Albert Camus Lhumaniste Intransigeant
Albert Camus Lhumaniste Intransigeant
Albert Camus Lhumaniste Intransigeant
Albert Camus,
l’humaniste intransigeant
Denis Salas
S
ous ses différents aspects, l’œuvre d’Albert Camus est
plongée dans les violences de son siècle. Éditorialiste à
Combat pendant la Résistance, auteur de l’Homme
révolté en pleine guerre froide ou intellectuel déchiré par la
tragédie algérienne, il est sans cesse traversé par les tourments
d’un « siècle de la peur ». L’intérêt des discours prononcés en
Suède lors de l’attribution du prix Nobel en 1957 est de cer-
ner ce statut d’écrivain engagé qu’il se donne dans ces cir-
constances. « Écrivain » n’est pourtant pas le mot qu’il
emploie. Camus se décrit tel un « artiste » « embarqué dans
les galères de son temps » comme pour mieux marquer sa
différence, lui qui est romancier et dramaturge autant qu’es-
sayiste. Quand il affirme que « le temps des artistes
1. Conférence à l’Univer- irresponsables est passé », il revendique la responsabilité de
sité d’Upsala (« L’artiste et
son temps », 14 décembre l’intellectuel1. Ses interventions publiques s’apparentent,
1957) d a ns E ssai s, dit-il, à un « service militaire obligatoire » comme pour mieux
Bibliothèque de la Pléiade,
en marquer le sens civique dont la tonalité est moins politique
(é d . Roge r Q u i l l iot),
p. 1080. que morale.
Pour cerner la pensée proprement politique qui fonde
ses engagements, il faut chercher dans ses essais et, pour
partie, dans ses fictions et des textes dispersés, articles ou
éditoriaux, à ces différentes périodes. Souvent, on le dit
libertaire ou de sensibilité anarchiste en évoquant sa
proximité avec Nietzsche et sa lecture de Bakounine, ces
figures des révoltes « métaphysique » et « historique » de
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Un perpétuel contemporain
Camus, s’il est de tempérament libertaire, est profondément
libéral en ce qu’il croit à la démocratie et en ses institutions.
Seule celle-ci est capable d’imposer des contraintes à l’État :
la division des pouvoirs, une justice et une presse indépen-
dantes, le respect des droits mais aussi la mobilisation des
opinions publiques animées par la solidarité et les droits des
minorités. L’expérience démocratique suppose une action
soutenue par une citoyenneté intellectuelle et morale. Alors
que l’État-nation se pare de symboles définitifs, telle la souve-
raineté, il n’y a pas de vérité absolue en démocratie. À l’en-
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que Camus en démocrate, c’est-à-dire en homme de l’incerti- Denis Salas sur
tude, n’a cessé de défendre. www.revue-etudes.com
Denis Salas
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