2004 08 79 Trigeaud
2004 08 79 Trigeaud
2004 08 79 Trigeaud
Sophie-Hélène TRIGEAUD
2
Nous traduirons les termes anglais, open houses, et danois, åbent hus, par “journées portes-
ouvertes”.
3
Inscription frontale du temple danois. Littéralement : « Consacré pour le Seigneur – Maison
du Seigneur ». Traduction d’après témoignage des personnes rencontrées sur le terrain.
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 2
dignes” par leur évêque. Les rites les plus importants aux yeux des membres4 ne
peuvent être célébrés que dans son enceinte : en dehors de cet espace dit
“sacré”, nulle “autorité” ne leur serait reconnue. Or cette sacralisation a pour
conséquence d’introduire une autre frontière, symbolique celle-là, celle du
“secret”.
Il existe cependant une catégorie de lieux de culte, dans l’É.S.D.J., qui n’est pas
dotée des mêmes attributs symboliques : les “chapelles”, où se réunissent les
“paroisses” pour les réunions du dimanche (jour pendant lequel les temples
gardent leurs portes closes), ne sont pas distinguées par le même degré de
sacralité. On peut d’ailleurs remarquer que le nom anglophone de ces dernières
semble dépourvu de toute connotation religieuse : il ne s’agit apparemment que
de « meeting houses5 », de lieux de rencontre… Pourtant, les baptêmes, la
commémoration de la Sainte-Cène6 et de nombreux rites s’y opèrent. Ils sont en
réalité divisés en deux parties : la “chapelle” proprement dite, considérée
comme un lieu sacré, et le reste du bâtiment, qui peut abriter toutes les activités
profanes relatives au fonctionnement de la paroisse. Mais à la différence du
temple, la sacralisation de l’espace n’implique ici ni la fermeture ni le secret.
Non seulement les chapelles demeurent ouvertes à tous, mais elles accueillent
souvent les activités prosélytes : les visiteurs extérieurs y sont régulièrement
invités à des concerts, des expositions, des journées portes-ouvertes (comme
celle qu’organise annuellement la “société généalogique”) et des conférences,
ou à assister aux réunions du dimanche. On peut encore préciser que les
membres sont fréquemment encouragés à y convier leur entourage et que, à
l’occasion d’un discours public, aucun intervenant ne manque de remercier de
leur présence ceux qui sont alors appelés “amis de l’Église”.
Sur quoi repose donc cette distinction entre temples et chapelles ? Plusieurs
éléments explicatifs peuvent être suggérés.
4
Par exemple les “mariages éternels” et le “baptême des morts” que nous évoquerons plus loin.
5
Les anglophones parlent de “meetinghouses” alors que les francophones retiennent le terme de
“chapelle”, qui ne vise en réalité que partie religieuse stricto sensu du bâtiment.
6
Consistant en un partage de l’eau et du pain, l’alcool étant interdit aux Mormons.
7
La littérature mormone francophone utilise souvent le terme de “consécration” pour traduire
le mot anglophone “dedication”, mais il nous a semblé préférable de conserver celui de
“dédicace” qui permet de mieux exprimer le sens du mot d’origine que nous allons ici
développer.
8
T. Callister, « Dedications », in Ludlow Daniel (D.), Encyclopedia of Mormonism – The History,
Scripture, Doctrine and Procedure of the Church of Jesus Christ of Later Day Saints. New York, Mc
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 3
ci ne peut résumer l’idée d’une simple “consécration”, parce qu’il implique
également l’idée de « “mettre à part” quelque chose pour un but spécifique dans
la construction du royaume de Dieu »9. On peut encore comprendre que ce rite
répond, pour les Mormons, aux références bibliques des « sacrifices de la fête de
la dédicace » (Bible, 1 R 8 62-66), de la « Dédicace » du Temple de Salomon
(Bible, 1 Ch 7) et de la « Purification du temple et dédicace » par Judas sur le
Mont Sion ( Bible, 1 M 4 59) – nous verrons d’ailleurs plus loin que les renvois à
la Bible en général et à la construction d’une nouvelle “Sion” traduisent des
représentations qui jouent une importance capitale dans l’argumentation
fondant la construction des temples. On pourrait donc penser que le passage à
travers ce rite marque la spécificité du temple. Mais il ne s’agit pas de la seule
raison puisque, comme l’article de T. Callister10 l’explique, la “dédicace”
concerne beaucoup d’autres lieux dont les chapelles, et vise des pays et des
régions (pour l’œuvre missionnaire, comme ce fut le cas pour la Scandinavie en
190311) ou les maisons des Mormons ; et pas seulement des lieux quand on
pense à l’huile utilisée dans certains rites de “bénédictions”. Elle délimite pour
ainsi dire tous les lieux, lato sensu, de la sacralité.
Millan international, 1992. [ 4 vol. La plupart des auteurs sont des professeurs de la BYU, la
principale université de l’É.S.D.J.], p. 367.
9
Ibid. p. 367.
10
Ibid.
11
Cf. J. Langeland, « Scandinavia – The Church in », in Ludlow Daniel (D.), Encyclopedia of
Mormonism – The History, Scripture, Doctrine and Procedure of the Church of Jesus Christ of Later Day
Saints. New York, Mc Millan international, 1992, p. 1263.
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 4
“baptême des morts” (cf. « La Mer de bronze », Bible, 1 R 7 23-26). Or, selon le
modèle hébraïque ici mis en avant, le temple se distingue du lieu de prière
collectif de la chapelle par un statut spécial de lieu clos : on pourrait presque
dire que l’espace réservé aux “membres dignes” aurait pour vocation de se
substituer, par analogie du moins, au « saint des saints » autrefois réservé au
« grand prêtre » (voir Bible, Lv 16 et He 9 6-14).
12
Mayer (J-F.), « Du Secret dans le mormonisme », Politica Hermetica, 5 (« Secret, initiations et
sociétés modernes »), 1991, pp. 14-30.
13
Ibid. p.27.
14
Voir à ce sujet, et sur l’histoire des premiers temps du mormonisme : Notre patrimoine – Brève
histoire de l’Église de Jésus Christ des saints des derniers jours. Église de Jésus-Christ des Saints des
Derniers Jours, 1996. (tr. fr. de : Our Heritage : A Brief History of the Church of Jesus Christ of
Latter-day Saints, 1996, p. 14). Nous citerons par la suite cet ouvrage par l’abréviation NP.
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 5
Temples ouverts en Europe15 Date de la dédicace
Berne, Suisse 11 septembre 1955
Londres, Grande Bretagne 7 septembre 1958
Freiberg, Allemagne 29 juin 1985
Stockholm, Suède 2 juillet 1985
Frankfurt, Allemagne 28 août 1987
Preston, Grande Bretagne 7 juin 1998
Madrid, Espagne 19 mars 1999
La Haye, Pays-Bas 8 sept 2002
Copenhague, Danemark 23 mai 2004
Temples annoncés en Europe Date de l’annonce
Helsinki, Finlande 2 avril 2000
Kiev, Ukraine 20 juillet 1998
Si l’É.S.D.J. existe ainsi depuis 1830 et que les premiers temples européens
datent seulement des années 195016, l’on pourrait penser que l’implantation du
mormonisme en Europe fut tardive. Ce n’est pourtant pas le cas puisque des
missionnaires mormons ont été envoyés vers ce continent depuis les débuts de
l’Église mormone : vers l’Angleterre depuis 1837 et vers la Scandinavie depuis
184917. Des baptêmes et des réunions du dimanche y ont donc eu lieu dès les
premiers temps du mormonisme, mais les rites du temple durent, pour leur
part, être accomplis aux États-Unis d’Amérique jusque dans les années vingt.
Pourquoi donc cette contradiction entre l’expansion de la politique prosélyte en
Europe et cette absence prolongée des lieux considérés comme les plus sacrés ?
C’est peut-être dans l’évolution de l’une des principales représentations
mormones du monde et du temps que réside la réponse.
Jusqu’au début du XXe siècle, en effet, les Mormons avaient pour objectif de
rassembler les nouveaux convertis en Utah en vue de constituer ce qu’ils
appelaient une « Sion des derniers Jours ». Le lieu répondant au nom de Sion
correspondait pour les Mormons à une cité idéale, voire à une « nouvelle
Jérusalem18 ». Celle-ci devant, dans les « derniers jours », reproduire l’image
d’une plus ancienne cité évoquée en ce sens par les Doctrine et Alliances, l’un
15
Sources : http://www.lds.org/temples/chronological/0,11206,1900-1,00.html (site officiel de
l’É.S.D.J., consulté le 06.07.2004).
16
Le premier temple mormon fut construit à Kirtland (Ohio, É.U.A.) de 1832 à 1836. Il a été
dédicacé le 17 mars 1836 par le fondateur du mormonisme, Joseph Smith [cf.NP. pp 33-34].
17
Voir NP., p. 32 et 84.
18
Expression tirée du G.É. : Le Guide des Écritures, in Le Livre de Mormon. Église de Jésus-Christ
des Saints des Derniers Jours, Salt Lake City, Utah, USA, 1998. (1ère ed. 1830) [il s’agit de 215
pages, à la suite des 653 du Livre de Mormon] Art. « SION. Voir aussi Hénoc ; Nouvelle
Jérusalem », p. 197.
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 6
des textes canoniques principaux des Mormons19. Or, la croyance en la
reconstruction nécessaire de ce symbole conduisit les membres de l’É.S.D.J. à
élaborer plusieurs tentatives de mise en œuvre : tout d’abord un
“rassemblement” en Ohio (en 1831)20 ; puis l’“organisation” d’un “camp de
Sion” à New Portage (Ohio, 1834) qui incita les membres à s’installer plutôt
dans le Comté de Clay (Missouri) et dans celui de Jackson (à Independence,
Missouri)21 ; et, enfin, l’installation au bord du Lac Salé (Utah, 1847)22.
19
Cf. Doctrine et Alliances. Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, Salt Lake City,
Utah, USA. D&A 38:4.
20
Cf. N.P., pp. 16-19.
21
Cf. N.P. pp. 27-29 et pp.37-44.
22
Cf. N.P., pp. 69-93 et p. 75.
23
Voir J. Langeland, « Scandinavia, The Church in ». Op. cit.. L’auteur précise également que
les registres de compte des immigrants ne tinrent pas compte des enfants de moins de huit ans
et que « l’Église en Amérique de l’Ouest se trouva considérablement agrandie du fait de ces
immigrants » (n.t.) , p. 1263.
24
D’après le site d’information de l’É.S.D.J. : Newsroom.lds.org. qui ajoute encore que 26 000
Danois se convertirent au mormonisme entre 1852 et 1920
[http://www.lds.org/newsroom/ciya/0,15253,3880-1,00.html, consulté le 7.06.04].
25
Cf. NP. : « A partir du début des années 1900, les dirigeants de l’Église encouragèrent les
saints à rester chez eux plutôt qu’à se rassembler en Utah », p. 107. Voir également les
déclarations de Joseph F. Smith rapportées dans le même passage : « Il est désirable que notre
peuple reste dans ses pays d’origine et crée des assemblées de caractère permanent pour aider
au prosélytisme [notes de l’ouvrage : J. R. Clark, comp., Messages of the First Presidency of The
Church of Jesus Christ of Latter-Day Saints, 6 vol. (1965-75), 4:222] » (NP p. 107).
26
Ibid. p. 106.
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 7
que les deux guerres mondiales et la collecte des fonds nécessaires au
financement de l’opération ait quelque peu retardé l’exécution du projet, car le
temple de Berne ne fut ouvert que le 11 septembre 1955. Les pays scandinaves
durent attendre les années 1980 avec l’ouverture de celui de Suède (Stockholm,
2 juillet 1985).
Depuis le début 2004, cinq temples ont été “dédicacés”, ce qui ne témoigne pas,
à première vue, d’une période de construction particulièrement intensive en
comparaison d’autres années : 19 temples furent par exemple ouverts entre
1983 et 1986, il y en eut 14 en 1999, et un nombre record fut peut-être atteint en
l’an 2000 avec la dédicace de 33 bâtiments.
Cependant, l’accent ne semble pas être plus spécifiquement porté sur l’Europe
aujourd’hui ; et, si l’on considère la localisation des récentes dédicaces, il
apparaît plutôt qu’une dissémination à travers le monde soit en cours : on voit
désormais des temples nouvellement ouverts ou annoncés en Amérique Latine,
en Europe de l’Est, en Alaska, en Afrique (au Ghana) et en Australie, ce qui
27
Sources : http://www.lds.org/temples/chronological/0,11206,1900-1,00.html (site officiel de
l’É.S.D.J., consulté le 06.07.2004).
28
Cf. http://www.lds.org/newsroom/extra/0,15505,3881-1---66832,00.html (consulté le 07.07.04).
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 8
diffère fortement de la politique dix-neuvièmiste focalisée sur une terre promise
américaine. Autre témoignage peut-être de ce renversement de situation :
l’allusion de G. B. Hinckley comparant le temple de Manhattan qu’il s’apprêtait
à dédicacer à une « Sion dans Babylone »29.
29
Voir les propos de G.B. Hinckley rapportés par le Salt Lake Tribune : « As I walked through
this magnificent building created within an old building, I said to myself, ‘This is Zion in
Babylon’» [Peggy Fletcher Stack, « Faithful LDS join in temple dedication », The Salt Lake
Tribune (UT), 14 juin 2004]. Pour rendre plus explicite, s’il le faut, la référence à Babylone, on
peut reproduire la définition du concept donnée par le G. É. : « Babel, Babylone : Ville de
Babylonie […] Le Seigneur confondit les langues à l’époque où le peuple construisait la tour de
Babel. […] Elle devint une ville perverse et symbolise depuis la méchanceté du monde. » (p. 17).
30
Source : Newsroom.lds.org [http://www.lds.org/newsroom/ciya/info/0,15251,3964-1-
42,00.html], (site officiel de l’É.S.D.J., consulté le 10.06.04).
31
Source : Ambassade Royale du Danemark. Voir la page sur l’Internet :
http://www.amb_danemark.fr/vie_danemark/infos_generales/introduction.htm (consulté le
12.07.2004).
32
J. Langeland, « Scandinavia – The Church in », op. cit., p. 1263.
33
Principal livre canonique reconnu avec la Bible dans l’É.S.D.J., les deux autres ouvrages du
triptyque mormon étant La Perle de grand prix et les Doctrine et alliances. Cf. Le Livre de Mormon.
Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, Salt Lake City, Utah, USA, 1998. (1ère ed.
1830).
34
J. Langeland, « Scandinavia – The Church in », op. cit., p. 1264.
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 9
1. Les « Journée portes ouvertes ». « Sens de la visite »
35
Cf. G.B. Hinckley lors de la dédicace du 13 juin 2004 : « As I walked through this magnificent
building created within an old building […] » The Salt Lake Tribune (UT), op. cit..
36
Ce personnage correspond, dans la tradition mormone, à un ange qui aurait révélé à Joseph
Smith l’existence du Livre de Mormon. Sa figure domine aujourd’hui tous les temples mormons :
tourné vers l’Est et sonnant de la trompette, il symbolise l’annonce du message christique.
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 10
Pour l’occasion, l’É.S.D.J. a fortement marqué l’événement au moyen d’une
campagne publicitaire utilisant les médias danois (quotidiens, radio et TV) et la
distribution de brochures, de tracts d’information, et d’invitations aux “Åbent
Hus” ou “portes-ouvertes”. Au cours d’une période de trois semaines environ,
des “tours” du temple étaient proposés aux visiteurs extérieurs, de 10h00 à
21h00. Mais en quoi cela consistait-il exactement ?
Il semble que les Danois comme leurs proches voisins Suédois de Malmø furent
relativement nombreux à avoir alors visité le temple. Par exemple, chaque
groupe de visiteurs comptait environ 35 personnes ; à certains moment de la
journée, nous pouvions en dénombrer au moins six simultanément (en
particulier le mercredi, où, traditionnellement, la plupart des musées de
Copenhague sont gratuits). Quant au type des personnes concernées, il
s’agissait de scolaires, de voisins, de curieux venus individuellement ou en
famille, mais, très peu étaient mormons (ceux-là attendant plutôt de pouvoir
entrer dans le temple dédicacé). D’après les chiffres fournis par l’É.S.D.J. au
Danemark enfin, il serait question de 25 512 visiteurs en deux semaines et
demi37.
37
Chiffres totalisant l’ensemble des visiteurs durant l’intégralité de la session portes-ouvertes du
26 avril au 15 mai. Sources : http://www.mormon.dk (le 31.05.2004). D’après l’une de nos
correspondantes mormones au Danemark, ce chiffre serait important en comparaison de celui
établi pour l’ouverture du temple de Manhattan qui aurait reçu en réalité 53 000 visiteurs en un
mois.
38
Elle aussi est neuve, vu que le temple occupe maintenant l’ancien emplacement.
39
Les personnes handicapées, âgées ou déficientes étaient spécialement prises en charge : la
chapelle comme le temple étant équipés d’ascenseurs et des fauteuils roulants ayant été prévus
en cas de nécessité.
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 11
de son propriétaire, ils conduisent les visiteurs dans une salle où est projeté un
film comprenant un historique et une présentation des temples mormons (avec
des photos d’autres sites dans le monde) mais surtout l’interview de membres,
d’“autorités” et du “prophète” de l’É.S.D.J. justifiant l’intérêt de ces
constructions et des rites qu’elles abritent. Puis les guides fournissent des
recommandations encadrant la visite (interdiction de toucher, silence, etc.) et
divisent l’assistance en deux sous-groupes40.
Les groupes sont dirigés vers le temple où ils traversent différentes salles :
! une sorte de guichet, à l’entrée, où un “certificat de dignité” sera
demandé aux membres qui voudront pénétrer dans le temple après sa
dédicace ;
! une salle d’accueil et de repos (v. première photo de la série qui
suit, pièce arrangée dans un style « années trente » du fait de la
construction d’origine) ;
! un vestiaire équipé de coffres où les “membres” laisseront leurs
vêtement profanes pour revêtir ceux, blancs et simples, dévolus aux rites
du temple ;
! la salle de la mariée, où celle-ci se préparera en compagnie de sa
mère au “mariage éternel” (v. deuxième photo) ;
! les fonts baptismaux, placés en sous-sol pour accuser la
signification de la mort et de la renaissance symbolique, destinés au
baptême des morts41 (v. troisième photo) ;
40
Chaque groupe sera pris en charge par deux guides, mais sur tout le chemin, d’autres
personnes sont régulièrement postées pour l’indication et l’encadrement du déroulement des
visites.
41
Rite par lequel les membres peuvent recevoir le baptême par procuration pour leur
ascendance. Cette pratique est d’ailleurs plus connue à travers sa phase préparatoire de
recherche des noms, par la généalogie. Le but de cette opération semble être surtout de racheter
l’âme de ceux qui, plongés dans l’“apostasie”, n’ont pas eu accès au baptême de leur vivant.
D’après des témoignages que nous avons pu recueillir, il semblerait que la cérémonie prévoit
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 12
! une série de deux salles d’ordonnances42 suivies de la salle céleste, sur
laquelle nous reviendrons un peu plus loin (pour la salle céleste, v.
quatrième photo)43 ;
! la salle des scellements où se font les “mariages éternels” et les
“scellements44” des membres d’une même famille (un jeu de deux miroirs
se faisant face et créant une infinité de reflets y symbolise l’éternité. V.
cinquième photo).
La visite se termine enfin sous une tente dressée à proximité du temple. Des
rafraîchissements y attendent les visiteurs. C’est à ce moment qu’interviennent
les missionnaires46 qui distribuent de petits cartons visant à recueillir les
une demande adressée au défunt et visant à lui donner la possibilité d’accepter ou de refuser le
baptême dans l’autre monde.
42
Le terme d’“ordonnances” répond à peu de choses près au terme de rite. Dans le cas présent,
les salles ainsi définies sont des lieux où les individu acquièrent rituellement des connaissances
spécifiques. Voir au sujet de ces lieux les art. précit. supra de J-F. Mayer.
43
Le passage d’une salle à l’autre est accentué par l’augmentation progressive de la luminosité,
ainsi que par une ascension à travers un escalier en spirale entre les niveaux (sixième photo de la
série plus haut) et le sol d’un couloir légèrement incliné avant l’arrivée à la salle céleste. Le but
poursuivi est de figurer la progression en spiritualité et en connaissance.
44
Étude en cours sur cette question.
45
Voir : http://www.mormon.dk/html/1/09/1,09,07,001.html (consulté le 8.06.04)
46
Personne ayant répondu à un “appel” de service en prosélytisme, enseignement ou travail
humanitaire. Les jeunes missionnaires doivent êtres âgés d’au moins 19 ans pour les jeunes
gens, et 21 ans pour les jeunes filles. Cet engagement, qui est alors “à plein temps”, dure deux
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 13
impressions de chacun. Le formulaire se divise en réalité en trois parties : l’une
concerne l’identité et les coordonnées de l’individu, l’autre consigne ses
commentaires sur la visite ; et la dernière consiste en plusieurs propositions,
soit un Livre de Mormon, soit une première visite des missionnaires pour
recevoir leurs “enseignements”, soit une documentation sur l’É.S.D.J.. Ce
faisant et en discutant informellement, les missionnaires procèdent à la prise de
contact de nouvelles personnes auprès desquelles ils pourront conduire la série
de “leçons missionnaires” habituelle à leur activité. D’après ceux et celles que
nous avons rencontrés, le pourcentage de visiteurs acceptant cette dernière
proposition reste assez faible, mais ceux qui demanderaient à obtenir le livre
serait plus nombreux.
Apparemment, tout est donc visible dans le temple tant qu’il n’est pas sacralisé
par la dédicace. De surcroît, l’É.SD.J. tient à démontrer, au-delà d’une seule
visibilité, une certaine ouverture à l’extériorité à travers son prosélytisme lui-
même (certes, la démarche vise à intégrer l’altérité, mais celle-ci n’est pas
totalement exclue). Où réside alors le secret du temple ? Quelles frontières
séparent ceux qui le partagent du monde extérieur ?
Si l’on se tourne vers le mode de performance des rites, l’on s’aperçoit ensuite
qu’il est justement mal connu. Il est vrai que des éléments significatifs et les
buts poursuivis sont quelquefois rendus accessibles par des ex-Mormons. Mais
les “membres-actifs” sont généralement réticents à les évoquer. En tout cas, il y
a « des choses qu’ils ne peuvent pas (ou ne doivent pas, selon les différents
témoignages) dire », et l’on peut ainsi concevoir que la seconde barrière
hermétique demeure dans le discours.
ans pour les premiers et 18 mois pour les secondes. Des missionnaires en couple peuvent
également être “appelés” à remplir des fonctions particulières au sein de la mission (ex. : la
“présidence de mission”). Ce sont soit des personnes ayant interrompu leurs activités
professionnelles à cet effet, soit, comme c’est le cas le plus souvent, des retraités. À noter aussi
que les missionnaires sont rarement affectés dans leur service à leur propre pays, mais que le
principe de la mission implique plutôt, à tous les égards, un éloignement maximal d’avec la vie
ordinaire.
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 14
En considérant la succession des “salles d’ordonnances”, on observe que le
point d’aboutissement des deux premières est l’entrée dans la “salle céleste” où
l’individu est amené à se représenter le terme d’achèvement de son parcours
initiatique. Or, à cet endroit, le silence est de rigueur. Lors de la visite des
portes-ouvertes, les visiteurs sont d’ailleurs prévenus avant d’y entrer qu’ils ne
devront pas y dire un mot. Les guides spécifient également que les membres
feront de même, lorsque le temple sera en service. La conclusion d’un secret
pouvant être maintenu entre les initiés eux-mêmes serait un peu hâtive. Mais il
n’en reste pas moins que le point culminant des révélations attendues par
l’initié se tient dans le silence : on peut aussi constater le caractère personnel de
leur contenu, et supposer leur incommunicabilité. De cette forme d’indicibilité
émerge donc encore une zone de protection du secret.
L’évolution historique des rituels du temple joue enfin un rôle dans cette
logique de séparation symbolique. On pourrait penser que l’écoulement du
temps ait favorisé la divulgation du secret, ou du moins, l’abandon progressif
des techniques visant à sa préservation. Or, dans le cas présent, il est possible
que la politique mormone d’adaptation à la modernité ait induit le contraire en
introduisant un autre type de silence dans le temple. Dans la “première salle
d’ordonnance”, par exemple (v. photo qui suit), apparaît un écran destiné à la
projection de films, mais se trouvent aussi des bornes (v. dans la partie
supérieure de la photo, au centre, l’antenne en forme de boîtier disposé dans
l’angle du plafond blanc) permettant de retransmettre le son par infra-rouge et
dans la langue de chacun jusqu’au casque de l’initié. Les scènes jouées et les
projections de films classiques sont ici remplacées par des moyens techniques
plus récents qui ont finalement pour effet d’instaurer une nouvelle dimension
silencieuse dans les lieux. On ne sait si cette conséquence est vraiment
recherchée, mais, en tout cas, une atmosphère de confidentialité se dégage ainsi
de la réception individuelle des messages.
47
Voir : http://www.mormon.dk/html/1/09/1,09,07,001.html (consulté le 8.06.04)
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 15
En le visitant, un dernier détail atteste enfin fait que ce temple s’adresse d’une
manière toute particulière aux Danois : dans la salle réservée au baptême des
morts, l’une des deux fresques ornant les murs représente des Danois célèbres
du passé (ainsi, entre autres, Andersen) appelés au baptême mormon par le
Christ. Comme si un dualisme entre silence et prosélytisme - coexistence
paradoxale du secret et de la transmission - voulait encore s’affirmer.
Sophie-Hélène Trigeaud
Doctorante de l’EHESS (Paris)
Nous tenons à remercier les membres de l’É.S.D.J. (Danois, mais pas seulement) qui nous ont
accueillie à Copenhague et nous ont permis par leur accueil de découvrir leur nouveau temple.
Références :
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 16
! Ambassade Royale du Danemark. V. la page sur l’Internet :
http://www.amb_danemark.fr/vie_danemark/infos_generales/introduction.htm
(consulté le 12.07.2004).
Trigeaud – Temples de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours – Août 2004 17