. ( In
vita B. Maria de Quito).

16
Onzième jour
« C'est pour moi que vous l'avez fait »

Prélude : Notre Seigneur lui-même nous invite à intercéder pour les âmes du purgatoire. Écoutons-le avec respect, et,
après l'avoir contemplé quelques instants avec amour, réfléchissons à l'un des plus puissants motifs qui doivent nous
exciter à la dévotion envers les défunts.

Méditation

Les motifs que nous avons déjà médités ces jours derniers ont dû très vivement impressionner notre âme, si elle est
chrétienne et si elle a la foi. Aujourd'hui nous méditerons un motif nouveau qui, s'il nous laisse froids et insensibles, nous
prouvera que nous ne méritons pas même le nom de chrétiens, et que nous n'avons pas un brin de foi.

Dieu, dont la grandeur est immense, dont la bonté et la libéralité sont infinies, Dieu, que nous avons tant offensé et qui
nous a obligés par mille motifs de lui rendre tous les devoirs imaginables, Dieu, dis-je, a daigné par un prodige
inconcevable, recevoir tout le bien que nous faisons aux hommes comme fait à lui-même. Son Fils nous en a donné
l'assurance, quand il dit en termes formels : « Tout ce que vous avez fait pour le moindre de mes frères, c'est pour moi que
vous l'avez fait ! »

C'est comme s'il disait : Toutes les œuvres de miséricorde que vous avez exercées envers mes frères m'ont été aussi
agréables que si vous les aviez exercées envers moi-même. Je ne vous suis pas moins obligé du secours que vous avez
donné à l'âme de l'un de mes frères, que si vous aviez tiré une âme du purgatoire et que vous l'eussiez mise dans le ciel !
Comment donc négligerions-nous de faire une chose qui plaît si fort au Fils de Dieu ? Pouvons-nous imaginer un motif
plus fort pour nous déterminer ?

Résolution : Nous rappeler quelquefois que Notre-Seigneur considère comme rendus à lui-même les services que nous
rendons aux âmes du Purgatoire.

Bouquet spirituel : « C'est pour moi que vous l'avez fait ». (Matthieu 30, 40).

Exemple
Marie des Anges

On vient de publier une vie très édifiante de Marie des Anges, Carmélite béatifiée par S. S. Pie IX. En voici quelques
extraits : On peut affirmer que la bienheureuse eut pour les âmes du purgatoire une charité et un dévouement héroïques.
Deux causes concouraient à lui donner ces sentiments.
C'était, d'abord, son amour pour Dieu. Rien n'est cher à Dieu comme ces âmes que les flammes du purgatoire achèvent de
purifier. Marie des Anges ne l'ignorait pas. Autant, par conséquent, était vif son amour pour le divin Maître, autant l'était
son désir de délivrer des âmes qu'elle savait être si tendrement chéries de lui.
C'était ensuite sa charité envers le prochain. Une lumière surnaturelle lui avait manifesté le triste état de ces âmes et leurs
ineffables tourments. Cette connaissance avait vivement excité sa compassion en leur faveur, et la poussait à tout faire
pour obtenir leur délivrance. Prières, jeunes, pénitences, elle n'épargnait rien pour arriver à un but si chrétien, et, ce qu'elle
faisait, elle tâchait encore de l'inspirer à ses sœurs et aux personnes séculières.
Comme il n'y a pas d'œuvre sainte qui soit plus utile aux âmes du purgatoire que le sacrifice de la Messe, Marie des Anges
prenait soin de le faire offrir souvent pour leur repos. On la voyait tendre la main au riche dans ce but, et se livrer à des
travaux pieux. Lorsqu'elle exerçait la charge de prieure, elle s'occupait à confectionner des linges d'autels et des
ornements qu'elle en voyait à quelque prêtre ou à quelque église, en demandant pour unique payement que l'on célébrât
des messes à l'intention des pauvres âmes. Elle inspirait ces généreux sentiments à ses sœurs, et les portait à s'occuper des
mêmes travaux.
Pendant un de ces prieurats, elle priait, une nuit, pour les âmes du Purgatoire; elle céda à un élan de ferveur et promit de
faire célébrer tous les mois cinq messes à leur intention, tant que durerait sa Charge. Le matin, elle communique sa
promesse aux clavières, qui lui firent observer que son désir ne pouvait être accompli, vu la pauvreté extrême de la
maison. Dieu vint alors au secours de la généreuse prieure d'une manière merveilleuse. Dans le courant de la journée, un
inconnu vint la trouver. Il lui dit que son habitude était de faire célébrer un grand nombre de messes, et qu'il s'était senti
inspiré de lui offrir une aumône, afin qu'elle en fit célébrer cinq tous les mois, lui laissant d'ailleurs toute liberté quant à
l'application du sacrifice.

17
Douzième jour
La plus grande des œuvres de miséricorde

Prélude : Transportons-nous au jugement et entendons le juste Juge dire aux élus : « Venez, les bénis de mon Père,
prendre possession du royaume qui vous a été préparé dès la naissance du monde : J'ai eu faim, et vous m'avez donné à
manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais étranger, et vous m'avez logé ; j'étais nu, et vous m'avez donné
des habits ; j'étais malade, et vous m'avez visité ; j'étais prisonnier, et vous êtes venu me voir ».

Méditation

La charité envers les âmes du purgatoire comprend à elle seule toutes les œuvres de miséricorde qui viennent d'être
énumérées et les surpasse grandement en mérite.

En effet, le chrétien qui délivre une âme du purgatoire et qui lui ouvre le ciel lui donne, non pas les miettes de sa table,
mais le pain des anges, avec toutes les délices du paradis, dont elle est si affamée qu'il n'y a point de tourment comparable
à cette peine.

Il lui donne, non pas un verre d'eau, mais la source toute entière de cette eau qui rejaillit jusque dans la vie éternelle ; de
cette eau dont elle a une soif telle, qu'elle brûle jour et nuit, sans pouvoir se procurer le moindre rafraîchissement.

Il ne la loge pas chez lui comme on loge un étranger qui passe, mais il l'introduit dans cette demeure éternelle, dans ce
bienheureux séjour après lequel elle soupire et dont l'entrée lui fut fermée dès le moment de la création.

Il la revêt, non pas d'un habit que le temps consume, mais de la robe d'immortalité qui la défendra éternellement du froid
et de la chaleur.

Il la visite pour l'assister, non pas dans un léger accès de fièvre, mais dans l'ardeur de ces flamines impitoyables qui la
tourmentent sans lui donner de repos.

Enfin, il descend dans sa prison pour rompre ses chaînes et la mettre dans la glorieuse liberté des enfants de Dieu.

Résolution : Offrir quelques satisfactions dans la journée en faveur de l'âme la plus souffrante dans le purgatoire.

Bouquet spirituel : « Venez, les bénis de mon Père ». (Saint Matthieu 25, 34).

Exemple
Réprimande de saint Augustin

Saint Augustin reprend fortement la témérité d'un écrivain de son temps qui disait qu'il ne fallait pas craindre le
purgatoire, puisque les tourments qu'on y souffre ne doivent pas durer toujours. « Peu importe, disait-il, le temps que je
passerai dans ce lieu, pourvu qu'à la fin je sois introduit au ciel ». Saint Augustin répond à cela : « Que personne ne parle
ainsi, car le feu de l'expiation sera plus affreux qu'aucune souffrance de ce monde, quelque dure que nous l'imaginions ».
(Sermo VI, de Sanctis).

18
Treizième jour
Accroissement de mérites

Prélude : Représentons-nous dans le Ciel les âmes délivrées du purgatoire, formant la couronne de leurs libérateurs.

Méditation

La théologie nous enseigne que Dieu accorde trois sortes de récompenses aux bonnes œuvres des justes : le mérite,
l'impétration ſou obtention d'une grâce) et la satisfaction. Or, dit le Père Faber, la plus grande des trois est le mérite, car le
mérite nous rend plus agréables à Dieu, il resserre les liens de notre amitié avec lui, il nous attire des grâces plus
abondantes et nous fait acquérir ainsi de nouveaux droits à la gloire éternelle.

Il est donc évident que, si un homme parvient à échanger les satisfactions, prix de ses bonnes œuvres, contre autant de
mérite, il mourra indépendant des mérites qu'il avait déjà acquis, et, supérieur à ces mérites, il arrive à gagner beaucoup à
cet échange.

Raisonnant d'après ce principe, ajoute l'illustre historien, nous verrons que la gloire des bienheureux est sans contredit un
bien beaucoup plus réel, beaucoup plus grand que les souffrances du purgatoire ne seront un mal.

Par conséquent, un droit à une augmentation de gloire vaut mieux qu'un droit à une diminution de peine. Or, celui qui
offre les satisfactions de ses bonnes œuvres et les indulgences qu'il a gagnées pour les âmes du purgatoire fait absolument
l'échange dont nous avons parlé : il convertit ses satisfactions en mérite, il assure davantage ses droits à l'héritage éternel.

Or, le salut éternel est un si grand bien, qu'afin d'en avoir quelque assurance, il n'y a point de tourment dans le purgatoire
qu'on ne dût souffrir avec joie. D'ailleurs, tant s'en faut que le purgatoire soit plus long et plus rude à ceux qui nt aux
morts tout le fruit de leurs bonnes œuvres, que c'est au contraire un moyen d'aller droit au ciel, comme nous l'allons voir
dans l'exemple suivant.

Résolution : Adopter la pratique d'offrir à Dieu le fruit satisfactoire de ses bonnes œuvres en faveur des âmes du
purgatoire.

Bouquet spirituel : « On ne saurait avoir une plus grande charité que de donner sa vie pour celui qu'on aime. (Evangile
selon saint Jean).

Exemple
Rémission complète

Denis le Chartreux rapporte que sainte Gertrude, entre autres pratiques de piété, avait coutume d'offtir à Notre Seigneur
toutes ses mortifications et ses pénitences pour les âmes du purgatoire. Étant donc proche de la mort, et d'une part,
considérant, comme tous les saints, avec beaucoup de douleur, le grand nombre de ses péchés, de l'autre, se ressouvenant
que toutes ses œuvres satisfactoires avaient été employées à l'expiation des péchés d'autrui et non pas des siens, elle
commença à s'affliger et à craindre qu'ayant tout donné aux autres et ne s'étant rien réservé, son âme, au sortir du corps,
ne fût condamnée à d'horribles peines. Dans le fort de son inquiétude, le Sauveur lui apparut et la consola, en lui disant :
« Pour vous montrer combien j'ai agréé votre charité à l'égard des morts, dès maintenant je vous remets toute la peine que
vous auriez à souffrir en l'autre vie ; et comme je rends cent pour un, je vous donnerai des marques insignes de vos
libéralités et vous comblerai de gloire ».(Montfort, De la charité envers les âmes du purgatoire, IX, 9).

19
Quatorzième
La reconnaissance des âmes délivrées

Prélude : Représentons-nous la joie d'une âme sortant des prisons du purgatoire. Les cieux s'ouvrent devant elle, les
anges et les saints l'accueillent avec une joie fraternelle, le Cœur de Jésus s'incline doucement vers cette nouvelle recrue
de la Jérusalem céleste. Le nouveau bienheureux abaisse aussitôt ses regards vers l'âme aux satisfactions de laquelle il
doit sa délivrance et son bonheur.

Méditation

Une âme à laquelle nous aurions le bonheur d'ouvrir les portes du purgatoire contracterait envers nous une obligation
toute particulière, d'abord à cause de la gloire dont nous avons hâté l'heure pour elle, ensuite à cause des terribles
souffrances auxquelles nous l'avons arrachée.

Aussi considère-t-elle comme un devoir d'obtenir sans cesse, pour ses bienfaiteurs, les grâces et les bénédictions de Dieu.
Elle sent combien est grand et infini le service qui lui a été rendu, et comme les bienheureux sont essentiellement
reconnaissants, elle s'efforce de montrer gratitude proportionnée au bonheur dont elle jouit.

Mais, en pareil cas, nous n'avons pas seulement droit à l'amitié des âmes que nous avons délivrées, nous obtenons, en
outre, l'amour de leurs anges gardiens et des saints pour lesquels ces âmes avaient une dévotion spéciale.

Bien plus, nous devenons par là, en même temps, plus chers au sacré Cœur de Jésus, à cause du plaisir qu'il ressent de la
délivrance de son épouse chérie et de son entrée dans la joie du ciel.

Résolution : Prier quelquefois, avec une confiance spéciale, les âmes dont nos satisfactions précédentes auraient pu hâter
la délivrance et l'entrée du ciel.

Bouquet spirituel : « Vous en userez envers moi comme j'en ai usé envers vous : vous aurez pour moi la même bonté que
j'ai eue pour vous ». (Genèse 21, 23).

Exemple
Générosité de la Bienheureuse Marie des Anges

Marie des Anges poussait sa charité envers les âmes du purgatoire jusqu'à offrir de payer pour elles. Une année, la veille
de la Nativité de la sainte Vierge, elle exprima à ses sœurs le désir que toutes jeûnassent avec elle au pain et à l'eau pour le
repos des pauvres défunts. Les religieuses avaient accédé de grand cœur à ce désir, mais leur confesseur les empêcha de
suivre leur ferveur. Or, il arriva que la bienheureuse fut aussitôt prise d'un accès de fièvre violente, qui la mit toute la
journée dans l'état le plus douloureux. Le lendemain, un grand nombre d'âmes lui apparurent, s'envolant vers les cieux et
la remerciant.

20
Quinzième jour
Un représentant auprès de Dieu

Prélude : Représentons-nous les bienheureux louant Dieu dans le ciel.

Méditation

Voici encore un autre fruit de la dévotion aux âmes du Purgatoire. Écoutons le Père Faber nous le développer.

C'est un grand bonheur, dit-il, de posséder dans les cieux quelqu'un qui, grâce à nous et par nous, aime, loue et glorifie
Dieu. Quiconque a pour Dieu un amour tendre et fervent ne cesse point de faire tous ses efforts pour que la majesté divine
soit exaltée et glorifiée. Toutefois, au milieu des misères et des péchés de cette vie, il ne nous est point permis de rendre à
cette adorable majesté les honneurs et le culte que les bienheureux lui rendent dans le ciel.

Oh ! alors, quelle joie et quelle consolation pour nous de penser que d'autres, arrachés par nos prières aux flammes du
purgatoire, remplissent pour nous ce sublime devoir, et que, tandis que nous languissons sur cette terre, ils ont déjà
entonné dans le ciel le cantique des louanges éternelles !

Certes, il ne peut y avoir d'âme assez heureuse pour parvenir au purgatoire, qui ne soit plus sainte que la nôtre et plus
propre à glorifier Dieu. Et, s'il en est ainsi, nous avons donc placé dans les cieux une âme qui procurera à Dieu une gloire
plus grande que nous ne saurions le faire, si nous y étions nous-mêmes.

Ô délicieuse pensée ! Ô précieuse consolation ! tandis que nous nous occupons à manger, à boire, à dormir, à travailler sur
la terre, il y a dans le ciel une âme, ou plutôt, j'aime à le croire, des âmes dont nous avons hâté le bonheur, et qui, sans
interrompre un moment leur ineffable cantique d'amour, adorent, glorifient sans cesse la majesté et la bonté du Très-Haut.

Résolution : Nous renouveler dans notre dévotion aux âmes du purgatoire, afin de témoigner à Dieu notre amour.

Bouquet spirituel : Il y en a qui donnent ce qui est à eux et deviennent plus riches » (Proverbes 15, 24).

Exemple
Sainte Marguerite-Marie

On lit dans la vie de la Sainte Marguerite-Marie Alacoque, placée sur les autels par Pie IX, le trait suivant : La mère
Greffier a rapporté un fait qui mérite d'avoir place ici, puisqu'il regarde une personne à laquelle l'ordre entier de la
Visitation s'intéresse particulièrement ; c'est la mère Philiberte Emmanuel de Montovi, supérieure d'Annecy, dont la
mémoire est en vénération, et dont la sainte vie a été un sujet d'édification pour tout l'institut. Elle mourut dans le temps
de la supériorité de la mère Greffier, le 5 février de l'an 1583, et fut recommandée particulièrement par elle aux prières de
sœur Marguerite. Au bout de quelque temps, elle dit à sa supérieure que Notre Seigneur lui avait fait connaître que cette
âme lui était fort chère à cause de son amour et de sa fidélité à son service ; qu'il lui gardait une ample récompense dans le
ciel, après qu'elle aurait achevé de se purifier dans le purgatoire. Il la lui montra en effet dans ce lieu, y recevant dans ses
peines de grands soulagements par l'application des suffrages et des bonnes œuvres qui étaient offerts tous les jours pour
elle dans tout l'ordre de la Visitation. La nuit du jeudi saint au vendredi, sœur Marguerite priant encore pour cette sainte
supérieure, Notre-Seigneur la lui fit voir comme étant placée sous le calice qui contenait l'hostie sacrée, y recevant part
aux mérites de son agonie au jardin des Oliviers. Le jour de Pâques, qui cette année tombait au 18 avril, elle la vit comme
dans un commencement de félicité, désirant et espérant bientôt la vue et la possession de Dieu. Enfin, le dimanche du Bon
Pasteur, elle la vit comme se perdant et s'abîmant doucement dans la gloire, et chantant mélodieusement le cantique favori
de la servante de Dieu: L'amour triomphe, l'amour jouit, l'amour en Dieu se réjouit. Ainsi, cette sainte et fervente
supérieure, animée du plus pur esprit de l'institut, étant morte en réputation de sainteté le cinquième du mois de février,
n'en- tra dans la jouissance de la gloire que le premier mai, selon qu'il fut révélé à sainte Marguerite, et Dieu, pour la
purifier, différa son bonheur de quatre-vingt-six jours.

21
Seizième jour
Joie de l’Église

Prélude : Représentons-nous l'accueil joyeux que la cour céleste toute entière fait à une âme qui vient d'être délivrée des
flammes du purgatoire.

Méditation

Par notre généreuse dévotion aux âmes des défunts, nous réjouissons et l’Église militante et l’Église triomphante. Grande
est la fête dans le ciel, quand un élu vient grossir le nombre des habitants de la Jérusalem céleste ; car, si les saints voient
avec un transport de joie la pénitence d'un pécheur qui peut néanmoins retomber dans son crime, quel doit être ce bonheur
quand ils reçoivent parmi eux un nouveau compagnon qui ne peut plus offenser Dieu !

Son ange gardien se réjouit aussi et reçoit mille félicitations des esprits bienheureux pour le succès avec lequel il a rempli
ses fonctions tutélaires. Enfin, la joie se répand parmi les saints pour lesquels l'âme du nouvel élu avait une dévotion
spéciale, parmi ses parents et ses amis dont il va rejoindre les chœurs bienheureux.

Marie se réjouit aussi du succès de ses prières multipliées, tandis que Jésus recueille avec amour et bonheur la moisson
qu'il a arrosée de son précieux sang. L'Esprit-Saint daigne se réjouir du triomphe de ses dons et de ses inspirations, et le
Père éternel se complaît dans la perfection où est parvenue la créature de son choix qu'il a supportée si longtemps avec
tant de complaisance.

L’Église militante a aussi sa part de joie : elle a trouvé un nouvel avocat. Les parents, les amis, la famille de cette âme à
jamais bienheureuse, la communauté, la nation à laquelle elle appartient, tous ont lieu de se réjouir de son triomphe. Oui,
tous les prédestinés ont trouvé une source de joie ineffable quand une autre créature entre dans la joie de son Créateur.

Résolution : Réjouissons-nous intérieurement en union avec l’Église, de la délivrance des âmes qui entreront aujourd'hui
dans le ciel.

Bouquet spirituel : « Je vous le dis en vérité, il y aura une grande joie au Ciel ». (Evangile selon saint Luc 15, 7).

Exemple
Sainte Françoise Romaine

Sainte Françoise, dame romaine, eut plusieurs visions dans les- quelles Dieu lui montra la joie des anges et des saints, et
les souffrances des âmes du purgatoire. Elle raconte qu'elle fut témoin du passage des âmes à la gloire éternelle et de ce
qui arrive quand elles sont conduites à la place qu'elles ont méritée dans le ciel. Dans les chœurs où elles passent, tous les
anges qui les composent manifestent leur joie et chantent leur triomphe ; mais la joie la plus grande est celle du chœur où
cette âme doit être placée. Là, on rend de ferventes actions de grâces et on exalte les louanges du Dieu tout-puissant. Cette
fête s'y prolonge aussi plus longtemps que dans les autres chœurs. Quand cette sainte voulait exprimer à son père spirituel
toute la joie des anges pour l'arrivée d'une âme dans la patrie, elle croyait entendre le céleste concert des esprits et des
âmes bienheureuses chantant avec une suavité, une mélodie, un transport qu'aucune langue humaine ne saurait exprimer,
les louanges du Créateur et les magnifiques transformations de son amour ; et alors son visage s'enflammait ou plutôt
semblait fondre comme la cire devant un feu ardent. Un jour son père spirituel lui demanda, au nom de la sainte
obéissance quels étaient les plus parfaits des anges et des âmes qu'elle voyait dans ses visions. Elle répondit que les plus
parfaits dans la gloire étaient les esprits humains, parce qu'ils sont plus susceptibles d'acquérir des mérites. Cependant,
ajouta-t-elle, les esprits angéliques sont plus purs et plus beaux, et ils ont une intelligence plus grande des choses divines ;
leurs chants sont plus sonores ; ils louent et bénissent Dieu avec une mélodie plus harmonieuse ; mais les chants de la
Reine du ciel dépassent de beaucoup toutes les mélodies des esprits humains et angéliques. À la vue de la gloire qui
environnait l'âme des saints, la bienheureuse se méprisait d'habiter une chair mortelle et d'avoir une intelligence si peu
pénétrante. Car, quand elle se considérait dans le miroir divin, elle s'étonnait de ne pouvoir comprendre la profondeur de
la divinité, tandis qu'elle était frappée d'admiration en considérant l'activité et la pénétration des esprits séraphiques pour
sonder les profondeurs de l'abîme divin. Quelle admirable puissance que celle qui a su créer et qui gouverne ces
intelligences sublimes !

22
Dix-septième jour
Les prières des âmes du Purgatoire

Prélude : Transportons-nous dans le purgatoire : au milieu de leurs tourments, les âmes ne cessent d'y remplir le devoir
de la prière.

Méditation

Le cardinal Bellarmin fait observer qu'il est croyable que les âmes du purgatoire prient et obtiennent des grâces pour nous,
puisque dans l'enfer le mauvais riche priait pour ses frères, quoiqu'il souffrit beaucoup plus qu'on ne souffre dans le
purgatoire.

Et Suarez, qui loue cette opinion comme pieuse et probable, la confirme par ces paroles : « Les âmes peuvent prier pour
ceux qui demandent instamment à Dieu leur délivrance et qui tâchent de l'obtenir par des saintes. Car leurs prières ne
peuvent qu'être utiles à ces personnes qu'elles ne connaissent pas, mais que Dieu connaît. Rien n'empêche donc qu'elles ne
prient Dieu de les assister dans le besoin, de leur pardonner leurs offenses, de les préserver des tentations, etc ».

C'est encore là une nouvelle raison pour croire que nos bonnes œuvres, appliquées aux morts, ont plus de force pour nous
attirer de grands dons du Ciel. Car, bien que les morts ne sachent pas en particulier qui nous sommes, ni de quoi nous
avons besoin, ils peuvent toujours recommander à Dieu leurs bienfaiteurs et le supplier de leur donner ce qu'ils souhaitent
pour sa gloire et pour leur salut.

« C'est, en effet, dit Suarez, un devoir de charité et de gratitude. Pourquoi donc refuseraient-ils de s'en acquitter ?

Nous avons donc là, conclut le même Docteur, un sujet pieux et solide de faire du bien aux âmes du purgatoire, afin que
nous ayons plus de part à leurs prières ».

Résolution : Avoir confiance dans l'intercession des âmes du purgatoire.

Bouquet spirituel : « Faites-vous des trésors dans le ciel ». (Evangile selon saint Matthieu, 6, 20).

Exemple

Un auteur, recommandable par sa piété et par son savoir, raconte que, toutes les fois qu'il voulait obtenir du Ciel quelques
grâces particulières, il avait coutume de recommander à Dieu les âmes des morts ; et il assure que par ce moyen il
obtenait pour lui et pour d'autres tout ce qu'il voulait. (Le P. Alexis de Salo. 2 e part., 1).

23
Dix-huitième jour
L'exemption du Purgatoire

Prélude : Représentons-nous les tourments du purgatoire et tâchons d'en concevoir une grande terreur pour nous exciter à
la dévotion envers les âmes qui y souffrent.

Méditation

En offrant nos bonnes œuvres et nos satisfactions pour les défunts, nous devons avoir une espérance certaine que nous
serons exempts des peines du purgatoire, ou que, si nous y sommes condamnés, nous en seons bientôt délivrés.

Cette espérance se fonde : 1° sur les textes de l'Ancien et du Nouveau Testament, par lesquels il est affirmé que « la
charité cache les péchés, qu'elle en cache une grande multitude, qu'elle les cache même tous » ; que « l'aumône délivre de
tout péché et de la mort, et ne permet pas que l'âme descende dans les ténèbres » ; que celui « qui considère attentivement
les nécessités du pauvre est bien heureux, car le Seigneur le délivrera au mauvais jour » ; qu'on « nous traitera nous
aurons traité les autres » ; les miséricordieux sont heureux, parce qu'il leur sera fait miséricorde » ; que, si nous donnons
aux autres, « on nous donnera à nous-mêmes une mesure bonne, pressée et surabondante », etc.

D'ailleurs, comme nous l'avons déjà vu plusieurs fois dans le cours de ces exercices, les âmes que nous aurons délivrées
sont auprès de Dieu des patrons et des défenseurs qui, nous voyant dans la nécessité d'où nous les avons tirées, viendront
nous assister à la mort et ne manqueront pas de faire valoir les bons offices que nous avons à cette heure le pouvoir de
leur rendre.

Résolution : Nous entretenir dans une grande crainte des peines du purgatoire.

Bouquet spirituel : « Donnez et on vous donnera une mesure bonne, pressée et surabondante ». (Evangile selon saint
Luc, 6, 38).

Exemple
Bel exemple de générosité

Dans ces derniers temps, l'archiduchesse Sophie, mère de l'empereur d'Autriche, a donné un bel et bon exemple de charité
chrétienne. Lorsqu'on annonça à cette princesse l'exécution à mort de Lebenyi qui, comme on le suit, avait attenté à la vie
du jeune et chevaleresque empereur François-Joseph et l'avait grièvement blessé, elle dit : « Dans ce vaste empire
quelqu'un pensera-t-il à prier pour l'âme de ce malheureux ? Eh bien ! je veux prendre sur moi ce devoir que prescrit notre
sainte religion ; j'oublie qu'il m'a causé la plus grande douleur qui puisse atteindre le cœur d'une mère inquiète pour la vie
de son fils, et, comme chrétienne, j'ai résolu de faire célébrer, à dater d'aujourd'hui, des messes anniversaires pour l'âme
de ce malheureux ». (Journal du Peuple).

24
Dix-neuvième jour
Notre propre délivrance

Prélude : Pénétrons par la pensée dans ces abîmes où les âmes des justes achèvent de payer leurs dettes à la justice de
Dieu dans des tourments dont la seule pensée fait frémir. Contemplons surtout avec un douloureux intérêt ces âmes
abandonnées et délaissées pour lesquelles personne ne semble intercéder.

Méditation

Il y a un grand principe bien des fois mis en avant dans les saintes Ecritures : « Par où chacun pèche, c'est par là qu'il est
tourmenté ». (Sagesse 9, 12). « On le traitera de la manière dont il aura traité les autres ». (Lévitique 24, 18). « Vie pour
vie, œil pour œil ». (Exode 21, 23).

Appuyés sur ce principe de la justice de Dieu à l'égard des âmes, quelques théologiens ont mis en avant une doctrine qui
doit achever de nous déterminer à avoir une très-grande dévotion pour les âmes du purgatoire.

Le cardinal Cajetan, célèbre et docte théologien, croit que les âmes de ceux qui, durant leur vie, n'ont point eu de charité
pour les morts ne profitent pas des prières que les vivants font pour elles en particulier.

Denis le Chartreux est du même sentiment : « que ceux qui ont été lents et paresseux à secourir les défunts et qui n'ont eu
de compassion pour leurs frères, sachent qu'on les traitera de la même manière qu'ils auront traité les autres ».

Cette opinion des bons théologiens est de nature à effrayer beaucoup de chrétiens qui prient rarement pour les morts. Elle
est bien faite pour nous décider à une dévotion persévérante et ardente pour les âmes du purgatoire.

Résolution : Nous exciter souvent à la dévotion envers les défunts par la crainte d'être délaissés un jour nous-mêmes dans
le purgatoire.

Bouquet spirituel : « On vous traitera de la même manière que vous aurez traité les autres ». (Lévitique 24, 18).

Exemple
Sainte Lidwine

On lit dans la vie de sainte Lidwine les traits suivants :

Un homme étant venu un jour lui faire part de la mort de son père et le recommander à ses prières, elle les lui promit.
Lorsque la nuit fut arrivée, s'étant mise en devoir d'acquitter sa promesse, elle fut conduite dans la partie du purgatoire où
cet homme était tourmenté, et son ange lui dit en le lui montrant : « Voilà l'homme à qui vous avez promis le secours de
vos prières ». Aussitôt que cet homme la vit, de son côté, il dit à ses compagnons : « Voici quelque chose d'extraordinaire,
car, depuis que je suis entré dans cette prison, je n'ai pas vu d'âme vivante dans son corps. Béni soit Dieu qui envoie
aujourd'hui l'âme de cette vierge pour opérer ma délivrance ». Elle le délivra en effet le jour suivant, en priant et souffrant
pour lui.

Dans un autre ravissement, Dieu voulut qu'elle fût témoin des peines spéciales d'une de ces âmes. Elle la vit donc
transpercée de part en part par des glaives aigus, ce qui la toucha d'une extrême pitié. Désirant savoir quelle était cette
pauvre âme sans oser le demander à son ange, il la prévint en disant : « C'est le frère de cette femme qui est venue
implorer pour lui le secours de vos Si vous voulez demander quelque grâce en sa faveur, elle ne vous sera pas refusée.
« Je demande donc, répondit-elle, qu'il soit délivré de ces horribles fers qui le transpercent ».

Aussitôt elle vit qu'on les arrachait et qu'on le conduisait de cette prison spéciale dans la prison commune aux âmes qui
n'ont encouru aucun supplice particulier. La sœur de cet homme étant venue le lendemain tourmenter la servante de Dieu
pour savoir quel était le sort de son frère, elle lui dit en soupirant : « Si je vous ſais connaître ce que je sais, vous allez
vous troubler et me faire une scène ? » « Non, répondit cette femme, je vous promets de ne point me troubler ». Lidwine,
rassurée par cette promesse, lui dit ce qu'elle désirait savoir et l'engagea à travailler à sa délivrance par des aumônes dont
elle désigna la qualité et la quantité. Cette charitable sœur fit tout ce que la sainte lui avait prescrit, mais elle n'en fut pas
quitte pour ses aumônes. Dieu lui envoya des souffrances si violentes, que la patience commençait à lui manquer ; la
sainte, l'ayant su, pria pour elle, se chargea de subir à sa place le reste de la peine : ce qu'elle fit en effet, et l'âme de cet
homme fut délivrée.

25
Vingtième jour
La prière

Prélude : Unissons-nous aujourd'hui à l’Église entière qui ne cesse d'offrir à Dieu les plus ardentes supplications pour le
soulagement et la délivrance des âmes du purgatoire.

Méditation

Jusqu'ici, nous avons médité les motifs nombreux et puissants qui nous font un devoir rigoureux de la dévotion aux âmes
du purgatoire. Mais la fin de ce mois, que notre piété envers les défunts nous a portés à consacrer à leur délivrance,
approche, et nos cœurs sont sans doute pleinement résolus à redoubler de zèle pour le soulagement de ces pauvres âmes
captives. Hâtons-nous donc d'étudier les moyens par lesquels nous pourrons le mieux les soulager.

Les moyens les plus ordinaires sont la prière, le jeûne et l'aumône. Nous méditerons chacun de ces trois moyens en
particulier avec les autres moyens secondaires qui sont compris sous ces trois titres généraux.

Pour aujourd'hui, contentons-nous de remarquer l'importance que l’Église attache à la prière pour les morts. Elle l'a
employée depuis le temps des apôtres jusqu'à aujourd'hui, dans toutes les parties du monde.

C'est en vertu d'une coutume très ancienne et très touchante qu'à la fin de chaque heure canoniale ceux qui les récitent
chaque jour font cette courte prière : « Que les âmes des fidèles reposent en paix par la miséricorde de Dieu ».

C'est une fête très ancienne et très importante dans l’Église que celle du 2 novembre, dans laquelle cette bonne Mère veut
que tous ses enfants qui vivent encore se souviennent de tous ceux qui sont morts et souffrent dans les flammes du
purgatoire.

Résolution : Renouveler notre attention quand, dans nos prières, nous arrivons à faire mention des âmes du purgatoire.

Bouquet spirituel : « Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles défunts reposent en paix ! » (Office de
l’Église).

Exemple
La prière pour les morts recommandée par un grand Docteur

Saint Augustin, cet incomparable Docteur, prie avec une ferveur très touchante pour l'âme de sainte Monique, sa mère.
Non content de ses prières, quoique si ferventes, il demande à Dieu que chaque fidèle y joigne les siennes. « Seigneur, dit-
il, inspirez à vos serviteurs, qui sont mes frères, inspirez à ceux qui liront ce que j'écris, de se souvenir à l'autel de
Monique, votre servante, afin qu'elle obtienne plus aisément, par les prières de plusieurs, les dernières choses qu'elle m'a
enjoint de vous demander pour elle ». (Confessions, IX, 12 et 15).

26
Vingt-et-unième jour
Le saint sacrifice

Prélude : Un prêtre est à l'autel ; pendant qu'il élève l'hostie sainte, le purgatoire s'ouvre et laisse sortir les âmes que
sacrifice adorable a délivrées de leur captivité.

Méditation

C'est avec infiniment de raison que, de toutes les prières que saint Augustin souhaite qu'on fasse pour sa mère : il
demande particulièrement celles qu'on fait à l'autel. Il n'y rien, en effet, de plus puissant, pour apaiser la colère de Dieu
que le saint sacrifice de la messe où Jésus-Christ, qui s'est une fois immolé sur l'autel sanglant de la croix, s'immole
encore tous les jours, mais sans effusion de sang, pour le salut de tous les pécheurs.

Trois siècles à peine après le temps des apôtres, saint Cyrille de Jérusalem s'écriait que « les âmes des défunts sont
extrêmement soulagées par cet auguste sacrifice qu'on offre pour elles sur l'autel ».

Saint Augustin loue avec raison sainte Monique, sa mère, de ce que, « sentant la mort approcher, il ne lui vint point en
pensée d'ordonner qu'on lui fit de magnifiques funérailles, ni qu'on embaumât son corps, ni qu'on le mit dans un tombeau
particulier, ni même qu'on l'enterrât dans son pays. La seule chose qu'elle demanda fut qu'on se souvint d'elle à l'autel du
sacrifice, où tous les jours de la vie, elle n'avait point manqué d'assister et d'où elle savait qu'on distribue aux fidèles
l'hostie sainte dont le sang a effacé nos péchés ».

Nous avons déjà eu l'occasion de remarquer que, par les soins de son fils, ce qu'elle avait uniquement désiré fut accompli,
lorsqu'à l'autel on offrit pour elle le sacrifice de notre rédemption.

Résolution : Faire célébrer des messes pour le repos des âmes du purgatoire.

Bouquet spirituel : « La seule chose que je demande, c'est qu'on se souvienne de moi à l'autel ! » (Testament de sainte
Monique).

Exemple

Il est rapporté dans la vie de Marguerite d'Autriche, reine d'Espagne, qu'en un seul jour, qui fut celui de ses obsèques,
dans la seule ville de Madrid, on dit près de onze cents messes pour le repos de son âme. Cette princesse n'en avait
demandé que mille par son testament ; mais le roi Philippe III en fit ajouter vingt mille. L'archiduc Albert, gouverneur des
Pays-Bas, étant mort, la princesse Isabelle, son épouse, fit dire pour lui quarante mille messes, et en entendit elle même
un mois durant, jusqu'à dix par jour, avec une dévotion incroyable. (Munford, Le purgatoire).

27
Vingt-deuxième jour
Le jeûne

Prélude : Représentons-nous les austérités effrayantes auxquelles se livrent tant d'ordres religieux d'hommes et de
femmes dans toute l'étendue de l'église. Il en résulte un trésor de mérites auquel la miséricordieuse justice de Dieu se plaît
à faire participer les âmes du purgatoire. Ne voulons-nous pas augmenter ce trésor par notre générosité ?

Méditation

Nous lisons, au premier livre des Rois, « que les habitants de Jabès et Galaad ayant appris la mort de Saül et de ses trois
fils, quelques uns d'entre eux partirent incontinent, marchèrent toute la nuit, prirent les corps, et, les ayant enterrés dans le
bois de Jabès, jeûnèrent pendant sept jours ».

Cet exemple montre qu'il y a longtemps que les fidèles jeûnent pour les morts, et nous voyons avec une vive admiration
que cette pratique a été de tout temps approuvée et suivie dans l’Église catholique.

Au reste, sous le nom de jeûne, on comprend toutes sortes de pénitences extérieures, comme les cilices, les disciplines, les
veilles, etc.

Ô mon Jésus, qui avez dit que « tout le bien que nous faisons au moindre de nos frères, c'est à vous-même que nous le
faisons », quel prétexte pourrait avoir ma lâcheté pour me dispenser de secourir les âmes qui sont dans le purgatoire,
sachant que le bien que je leur ferai ne sera pas moins agréable que si je le faisais à vous-même ? Je vous offre donc pour
elles toutes les mortifications que je prends la résolution de pratiquer à leur intention.

Résolution : Secouer sa lâcheté pour embrasser courageusement les pratiques de la pénitence volontaire à l'intention des
pauvres âmes du purgatoire.

Bouquet spirituel : « Et, les ayant enterrés, ils jeûnèrent pendant sept jours ». (1 Rois, 22).

Exemple
Présence continuelle

On lit, dans les annales de la Visitation de Dijon, le trait suivant :

La sœur Marie-Bernarde Chicolier, qui s'est élevée à une si haute sainteté, fut prévenue, dès ses jeunes années, de grâces
particulières ; elle conçut de bonne heure le dessein de se consacrer à Dieu. Elle fut admise au saint habit et à la sainte
profession sous le gouvernement de notre mère Anne-Lidwine Boulier. La Mère Chahu, qui lui succéda, soutint cette
chère sœur au milieu des grandes épreuves par lesquelles il plut au Seigneur de la faire passer. En effet, Dieu imprima
dans son cœur l'horreur la plus vive pour les moindres imperfections, en permettant qu'une âme du purgatoire lui apparût
et lui fût en quelque sorte toujours présente. Notre mère, à qui notre chère sœur découvrit tout ce qu'elle souffrait, la fit
examiner par M. Chaudot, notre supérieur, et par le R. P. Jacquinot, provincial de la Compagnie de Jésus, lesquels
jugèrent, après un sérieux examen, qu'il n'y avait en cela ni illusion ni imagination. Il fut donc décidé que la communauté
ferait célébrer des messes et réciterait tous les jours un De profundis pour le repos de cette âme, et que la sœur Chicolier
aurait la liberté de faire des pénitences particulières à cette intention. Cette chère sœur pratiqua de grandes austérités,
offrant d'ailleurs pour cette âme toutes ses bonnes œuvres, qui étaient en grand nombre et ne se permettant pas un seul
mouvement naturel ni la plus légère satisfaction. Le prêtre chargé de célébrer les messes était un religieux Capucin d'une
grande sainteté qui ignorait complètement ce qui s'était passé. Il vint un jour trouver notre mère Chahu et l'assura que
l'âme pour laquelle elle faisait prier depuis longtemps était entrée en possession de la gloire de Dieu.

28
Vingt-troisième jour
Mortifications

Prélude : Entendons les supplications des âmes du purgatoire. nous suppliant de venir à leur aide.

Méditation

La plupart des hommes sont si lâches, que le seul nom de pénitence les effraye, et ils ont toujours mille prétextes pour s'en
dispenser : les uns s'excusant sur leur âge déjà avancé, les autres sur la faiblesse de leur complexion et sur leur peu de
santé.

Mais voici certaines mortifications que, tous, hommes et femmes, peuvent pratiquer aisément, sans rien perdre de leurs
forces et sans altérer leur santé. Qu'ils s'abstiennent, par exemple, de quelques divertissements peu nécessaires : de telle
conversation, de tel jeu, de tel spectacle ; qu'ils s'en abstiennent, non pas toujours, ni même très souvent, mais de temps en
temps, car il faut savoir accorder quelque chose à leur faiblesse et ne pas leur demander de rompre d'abord toute l'attache
qu'ils ont au plaisir.

S'ils ne renoncent pas tout à fait au plaisir, qu'ils en modèrent l'excès. Que dans leurs repas, ils se retranchent quelque
chose qui est plus à leur goût, mais qui n'est peut-être pas le meilleur pour leur santé et dans tous les cas n'est bon qu'à
entretenir leur délicatesse. Qu'ils donnent moins de liberté à leur langue et qu'ils sachent que se taire à propos et réprimer
pour un temps la trop grande envie de parler, c'est faire au Seigneur, selon le langage de l'Ecriture, un sacrifice de ses
lèvres.

Job avait fait un pacte avec ses yeux pour qu'ils ne s'arrêtassent jamais sur un objet capable de souiller son âme; qu'ils
conviennent avec les leurs que, dans les occasions, ils se fermeront pour ne pas voir beaucoup de choses ou vaines ou
dangereuses. Qu'ils ne prêtent pas non plus indiscrètement l'oreille à toutes sortes de discours : il y en qu'on ne peut
écouter sans crime.

Résolution : Être fidèle aux a pratiques qui viennent d'être suggérées.

Bouquet spirituel : « Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous du moins qui êtes mes amis ». (Livre de Jérémie)

Exemple
Un oubli

Archangèle Panigarola, prieure du monastère de Sainte Marthe à Milan, avait un zèle extraordinaire pour le soulagement
des âmes du purgatoire ; elle priait, faisait prier pour elles, et pourtant ne songeait que rarement et sensiblement à l'âme de
son père Gothard, bien qu'elle l'eût tendrement aimé pendant sa vie. La pensée lui en venait quelquefois, et alors, elle
prenait la résolution de prier plus ardemment, puis l'oubli continuait. Un événement inattendu la tira de cette insensibilité.

Le jour de la fête des morts, étant enfermée dans sa cellule et priant pour eux, son ange gardien lui apparut. La prenant par
la main, il la conduit en esprit au milieu du purgatoire, et, parmi toutes les âmes, lui fait voir celle de son malheureux
père, plongée dans des souffrances atroces. À peine l'a-t-il reconnue qu'il se soulève vers elle en criant. « Ma fille, ma
fille ! comment as-tu pu si longtemps oublier ton père dans les tortures qu'il endure ici ? Tu es animée d'une grande
charité pour des âmes qui te sont étrangères : j'en ai vu quitter ce pénible séjour, grâce à tes supplications, et moi, ton
père, à qui tu dois tant, tu m'oublies, et tu n'as pour moi aucun sentiment de compassion ! »

Archangèle, interdite en entendant ces reproches qu'elle reconnaissait mériter, se mit à sangloter et promit à son
malheureux père de conjurer le Seigneur jusqu'à ce qu'elle eût obtenu sa délivrance. Puis, se tournant vers l'ange, comme
pour lui demander l'explication de cet oubli dont elle se reconnaissait coupable, il lui répondit :
« Votre oubli a été puni par Dieu en punition du peu de zèle de votre père à le servir et à travailler à son salut. C'est ainsi
que le Seigneur agit envers ceux qui se conduisent de la sorte. Que les âmes qui négligent la seule chose importante
qu'elles aient à faire sur la terre, et qui semblent n'avoir d'activité que pour les choses de ce monde, voient donc enfin leur
aveuglement, et qu'elles se souviennent que, bien que leurs péchés soient pardonnés, il n'en reste pas moins une peine
expiatrice qu'il faudra subir en monde et en l'autre ».

La pieuse religieuse versant des torrents de larmes, redoubla de ferveur et de zèle jusqu'à ce qu'elle eût apaisé la divine
justice, et elle eut la joie de voir l'âme de son père lui apparaître toute radieuse de beauté et de reconnaissance. (Vie de
sainte Archangèle Panigarola, par le R. P. Octave Juniciati, de la compagnie de Jésus, 1ere partie).

29
Vingt-quatrième jour
L'oubli des injures

Prélude : Écoutons encore les supplications lamentables des âmes du purgatoire qui nous conjurent de venir à leur aide.

Méditation

Voici maintenant un acte de vertu si facile à pratiquer, que le plus faible des hommes peut le faire sans peine, et si.
héroïque que le plus fort ne peut rien faire de plus glorieux. Vous avez reçu un affront ? oubliez l'injure qu'on vous a faite
et offrez à Jésus crucifié le sacrifice de vos ressentiments. Si vous le faites de bon cœur, ce sera pour vous un puissant
moyen de satisfaire à la justice de Dieu, tant pour vos péchés que pour ceux d'autrui.

Saint Augustin l'enseigne expressément : « Il faut, dit ce Père, travailler incessamment à expier nos péchés par des prières
continuelles, par des jeunes fréquents et par de grandes aumônes, mais surtout par une grande facilité à pardonner les
injures, car il faut que tous les péchés que nous n'avons pas achevé d'expier soient consumés par le feu du purgatoire ». Il
ajoute que « ceux qui veulent effacer entièrement leurs péchés et se garantir des peines du purgatoire feront l'un et l'autre
en donnant beaucoup d'aumônes, et surtout en pardonnant à leurs ennemis ».

Mais il y a un témoignage plus explicite et plus consolant encore, c'est celui de Jésus-Christ lui-même qui donne une
indulgence plénière et un acte de pardon universel à ceux qui pardonnent à leurs ennemis. « Pardonnez, dit- il, et on vous
pardonnera ». (Luc 6, 32.) Si vous pardonnez aux hommes les fautes qu'ils commettent contre vous, votre Père qui est
dans le ciel vous pardonnera celles que vous commettez contre lui. » (Matthieu 5, 14).

Cet acte d'indulgence peut s'appliquer aux âmes du purgatoire d'une manière très utile pour elles et pour nous.

Résolution : Pardonner les injures en vue de la délivrance des âmes du purgatoire.

Bouquet spirituel : « Pardonnez et l'on vous pardonnera ». (Evangile selon Saint Luc 6, 32).

Exemple
Généreux pardon

Une noble veuve n'avait qu'un fils qui fut méchamment assassiné par son ennemi. Le meurtrier, craignant d'être pris, se
cacha. Mais bien qu'il se crût en sûreté, on sut néanmoins où il était, et non-seulement la mère, mais encore le juge en fut
averti. Déjà on était en campagne pour le prendre lorsque cette femme généreuse, étouffant tout sentiment de vengeance,
lui envoya dire de se sauver au plus tôt. Et, pour lui en faciliter le moyen, elle lui fit donner de l'argent et le cheval même
de son fils qu'il avait si cruellement assassiné. Après quoi, elle se mit à pleurer pour l'âme de ce cher fils dont le salut était
alors tout ce qui lui tenait à cœur. À peine avait-elle commencé son oraison, qu'il lui apparut tout resplendissant de gloire
et l'assura qu'en récompense de la charité qu'elle venait d'exercer, Dieu l'avait sur le champ délivré des flammes du
purgatoire auxquelles il avait été condamné pour plusieurs années. (Osorius, Sermon pour le vendredi après les Cendres).

30
Vingt-cinquième jour
La résignation

Prélude : Rappelons-nous l'impression que nous a déjà causée tant de fois, pendant ces saints exercices, la considération
des peines du purgatoire.

Méditation

Nous pouvons encore aider beaucoup au soulagement des âmes du purgatoire en souffrant avec patience les maux que
Dieu nous envoie; car il ne nous arrive rien de fâcheux en cette vie qui ne serve à la satisfaction de nos péchés et de ceux
de nos frères, si nous le recevons de la main de Dieu avec joie ou du moins sans plainte et sans chagrin.

Si Dieu veut donc que nous soyons affligés par quelque longue maladie, par une perte imprévue, dans nos biens, dans
notre honneur du côté de nos parents ; s'il permet que nos ennemis nous persécutent ou que nos amis nous abandonnent,
embrassons croix de tout notre cœur et gardons-nous bien d'en murmurer. Nous en retirerons de grands trésors de mérites
pour assister dans le besoin ces âmes souffrantes qui nous conjurent d'avoir pitié d'elles.

La résignation est aussi grandement méritoire, lorsque nous endurons les peines de cette vie, ces non pas avec joie, mais
du moins sans impatience. Ce n'est pas peu de chose, remarque saint Bernard, de ne point se laisser abattre, quand on
tombe dans l'adversité. En effet, l'expérience de chaque jour ne nous fait que trop sentir qu'il est difficile de recevoir une
injure et de ne pas se venger, de souffrir beaucoup et de souffrir patiemment.

Résolution : Souffrir joyeusement ou du moins avec patience les peines de cette vie, en vue du purgatoire.

Bouquet spirituel : « Par la résignation, nous expions si bien nos péchés en cette vie que le feu du purgatoire ne trouve
plus ou presque plus de matière en l'autre ». (Saint Augustin, 42e sermon sur la Sainteté).

Exemple
Vision de sainte Gertrude

Une jeune religieuse du monastère de sainte Gertrude qui, par sa ferveur et sa piété, en faisait l'édification, venait de
mourir. Gertrude, très sensible à cette perte, priait un jour pour le repos de son âme, lorsque Jésus lui permit de
l'apercevoir devant son trône, couronnée de la plus éclatante lumière, couverte de vêtements magnifiques et de joyaux
précieux. Mais quelle ne fut pas sa surprise en remarquant en elle une sorte de préoccupation, lui voyant les yeux baissés,
comme si la honte l'eût empêchée de les lever vers l'adorable Majesté.

Émue de voir sa fille spirituelle trembler ainsi devant le céleste Époux, elle se tourna vers lui et lui dit : « Très doux
Jésus ! pourquoi votre bonté n'invite-t-elle pas cette âme, qui s'est donnée tout à vous, à jouir sans crainte de la joie de
votre présence ? »

Aussitôt le Seigneur, avec un sourire d'ineffable tendresse, fit signe à la bonne religieuse de s'avancer vers lui. Mais, plus
troublée encore, elle hésita, trembla, et enfin, après une profonde inclination, se retira.

L'étonnement de Gertrude était à son comble. « Comment, ma fille, lui dit-elle, vous vous éloignez de votre Époux qui
vous appelle ? » La bonne religieuse répondit : « Ah ! ma mère, je ne suis pas encore digne de lever les yeux sur l’Agneau
immaculé ; il me reste encore quelques taches que vous n'apercevez point. Il faut être si pur pour s'unir au divin Soleil de
justice ! »

31
Vingt-sixième jour
L'aumône

Prélude : Nous représenter l'aumône comme un torrent d'eau froide qui tombe dans le feu.

Méditation

Faire l'aumône, c'est verser un torrent d'eau rafraîchissante dans les flammes qui dévorent les âmes, car l'aumône a une
vertu singulière pour expier non-seulement nos péchés, mais encore les péchés d'autrui.

Un savant et pieux auteur nous suggère à ce sujet un excellent conseil que nous ferons bien de suivre : « Il faudrait, dit-il,
toutes les fois qu'un pauvre, mourant de faim, frappe à votre porte ou vous tend la main dans les rues, vous représenter
que c'est une âme du purgatoire qui s'adresse à vous pour vous supplier humblement d'avoir pitié d'elle dans l'affliction où
elle est ».

Donnez donc aux pauvres, volontaires ou non, donnez dans la vue de délivrer par cet acte de charité quelque âme du
purgatoire. C'est une œuvre de miséricorde bien digne d'un chrétien, c'est un exercice de pénitence très salutaire qui vous
servira beaucoup à expier les fautes commises pendant votre vie, à acquitter de grandes dettes sans qu'il vous en coûte
beaucoup, « à vous faire avec votre argent des amis qui, après la mort, selon la promesse du fils de Dieu, vous recevront
dans les tabernacles éternels ». (Luc 16, 9).

Si donc vous aimez vos frères, si vous aimez Jésus-Christ, si vous vous aimez vous-mêmes, imposez-vous l'aumône
comme une loi, et que ce soit au profit des âmes du purgatoire.

Résolution : Voir une âme du purgatoire dans la personne du nécessiteux que nous assistons par nos aumônes.

Bouquet spirituel : « Comme l'eau éteint le feu le plus ardent, ainsi l'aumône détruit les péchés ». (Ecclésiaste, 3, 33).

Exemple
Une négligence

L'abbé Trithème, écrivain distingué de l'ordre de saint-Benoît, raconte que Raban Maur, premier abbé de Fulde au IXe
siècle, ensuite archevêque de Mayence, avait donné l'ordre au procureur de l'abbaye, nomme Édelard, de faire en tout
temps les plus abondantes aumônes ; et, lorsqu'il mourrait un religieux, de donner pauvres, pendant trente jours, la
nourriture qui lui était destinée. Édelard, dominé par la passion de l'avarice, ne s'acquittait point de ce qui lui était
commandé par le prieur. Mais un soir, en traversant le chœur, aux il y vit tous les religieux morts depuis qu'il avait la
charge de procureur ; ils venaient lui reprocher sa négligence et son avarice qui les retenaient dans le purgatoire faute de
l'aumône dont la divine justice réclamait le mérite. Puis ils lui prédirent que dans trois jours, il viendrait subir les
châtiments qu'il méritait.

Édelard, saisi de remords et de frayeur, tombe sans connaissance : on l'emporte dans sa cellule, et là, refusant tous les
secours humains, il demande le prieur pour lui confesser ses fautes avant de mourir. L'abbé, après lui avoir parlé de la
miséricorde de Dieu. lui donne les sacrements des mourants et lui voit rendre le dernier soupir. À quelque temps de là,
l’âme du frère Édelard lui apparaît et lui dit : « Je vous remercie, mon Père, de l'aumône que vous avez versée dans le sein
des pauvres à mon intention ; mais selon la divine justice, le mérite en a été appliqué à ceux qui, à cause de moi, étaient
retenus dans le purgatoire, faute de l'expiation dont mon avarice les privait. Ne vous lassez pas, ô mon Père, d'apaiser le
juste Juge, car je dois rester dans la prison expiatrice jusqu'à ce que tous mes frères en soient délivrés ».

32
Vingt-septième jour
Les indulgences

Prélude : Représentons-nous le purgatoire ouvert au moyen d'une clef d'or que la miséricorde de Jésus Christ et la
tendresse compatissante de l’Église ont déposée entre nos mains.

Méditation

Un des moyens les plus efficaces pour soulager et délivrer les âmes du purgatoire est le bon usage des indulgences
accordées aux vivants avec la faculté de les appliquer aux morts.

Un pieux auteur, considérant le peu d'estime que la plupart des chrétiens font des indulgences, s'écrie : « Pour concevoir
l'estime que méritent les indulgences, il suffit de savoir, ô mon aimable Jésus ! qu'elles sont les fruits de votre précieux
sang.

Une goutte de ce sang adorable aurait suffi pour ouvrir le ciel et fermer l'enfer, parce que la moindre de vos souffrances
est d'une valeur infinie. Cependant, vous avez voulu passer trente-trois années dans les travaux, les peines, les
humiliations et mourir sur la croix au milieu des plus cruels tourments. Telle est la source où sont puisées les indulgences.

C'est parce que vous avez enduré pour nous une surabondance de douleurs que vous voulez nous accorder une
surabondance de grâces. Vous avez mis entre les mains de votre Église les mérites infinis de vos souffrances, et même les
mérites que Marie et tous les saints unis à vous ont acquis : c'est dans ce trésor qu'elle puise pour acquitter nos dettes,
lorsqu'il nous accorde par l'indulgence la rémission des peines temporelles qui nous étaient dues.

Résolution : Nous renouveler dans la dévotion aux indulgences.

Bouquet spirituel : « Je vous donnerai les clefs du royaume des cieux ». (Matthieu 16, 18).

Exemple
La valeur des indulgences

Le bienheureux Berthold, de l'ordre de Saint François, après un sermon qu'il fit sur le prix et le mérite de l'aumône, avait
accordé dix jours d'indulgence à tous les assistants, selon qu'il en avait reçu le pouvoir du Souverain Pontife. Une dame
chrétienne, réduite à une extrême pauvreté, vint lui exposer sa misère. Le bon Père, qui n'avait rien à lui, ne put que lui
renouveler le don qu'il lui avait fait de dix jours d'indulgence. Puis il lui dit d'aller chez un banquier qu'il lui indiqua et
qui, jusqu'alors, n'avait eu nul souci des biens spirituels. « Offrez-lui, lui dit Berthold, de lui céder le mérite de vos dix
jours d'indulgences en échange de l'aumône qu'il vous fera ».

La pauvre femme s'y rendit en toute confiance et simplicité. Le banquier l'accueillit avec assez de bonté et lui demanda
combien elle prétendait avoir en échange de ses dix jours. « Autant, dit-elle, qu'ils pèseront dans la balance ». En disant
cela, elle se sentait animée d'une force intérieure qui lui donnait confiance. « Eh bien, reprit le banquier, écrivez-les sur ce
papier, posez- les sur un des plateaux de cette balance, je mets un réal (1) sur l'autre ». Mais, ô prodige ! le premier
plateau ne bouge pas. Étonné, l'homme ajoute un réal, puis cinq, dix, vingt, autant enfin qu'il en fallait à la pauvre femme
pour la tirer de l'état précaire dans lequel elle se trouvait.

Le banquier comprit enfin la valeur des intérêts célestes, et ce miracle fut pour lui une précieuse leçon. Mais ce sont
surtout les pauvres âmes du purgatoire qui connaissent la valeur des indulgences ! Si nous savions quelle reconnaissance
elles ont pour nous quand nous leur appliquons le mérite de quelques œuvres, même simples, courtes, ordinaires, un
chapelet, une prière, une aumône, un mot de consolation dit à leur intention, une communion surtout ! Et pourtant nous
négligeons tous ces moyens si faciles ! nous ne supportons pas la vue de la souffrance, le spectacle nous en émeut, et nous
ne sentons rien à la pensée des tourments du purgatoire !

(1) Petite monnaie espagnole valant 24 centimes.

33
Vingt-huitième jour
Nous devons assister tous les défunts

Prélude : Considérons la multitude des âmes qui souffrent dans le purgatoire.

Méditation

Il n'y a aucune âme du purgatoire qui n'ait des droits très-particuliers à être assistée par nous.

En effet : 1° la loi naturelle veut que « nous fassions pour les autres ce que nous voudrions qu'ils fissent pour nous ».
(Matthieu 7, 12). Eh ! quel est celui qui, brûlant dans le purgatoire, ne souhaiterait qu'on l'en retirât ? quel est celui qui
serait content d'un ami, lequel ayant assez d'eau pour éteindre toutes les flammes prêtes à le consumer, n'en voudrait
donner que quelques gouttes pour le soulager un peu ?

2° La loi évangélique ordonne les mêmes choses : « Vous aimerez votre prochain comme vous mêmes ». (Matthieu 21,
39). Est-ce aimer notre prochain comme nous-mêmes que de le voir dans le feu et de ne pas daigner lui tendre la main
pour l'en retire ?

3° Le Sauveur donne à ce précepte de la charité une force toute nouvelle, quand il lui dit : « Le commandement que je
vous fais est de vous aimer comme je vous ai aimés ». (Jean 15, 12). Comment nous a-t-il aimés ? Jusqu'à l'excès.
Aimons-nous nos frères, lorsque nous les délaissons dans l'extrême besoin ?

4° Le même Sauveur nous assure que « tous les services qu'on rend au moindre des siens, il les considère comme rendus à
sa personne ». Et cependant, nous abandonnons tant d'âmes qu'il chérit comme ses épouses !

5° Enfin, il est de la charité chrétienne de secourir ceux que nous voyons dans la dernière nécessité. Or, peut-on être dans
une plus grande nécessité que ces âmes et particulièrement celles auxquelles on ne pense point et qui se trouvent privées
de toute assistance ?

Résolution : Prier souvent en union avec les intentions de l’Église pour les âmes du purgatoire.

Bouquet spirituel : « Faisons pour les autres ce que nous souhaiterions qu'on fit pour nous-mêmes ». (Matthieu 7, 12).

Exemple
Marie et les âmes du purgatoire

Un religieux dominicain étant sur le point de mourir, l'un de ses frères, qui connaissait l'intimité sainte dans laquelle il
avait vécu vis-à-vis de la Mère de Dieu, lui demanda s'il espérait échapper aux tourments du purgatoire et aller
directement au ciel. Il lui répondit qu'il ne doutait pas qu'au moment de sa mort Marie ne vînt pour conduire elle-même
son âme au séjour de l'Eternel. Il ajouta qu'il était également convaincu qu'au même moment, plus de trois cents âmes
sortiraient du purgatoire et l'accompagneraient au ciel ; et qu'enfin, si quelques-uns de ses frères devaient у demeurer
encore pour achever l'œuvre de leur purification, l'auguste Vierge n'oublierait point ses obligations de mère, et qu'elle irait
les visiter plus souvent, les consoler et adoucir chaque jour leurs peines par les effusions de sa miséricorde.

34
Vingt-neuvième jour
Il faut prier pour certaines âmes en particulier

Prélude : Pénétrant par la pensée dans le purgatoire, considérons les âmes pour lesquelles la justice nous oblige
particulièrement de prier.

Méditation

Il est certaines âmes pour lesquelles vous avez des raisons particulières de prier. Ainsi vous pouvez avoir promis des
prières à l'une d'elles, vous pouvez y être obligés par l'ordre de vos supérieurs, par vos règles ou par une convention
spéciale. La raison veut qu'on prie nommément pour ses parents, pour ses amis, pour ses supérieurs, pour ses directeurs,
etc. C'est un devoir de reconnaissance de recommander plus souvent et avec plus de ferveur à Dieu ceux de qui l'on a reçu
de plus grands biens.

La justice enfin demande qu'on se souvienne tout particulièrement de ceux à qui l'on a pu donner occasion d'offenser
Dieu, afin que, si l'on est cause qu'ils brûlent dans le purgatoire, on fasse tout son possible pour les en tirer.

On ne doit donc pas blâmer, comme l'ont fait certains hérétiques, on doit au contraire louer la charité de ceux qui offrent à
Dieu leurs prières et leurs bonnes œuvres pour quelques âmes du purgatoire en particulier, car il est certain, comme nous
venons de le prouver, qu'on ne doit pas également prier pour tous les défunts, puisqu'on n'a pas les mêmes raisons de le
faire indifféremment pour chacun d'eux.

Résolution : Prier spécialement pour les âmes de ceux à qui nous devons une assistance particulière.

Bouquet spirituel : « Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous du moins qui êtes mes amis ». (Job).

Exemple
Vision de saint Michel des Saints

On lit, dans la vie de saint Michel des Saints, le trait suivant : Ses prières et ses mortifications avaient pour objet la
délivrance de l'âme de son père, qui pouvait être en purgatoire. Michel n'avait point oublié ce père tendrement aimé ; et,
s'il avait été capable de l'oublier, les mauvais traitements, les traverses qu'il avait éprouvés depuis sa mort, n'auraient pas
tardé à le faire revivre dans sa mémoire. Il pensait donc souvent à lui. Peut-être, hélas ! ce bon père, malgré ses vertus et
ses mérites, était-il encore retenu dans les prisons de la divine justice pour achever de payer sa dette. Michel offrait donc
pour cette âme bien-aimée, ses prières, ses larmes et les rigueurs qu'il exerçait contre lui-même. Un jour qu'il était en
oraison devant une image de Notre Dame, qu'on vénérait et qu'on vénère encore près de la porte de Garb, pendant qu'il
demandait à Marie de tendre une main secourable à l'âme de son père, cette âme lui apparut sous la forme et avec l'air
bienveillant et doux qu'avait son père en son vivant. Michel n'osa lui parler, mais il entendit la voix de son père qui lui
recommandait de persévérer dans ses pratiques pieuses et dans la résolution de se faire religieux, et qui lui demandait en
outre très instamment le secours de ses prières et l'application de ses œuvres expiatoires pour sa délivrance.

35
Trentième jour
Intentions particulières

Prélude : Figurons-nous la joie des âmes que notre fidélité à suivre les exercices du mois des défunts a soulagées.

Méditation

C'est encore une excellente pratique de demander plus souvent à Dieu la délivrance de certaines âmes pour lesquelles il
est raisonnable de s'intéresser davantage, quoiqu'on n'en ait qu'une connaissance un peu générale et confuse. Je
m'explique.

Il y a des âmes qu'il importe, pour la gloire de Notre Seigneur, de délivrer au plus tôt ou de soulager, parce qu'elles sont
plus capables que les autres de le glorifier dans le ciel. Et ce sont là les premières qu'il faut secourir.

Il y en a d'autres qui ont eu en cette vie une dévotion singulière pour la Sainte Vierge, pour saint Joseph, etc., qui par
conséquent leur sont fort chères et dont la délivrance ne peut que leur être très agréable ; il faut aussi avoir pour elles des
égards tout particuliers.

Il est encore de la charité chrétienne d'avoir compassion des pauvres, dont les âmes sont le plus souvent abandonnées et
dénuées de tout secours.

Enfin, c'est une sainte invention de quelques personnes charitables, de s'employer principalement pour celles qui ont payé
presque tout ce qu'elles devaient à la justice divine et qui sont près de sortir de leur prison, en sorte que, pour peu qu'on
les secoure, toutes leurs chaînes seront brisées, leur captivité finira et elles s'envoleront au ciel où elles n'oublieront jamais
leurs libérateurs. De cette manière, il est aisé d'acquérir en peu de temps de grands amis et de puissants intercesseurs
auprès de Dieu.

Résolution : Se promettre d'être fidèle chaque année de sa vie à consacrer le mois de novembre aux âmes du purgatoire.

Bouquet spirituel : « C'est une sainte et salutaire pensée de prier pour les morts, afin que leurs péchés leur soient remis ».
(2e livre des Macchabées 12, 36).

Exemple
Touchante prière

Le Père Yves, de l'ordre de Saint Dominique, provincial de la Terre sainte, tenant en main la sainte hostie, priait Dieu en
cette sorte : « Mon Seigneur et mon Dieu, si le Turc avait un prisonnier, et que l'un de ses serviteurs le lui demandât,
offrant un présent de telle valeur que celui que je tiens en mes mains, assurément il le délivrerait. Ah ! mon Dieu, vous
n'êtes pas moins libéral. Donnez-moi donc telle ou telle âme que je vous demande, et la délivrez du purgatoire ». Belle et
dévote pratique, qu'on peut faire tous les jours à la messe, lorsque le prêtre élève la sainte hostie.

FIN

Franck Scelo-Monvoisin, le 21 octobre 2022.

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