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OIT

Organisation
internationale
du Travail

Manuel Syndical sur les Zones Franches d’Exportation


Manuel
Syndical sur les
Zones Franches
d’Exportation

ACTRAV
Bureau ACTRAV
des Activités pour Bureau
les Travailleurs for Workers’
Activities

Made of paper awarded the European Union Eco-label reg.nr FI/11/1.


Manuel Syndical sur les

ZONES
FRANCHES
D’EXPORTATION
Copyright © Organisation internationale du Travail 2014

Première édition 2014

Les publications du Bureau international du Travail jouissent de la protection du droit d’auteur en vertu du
protocole no 2, annexe à la Convention universelle pour la protection du droit d’auteur. Toutefois, de courts
passages pourront être reproduits sans autorisation, à la condition que leur source soit dûment mentionnée.
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lications du BIT (Droits et licences), Bureau international du Travail, CH-1211 Genève 22, Suisse, ou par
courriel: pubdroit@ilo.org. Ces demandes seront toujours les bienvenues.
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reproduction ne peuvent faire des copies qu’en accord avec les conditions et droits qui leur ont été octroyés.
Visitez le site www.ifrro.org afin de trouver l’organisme responsable de la gestion des droits de reproduction
dans votre pays.
______________________________________________________________________________________________

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


ISBN 978-92-2-228613-3 (print) 978-92-2-228614-0 (web pdf)

Egalement disponible en anglais: Trade Union manual on Export Processing Zones ISBN 978-92-2-128613-
4 (print) 978-92-2-128614-1 (web pdf), Genève, 2014, et en espagnol: Manual sindical sobre las zonas
francas de exportación ISBN 978-92-2-328613-2 (print) 978-92-2-328614-9 (web pdf), Genève, 2014.

Données de catalogage du BIT

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Les désignations utilisées dans les publications du BIT, qui sont conformes à la pratique des Nations Unies,
et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part du Bureau international du Travail au-
cune prise de position quant au statut juridique de tel ou tel pays, zone ou territoire, ou de ses autorités, ni
quant au tracé de ses frontières.
Les articles, études et autres textes signés n’engagent que leurs auteurs et leur publication ne signifie pas
que le Bureau international du Travail souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
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n’implique de la part du Bureau international du Travail aucune appréciation favorable ou défavorable.
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de même qu’un catalogue ou une liste des nouvelles publications, à l’adresse suivante: Publications du BIT,
Bureau international du Travail, CH-1211 Genève 22, Suisse, ou par courriel: pubvente@ilo.org.
Visitez notre site Web: www.ilo.org/publns.
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Conception et impression par le Centre international de formation de l’OIT, Turin - Italie
Avant-propos
Au cours des dernières années, le Bureau des activités pour les travailleurs de l’OIT a
développé un programme visant à soutenir les syndicats dans leurs efforts d’organisation
des travailleurs des zones franches d’exportation (ZFE). Cette préoccupation pour les
travailleurs des ZFE s’explique par le fait que ces travailleurs sont généralement privés
du droit d’organisation et que le travail décent fait gravement défaut dans ces zones.
Toutefois, en même temps, ces zones prolifèrent dans le monde entier.
Selon les statistiques de l’OIT, 47 pays comptaient des ZFE en 1986. Deux décennies
plus tard, le nombre de pays dotés de ZFE est passé à 130. Durant la même période, le
nombre de ZFE dans le monde a augmenté de 176 à 3.500. Aujourd’hui, les estimations
prudentes de l’OIT établissent le nombre de travailleurs employés dans les ZFE à plus de
66 millions. Ce phénomène des ZFE se développe donc rapidement. Cette évolution est
liée à la mondialisation croissante de la production et à la concurrence entre les États
pour attirer les investissements directs étrangers.
Vu la croissance des ZFE, les syndicats s’efforcent de s’assurer que les conditions de
travail et de vie des travailleurs de ces zones respectent les principes consacrés dans les
normes internationales du travail de l’OIT reconnues au niveau international. Cela signifie
que des droits fondamentaux tels que la liberté syndicale et la négociation collective,
la non-discrimination, les droits des travailleurs ayant des responsabilités familiales, le
droit à la santé et à la sécurité au travail, entre autres, sont respectés dans les zones.
Ce manuel est une contribution supplémentaire d’ACTRAV pour aider les syndicats à
atteindre ces objectifs.
Le manuel est le fruit d’une importante collaboration entre ACTRAV et les syndicats. Notre
gratitude s’adresse d’abord à M. Ramon Vivanco qui a rédigé le manuel. Nous adressons
nos remerciements à plusieurs collègues du secrétariat de la CSI, en particulier à Mme
Isabelle Hoferlin, pour leurs nombreuses observations sur les avant-projets. Nous tenons
également à remercier Mme Jenny Holdcroft pour sa contribution inestimable. Notre
reconnaissance s’adresse aussi aux collègues du Bureau de l’égalité entre hommes et
femmes de l’OIT pour leurs précieux commentaires. Ce manuel n’aurait pas été possible
sans la contribution de plusieurs centres syndicaux nationaux qui ont préparé des rapports
de pays. Nos remerciements s’adressent à M. Claude Akpokavie, point focal d’ACTRAV sur
les ZFE, pour ses commentaires et pour la coordination de l’ensemble du projet. Enfin,
nous remercions le gouvernement suédois qui a financé le programme d’ACTRAV sur les
ZFE.
Mme Maria Helena André
Directrice
Bureau des activités pour les travailleurs
de l’OIT

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation iii


Préface
Chaque jour, dans un nombre croissant de pays, un groupe de jeunes va travailler, très
souvent dans des lieux fortement gardés et clôturés. Le plus souvent, ces travailleurs se
voient refuser le droit de s’organiser. La cadence élevée de leur travail est conditionnée par
des quotas de production qu’ils doivent atteindre quotidiennement. Ils continuent à travailler
malgré les nombreux déficits de travail décent qu’ils endurent parce qu’ils ont besoin de
ces emplois pour survivre. Toutefois, il est si difficile de travailler dans ces conditions que la
rotation parmi ces travailleurs est anormalement élevée dans la plupart des pays. Telle est
la réalité du travail dans les zones franches d’exportation (ZFE). Les travailleurs concernés
sont généralement des jeunes femmes, pauvres dans l’ensemble, et, dans certaines régions,
des migrantes internes qui se déplacent des zones rurales vers les villes.
Alors même que de plus en plus de pays mettent en place ces ZFE et que les gouvernements
soulignent le nombre d’emplois qu’elles créent, les syndicats considèrent ces zones
comme des îlots, en dehors du champ des relations professionnelles traditionnelles, qui
concentrent les déficits de travail décent et sont le symptôme de «la course vers le bas» de
l’économie mondiale. Les syndicats ont cherché à relever le défi de ces zones en utilisant
principalement deux stratégies. Tout d’abord, en impliquant leurs gouvernements dans les
politiques socio-économiques qui sous-tendent la stratégie des ZFE du pays. Ensuite, et
ce qui est plus important encore, en s’efforçant d’organiser les travailleurs des ZFE qui se
voient systématiquement refuser ce droit. Ce manuel a comme objectif d’aider les dirigeants
syndicaux, les militants, les organisateurs et les formateurs à relever ces deux défis.
L’idée de rédiger ce manuel a vu le jour lors des discussions qui se sont tenues pendant
un séminaire international organisé sur le thème «S’organiser dans les zones franches
d’exportation». Ce séminaire a rassemblé des dirigeants syndicaux travaillant dans les
ZFE d’une quinzaine de pays. La plupart des idées, des expériences et des stratégies
présentées dans ce manuel proviennent de deux sources, à savoir le séminaire international
et les rapports nationaux sur la situation des ZFE au Nicaragua, au Nigéria, à Madagascar,
au Togo, au Maroc, en Inde et en Chine. Ces rapports nationaux présentent une analyse
en profondeur des ZFE dans ces pays et les stratégies employées par les syndicats pour
organiser les travailleurs. Le manuel et les rapports de pays permettent à ACTRAV de
présenter une image dynamique des conditions de travail dans les ZFE à travers le monde
et contribuent à identifier les stratégies syndicales efficaces pour défendre les droits des
travailleurs dans ces zones.
La violation des droits des travailleurs dans les ZFE est avant tout une violation des droits
des jeunes femmes. Les stratégies traditionnelles d’organisation doivent être complétées
par des nouvelles stratégies innovantes qui tiennent compte de la dimension de genre.
Ainsi, la dimension de genre des stratégies syndicales dans les ZFE est primordiale si les
syndicats veulent être efficaces dans leur défense des travailleurs et des travailleuses.
C’est pourquoi, ce manuel incite également les syndicats à mettre le genre et la non-
discrimination au centre de leurs structures, politiques et stratégies d’organisation.

Claude Akpokavie
Spécialiste principal, Bureau des
activités pour les travailleurs

iv Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Table des matières

Avant-propos..........................................................................................................iii

Préface.................................................................................................................. iv

Abréviations.......................................................................................................... xii

Introduction......................................................................................................... xiii

Chapitre 1: Chiffres et données sur les ZFE............................................................... 1

ZFE: Définition, origines et formes au fil du temps .................................... 1


Comment les ZFE ont-elles évolué au fil du temps? ................................... 2
Aperçu statistique des ZFE ..................................................................... 3
Vue d’ensemble des avantages spéciaux accordés dans les ZFE .................. 4
Pourquoi les gouvernements créent-ils des ZFE?........................................ 6
Entreprises et ZFE ................................................................................. 7
Secteurs économiques, investisseurs et marchés d’exportation des ZFE....... 8
Exercice.............................................................................................. 10

Chapitre 2: Profil des travailleurs dans les ZFE........................................................ 13

Travailleuses........................................................................................ 13
Jeunes travailleurs ............................................................................... 14
Travailleurs appauvris ........................................................................... 15
Travailleurs migrants ............................................................................ 16
Travailleurs précaires............................................................................ 16
Exercise............................................................................................... 16

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation v


Chapitre 3: Conditions de travail dans les ZFE à la lumière
de l’agenda pour le travail décent de l’OIT.............................................................. 19

Agenda pour le travail décent de l’OIT ................................................... 19


Questions d’emploi dans les ZFE ........................................................... 20
Quantité d’emplois ..................................................................... 21
Qualité de l’emploi ..................................................................... 22
Droits des travailleurs dans les ZFE ....................................................... 24
Liberté syndicale et reconnaissance effective du droit de
négociation collective ................................................................. 24
Restrictions légales à la syndicalisation .................................... 28
Accès aux ZFE ....................................................................... 29
Restrictions légales à l’action syndicale .................................... 31
Ingérence dans les affaires des organisations des travailleurs ..... 32
Discrimination antisyndicale.................................................... 34
Négociation collective ............................................................. 37
Élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession......43
Abolition du travail forcé ou obligatoire ......................................... 45
Abolition du travail des enfants .................................................... 46
Inspection du travail ................................................................... 47
Protection sociale dans les ZFE ............................................................. 48
Licenciement.............................................................................. 49
Sécurité sociale ......................................................................... 50
Salaires ..................................................................................... 52
Temps de travail ......................................................................... 53
Santé et sécurité au travail .......................................................... 54
Protection de la maternité ........................................................... 56
VIH/SIDA sur le lieu de travail ..................................................... 58
Travailleurs ayant des responsabilités familiales ............................ 59
Harcèlement sexuel et violence fondée sur le sexe ......................... 60
Dialogue social dans les ZFE................................................................. 60
Exercice.............................................................................................. 65

Chapitre 4: Réponses syndicales – engagement dans les débats sur les politiques...... 69

Les ZFE promeuvent-elles des liens avec l’économie nationale en


amont et en aval? ................................................................................ 70

vi Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Coûts et avantages des ZFE .................................................................. 70
Impact de la fin de l’Accord multifibres ................................................. 71
ZFE et l’Organisation mondiale du commerce ......................................... 73
Groupe de la Banque mondiale et les ZFE .............................................. 74
Conclusions: plaidoyer syndical en faveur des droits des travailleurs et
de l’égalité des sexes dans les ZFE ........................................................ 75
Exercice.............................................................................................. 77

Chapitre 5: Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE ................. 81

Obstacles à l’organisation:..................................................................... 81
Genre: un facteur crucial pour organiser dans les ZFE ............................. 83
Opportunités d’organisation .................................................................. 84
Stratégies et expériences concrètes d’organisation dans les ZFE ............... 85
Expériences d’organisation dans les ZFE ................................................ 85
Quelques enseignements fondamentaux tirés de l’organisation des
travailleurs dans les ZFE ...................................................................... 90
Exercice.............................................................................................. 93

Chapitre 6: Mécanismes internationaux pour la défense et


la promotion des droits des travailleurs des ZFE...................................................... 95

Utilisation des mécanismes de surveillance et des programmes de l’OIT ... 95


Utilisation du système de contrôle régulier ............................................. 96
Commission d’experts pour l’application des conventions et
recommandations ....................................................................... 96
Commission de l’application des normes de la Conférence
internationale du Travail .............................................................. 97
Utilisation des procédures spéciales de l’OIT .......................................... 97
Comité de la liberté syndicale (CLS) ............................................. 97
Utilisation des Déclarations pertinentes de l’OIT ..................................... 98
Utilisation des programmes par pays pour la promotion du
travail décent de l’OIT .............................................................. 101
Utilisation d’autres mécanismes internationaux .................................... 101
Utilisation des Principes directeurs de l’OCDE ............................ 101
Pacte mondial .......................................................................... 103

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation vii


Accords-cadres internationaux ................................................... 103
Codes de conduite .................................................................... 106
Cadre de référence des Nations Unies relatif aux entreprises
et aux droits de l’homme: «Les Principes Ruggie» ....................... 107
Normes de performance de la SFI et son mécanisme de traitement
des plaintes en ligne ................................................................. 108
Dispositions relatives au travail dans les accords internationaux
sur le commerce et les investissements ...................................... 109
Rapports de la Confédération syndicale internationale .................. 114
Exercice............................................................................................ 115

Liens et contacts ............................................................................................... 120

Bibliographie...................................................................................................... 121

Liste des encadrés


Encadré 1: Avantages offerts aux investisseurs au Nigéria ...................... 5

Encadré 2: Quelques instruments pertinents de l’OIT sur l’emploi ........ 20

Encadré 3: Instruments clés de l’OIT sur la liberté syndicale et la


négociation collective ...................................................... 26

Encadré 4: Jurisprudence du Comité de la liberté syndicale (CLS)


de l’OIT sur les restrictions à la syndicalisation .................. 30

Encadré 5: Jurisprudence du CLS sur l’accès aux lieux de travail .......... 32

Encadré 7: Jurisprudence du CLS sur l’ingérence dans les affaires des


syndicats ........................................................................ 36

Encadré 8: Jurisprudence du CLS sur la discrimination antisyndicale .... 38

Encadré 9: Jurisprudence du CLS sur la négociation collective ............. 42

Encadré 10: Instruments pertinents de l’OIT sur la discrimination .......... 44

Encadré 11: Instruments pertinents de l’OIT sur le travail forcé .............. 45

Encadré 12: Instruments pertinents de l’OIT sur le travail des enfants .... 46

Encadré 13: Instrument pertinent de l’OIT sur l’inspection du travail ..... 48

viii Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Encadré 14: Instrument clé de l’OIT sur l’emploi .................................. 49

Encadré 15: Instruments pertinents de l’OIT sur la sécurité sociale ........ 50

Encadré 16: Instruments pertinents de l’OIT sur les salaires .................. 52

Encadré 17: Instruments pertinents de l’OIT sur le temps de travail ....... 53

Encadré 18: Instruments pertinents de l’OIT sur la santé et la sécurité ....... 55

Encadré 19: Instrument clé de l’OIT sur la protection de la maternité ....... 57

Encadré 20: Instrument clé de l’OIT sur le VIH/SIDA ............................. 58

Encadré 21: Instrument clé de l’OIT sur les travailleurs ayant des
responsabilités familiales ................................................. 59

Encadré 22: Instruments pertinents de l’OIT sur le dialogue social ......... 61

Encadré 23: Examen de la législation et utilisation de certains


instruments clés de l’OIT avant d’organiser......................... 82

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation ix


© OIT/M. Crozet
Abréviations
ACI: Accord-cadre international
ACTRAV: Bureau des Activités pour les Travailleurs de l’OIT
ALE: Accord de libre échange
AMI: Accord multilatéral sur l’investissement

APE: Accord de partenariat économique


ASEAN: Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE)
ASEM: Dialogue Asie-Europe
Commission d’experts pour l’application des conventions et
CEACR: recommandations
CES: Confédération européenne des syndicats
CIT: Conférence internationale du Travail
CLS : Comité de la liberté syndicale de l’OIT
Confédération syndicale des travailleurs et travailleuses des
CSA: Amériques
CSI: Confédération syndicale internationale
Fédération internationale des Organisations de travailleurs de la
FIOM: Métallurgie
Fédération internationale des travailleurs du textile, de
FITTHC: l’habillement et du cuir
FSI: Fédération syndicale internationale (GUF)
IDE: Investissement direct étranger
MERCOSUR: Marché commun du Sud
OIT: Organisation internationale du Travail
OMC: Organisation mondiale du commerce
ONG: Organisation non gouvernementale
PCN: Point de contact national
PMA: Pays les moins avancés
SFI: Société financière internationale
TUAC: Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE
UE: Union européenne
ZFE: Zone franche d’exportation

xii Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Introduction
Les conclusions du séminaire sur l’organisation dans les zones franches d’exportation
(ZFE), organisé conjointement par la Confédération Syndicale Internationale (CSI) et
le Bureau des activités pour les travailleurs de l’OIT (ACTRAV) en février 2011, ont
débouché sur deux grands défis. Tout d’abord, l’engagement dans le débat politique avec
les gouvernements sur les politiques des ZFE. Ensuite, l’organisation des travailleurs. Le
manuel répond à ces deux défis.
Les participants au séminaire ont convenu de la nécessité de définir des nouvelles approches
qui combinent les méthodes traditionnelles d’organisation avec des outils modernes; de
la nécessité d’avoir des objectifs d’organisation stratégiques définis au niveau national ;
de la nécessité de réformer les structures syndicales pour assurer la participation des
femmes dans le leadership, la planification et l’organisation ; de la nécessité d’organiser
des campagnes basées sur les priorités établies au niveau national ; et de la nécessité
d’encourager une meilleure coordination entre les syndicats nationaux, les organisations
syndicales régionales et internationales, et ACTRAV. Le suivi du séminaire international
se concentre sur cinq actions stratégiques, à savoir, la mise en réseau, les activités de
renforcement des capacités, le soutien juridique, la recherche et les débats politiques sur
la stratégie des ZFE. Ce manuel est une contribution au plan d’action de suivi.
Ce manuel est divisé en six chapitres couvrant les principales caractéristiques et
composantes des ZFE, le profil des travailleurs des ZFE, les déficits de travail décent dans
les ZFE à la lumière de l’Agenda pour le travail décent de l’OIT, la réponse syndicale au
niveau politique, les stratégies syndicales d’organisation, les instruments internationaux
pour promouvoir et défendre les droits syndicaux, et une liste de liens et de contacts
importants. Chaque chapitre se termine par quelques exercices de sorte que le document
peut également être utilisé comme un outil de formation.
Le “Manuel syndical sur les zones franches d’exportation” contient des questions
politiques pertinentes à prendre en considération dans les débats politiques sur les ZFE.
Il a pour objectif d’aider les organisateurs, les négociateurs, les formateurs et le personnel
juridique des syndicats dans leurs activités. Le document vise également à donner aux
utilisateurs une vue d’ensemble et une compréhension de la réalité des ZFE, et à les aider
à développer une perspective syndicale qui tienne compte de la dimension de genre, de
même qu’une approche de l’organisation dans les ZFE. Le manuel présente également
une multitude d’instruments internationaux qui peuvent être utiles aux syndicats dans leur
campagne d’organisation. Le manuel peut être utilisé comme un document de référence
ou comme une aide pour organiser des activités et travailler avec les gouvernements.
Finalement, le manuel est aussi un outil de renforcement des capacités et de formation
des militants syndicaux et des organisateurs.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation xiii


Chapitre 1:
Chiffres et données sur les ZFE

ZFE: Définition, origines et formes au fil du temps


Pour l’Organisation internationale du travail (OIT), les zones franches d’exportation
(ZFE) sont des zones industrielles offrant des avantages spéciaux, ayant pour vocation
d’attirer des investisseurs étrangers et dans lesquelles des produits importés subissent
une transformation avant d’être exportés ou réexportés.
L’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) définit une
zone franche d’exportation comme une zone relativement petite et géographiquement
séparée au sein d’un pays, dont le but est d’attirer des industries orientées vers l’exportation
en leur offrant des conditions commerciales et d’investissement très favorables comparées
à celles en vigueur dans le reste du pays hôte.
La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED)
définit les zones franches d’exportation comme des zones industrielles qui constituent
des enclaves dans le territoire douanier national et qui sont généralement situées à
proximité d’un port et/ou d’un aéroport international. La totalité de la production de ces
zones est généralement exportée. Les importations de matières premières, de produits
intermédiaires, d’équipements et de machines nécessaires à la production destinée à
l’exportation ne sont pas soumises aux droits de douane.
La Banque mondiale définit une zone franche d’exportation comme une zone industrielle,
généralement fermée et d’une superficie de 10 à 300 hectares, spécialisée dans la
production destinée à l’exportation. Elle offre aux entreprises des conditions de libre-
échange et un environnement réglementaire libéral.
Selon les définitions des organisations internationales, les éléments clés qui caractérisent
une ZFE sont les suivants:
QQ Ce sont des zones industrielles jouissant d’avantages spéciaux.
QQ Elles sont relativement petites, constituent des zones géographiquement séparées
au sein d’un pays et sont généralement situées à proximité d’un port ou d’un
aéroport international.
QQ Leur objectif est d’attirer des industries orientées vers l’exportation en leur offrant
des conditions de libre-échange et un environnement réglementaire libéral.
QQ La totalité de la production de ces zones est généralement exportée.
© OIT/M. Crozet

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 1


1 Chiffres et données sur les ZFE

Des dénominations communes utilisées pour les zones franches d’exportation incluent
des références à des «zones géographiques ou enclavées» et à des «conditions de libre-
échange» pour attirer les «entreprises orientées vers l’exportation». L’OIT constate environ
30 définitions utilisées dans le monde pour indiquer des petites différences en termes de
concessions, de subventions et de règlementations.

Comment les ZFE ont-elles évolué au fil du temps?


Les premières références à des zones franches d’exportation sont espagnoles et datent du
13ème siècle, lorsque le roi Alphonse X accorda certains privilèges commerciaux à la ville
de Cadix. Toujours en Espagne, une zone franche fut mise en place à Barcelone et devint
opérationnelle après la Seconde Guerre mondiale lorsque plusieurs usines automobiles y
furent établies. L’Irlande et Porto Rico sont d’autres exemples de pays qui ont établi des
ZFE à la fin des années 1950.
Les ZFE se sont développées de manière significative après la Seconde Guerre mondiale.
Le grand boom s’est produit dans les années 1970 et s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui.
En Asie, l’Inde a établi la première ZFE à Kandla en 1965, Taïwan à Kaohsiung en 1965,
la République de Corée à Masan en 1970 et les Philippines à Bataan en 1972. En 1980,
la Chine a établi cinq zones économiques spéciales (ZES) situées sur la côte. Des pays
africains tels que le Sénégal, le Liberia et le Ghana ont établi des ZFE dans les années
1970. L’Amérique latine et les Caraïbes ont fait de même dans les années 1970. Par
exemple, la Colombie a établi une ZFE à Barranquilla en 1964, le Honduras à Puerto
Cortés en 1972, Le Salvador à San Bartolo en 1973 et le Costa Rica à Santa Rosa/El
Roble au début des années 1980.
Les ZFE ont considérablement évolué depuis leur création - dans leur forme et dans leur
portée. Les types d’activité ont également évolué et, bien que la production traditionnelle
de produits tels que les textiles et les vêtements soit encore largement répandue et
commune, de nombreuses nouvelles zones se spécialisent dans des secteurs de produits
spécifiques tels que l’électronique et les produits chimiques, ou dans des secteurs de
services tels que la technologie de l’information (IT) et les services financiers. Leur forme
physique inclut désormais non seulement des zones enclavées, mais aussi des zones

2 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Chiffres et données sur les ZFE 1

d’une seule industrie, d’un seul produit, d’une seule usine ou d’une seule entreprise. Les
modèles de propriété ont également changé. La participation privée et gouvernementale
y est de plus en plus importante. En outre, les entreprises étrangères et les entreprises
nationales tendent à coexister dans les ZFE. La condition exigeant que toute la production
soit exportée a également été assouplie dans de nombreuses nouvelles zones, et la
fourniture de biens et de services à l’économie nationale est autorisée sous réserve du
paiement des droits1. Dans certains cas, des gouvernements ont également octroyé le
statut de ZFE au pays tout entier, comme par exemple au Sri Lanka ou au Honduras
en 1998. Cela signifie que les entreprises partout dans le pays peuvent demander et
bénéficier du statut de ZFE indépendamment de leur localisation.

Aperçu statistique des ZFE


Selon l’OIT, il y a actuellement environ 3.500 ZFE à travers le monde. Elles opèrent
dans environ 130 pays et territoires, et emploient environ 66 millions de personnes. Le
nombre de pays dotés de ZFE est passé à 130 en 2006, comparé à 116 en 2002 et 25 en
1975. Cependant, ces chiffres doivent être considérés avec prudence et non pas comme
une certitude absolue. Étant donné le manque de données fiables et exhaustives sur les
tendances de l’emploi dans les ZFE, les chiffres de l’OIT sont des estimations largement
basées sur des sources secondaires. D’autres sources considèrent ces chiffres comme
conservateurs et avancent que le phénomène des ZFE est beaucoup plus répandu que ce
que ne montrent les statistiques officielles.

Tableau 1: Estimations de l’OIT sur l’emploi dans les ZFE

Zone géographique Estimation du nombre de Nombre de zones


travailleurs
Asie 55.741.147 900 +
Amérique centrale et Mexique 5.252.216 155
Moyen Orient 1.043.597 50
Afrique du Nord 643.152 65
Afrique sub-saharienne 860.474 90 +
États-Unis 340.000 713
Amérique du Sud 459.825 43
Économies en transition 1.400.379 400
Région des Caraïbes 546.513 250
Océan Indien 182.712 1
Europe 364.818 50
Pacifique 145.930 14
TOTAL (estimations) 65.980.763 3500 +
© ILO/N.C.

1
Par exemple, le Kenya et la Tanzanie permettent aux entreprises des ZFE de vendre jusqu’à 20% de leur production
annuelle sur le marché intérieur, sous réserve du paiement des droits et taxes d’entrée normale sur les produits.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 3


1 Chiffres et données sur les ZFE

Tableau 2: Estimations de l’OIT sur les tendances de l’emploi dans les ZFE (2008)

1975 1986 1995 1997 2002 2006


Nombre de pays
29 47 73 93 116 130
dotés de ZFE

Nombre de ZFE 79 176 500 845 3000 3500

Emploi (millions) N/A N/A N/A 22.5 43 66

Chine N/A N/A N/A 18 30 40

Autres pays 0.8 1.9 N/A 4.5 13 26

On trouve actuellement des ZFE dans le monde entier, à la fois dans les économies
développées et en développement. Selon l’OIT, l’emploi dans les ZFE a augmenté entre
2002 et 2006 de 43 à 66 millions, représentant trois pour cent de la population active
mondiale. En 2006, toutes les régions du monde, à l’exception de l’Amérique du Sud,
comptaient sur une forte présence de ZFE en termes d’emploi.
Le continent asiatique rassemble plus de 85% de tous les travailleurs des ZFE à travers
le monde. On estime qu’environ 40 millions de personnes travaillent dans les ZFE en
Chine et 15 millions dans les autres pays asiatiques. L’OIT estime que 6 millions de ces
travailleurs vivent en Indonésie, 3,5 millions au Bangladesh, 1,1 million aux Philippines,
500.000 en Malaisie, 500.000 en Thaïlande, 200.000 au Japon, environ 200.000 au
Cambodge et 160.000 au Sri Lanka.

Vue d’ensemble des avantages spéciaux accordés


dans les ZFE
Les pays favorisent généralement une série de mesures incitatives par l’intermédiaire
d’un organisme gouvernemental chargé d’encourager les investissements. Les avantages
commerciaux et d’investissement offerts varient selon les pays. La plupart des pays dans
lesquels opèrent des ZFE offrent aux investisseurs des forfaits incitatifs similaires, fournissant
des avantages économiques spéciaux tels que des installations manufacturières et des
services sans frais douaniers, exonérés d’impôts et orientés vers l’exportation. Ils fournissent
également des services administratifs simplifiés sous la forme d’un guichet unique. D’autres
mesures incitatives comprennent l’accès à des services publics bon marché tels que
l’approvisionnement en eau et en électricité - gratuitement ou en dessous du prix du marché
-, de même qu’un emplacement stratégique avec un accès au marché et des infrastructures.
En outre, certains pays accordent des dérogations à la législation nationale du travail. Par
exemple, le site web2 de l’Autorité de la zone franche d’exportation du Nigéria indique que
«Il n’y aura ni grève ni lock-out pendant une période de 10 ans après le début des opérations
dans la zone (tel que reprit à l’article 18 (5) de la loi NEPZA CAP N107 LFN 2004) et tout
litige commercial survenant au sein d’une zone sera résolu par l’Autorité».

2
http://www.nepza.gov.ng/faqs.asp#lockups

4 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Chiffres et données sur les ZFE 1

Encadré 1: Avantages offerts aux investisseurs au Nigéria

Trouvez ci-dessous le texte traitant des avantages repris dans le Décret nigérian des
zones franches d’exportation (Nigerian Export Processing Zones Decree):
18. Avantages et questions connexes.
(1) Les entreprises agréées dans les zones auront droit aux avantages suivants:
a) les dispositions législatives relatives aux taxes, impôts, droits et règlements
en devises étrangères ne s’appliquent pas dans les zones;
b) le rapatriement à tout moment des investissements de capitaux étrangers
dans les zones avec l’appréciation du capital de l’investissement;
c) le rapatriement des bénéfices et des dividendes perçus par les investisseurs
étrangers dans les zones;
d) aucune licence d’importation ou d’exportation ne sera requise;
e) jusqu’à 25 pourcent de la production peut être vendu sur le territoire
douanier avec un permis valide et le paiement des droits appropriés;
f) la location gratuite des terres au moment de la construction; par la suite, le
loyer doit être déterminé par l’Autorité;
g) jusqu’à 100 pourcent de propriété étrangère des entreprises autorisées dans
les zones;
h) des cadres et du personnel qualifié étrangers peuvent être employés par des
entreprises opérant dans les zones.
(2) L’Autorité est le seul organisme habilité à
a) donner toutes les autorisations
b) annuler toutes les licences.
(3) L’Autorité simplifiera toutes les procédures nécessaires à l’autorisation des
investissements dans une zone et communiquera de temps en temps par Arrêté
ses exigences pour l’octroi des autorisations pour les investissements dans une
zone.
(4) Les opérations au sein d’une zone débuteront à la date à laquelle la construction
de la clôture d’enceinte et de la grille d’entrée de la zone aura été achevée et que
l’Autorité aura pris ses fonctions.
(5) Il ne peut y avoir ni grève ni lock-out pendant une période de 10 ans après le
début des opérations au sein d’une zone et tout différend commercial au sein
d’une zone sera résolu par l’Autorité;

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 5


1 Chiffres et données sur les ZFE

Gestion
A zone authority with offices at both national and zone level generally manages an EPZ.
Une autorité de zone avec des bureaux, tant au niveau national qu’au niveau de la zone,
gère généralement une ZFE. L’autorité de la zone dispose habituellement de plusieurs
départements spécialisés, comprenant dans certains cas exceptionnels un département
des relations professionnelles et de travail, et est souvent auto-suffisante – mais,
néanmoins, avec un certain degré de participation des pouvoirs publics compte tenu des
concessions et des avantages accordés. L’autorité de la ZFE offre normalement un guichet
unique aux investisseurs pour l’obtention des approbations et des procédures complètes
nécessaires au démarrage des opérations.

Pourquoi les gouvernements créent-ils des ZFE?


L’objectif des gouvernements dans la création des ZFE est d’attirer les investissements
directs étrangers dans leur économie. Les gouvernements rivalisent les uns avec les
autres dans ce domaine. Les ZFE sont un moyen d’offrir des propositions attrayantes aux
investisseurs. Les principales raisons pour lesquelles les gouvernements cherchent et
veulent attirer les investissements étrangers sont généralement:
QQ créer des emplois et élever le niveau de vie
QQ transférer des compétences et une expertise aux ressources humaines locales
QQ stimuler le secteur de l’exportation
QQ acquérir des devises étrangères
QQ créer des liens en amont et en aval
QQ introduire des nouvelles technologies
© ILO/M. Crozet

6 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Chiffres et données sur les ZFE 1

QQ dynamiser des régions moins développées


QQ stimuler les secteurs considérés comme stratégiquement importants pour
l’économie
QQ relancer l’économie dans son ensemble.

La plupart des gouvernements des pays en développement adoptent également une


stratégie de développement des ZFE pour établir un lien avec les marchés étrangers et les
réseaux de production mondiaux, et pour surmonter la croissance économique à la traîne.
Les ZFE sont une voie d’accès au marché mondial et les gouvernements considèrent que
la création potentielle d’emplois dans les ZFE est essentielle pour absorber l’offre de
main-d’œuvre excédentaire, par exemple lorsque l’emploi informel est très répandu.

Entreprises et ZFE
Plusieurs facteurs semblent influencer le choix d’une entreprise pour une plate-forme de
production telle qu’une ZFE. Ces facteurs incluent:
QQ la générosité des avantages offerts
QQ les coûts salariaux relativement faibles
QQ l’environnement des relations de travail
QQ la stabilité politique et sociale
QQ la disponibilité de ressources humaines appropriées
QQ la localisation stratégique à proximité des marchés ou des entreprises partenaires
QQ la qualité de l’infrastructure
QQ la fourniture de matières premières
QQ les accords commerciaux existants
QQ la monnaie sous-évaluée qui rend les coûts plus bas et augmente la compétitivité
des exportations.
Les sociétés qui contrôlent des chaînes de production mondiales investissent et produisent
généralement dans les ZFE parce qu’elles bénéficient d’un accès commercial préférentiel
et de différents avantages, y compris des normes et une réglementation du travail laxistes.
Les investisseurs étrangers choisissent les ZFE qui leur donnent accès à leurs marchés
actuels les plus importants et qui sont stratégiquement situées par rapport à leurs marchés
cibles.
Les entreprises qui utilisent des processus de production de travail intensif et de faible
technologie ont tendance à considérer le travail comme un coût qui doit être contenu
et, par conséquent, elles connaissent généralement des rotations de l’emploi élevées,
un absentéisme important et de nombreux conflits de travail. Les entreprises dans cette
catégorie ont tendance à investir dans les ZFE qui leur accordent des forfaits généreux
assortis de concessions fiscales et douanières, de bas salaires, de législation du travail
laxiste, d’absence d’organisations syndicales et d’un système d’administration du travail
faible.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 7


1 Chiffres et données sur les ZFE

Secteurs économiques, investisseurs et marchés


d’exportation des ZFE
De nombreux pays qui gèrent des ZFE sont principalement spécialisés dans la production
de vêtements et de textile. Cependant, plusieurs pays ont diversifié leur production dans les
ZFE au cours des dernières années. Le Costa Rica, par exemple, a diversifié les exportations
en passant des vêtements vers d’autres produits manufacturés, tels que l’électronique et les
produits pharmaceutiques. En Inde, le textile reste un secteur de base, mais la production
se concentre également sur ​​l’alimentation et l’électronique. D’autres pays comme le Ghana
ou la Malaisie sont axés sur la transformation agroalimentaire de haute technologie.
Cette tendance à la diversification peut être attribuée à divers facteurs. Par exemple, la fin
de l’Arrangement multifibres (AMF) à la fin de l’année 2004 a pu être une raison importante.
Le développement des ZFE au cours des dernières années a également été caractérisé par
une diversification des investisseurs. Par exemple, de plus en plus d’entreprises asiatiques
investissent en Amérique centrale et du Sud, de même qu’en Afrique. En outre, les
investisseurs des pays du Golfe et d’ailleurs investissent de plus en plus en Afrique.
Le tableau ci-dessous dresse la liste de quelques pays et donne des informations sur
leurs principaux pays investisseurs, leurs secteurs d’activité économique et leurs marchés
d’exportation.

Pays Principaux pays Principaux secteurs Principaux marchés


investisseurs
Égypte États-Unis, Canada, Services, pétrole et gaz, Espagne, Chypre, Grèce,
Îles Cayman, Japon, électricité, construction, Chine, France, Émirats
Bermudes, Allemagne, produits chimiques, Arabes Unis, Canada,
Espagne, Turquie, marbre, médias Maroc
Chypre, Inde
Tunisie France, Italie, Belgique,Industries mécaniques France, Allemagne,
Royaume-Uni, Japon, et électriques, cuir, Inde, Turquie, Iran,
Suisse tourisme, composants Maroc
automobiles
Ghana Malaisie, Liban, Textiles, Togo, États-Unis,
Royaume-Uni, Autriche, transformation agro- Royaume-Uni, Nigéria,
Émirats Arabes Unis, alimentaire, produits France, Belgique, Japon
Allemagne pharmaceutiques,
bijouterie, céramique
Namibie Japon, République de Transformation Afrique du Sud, Angola,
Corée, Allemagne, États- agroalimentaire, mines, Royaume-Uni, États-
Unis, Afrique du Sud tourisme, pêche Unis
Maurice Afrique du Sud, Alimentation, fleurs, États-Unis, Japon, les
Singapour, Inde, textiles, produits en cuir, pays du Moyen-Orient,
Malaisie, France produits optiques, jouets Océanie, Europe
et articles de carnaval
Jordanie Jordanie, Pays- Services de production, États-Unis, Israël,
Bas, Turquie, Israël, tourisme Égypte
Danemark, Taiwan
Émirats Émirats Arabes Unis, TIC, médias, tourisme, Suède, Danemark,
arabes unis France, Royaume-Uni, marketing France, Pays-Bas
Chine

8 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Chiffres et données sur les ZFE 1

Pays Principaux pays Principaux secteurs Principaux marchés


investisseurs
Maldives États-Unis, Japon, Chine Pêches, services Italie, Allemagne,
bancaires et financiers Royaume-Uni, Japon,
Chine
Singapour Japon, États-Unis, Transformation États-Unis, pays de
Mexique, Canada, Chili, agroalimentaire, l’ASEAN, pays du Golfe,
Australie, Nouvelle- textiles, produits Union européenne
Zélande chimiques, composants
électroniques
Malaisie Japon, Royaume-Uni, Haute technologie, Japon, États-Unis,
Allemagne, Italie, transformation Allemagne, République
Finlande, Taïwan, Suisse agroalimentaire, produits de Corée
pharmaceutiques
Thaïlande UE, États-Unis, Taïwan, Produits agricoles, République de Corée,
Singapour minéraux et céramiques, Pays-Bas, Autriche, la
plastiques, électroniques Malaisie, Japon, Inde,
États-Unis
Le Salvador États-Unis, République Vêtements, produits États-Unis, Japon,
de Corée, République médicaux, pêche au Costa Rica, Honduras,
dominicaine, Allemagne, thon, aéronautique Allemagne
Guatemala, Italie
Costa Rica États-Unis, République Machines mécaniques États-Unis, UE
de Corée, Mexique, et électriques, produits
Singapour, Italie, pharmaceutiques,
Guatemala textile, plastique et
caoutchouc
République États-Unis, République Textiles, produits États-Unis, Suisse,
dominicaine dominicaine, République électroniques, produits Porto Rico, Équateur,
de Corée, France, pharmaceutiques Royaume-Uni
Taïwan, Canada transformation
agroalimentaire
Mexique États-Unis, Canada, Machines, appareils États-Unis, Royaume-
Suède, UE, Japon électriques et Uni, France, Canada,
électroniques, secteur UE, Japon
automobile, conserves
alimentaires
Bolivie Allemagne, Belgique, Cuir, textile États-Unis, Chili, Pérou
Luxembourg, Espagne,
Australie, République de
Corée, Chili
Brésil Brésil, États-Unis, Électronique, motos, États-Unis, France,
Portugal produits mécaniques, Portugal, Canada,
chaussures, cuir Espagne, Amérique du
Sud
Nigéria UE, États-Unis, Chine, Industries de la UE, États-Unis, Chine,
Afrique du Sud, Liban, communication, Afrique du Sud,
République de Corée agro-industries, République de Corée,
produits électriques et UEMOA, Inde
électroniques, services
de restauration

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 9


1 Chiffres et données sur les ZFE

Exercice

Cet exercice vous aidera à comprendre les ZFE de votre pays et vous donnera une vue
d’ensemble des principales caractéristiques et données de celles-ci.

1) Décrivez brièvement l’évolution des ZFE dans votre pays

2) Complétez les points suivants: Nombre de ZFE dans votre pays

• Localisation des ZFE dans votre pays

• Nombre d’entreprises opérant dans les ZFE de votre pays

• Secteurs d’activité dans les ZFE de votre pays

• Base juridique/Lois établissant les ZFE dans votre pays

• Avantages accordés aux investisseurs étrangers par votre pays

• Nombre de travailleurs dans les ZFE, par sexe

• Emplois créés au cours des dernières années

• Origine des entreprises qui opèrent dans les ZFE

• Principaux marchés des entreprises qui opèrent dans les ZFE

• Liste des principales sociétés multinationales fournies par des


entreprises opérant dans les ZFE

10 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Chiffres et données sur les ZFE 1

(3) Établissez un organigramme de la gestion des ZFE dans votre pays, y compris les
départements gouvernementaux. .

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 11


Chapitre 2:
Profil des travailleurs dans les ZFE
La grande majorité des travailleurs dans les ZFE sont des femmes jeunes et pauvres.
Elles sont également souvent des migrantes internes quittant les zones rurales pour les
zones urbaines. Pour beaucoup d’entre elles, c’est la première expérience du marché du
travail urbain, et elles n’ont aucune connaissance des syndicats. Les travailleuses des
ZFE se retrouvent généralement à l’extrémité inférieure de la chaîne de valeur globale et
sont confrontées à de nombreux problèmes tels que les emplois précaires, la protection
insuffisante de la maternité, le harcèlement sexuel ou le manque de représentation dans
les structures syndicales. Les employeurs préfèrent généralement les jeunes femmes
parce qu’elles sont considérées comme rapides, patientes, adroites, et adaptées aux
pratiques du travail intensif et à la nature répétitive du travail dans les ZFE. Elles sont
moins susceptibles d’avoir des enfants et de se plaindre ou d’adhérer à un syndicat et,
par conséquent, elles causent moins de problèmes à l’employeur. En ce qui concerne
l’appartenance syndicale, les travailleuses des ZFE ignorent très souvent les fonctions
syndicales. Et là où elles sont syndiquées, elles sont généralement sous-représentées.
Ce profil type des travailleuses des ZFE - femmes, jeunes, migrantes et pauvres, sans
expérience syndicale et sans connaissance de leurs droits - les place dans une situation
désavantageuse à plusieurs titres, ce qui les expose à de multiples exploitations.

Travailleuses
La grande majorité des travailleurs dans les ZFE à travers le monde sont des femmes,
représentant 70% et dans certains cas 90% de la main-d’œuvre, en particulier dans les
secteurs de l’habillement et de l’électronique. En général, les employeurs disent préférer
les travailleuses dans les ZFE parce qu’elles sont moins chères en termes de coût du
travail, qu’elles montrent une grande endurance dans le travail de production monotone et
qu’elles sont moins enclines à s’organiser en syndicats. Dans les pays en développement,
les ZFE ont amélioré l’accès des femmes à l’emploi. Toutefois, les travailleuses dans
les ZFE sont généralement à l’extrémité inférieure de la hiérarchie professionnelle et
des compétences. Habituellement, elles ne peuvent pas obtenir des emplois dans les
entreprises qui requièrent un haut niveau de compétence et leurs salaires sont bien
inférieurs à ceux des travailleurs masculins.
Les heures supplémentaires de travail sont permanentes et généralisées dans les ZFE à
travers le monde. En conséquence, les travailleuses des ZFE, surtout si elles sont jeunes,
sont plus vulnérables et exposées au harcèlement pendant les heures de travail ou à des
attaques lorsqu’elles se rendent au travail ou rentrent chez elles tard le soir ou à d’autres
heures inhabituelles. Cette situation peut encore être aggravée en raison des services
© ILO/M. Crozet

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 13


2 Profil des travailleurs dans les ZFE

de transport peu développés qui les obligent à parcourir de longues distances pour se
rendre à leur travail, devant souvent quitter la maison très tôt le matin et rentrer tard le
soir. En raison de la nature du travail qu’elles effectuent dans les ZFE, les travailleuses
démissionnent souvent ou quittent leur emploi. Il y a donc un taux de rotation élevée de
la main-d’œuvre. L’absence de dispositions efficaces de protection sociale fait que les
travailleuses ne peuvent pas être économiquement indépendantes après avoir quitté leur
emploi, et le manque de formation les met dans une position désavantageuse lorsqu’elles
recherchent d’autres emplois ou choisissent de devenir indépendantes.
La garde d’enfants est l’une des plus grandes préoccupations des travailleuses dans les
ZFE. Les garderies d’enfants sont généralement indisponibles ou insuffisantes, et leurs
coûts sont prohibitifs pour les travailleuses. De nombreux pays ont des règlements qui
interdisent aux enfants de pénétrer dans les zones industrielles. Les services de crèches
sont donc organisés au niveau de la communauté. Cet élément, ajouté à d’autres tâches
domestiques lourdes, peut être la cause de l’arrivée tardive au travail, de l’absentéisme
et de la rotation élevée du personnel, ce qui est fréquent chez les travailleuses des ZFE.
Les travailleuses des ZFE n’ont souvent pas accès à une alimentation de bonne qualité, à
des prix abordables et en quantité suffisante. De ce fait, elles sont exposées à la maladie
et sont souvent sous-alimentées. Les services de santé ne sont pas toujours disponibles
dans les ZFE. Là où ils les sont, ils sont souvent limités et rarement équipés pour faire
face aux problèmes de santé spécifiques aux femmes. Le harcèlement sexuel est répandu
dans les entreprises des ZFE. Les femmes victimes de harcèlement sexuel dans les ZFE ne
bénéficient pas de services indépendants et confidentiels où elles peuvent adresser leurs
plaintes et faire part de leurs préoccupations. Les administrations des ZFE ne désirent
pas toujours fournir un service de consultation aux travailleuses qui sont victimes de
harcèlement ou sanctionner les superviseurs qui harcèlent les travailleuses.

Jeunes travailleurs
La plupart des travailleurs dans les ZFE sont des jeunes femmes qui n’ont aucune
expérience préalable du marché du travail formel. Elles sont généralement motivées par
le désir d’échapper à la pauvreté. Elles ne connaissent pas leurs droits et n’ont aucune
expérience syndicale. Leur faible niveau de syndicalisation fait qu’elles sont souvent
privées de la protection, de l’information et de la formation offertes par la représentation
et le plaidoyer syndical. Elles sont dès lors exposées à l’exploitation. Les employeurs des
ZFE sont réticents à employer des travailleuses de plus de 23 ans. Ils pensent que les
travailleuses plus jeunes sont plus dociles et travaillent plus vite de leurs mains. Ainsi,
généralement, il est difficile de trouver des travailleuses de plus de 23 ans parce qu’elles
sont écartées en raison de leur âge – et cela, si elles ne sont pas renvoyées lorsqu’elles
veulent se marier, ont un enfant ou prennent part à des activités syndicales. Une employée
travaillant dans une entreprise indonésienne de broderie déclare: «Notre employeur nous
explique sur un ton très dur, à moi et aux autres travailleuses, ce qu’il faut faire et, si nous
refusons, il nous réprimande».

14 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Profil des travailleurs dans les ZFE 2

Travailleurs appauvris
La plupart des travailleurs des ZFE sont issus de familles à faible revenu et très peu
d’entre eux ont reçu une formation préalablement. Ainsi, les emplois qu’ils occupent dans
les ZFE sont peu rémunérés et exigent très peu de compétences. Parfois, les travailleuses
sont des mères célibataires et elles peuvent avoir à apporter un soutien important à leur
famille malgré leurs bas salaires. Une étude de l’OIT a montré que, au Guatemala, 45
pour cent des travailleuses étaient des mères célibataires alors que, au Nicaragua, 66
pour cent des travailleuses interrogées dans le cadre de l’enquête avaient répondu qu’elles
avaient plus de trois personnes à charge. Beaucoup de travailleurs habitent dans des
logements à proximité des ZFE et partagent une chambre avec d’autres travailleurs dans
des logements surpeuplés avec des installations d’eau potable et d’égouts inadéquates,
dans des conditions d’insalubrité et sans aucune intimité. Les femmes avec enfants ont
des difficultés à combiner leurs responsabilités familiales et leur travail, et beaucoup
d’entre elles n’ont pas accès aux services de garderie d’enfants parce que ces services
sont souvent chers et qu’elles ne peuvent les payer avec leurs maigres salaires. Beaucoup
de travailleuses des ZFE sont loin de leurs familles et ne bénéficient pas du soutien
des réseaux familiaux ou d’une communauté établie. Une jeune femme d’une ZFE à
Madagascar dit qu’elle gagne l’équivalent de 20 euros par mois et ajoute: «Je n’ai pas
d’argent pour acheter les denrées alimentaires de base et un ticket de bus. Je dois donc
marcher jusqu’à la ZFE tous les jours».
© ILO/R. Lord

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 15


2 Profil des travailleurs dans les ZFE

Travailleurs migrants
Beaucoup de travailleurs des ZFE à travers le monde sont des migrants internes. Le
chômage et la pauvreté croissante les ont poussés à chercher du travail ailleurs, souvent
en réponse à de fausses promesses de bons salaires et d’avantages de travail. Ils ne
voient pas d’autre possibilités que de chercher du travail loin de chez eux comme
travailleurs migrants. Ils viennent généralement des zones rurales et ne sont pas familiers
avec les conditions urbaines. Ils ne connaissent pas le droit du travail et leurs droits.
Dans certains pays, comme au Sri Lanka, les travailleurs migrants sont également
méprisés pour différentes raisons culturelles. Ce statut les expose à l’exploitation et
à la marginalisation. Ils n’ont pas le droit de former et de s’affilier à des syndicats;
ils font l’objet de menaces et de harcèlement physique de la part des employeurs s’ils
tentent de le faire; ils connaissent généralement des conditions de travail épouvantables
et ne jouissent que de très peu de protection sociale. L’instrument de l’OIT qui traite
des problèmes de discrimination rencontrés par les travailleuses migrantes des ZFE est
la Convention (n° 111) de l’OIT concernant la discrimination (Emploi et Profession),
19583. Cette convention fondamentale définit la discrimination comme toute distinction,
exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion
politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, qui a pour effet de détruire ou
d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession.

Travailleurs précaires
Une dernière caractéristique du travail dans les ZFE est le taux de rotation élevé du
personnel. En raison de l’insécurité des contrats et de la pression exercée pour atteindre
les objectifs de production fixés par la direction, les travailleurs ont tendance à travailler
dans les ZFE pendant une courte durée seulement avant de passer à autre chose. Ce taux
de rotation élevé des travailleurs reflète la nature précaire du travail dans les zones. Cela
signifie également qu’il n’y a guère de développement des compétences du personnel. Le
taux de rotation élevé du personnel est aussi aggravé par des actes d’intimidation, une
discrimination antisyndicale et des licenciements pour cause de grossesse. Du point de vue
syndical, cette rotation élevée rend extrêmement difficile l’organisation des travailleurs.

Exercise

Cet exercice vous aidera à avoir une vision globale de la main-d’œuvre des entreprises des
ZFE dans votre pays et à voir comment ses préoccupations et spécificités sont abordées
par les syndicats de votre pays.

3
Pour plus d’information, voir le chapitre sur les
​​ «Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’Agenda pour le
Travail Décent de l’OIT»

16 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Profil des travailleurs dans les ZFE 2

1) Donnez une brève description des principales caractéristiques de la main-d’œuvre


des entreprises opérant dans les ZFE de votre pays. Distinguez selon le sexe et
l’âge, et couvrez les différentes identités des travailleurs des ZFE.

2) Les préoccupations et les différentes identités des travailleurs dans les ZFE sont-
elles correctement abordées par les syndicats dans votre pays? Si non, expliquez
pourquoi vous pensez que les syndicats de votre pays n’abordent pas correctement
leurs spécificités.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 17


Chapitre 3:
Conditions de travail dans les
ZFE à la lumière de l’agenda
pour le travail décent de l’OIT

Agenda pour le travail décent de l’OIT4


L’Agenda pour le travail décent de l’OIT vise à poursuivre les objectifs d’un emploi plein
et productif, et d’un travail décent pour tous aux niveaux mondial, régional, national,
local et sectoriel. Le travail décent résume les aspirations des personnes dans leur vie
professionnelle. Selon l’OIT, cela signifie: des possibilités d’un travail qui soit productif
et génère un revenu équitable; la sécurité sur le lieu de travail et la protection sociale
pour les familles; de meilleures perspectives de développement personnel et d’intégration
sociale; la liberté pour les personnes d’exprimer leurs préoccupations, de s’organiser et
de participer aux décisions qui affectent leur vie; et l’égalité de chances et de traitement
pour tous les hommes et les femmes. Le travail décent doit donc reposer sur quatre piliers
interdépendants, à savoir:
QQ La création d’emplois
QQ La garantie des droits au travail
QQ L’extension de la protection sociale
QQ La promotion du dialogue social

L’Agenda pour le travail décent de l’OIT a été universellement reconnu par la communauté
internationale. L’Organisation des Nations Unies a adopté des résolutions qui engagent les
États membres à promouvoir l’emploi et le travail décent pour tous. De nombreux groupes
d’intégration régionale, organismes internationaux, institutions financières internationales
et entreprises transnationales privées ont tous souscrit à l’objectif du travail décent. Par
conséquent, l’Agenda pour le travail décent est une base légitime et juste pour évaluer
les conditions de travail dans les ZFE. Ce chapitre fournit dès lors un guide pour aider les
syndicats à évaluer la mesure dans laquelle les ZFE de leurs pays respectent les normes
universellement reconnues du travail décent.

4
http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/decent-work-agenda/lang--en/index.htm
© ILO/M. Crozet

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 19


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Questions d’emploi dans les ZFE


Le travail décent implique que les travailleurs aient un travail adéquat d’une qualité
acceptable et assorti d’une rémunération suffisante pour assurer un niveau de vie
acceptable pour eux et les personnes à leur charge, au-dessus du seuil de pauvreté.
La qualité des emplois créés dans les ZFE est généralement faible et leur quantité très
instable. Ces emplois sont fortement tributaires de facteurs extérieurs tels que les crises
économiques, les demandes extérieures, le niveau d’investissement, ou de l’existence
d’accords commerciaux bilatéraux ou régionaux.
Les politiques visant à améliorer la qualité et la productivité de l’emploi dans les ZFE
doivent être évaluées en fonction du nombre d’emplois créés, détruits ou modifiés tant en
termes qualitatifs que quantitatifs, et en fonction de leur impact sur ​​les principaux groupes
vulnérables que sont les femmes ou les migrants. À cet égard, les entreprises opérant dans
les ZFE doivent jouer un rôle clé dans la création d’un travail productif et qualitatif.
Une économie productive et compétitive nécessite une main-d’œuvre bien formée et
adaptable. Des politiques donnant accès à la formation professionnelle, à la formation
technique et à la formation continue améliorent l’employabilité et l’adaptabilité de la
main-d’œuvre. Ceci est très important pour la main-d’œuvre des entreprises opérant
dans les ZFE où les taux de rotation élevés et les niveaux très faibles d’acquisition des
compétences sont chose commune.

Encadré 2: Quelques instruments pertinents de l’OIT sur l’emploi

Convention (n° 122) sur la politique de l’emploi, 1964: Cette convention prioritaire
exige des États qui la ratifient d’adopter et de développer une politique active visant à
promouvoir le plein emploi productif et librement choisi.
Convention (n° 181) sur les Agences d’emploi privées, 1997: Cette convention exige
des États qui la ratifient de s’assurer que les agences d’emploi privées respectent
les principes de non-discrimination. La convention prévoit une coopération entre
les services d’emploi publics et privés, des principes généraux de protection des
demandeurs d’emploi contre les pratiques inappropriées ou contraires à l’éthique, et
une protection des travailleurs soumis à des arrangements de sous-traitance et des
travailleurs recrutés à l’étranger.
Recommandation (n° 198) sur la relation de travail, 2006: Cette recommandation
prévoit que les États membres devraient formuler et appliquer une politique nationale
de protection des travailleurs dans une relation de travail. La politique nationale
devrait inclure des mesures pour fournir des orientations sur la manière de déterminer
l’existence d’une relation de travail ainsi que sur ​​la distinction entre travailleurs salariés
et travailleurs indépendants, et pour combattre les relations de travail déguisées, telles
que des arrangements contractuels lorsqu’un employeur traite une personne autrement
que comme un salarié d’une manière qui dissimule son statut juridique réel de salarié.
Convention (n° 142) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975: Cette
convention exige des États qui la ratifient de développer des politiques et des
programmes d’orientation et de formation professionnelles étroitement liées à l’emploi,
en particulier grâce aux services publics de l’emploi.

20 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Quantité d’emplois
La stratégie des gouvernements à étendre la présence des ZFE dans leurs pays vise à
attirer les investissements étrangers et, par là, à créer des emplois. La création d’emplois
a donc été un facteur important incitant les gouvernements à promouvoir les ZFE. Ces
zones tendent dès lors à créer de nombreux emplois, comme on peut le voir ci-dessus
dans les tableaux 1 et 2.
Cependant, les ZFE ne représentent généralement pas un grand pourcentage de l’emploi
total dans un pays. On estime que les emplois des ZFE représentent moins de 0,5%
de l’emploi global. Par exemple, les pays qui ont connu une croissance significative de
l’emploi dans les ZFE entre 2002 et 2006 sont les Philippines (37%), le Sri Lanka (56%),
le Vietnam (788%) et le Maroc (103%). La Chine, par exemple, ont connu une croissance
de l’emploi de 11,56% entre 1995 et 2005, contribuant à 49% de la croissance totale de
l’emploi dans le pays. En Inde, alors que plus de 1 million de personnes étaient employées
dans une ZFE en 2005, cela ne représentait que 1% de l’emploi manufacturier. Au Costa
Rica, en 2005, l’emploi dans les ZFE représentait seulement 2,09% de la population
active, ce qui est plus que dans la plupart des pays d’Amérique latine, à l’exception de la
République dominicaine (4,83%), du Honduras (2,16%) et du Mexique (3,41%).
Les ZFE employaient environ 116.000 travailleurs en 2006 à Madagascar, 9.828
travailleurs au Ghana, 44.000 au Lesotho et 29.000 en Namibie. Au Maroc, la ZFE
de Tanger emploie environ 48.000 personnes, dont 60% sont des femmes. Il y a des
perspectives de développement pour la ZFE de Tanger qui pourrait créer 80.000 emplois
dans l’avenir, passant à 200.000 emplois en 2020. Au Togo, le nombre d’emplois a
augmenté régulièrement depuis 1994 et atteignait environ 9.500 emplois en 2010. Au
Nicaragua, le nombre d’emplois est passé de 8.000 à 70.000 entre 1965 et 2010.
Cependant, la crise mondiale et la volatilité des investissements ont fortement et
© OIT/Y.R. Perera

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 21


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

négativement affecté l’emploi avec la perte de 20.000 emplois en deux ans seulement.
Les perspectives sont que seulement 4.000 de ces emplois perdus seront récupérés.
D’autre part, les autorités prévoyaient la création de 10.000 nouveaux emplois, portant le
nombre total des emplois des ZFE dans le pays à 80.000, en raison d’une augmentation
de 12% des exportations en 2010.
La création et la suppression d’emplois sont également dues à l’existence d’accords
internationaux de libre-échange. À cet égard, une réduction significative des activités
et des emplois dans les ZFE a eu lieu à Madagascar en raison du retrait de concessions
commerciales par les États-Unis en vertu de la loi connue sous le nom de «African Growth
and Opportunity Act» (AGOA), entrainant une perte de près de 30.000 emplois. D’autre
part, certains pays ont bénéficié de possibilités de création d’emplois grâce à des accords
commerciaux régionaux. Au Nicaragua, des nouveaux investissements étaient attendus
dans les ZFE en raison de la signature en 2005 de l’ALEAC-RD (Accord de libre-échange
d’Amérique centrale-République dominicaine).
Dans certains pays, des entreprises opérant déjà dans le pays ont simplement déplacé
leurs opérations dans la ZFE afin de bénéficier des avantages attrayants qui y sont
offerts. En conséquence, bien que les statistiques de l’emploi dans les ZFE augmentent,
la création nette d’emplois dans l’économie nationale est nulle. Une telle tendance
a été observée au Mexique dans les années 1990. Ce déplacement de l’emploi des
industries manufacturières opérant à l’extérieur des ZFE vers les ZFE a été appelé la
«maquiladorisation» de l’économie mexicaine.

Qualité de l’emploi
La qualité de l’emploi implique que les emplois soient conformes aux normes de l’Agenda
pour le travail décent de l’OIT. Cela signifie qu’ils fournissent des possibilités de travail qui
soit productif et qui offre un revenu équitable assorti d’une sécurité sur le lieu de travail.
Cela signifie également qu’un emploi assure une protection sociale pour les familles, des
perspectives de développement personnel, la liberté pour les travailleurs d’exprimer leurs
préoccupations, de s’organiser et de participer aux décisions qui affectent leurs vies. Et
cela signifie aussi un emploi qui assure l’égalité de chances et de traitement pour tous
les travailleurs et travailleuses.
Toutefois, le travail décent fait très fréquemment défaut dans les ZFE à travers le monde.
Par exemple, au Sri Lanka, les conditions de travail sont tellement dures que les femmes
ne travaillent pas pendant plus de cinq ans dans les ZFE, et la rotation des travailleurs y
est très élevée. Au Maroc, les contrats ne sont pas toujours écrits et, quand ils le sont, ce
sont des contrats à durée déterminée. À Madagascar, les ZFE sont caractérisées par un
haut degré de sécurité d’emploi car 85% des travailleurs sont embauchés avec un contrat,
mais la rotation des travailleurs au sein de l’entreprises est très élevée, atteignant le
chiffre de 11.000 en 2005 et de 7.000 en 2006. Au Nigéria, la majorité des travailleurs
dans les ZFE sont des travailleurs occasionnels sans aucune sécurité d’emploi. Au Togo,
les statistiques existantes montrent que seuls 2.387 travailleurs sur un total de 9.087 ont
été déclarés à la «Caisse nationale de sécurité sociale» en 2009 et que seulement 1.331
travailleurs avaient une déclarations à jour. Cette situation découle du fait que la rotation
est très élevée, les emplois temporaires représentant la moitié des postes. Des travailleurs
temporaires, saisonniers ou journaliers occupent essentiellement des postes qui sont liés
aux activités normales des entreprises.

22 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Une recherche entreprise par la Fédération internationale des travailleurs du textile, de


l’habillement et du cuir (FITTHC)5 couvrant l’Indonésie, les Philippines et le Sri Lanka a mis
à jour des preuves de travail précaire très répandu et d’emplois de mauvaise qualité dans
les ZFE. En Indonésie, elle a révélé qu’un pourcentage élevé de travailleurs était employé
dans plusieurs usines avec des contrats à court terme. Dans deux usines de Tagerang qui
fournissent des vêtements à une des plus grandes marques de sport du monde et à deux
marques américaines, 80% et 50% des travailleurs respectivement étaient employés avec
des contrats à court terme. Dans une troisième entreprise, environ 1.900 travailleurs
étaient employés avec des contrats temporaires. La recherche a également montré que
les travailleurs contractuels étaient répartis dans la plupart des postes de production et
n’étaient limités à aucun rôle ou niveau de responsabilité spécifiques.
Aux Philippines, les chercheurs ont trouvé que 25% des travailleurs avaient un emploi
précaire. Plus d’un tiers d’entre eux était employé par une agence d’emploi privée.
D’autres travailleurs intérimaires étaient employés par l’intermédiaire du DOLE (Bureau
des services publics d’emploi). Tous les travailleurs occasionnels et engagés avec un
contrat à court terme qui ont été interrogés réalisent des activités commerciales de base,
mais se sont vus refuser le statut de salariés réguliers comme prévu à l’article 280 du
Code du travail des Philippines. Les résultats suggèrent également que les employeurs
contournent systématiquement la loi afin d’éviter la régularisation de leurs travailleurs.
Les résultats des recherches montrent qu’aucun travailleur occasionnel ou temporaire
interrogé n’était employé pour plus de 6 mois, même si certains étaient réembauchés
avec des nouveaux contrats. La nature à court terme de leur emploi signifie que tous
les travailleurs occasionnels et temporaires sont essentiellement soumis à une période
d’essai pendant toute leur période d’emploi.
Selon la Fédération Internationale des Organisations de Travailleurs de la Métallurgie
(FIOM)6, les travailleurs les plus exploités dans la ZFE de Batam en Indonésie sont
des travailleurs externalisés. Ils sont embauchés par une agence d’emploi et signent
généralement un contrat avec l’agence qui les tient pour responsables s’ils venaient à
perdre leur emploi, devant parfois payer des redevances représentant cinq à dix fois
leur salaire normal. S’ils devaient tomber malades, si des travailleuses devaient tomber
enceintes ou s’ils devaient se blesser au travail, l’entreprise les renverrait immédiatement
et l’agence d’emploi imposerait probablement une amende au salarié pour rupture de
contrat. La fédération syndicale FSPMI7 a réussi à négocier et à mettre un terme à tous
ces types de contrat pour les salariés externalisés. Dans les usines organisées par la
FSPMI, ces contrats n’existent plus. Des réformes entreprises au sein de la fédération
syndicale ont été le facteur essentiel qui explique les succès de la FSPMI à organiser les
travailleurs des ZFE et à défendre leurs droits avec succès. La fédération a réformé ses
structures pour promouvoir la représentation et la participation des femmes, ce qui a joué
un rôle important dans sa capacité accrue à organiser les travailleurs des ZFE.

5
La FITTHC fait maintenant partie du syndicat IndustriALL, suite à la fusion des syndicats dans les secteurs des mines,
de l’énergie et de la production.
6
La FIOM fait maintenant partie du syndicat IndustriALL, suite à la fusion des syndicats dans les secteurs des mines,
de l’énergie et de la production.
7
Federasi Serikat Pekerja Metal Indonesia

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 23


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

© OIT/J. Maillard
Formation professionnelle et développement des compétences
Au Sri Lanka et au Mexique, des instituts ont été créés pour améliorer les compétences
techniques et professionnelles des travailleurs des ZFE. À Madagascar, 63% des
entreprises dans les ZFE réalisent des programmes de formation internes, comparé à 30%
dans le reste du pays. En Chine, la situation varie en fonction de la région et de la zone.
Dans des endroits tels que les zones de développement économique et technologique et
les zones de développement industriel de haute technologie, les employeurs sont plus
enclins à offrir une formation.

Droits des travailleurs dans les ZFE

Liberté syndicale et reconnaissance effective du droit de négociation


collective
La liberté syndicale et le droit de négociation collective sont des droits humains fondamentaux.
À cet égard, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 19488, le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels de 1966 reconnaissent explicitement la liberté syndicale et le droit de
former et de s’affilier à des syndicats. Ces droits sont des droits de l’homme. Ils sont universels
et indivisibles, et découlent de la dignité inhérente à la personne humaine.

8
L’Art 23.4 stipule que “toute personne a le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats
pour la défense de ses intérêts”.

24 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Le Préambule de la Constitution de l’Organisation internationale du Travail (OIT) indique


que la reconnaissance des principes de la liberté syndicale est vitale à l’amélioration des
conditions de travail et à la réalisation d’une paix universelle et durable. La Déclaration
de Philadelphie, annexée à la Constitution de l’OIT, réaffirme que la liberté syndicale
est indispensable au progrès soutenu. La liberté syndicale est donc une obligation
constitutionnelle de tous les États membres de l’OIT.
Les deux principaux instruments de l’OIT qui promeuvent et protègent la liberté syndicale
sont la Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948
et la Convention (n° 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
Toutefois, la liberté syndicale et le droit de négociation collective sont violés dans
pratiquement toutes les ZFE à travers le monde. Même si les pays où opèrent des ZFE
et qui sont des États membres de l’OIT se sont engagés, en vertu de leur appartenance
à l’Organisation, à respecter les principes de la liberté syndicale et de la négociation
collective, c’est néanmoins la catégorie de droits qui pose le plus de problèmes dans les
ZFE. De nombreux pays ne respectent pas les principes de ces instruments en droit ou
en pratique. La liberté syndicale et le droit de négociation collective demeurent l’une des
principales préoccupations des ZFE dans le monde entier et constituent l’un des plus
importants déficits de travail décent.
En règle générale, les travailleurs des ZFE sont privés de leur droit à s’organiser librement.
Là où les travailleurs sont syndiqués sur leur lieu de travail, les syndicalistes des ZFE
sont exposés au harcèlement, à l’intimidation, aux menaces, à la discrimination et aux
licenciements abusifs. Les possibilités de négociation sont très rares et se heurtent à
des problèmes de reconnaissance des syndicats en tant qu’agents de négociation. Dans
certains cas, des organisations de substitution sont imposées – ce sont des organismes
expérimentaux qui violent clairement les principes consacrés dans les Conventions 87 et
98 de l’OIT.
Par exemple, à Madagascar, l’activité syndicale est très faible, avec un taux d’affiliation
de juste 14% et une seule des 62 entreprises des ZFE bénéficiant d’une convention
collective. Au Togo, seulement 15,63% des travailleurs sont syndiqués et seuls trois
syndicats ont été créés depuis 2009. Au Nigéria, une grande proportion des travailleurs
des ZFE n’est pas organisée. À l’Île Maurice, le taux de syndicalisation dans les ZFE est
inférieur à 12%. En Namibie, les employeurs sont très hostiles aux syndicats, refusant
de les reconnaître ou de les laisser mener à bien leurs activités sur les lieux de travail ou
d’entamer des négociations collectives avec eux. Au Belize, il n’y a pas de syndicats. La
violation systématique des droits fondamentaux des travailleurs, tels que le droit de se
syndiquer, de faire grève et de négocier collectivement, constitue la règle générale. Au
Honduras, seulement 1,5% des travailleurs est syndiqué et moins de 0,5% est couvert par
des conventions collectives. En Jamaïque, il n’y a pas de syndicats dans les ZFE en raison
de pratiques antisyndicales. Au Costa Rica, il n’y a pratiquement aucune organisation de
travailleurs dans les ZFE et les rares travailleurs syndiqués sont victimes de harcèlement
et de licenciement abusif. Au Nicaragua, le taux de syndicalisation est légèrement plus
élevé. Il y a environ 43 organisations syndicales dans les ZFE. Sur un total de 150
entreprises, plus de 28 bénéficient d’une présence syndicale. Aux Philippines, moins de
la moitié des entreprises interrogées dans des recherches syndicales récentes comptait
des syndicats.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 25


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Encadré 3: Instruments clés de l’OIT sur la liberté syndicale et la négociation collective

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 19489

La convention déclare que:


• Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans
autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui
de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de
ces dernières.10
• Les organisations de travailleurs et d’employeurs ne sont pas sujettes à dissolution
ou à suspension par voie administrative.11
• Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit de constituer des
fédérations et des confédérations ainsi que celui de s’y affilier, et toute organisation,
fédération ou confédération a le droit de s’affilier à des organisations internationales
de travailleurs et d’employeurs.12
La convention garantit à tous les travailleurs13, sans distinction d’aucune sorte, le
droit de constituer et de s’affilier à des organisations de leur choix, sans autorisation
préalable. L’article 2 de la convention garantit ce droit et l’article 10 définit le terme
«organisation» au sens de la convention, comme toute organisation de travailleurs ou
d’employeurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs
ou des employeurs.
La convention garantit aux organisations de travailleurs le droit d’élaborer leurs statuts
et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur
gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action14.
La convention demande aux autorités publiques de s’abstenir de toute intervention
de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal15. La convention prévoit
que la condition d’acquisition de la personnalité juridique par les organisations de
travailleurs ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause
l’application des dispositions des articles 2, 3 et 416.
La convention engage les États membres, pour lesquels la convention est en vigueur,
à prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées pour faire en sorte que
les travailleurs puissent librement exercer leur droit d’organisation et prévoit que la
législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter
atteinte aux garanties prévues par la convention17.

9
http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convde.pl?C087
10
Art 2 de la Convention 87 de l’OIT.
11
Art 4 de la Convention 87 de l’OIT.
12
Art 5 de la Convention 87 de l’OIT.
13
Art 9 de la Convention 87 de l’OIT: La convention introduit une exception dans le cas des membres des forces armées
et de la police en prévoyant que la mesure dans laquelle la convention s’appliquera aux forces armées et à la police
sera déterminée par la législation nationale.
14
Art. 3.1 de la Convention 87 de l’OIT.
15
Art. 3.2 de la Convention 87 de l’OIT.
16
Art 7 de la Convention 87 de l’OIT.
17
Art 1, 3 et 8 de la Convention 87 de l’OIT.

26 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Le droit de grève
Le droit de grève n’a pas été explicitement inscrit dans la convention. Toutefois,
le droit de grève des travailleurs et de leurs organisations a toujours été considéré
par l’OIT comme un moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et
sociaux. La CEACR et le CLS ont tous deux largement reconnu le droit de grève18. Ce
droit est considéré comme un corollaire indissociable du droit syndical garanti par
la Convention 87. Les articles 3, 8 et 10 de la convention qui garantissent le droit
des syndicats d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme
d’action, ainsi que de promouvoir les intérêts des travailleurs ont été interprétés
comme incluant le droit de grève19.
Convention (n° 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 194920
La convention:
• Étend la protection des travailleurs contre tous actes de discrimination tendant à
porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi21
• Encourage et promeut le développement de négociation volontaire de conventions
collectives entre les organisations de travailleurs et d’employeurs en vue de régler
par ce moyen les conditions d’emploi22
La convention23 garantit aux travailleurs une protection adéquate contre tous actes
de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi
et prévoit qu’une telle protection doit notamment s’appliquer en ce qui concerne les
actes ayant pour but de:
• subordonner l’emploi d’un travailleur à la condition qu’il ne s’affilie pas à un
syndicat ou cesse de faire partie d’un syndicat
• de congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison
de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en
dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l’employeur, durant les
heures de travail24.
La convention vise à protéger les organisations de travailleurs contre tous actes
d’ingérence des organisations d’employeurs, soit par leurs agents ou membres,
dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration. Elle précise que

18
Voir le Recueil de décisions du CLS 1996, paragr. 474 ; et, par exemple, le 302e rapport, cas n° 1809, paragr. 381;
304e rapport, cas n° 1863, paragr. 356; 307e rapport, cas n° 1850, paragr. 120; 308e rapport, cas no°1900, paragr.
183; 311e rapport, cas n° 1934, paragr. 126; 324e rapport, cas n° 2072, paragr. 587; 327e rapport, cas n° 1581,
paragr. 111; 328e rapport, cas n° 2116, paragr. 368; 332e rapport, cas n° 2258, paragr. 522 et 335e rapport, cas n°
2305, paragr. 505.
19
Voir les conclusions du CLS sur l’Affaire n° 893 (Canada) - Rapport n° 204, Novembre 1980. Paragr. 124. ; Affaire
n°1071 (Canada) - Rapport n° 214, Mars 1982. Paragr. 247. ; Affaire n° 1247/Alberta Rapport n° 241, Novembre
198. Paragr. 131 et 140. ; et Affaire n° 1954 ( Côte d’Ivoire ) - rapport n° 311, Novembre 1998. Paragr. 405.
20
http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convde.pl?C098
21
Art 1 de la Convention 98 de l’OIT.
22
Art 4 de la Convention 98 de l’OIT.
23
Comme la Convention 87, la Convention 98 prévoit, à l’art. 5, que la mesure dans laquelle les garanties prévues par
la convention s’appliqueront aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation nationale. Elle précise
également à l’art. 6 que la convention ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics dans l’administration de
l’État et ne pourra, en aucune manière, être interprétée comme portant préjudice à leurs droits ou à leur statut.
24
Art 1 de la Convention 98 de l’OIT.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 27


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

sont assimilés à des actes d’ingérence des mesures tendant à provoquer la création
d’organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation
d’employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens
financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle
d’un employeur ou d’une organisation d’employeurs. La convention appelle, le cas
échéant, à la mise en place de procédures adaptées aux conditions nationales pour
assurer le respect du droit d’organisation garanti par la convention25.

La liberté syndicale représente une force pour le progrès social, offre des avantages
économiques et sociaux, et est un droit qui permet de promouvoir et de mettre en place
des conditions de travail décent. Les droits inscrits dans les Conventions 87 et 98 de l’OIT
constituent des conditions préalables à un dialogue social sain et permettent d’organiser
un travail décent. Là où des syndicats sont présents sur les lieux de travail, les droits
liés à la maternité sont mieux protégés, des systèmes de protection sociale sont mis en
place, la journée de huit heures et le repos hebdomadaire sont respectés, et le travail des
enfants n’existe pas.
Quant aux ZFE qui représentent le domaine le plus difficile, la plus grande préoccupation
et la priorité majeure pour le mouvement syndical sont de garantir le droit des travailleurs
à former et à s’affilier à des syndicats indépendants, et à négocier collectivement avec
les employeurs opérant dans ces zones. Dans l’hypothèse où l’absence de syndicats dans
une ZFE peut attirer davantage d’investissements, de nombreux gouvernements ont privé
les travailleurs des ZFE de leur droit d’organisation ou ont établi des limitations dans
l’exercice de ce droit. Souvent, les travailleurs des ZFE ne peuvent pas exercer leur liberté
syndicale parce que les employeurs adoptent des pratiques contre les travailleurs qui
se livrent à des activités syndicales, ayant recours en autres à des licenciements, des
transferts, des listes noires ou à la violence physique. Les syndicats ne peuvent souvent pas
fonctionner efficacement parce que la législation impose des exigences injustifiées pour
leur reconnaissance en tant qu’agents de négociation ou qu’elle restreint les possibilités
de négociation collective. Dans de nombreux cas, la loi interdit aux travailleurs des ZFE
de recourir à l’action syndicale.

Examen des violations fondamentales des Conventions 87 et 98 de l’OIT dans les ZFE
Malgré le fait que la liberté syndicale et le droit de négociation collective soient des principes
fondateurs de l’OIT, ces droits sont souvent violés dans les ZFE à travers le monde. Certaines
de ces violations fondamentales portent sur: la restriction de l’affiliation syndicale dans
les ZFE; des restrictions d’accès aux travailleurs dans ces zones; des restrictions du droit
de grève; l’ingérence des autorités des ZFE ou des gouvernements dans les affaires des
organisations syndicales; des actes de discrimination antisyndicale à l’encontre de dirigeants
syndicaux et de sympathisants; et des violations du droit de négociation collective. Voici
ci-dessous quelques exemples de pays où ces violations ont lieu.

25
Art 2 et 3 de la Convention 98 de l’OIT.

28 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Restrictions légales à la syndicalisation


Les organes de contrôle de l’OIT ont souligné que toute forme de restriction légale qui
aurait pour effet d’annuler le droit des travailleurs des ZFE de constituer et de s’affilier à
un syndicat de leur choix n’est pas compatible avec les exigences de la Convention 87 de
l’OIT, en particulier, avec l’article 2 de la convention, qui garantit à tous les travailleurs,
sans distinction d’aucune sorte, le droit de constituer des organisations de leur choix et de
s’affilier à celles-ci. Les observations des organes de contrôle de l’OIT soulignent également
que de telles restrictions ne sont pas autorisées, que ce soit pour des raisons économiques
ou pour d’autres raisons, et cela même en tant que mesures temporaires. Les principales
lacunes concernant les restrictions légales en matière de syndicalisation dans les ZFE
sont des dérogations à l’application de la législation du travail en vigueur, des restrictions
législatives implicites sur la syndicalisation, une ambiguïté concernant l’application de la
législation du travail et des restrictions législatives quant à l’affiliation syndicale.
En Namibie, l’article 8 (1) de la loi sur les zones franches d’exportation (Export Processing
Zones Act) de 1995 stipule que les dispositions de la loi 6 sur le travail (Labour Act
6) de 1992 qui reconnaissent le droit des travailleurs de former des syndicats ne
s’appliqueront pas aux ZFE. La Commission d’experts pour l’application des conventions
et recommandations (CEACR) de l’OIT a souligné l’importance de la nécessité pour tous les
travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, y compris ceux des ZFE, de jouir pleinement
des droits énoncés dans la Convention 87 de l’OIT. En Namibie, les employeurs ont
généralement été très hostiles aux syndicats,
refusant de les reconnaître et de les laisser mener
leurs activités à bien sur les lieux de travail ou
de s’engager dans des négociations collectives
avec eux.
Au Togo, un accord est entré en vigueur en juin
1996 concernant les relations entre les employeurs
et les travailleurs dans les ZFE du Togo. Le chapitre
5 de l’accord formulait la procédure d’élection
des représentants du personnel, mais ne faisait
aucune référence aux organisations syndicales.
La CEACR a demandé au gouvernement togolais
de spécifier si les syndicats avaient le droit et la
possibilité de présenter des candidats comme
délégués syndicaux en vue de représenter les
travailleurs des ZFE.
En Égypte, les dispositions de la loi de 2002 sur
les Zones économiques spéciales (2002 Special
Economic Zones Law) exemptent les sociétés
d’investissement nouvellement créées de dispositions
légales sur le droit d’organisation. Les rapports
montrent que beaucoup de réglementations du travail
sont mal appliquées et que des actes antisyndicaux
sont monnaie courante. Les représentants syndicaux
sont victimes de harcèlement, d’intimidation et
de sanctions administratives lorsqu’ils s’efforcent
© OIT/J. Maillard
d’organiser les travailleurs.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 29


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Encadré 4: Jurisprudence du Comité de la liberté syndicale (CLS) de l’OIT sur les


restrictions à la syndicalisation

• L’article 2 de la Convention n° 87 entend consacrer le principe de la non-


discrimination en matière syndicale et la formule «sans distinction d’aucune
sorte», contenue dans cet article, signifie que la liberté syndicale est reconnue
sans discrimination d’aucune sorte tenant à l’occupation, au sexe, à la couleur,
à la race, aux croyance, à la nationalité, aux opinions politiques, etc., et ce à
tous les travailleurs sans distinction d’aucune sorte26, et les travailleurs des zones
franches d’exportation doivent comme tous les autres travailleurs, sans distinction
d’aucune sorte, jouir des droits syndicaux prévus par les conventions sur la liberté
syndicale27.
• Le CLS a rappelé que les normes contenues dans la Convention n° 87 s’appliquent
à tous les travailleurs «sans distinction d’aucune sorte» et a demandé au
gouvernement de modifier la législation en vue de garantir aux travailleurs le droit
d’organisation et de négociation collective, conformément aux Conventions n° 87
et 9828.
• La Déclaration de principes tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales
et la politique sociale dispose que les incitations particulières destinées à attirer
les investissements étrangers ne devraient pas se traduire par des restrictions
quelconques apportées à la liberté syndicale des travailleurs ou à leur droit
d’organisation et de négociation collective. Le CLS a considéré que les dispositions
légales sur les ZFE devraient garantir le droit d’organisation et de négociation
collective à tous les travailleurs29.
• Les formalités prévues par les réglementations nationales concernant la
constitution et le fonctionnement des organisations de travailleurs et d’employeurs
sont compatibles avec les dispositions de la Convention n° 87, à condition, bien
entendu, que ces dispositions réglementaires ne mettent pas en cause les garanties
prévues par la Convention n° 8730.
• S’il est vrai que les fondateurs d’un syndicat doivent respecter les formalités
prévues par la législation, ces formalités, de leur côté, ne doivent pas être de nature
à mettre en cause la libre création des organisations31. Les formalités prescrites par
la loi pour créer un syndicat ne doivent pas être appliquées de manière à retarder
ou à empêcher la formation des organisations syndicales, et tout retard provoqué
par les autorités dans l’enregistrement d’un syndicat constitue une violation de
l’article 2 de la Convention n° 8732.

26
Voir Recueil 2006, paragr. 209 http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---normes/documents/publication/
wcms_090632.pdf et voir aussi Recueil 1996, paragr. 205; et le 308e rapport, cas n° 1900, paragr. 182.
27
Voir Recueil 2006, paragr. 264. Voir aussi Recueil 1996, par. 240; 302e rapport, cas n° 1826, paragr. 411; et 337e
rapport, cas n° 2327, paragr. 195.
28
Voir Recueil 2006, paragr. 265.
29
Voir Recueil 2006, paragr. 266.
30
Voir Recueil 2006, paragr. 275.
31
Voir Recueil 2006, paragr. 276.
32
Voir Recueil 2006, paragr. 279.

30 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

• La création d’un syndicat peut être considérablement gênée ou même rendue


impossible lorsque la législation fixe le nombre minimum de membres d’un
syndicat à un niveau manifestement trop élevé, ce qui est le cas, par exemple,
lorsque la législation dispose qu’un syndicat doit compter au moins 50 membres
fondateurs33. Le CLS considère également qu’un pourcentage de 30 pourcent au
moins des travailleurs concernés exigé pour constituer un syndicat est trop élevé34.
Toutefois, le nombre minimum de 20 membres fixé pour la création d’un syndicat
ne semble pas exagéré ni, par conséquent, être en soi un obstacle à la constitution
d’un syndicat35.

Accès aux ZFE


Il est essentiel que les représentants syndicaux aient accès aux travailleurs des ZFE afin
de s’assurer que les travailleurs des ZFE puissent s’organiser librement dans la pratique.
Cet accès est particulièrement indispensable car les travailleurs dans de nombreuses ZFE
sont physiquement isolés des autres travailleurs de l’industrie et que beaucoup d’entre
eux n’ont aucune expérience préalable d’activité syndicale. Les représentants syndicaux
doivent avoir accès à ces travailleurs pour les informer des avantages potentiels de la
syndicalisation. Cependant, les représentants syndicaux ont souvent difficilement accès
aux travailleurs dans les ZFE, que ce soit en raison de lois restreignant l’entrée des
personnes dans les zones ou en raison d’autres mesures prises par les entreprises des ZFE,
telles que le déploiement d’agents de sécurité armés pour empêcher que les représentants
syndicaux ne rencontrent les travailleurs des ZFE. Les organes de contrôle de l’OIT ont
souligné la nécessité pour les représentants syndicaux d’avoir un accès raisonnable aux
ZFE pour informer les travailleurs de leur intérêt à constituer des syndicats.
Àl’Île Maurice, les employeurs dans les ZFE restent hostiles aux syndicats, lesquels
rencontrent de nombreuses difficultés à approcher les travailleurs étant donné que, dans
la plupart des cas, les syndicalistes se voient refuser l’accès aux sites industriels.
AU Maroc, il est très difficile d’organiser les travailleurs dans les ZFE. L’accès des
syndicats aux ZFE est fortement limité, ce qui rend pratiquement impossible l’exercice
de la liberté syndicale.
Dans un cas relatif à la République dominicaine présenté au CLS, le plaignant a rapporté
que trois militants syndicaux avaient été arrêtés et détenus alors qu’ils distribuaient des
informations sur leur syndicat dans une ZFE. Le gouvernement a admis qu’un militant
avait été détenu parce qu’il n’avait pas demandé l’autorisation de la direction de la ZFE
de pouvoir entrer dans la zone. Le CLS a attiré l’attention du gouvernement sur le
​​ principe
selon lequel les représentants des travailleurs doivent disposer des facilités nécessaires
au bon exercice de leurs fonctions, y compris l’accès aux lieux de travail.

33
Voir Recueil 2006, paragr. 284.
34
Voir Recueil 2006, paragr. 288.
35
Voir Recueil 2006, paragr. 292.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 31


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Encadré 5: Jurisprudence du CLS sur l’accès aux lieux de travail

• Le gouvernement doit garantir aux représentants syndicaux l’accès aux lieux


de travail en respectant pleinement les droits de propriété et les droits de la
direction, afin que les syndicats puissent communiquer avec les travailleurs
dans le but de les informer des avantages que la syndicalisation peut présenter
pour eux.
• Les représentants syndicaux qui ne sont pas employés eux-mêmes dans une
entreprise, mais dont le syndicat compte des membres dans le personnel de
celle-ci, devraient avoir accès à celle-ci. L’octroi de telles facilités ne devrait
pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise intéressée.
• L’accès aux lieux de travail des dirigeants syndicaux ne doit bien entendu
pas être utilisé au détriment du fonctionnement efficace de l’administration
ou des institutions publiques concernées. C’est pourquoi les organisations de
travailleurs concernés et l’employeur doivent chercher à conclure des accords
de manière à ce que l’accès au lieu de travail durant les heures de travail et en
dehors de celles-ci soit reconnu aux organisations de travailleurs sans porter
préjudice au fonctionnement de l’administration ou de l’institution publique
concernée.

Restrictions légales à l’action syndicale


Le droit de grève a été reconnu comme l’un des moyens essentiels dont disposent les
travailleurs et leurs organisations pour la promotion de leurs intérêts économiques et
sociaux. Plusieurs pays dotés de ZFE ont cherché à limiter ce droit de grève dans la loi.
Les observations des organes de contrôle de l’OIT indiquent que de telles mesures sont
incompatibles avec les dispositions des Conventions 87 et 98 de l’OIT. Les observations
des organes de contrôle de l’OIT indiquent également qu’il n’est pas permis d’imposer
des restrictions limitées dans le temps au droit des travailleurs des ZFE de recourir à
la grève. Les principales lacunes concernant les restrictions légales à l’action syndicale
dans les ZFE sont l’interdiction de l’action syndicale par la classification des industries
des ZFE en tant que services essentiels, le renvoi de la résolution des conflits à l’arbitrage
obligatoire et la suppression des grèves dans les ZFE.
Au Nigéria, l’article 18 (5) de la loi sur les zones franches d’exportation (Export Processing
Zones Act) stipule qu’il n’y aura ni grève ni lock-out pendant une période de dix ans après
le début des opérations dans une ZFE. La Commission d’experts pour l’application des
conventions et recommandations (CEACR) de l’OIT a rappelé qu’une telle interdiction
n’était pas compatible avec les dispositions de la Convention 87 de l’OIT et a demandé
au gouvernement du Nigéria d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour assurer que
les travailleurs des ZFE aient le droit de créer des organisations, d’organiser leurs activités
et de formuler leurs programmes sans ingérence de la part des autorités publiques.

32 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Au Pakistan, le droit des travailleurs des ZFE de recourir à l’action syndicale est expressément
interdit. À cet égard, l’article 4 du règlement sur les
​​ zones franches d’exportation (Export
Processing Zones Rules) de 1982 prive les travailleurs des ZFE du droit de grève et du
recours à d’autres formes d’action syndicale. La CEACR et le CLS ont souligné que cette
disposition n’était pas compatible avec les exigences des Conventions 87 et 98 de l’OIT.
Au Bangladesh, la loi sur les associations de travailleurs des ZFE et les relations
professionnelles (EPZs Workers’ Associations and Industrial Relations Act) de 2004 apporte
des limitations au droit des organisations de travailleurs de participer à des actions syndicales.
En vertu de cette loi, ni grève ni lock-out ne sont permis dans une unité industrielle d’une
ZFE jusqu’au 31 octobre 2008 et, dans l’intervalle, tous les conflits de travail sont soumis à
l’arbitrage obligatoire et contraignant. Le CLS a demandé au gouvernement du Bangladesh
de prendre les mesures nécessaires pour modifier cette loi et accélérer la reconnaissance
du droit à l’action syndicale dans les ZFE avant la date fixée.

Encadré 6: Jurisprudence du CLS sur les restrictions des actions syndicales

• L’interdiction générale des grèves ne saurait être justifiée que dans une situation
de crise nationale aiguë et pour une durée limitée36. Pour déterminer les cas dans
lesquels une grève pourrait être interdite, le critère à retenir est l’existence d’une
menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé dans tout ou partie
de la population37. La responsabilité de la suspension d’une grève pour des raisons
de sécurité nationale ou de santé publique ne doit pas incomber au gouvernement
mais à un organe indépendant qui ait la confiance de toutes les parties concernées38.
• Certes, l’impact économique des actions revendicatives et leurs effets sur les
échanges et le commerce sont regrettables; cependant, ils ne suffisent pas à rendre
le service «essentiel» et le droit de grève devrait être maintenu39.
• Peuvent être considérés comme services essentiels: le secteur hospitalier; les services
d’électricité; les services d’approvisionnement en eau; les services téléphoniques;
la police et les forces armées; les services de lutte contre l’incendie; les services
pénitentiaires publics ou privés; la fourniture d’aliments pour les élèves en âge
scolaire et le nettoyage des établissements scolaires; le contrôle du trafic aérien40.
• Ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme: la radio et la
télévision; les installations pétrolières; les ports; les banques; les services de
l’informatique chargés de percevoir les impôts directs et indirects; les grands magasins
et parcs de loisirs; le secteur de la métallurgie et l’ensemble du secteur minier; les
transports en général; les pilotes de ligne; la production, le transport et la distribution
de combustibles; les services ferroviaires; les transports métropolitains; les services
postaux; le service de ramassage des ordures ménagères; les entreprises frigorifiques;
les services de l’hôtellerie; la construction; la fabrication d’automobiles; les activités
agricoles, l’approvisionnement et la distribution de produits alimentaires; la monnaie;

36
Voir Recueil 2006, paragr. 570.
37
Voir Recueil 2006, paragr. 581.
38
Voir Recueil 2006, paragr. 571.
39
Voir Recueil 2006, paragr. 592.
40
Voir Recueil 2006, paragr. 585.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 33


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

le Service des imprimeries d’État et les monopoles d’État des alcools, du sel et du
tabac; le secteur de l’enseignement; l’entreprise d’embouteillage d’eau minérale41.
• L’arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail et à une grève
est acceptable s’il intervient à la demande des deux parties au conflit42.
• Dans la mesure où l’arbitrage obligatoire empêche la grève, il porte atteinte au droit
des organisations syndicales d’organiser librement leurs activités et ne pourrait se
justifier que dans la fonction publique ou dans les services essentiels au sens strict
du terme43.
• Le CLS a estimé qu’un système d’arbitrage obligatoire par les soins de l’administration
du travail, lorsqu’un différend n’a pas été réglé par d’autres moyens, peut avoir pour
résultat de restreindre considérablement le droit des organisations de travailleurs
d’organiser leur activité et risque même d’imposer une interdiction absolue de la
grève, contrairement aux principes de la liberté syndicale44.

Ingérence dans les affaires des organisations des travailleurs


L’article 3 de la Convention 87 de l’OIT et l’article 2 de la Convention 98 de l’OIT visent
à protéger les organisations de travailleurs contre tous les actes d’ingérence de la part des
pouvoirs publics, des employeurs et des organisations d’employeurs dans leur formation,
leur fonctionnement et leur administration.
Le CLS a souligné que le droit des organisations de travailleurs d’élire leurs propres
représentants librement sans ingérence des pouvoirs publics est une condition
indispensable pour qu’elles soient en mesure de promouvoir efficacement les intérêts de
leurs membres. Il a précisé que l’exigence d’autorisation préalable pour les organisations
de travailleurs à bénéficier d’une aide financière internationale pour leurs activités
syndicales constitue une ingérence des pouvoirs publics dans le droit des organisations
de travailleurs à organiser librement leur gestion et leurs activités. Il a également souligné
qu’autoriser des représentants de l’employeur à demander la dissolution des syndicats
peut donner lieu à des actes d’ingérence de la part de l’employeur.
Les principales lacunes en matière d’ingérence dans les affaires des organisations de
travailleurs dans les ZFE sont l’ingérence dans les élections et le fonctionnement des
organisations de travailleurs, l’ingérence dans leurs procédures d’enregistrement et de
dissolution, et l’ingérence dans leurs activités de financement.

41
Voir Recueil 2006, paragr. 587.
42
Voir Recueil 2006, paragr. 564.
43
Voir Recueil 2006, paragr. 565.
44
Voir Recueil 2006, paragr. 568.

34 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Dans une affaire relative à une ZFE au Nicaragua, une des allégations du plaignant était que,
peu après la création d’un nouveau syndicat, l’entreprise et, par la suite, quatre travailleurs
et un conseiller payés par l’entreprise avaient demandé la dissolution du syndicat. Une
procédure fut engagée et le ministère du Travail refusa alors d’enregistrer la réorganisation
du comité exécutif du syndicat. Le CLS désapprouva le refus initial du gouvernement
d’enregistrer la réorganisation du comité du syndicat, de même que le retard de plusieurs
mois dans l’enregistrement du
comité. Il demanda au gouvernement
du Nicaragua de s’abstenir à l’avenir
de s’immiscer dans les affaires
syndicales.

Au Bangladesh, l’article 18 (2)


de la loi sur les Associations de
travailleurs des ZFE et les relations
professionnelles (EPZs Workers’
Associations and Industrial Relations
Act) de 2004 stipule qu’aucune
association de travailleurs n’obtiendra
ou ne recevra de fonds d’une source
extérieure sans l’approbation
préalable du Président exécutif de
l’Autorité de la ZFE. Le CLS a rappelé
que les syndicats ne devraient pas
être tenus d’obtenir une autorisation
préalable pour bénéficier d’une aide
financière internationale pour leurs
activités syndicales et a observé que la
norme en question interférait avec le
droit des organisations de travailleurs
à organiser leur gestion et leurs
activités sans ingérence de la part
des pouvoirs publics. Il a demandé
au gouvernement du Bangladesh
de prendre les mesures nécessaires
pour amender cet article de la loi. En
Indonésie, des recherches menées
par les syndicats montre que toutes
© OIT/K. Cassidy

les entreprises ont pris des mesures


pour s’immiscer dans les activités
syndicales. Les syndicats sont
néanmoins présents dans certaines
entreprises.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 35


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Encadré 7: Jurisprudence du CLS sur l’ingérence dans les affaires des syndicats

• L’article 2 de la Convention n° 98 établit l’indépendance totale des organisations


de travailleurs vis-à-vis des employeurs dans l’exercice de leurs activités45.
• Le respect des principes de la liberté syndicale suppose que les autorités publiques
fassent preuve d’une grande retenue en ce qui concerne toute intervention dans les
affaires internes des syndicats46.
• L’existence de normes législatives interdisant les actes d’ingérence de la part des
autorités ou encore de la part des organisations de travailleurs et d’employeurs les
unes vis-à-vis des autres est insuffisante si celles-ci ne s’accompagnent pas de
procédures efficaces qui assurent leur application dans la pratique47.
• Il est nécessaire que la législation établisse d’une manière expresse des recours et des
sanctions suffisamment dissuasives contre les actes d’ingérence des employeurs à
l’égard des travailleurs et des organisations de travailleurs afin d’assurer l’efficacité
pratique des articles 1 et 2 de la Convention no 9848.
• L’annulation par le greffier des syndicats de l’enregistrement ou la radiation du
registre des syndicats d’une organisation équivaut à la dissolution de la dite
organisation par voie administrative49. L’annulation de l’enregistrement d’un
syndicat ne devrait être possible que par voie judiciaire50.
• Une législation qui permet au ministre d’ordonner l’annulation de l’enregistrement
d’un syndicat, à son entière discrétion et sans aucun droit de recours aux tribunaux,
est contraire aux principes de la liberté syndicale51.
• Les mesures de suspension ou de dissolution par voie administrative constituent de
graves violations aux principes de la liberté syndicale52.
• Le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et celui de ces
organisations d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs et d’organiser
leur gestion et leur activité supposent l’indépendance financière. Celle-ci implique
que les organisations de travailleurs ne sont pas financées d’une manière qui les
place à la discrétion des pouvoirs publics53.
• Un système selon lequel les travailleurs sont tenus de verser une cotisation à un
organisme de droit public qui, à son tour, assure le financement des organisations
syndicales peut comporter de graves dangers pour l’indépendance de ces
organisations54.

45
Voir Recueil 2006, paragr. 855.
46
Voir Recueil 2006, paragr. 859.
47
Voir Recueil 2006, paragr. 861.
48
Voir Recueil 2006, paragr. 862.
49
Voir Recueil 2006, paragr. 685.
50
Voir Recueil 2006, paragr. 687.
51
Voir Recueil 2006, paragr. 689.
52
Voir Recueil 2006, paragr. 683.
53
Voir Recueil 2006, paragr. 466.
54
Voir Recueil 2006, paragr. 470.

36 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Discrimination antisyndicale
Alors que la plupart des pays dotés de ZFE reconnaissent le droit des travailleurs des ZFE
de s’organiser dans les limites fixées par la loi, dans la pratique, le droit des travailleurs des
ZFE de s’organiser librement et de participer à des activités syndicales est restreint dans
de nombreuses ZFE en raison des pratiques discriminatoires antisyndicales adoptées par
les employeurs. Celles-ci incluent la mise à pied, la suspension, le transfert, la liste noire,
le harcèlement, l’intimidation et les agressions physiques à l’encontre des dirigeants et des
membres des syndicats, et l’obligation pour les travailleurs de s’affilier à des associations
et à des syndicats parrainés par l’employeur. De telles pratiques sont particulièrement
prononcées au moment de la formation des syndicats. Le problème est accentué lorsque les
travailleurs des ZFE ne jouissent pas de sécurité d’emploi car cela permet aux employeurs
de se débarrasser facilement des travailleurs impliqués dans des activités syndicales.
Les principaux problèmes concernant des actes de discrimination antisyndicale dans les
ZFE sont une protection législative inadéquate contre la discrimination antisyndicale,
les représailles contre les syndicalistes, les listes noires des dirigeants syndicaux, le
harcèlement et la violence.
Au Salvador, les travailleurs dans les ZFE sont confrontés à l’exploitation, aux mauvais
traitements, à la violence verbale, aux menaces et au harcèlement sexuel. La zone franche
du secteur textile se caractérise par sa politique antisyndicale et les licenciements des
travailleurs qui tentent d’exercer leurs droits syndicaux. Au Nicaragua, les licenciements
et les pressions exercées sur les syndicalistes sont très fréquents, de même que les
violations du droit d’organisation et de négociation collective qui se produisent tout au
long du processus d’organisation, depuis la phase de lancement jusqu’au moment où elle
sera pleinement opérationnelle, bien que des petites améliorations aient eu lieu grâce à
une plus grande implication du ministère du Travail. En Indonésie, les chercheurs de la
FITTHC ont rapporté que toutes les usines avaient pris des mesures antisyndicales alors
que les syndicats représentaient les travailleurs dans la plupart des usines étudiées.
Les dirigeants syndicaux ont également exprimé leur inquiétude de voir les employeurs
refuser les relations d’emploi aux travailleurs afin d’affaiblir les syndicats. Les travailleurs
qui sont devenus membres du syndicat ont été intimidés, mis à pied ou n’ont pas vu
leur contrat prolongé, la direction envoyant ainsi le message clair aux travailleurs qu’elle
n’approuvait pas l’affiliation syndicale. Au Maroc, les travailleurs des ZFE ont trop peur de
créer des syndicats car ils craignent de perdre leur emploi. En Namibie, les employeurs ont
généralement été très hostiles aux syndicats, refusant de les reconnaître ou de les laisser
mener leurs activités sur les lieux de travail, et en particulier dans les ZFE. Au Belize,
les ZFE ont été caractérisées par la violation systématique des droits fondamentaux des
travailleurs. En Jamaïque, il n’y a pas de syndicats dans les ZFE en raison des pratiques
antisyndicales qui ont toujours empêché la création de syndicats. Les «maquilas» (ZFE)
situées à la frontière nord du Mexique signent souvent des «contrats de protection». Ces
contrats sont des accords conclus entre une entreprise et un syndicat qui n’existe que
sur papier. Les travailleurs qui s’organisent sont victimes d’actes d’intimidation et de
répression de la part des «syndicats de papier» et du gouvernement. Ceux qui tentent de
défendre leurs droits sont étiquetés comme des fauteurs de troubles et risquent d’être mis
sur une liste noire par l’entreprise. Au Costa Rica, il n’y a pratiquement pas d’organisation
syndicale dans les ZFE et les rares travailleurs syndiqués sont victimes de harcèlement et
de licenciement abusif.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 37


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Encadré 8: Jurisprudence du CLS sur la discrimination antisyndicale

• La discrimination antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté
syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats55.
• Un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer
dans un climat de violence et d’incertitude56.
• Nul ne doit faire l’objet d’une discrimination ou subir un préjudice dans l’emploi
de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes et les responsables de tels
actes doivent être punis57.
• La protection contre les actes de discrimination antisyndicale s’applique autant aux
membres des syndicats et aux anciens responsables syndicaux qu’aux dirigeants
syndicaux en place58.
• La pratique consistant à établir des listes noires de dirigeants et militants syndicaux
met gravement en péril le libre exercice des droits syndicaux et, d’une manière
générale, les gouvernements devraient prendre des mesures sévères à l’égard de
telles pratiques59.
• La liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de
garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à
la vie et du droit à la sécurité de la personne60. Le droit à la vie est la condition de
base de l’exercice des droits consacrés dans la Convention no 8761.
• Les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer
que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à
l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux
gouvernements de garantir le respect de ce principe62. Tous les États ont le devoir
indéniable de promouvoir et de défendre un climat social où le respect de la loi
règne en tant que seul moyen de garantir et de respecter la vie63.
• Lorsque se sont produites des atteintes à l’intégrité physique ou morale, le CLS
a considéré qu’une enquête judiciaire indépendante devrait être effectuée sans
retard car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement
les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la
répétition de telles actions64.
• L’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait
qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc extrêmement
dommageable pour l’exercice des activités syndicales65.

55
Voir Recueil 2006, paragr. 769.
56
Voir Recueil 2006, paragr. 45.
57
Voir Recueil 2006, paragr. 772.
58
Voir Recueil 2006, paragr. 775.
59
Voir Recueil 2006, paragr. 803.
60
Voir Recueil 2006, paragr. 43.
61
Voir Recueil 2006, paragr. 42.
© OIT/M. Crozet

62
Voir Recueil 2006, paragr. 44.
63
Voir Recueil 2006, paragr. 58.
64
Voir Recueil 2006, paragr. 50.
65
Voir Recueil 2006, paragr. 52.

38 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Négociation collective
La plupart des pays dotés de ZFE reconnaissent le droit des travailleurs de négocier
collectivement leurs conditions de travail avec l’employeur. Cependant, dans les pays où le
droit des travailleurs des ZFE de s’organiser n’est pas reconnu par la loi, le droit de négocier
collectivement avec l’employeur n’est pas non plus reconnu. Les principaux problèmes
en matière de négociation collective dans les ZFE sont ceux liés à la reconnaissance de
l’agent négociateur, aux restrictions sur la portée de la négociation collective, au refus de
négocier et à la promotion de la négociation collective dans les ZFE.
Au Ghana, «Blue Skies Products (Gh) Ltd», une entreprise de transformation de fruits de
la ZFE qui emploie plus de mille travailleurs, a toujours refusé de reconnaître le syndicat
des travailleurs de l’entreprise, le «Food and Allied Workers Union» (FAWU), une filiale de
la «Ghana Federation of Labour» (GFL). Le syndicat a organisé les travailleurs et a reçu un
certificat de négociation collective en février 2004, mais n’a toujours pas été en mesure
de négocier avec l’entreprise. Bien que le ministère du Travail ait délivré un certificat de
négociation collective au FAWU, il en a aussi donné un à la «Blue Skies Staff Association»,
que la «Ghana Federation of Labour» (GFL) a décrit comme un syndicat jaune. L’affaire a
été portée devant le tribunal pour décider quel syndicat devrait représenter les travailleurs.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 39


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

L’affaire est passée devant le tribunal en octobre 2010, sans notification préalable envoyée
au FAWU. Le département du Procureur général a soudainement annoncé l’abandon de
l’affaire, sans fournir aucune explication. «Blue Skies» avait déposé plusieurs plaintes
contre la GFL et le FAWU pour retarder la reconnaissance de son syndicat de travailleurs.
Les affaires étaient toujours en cours à la fin de l’année 2010.
Au Nigéria, le mode concret de négociation collective est déterminé par chaque secteur et
reflète le caractère des relations collectives dans chaque secteur syndical. Par exemple, le
syndicat national des travailleurs des produits chimiques, du caoutchouc, de la chaussure,
du cuir et des produits non métalliques (National Union of Chemical Rubber Footwear
Leather and Non-Metallic Products Employees) organise des cycles de négociation de
2 ans avec la partie prenante équivalente des employeurs sur la plate-forme du Conseil
national industriel conjoint (National Joint Industrial Council) du secteur. Les règles de
fond accordées sur cette plate-forme sont contraignantes pour les ZFE au sein du secteur.
D’autre part, dans le secteur du pétrole et du gaz, il n’y a pas de Conseil national industriel
conjoint (National Joint Industrial Council) et aucun accord spécifique aux ZFE n’a été
conclu avec les entreprises du pétrole.

40 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Au Sri Lanka, la création en 1994 des conseils de travailleurs, encouragée par les
employeurs et le Comité d’investissement (Board of Investment - BOI), a entravé la création
de syndicats libres et indépendants, de même que l’exercice du droit de négociation
collective. Les conseils ont été mis en place sans consulter les syndicats. Ils sont sous le
contrôle du Comité d’investissement et leurs membres ne sont pas élus librement.
Au Togo, toutes les négociations relatives aux conditions de travail dans les ZFE sont menées
bilatéralement par les délégués du personnel regroupés au sein du «Comité des délégués
du personnel» et les employeurs regroupés dans «l’Association des employeurs de la ZFE»
sous la supervision générale de la Société d’Administration des Zones Franches (SAZOF).
Les deux parties ont conclu l’accord du 1er Juin 1996, considéré comme la convention
collective sectorielle de la ZFE, et la révision des salaires de 2008. Elles ont remporté
un certain succès, mais les acteurs traditionnels des négociations collectives, à savoir les
organisations de travailleurs et d’employeurs librement choisis, ont été remplacés par ces
regroupements particuliers qui ne sont pas compatibles avec les principes énoncés dans
les Conventions 87 et 98 de l’OIT. La légitimité et la capacité de ces acteurs à défendre,
dans une négociation collective, les droits et les intérêts matériels, moraux et sociaux des
travailleurs des ZFE peuvent être remises en question. La grande majorité des travailleurs
ne reconnait pas leur légitimité, surtout lorsque la loi en vigueur accorde expressément ce
rôle aux organisations syndicales professionnelles. Le «Comité des délégués du personnel»
n’a pas les mêmes avantages que les organisations syndicales en termes d’affiliation, de
solidarité syndicale, de pression, de lobbying et d’expérience syndicale. Depuis 2006,
quelques tentatives de véritable dialogue social tripartite ont eu lieu et la volonté de la
SAZOF a ouvert la voie à un développement timide, mais positif, de l’activité syndicale
dans les ZFE. Grâce à l’appui de l’OIT et du ministère togolais du Travail et de la Sécurité
sociale, la révision des textes spécifiques relatifs à la ZFE a été entreprise dans le but
d’éliminer les obstacles à la liberté syndicale. Des négociations sont également en cours
avec la participation active des organisations syndicales des ZFE pour l’approbation d’une
nouvelle convention collective sectorielle.
Aux Philippines, des chercheurs de la FITTHC ont trouvé dans une usine que le syndicat
avait organisé avec succès un nombre suffisant de travailleurs pour répondre aux exigences
de négociation collective avec l’employeur. L’employeur a réagi en menant une campagne
soutenue de harcèlement contre les membres du syndicat, culminant avec la fermeture
de l’usine par l’employeur et la mise à pied de 800 travailleurs avec effet immédiat.
Une affaire est actuellement en cours devant le Tribunal du travail. Les chercheurs de la
FITTHC ont également enregistré l’utilisation d’organes de représentation des travailleurs
influencés par la direction, y compris des conseils de gestion du travail et des coopératives
de salariés, et ce dans juste un peu moins de la moitié des usines étudiées.
Au Maroc, en novembre 2010, la direction de «APM Terminals» dans le port de Tanger
avait licencié quatre membres du syndicat des travailleurs du transport. Le syndicat avait
juste atteint le seuil légal du nombre d’affiliations qui devait lui permettre de négocier
une convention collective avec l’employeur.
© OIT/M. Crozet

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 41


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Encadré 9: Jurisprudence du CLS sur la négociation collective

• Des mesures devraient être prises pour encourager et promouvoir le développement


et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions
collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs, d’une part, et
les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les
conditions d’emploi66.
• Le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail
constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et les syndicats devraient
avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen
légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils
représentent, et les autorités publiques devraient s’abstenir de toute intervention
de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal67.
• Les travailleurs temporaires doivent pouvoir négocier collectivement68.
• Les questions qui peuvent être sujettes à la négociation collective comprennent: le
type d’accord qui peut être proposé aux travailleurs ou le type d’accord industriel
devant être négocié par la suite, le salaire, les allocations et indemnités, les horaires
de travail, les congés annuels, les critères de sélection en cas de mise à pied, le
champ d’application de la convention collective, l’octroi de facilités syndicales, y
compris un accès au lieu de travail plus large que celui prévu par la législation,
etc.69
• Une législation prévoyant que le ministère du Travail a la faculté de fixer des normes
relatives aux salaires, aux horaires de travail, aux périodes de repos et de congé et
aux conditions de travail, les conventions collectives devant s’en tenir à ces normes
et ces aspects importants des conditions de travail étant ainsi exclus du domaine
de la négociation collective, n’est pas en harmonie avec l’article 4 de la Convention
no 9870.
• La négociation volontaire des conventions collectives et, donc, l’autonomie des
partenaires sociaux à la négociation constituent un aspect fondamental des
principes de la liberté syndicale71.
• L’article 4 de la Convention n° 98 n’impose aucunement à un gouvernement de
rendre obligatoire la négociation collective de même qu’il n’est pas contraire à
cet article d’obliger les partenaires sociaux, en vue d’encourager et de promouvoir
le développement et l’utilisation des mécanismes de la négociation collective,
à entrer en négociation sur les termes et les conditions d’emploi. Les autorités
publiques devraient toutefois s’abstenir de toute ingérence indue dans le processus
de négociation72.

66
Voir Recueil 2006, paragr. 880.
67
Voir Recueil 2006, paragr. 881.
68
Voir Recueil 2006, paragr. 906.
69
Voir Recueil 2006, paragr. 913.
70
Voir Recueil 2006, paragr. 919.
71
Voir Recueil 2006, paragr. 925.
72
Voir Recueil 2006, paragr. 928.

42 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

• Il est important que les employeurs et les syndicats participent aux négociations de
bonne foi et n’épargnent aucun effort pour parvenir à un accord, des négociations
véritables et constructives étant nécessaires pour établir et maintenir une relation
de confiance entre les parties73.
• Les accords doivent être obligatoires pour les parties74.
• Les employeurs devraient reconnaître les organisations représentatives de
travailleurs dans une branche particulière aux fins de la négociation collective75.
La reconnaissance par un employeur des principaux syndicats représentés dans
son entreprise ou du plus représentatif d’entre eux constitue la base même de
toute procédure de négociation collective des conditions d’emploi au niveau de
l’établissement76.

Élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession


La discrimination en matière d’emploi et de profession est un enjeu majeur dans les
ZFE, où la majorité de la main-d’œuvre est composée de jeunes femmes et de migrants.
Ces groupes sont plus susceptibles de souffrir de discrimination. Les femmes dans les
ZFE à travers le monde se voient refuser l’accès à l’emploi et à la formation, reçoivent
des salaires plus bas ou sont limitées à certaines professions en raison de leurs projets
de maternité, sans tenir compte de leurs capacités et compétences. Dans la plupart des
ZFE, il existe une discrimination en matière d’équité salariale et d’égalité de traitement
entre les travailleurs et les travailleuses. Les travailleurs migrants des ZFE sont plus
susceptibles que les travailleurs locaux de souffrir de pratiques discriminatoires.
© OIT / M. Crozet

73
Voir Recueil 2006, paragr. 935.
74
Voir Recueil 2006, paragr. 939.
75
Voir Recueil 2006, paragr. 954.
76
Voir Recueil 2006, paragr. 953.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 43


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Encadré 10:Instruments pertinents de l’OIT sur la discrimination

Convention (n° 100) sur l’égalité de rémunération, 1951: Cette convention fondamentale
exige des pays qui la ratifient d’assurer l’application à tous les travailleurs du principe
de l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre
féminine pour un travail de valeur égale. Le terme «rémunération» est défini au sens
large et comprend le salaire ou traitement ordinaire, de base ou minimum, et tous
autres avantages, payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par
l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier.
Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958: Cette
convention fondamentale définit la discrimination comme toute distinction, exclusion
ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique,
l’ascendance nationale ou l’origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d’altérer
l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession. Elle exige
des États qui la ratifient de s’engager à formuler et à appliquer une politique nationale
visant à promouvoir, par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages
nationaux, l’égalité de chances et de traitement en matière d’emploi et de profession,
afin d’éliminer toute discrimination en cette matière. Cela inclut la discrimination en
matière d’accès à la formation professionnelle, l’accès à l’emploi et aux différentes
professions, ainsi que les conditions d’emploi.

À Madagascar, le salaire moyen des travailleuses des ZFE est inférieur de 8% dans les
emplois peu qualifiés et de 20% dans les postes de direction si on le compare à celui
des hommes. Bien que les droits des femmes enceintes et des jeunes mères soient
généralement respectés, des pratiques discriminatoires persistent, telles que le refus
d’embaucher des femmes enceintes, des pertes d’emplois et le refus d’accorder un congé
de maternité. En Namibie, comme exemple de discrimination inverse, une ZFE emploie
un grand nombre de travailleurs asiatiques dont les salaires sont plus élevés que ceux
de leurs homologues namibiens. À l’Île Maurice, les ZFE emploient 15.000 travailleurs
étrangers venant principalement de Chine, d’Inde, du Bangladesh et du Sri Lanka. En
raison de barrières linguistiques et de restrictions imposées par les employeurs, les
travailleurs immigrés sont victimes d’une discrimination évidente et n’ont souvent pas
de contrat formel. Au Sri Lanka, la discrimination entre travailleurs et travailleuses dans
les usines d’articles de sport et de loisirs est très répandue. À cet égard, la recherche
montre que, durant le processus de recrutement, la direction a favorisé des travailleurs qui
n’étaient pas mariés. Quatre entreprises ont effectué des tests de grossesse et les femmes
enceintes n’ont pas été recrutées. Au Belize, les femmes sont confrontées à des inégalités
et à une discrimination au travail du fait de la mauvaise application de la législation du
travail dans les ZFE. À cet égard, le taux de chômage des femmes est beaucoup plus élevé
que celui des hommes et leur salaire représente 52% de celui des hommes. Les femmes
sont plus concentrées dans les emplois peu rémunérés et peu qualifiés.

44 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Abolition du travail forcé ou obligatoire


L’élimination du travail forcé ou obligatoire reste un grand défi dans les ZFE où le travail
et les heures supplémentaires obligatoires sont fréquents et leur recours généralisé.
Certaines conditions de travail dans les ZFE peuvent être assimilées à du travail forcé.
Un rapport publié en 2010 par la Confédération syndicale internationale (CSI) sur les
normes fondamentales du travail au Salvador a dénoncé que plusieurs des 67.000
travailleurs, la plupart des femmes, employés dans les 15 ZFE du pays souffraient de
conditions de travail épouvantables qui pouvaient être assimilées à du travail forcé et que
le conditions de travail étaient comparables à l’esclavage. À l’Île Maurice, les conditions de
travail des migrants bangladais ont été décrites comme une forme d’esclavage moderne.
Le FMI a dénoncé des cas dans la ZFE de Batam en Indonésie où les travailleurs sont
échangés comme des marchandises, à un pas seulement de la traite des êtres humains.
Ces travailleurs sont embauchés par l’intermédiaire d’une agence d’emploi et signent
généralement un contrat avec cette agence qui les tient pour responsables et leur
réclament des montants élevés, s’ils viennent à perdre leur emploi.

Encadré 11:Instruments pertinents de l’OIT sur le travail forcé

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930: Cette convention fondamentale interdit
toute forme de travail forcé ou obligatoire qui est défini comme «tout travail ou
service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel
ledit individu ne s’est pas offert de plein gré». Des exceptions sont prévues pour
tout travail exigé en vertu des lois sur le service militaire obligatoire, pour tout
travail faisant partie des obligations civiques normales, ou pour tout travail exigé
d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision
judiciaire.
Convention (n° 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957: Cette convention
fondamentale interdit le travail forcé ou obligatoire en tant que mesure de coercition
ou d’éducation politique ou en tant que sanction à l’égard de personnes qui ont ou
expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à
l’ordre politique, social ou économique établi; en tant que méthode de mobilisation
et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique; en
tant que mesure de discipline du travail; en tant que punition pour avoir participé
à des grèves; et en tant que mesure de discrimination raciale, sociale, nationale ou
religieuse.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 45


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Abolition du travail des enfants


Le travail des enfants est une réalité dans de nombreux pays du monde entier qui n’ont
pas ratifié les conventions de l’OIT ou ne les appliquent pas efficacement. Des recherches
présentent des cas de travail des enfants dans des ZFE.
En Équateur, dans le domaine du travail des enfants, il existe des pratiques proches
de l’esclavage, du travail forcé et de la servitude, en particulier dans les plantations
de bananes et de fleurs, et dans les secteurs d’extraction d’or et d’huile de palme. Ces
pratiques concernent généralement des enfants issus de familles et de milieux pauvres.
Au Mexique, les travailleurs mineurs des «maquilas» (ZFE) sont généralement des filles
juste en dessous de l’âge minimum. Elles commencent à travailler à l’âge de 12 ou 13
ans. Elles fournissent de faux certificats de naissance ou mentent sur leur âge.

Encadré 12:Instruments pertinents de l’OIT sur le travail des enfants

Convention (n° 138) sur l’âge minimum, 1973: Cette convention fondamentale spécifie
l’âge minimum d’admission à l’emploi ou au travail à 15 ans (13 ans pour les travaux
légers) et l’âge minimum pour les travaux dangereux à 18 ans (16 ans sous certaines
conditions strictes). Il prévoit la possibilité de spécifier, en une première étape, un
âge minimum de 14 ans (12 ans pour les travaux légers) là où l’économie et les
institutions scolaires ne sont pas suffisamment développées.
Convention (n° 182) concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants,
1999: Cette convention fondamentale définit un «enfant» comme une personne de
moins de 18 ans. Elle exige des États qui la ratifient d’éliminer les pires formes
de travail des enfants qui comprennent toutes les formes d’esclavage ou pratiques
analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le
servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou
obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés; l’utilisation,
le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution, de production
de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques; l’utilisation, le
recrutement ou l’offre d’un enfant aux fins d’activités illicites, notamment pour la
production et le trafic de stupéfiants; les travaux qui, par leur nature ou les conditions
dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou
à la moralité de l’enfant. La convention exige des États qui la ratifient de prévoir
l’aide directe nécessaire et appropriée pour soustraire les enfants des pires formes de
travail des enfants et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Elle exige
également des États d’assurer l’accès à l’éducation de base gratuite et, lorsque cela
est possible et approprié, à la formation professionnelle pour les enfants qui auront
été soustraits des pires formes de travail des enfants.

46 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3
© OIT/N.C.

Inspection du travail
L’application correcte et efficace de la législation du travail dépend d’une inspection du
travail efficace, avec des inspecteurs du travail qui examinent la façon dont les normes
nationales du travail sont appliquées sur le lieu de travail et qui offrent des conseils sur
la façon d’améliorer l’application de la législation nationale du travail. Dans de nombreux
pays, les systèmes d’inspection du travail sont sous-financés et manquent de personnel.
En ce qui concerne les ZFE, le manque général de ressources matérielles et humaines,
le manque de formation des inspecteurs du travail et l’absence d’un cadre juridique
leur donnant le pouvoir d’agir dans l’intérêt général constituent les principaux problèmes
existants.
Au Nicaragua, les inspecteurs du travail ont souvent rencontré de nombreux problèmes
pour accéder aux ZFE. Toutefois, l’approbation de la loi 618, la «Loi générale sur la
santé et la sécurité au travail» a contribué à améliorer cette situation. Grâce à cette
loi, le rôle du ministère du Travail du Nicaragua a été renforcé et les inspecteurs du
travail ont le droit de visiter les ZFE à tout moment et sans préavis. Au Maroc, le Code
du travail exige que les inspecteurs du travail appliquent les dispositions du droit du
travail. Toutefois, les organisations syndicales ont dénoncé la passivité et l’incapacité de
l’inspection du travail. Elles affirment que les inspecteurs du travail ne peuvent pas avoir
librement accès aux ZFE et qu’ils ne satisfont pas les travailleurs qui leur demandent de
visiter les lieux de travail. Au Salvador, le gouvernement n’alloue pas suffisamment de
ressources à une inspection et une surveillance adéquates en vue d’assurer le respect du
droit d’organisation et de négociation collective dans les ZFE. En outre, des inspecteurs

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 47


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

du travail sont accusés de corruption. Au Togo, l’article 30 du décret n° 90/40 du


4/04/1990 qui interdit l’accès aux ZFE à toute personne extérieure a gravement limité les
contrôles réalisés par les inspecteurs du travail en vue de faire respecter la législation du
travail. Au Nigéria, les inspections du travail sont pratiquement inexistantes en raison de
l’hostilité manifestée par la direction des ZFE, mais aussi du nombre limité d’inspecteurs
du travail, qui représente à peine 19% du nombre exigé par la loi. À Madagascar, le
nombre d’inspecteurs du travail est très limité et ceux-ci manquent de formation. Au Sri
Lanka, le nombre d’inspections du travail reste très faible malgré la réorganisation du
ministère du Travail et la révision du système d’inspection réalisée avec l’appui de l’OIT
de 2003 à 2006. En Indonésie, il n’existe aucun véritable système efficace pour effectuer
des inspections du travail dans les ZFE car il y a une pénurie d’inspecteurs du travail.
En Haïti, l’inspection du travail est inexistante et la structure au sein du ministère des
Affaires sociales n’est pas opérationnelle.

Encadré 13: Instrument pertinent de l’OIT sur l’inspection du travail

Convention (n° 81) sur l’inspection du travail, 1947: Cette convention exige des États
qui la ratifient de maintenir un système d’inspection du travail dans l’industrie et le
commerce. La convention définit une série de principes concernant la détermination
des domaines de la législation couverts par l’inspection du travail, les fonctions et
l’organisation du système d’inspection, les critères de recrutement, le statut et les
conditions de service des inspecteurs du travail, ainsi que leurs pouvoirs et obligations.

Protection sociale dans les ZFE


Selon l’OIT, 80% de la population mondiale ne bénéficie d’aucune protection sociale
adéquate. La protection sociale est un droit de l’homme consacré par les principaux
instruments internationaux protégeant les droits de l’homme, tels que la Déclaration
universelle des droits de l’Homme de 1948 ou le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels de 1966. L’absence de protection sociale adéquate
est un grand déficit de travail décent pour les travailleurs des ZFE, en particulier pour
les femmes. L’objectif des interventions de protection sociale est de réduire l’insécurité
au travail, de garantir des conditions de sécurité au travail, de maintenir les revenus et
d’assurer un accès adéquat aux soins et aux services sociaux. Les interventions peuvent
inclure la sécurité sociale et des allocations de chômage, les régimes de protection de la
maternité, la promotion des systèmes de retraite, la santé au travail et les politiques de
lutte contre le VIH/SIDA, etc.

48 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Licenciement
Le licenciement est une expérience traumatisante pour un travailleur. Il est synonyme de
perte de revenus, conduit à la perte de l’estime de soi et a un impact direct sur ​​le bien-être
de la famille du travailleur. Les entreprises des ZFE sont souvent soumises à des influences
extérieures et à des changements dans la chaîne de production mondiale. La demande
extérieure de produits peut varier. Les accords commerciaux régionaux ou bilatéraux
peuvent avoir un impact sur l’organisation des ZFE. Des crises économiques peuvent
se déclarer et affecter les entreprises des ZFE. Ainsi, les emplois dans les ZFE sont très
souvent des emplois précaires. Tout cela est aggravé par le désir de nombreux employeurs
des ZFE de maximiser leurs profits en imposant aux travailleurs des mauvaises conditions de
travail et des objectifs de production élevés. De plus, l’utilisation généralisée des contrats
temporaires signifie que l’emploi prend simplement fin à l’expiration des contrats, évitant
ainsi les sanctions de l’employeur pour licenciement. Cela contribue également à une
forte rotation du personnel dans les ZFE. Finalement, de nombreux travailleurs perdent
souvent leur emploi à la suite d’actes de harcèlement et de discrimination antisyndicale.
Les travailleurs sont donc arbitrairement licenciés à cause de leurs activités syndicales
ou, pour le travailleuses, tout simplement parce qu’elles sont enceintes.

Encadré 14:Instrument clé de l’OIT sur l’emploi

Convention (n° 158) sur le licenciement, 1982: Cette convention consacre le principe
qu’un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de
licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités
du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. Ne constituent
pas des motifs valables de licenciement, notamment: l’affiliation syndicale ou la
participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le
consentement de l’employeur, durant les heures de travail; le fait d’avoir déposé
une plainte contre un employeur; la race, la couleur, le sexe, l’état matrimonial, les
responsabilités familiales, la grossesse, la religion, l’opinion politique, l’ascendance
nationale ou l’origine sociale; l’absence temporaire du travail en raison d’une
maladie ou d’un accident; l’absence du travail pendant le congé de maternité. Si un
travailleur individuel est licencié, il ou elle doit avoir le droit de se défendre contre les
allégations formulées. En cas de licenciement collectif, les gouvernements doivent
chercher à encourager les employeurs à consulter les représentants des travailleurs et
à trouver des alternatives aux licenciements massifs (comme un gel des embauches
ou des réductions du temps de travail). La convention couvre également les questions
relatives à l’indemnité de départ, à la durée du préavis, aux procédures de recours
contre le licenciement, à l’assurance chômage et aux avertissements préalables à
envoyer aux autorités en cas de licenciements massifs.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 49


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Au Sri Lanka, les entreprises sont connues pour fermer leurs portes sans avertissement et
laisser les travailleurs sans compensation, sans remboursement des arriérés ou de l’assurance
nationale. Au Nicaragua, les principaux problèmes sont les licenciements, les menaces
constantes envers les travailleurs et les comportements antisyndicaux des employeurs.
Dans le contexte actuel de crise mondiale, l’instabilité de l’emploi a considérablement
augmenté dans le pays et 31 entreprises des ZFE ont demandé au ministère du Travail
une fermeture indéterminée, affectant ainsi de nombreuses travailleuses. De nombreuses
plaintes en 2007, 2008 et 2009 étaient liées à la fermeture soudaine d’entreprises sans
paiement de compensation, une situation qui a mené à d’importants conflits de travail.
L’une des principales revendications des syndicats est d’avoir une législation qui garantisse
la création d’un fonds en cas de fermeture d’entreprises. Au Salvador, la loi ne prévoit pas
la réintégration des travailleurs licenciés abusivement en raison de leur appartenance ou
de leurs activités syndicales. Au Guatemala et au Nicaragua, des entreprises ont fermé
leurs portes sans préavis et sans payer d’indemnités aux travailleurs.

Sécurité sociale
Les systèmes de sécurité sociale garantissent un revenu minimum en cas de chômage,
de maladie, d’accident, de vieillesse et de retraite, d’invalidité, de responsabilités
familiales telles que la grossesse, la garde d’enfants et la perte du soutien de famille.
Pour les employeurs, la sécurité sociale contribue à maintenir une main-d’œuvre stable
qui s’adapte au changement. Dans un monde globalisé, où les gens sont de plus en
plus exposés aux risques économiques mondiaux, une politique nationale de protection
sociale élargie peut offrir un rempart solide contre la plupart des effets sociaux négatifs
des crises. Les travailleurs des ZFE du monde entier sont exposés à une forte rotation
du personnel et sont plus vulnérables à l’instabilité de l’emploi en raison de facteurs
extérieurs. Les travailleurs des ZFE sont souvent licenciés et mis à pied, et la plupart
d’entre eux ne bénéficie pas de couverture sociale lorsque cela se produit.

Encadré 15:Instruments pertinents de l’OIT sur la sécurité sociale

Convention (n° 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952: Cette
convention établit la norme minimum pour le niveau des prestations de sécurité
sociale et les conditions dans lesquelles elles sont accordées. Elle couvre les
neuf branches principales de la sécurité sociale, à savoir les soins médicaux, les
indemnités de maladie, les prestations de chômage, les prestations de vieillesse,
les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, les
prestations aux familles, les prestations de maternité, les prestations d’invalidité et les
prestations de survivants. Pour veiller à ce qu’elle puisse être appliquée dans toutes
les circonstances nationales, la convention offre aux États la possibilité de la ratifier
en acceptant, au début, les obligations d’au moins trois de ses neuf branches et, par
la suite, les obligations découlant des autres branches, ce qui leur permet d’atteindre
progressivement tous les objectifs fixés. Le niveau des prestations minimum peut être
déterminé par rapport au niveau des salaires dans le pays concerné. Des exceptions
temporaires sont également prévues pour les pays dont l’économie et les installations
médicales ne sont pas suffisamment développées, ce qui leur permet de limiter la
portée de la convention et la couverture des prestations accordées.

50 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Recommandation (n° 202) sur les socles de protection sociale, 2012: Cette
recommandation fournit aux Membres des orientations pour: a) établir ou maintenir,
selon le cas, des socles de protection sociale en tant qu’élément fondamental de leurs
systèmes nationaux de sécurité sociale; b) mettre en œuvre les socles de protection
sociale dans le cadre de stratégies d’extension de la sécurité sociale qui assurent
progressivement des niveaux plus élevés de sécurité sociale au plus grand nombre de
personnes possible, selon les orientations données par les normes de l’OIT relatives à
la sécurité sociale. Les socles de protection sociale devraient comporter au moins les
garanties élémentaires de sécurité sociale suivantes: (a) accès à un ensemble de biens
et services définis à l’échelle nationale comme étant des soins de santé essentiels, y
compris les soins de maternité, qui réponde aux critères de disponibilité, d’accessibilité,
d’acceptabilité et de qualité (b) sécurité élémentaire du revenu pour les enfants, se
situant au moins à un niveau minimal défini à l’échelle nationale, assurant l’accès à
l’alimentation, à l’éducation, aux soins et à tous autres biens et services nécessaires;
(c) sécurité élémentaire du revenu, se situant au moins à un niveau minimal défini à
l’échelle nationale, pour les personnes d’âge actif qui sont dans l’incapacité de gagner
un revenu suffisant, en particulier dans les cas de maladie, de chômage, de maternité
et d’invalidité; (d) sécurité élémentaire du revenu pour les personnes âgées, se situant
au moins à un niveau minimal défini à l’échelle nationale.

Au Nicaragua, tous les travailleurs des ZFE qui travaillent dans une relation formelle d’emploi
sont couverts par le système de sécurité sociale en vigueur dans le pays. Cependant, il existe
des tendances importantes à l’externalisation des tâches, en particulier dans les centres
d’appels. Les travailleurs externalisés sont privés de avantages offerts par la sécurité
sociale. Au Salvador, en 2008, les ministères du Travail et de l’Économie ont conclut que
près de 10.000 travailleurs dans les ZFE n’avaient pas bénéficié de sécurité sociale et
d’autres indemnités auxquelles ils avaient légalement droit. En Indonésie, les chercheurs
de la FITTHC ont constaté que des travailleurs employés par l’intermédiaire d’agences
privées s’étaient vu refuser un certain nombre de droits et d’avantages. Les travailleurs
ont déclaré qu’ils n’avaient pas reçu de salaire pour la période de leur congé annuel,
qu’ils n’avaient pas touché les indemnités de départ à la fin de leur période d’emploi,
qu’ils n’avaient pas reçu de contrat écrit et d’indemnités de maladie. Les travailleurs
ont dit aux chercheurs que l’entreprise recrutait du personnel permanent pendant la
haute saison, mais que ces travailleurs étaient souvent licenciés à la fin de leur période
d’essai de 3 mois parce que l’employeur n’avait plus besoin d’eux. Les employeurs ne
payaient pas le salaire minimum ou ne se conformaient pas aux dispositions de la sécurité
sociale pendant cette période d’essai. Au Maroc, les syndicats affirment que de nombreux
travailleurs des ZFE ne sont pas déclarés à la Caisse nationale de sécurité sociale. Au
Togo, le fait que de nombreux travailleurs des ZFE sont des travailleurs temporaires fait
qu’ils ne bénéficient pas de la prime sociale de risque.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 51


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Salaires
Dans les ZFE, l’accès à un salaire adéquat et régulier n’est pas garanti. Les salaires
tendent à être similaires ou même parfois plus élevés que les salaires payés dans les
autres secteurs de l’économie. Toutefois, cela n’implique pas nécessairement que ces
revenus soient des salaires décents. La situation varie, selon les ZFE, dans le même pays
et dans tous les secteurs. Les travailleurs des ZFE peuvent perdre leur salaire lorsque leur
employeur fait faillite ou qu’une entreprise ferme ses portes.

Encadré 16:Instruments pertinents de l’OIT sur les salaires

Convention (n° 95) sur la protection du salaire, 1949: Cette convention stipule que
les salaires seront payés en monnaie ayant cours légal et à intervalles réguliers; dans
les cas où le paiement partiel du salaire en nature est autorisé, la valeur attribuée à
ces prestations doit être juste et raisonnable. Les travailleurs doivent être libres de
disposer de leur salaire à leur gré. En cas d’insolvabilité de l’employeur, le salaire
doit bénéficier de la priorité dans la répartition des actifs liquidés.
Convention (n° 131) sur la fixation des salaires minima, 1970: Cette convention demande
aux États qui la ratifient de s’engager à établir un système de salaires minima permettant
de fixer et d’ajuster de temps à autre les salaires minima qui ont force de loi.
Convention (n° 173) sur la protection des créances des travailleurs en cas
d’insolvabilité de leur employeur, 1992: Cette convention prévoit la protection des
créances salariales en cas d’insolvabilité et de faillite au moyen d’un privilège ou par
une institution de garantie.

Selon une recherche menée par la FITTHC aux Philippines, au Sri Lanka et en Indonésie,
pas une seule des 83 entreprises couvertes par l’étude ne paie un salaire décent aux
travailleurs et beaucoup d’entre elles emploient des travailleurs en leur payant moins que
le salaire minimum légal. Au Sri Lanka, les chercheurs ont constaté que les salaires étaient
basés sur des objectifs de productivité, bien que la loi sri-lankaise stipule clairement que
les travailleurs doivent être payés en fonction du nombre de jours prestés et non en fonction
du nombre de pièces produites. Dans une usine, les travailleurs voyaient leur salaire de
base réduit s’ils n’atteignaient pas les objectifs fixés unilatéralement par la direction. Dans
une autre usine appartenant à la même entreprise, les travailleurs ne recevaient aucune
rémunération incitative si la totalité du quota n’était pas atteint. Toutefois, les travailleurs
ont indiqué que les objectifs fixés unilatéralement par la direction étaient impossibles
à atteindre et qu’ils n’avaient donc jamais reçu de bonus. Dans deux autres usines, les
travailleurs étaient forcés de prester des heures supplémentaires non payées jusqu’à ce
qu’ils atteignent les objectifs de productivité fixés par la direction. Au Maroc, les syndicats
se plaignent que les salaires déclarés sont souvent inférieurs aux salaires effectivement
versés. Au Togo, les salaires des travailleurs permanents ont connu une évolution
progressive. Toutefois, les travailleurs temporaires sans qualifications spécifiques n’ont
pas droit aux indemnités et il est prouvé que le congé maladie est déduit de leur salaire.
Ils gagnent, par conséquent, moins que le salaire minimum. Au Nicaragua, le salaire
minimum ne couvre pas la moitié des besoins élémentaires mensuels. La «Commission

52 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

tripartite du travail sur les zones franches d’exportation» a conclut un accord pour assurer
une augmentation progressive des salaires en une série d’étapes jusqu’en 201377.

Temps de travail
La recherche montre que les heures supplémentaires excessives et obligatoires, souvent
en violation de la législation nationale, sont très répandues et sont une réalité dans
presque tous les pays dotés de ZFE. Beaucoup de travailleurs des ZFE font des heures
supplémentaires excessives pour survivre ou se conformer aux exigences industrielles
de l’entreprise sous la menace d’un licenciement. Des heures longues et imprévisibles
ont un impact sur la capacité des travailleurs à concilier travail rémunéré et obligations
domestiques.

Encadré 17:Instruments pertinents de l’OIT sur le temps de travail

Convention (n° 1) sur la durée du travail (industrie), 1919: Cette convention fixe la
norme générale à 48 heures de travail par semaine, avec un maximum de huit heures
par jour.
Convention (n° 47) des quarante heures, 1935: Cette convention établit le principe
de la durée de travail à 40 heures par semaine.
Convention (n° 14) sur le repos hebdomadaire (industrie), 1921: Cette convention
définit la norme générale selon laquelle les travailleurs devront jouir, au cours de
chaque période de sept jours, d’un repos comprenant au minimum vingt-quatre
heures consécutives.
Convention (n° 132) sur les congés payés (révisée), 1970: Cette convention stipule
que les travailleurs auront droit à un congé annuel payé dont la durée ne devra en
aucun cas être inférieure à trois semaines de travail pour une année de service.
Convention (n° 171) sur le travail de nuit, 1990: Cette convention requiert des États
qui la ratifient de prendre des mesures exigées par la nature du travail de nuit pour
assurer la protection des travailleurs de nuit. Le travail de nuit est défini comme
tout travail effectué au cours d’une période d’au moins sept heures consécutives
comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures du matin. La convention exige
également que des alternatives au travail de nuit soient offertes aux femmes pour
des périodes déterminées pendant et après la grossesse.

En Indonésie, les chercheurs de la FITTHC ont trouvé que les heures supplémentaires
excessives étaient la norme dans les usines de confection d’article de sport et de
loisirs vu que les travailleurs de toutes les usines inspectées prestent entre 10 et 40
heures supplémentaires par semaine. Une usine présentait les plus hauts taux d’heures
supplémentaires obligatoires, les travailleurs déclarant qu’ils étaient régulièrement forcés
de travailler 40 heures supplémentaires par semaine. Les travailleurs de toutes les usines
ont signalé que le nombre d’heures supplémentaires augmentait au fur et à mesure que

77
Voir la section sur “Le dialogue social dans les ZFE”.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 53


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

l’échéance se rapprochait, atteignant le moment où 35 à 40 heures supplémentaires par


semaine devenaient la norme. Les travailleurs ont rapporté que ceux qui ne parvenaient
pas à atteindre les objectifs de production étaient parfois soumis à des violences physiques
et mentales. Au Sri Lanka, des entrevues menées avec des travailleurs ont révélé qu’un
certain nombre d’entreprises forçait les travailleurs à prester des heures supplémentaires.
Par exemple, les travailleurs d’une usine ont déclaré qu’ils étaient forcés de travailler
entre 90 et 100 heures supplémentaires par mois. Les travailleurs devaient obtenir
l’approbation préalable de la direction avant de quitter l’usine s’ils n’étaient pas d’accord
de prester des heures supplémentaires. Les travailleurs ont déclaré que toutes les
demandes de quitter l’usine étaient refusées et que la direction harcelait verbalement les
travailleurs qui en faisaient la demande. Dans une autre usine, les travailleurs ont déclaré
qu’ils travaillaient 100 à 130 heures supplémentaires par mois. Une fois encore, ceux qui
refusaient de faire des heures supplémentaires étaient victimes de harcèlement verbal et
de violence de la part des superviseurs et de la direction. Aux Philippines, les chercheurs
ont noté que 24% des travailleurs interrogés dans plusieurs entreprises inspectées ne
recevaient aucune rémunération supplémentaire ni même l’indemnité minimum légale
pour ces heures supplémentaires. En Indonésie, les travailleurs ont rapporté que lorsque
les échéances approchaient, les heures supplémentaires forcées augmentaient de façon
spectaculaire. 6% des travailleurs interrogés ont déclaré qu’ils n’avaient reçu aucune
compensation pour les heures supplémentaires qu’ils avaient prestées. 18% avaient
reçu un paiement pour ces heures supplémentaires, mais pas au taux des indemnités
prévues par la loi philippine. La majorité des travailleurs interrogés travaillaient au moins
2 heures supplémentaires par jour et de nombreux travailleurs étaient également forcés
de travailler pendant les jours de repos. Dans une usine, la journée normale de travail
était de 12 heures, de 6h à 18h, mais à l’approche des échéances les travailleurs étaient
forcés de travailler 2 heures supplémentaires par jour. Au Nicaragua, bien que le Code du
travail prévoie que la durée hebdomadaire de travail est de 48 heures, le nombre moyen
d’heures de travail dans les ZFE est beaucoup plus élevé. Dans un sondage organisé dans
5 entreprises, 71,5% des travailleurs interrogés ont répondu qu’ils faisaient des heures
supplémentaires. Au Nigéria, la journée de travail dans les ZFE est en général plus longue
qu’à l’extérieur de ces zones, et les jours fériés et les congés sont accordés à contrecoeur,
en particulier par les entreprises chinoises. À Madagascar, presque toute la main d’œuvre
travaille aux alentours de 10 heures par jour et des heures supplémentaires de nuit sont
constamment ajoutées. La loi 24/2007 sur les ZFE prévoit que les dispositions du Code
du travail relatives au travail de nuit pour les femmes ne sont pas applicables aux ZFE.

Santé et sécurité au travail


La Constitution de l’OIT établit le principe que les travailleurs doivent être protégés contre
les maladies et les lésions imputables à leur emploi. Beaucoup de ZFE n’offre pas des
environnements de travail sûrs, de nombreuses entreprises opérant dans de mauvaises
conditions de santé et de sécurité. Les instruments de l’OIT repris ci-dessous sont des
outils essentiels pour permettre aux gouvernements, aux employeurs et aux travailleurs de
définir des bonnes pratiques et d’établir des normes de santé et de sécurité maximales
sur les lieux de travail.

54 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Encadré 18:Instruments pertinents de l’OIT sur la santé et la sécurité

Convention (n° 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981 et son Protocole
de 2002: Cette convention prévoit l’adoption d’une politique nationale cohérente en
matière de sécurité et de santé des travailleurs, ainsi que les mesures que doivent
prendre les gouvernements et les entreprises afin de promouvoir la sécurité et la
santé des travailleurs, et d’améliorer les conditions de travail. Le Protocole prévoit
l’établissement et la révision périodique des conditions requises et des procédures
d’enregistrement et de déclaration des accidents et des maladies professionnelles, et
la publication des statistiques annuelles correspondantes.
Convention (n° 161) sur les services de santé au travail, 1985: Cette convention
prévoit la mise en place de services de santé au travail au niveau des entreprises
investis de fonctions essentiellement préventives et chargés de conseiller l’employeur,
les travailleurs et leurs représentants dans l’entreprise en ce qui concerne le maintien
d’un milieu de travail sûr et salubre.
Convention (n° 187) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail,
2006: Cette convention vise à promouvoir une culture préventive de sécurité et de
santé et à parvenir progressivement à maintenir un milieu de travail sûr et salubre.
Elle demande aux États qui la ratifient de développer, en consultation avec les
organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, une politique
nationale, un système national et un programme national de sécurité et de santé au
travail.

Au Nicaragua, les maladies professionnelles sont très fréquentes. Un élément positif dans
les entreprises est l’existence de commissions mixtes de santé et de sécurité impliquant les
travailleurs et les employeurs. Au Maroc, les syndicats considèrent que de réels problèmes
existent en matière de santé et de sécurité au travail. Les accidents sont fréquents, étant
donné les matériaux et les produits utilisés dans les unités de production, certains d’entre
eux étant très toxiques. L’équipement de protection contre les risques est inadéquat et
les travailleurs ne sont pas suffisamment conscients des risques qu’ils encourent pour
leur santé. Les syndicats considèrent que le nombre insuffisant d’inspections sur les lieux
de travail demeure un obstacle à l’amélioration des normes de santé et de sécurité sur
les lieux de travail. Les syndicats se plaignent que les maladies professionnelles et les
accidents de travail ne sont pas suffisamment reconnus, et que les comités de santé et de
sécurité au travail n’existent pas ou ne jouent aucun rôle, même si l’article 336 du Code
de travail marocain prévoit l’obligation de les créer. Au Togo, la ZFE est essentiellement
industrielle et les décès, les accidents du travail et les maladies professionnelles sont très
fréquentes. Les risques encourus sont physiques et sociaux (par exemple, la fatigue due
aux heures supplémentaires de travail et les charges de travail trop exigeantes, le manque
d’équipements de protection, l’exposition à des vibrations, les environnements de travail
inadaptés, les irritations de la peau ou des yeux, les problèmes respiratoires, l’exposition
à des substances dangereuses, les problèmes de menstruation, le stress et les problèmes
sexuels), ainsi qu’ergonomiques, et les travailleurs souffrent de graves dommages aux
os et articulations. Les syndicats dénoncent la tendance claire des employeurs à se
concentrer sur la maximisation des profits au détriment du respect des mesures de santé

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 55


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

et de sécurité au travail. L’article 174 du Code du travail du Togo stipule qu’il doit y
avoir un comité de sécurité et de santé au travail dans chaque entreprise. Cependant, il
est très rare de trouver des entreprises qui l’aient mis sur pied. Au Nigéria, l’état de la
sécurité et de la santé au travail dans les ZFE varie beaucoup. Dans le secteur du pétrole
et du gaz, des procédures et des mécanismes standard de respect des questions de
sécurité et de santé au travail sont en place, alors que la situation dans le secteur de la
production est plus diversifiée. Certaines entreprises semblent être plus préoccupées par
le respect des procédures de sécurité et de santé au travail lorsqu’un syndicat a obtenu
sa reconnaissance.

Protection de la maternité
La grossesse et la maternité sont des moments difficiles pour les femmes qui travaillent.
Les femmes enceintes doivent bénéficier du temps suffisant pour accoucher, récupérer et
soigner leur enfant. Elles ont aussi besoin de protection pour s’assurer qu’elles ne perdront
pas leur emploi en raison de la grossesse ou du congé de maternité. Beaucoup de femmes
dans les ZFE subissent des fortes pressions de la part de la direction des entreprises
qui les incitent à quitter leur emploi et elles doivent subir des contrôles et des tests de
grossesse lors de leur recrutement. À de nombreuses reprises, la CEACR a commenté la
pratique déloyale que constituent les tests de grossesse obligatoires dans le processus
d’embauche. Dans le rapport de la CEACR de 2000, dans ses commentaires adressés au
gouvernement de la République dominicaine et du Salvador, la commission a fait part
© OIT/M. Crozet

56 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

de ses préoccupations concernant les tests de grossesse imposés comme condition pour
obtenir ou conserver un emploi dans les ZFE. En 2007, la CEACR a examiné un cas de
test de grossesse obligatoire au Brésil et a découvert que cette pratique était en violation
de la Convention 111 de l’OIT. Par la suite, l’OIT a aidé le Brésil à mettre en place un
nouveau système de respect de la législation incluant de lourdes amendes. Le système est
devenu un modèle pour d’autres pays.

Encadré 19:Instrument clé de l’OIT sur la protection de la maternité

Convention (n° 183) sur la protection de la maternité, 2000 : Cette convention est la
norme internationale du travail la plus à jour sur la protection de la maternité78. Elle
prévoit un congé de maternité de 14 semaines aux femmes auxquelles cet instrument
s’applique. Des prestations en espèces doivent être assurées aux femmes qui
s’absentent de leur travail pour cause de congé de maternité et doivent être établies
à un niveau tel que la femme puisse subvenir à son entretien et à celui de son enfant
dans de bonnes conditions de santé et selon un niveau de vie convenable; le montant
de ces prestations ne doit pas être inférieur aux deux tiers du gain antérieur de la
femme ou du gain tel que pris en compte pour le calcul des prestations. La convention
exige également que les États qui la ratifient adoptent les mesures nécessaires pour
que les femmes enceintes ou qui allaitent ne soient pas contraintes d’accomplir un
travail qui a été déterminé par l’autorité compétente comme préjudiciable à leur
santé ou à celle de leur enfant, et assurent une protection contre la discrimination
fondée sur la maternité. Elle interdit également à l’employeur de licencier une femme
pendant sa grossesse ou son congé de maternité ou pendant une période suivant son
retour de congé, sauf pour des motifs sans lien avec la grossesse, la naissance de
l’enfant et ses suites ou l’allaitement. A l’issue du congé de maternité, la femme doit
être assurée, lorsqu’elle reprend le travail, de retrouver le même poste ou un poste
équivalent rémunéré au même taux. Elle prévoit également pour la femme le droit
à une ou plusieurs pauses quotidiennes ou à une réduction journalière du temps de
travail pour allaiter son enfant.
L’article 9 de la convention stipule l’obligation pour les États membres d’adopter
des mesures propres à garantir que la maternité ne constitue pas une source de
discrimination en matière d’emploi, y compris l’interdiction des tests de grossesse
dans le cadre des procédures de sélection d’emploi, sauf dans des circonstances
particulières très limitées.

Au Nicaragua, la présence des organisations syndicales dans les entreprises des ZFE
a contribué à l’amélioration des pratiques en matière de protection de la maternité.
À cet égard, les femmes enceintes dans certaines entreprises ont acquis un droit de
priorité à l’entrée et à la sortie des ZFE, n’ayant plus à faire la queue dans les longues
files d’attente. Cependant, les conditions de travail et le type d’activité dans les ZFE
affectent considérablement les femmes enceintes et les cas de fausses couches sont
fréquents. La discrimination à l’encontre des femmes enceintes est encore très répandue

78
Les instruments pertinents antérieurs, la Convention (n° 3) sur la protection de la maternité, 1919 et la Convention (n°
103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952 sont toujours en vigueur dans certains pays.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 57


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

lors du recrutement. Au Maroc, les organisations syndicales affirment unanimement que


certaines entreprises dans les ZFE ne respectent pas la durée du congé de maternité et
que la direction fait pression sur les femmes enceintes pour qu’elles quittent leur emploi.
Au Nigéria, la tendance est d’éviter le plus possible le travail des femmes et le congé de
maternité en est la cause. Au Sri Lanka, dans les recherches menées par la FITTHC, les
travailleuses ont révélé que certaines entreprises avaient effectué des tests de grossesse
et que les femmes enceintes n’avaient pas été recrutées. Les travailleuses qui étaient
enceintes jusqu’à sept mois étaient obligées de continuer à exécuter l’ensemble des tâches,
sans aucune prise en compte de leur santé et de celle de leur enfant. Aux Philippines,
toutes les travailleuses qui ont été interrogées ont déclaré que les employeurs n’avaient
pas respecté la loi en matière de congé de maternité payé et certaines travailleuses ont
déclaré qu’elles ne bénéficiaient d’aucune indemnité de congé de maternité. La plupart
des entreprises n’avaient pas offert de congé monoparental tel que requis par la législation
nationale en vigueur.

VIH/SIDA sur le lieu de travail


La pandémie du VIH/SIDA est devenue l’un des problèmes essentiels sur le lieu de travail.
En plus de l’impact sur ​​les femmes et les hommes et leurs familles, elle affecte le
monde du travail à bien des égards, notamment sous la forme de la discrimination et
de la stigmatisation des travailleurs vivant avec le VIH/SIDA. Les maladies en milieu de
travail sont fréquentes dans les ZFE et le fait d’être infecté par le VIH/SIDA est un facteur
supplémentaire de discrimination. Il semblerait que le soutien aux travailleurs vivant avec
le VIH/SIDA dans les ZFE à travers le monde ne constitue pas une préoccupation majeure.

Encadré 20:Instrument clé de l’OIT sur le VIH/SIDA

En 2001, le BIT a adopté le Recueil de directives pratiques du BIT sur le VIH/SIDA


et le monde du travail79. Celui-ci contient les principes d’élaboration des politiques
et des directives pratiques pour des programmes au niveau de l’entreprise, de la
communauté et national.
Recommandation (n° 200) concernant le VIH et le SIDA et le monde du travail, 2010:
Cette norme est le premier instrument juridique sanctionné internationalement visant
à renforcer la contribution du monde du travail à l’accès universel à la prévention, au
traitement, aux soins et au soutien dans les cas de VIH. Il contient des dispositions
sur des programmes de prévention qui pourrait sauver des vies et sur des mesures
antidiscriminatoires au niveau national et du lieu de travail. Il souligne également
l’importance des activités d’emploi et de génération de revenus pour les travailleurs
et les personnes vivant avec le VIH, notamment en termes de poursuite du traitement.

79
http://www.ilo.org/gl obal/publications/KD00015/lang--en/index.htm

58 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Au Nigéria, il est difficile d’évaluer la mesure dans laquelle les entreprises des ZFE se sont
senties concernées par l’atténuation de l’impact du VIH/SIDA. Les syndicats affirment qu’il
se pourrait très bien qu’il n’y ait aucune préoccupation en faveur du soutien à apporter
aux travailleurs vivant avec le VIH/SIDA et encore moins en faveur de l’amélioration de
la qualité de vie des travailleuses et des épouses de travailleurs vivant avec le VIH/SIDA.

Travailleurs ayant des responsabilités familiales


Les salaires, le temps de travail, la protection de la maternité et les différents arrangements
pour adapter la vie professionnelle aux exigences de la vie en dehors du travail sont
des éléments essentiels de la relation de travail et de la protection des travailleurs. Les
travailleurs des ZFE dans le monde entier, et principalement les femmes, sont confrontés
à la discrimination des sexes et sont souvent contraints de rester dans les ZFE dans des
conditions très difficiles car ils n’ont pas d’autre possibilité d’emploi ou qu’ils doivent
refuser un emploi en raison de l’impossibilité de concilier leur vie professionnelle et leur
vie privée. Les heures supplémentaires dans les ZFE et les nombreuses violations en
matière de protection de la maternité jouent un rôle crucial et persuadent de nombreuses
femmes de quitter leur emploi dans les ZFE.

Encadré 21:Instrument clé de l’OIT sur les travailleurs ayant des responsabilités
familiales

Convention (n ° 156) sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales, 1981:
Dans le but d’instaurer une réelle égalité de chances et de traitement pour les
travailleurs des deux sexes, la convention stipule que chaque Membre doit, parmi
ses objectifs de politique nationale, viser à permettre aux personnes ayant des
responsabilités familiales qui occupent ou désirent occuper un emploi d’exercer leur
droit de l’occuper ou de le l’obtenir sans faire l’objet de discrimination et, dans
la mesure du possible, sans conflit entre leurs responsabilités professionnelles et
familiales. La convention exige également que les gouvernements tiennent compte
des besoins des travailleurs ayant des responsabilités familiales dans l’aménagement
des collectivités et développent ou promeuvent des services communautaires, publics
ou privés, tels que des services et des installations de soins aux enfants et d’aide à
la famille.

À l’Île Maurice, des initiatives positives sur la mise sur pied de structures d’accueil dans
les ZFE ont vu le jour. Au Nicaragua, la Commission tripartite du travail sur les ZFE a
discuté des moyens de faciliter le travail de ceux qui ont des responsabilités familiales.
Toujours au Nicaragua, les syndicats ont obtenu le droit pour les mères qui allaitent de
prendre 15 minutes de pause toutes les trois heures pour allaiter leurs bébés.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 59


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Harcèlement sexuel et violence fondée sur le sexe


Le harcèlement sexuel et la violence fondée sur le sexe sont des préoccupations majeures
de santé et de sécurité au travail dans les ZFE. D’une manière générale, le harcèlement
sexuel sur le lieu de travail est caractérisé par: des avances sexuelles importunes ou un
comportement verbal ou physique à connotation sexuelle; des commentaires inappropriés;
des contacts physiques non désirés et inutiles; des regards et des gestes lascifs; des
invitations compromettantes; des requêtes ou des demandes de faveurs sexuelles; des
menaces explicites et implicites si des faveurs sexuelles ne sont pas accordées. La
Conférence internationale du Travail a adopté en 1985 une résolution sur l’égalité des
chances et l’égalité de traitement entre hommes et femmes dans l’emploi qui stipule
que: «le harcèlement sexuel sur le lieu de travail est préjudiciable aux conditions de
travail des employés et aux perspectives d’emploi et de promotion. Des politiques de
promotion de l’égalité devraient donc inclure des mesures visant à combattre et à prévenir
le harcèlement sexuel».
La violence contre les femmes est un acte de violence fondée sur le sexe qui cause ou
est susceptible de causer un préjudice physique, sexuel ou psychologique aux femmes,
y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté. Les
femmes représentent un pourcentage important de travailleurs dans des emplois où la
violence est potentiellement plus importante. Elles sont particulièrement exposées aux
risques que courent les travailleurs migrants et sont souvent privées de pouvoir individuel
et collectif lorsqu’elles se retrouvent dans des emplois atypiques et précaires. Les femmes
dans les ZFE sont particulièrement exposées à cette violence.

Dialogue social dans les ZFE


Le dialogue social peut être défini comme n’importe quel type de négociations, de
consultations ou d’échanges d’informations entre ou parmi les représentants des
gouvernements, des employeurs et des travailleurs sur des questions de politique
économique et sociale. Le dialogue social peut être un processus tripartite, avec le
gouvernement comme partie officielle au dialogue, ou il peut consister en des relations
bipartites entre les organisations syndicales et les organisations d’employeurs. Il peut
avoir lieu au niveau national, régional ou de l’entreprise.
Le dialogue social est un instrument de promotion de meilleures conditions de vie et
de travail et de justice sociale, de résolution de problèmes économiques et sociaux,
d’encouragement à la bonne gouvernance et de réalisation de la paix et de la stabilité
sociale et industrielle. Certaines conditions favorables sont nécessaires pour organiser
un bon dialogue social. Des organisations représentatives des travailleurs fortes et
indépendantes doivent exister et avoir la capacité de s’engager efficacement dans des
processus de dialogue social.
Deux conventions fondamentales du travail de l’OIT sont primordiales, à savoir les
Conventions 87 et 98 sur la liberté syndicale et la négociation collective80. L’État joue un
rôle majeur dans la promotion de ces conditions par la ratification de ces conventions et leur

80
Voir la section sur «Les droits des travailleurs dans les ZFE».

60 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

respect dans la pratique. L’État joue également un rôle de soutien essentiel au processus
de dialogue social à travers la mise en place des cadres juridiques et institutionnels qui
permettent aux organisations de travailleurs de participer efficacement.
L’état du dialogue social dans les ZFE varie d’un pays à l’autre, mais la négociation
collective est en général assez rare dans les ZFE. Pour les travailleurs des ZFE qui se
trouvent dans des relations triangulaires en raison de l’utilisation généralisée des agences
d’emploi, la négociation collective est pratiquement impossible.

Encadré 22:Instruments pertinents de l’OIT sur le dialogue social

Convention (n° 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949 La


convention stipule que des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si
nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation
les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives
entre les employeurs et les organisations d’employeurs d’une part, et les organisations
de travailleurs d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi.
Convention (n° 154) sur la négociation collective, 1981: Des mesures adaptées aux
circonstances nationales devront être prises en vue de promouvoir la négociation
collective.
Convention (n° 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971: La
convention stipule que les représentants des travailleurs dans l’entreprise doivent
bénéficier d’une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter
préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou
leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur
participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux
lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur. Des
facilités doivent être accordées, dans l’entreprise, aux représentants des travailleurs,
de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions.
Convention (n° 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes
internationales du travail, 1976: Cette convention prioritaire explique la signification
des «organisations représentatives des employeurs et des travailleurs» et exige des
États qui la ratifient de s’engager à mettre en œuvre des procédures qui assurent des
consultations efficaces entre les représentants du gouvernement, des employeurs
et des travailleurs sur les questions concernant les activités de l’Organisation
internationale du Travail, la soumission aux autorités nationales compétentes des
normes de l’OIT nouvellement adoptées, le réexamen de conventions non ratifiées et
de recommandations, les rapports sur les conventions ratifiées, et les propositions
relatives à la dénonciation de conventions ratifiées. Les employeurs et les travailleurs
seront représentés sur un pied d’égalité au sein de tout organisme au moyen duquel
les consultations auraient lieu, et des consultations auront lieu au moins une fois par
an.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 61


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

Au Sri Lanka, une des caractéristiques des ZFE est le manque de dialogue social. En
particulier, le dialogue social tripartite a été très limité au sein du Conseil national
consultatif du Travail (National Labour Advisory Council). En Indonésie, le gouvernement
élabore un mécanisme de mise en place de comités locaux tripartites de travail dans
les ZFE pour servir de plateformes locales de dialogue social. À Madagascar, un comité
bipartite de suivi se réunit une fois par mois pour aborder les problèmes sociaux et
économiques liés aux ZFE. Au Nigéria, les autorités des ZFE ainsi que la plupart des
entreprises opérant dans les zones ont toujours fait échouer toute forme significative
de dialogue social tout en favorisant les pratiques déloyales de travail. Le ministère
fédéral du Travail et de la Productivité a essayé de créer un semblant de bonne pratique
des relations professionnelles. Celles-ci, cependant, ont été plutôt faibles et il y a une
absence totale de structures ou de mécanismes tripartites au sein de la dynamique des
relations de travail et d’emploi dans la zone. La ZFE de Calabar est le seul site où a été
tentée une certaine pratique tripartite de relations professionnelles. Au Togo, toutes les
négociations relatives aux conditions de travail dans les ZFE sont conclues bilatéralement
par les délégués du personnel regroupés au sein du Comité des délégués du personnel
et les employeurs regroupés au sein de l’Association des employeurs des ZFE, sous la
supervision générale de l’autorité de gestion de la ZFE.
Au Nicaragua, la Commission tripartite du travail sur les ZFE a été une initiative importante
et positive. Elle a été proposée au gouvernement en 2006 en tant qu’organe de règlement
des conflits du travail qui avaient lieu dans les ZFE au Nicaragua. Le gouvernement a

© OIT/K. Cassidy

62 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

considéré la proposition de manière positive, mais n’a pas soutenu sa concrétisation. En


2007, avec le changement de gouvernement, le Secrétaire exécutif de la Commission
nationale des ZFE a demandé aux organisations syndicales de lancer le projet. En mars
2007, le premier ordre du jour du dialogue tripartite au sein de la Commission tripartite
du travail sur les ZFE a été établi. Il y avait 12 points de discussion, à savoir:
QQ les problèmes avec le ministère du Travail du Nicaragua, et en particulier
l’application de l’article 45 du Code du travail, l’inspection du travail, les
procédures administratives, le salaire minimum, la journée de travail, les congés,
etc.
QQ la création du Tribunal du travail
QQ le développement de la stratégie sur la responsabilité sociale des entreprises
QQ la révision des objectifs de production
QQ la représentation des syndicats et des employeurs au sein de la Commission
nationale sur les ZFE.

La crise mondiale a eu un impact très important au Nicaragua et a causé la fermeture


de nombreuses entreprises dans les ZFE, augmentant ainsi le taux de chômage. La
Commission tripartite du Travail sur les ZFE a contribué de façon significative à définir
une politique de stabilité de l’emploi et de promotion des investissements avec la
participation des travailleurs, des employeurs et du gouvernement. Dans le contexte de
la crise mondiale, un Accord national d’urgence économique et du travail a été signé en
mars 2009, couvrant cinq engagements:
QQ la promotion de la stabilité de l’emploi et le respect des droits des travailleurs
et des conditions de travail, avec des relations de travail saines sur les lieux de
travail
QQ la préservation des emplois actuels et l’établissement des conditions pour aider à
la préservation de l’investissement
QQ la création de la Commission tripartite du travail sur les ZFE
QQ la fixation du seuil du salaire minimum pour les ZFE au cours de la période 2009-
2011
QQ l’ouverture d’économats pour fournir aux travailleurs à faible revenu des produits
alimentaires de base.

Compte tenu de la persistance de la crise économique mondiale et le succès de l’Accord


national d’urgence économique et du travail, la Commission tripartite du travail sur les
ZFE a signé un autre accord intitulé «Concertation sociale et du travail de la Commission
tripartite du travail sur les ZFE». Les représentants des travailleurs, des employeurs et
le gouvernement ont signé ce nouvel accord dans lequel neuf points ont été considérés,
notamment:
QQ le développement de politiques sociales visant à mettre les travailleurs des ZFE
sur la voie d’un travail décent, dans le plein respect des normes fondamentales
du travail de l’OIT

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 63


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

QQ la préservation de l’investissement direct étranger et la façon d’en attirer


davantage, le renforcement de la stabilité de l’emploi et l’amélioration des
conditions salariales, ainsi que la définition des seuils du salaire minimum pour
les ZFE en 2011-2013
QQ la promotion d’un programme de logements sociaux
QQ la poursuite de l’ouverture d’économats dans les entreprises opérant dans les ZFE
pour assurer la distribution d’au moins 40.000 colis de nourriture par an
QQ le développement de centres de loisirs pour les travailleurs et leurs familles
QQ la création de «Coopératives d’épargne et de crédit» dans chacune des entreprises
pour encourager l’épargne et faciliter le crédit à un taux d’intérêt bas. Certains
organismes et programmes gouvernementaux, tels que l’Institut nicaraguayen
pour la promotion des coopératives, apporteront leurs conseils à ce sujet.

Dans le cadre du programme de l’ALEAC-RD (Accord de libre-échange d’Amérique


centrale), «Accord de développement par le biais du renforcement des capacités dans les
domaines du travail et de l’environnement dans les pays de l’ALEAC», il était demandé à
l’OIT de laisser la Commission tripartite du travail sur les ZFE mettre en œuvre et exécuter
des projets et des programmes de l’OIT liés aux ZFE. En juillet 2010, une commission de
la santé a été intégrée dans l’accord afin d’assurer une assistance sanitaire aux travailleurs,
et de prévenir les maladies et les risques pour la santé.
L’OIT considère comme un succès la relation qui s’est établie entre les travailleurs et les
employeurs avec la médiation du gouvernement, grâce à la mise sur pied de la Commission
tripartite du travail sur les ZFE. Les représentants des organisations des travailleurs
considèrent que l’accord constitue une avancée significative pour les conditions de
vie et de travail des travailleurs dans les ZFE. L’évaluation de la gestion des ZFE est
également positive parce qu’ils considèrent que les conditions se sont améliorées, même
si les travailleurs et les employeurs doivent toujours continuer à travailler ensemble pour
améliorer la situation.

64 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

Exercice

Cet exercice vous aidera à identifier et à cibler les principaux déficits de travail décent
dans les ZFE de votre pays sur la base des quatre objectifs stratégiques de l’Agenda pour
le travail décent de l’OIT (la création d’emplois, le respect des principes et des droits au
travail, la protection sociale et la promotion du dialogue social).

1) Quelles sont les principales violations relatives aux principes des Conventions 87
et 98 de l’OIT qui ont lieu dans les ZFE de votre pays et qui concernent les points
suivants?
• Les restrictions légales en matière de syndicalisation
• L’accès aux zones franches d’exportation (ZFE)
• Les restrictions légales en matière d’action syndicale
• L’ingérence dans les affaires des organisations des travailleurs
• la discrimination antisyndicale
• La négociation collective

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 65


3 Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT

2) Veuillez préparer une liste des déficits de travail décent détectés dans les ZFE de
votre pays dans le cadre des quatre objectifs stratégiques de l’Agenda pour le travail
décent de l’OIT en suivant la structure du chapitre.
a) La création d’emplois
• La quantité d’emplois créés
• La qualité des emplois créés
• Les politiques de formation professionnelle

b) Le plein respect des principes et des droits au travail


• La liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation
collective
• L’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession
• L’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes pour un travail de
valeur égale
• L’abolition du travail forcé et obligatoire
• L’abolition du travail des enfants
• Autre: l’inspection du travail

66 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Conditions de travail dans les ZFE à la lumière de l’agenda pour le travail décent de l’OIT 3

c) L’extension de la protection sociale


• Le licenciement
• Les prestations de sécurité sociale
• Les salaires
• Le temps de travail
• La santé et la sécurité au travail
• La protection de la maternité
• Le VIH / SIDA
• Les travailleurs ayant des responsabilités familiales
• Le harcèlement sexuel et la violence fondée sur le sexe

d) La promotion du dialogue social


• Le dialogue social dans les ZFE

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 67


Chapitre 4:
Réponses syndicales:
engagement dans les débats
sur les politiques
Les ZFE soulèvent des questions importantes et posent des défis majeurs aux syndicats.
Leur réponse à ces défis se situe essentiellement à deux niveaux, à savoir, impliquer les
gouvernements dans une politique de développement des ZFE et organiser les travailleurs
des ZFE. Ce chapitre est consacré à l’examen des principaux problèmes des politiques liées
aux ZFE d’un point de vue syndical.
Les gouvernements à travers le monde se sont engagés dans une politique d’expansion des
ZFE. Cela soulève un certain nombre de questions, entre autres, en matière de développement
industriel, de rentabilité de l’investissement direct étranger (IDE), des questions de liens
avec l’économie nationale en amont et en aval, du transfert de technologie et de l’alignement
avec le droit commercial de l’OMC. Cependant, la principale question à laquelle il faut
répondre est de savoir si la création de ZFE est la meilleure option politique pour une stratégie
nationale industrielle durable.
Le débat politique sur les ZFE doit déterminer si la mise en place de ZFE est la meilleure façon
de créer des emplois plus nombreux et meilleurs, d’offrir des opportunités de travail décent
et de développer le pays d’accueil. Le débat doit également identifier les conditions dans
lesquelles les ZFE existantes peuvent produire des résultats socio-économiques favorables
pour le pays d’accueil.
La stratégie des gouvernements de développer des ZFE s’est avérée efficace pour attirer les
investissements et créer des emplois. Cependant, à long terme, très peu de pays dotés de
ZFE sont parvenus à améliorer la qualité des emplois créés. De nombreux pays dotés de
ZFE ont prévu que leurs ZFE stimuleraient la croissance économique et l’industrialisation,
mais très peu sont parvenus à créer les liens en amont et en aval nécessaires pour obtenir
un impact économique plus large en termes de développement industriel. En termes
généraux, les ZFE sont restées principalement des lieux de transformation et d’assemblage
de composants importés requérant très peu de matériaux, de biens et de services locaux. Le
développement des relations de travail et des ressources humaines restent deux des aspects
les plus problématiques des opérations dans les ZFE. L’absence de structures crédibles et
efficaces des relations travailleurs-employeurs est une source d’instabilité dans les ZFE, ce
qui peut nuire à leur capacité de fournir une plate-forme d’exportation compétitive au niveau
international et d’obtenir des améliorations en matière de salaires et de conditions de travail.
© OIT/M. Crozet

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 69


4 Réponses syndicales: engagement dans les débats sur les politiques

Les ZFE promeuvent-elles des liens avec l’économie


nationale en amont et en aval?
Les liens entre les ZFE et le reste de l’économie du pays d’accueil sont essentiels
pour déterminer si et dans quelle mesure un pays bénéficie de l’établissement de
ZFE. Les stratégies et les politiques industrielles jouent un rôle fondamental dans le
développement global d’un pays et les gouvernements considèrent les ZFE comme un
moyen de développement industriel. À cet égard, les liens en aval (ventes de produits des
ZFE sur le marché intérieur) et en amont (achat aux entreprises nationales de produits du
marché intérieur et de la sous-traitance par des entreprises des ZFE) sont très importants
du point de vue du développement national. Ces liens favoriseraient des synergies entre
les industries à l’intérieur et à l’extérieur des zones, de même qu’une cohérence globale
de la stratégie industrielle, assureraient le transfert de technologie aux industries locales
et stimuleraient la demande intérieure. Cependant, en réalité, la probabilité de liens en
amont et en aval est généralement limitée étant donné que les entreprises étrangères
cherchent souvent des marchés d’exportation.
La plupart des recherches menées sur les liens entre la ZFE et l’économie nationale
montre que la création de liens en amont et en aval est minime. Cependant, il y a quelques
exemples positifs de création de liens avec l’économie nationale. Par exemple, en Corée
du Sud, où les ZFE ont été créées pour promouvoir le secteur de l’électronique et attirer les
investissements directs étrangers, l’Etat a joué un rôle crucial dans l’établissement de ces
liens. La part des inputs de l’économie nationale est restée très élevée pendant les années
1980. Toutefois, ces cas sont exceptionnels. Dans la ZFE de Batam en Indonésie, il n’y
a pas eu beaucoup de liens commerciaux locaux avec l’économie nationale puisque les
employeurs ont généralement préféré importer et réexporter des produits afin de profiter
des exonérations fiscales et douanières disponibles. Dans d’autres régions du monde,
telles que les ZFE du Nicaragua et du Guatemala, la majorité des inputs sont venus de
l’étranger, avec les matières premières et les fournitures locales représentant 6% en
moyenne. Dans des pays comme le Sri Lanka, les Philippines ou le Salvador, la part des
inputs achetés au niveau national dans les années 1990 allait de 3 à 9%. Les ZFE de
la République dominicaine se procuraient seulement 0,0001% des inputs matériels sur
le marché intérieur en 2004. Les répercussions sur la technologie sont également rares
vu que le type de production peu qualifiée tellement répandue dans les ZFE ne favorise
généralement pas le transfert de technologie. C’est une faiblesse capitale du modèle des
ZFE parce que les industries locales ont souvent besoin de marchés, de compétences et
de transfert de technologie pour améliorer leur productivité et leur compétitivité. Ainsi,
les ZFE ne tendent pas à promouvoir une stratégie industrielle nationale intégrée, mais
plutôt des «îlots» complètement coupés de l’économie nationale.

Coûts et avantages des ZFE


Le débat sur les avantages des ZFE aborde un certain nombre de questions allant des
droits du travail, de la protection de l’environnement et de l’urbanisme à l’impact sur
les revenus du gouvernement, l’emploi, le commerce, les recettes en devises et le
développement. L’objectif immédiat pour les pays établissant des ZFE est de générer
des IDE, des exportations, des devises et de l’emploi. Pour un certain nombre de pays,
ces objectifs ont été atteints, notamment en ce qui concerne les exportations. Toutefois,

70 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Réponses syndicales: engagement dans les débats sur les politiques 4

ces gains doivent être comparés aux coûts nécessaires pour générer les avantages liés à
l’établissement des ZFE, en particulier la perte possible de recettes fiscales et tarifaires
de même que les investissements nécessaires pour attirer des entreprises dans les ZFE.
La création d’une ZFE affecte les revenus et les dépenses des gouvernements. En termes
de dépenses publiques, un important investissement public dans les infrastructures
est souvent nécessaire. Les coûts d’infrastructure, y compris des services publics tels
que l’électricité et l’eau, peuvent devenir extrêmement élevés, surtout si les bénéfices
attendus, tels que l’emploi et l’investissement, sont retardés.
La diversification des exportations est un avantage potentiel des ZFE. L’IDE dans des
nouveaux secteurs de production peut contribuer à la diversification des exportations. Un
autre avantage potentiel est le transfert de technologie des entreprises étrangères de la
ZFE aux entreprises nationales. Le transfert de technologie peut être réalisé grâce à des
liens en amont d’un fournisseur de produits à un acheteur et grâce à des liens en aval
d’un acheteur de produits à un fournisseur, ainsi que par une formation formelle ou un
transfert de personnel d’une entreprise à l’autre. Cependant, des exemples de transfert de
technologie dans les ZFE sont rares.
Les ZFE peuvent aussi contribuer indirectement à l’objectif du développement économique
en créant des conditions dans lesquelles des politiques en faveur du développement
peuvent être mises en œuvre. En générant un apport de devises, les ZFE peuvent contribuer
à fournir aux gouvernements la marge de manœuvre budgétaire ou le pouvoir d’achat sur​​
les actifs étrangers, ce qui favorise en fin de compte le développement économique.
Certains gouvernements de pays en développement dotés de ZFE ou intéressés à les mettre
en place pensent que des avantages fiscaux généreux sont nécessaires pour soutenir la
concurrence dans un monde où le capital peut circuler librement et où la libéralisation
des échanges offre la possibilité de déplacer la production. Ces avantages, s’ils ne sont
pas correctement évalués, peuvent priver les gouvernements de recettes fiscales sans
indemnisation adéquate en retour. À cet égard, certains de ces avantages n’ont pas toujours
bien fonctionné. Par exemple, la Namibie a essayé d’attirer l’investissement direct étranger
dans sa ZFE de Walvis Bay en offrant aux investisseurs une trêve fiscale indéterminée.
Après la promulgation de la loi sur les ZFE en 1995, les autorités s’attendaient à atteindre
le chiffre de 25.000 personnes nouvellement embauchées au cours des 5 premières
années. Cependant, la ZFE n’avait créé que 400 emplois en 1999.

Impact de la fin de l’Accord multifibres


L’industrie et le marché du vêtement sont les plus grands secteurs d’exportation des
entreprises des ZFE. L’élimination de l’Accord multifibres (AMF) et de l’Accord sur les
textiles et les vêtements (ATV) a radicalement changé ce secteur dans le monde entier.
De nombreuses ZFE avaient été établies suite à l’AMF dont les dispositions permettaient
aux entreprises de se déplacer au niveau mondial pour obtenir des quotes-parts dans les
différents pays. Cette élimination a eu lieu sur une période de 10 ans, l’AMF prenant fin
le 31 décembre 2004.
Le plus grand bénéficiaire de l’élimination des quotas sur les textiles et les vêtements a été
la Chine qui dispose d’un grand nombre de travailleurs, à la fois très et très peu qualifiés,
et qui a la capacité d’opérer à très grande échelle. Cette dimension opérationnelle rend
le pays très attractif pour les grandes entreprises transnationales. La raison du succès

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 71


4 Réponses syndicales: engagement dans les débats sur les politiques

de la Chine dans les exportations de vêtements a été les faibles coûts à l’unité. D’autres
pays à très bas salaires, comme l’Inde, le Sri Lanka, le Vietnam ou l’Indonésie, ont
également maintenu, voire même étendu, leurs parts de marché à l’exportation après
cette élimination. En revanche, des pays comme le Mexique, la République dominicaine,
l’Île Maurice, le Lesotho et Madagascar ont vu leurs parts de marché disparaître en raison
de la concurrence chinoise. En plus des bas salaires qu’ils pratiquent, les pays gagnants
sont des champions de l’application laxiste des normes du travail.
L’élimination de l’AMF a également rendu inefficaces certains accords liés au système
des quotas. L’Accord EU-Cambodge, qui liait l’amélioration des normes du travail, telles
que supervisées par l’OIT, à l’augmentation des parts des exportations de vêtements du
Cambodge vers les États-Unis est devenu inopérant puisqu’il n’y avait pas de quotas
à augmenter. Cet accord avait été salué comme un modèle efficace et une source
d’inspiration pour l’amélioration des normes du travail.

© OIT/ A. Mirza

72 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Réponses syndicales: engagement dans les débats sur les politiques 4

ZFE et l’Organisation mondiale du commerce


L’Organisation mondiale du commerce (OMC) ne considère pas les ZFE comme un
instrument commercial et ne les réglemente pas directement. L’OMC n’a pas de définition
des «ZFE» et les questions les concernant n’ont jamais été débattues devant l’Organe de
règlement des différends de l’OMC. Les ZFE offrent toutefois des subventions qui sont
incompatibles avec les règles de l’OMC, en particulier avec l’Accord sur les subventions
et les mesures compensatoires (SMC) qui fait partie de l’Accord de Marrakech instituant
l’OMC. Certains prétendent que les ZFE seront finalement éliminées puisque les règles
de l’OMC interdisent les subventions à l’exportation accordées par ces zones. Ce n’est
cependant pas le cas. Les ZFE continuent de croître dans le monde entier et continueront
d’exister.
L’Accord SMC exclut certains pays de l’interdiction des subventions et établit certaines
exemptions pour d’autres pays sous la forme de prolongation de la durée pour l’élimination
progressive de ces subventions.
À cet égard, l’article 27 de l’Accord SMC exclut les pays les moins avancés (PMA)
de l’interdiction des subventions à l’exportation, ceux-ci étant les membres de l’OMC
qui entrent dans la définition des PMA des Nations Unies. Ces pays sont l’Angola, le
Bangladesh, le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cambodge, le Cap-Vert, la République
centrafricaine, le Tchad, la République démocratique du Congo, Djibouti, la Gambie, la
Guinée, la Guinée-Bissau, Haïti, le Lesotho, Madagascar, le Malawi, les Maldives, le Mali,
la Mauritanie, le Mozambique, le Myanmar, le Népal, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, la
Sierra Leone, les Îles Salomon, le Togo, l’Ouganda, la Tanzanie et la Zambie.
L’Accord SMC exclut également d’autres pays de l’interdiction des subventions à
l’exportation jusqu’à ce que leur PNB par habitant soit supérieur à 1.000 $. Ces pays sont
la Bolivie, le Cameroun, le Congo, la Côte-d’Ivoire, la République dominicaine, l’Égypte,
le Ghana, le Guatemala, le Guyana, l’Inde, l’Indonésie, le Kenya, le Maroc, le Nicaragua,
le Nigéria, le Pakistan, les Philippines, le Sénégal, le Sri Lanka et le Zimbabwe.
D’autres pays en développement ne sont pas soumis à l’interdiction des subventions
à l’exportation pour certains programmes identifiés, sous réserve des exigences de
notification, de statu quo et d’approbation préalable. Ces pays bénéficient actuellement
d’une prolongation du délai jusqu’au 31 décembre 2013, avec une dernière période de
transition de 2 ans prenant fin le 31 décembre 2015. Ces pays sont Antigua-et-Barbuda,
la Barbade, le Belize, le Costa Rica, la Dominique, la République dominicaine, le Salvador,
les Fidji, la Grenade, le Guatemala, la Jamaïque, la Jordanie, la République de Maurice,
le Panama, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-
Vincent-et-les-Grenadines et l’Uruguay. Toutefois, cette extension n’est ni inconditionnelle
ni automatique, et les pays qui bénéficient d’une poursuite de l’extension doivent subir
l’examen annuel du Comité SMC et fournir une description de tous les programmes de
subventions à l’exportation en fonctionnement. Les membres de l’OMC qui ont obtenu
cette prolongation du délai ont convenu de ne pas demander de nouvelles prolongations
après cette date et d’éliminer toutes les subventions à l’exportation à cette date. Après
cette date d’expiration, aucune autre extension ne sera prévue. Certains de ces pays ont
notifié leurs programmes pour l’établissement de ZFE. À cet égard, et parmi d’autres pays,
Antigua-et-Barbuda a notifié son «Free Trade/Processing Zones Programme», le Costa
Rica a notifié son «Régime de zone franche», la République dominicaine a notifié sa «Loi

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 73


4 Réponses syndicales: engagement dans les débats sur les politiques

8/90 pour promouvoir la création de zones de libre-échange», la Jamaïque a notifié son


«Jamaica Export Free Zone Act» et Maurice a notifié son «Freeport Scheme».
Si l’utilisation de subventions à l’exportation est prohibée, les pays contourneront
l’interdiction et chercheront d’autres moyens de créer de nouveaux avantages qui seront
compatibles avec les règles de l’OMC. Cela peut même inclure des efforts pour rendre
la législation du travail et son application encore plus laxistes de manière à réduire les
coûts à l’exportation. Ainsi, les ZFE continueront à exister et à se développer. De plus,
si tous les pays ouvrent des ZFE, aucun gouvernement ne se plaindra de l’utilisation de
subventions à l’exportation par un autre gouvernement. En d’autres termes, ce ne sera
plus considéré comme un problème de distorsion des échanges commerciaux puisque
tout le monde aura recours à ces subventions.

Groupe de la Banque mondiale et les ZFE


Une des principales critiques qui peut être adressée à la Société financière internationale
(SFI) quand elle promeut les ZFE est le non-respect de la liberté syndicale et du droit
de négociation collective, comme par exemple au Bangladesh. Pour être considérée pour
un financement de la SFI, une entreprise doit répondre à des critères économiques,
environnementaux et sociaux de base et doit accepter les termes financiers, mais aussi les
Normes de performance de la SFI81. À cet égard, le client ne dissuadera pas les travailleurs
de constituer des organisations de leur choix ou d’y adhérer ni de négocier collectivement,
même si le droit national est silencieux sur cette question, et il n’effectuera aucune
discrimination ni aucune représailles à l’encontre des travailleurs qui participent à de telles
organisations et qui négocient collectivement, et il collaborera avec de tels représentants
des travailleurs. Le client respectera les conventions collectives en vigueur et, si ces
accords n’existent pas, il se conformera au droit national pour définir les conditions de
travail et les modalités d’emploi.
En 2003, l’ancienne FITTHC82 et l’ancienne CISL83 avaient prévenu la SFI des mauvaises
conditions de travail pratiquées par une grande entreprise de fabrication de vêtements qui
ouvrait une nouvelle usine dans une ZFE haïtienne avec le soutien de la SFI. En 2004, la
SFI accepta d’inclure une convention de prêt obligeant l’entreprise à respecter la liberté
syndicale des travailleurs. Cependant, après quelques mois, l’entreprise licencia 350
travailleurs qui avaient manifesté contre la direction qui refusait de reconnaître ou de
négocier avec un syndicat que la majorité des travailleurs avait rejoint. Après plusieurs
mois de pression et de médiation, les travailleurs licenciés avaient été réembauchés
en 2005. À la fin de 2005, l’entreprise avait négocié une convention collective avec le
syndicat, la première pour une ZFE en Haïti. À la suite de cela, la pratique de régler les
différends par voie de négociation s’est fermement établie au sein de l’entreprise.

81
Voir «Le Mécanisme des plaintes en ligne de la SFI « au chapitre 6 «Mécanisme international pour défendre et
promouvoir les droits des travailleurs des ZFE»
82
Fédération internationale des travailleurs du textile, de l’habillement et du cuir
83
La création de la Confédération syndicale internationale (CSI) à Vienne en novembre 2006 mit fin à la division qui
avait caractérisée le mouvement syndical international depuis plus d’un siècle. La CSI représente actuellement 175
millions de travailleurs dans 151 pays avec 305 organisations nationales affiliées. La Confédération internationale des
syndicats libres (CISL) et la Confédération mondiale du travail (CMT) ont toutes deux été dissoutes avant la création de
la CSI.

74 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Réponses syndicales: engagement dans les débats sur les politiques 4

Conclusions: plaidoyer syndical en faveur des droits


des travailleurs et de l’égalité des sexes dans les ZFE
Les ZFE ont prospéré comme un véhicule de la production mondialisée, comme une
stratégie de l’employeur pour des exportations à faible coût et comme une stratégie
gouvernementale pour absorber la main-d’œuvre excédentaire et attirer les IDE. En
favorisant une course vers le bas, le modèle des ZFE représente une voie minimaliste pour
la création d’emplois. Par sa nature même, l’investissement dans les ZFE est précaire et
susceptible de quitter le pays rapidement si des conditions plus avantageuses pour la
production se présentent ailleurs, y compris des salaires plus bas.
La stratégie des ZFE n’offre pas de solution toute faite pour garantir le travail décent
et le développement socio-économique car la nature des ZFE varie beaucoup au niveau
international, de même que leurs liens à l’économie nationale et l’état des conditions
d’emploi. Cependant, une condition fondamentale pour assurer la capacité de
développement social des ZFE est que ces zones soient liées à l’économie du pays hôte de
façon à promouvoir un certain niveau de réciprocité et de cohésion. La recherche montre
que des liens sont plus susceptibles de s’établir lorsque l’activité des ZFE se concentre
sur des secteurs de plus haute technologie, lorsque le marché intérieur est plus grand et
peut se diversifier, lorsque le niveau de base du développement industriel est plus élevé
et lorsque l’État favorise le développement.
© OIT/M. Crozet

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 75


4 Réponses syndicales: engagement dans les débats sur les politiques

La stratégie de nombreux gouvernements dans les ZFE a été fortement orientée vers les
femmes, atteignant jusqu’à 90% dans certains pays. Tous les pays en développement ont
recours à la main d’œuvre féminine. Les ZFE sont devenues un tremplin important pour
les jeunes femmes qui peuvent ainsi entrer dans l’économie formelle avec des meilleurs
salaires que dans l’agriculture ou dans le secteur des employés de maison. Dans leur
stratégie d’emploi des ZFE, les gouvernements ne semblent pas prendre en compte les
différents profils des travailleurs des ZFE, la nature intensive de la production, l’absence de
politiques de développement des ressources humaines et les pratiques sous-développées
des relations de travail existant dans les ZFE. Les travailleuses des ZFE connaissent des
conditions de vie et de travail différentes, et les déficits de travail décent dans les ZFE
ont un impact beaucoup plus fort sur elles.
Les organisations syndicales ont un rôle crucial à jouer dans la promotion des droits de
la main-d’œuvre des entreprises opérant dans les ZFE. Elles doivent atteindre et cibler
les travailleuses, plaider pour elles auprès des gouvernements et des employeurs des
ZFE, et s’attaquer aux facteurs qui rendent les travailleuses des ZFE plus vulnérables à
l’exploitation et au déni de leurs droits, compte tenu de leurs multiples identités.
Les initiatives syndicales pour répondre aux spécificités de la main-d’œuvre dans les ZFE
peuvent revêtir différentes formes, y compris le plaidoyer, les actions de sensibilisation et
de développement des capacités:
QQ Les syndicats doivent plaider pour le plein respect, en droit et en pratique, des
politiques, des lois et règlements protégeant les travailleurs des ZFE afin de
réduire leur vulnérabilité sur le lieu de travail.
QQ Les syndicats doivent impliquer les gouvernements dans les discussions sur les
conséquences en matière de genre des politiques des ZFE et lutter pour des
questions qui sont particulièrement importantes pour les travailleuses dans ces
zones.
QQ Les syndicats doivent veiller à ce que toutes les législations et règlementations
s’appliquent à tous les travailleurs des ZFE, en s’assurant qu’il n’existe aucune
pratique discriminatoire fondée sur la race, le sexe ou l’origine ethnique.
QQ Les syndicats doivent atteindre les travailleurs des ZFE à la fois sur leurs lieux
de travail et à l’extérieur; ils doivent les sensibiliser à leurs droits et les aider à
les comprendre, par exemple, par l’intermédiaire de campagnes et d’activités de
renforcement des capacités.
QQ Les syndicats doivent assumer leur responsabilité pour s’assurer que les lieux
de travail au sein des ZFE sont correctement surveillés et inspectés, et que les
spécificités et les besoins de la main-d’œuvre sont pris en compte.
QQ Les femmes doivent être intégrées dans toutes les structures syndicales et jouer
un rôle essentiel dans les activités de plaidoyer et autres activités connexes. Les
femmes exigent plus d’espace au sein du mouvement syndical et dans sa structure
de prise de décision, mais elles ne parviennent pas à remplir cet espace en raison
du manque de temps, le plus souvent à cause de leurs responsabilités familiales.

76 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Réponses syndicales: engagement dans les débats sur les politiques 4

Exercice

Cet exercice vous aidera à comprendre les questions importantes que votre syndicat pourrait
soulever en s’engageant dans des discussions au niveau politique avec le gouvernement et
ses autorités et ministères compétents.

1) Dans vos discussions avec votre gouvernement sur les ZFE de votre pays, quels
arguments utiliserez-vous pour attirer son attention sur les limites du modèle des
ZFE?

2) Quel sont les principaux liens en amont et en aval que vous identifiez dans les ZFE
de votre pays? Évaluez-vous de façon positive l’impact de la mise en place de ZFE
sur l’économie nationale de votre pays?

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 77


4 Réponses syndicales: engagement dans les débats sur les politiques

3) Énumérez les coûts et les avantages de la stratégie des ZFE de votre pays,
en soulignant les avantages en termes d’IDE, les exportations, le transfert de
technologie, la création d’emplois, et les coûts en termes d’exonérations fiscales et
d’ensembles de mesures incitatives.

4) La Banque mondiale (Société financière internationale) soutient-elle, directement


ou indirectement, la réalisation de projets favorables à la promotion des ZFE dans
votre pays? Si oui, la SFI respecte-t-elle les droits syndicaux? Comment engageriez-
vous un dialogue politique avec la SFI et le gouvernement pour présenter vos
griefs au sujet du non-respect des droits syndicaux? Quels arguments politiques
avanceriez-vous à cet effet?

78 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Réponses syndicales: engagement dans les débats sur les politiques 4

5) En vous engageant dans des débats politiques sur une bonne stratégie des ZFE
propice au travail décent et au développement socio-économique de votre pays,
comment avanceriez-vous des arguments politiques à cet effet?

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 79


Chapitre 5:
Réponses syndicales – stratégies
d’organisation dans les ZFE

Le chapitre 4 aborde la réponse syndicale apportée au modèle des ZFE par le biais
de l’engagement politique avec les gouvernements, les employeurs et les organisations
intergouvernementales. La deuxième grande réponse syndicale à la création des ZFE
consiste à organiser les travailleurs dans ces zones pour leur permettre de promouvoir et
de défendre leurs intérêts en tant que syndicats.
Organiser les travailleurs dans les ZFE est l’un des défis majeurs auxquels sont confrontés
les syndicats. En raison de la nature des relations professionnelles dans les ZFE, la
persévérance et la créativité sont nécessaires pour organiser les travailleurs dans ces
zones. Le but de l’organisation des travailleurs dans les ZFE est de créer des syndicats
forts pour défendre et promouvoir les intérêts des travailleurs, changer le monde du travail
dans les ZFE et aborder les déficits de travail décent grâce à la représentation et à la
défense de leurs intérêts par le biais de la négociation collective.

Obstacles à l’organisation:
Les syndicats rencontrent de nombreux obstacles dans leurs efforts d’organisation des
travailleurs dans les ZFE. Comme on peut le voir au chapitre 3, les conditions de travail
dans les ZFE sont caractérisées par des déficits de travail décent. Tous ces déficits de
travail décent constituent des obstacles à l’organisation des travailleurs dans les ZFE.
Ainsi, en se lançant dans une campagne d’organisation, les syndicats pourraient souhaiter
examiner les obstacles, en droit et en pratique, des différents déficits de travail décent
identifiés au chapitre 3. Les obstacles juridiques et pratiques à l’exercice du droit
d’organisation et de négociation collective sont d’une importance cruciale. Toutefois,
étant donné que la plupart des travailleurs des ZFE sont des jeunes travailleuses, il est
tout aussi important d’examiner les obstacles juridiques et pratiques liés au genre, par
exemple, la discrimination et la situation des travailleuses ayant des responsabilités
familiales.
© OIT/M. Crozet

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 81


5 Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE

Encadré 23:Examen de la législation et utilisation de certains instruments clés de l’OIT


avant d’organiser

• Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948
• Convention (n° 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949
• Convention (n° 100) sur l’égalité de rémunération, 1951
• Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958
• Convention (n° 156) sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales, 1981
• Convention (n° 183) sur la protection de la maternité, 2000
• Convention (n° 81) sur l’inspection du travail, 1947
• Convention (n°158) sur le licenciement, 1982
• Convention (n°95) sur la protection du salaire, 1949
• Convention (n°131) sur la fixation des salaires minima, 1970
• Convention (n°155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981 et son Protocole
de 2002
• Recommandation (n°202) sur les socles de protection sociale, 2012

L’instabilité des investissements dans les ZFE est un autre obstacle à l’organisation.
Comme les ZFE font partie du système de production de la globalisation, l’évolution
technologique et les changements dans la structure de l’activité économique ont des
effets importants sur la capacité des travailleurs des ZFE à s’organiser. Les changements
complexes de la chaîne d’approvisionnement, la menace de délocalisation et les
incertitudes de l’économie mondiale constituent des obstacles majeurs à l’organisation.
Les pratiques des employeurs et l’organisation du travail constituent un autre obstacle
majeur à l’organisation. En plus des violations des droits des travailleurs énumérés au
chapitre 3, l’augmentation du travail précaire et la prolifération d’une main-d’œuvre
contractée et externalisées par les agences d’emploi représentent également un obstacle
important. Les entreprises évitent les obligations imposées par la loi aux employeurs en
contractant le travail à l’extérieur et en empêchant les relations d’emploi. Beaucoup de
travailleurs des ZFE ont des contrats à durée déterminée pour quelques mois seulement.
Ces travailleurs sont généralement plus réticents à former et à s’affilier à un syndicat.
En raison du taux élevé de rotation chez les travailleurs des ZFE, les syndicats ont des
difficultés à assurer la continuité des syndicats et de leurs dirigeants dans ces ZFE. Ceci
représente également un obstacle majeur. Quand un syndicat est créé dans une ZFE,
sa continuité est directement liée à la continuité des dirigeants syndicaux, ce qui est
difficile à assurer compte tenu du fait que les licenciements de syndicalistes sont très
fréquents et la rotation du personnel très élevée dans ces zones.

82 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE 5

La perception des syndicats dans certaines régions a également été un obstacle à


l’organisation. Les jeunes travailleurs qui ont peu d’expérience du monde du travail
et, même dans certains cas, des zones urbaines peuvent avoir tendance à percevoir
les syndicats comme des fauteurs de troubles et des émeutiers plutôt que comme des
organisations qui résolvent leurs problèmes. Étant souvent très pauvres, ils ont tendance
à rester «en-dehors des problèmes» jusqu’à ce qu’ils soient confrontés aux injustices dans
les ZFE. Les syndicats doivent donc relever le défi et être sensibles à cette perception des
travailleurs des ZFE.
Un autre obstacle potentiel à l’organisation des travailleurs dans les ZFE est l’atomisation
des syndicats engagés dans ces zones. L’une des priorités pour les organisations syndicales
devrait être de parvenir à une plus grande unité d’action lorsqu’ils ciblent et organisent
les travailleurs dans les ZFE. Cela peut même aller jusqu’à collaborer avec des ONG qui
partagent les mêmes idées et avec des organisations de femmes pour avoir accès aux
travailleurs des ZFE et les organiser.
Cependant, l’obstacle majeur à la syndicalisation des travailleurs dans les ZFE est la peur
que ressentent ces travailleurs. La crainte d’être licenciés ou mis sur une liste noire en
raison d’une affiliation syndicale ou même pour cause de grossesse rend leur organisation
très difficile. Trouver des moyens de rassurer les travailleurs et de les aider à surmonter
leur peur est donc crucial si les syndicats veulent être en mesure de faire des progrès en
matière d’organisation.

Genre: un facteur crucial pour organiser dans les ZFE


Avant de s’engager dans cette organisation, il est absolument nécessaire d’identifier le
groupe de travailleurs à organiser, de comprendre leurs spécificités, les problèmes auxquels
ils sont confrontés et leur perception de ces problèmes. La plupart des travailleurs dans
les ZFE correspondent à plusieurs identités. Ce sont généralement des jeunes femmes
qui sont pauvres et qui peuvent aussi être des migrantes. Elles trouvent des emplois dans
les ZFE, mais elles ne se voient offrir que du travail précaire à bas salaires et dans des
conditions épouvantables. Par conséquent, la dimension du genre doit être au cœur de
toute stratégie visant à organiser les travailleurs dans les ZFE.
Le niveau de syndicalisation des travailleuses dans les ZFE est faible. Beaucoup d’entre
elles n’ont jamais eu d’expérience syndicale. Les méthodes traditionnelles de recrutement
se sont souvent révélées inefficaces avec elles et elles ont parfois développé des formes
alternatives d’organisation informelle parallèlement aux syndicats. Les hommes dominent
la plupart des syndicats et n’accordent pas toujours assez d’importance aux problèmes
et aux préoccupations des femmes. Ils ont tendance à considérer comme secondaires
les questions liées à l’emploi des femmes, telles que l’égalité des salaires, les congés de
maternité ou les structures d’accueil des enfants. Cela signifie que les syndicats doivent
veiller à élaborer des stratégies efficaces pour attirer les travailleuses des ZFE, servir leurs
intérêts et examiner leurs préoccupations. Les syndicats doivent également être ouverts
à des alliances avec des organisations de femmes qui partagent les mêmes idées et qui
sont actives dans les ZFE. Un outil efficace a été d’offrir des services aux femmes des
ZFE pour gagner leur confiance. Utiliser des femmes militantes en première ligne de la
campagne de syndicalisation est également essentiel si les syndicats veulent atteindre les
travailleuses des ZFE.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 83


5 Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE

Opportunités d’organisation
Dans le processus d’organisation, on a tendance à se concentrer sur les défis et les
difficultés d’organisation des travailleurs dans une usine en particulier. Toutefois, chaque
situation offre aussi aux syndicats des opportunités d’organisation. Ces opportunités
peuvent être locales, nationales ou internationales. Il est important de tenir compte de
ces opportunités dans toute stratégie syndicale sérieuse d’organisation des travailleurs.
Ainsi, lorsque l’on organise une entreprise dans une ZFE, il faut consacrer du temps
à comprendre les opportunités d’organisation qui existent dans cette entreprise
en particulier. Ces opportunités peuvent être la dépendance à l’égard de certains
marchés extérieurs qui sont favorables aux syndicats, la position dans la chaîne
d’approvisionnement, la dépendance à l’égard d’une société mondiale plus favorable
aux syndicats, etc. Le syndicat aura plus de chance de réussir une fois qu’il aura pris
en compte ces différentes opportunités dans sa stratégie d’organisation.
La mondialisation et l’organisation de l’activité de l’entreprise basée sur une production
internationale augmentent la nécessité d’une coopération syndicale internationale
au moment de l’organisation des travailleurs dans les ZFE. Une autre possibilité
d’organisation serait de mener des campagnes internationales en étroite coopération
avec les Fédérations syndicales internationales (FSI-GUF) et la CSI. L’utilisation des
Accords-cadres internationaux (ACI) offre une autre occasion d’influencer les pratiques
d’emploi dans les ZFE et de construire des syndicats forts.
Les activités de renforcement des capacités et d’autres programmes visant à
promouvoir la capacité d’organisation sont une bonne opportunité pour organiser. L’OIT
et le mouvement syndical international peuvent mobiliser des ressources humaines
et financières à cet effet, y compris le partage d’expertise, des connaissances et du
matériel entre le niveau international et les affiliés nationaux.
L’utilisation de nouvelles technologies de communication et des outils des médias sociaux
pourrait jouer un rôle dans le processus d’organisation. Des media sociaux comme
Facebook ou Twitter peuvent être des outils efficaces pour organiser les travailleurs
dans les ZFE. Ils peuvent transformer la communication en dialogues interactifs et
aider à coordonner et à diffuser des messages importants sur les avantages de former
et de s’affilier à un syndicat. Ils peuvent également être utilisés pour dénoncer les
violations des droits syndicaux tout en maintenant un degré élevé d’anonymat personnel
et peuvent être très utiles dans le développement des campagnes. Cependant, il est
important de comprendre que la plupart des travailleurs des ZFE sont pauvres et n’ont
pas nécessairement les moyens ou les connaissances pour savoir comment utiliser ces
technologies de l’information.
Une autre possibilité d’organisation est d’entreprendre des campagnes de syndicalisation
au sein de la communauté. Que ce soit par l’organisation d’événements communautaires
ou des visites au domicile des travailleurs des ZFE. Essayer d’atteindre les travailleurs
au sein de la communauté est une stratégie difficile mais importante, surtout lorsque
les syndicats se voient refuser l’accès à ces zones.

84 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE 5

Stratégies et expériences concrètes d’organisation


dans les ZFE
L’organisation est spécifique au contexte. L’organisation dépend de toute une série de
problèmes qui varient d’un contexte à l’autre. Elle dépend de l’environnement de travail,
du groupe cible des travailleurs, des faiblesses et des forces de l’employeur, des obstacles
et des opportunités d’organisation, etc. Par conséquent, il n’existe pas une seule stratégie
d’organisation qui convienne à toutes les situations. Les exemples qui seront présentés
dans ce chapitre ne sont donc pas considérés comme des modèles d’organisation, mais
plutôt comme des inspirations pour pousser les syndicats à l’action. Ces exemples ne
doivent donc pas nécessairement être imités; des leçons peuvent être tirées pour inspirer
les syndicats à profiter de ces expériences et à développer leurs propres stratégies pour
faire face aux défis spécifiques dans les différents pays.
En organisant les travailleurs des ZFE, les syndicats pourraient adopter un large éventail
de mesures, y compris l’examen des priorités existantes et des allocations de ressources,
l’intensification de la formation syndicale, le développement de la coopération avec
d’autres organisations syndicales et la révision de leurs expériences respectives avec des
approches différentes d’organisation, l’information du public sur les activités syndicales,
l’adoption d’objectifs pour l’augmentation de l’adhésion, et le développement de
nouvelles techniques et méthodes d’organisation grâce à une meilleure planification et à
des stratégies.

Expériences d’organisation dans les ZFE


Au Sri Lanka, les syndicats utilisent un nouveau plan d’action pour organiser les
travailleurs des ZFE. Le plus grand syndicat dans le secteur du vêtement a entrepris des
activités d’éducation en organisant des séminaires et des ateliers pour les membres, et a
discuté de ce qu’il pourrait faire pour assurer la stabilité du syndicat à long terme. Dans
son plan d’action à 5 ans, il a mis l’accent sur ​​le recrutement de nouveaux membres.
L’objectif d’environ 5.000 nouveaux membres a été fixé. Le plan se concentre également
sur l’éducation et la formation continues des militants, de même que sur l’amélioration
de l’image du syndicat par l’organisation d’un festival annuel près des ZFE. Le syndicat
dirige des bureaux dans les principales ZFE où des organisateurs expérimentés peuvent
aider les travailleurs dans le besoin.
Au Sri Lanka, le syndicat «Free Trade Zones and General Services Employees Union»
compte 30 ans d’expérience dans les ZFE. L’organisation de campagnes en faveur
des droits des travailleurs, notamment par l’utilisation de plusieurs instruments
internationaux, a été l’un des principaux outils utilisés pour s’assurer que les travailleurs
soient organisés et pour négocier collectivement dans les ZFE. Le syndicat affirme que
les luttes syndicales combinées à la solidarité syndicale internationale et l’utilisation des
différents mécanismes internationaux ont été la solution pour obtenir plus de droits pour
les travailleurs, les organiser et signer des conventions collectives.
En République dominicaine, le syndicat des travailleurs de la métallurgie organise les
travailleurs des ZFE en établissant un contact avec eux en dehors du lieu de travail. Deux
ou trois leaders sont identifiés dans chaque usine. Ils obtiennent ensuite les coordonnées
personnelles des autres travailleurs sous prétexte de les inviter à une fête. Une fois que le

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 85


5 Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE

premier contact a eu lieu lors d’un événement social, les organisateurs rendent visite aux

© OIT/M. Crozet
travailleurs à domicile pour discuter du syndicat.
En République dominicaine, un autre syndicat d’une ZFE rapporte que les travailleurs
viennent se plaindre au syndicat des mauvaises conditions de travail dont ils sont
victimes. Le syndicat leur explique alors les différentes façons qu’il emploie pour
organiser les travailleurs dans les ZFE. Il organise généralement des campagnes
clandestines et des visites à domicile pour atteindre un grand nombre de travailleurs.
Il tient ensuite l’assemblée constituante du syndicat tout en poursuivant la campagne
pour augmenter le nombre de membres. Il essaie d’atteindre les majorités nécessaires
pour pouvoir négocier collectivement et montre aux travailleurs les résultats de ces
conventions collectives comme incitation à adhérer au syndicat. Il affirme que l’aide
internationale et la solidarité syndicale internationale, par exemple l’aide qu’il reçoit des
syndicats américains, sont déterminantes pour faire pression sur les entreprises et les
marques. La Fédération nationale des travailleurs des ZFE déclare que la création d’un
syndicat dans les ZFE est très difficile à réaliser, mais possible. Une fois que le syndicat
existe et que les travailleurs voient leurs conditions de travail s’améliorer, ils tendent
à se rapprocher et à adhérer au syndicat. L’un des services fournis par le syndicat est
de donner des conseils en matière d’organisation et de négociation collective. Dans le
passé, le syndicat a négocié des conventions collectives qui ont amélioré les conditions
de travail et stimulé les campagnes d’organisation.
Une organisatrice en Indonésie explique que la plus grande partie de son travail
d’organisation consiste à mettre en place des rendez-vous sociaux avec des collègues
de travail pendant le week-end, les après-midi et les jours fériés. Elle prend le temps de
parler à ses voisins sur les choses positives que les syndicats apportent aux communautés.
La Fédération Internationale des travailleurs de la métallurgie explique que les
exemples de deux de ses affiliés indonésiens sont très importants parce qu’ils montrent
qu’avec de la détermination, des objectifs et des stratégies qualitatives et quantitatives
appropriées, il est possible d’organiser les travailleurs des ZFE et d’améliorer leurs
conditions de travail. Selon cette FSI, le succès de ces syndicats est largement dû à
leur engagement global dans l’organisation stratégique en ciblant leur temps et leurs
ressources de manière appropriée. Ils ont été en mesure de le faire car ce sont des
syndicats nationaux qui travaillent en collaboration les uns avec les autres, partageant
des expériences et des stratégies, sans entrer en concurrence au niveau des membres
ou du statut, et évitant l’atomisation syndicale. Les affiliés de la FIOM comprennent
qu’une planification est nécessaire pour organiser les travailleurs. Il faut sélectionner et
se mettre d’accord sur les objectifs d’organisation; et les ressources, tant humaines que
financières, doivent être consacrées à cette tâche. Un des affiliés a également quelques
petites entreprises coopératives pour les membres qui sont entre deux contrats ou sans
emploi. Les entreprises incluent l’entretien de motos, un salon de coiffure, un service de
blanchisserie et un atelier de confection. Les travailleurs peuvent se porter volontaires
pour donner une éducation de base aux enfants des zones pauvres.
De 2001 à 2008, ces syndicats ont recruté près de 50.000 nouveaux membres et le
nombre d’entreprises organisées a augmenté de 131 en 2001 à 364 en 2008. La plupart
des travailleurs sont des femmes et les syndicats pensent que les efforts d’organisation
doivent être coordonnés par des femmes. Les femmes sont également membres de
l’exécutif et sont représentées dans toutes les structures; elles jouent un rôle de premier
plan dans la planification et la coordination des campagnes d’organisation. La plupart

86 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE 5

des travailleurs sont des travailleurs avec


des contrats temporaires qui pourraient
être réticents à adhérer à un syndicat.
Cela représente un grand défi pour ces
syndicats et leur première priorité est
d’éliminer l’insécurité et la précarité
de l’emploi. C’est une bonne raison
en soi pour les travailleurs d’adhérer à
un syndicat. Les syndicats entrent en
contact avec les travailleurs en organisant
une tournée de présentation. Le syndicat
s’adresse directement aux travailleurs et
leur offre un transport gratuit afin qu’ils
puissent participer quand ils en ont envie.
Des centaines de non-membres assistent
à l’événement pour se renseigner sur leurs
droits et sur la façon dont les syndicats les
rendront plus forts sur leur lieu de travail.
Lors de ces présentations, les syndicats
identifient les militants qui pourraient
organiser les autres travailleurs de leur
usine. Après l’organisation de la journée
de présentation, le syndicat constitue des
groupes de travail de 2 à 4 personnes.
Quand ces personnes retournent à l’usine,
elles amènent avec elles des informations
sur le syndicat et commencent à organiser
les travailleurs. L’accent est mis sur les
questions qui sont importantes pour les
femmes, tels que la santé et la sécurité
ou la législation sur la protection de la
maternité. Un travailleur déclare: «J’ai
rejoint la tournée de présentation parce
que je voulais en apprendre plus sur
l’augmentation du nombre de militants syndicaux et aussi savoir comment m’impliquer.
Je vais maintenant demander à mes amis d’adhérer au syndicat».
Au Nicaragua84, les stratégies d’organisation ont mis l’accent sur ​​les jeunes travailleurs
et les femmes dans les ZFE de la région de la capitale. Les stratégies d’organisation ont
été soutenues par des journées de mobilisation, comme une «Journée d’action» à l’entrée
de l’une des ZFE. Les syndicats ont également organisé des sessions de formation pour
les experts en matière du travail. Elles ont lieu une fois par semaine et sont données
dans une université qui travaille en étroite collaboration avec les syndicats. Les syndicats
du Nicaragua ont fait appel à l’aide internationale pour l’organisation des travailleurs.
84
La plate-forme du Travail des Maquilas (Mesa Laboral de las maquilas) était une unité de coordination syndicale qui
a été créée en juin 2003 et a été opérationnelle jusqu’en 2008 au Nicaragua. Plusieurs syndicats sectoriels des ZFE
ont participé à sa création, de même que des organisations syndicales au niveau national. Bien que la plate-forme n’ait
pas réussi à obtenir le concours de tout le secteur des ZFE et n’ait pas obtenu l’approbation du gouvernement et des
employeurs, elle a réussi à créer en 2007 la Confédération syndicale des ZFE, qui a été reconnue par le ministère du
Travail du Nicaragua en tant qu’organisation affiliée à la CST (Central Sandinista de Trabajadores), une organisation
nationale des syndicats.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 87


5 Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE

Ce faisant, ils ont travaillé en étroite collaboration avec la CSI, avec la Confédération
syndicale des travailleurs et travailleuses des Amériques (CSA) et avec l’Institut syndical
pour l’Amérique centrale et les Caraïbes (Instituto Sindical para América Central y el
Caribe - ISACC) qui ont aidé les syndicats à préparer plusieurs sessions de formation pour
les travailleurs et à travailler dans l’unité pour élaborer un plan d’action. Le secrétaire
général de la Fédération nationale des travailleurs du textile, de l’habillement et du cuir des
ZFE reconnaît que les efforts réalisés pour organiser les travailleurs ont été très difficiles,
mais qu’ils ont porté leur fruit grâce à de grandes campagnes. Aujourd’hui, 48 syndicats
sont présents dans différentes industries et plusieurs actions ont été réalisées. Dans
certaines entreprises, les femmes enceintes peuvent à présent prendre une pause pour
déjeuner et quitter l’entreprise dix minutes avant les autres membres du personnel; et les
femmes qui ont un enfant peuvent l’allaiter pendant 15 minutes toutes les trois heures.
Les syndicats ont également été en
mesure d’éliminer les heures de
travail supplémentaires le samedi
pour les jeunes qui étudient ce jour-
là et ils ont aussi conclu un accord
qui permet aux travailleurs qui sont
en période d’essai de jouir des
mêmes droits que les travailleurs
permanents. Les conditions de
travail continuent à être très
difficiles, mais la création de la
Commission tripartite du travail sur
les ZFE85 fut une grande réussite
pour assurer un dialogue durable au
niveau national.
Au Nigéria, l’intervention du
«Nigeria Labour Congress»
(NLC) a joué un rôle important
dans les processus conduisant à
l’organisation des travailleurs des
ZFE. Dans presque tous les efforts
positifs de syndicalisation qui
ont conduit à la reconnaissance
du syndicat par la direction des
entreprises dans les ZFE, l’action
de grève ou la menace de grève a
été un élément commun.
Avec l’aide de la FITTHC, les
travailleurs de l’entreprise coréenne
© OIT/R. Lord

de vêtements «Corazon» de San


Pedro Sula au Honduras ont réussi à
mettre sur pied un syndicat. La plus
grande partie du travail devait être
effectuée en secret dans les zones

85
Pour plus d’informatio, voir la section «Dialogue social dans les ZFE» du chapitre 3.

88 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE 5

où les travailleurs vivaient afin d’empêcher la victimisation et les licenciements. Dès que
le syndicat obtint un soutien suffisant et se déclara publiquement, l’entreprise commença
à faire pression sur le syndicat en licenciant ses dirigeants. La FITTHC entreprit des
démarches auprès du gouvernement, de l’entreprise et des détaillants concernés, ce qui
mena à la réintégration des travailleurs licenciés. Cependant, les problèmes ne s’arrêtèrent
pas là et l’entreprise continua de faire pression sur ceux qui étaient actifs dans le syndicat
en les menaçant, les mettant sur une liste noire, etc. La FITTHC approcha à cinq reprises
l’entreprise concernée et les détaillants. Les membres du syndicat restèrent unis et
déterminés, et proposèrent finalement une convention collective. Grâce à la pression
internationale exercée sur l’entreprise, les négociations s’achevèrent et l’entreprise
accepta de signer la convention collective.
Un syndicat au Salvador utilise des tracts pour appeler les travailleurs à s’organiser et
adapte son calendrier à la disponibilité des travailleurs. Il a mis sur pied un service
juridique pour les travailleuses organisées et non organisées. Ce service leur offre de
l’aide et des conseils en matière de droit du travail, de droit de la famille et de droit
pénal. De cette manière, les travailleuses commencent à s’identifier au syndicat. Celui-ci
a également créé un centre de formation où des cours portant sur différentes matières
sont donnés aux enfants des travailleuses organisées et non organisées. Tous les trois
mois, 280 élèves assistent à ces cours.
En Géorgie, un syndicat aide les travailleurs de différentes façons et, en particulier,
les travailleuses. Il soutient leurs efforts pour obtenir un traitement médical ou une
assistance juridique et prévient les médias des abus qui ont lieu dans les usines. Le
syndicat reconnaît que la solidarité internationale est décisive pour garantir des progrès
substantiels dans les ZFE.
Au Maroc, le syndicat UMT rapporte que l’entrée dans les ZFE est totalement interdite.
Ainsi, il rencontre les travailleuses en dehors des zones. Il coopère avec les ONG et diverses
associations de défense des droits de l’homme pour dénoncer les violations des droits des
travailleurs et sensibiliser les travailleurs à l’importance du processus d’organisation.
Au Togo, la CSTT rapporte que l’organisation des travailleurs n’a pas été une tâche facile
car elle n’avait pas le droit d’entrer dans les entreprises pour sensibiliser les travailleurs à
l’importance d’adhérer à un syndicat. Elle devait demander aux travailleurs de les rencontrer
en dehors de leurs heures de travail. Par exemple, elle a donné à quelques travailleurs des
cimenteries une formation d’un soir sur les principes et les valeurs du syndicalisme. Le
principal défi pour la CSTT était de convaincre les travailleurs de se syndiquer. Les travailleurs
décidèrent de créer un syndicat et rédigèrent les statuts avec l’aide de la CSTT. Après le
congrès de fondation, les travailleurs syndiqués envoyèrent un courriel à leurs employeurs
et à l’organe de gestion de la ZFE pour les informer de la création du syndicat. Depuis
lors, le mouvement en faveur des droits syndicaux est devenu de plus en plus fort et un
deuxième syndicat a été formé récemment. 219 travailleurs de 12 entreprises participèrent
à son congrès de fondation. Les participants au congrès s’engagèrent à soutenir toutes les
organisations qui défendent les intérêts des travailleurs. Ils voudraient également établir
une structure pour aider les travailleurs licenciés des ZFE. Le nouveau syndicat aidera les
travailleurs licenciés à faire valoir leurs droits. Il prévoit de mettre en place une commission
pour discuter des prix à la pièce. Le syndicat a également l’intention de se pencher sur le
paiement du salaire minimum dans les entreprises des ZFE et de veiller à ce que toutes
les hausses de salaires négociées avec les employeurs soient effectivement appliquées. La
CSTT-Togo permet aux nouveaux syndicats de se réunir dans ses locaux. Elle s’est engagée

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 89


5 Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE

à former leurs membres et prévoit également de rencontrer les employeurs pour leur
expliquer que ces nouveaux syndicats ne représentent pas une menace pour leurs intérêts,
mais que les syndicats sont des partenaires sociaux qui travaillent en concertation avec les
employeurs pour obtenir le respect des droits fondamentaux. La CSTT-Togo demande aux
autres organisations syndicales d’être à l’écoute des membres de ces nouveaux syndicats
et des travailleurs des ZFE. Au Togo, compte tenu de la réticence de la direction des ZFE,
personne n’avait pensé qu’il serait possible de mettre sur pied un syndicat dans les ZFE.
Cela s’est cependant avéré possible.
À Madagascar, la Fédération syndicale des travailleurs des ZFE soutient les travailleurs des
ZFE lorsqu’ils sont licenciés en raison des campagnes qu’ils organisent. Elle accompagne
également les travailleurs sur leur lieu de travail lorsque l’employeur le permet et restaure
la confiance en soi des travailleurs quand ils perdent leur emploi. Le syndicat est parvenu
à réunir 30.000 travailleurs dans la capitale en 1998 pour sensibiliser les médias et
l’opinion publique aux conditions de travail déplorables existant dans les ZFE.
Le Bureau des Activités pour les Travailleurs de l’OIT a, entre autres, fourni une assistance
au «Trade Union Congress of the Philippines» (TUCP). Le TUCP a dû faire face à de
sérieux problèmes quand il a essayé de recruter et de syndiquer les travailleurs des ZFE
aux Philippines. Avec l’assistance technique de l’OIT, le TUCP a créé une vaste coalition
de syndicats, de groupes travaillant dans l’économie informelle, d’organisations non
gouvernementales (ONG) et d’agences gouvernementales. À la suite des efforts déployés
par le TUCP et ses partenaires, des observateurs syndicaux ont évalué les conditions
de travail dans plus de 70 entreprises. Des activités sont en cours pour diffuser et faire
connaître les normes fondamentales du travail de l’OIT. Plus de 133 entreprises ont été
syndiquées par le TUCP dans les ZFE.

Quelques enseignements fondamentaux tirés de


l’organisation des travailleurs dans les ZFE
En se basant sur les différentes expériences syndicales, on peut tirer quelques
enseignements généraux que les syndicats pourraient considérer dans l’élaboration d’une
stratégie d’organisation des travailleurs des ZFE, à savoir que:
QQ Chaque syndicat doit développer ses propres stratégies pour relever les défis
spécifiques auxquels il est confronté lors de l’organisation des travailleurs dans les
ZFE de son pays. Il n’existe pas de stratégie unique pour organiser les travailleurs
des ZFE;
QQ De nombreux syndicats ont découvert qu’il était important de prendre le temps
de planifier une stratégie d’organisation. Une telle stratégie devrait prendre en
considération, entre autres facteurs, les défis et les obstacles à l’organisation et
les opportunités (internes et externes) d’organisation au sein d’une entreprise
particulière. Des questions simples qui pourraient être posées sont les suivantes:
Qui sont les travailleurs dans la zone? Quels sont leurs problèmes et les intérêts
pour lesquels le syndicat devrait se battre ? Où vivent-ils? Quelles sont les forces,
les faiblesses et les opportunités d’organisation dans l’entreprise? etc.

90 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE 5

QQ La plupart des travailleurs dans les ZFE sont des jeunes femmes. Un facteur
essentiel pour une organisation réussie est de veiller à ce que les femmes soient
suffisamment représentées dans les structures syndicales et jouent un rôle central
dans l’organisation des ZFE - de la planification à la mise en œuvre des activités.
QQ Comme la plupart des ZFE rend l’accès aux zones très difficile, les stratégies
d’organisation doivent être entreprises tant sur le lieu de travail qu’au niveau
de la communauté. Dans les communautés, ceci peut se faire par des visites
à domicile, l’organisation d’événements alternatifs d’actions de sensibilisation,
l’adaptation aux horaires des travailleurs et à leurs responsabilités en dehors du
lieu de travail. Les syndicats doivent faire preuve de flexibilité en termes d’heures
de travail pour atteindre les travailleurs des ZFE et les militantes doivent jouer
un rôle de premier plan dans l’organisation. Elles doivent être en première ligne
lorsqu’elles s’adressent aux jeunes femmes;
QQ Combiner le militantisme syndical traditionnel et la fourniture de services syndicaux
est un moyen efficace d’attirer les jeunes femmes qui n’ont aucune expérience
préalable de syndicalisme ou de militantisme social. Par exemple, parallèlement
au militantisme syndical de défense de la liberté syndicale dans les ZFE, les
syndicats pourraient également fournir une aide juridique aux travailleurs non
seulement sur les questions de relations professionnelles, mais aussi sur d’autres
questions telles que le droit de la famille ou le droit pénal. Certains travailleurs
seraient initialement plus attirés par les services fournis par le syndicat. Sur
base de la confiance qui se sera établie, les travailleurs pourront alors envisager
d’adhérer aux syndicats et de devenir des militants eux-mêmes;
QQ Puisque la majorité des travailleurs des ZFE sont des jeunes femmes qui sont
pauvres et parfois migrantes, les syndicats doivent accorder une attention
particulière à ces identités et ajuster leurs services et les campagnes d’organisation
à des questions qui sont prioritaires pour les travailleuses des ZFE, telles que les
questions de protection de la maternité ou des responsabilités familiales, etc.
Étant donné que les travailleurs sont pour la plupart des jeunes, il est également
important de s’adapter à la culture de la jeunesse du pays spécifique, notamment
par le biais des événements qui sont organisés et par le langage qui est utilisé
dans la publicité faite au syndicat;
QQ Les travailleurs des ZFE souffrent d’une grande insécurité d’emploi avec des
contrats à durée déterminée et des salaires bas. L’une des priorités des travailleurs
des ZFE est d’avoir un contrat à durée indéterminée et de voir le salaire augmenter.
Les syndicats doivent commencer par s’identifier à ces besoins prioritaires.
L’expérience d’organisation montre que les travailleurs sont moins réticents
à former et à adhérer à des syndicats s’ils constatent des résultats positifs et
tangibles et si leurs conditions de travail sont améliorées.
QQ Tenir compte de la peur que ressentent les travailleurs des ZFE de perdre leur
emploi est crucial. Les syndicats doivent résoudre le problème de cette peur par
une multitude d’initiatives. Il s’agit notamment de respecter les sensibilités des
travailleurs, de fournir un soutien juridique et matériel aux travailleurs qui sont
licenciés à la suite de leur participation à des activités syndicales, d’informer
les travailleurs de l’existence du réseau de solidarité internationale du syndicat,
d’élaborer des stratégies pour réduire le risque des pertes d’emplois dues aux

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 91


5 Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE

activités syndicales, ainsi que de passer du temps à la sensibilisation et au


renforcement des capacités des travailleurs des ZFE;
QQ Les activités de coopération technique peuvent jouer un rôle important
dans l’organisation des travailleurs. L’OIT, la CSI et les FSI peuvent aider les
organisations syndicales à concevoir et à mettre en œuvre des stratégies pour
organiser les travailleurs dans les ZFE, et peuvent mobiliser des ressources
humaines et financières.
QQ Une plus grande unité d’action syndicale est essentielle à l’organisation des
travailleurs dans les ZFE. Au niveau national, les syndicats doivent coopérer les uns
avec les autres, partager des expériences et des stratégies, et éviter l’atomisation.
QQ La mise en réseau avec des ONG qui partagent les mêmes idées, des organisations
de femmes, des groupes confessionnels ou des groupes communautaires peut être
efficace dans la stratégie d’organisation des travailleurs. Ces groupes peuvent
avoir un accès privilégié aux ZFE et peuvent être impliqués dans différents
projets humanitaires avec les travailleurs des ZFE. Se mettre en réseau avec ces
groupes et travailler ensemble pour améliorer les conditions de travail et de vie
des travailleurs s’est révélé efficace dans certains pays.
QQ La sécurité personnelle est souvent une préoccupation majeure pour les femmes;
le fait que les femmes doivent parfois voyager loin ou utiliser ce qui est considéré
comme un transport insécure peut être un obstacle à leur participation à des
réunions et à des événements de renforcement des capacités. Dans de tels cas,
il faudrait considérer de fournir un transport sûr pour éviter le harcèlement des
femmes.
QQ Dans de nombreux endroits, les femmes ne contrôlent pas leur propre mobilité,
des normes sociales et culturelles fortes régissant les interactions sociales
entre hommes et femmes. À cause de ces normes, il peut être difficile d’avoir
efficacement accès aux femmes ou de les convaincre d’assister aux réunions. Ceci
doit donc être compris et pris en compte.
QQ Il faut s’engager dans un programme public d’information et de sensibilisation
afin d’éduquer la communauté et le grand public sur les conditions prévalant
dans les ZFE et gagner la sympathie de l’opinion publique pour les luttes des
travailleurs dans ces zones.

92 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Réponses syndicales – stratégies d’organisation dans les ZFE 5

Exercice

1) Quels sont les principaux obstacles que vous rencontrez dans l’organisation des
travailleurs dans les ZFE de votre pays? Quelles sont les possibilités d’organisation
qui existent dans ces zones?

2) Quelles sont les principales forces et faiblesses des travailleurs et du syndicat?


Comment le syndicat doit-il surmonter la peur que ressentent les travailleurs?

3) Quels sont les enseignements tirés des expériences d’organisation dans le passé?

4) Dans vos campagnes d’organisation, quelles organisations contacteriez-vous à tous


les niveaux pour recevoir une aide et un soutien? Quels mécanismes internationaux
envisageriez-vous d’utiliser?

5) En résumé, quels sont les éléments clés de la stratégie d’organisation de votre syndicat?

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 93


Chapitre 6:
Mécanismes internationaux pour
la défense et la promotion des
droits des travailleurs des ZFE
L’un des principaux enseignements tirés par les syndicats engagés dans l’organisation
des travailleurs des ZFE est que certaines situations exigent des pressions extérieures
pour rendre possible cette organisation. De nombreux syndicats ont exercé cette pression
en utilisant différents mécanismes internationaux. Ces mécanismes peuvent être utilisés
pour faire pression sur les gouvernements et les employeurs au niveau national afin qu’ils
acceptent les normes du travail internationalement reconnues. Ces mécanismes peuvent
également être utilisés pour donner une visibilité aux luttes locales des syndicats en
faveur des droits des travailleurs. Cette visibilité internationale des violations des droits
fondamentaux des travailleurs met la pression sur ceux qui commettent ces violations. Les
mécanismes internationaux sont aussi un moyen de générer une solidarité internationale.
Les ZFE sont le résultat de la mondialisation de la production et ainsi, lorsque les droits
des travailleurs sont bafoués, on peut mobiliser la solidarité internationale en faveur
des travailleurs. Cependant, ces mécanismes internationaux ne peuvent pas remplacer
l’action et les efforts nationaux. Ces mécanismes internationaux soutiennent plutôt les
actions qui se déroulent au niveau national. Ainsi, on ne peut pas simplement dépendre
des mécanismes internationaux pour atteindre les objectifs syndicaux. La pression
extérieure ne peut que soutenir l’action au niveau national. Ce chapitre présente un
aperçu de quelques-uns des principaux instruments internationaux que les syndicats
peuvent utiliser dans leur lutte en faveur des droits des travailleurs dans les ZFE.

Utilisation des mécanismes de surveillance86 et des


programmes de l’OIT
Les syndicats peuvent avoir recours à l’OIT en cas de violation des droits des travailleurs
dans les ZFE. Voici, ci-dessous, quelques façons d’utiliser l’OIT, son système de
surveillance, ses déclarations et ses programmes pour défendre les travailleurs des ZFE.

86
ILOLEX: ILOLEX est une base de données trilingue (anglais, français et espagnol) qui contient les textes des
conventions et recommandations de l’OIT, la liste des ratifications, les commentaires de la Commission d’experts pour
l’application des conventions et recommandations (CEACR) et du Comité de la liberté syndicale (CLS), les plaintes, les
interprétations, les études d’ensemble et de nombreux documents connexes. http://www.ilo.org/ilolex/english/
© OIT/M. Crozet

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 95


6 Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE

Utilisation du système de contrôle régulier

Commission d’experts pour l’application des conventions et


recommandations
Chaque État membre de l’OIT est obligé de présenter périodiquement au Bureau
international du Travail un rapport sur les mesures qu’il a prises pour donner effet aux
dispositions des conventions qu’il a ratifiées. Des exemplaires de tous les rapports sur
l’application des conventions doivent être envoyés aux organisations représentatives
des travailleurs et des employeurs qui peuvent faire des commentaires à leur sujet.
Les syndicats peuvent également envoyer directement au BIT leurs commentaires sur
l’application des conventions ratifiées. Dans ces commentaires, un syndicat peut signaler
les violations des dispositions de la convention ratifiée, tant en droit qu’en pratique.
La Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR)
est l’organe responsable du contrôle régulier de l’application des normes internationales
du travail par les États membres. La CEACR est composée de 20 juristes éminents et
impartiaux, provenant des États membres et nommés par le Conseil d’administration
de l’OIT. La Commission contrôle le respect des normes internationales du travail sur
la base des rapports présentés par les États membres sur l’application des conventions
qu’ils ont ratifiées et, également, des commentaires des organisations d’employeurs et de
© OIT/J. Maillard

96 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE 6

travailleurs. Un calendrier de présentation des rapports a été mis en place pour l’envoi des
rapports sur les conventions ratifiées par les États membres. Ce calendrier de présentation
des rapports qui couvre toutes les conventions pertinentes pour les ZFE peut être consulté
dans le Manuel du BIT sur les procédures en matière de conventions et recommandations
internationales du travail87 ou sur le site Internet de l’OIT. Les commentaires de la CEACR
sont publiés dans un rapport annuel discuté dans la Commission de l’application des
normes lors de la Conférence internationale du Travail.

Commission de l’application des normes de la Conférence


internationale du Travail
La Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail
est un organe tripartite composé de représentants des gouvernements, des employeurs et
des travailleurs. La commission examine le rapport annuel de la CEACR qui est soumis
à la Conférence internationale du Travail (CIT)88. La Commission invite les représentants
de certains gouvernements à assister à sa séance et examine les mesures prises par
l’État membre pour donner effet aux dispositions de la convention qu’il a ratifiée. Sur
la base de cette discussion, la Commission rédige ses conclusions qui peuvent inclure
des recommandations sur les mesures que le gouvernement doit prendre pour assurer
l’application des exigences d’une convention. Les discussions et les conclusions de la
Commission sont publiées dans son rapport. Grâce à ce mécanisme, les violations des
droits des travailleurs des ZFE peuvent être soulevées à la CIT.

Utilisation des procédures spéciales de l’OIT

Comité de la liberté syndicale (CLS)


Le CLS est un organe tripartite de neuf membres désignés parmi les représentants des
gouvernements, des travailleurs et des employeurs membres du Conseil d’administration;
il se réunit trois fois par an et examine les plaintes faisant état de violations des principes
de la liberté syndicale. Le CLS examine les plaintes même si l’État membre en cause n’a
pas ratifié les conventions se rapportant à la liberté syndicale. Ceci est dû au fait que tous
les États membres de l’OIT ont l’obligation, en vertu de leur adhésion à la Constitution
de l’OIT, de reconnaître le principe de la liberté syndicale. Par conséquent, si votre pays
n’a ratifié aucune convention sur la liberté syndicale, vous pouvez toujours déposer une
plainte auprès du CLS en cas de violations des principes de la liberté syndicale. Les
plaintes doivent être déposées par écrit, dûment signées et accompagnées de preuves à
l’appui des allégations concernant des cas précis d’atteintes aux droits syndicaux. Les
plaintes peuvent être déposées par les syndicats qui sont:
QQ Une organisation nationale directement intéressée à la question;
QQ Une organisation internationale de travailleurs jouissant du statut consultatif
auprès de l’OIT;

87
http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---normes/documents/publication/wcms_192621.pdf
88
Les États membres de l’OIT se réunissent chaque année lors de la Conférence internationale du Travail qui se tient à
GENÈVE, Suisse. Chaque État membre est représenté par une délégation composée de deux délégués gouvernementaux,
d’un délégué employeur et d’un délégué travailleur et de leurs conseillers respectifs.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 97


6 Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE

QQ Une organisation internationale de travailleurs lorsque les allégations sont


relatives à des questions affectant directement les organisations membres de
cette organisation internationale.
Les plaintes doivent être adressées au Directeur général de l’OIT, CH-1211, Genève 22,
Suisse.
Le rapport du CLS est soumis au Conseil d’administration de l’OIT pour approbation et les
recommandations sont transmises à l’État membre concerné. Le gouvernement de cet État
peut ensuite être invité à rendre compte sur la mise en œuvre de ces recommandations.
Les principes énoncés par le CLS sont compilés dans le Recueil de décisions et de principes
du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration du BIT89 et fournissent des
orientations pour les décisions à prendre sur les cas futurs de même nature. Plusieurs
plaintes concernant la violation des droits syndicaux des travailleurs dans les ZFE ont été
soumises à l’examen du CLS au cours des deux dernières décennies. En cas de doute sur
la validité d’un cas de violation de la liberté syndicale, les syndicats doivent consulter le
Recueil avant de déposer une plainte officielle.
L’OIT a également d’autres procédures particulières, à savoir la procédure de Réclamation
régie par les articles 24 et 25 de la Constitution de l’OIT, ainsi que la procédure de Plainte
régie par les articles 26 et 34 de la Constitution de l’OIT. Pour être efficace, l’utilisation
de ces procédures exige une étroite coordination avec votre confédération syndicale
internationale et concerne normalement des cas très graves et répétés de violations des
droits des travailleurs.

Utilisation des Déclarations pertinentes de l’OIT


Deux déclarations de l’OIT peuvent également être utiles dans les cas de violations des
droits des travailleurs des ZFE. Ce sont la Déclaration de l’OIT relative aux principes et
droits fondamentaux au travail et son suivi, ainsi que la Déclaration de principes tripartite
sur les entreprises multinationales et la politique sociale.

Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail de


1998 et son suivi90
La Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail déclare
que l’ensemble des Membres, même lorsqu’ils n’ont pas ratifié les conventions en
question, ont l’obligation, du seul fait de leur appartenance à l’Organisation, de respecter,
promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, les principes
concernant les droits fondamentaux qui sont l’objet des dites conventions, à savoir: la
liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective;
l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire; l’abolition effective du travail
des enfants; l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession. Dans
le cadre du suivi de cette Déclaration, les gouvernements des pays qui n’ont pas ratifié
une ou plusieurs des conventions fondamentales sont tenus de soumettre des rapports
à l’OIT. Ces rapports doivent donner des informations sur l’état de leur législation et de

89
http://www.ilo.org/global/standards/information-resources-and-publications/publications/WCMS_090632/lang--en/
index.htm
90
http://www.ilo.org/declaration/thedeclaration/textdeclaration/lang--en/index.htm

98 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE 6

© OIT/M. Crozet

leur pratique concernant les questions traitées dans la convention, et préciser dans quelle
mesure les dispositions de la convention ont été appliquées. Les organisations syndicales
peuvent commenter ces rapports ou envoyer leurs commentaires directement à l’OIT.

Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique


sociale91
Les principes énoncés dans cette Déclaration sont destinés à guider les entreprises sur
la manière dont elles devraient appliquer les normes internationales du travail dans
des domaines tels que l’emploi, la formation, les conditions de travail et de vie, et
les relations professionnelles. Ils visent à guider toutes les entreprises, qu’elles soient
multinationales ou nationales, publiques, mixtes ou privées, ainsi que les gouvernements
et les organisations d’employeurs et de travailleurs dans les pays d’origine et d’accueil. Le
paragraphe 2 de la Déclaration stipule que «son objectif est d’encourager les entreprises
multinationales à contribuer positivement au progrès économique et social, ainsi qu’à
minimiser et à résoudre les difficultés que leurs diverses opérations peuvent soulever».
La Déclaration est organisée en cinq sections (politique générale, emploi, formation,
conditions de travail et de vie, relations professionnelles) et son texte vise à promouvoir
la cohérence entre les politiques publiques et privées afin d’assurer un impact positif
maximum pour protéger les droits au travail. Adoptée en 1977, la Déclaration de principes
tripartite sur les entreprises multinationales de l’OIT a été modifiée en 2000 afin de

91
Le Bureau des activités pour les travailleurs (ACTRAV) a préparé un guide d’action pour les travailleurs sur la «Déclaration
de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale», appelée la Déclaration sur les EMN de
l’OIT: Qu’y a-t-il pour les travailleurs dans cette Déclaration?

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 99


6 Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE

renforcer la nécessité pour les entreprises de prendre un engagement total en faveur du


respect des principes et droits fondamentaux au travail.
Dans sa section sur les relations professionnelles, la Déclaration exhorte les gouvernements
qui n’ont pas ratifié les Conventions 87 et 98 de l’OIT de le faire et d’appliquer, dans
toute la mesure du possible, par le biais de leurs politiques nationales, les principes
qu’elles incarnent. Elle stipule que là où les gouvernements des pays d’accueil offrent
des avantages particuliers pour attirer les investissements étrangers, ces avantages ne
devraient pas se traduire par des restrictions quelconques apportées à la liberté syndicale
des travailleurs ou à leur droit d’organisation et de négociation collective.
La Déclaration stipule que les travailleurs employés par les entreprises multinationales
devraient jouir, sans distinction d’aucune sorte, du droit, sans autorisation préalable, de
constituer des organisations de leur choix ainsi que celui de s’affilier à ces organisations,
à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières. Elle prévoit également
que les travailleurs employés par les entreprises multinationales devraient avoir le
droit, conformément à la législation et à la pratique nationales, de faire reconnaître des
organisations représentatives de leur propre choix aux fins de la négociation collective. Les
paragraphes 50 et 51 de la Déclaration exige que les entreprises multinationales facilitent
la négociation collective, et le paragraphe 53 stipule que les entreprises multinationales
ne devraient pas menacer de recourir à la faculté de transférer hors du pays en cause
tout ou partie d’une unité d’exploitation en vue d’exercer une influence déloyale sur
ces négociations ou de faire obstacle à l’exercice du droit d’organisation, et de nuire au
processus de négociation collective.
La Déclaration fait également référence aux politiques contractuelles (avec une section sur
la sécurité de l’emploi) ainsi qu’aux salaires, aux conditions de travail, à l’âge minimum,
à la sécurité et à la santé. Elle se termine par une liste de 69 normes (Conventions
et Recommandations) qui constituent l’épine dorsale des principes directeurs pour les
entreprises, les syndicats et les gouvernements.
La mise en œuvre de la Déclaration est supervisée par des enquêtes périodiques, tous
les quatre ans, à travers lesquelles les parties constituantes de l’OIT fournissent des
informations sur la suite qu’elles ont donnée aux principes de la Déclaration. Il y a eu
huit enquêtes à ce jour.
En ce qui concerne les ZFE, la septième enquête92 sur la suite donnée à la Déclaration
entre 1996 et 2000 a examiné l’état du respect des principes de la liberté syndicale et
de la négociation collective dans les entreprises multinationales des ZFE. L’enquête a
révélé que les travailleurs des entreprises multinationales dans les ZFE de plusieurs pays
éprouvaient des difficultés à organiser des syndicats.
Le suivi de la Déclaration est actuellement en cours d’examen à l’OIT de sorte que
les enquêtes ont été suspendues. Veuillez contacter le Bureau des Activités pour les
Travailleurs de l’OIT pour obtenir de l’information et de l’aide si vous souhaitez utiliser la
Déclaration pour défendre les droits des travailleurs dans votre pays.

92
Le Groupe de travail constate que la réponse à cette question conduit globalement à s’interroger sur l’efficacité de
l’application de la Déclaration sur les EMN dans les ZFE et recommande l’exploration de nouveaux moyens pour
la promotion de ses principes dans de tels contextes. Le Groupe de travail recommande donc que des études et
consultations, combinées aux programmes en cours au Bureau, soient menées pour promouvoir l’application de la
Déclaration par les entreprises multinationales dans les ZFE. Il recommande en outre que la question de l’effet du
travail et de ​​l’emploi sur les opérations des EMN dans le contexte des industries privatisées et déréglementées soit
traitée comme une question distincte dans la huitième enquête.

100 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE 6

Utilisation des programmes par pays pour la promotion du travail


décent de l’OIT93
Les programmes par pays pour la promotion du travail décent de l’OIT (PPTD) sont des
instruments pour promouvoir le travail décent dans le cadre des stratégies nationales de
développement des pays et pour mettre l’expertise de l’OIT, ses instruments, son plaidoyer
et sa coopération au service des parties constituantes tripartites afin de faire avancer
l’Agenda pour le travail décent de l’OIT. Les PPTD sont rédigés par les gouvernements
nationaux, en consultation avec les partenaires sociaux et avec le soutien entier de l’OIT.
Ils sont organisés autour d’un certain nombre de priorités et de résultats. Le dialogue
social et le tripartisme sont appelés à jouer un rôle central dans leur planification et leur
mise en œuvre, et des lignes budgétaires sont définies pour des activités de coopération
technique. Par exemple, le programme par pays pour la promotion du travail décent
(PPTD) du Nigéria a été élaboré par le gouvernement et les partenaires sociaux en
novembre 2005, puis revalidé en 2009. Le PPTD du Nigéria incluait des domaines
prioritaires tels que la création d’emplois (en particulier pour les femmes et les jeunes
par le biais de l’auto-emploi), la réduction de la traite des êtres humains et du travail des
enfants, la prévention et l’atténuation de l’impact du VIH/SIDA dans le monde du travail,
l’amélioration de l’administration du travail, la ratification des Conventions de l’OIT et la
sécurité sociale. Toutefois, le PPTD du Nigéria n’incluait pas de référence au phénomène
des ZFE dans le pays ni de disposition spécifique dans sa formulation, ce qui est critiqué
par le NLC (Nigeria Labour Congress). Pour recevoir plus d’aide sur l’utilisation de tous
les mécanismes de l’OIT présentés ci-dessus, veuillez contacter le Bureau des Activités
pour les Travailleurs de l’OIT94.

Utilisation d’autres mécanismes internationaux

Utilisation des Principes directeurs de l’OCDE


Les Principes directeurs de l’OCDE95 à l’intention des entreprises multinationales96 sont
des recommandations, non contraignantes juridiquement, pour assurer un comportement
responsable de leur part, principes auxquels ont adhéré 42 gouvernements97 représentant
toutes les régions du monde et 85 pourcent de l’investissement direct étranger. Ces
42 gouvernements adhérents se sont engagés à encourager les entreprises opérant sur
leur territoire à respecter ces recommandations, partout où elles exercent leurs activités.
De plus, les Principes directeurs s’appliquent également aux entreprises de pays non
adhérents pour leurs opérations à l’intérieur des pays qui adhèrent aux Principes directeurs.
Selon les Principes directeurs, les entreprises qui relèvent de leur champ d’application
sont également tenues d’encourager leurs partenaires commerciaux, y compris leurs
fournisseurs et sous-traitants, à mettre en œuvre des principes compatibles. Les Principes
directeurs font partie de «La Déclaration de l’OCDE et les Décisions sur l’investissement
international et les entreprises multinationales» et ont été mis à jour à plusieurs reprises

93
http://www.ilo.org/public/english/bureau/program/dwcp/index.htm
94
http://www.ilo.org/actrav/lang--en/index.htm
95
Organisation pour la coopération et le développement économiques
96
http://www.oecd.org/dataoecd/43/29/48004323.pdf
97
34 économies de l’OCDE plus l’Argentine, le Brésil, l’Egypte, la Lettonie, la Lituanie, le Maroc, le Pérou et la Roumanie.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 101


6 Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE

© OIT/M. Crozet
depuis leur première adoption en 1976. La quatrième et dernière mise à jour a eu lieu en
2011 à l’occasion du 50ème anniversaire de la réunion ministérielle de l’OCDE.
Les Principes directeurs mis à jour comprennent des nouvelles recommandations sur les
droits de l’homme et la responsabilité des entreprises en ce qui concerne leurs chaînes
d’approvisionnement. Ils préconisent que les entreprises respectent les droits de l’homme
dans tous les pays où elles opèrent, de même que les normes environnementales et
du travail, avec des processus de diligence raisonnable en place pour s’assurer que
cela se réalise effectivement. La section Emploi et Relations professionnelles des
Principes directeurs mis à jour fait explicitement référence aux normes fondamentales
du travail de l’OIT et ajoute une nouvelle clause sur les salaires, obligeant les entreprises
multinationales à offrir les meilleurs salaires, avantages et conditions de travail possibles
en rapport avec la situation économique de l’entreprise, mais au moins suffisants pour
répondre aux besoins essentiels des travailleurs et de leurs familles. La version remise à
jour des Principes directeurs a également mis en place un nouveau processus plus strict
en matière de plaintes et de médiation.
Chaque pays adhérant aux Principes directeurs est tenu d’établir un Point de contact
national98 (PCN) qui est responsable de leur promotion. Certains gouvernements n’ont
toutefois pas réussi à établir un PCN efficace. Le PCN est obligé de contribuer à la solution
de problèmes qui sont portés à son attention et à en assurer le suivi conformément à des
étapes bien définies en vue de la résolution du problème en question. La procédure
permet aux syndicats de présenter au PCN des cas concernant le comportement d’une
98
http://www.oecd.org/document/3/0,3746,en_2649_34889_1933116_1_1_1_1,00.html

102 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE 6

entreprise en rapport avec les Principes directeurs. Pour obtenir de l’aide sur l’utilisation
de ce mécanisme, veuillez contacter la Commission syndicale consultative auprès de
l’OCDE99.

Pacte mondial
Le Pacte mondial des Nations Unies100 est un réseau qui a été officiellement établi à
l’initiative du Secrétaire général des Nations Unies en juillet 2000. Le Bureau du Pacte
mondial et six agences des Nations Unies101 sont au cœur du réseau du Pacte mondial des
Nations Unies. Les participants du Pacte mondial sont des entreprises, des gouvernements,
des syndicats, des ONG et des organisations de la société civile ainsi que des institutions
académiques, des agences de développement, des municipalités et des organisations
qui traitent des questions de responsabilité sociale des entreprises. Le Pacte mondial
est une initiative basée sur le choix volontaire des entreprises à s’engager dans un mode
responsable de conduite des affaires. Il les invite officiellement à en devenir membre.
À cet égard, les entreprises désireuses d’y participer sont priées d’envoyer une lettre au
Secrétaire général de l’ONU, exprimant leur soutien au Pacte mondial et à ses principes102.
L’entreprise doit alors introduire des modifications dans ses opérations, de manière telle que
le Pacte mondial et ses principes fassent partie intégrante de la stratégie de l’entreprise.
L’entreprise est supposée promouvoir publiquement le Pacte mondial et ses principes via
des outils de communication. Dans ce contexte, l’entreprise est supposée publier dans
son rapport annuel ou dans un rapport similaire de l’entreprise une description de la façon
dont elle soutient le Pacte mondial et ses dix principes. Cette politique de communication
demande aux participants de discuter de leur progrès avec leurs parties prenantes sur une
base annuelle - par exemple, pour décrire les actions concrètes que les participants ont
entreprises afin de mettre en œuvre les principes du Pacte mondial au cours des années
précédentes, mesurer les résultats ou faire une déclaration de soutien continu en faveur
de l’initiative. Si un participant ne publie pas de rapports annuels, une communication
concernant les progrès peut être faite en utilisant d’autres canaux alternatifs, tels que le
site web de l’entreprise, des communiqués de presse ou des publications officielles.

Accords-cadres internationaux
Un accord-cadre international (ACI) est un instrument négocié entre une entreprise
multinationale et une FSI103 afin d’établir une relation continue et de s’assurer que
l’entreprise respecte les mêmes normes dans tous les pays où elle opère. L’aspect
spécifique qui distingue les ACI des initiatives de responsabilité sociale des entreprises est
qu’ils résultent d’une négociation avec les représentants internationaux des travailleurs.

99
http://www.tuac.org/en/public/index.phtml
100
http://www.unglobalcompact.org/
101
Organisation internationale du Travail (OIT), le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), le Programme des
Nations Unies pour l’environnement (PNUE), l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le
Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et Organisation des Nations Unies pour le développement
industriel (ONUDI).
102
Le Pacte mondial était basé à l’origine sur neuf principes subdivisés en trois catégories: les droits de l’homme, les
normes du travail (normes fondamentales du travail de l’OIT) et l’environnement, avec un nouveau principe sur la
corruption ajouté en 2004.
103
http://www.global-unions.org/framework-agreements.html

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 103


6 Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE

Les accords ne se substituent pas aux négociations directes entre les entreprises et les
travailleurs au niveau national ou du lieu travail. Ils fournissent simplement un cadre pour
que ces négociations se déroulent dans un esprit constructif et avec un seuil minimum.
Voici le contenu de base d’un accord-cadre international:
QQ Les normes fondamentales du travail de l’OIT104 et d’autres questions comme les
salaires, la sécurité et la santé au travail ou le développement des compétences
et la formation, qui varient d’un accord à l’autre.
QQ La plupart des ACI font référence à la chaîne complète d’approvisionnement,
même si les fournisseurs ne sont pas parties à ces accords. À cet égard, les
entreprises s’engagent généralement à informer l’ensemble de leurs filiales,
fournisseurs, contractants et sous-traitants au sujet de l’accord et à faire pression
sur les fournisseurs pour qu’ils mettent en œuvre les principes énoncés dans
l’ACI. Une des grandes difficultés de la mise en œuvre des ACI dans les chaînes
d’approvisionnement est le fait qu’il est souvent difficile de savoir quelles
entreprises produisent des biens pour une multinationale spécifique. À cet égard,
la divulgation de la localisation des fournisseurs est très importante et les FSI ont
réussi à négocier ce point avec certaines entreprises.
Il existe des cas positifs où les entreprises signataires d’un ACI ont utilisé ces instruments
pour susciter des améliorations dans le comportement de leurs fournisseurs. Certaines
entreprises signataires d’un ACI ont choisi de mettre fin à leur contrat avec des fournisseurs
qui violaient les termes de l’accord. Par exemple, Bosch a arrêté sa relation avec un
fournisseur sud-africain après que ce dernier ait violé les termes de l’accord. De même,
Umicore a déclaré qu’il avait mis fin à sa relation d’affaires avec un fournisseur congolais
qui avait violé un code de conduite qui faisait partie de l’ACI.
La plupart des ACI incluent des mécanismes de suivi impliquant la participation des
syndicats. Ces mécanismes incluent des actions spécifiques de la part de la direction
et des représentants des travailleurs, telles que la diffusion de l’accord à travers toute
l’entreprise ou l’élaboration de programmes communs de formation. La plupart des ACI
incluent des mécanismes qui permettent à la FSI de soulever le cas si une entreprise ne
respecte pas les termes de l’accord.

Accord-cadre FITTHC-INDITEX
L’Accord de la FITTHC avec INDITEX est un exemple unique d’un accord-cadre international
qui s’applique exclusivement à la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise. L’accord est
basé sur l’hypothèse que la FITTHC travaillera avec INDITEX105 tout au long de sa chaîne
d’approvisionnement pour développer des systèmes efficaces de relations professionnelles
basées sur le travail décent et s’appuyant sur ​​le dialogue social. Dans l’accord, INDITEX
s’engage à mettre en œuvre et à insister sur le​​ respect des dispositions tout au long de sa
chaîne d’approvisionnement et sur tous les sites, qu’ils soient gérés par INDITEX ou par
ses fabricants et fournisseurs externes. Les fabricants et les fournisseurs externes qui sous-

104
Convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; Convention (n° 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949; la Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930; Convention (n°
105) sur l’abolition du travail forcé, 1957; Convention (n° 100) sur l’égalité de rémunération, 1951; Convention (n°
111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; Convention (n° 138) sur l’âge minimum, 1973; et la
Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999.
105
Industrial del Diseño Textil SA (INDITEX) est la plus grande entreprise espagnole et le plus grand groupe mondial de mode.

104 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE 6

traitent du travail pour INDITEX sont responsables du respect des dispositions de l’accord
par les sous-traitants. Les fabricants, les fournisseurs et leurs sous-traitants externes sont
tenus de désigner un représentant de la direction pour assumer la responsabilité de la
mise en œuvre et de l’application des dispositions énoncées dans l’accord.
L’Accord FITTHC-INDITEX inclut le droit pour tous les travailleurs de se syndiquer et de
négocier collectivement, et interdit le travail des enfants, le travail forcé et les pratiques
discriminatoire. Il prévoit le versement d’un salaire de subsistance, impose des restrictions
sur les heures de travail, insiste sur des lieux de travail sûrs et salubres, et promeut la
sécurité de l’emploi, sans traitement abusif.
La FITTHC et INDITEX travaillent ensemble pour aider les fournisseurs de l’entreprise à
respecter les termes de l’accord. Cela a souvent mené à des interventions conjointes dans
des situations où les travailleurs avaient été licenciés après s’être affiliés à un syndicat.
Dans ces cas, la priorité initiale a été d’assurer la réintégration des travailleurs, le paiement
des salaires pour la période de licenciement et l’introduction de systèmes efficaces de
relations professionnelles dans les usines concernées. À cet égard, on estime que plus de
2.000 travailleurs licenciés pour avoir exercé leur droit d’association ont été réintégrés
grâce à l’intervention conjointe de la FITTHC et d’INDITEX dans des pays comme le
Cambodge, le Bangladesh, le Pérou et la Turquie. Cette approche a été un moyen efficace
de résoudre des conflits dans la chaîne d’approvisionnement du secteur du vêtement.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 105


6 Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE

À la suite de l’accord-cadre international, les fournisseurs d’INDITEX qui ont fait des
efforts pour mettre en œuvre cet accord et qui ont conclu des accords de reconnaissance
avec les syndicats sont considérés comme prioritaires lorsqu’il s’agit de décider qui
poursuivra des relations d’affaires avec l’entreprise. Certaines entreprises ont même reçu
des augmentations significatives de commandes à la suite de l’introduction de systèmes
efficaces de relations professionnelles dans leurs usines. INDITEX a également cessé
d’utiliser des «merchandisers» et passe maintenant les commandes directement avec les
usines. Pour recevoir plus d’information à ce sujet, veuillez contacter IndustriALL106.

Codes de conduite
Un code de conduite ou code de pratique du travail est une déclaration écrite des principes
adoptés volontairement par une entreprise afin d’exprimer son engagement à un type
particulier de conduite des affaires. Sa mise en œuvre dépend entièrement de l’entreprise
concernée. Les entreprises qui adoptent des codes de conduite sont généralement
censées affecter des membres du personnel à l’application des dispositions du code et
faire rapport sur ​​les politiques, programmes et performance de sa mise en œuvre. De
même, elles devraient également revoir le code de conduite au niveau décisionnel le
plus élevé de l’entreprise et définir son application comme une obligation contractuelle
pour les fournisseurs et sous-traitants. Une pratique bien établie est que les travailleurs
concernés par le code soient mis au courant de ses dispositions et qu’ils aient une forme
ou autre de procédure de plainte confidentielle. Ces codes de conduite ont cependant
leurs limites. Même si les syndicats peuvent être impliqués dans certains d’entre eux,
ils estiment généralement que ces codes sont principalement des exercices de relations
publiques de l’entreprise et qu’ils sont inefficaces pour résoudre les violations des droits
du travail.
Diverses initiatives impliquant de multiples parties prenantes ont vu le jour parallèlement
aux codes de conduite. Ces initiatives impliquent des entreprises d’approvisionnement,
des syndicats et des ONG. Vous trouverez ci-dessous des exemples de ces initiatives aux
multiples intervenants :
QQ Ethical Trading Initiative107: L’Initiative de commerce éthique (Ethical Trading
Initiative-ETI) est une alliance d’entreprises, de syndicats et d’organisations
bénévoles qui travaillent en partenariat pour améliorer la vie des travailleurs dans
le monde entier.
QQ Fair Labor Association108: L’Association pour le travail juste (Fair Labor Association-
FLA) est une coalition d’entreprises socialement responsables, de collèges,
d’universités et d’organisations de la société civile visant à améliorer les conditions
de travail dans les usines à travers le monde. La FLA a développé son propre code
de conduite pour les lieux de travail, basé sur les normes fondamentales du travail
de l’OIT, et a établi des processus de surveillance, de correction et de vérification.
QQ Social Accountability International109: Responsabilité sociale internationale (Social
Accountability International-SAI) est une organisation non-gouvernementale

106
http://www.industriall-union.org/
107
http://www.ethicaltrade.org/
108
http://www.fairlabor.org
109
http://www.sa-intl.org/

106 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE 6

internationale impliquant de multiples parties prenantes qui vise à améliorer les


lieux de travail et les communautés par la mise en œuvre de normes socialement
responsables. La SAI travaille en partenariat avec des syndicats, des ONG locales,
des initiatives impliquant de multiples parties prenantes, des organisations
environnementales et des organisations caritatives de développement.
QQ Worker Rights Consortium110: Le Consortium pour les droits des travailleurs (Worker
Rights Consortium-WRC) est une organisation indépendante de surveillance des
droits des travailleurs qui mène des enquêtes sur les conditions de travail dans les
usines à travers le monde afin de défendre les droits des travailleurs qui fabriquent
des vêtements et d’autres produits. Le WRC mène des enquêtes indépendantes
et publie des ouvrages sur les usines qui produisent pour les grandes marques.

Cadre de référence des Nations Unies relatif aux entreprises et aux


droits de l’homme111: «Les Principes Ruggie»
Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a approuvé en juin 2011 les
«Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme: mise en œuvre du
cadre de référence ‘Protéger, respecter et réparer’» des Nations Unies112 proposés en mars
2011 par le Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies chargé de la
question des droits de l’homme et des sociétés transnationales. Le Représentant spécial
avait présenté précédemment, en 2008, le Cadre de référence «Protéger, respecter et
réparer». Les principes directeurs visent à fournir une norme mondiale pour la prévention
et le traitement des risques d’impacts négatifs sur les droits de l’homme liés aux activités
des entreprises. Ils décrivent comment les États et les entreprises devraient appliquer le
cadre de 2008, et donnent des recommandations détaillées pour sa mise en œuvre. Le
cadre a été déjà été utilisé dans la révision de normes importantes telles que les Normes
de performance de la SFI ou les Principes directeurs de l’OCDE.
Le principe 12 des Principes directeurs stipule: «La responsabilité des entreprises de
respecter les droits de l’homme porte sur les droits de l’homme internationalement
reconnus – à savoir, au minimum, ceux figurant dans la Charte internationale des droits de
l’homme et les principes concernant les droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration
relative aux principes et droits fondamentaux au travail de l’Organisation internationale du
Travail». Le Principe 14 des Principes directeurs stipule: «La responsabilité qui incombe
aux entreprises de respecter les droits de l’homme s’applique à toutes les entreprises
indépendamment de leur taille, de leur secteur, de leur cadre de fonctionnement, de leur
régime de propriété et de leur structure».

110
http://www.workersrights.org/
111
http://www.business-humanrights.org/SpecialRepPortal/Home
112
http://www.ohchr.org/documents/issues/business/A.HRC.17.31.pdf

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 107


6 Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE

Normes de performance de la SFI et son mécanisme de traitement


des plaintes en ligne
La SFI, l’institution de financement du secteur privé du Groupe de la Banque mondiale113,
a déclaré en 2003 que tous les emprunteurs devraient être tenus de se conformer aux
normes fondamentales du travail et que la SFI les inclurait dans la nouvelle politique de
sauvegarde en cours de développement. La «Norme de performance 2: Main d’œuvre et
conditions de travail» (NP2) reprend explicitement les huit conventions fondamentales
de l’OIT et rend obligatoire le respect des normes fondamentales du travail pour toutes
les entreprises clientes.
Les syndicats ont formulé plusieurs recommandations pour l’amélioration de la NP2 lors
d’un processus de révision qui a commencé en 2009 et s’est terminé par l’adoption d’une
politique révisée par le Conseil d’administration de la Banque mondiale en mai 2011, la
«Norme de performance 2: Main d’œuvre et conditions de travail» (NP2)114. Les normes
comprennent une nouvelle formulation exigeant que les sociétés emprunteuses examinent
des alternatives aux licenciements de travailleurs, tels que des programmes négociés
de réduction du temps de travail, des programmes de renforcement des capacités des
travailleurs ou des travaux de maintenance à long terme durant les périodes de faible
production dans le cas de ralentissement de l’activité, une protection renforcée pour les
travailleurs migrants et un mécanisme amélioré d’examen des questions de violations
des droits du travail dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises. Les normes
révisées sont entrées en vigueur le 1er janvier 2012.
Au fil des années, les organisations syndicales ont informé la SFI de 27 cas de non-respect
possible de la part d’entreprises dans lesquelles la SFI avait investi. Ces cas concernaient
des allégations de refus de respecter la liberté syndicale et la négociation collective, ainsi
que des allégations de discrimination sexuelle et de travail des enfants. Ces cas se sont
présentés dans diverses régions en développement et à économie émergente où la SFI a
des opérations en Afrique, en Asie, en Europe centrale et orientale, et en Amérique latine.
Après que les organisations syndicales aient soulevé plusieurs cas où elles estimaient
que les nouvelles exigences n’étaient pas appliquées intégralement, le département du
Développement Social et Environnemental de la SFI a accepté de créer un mécanisme
de plaintes en ligne, multilingue et simplifié�. L’expérience a démontré que, alors que
certaines plaintes recevaient une réponse rapide et que des mesures étaient prises en
vue de résoudre les problèmes identifiés, dans d’autres cas, les réponses se faisaient
anormalement attendre et aucune action substantielle n’était entreprise pour remédier
aux problèmes sérieux.
La NP2 de la SFI présente des imperfections importantes. La SFI se repose principalement
sur les déclarations personnelles des entreprises clientes plutôt que sur un contrôle
assuré par son propre personnel. Cela signifie que les syndicats ont un rôle vital à jouer
en tant que seule source d’information indépendante capable de vérifier si les entreprises
respectent bien la NP2. Cependant, de nombreux investissements de la SFI ont lieu
dans des pays où les syndicats indépendants sont limités ou illégaux. Dans les pays

113
Le Groupe de la Banque mondiale comprend cinq institutions: la Banque internationale pour la reconstruction et
le développement, l’Association internationale de développement, la Société financière internationale, l’Agence
multilatérale de garantie des investissements et le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements.
114
http://www.gcgf.org/wps/wcm/connect/topics_ext_content/ifc_external_corporate_site/ifc+sustainability/publications/
publications_handbook_laborstandardsperformance__wci__1319577153058

108 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE 6
© OIT/M. Crozet

où les syndicats ne sont pas confrontés à de telles restrictions, ils n’ont souvent pas
les ressources humaines ou financières pour s’engager dans ce type de contrôle115. Un
autre obstacle important au contrôle effectif du respect de la NP2 est l’accès limité à
l’information sur les investissements. La SFI publie une annonce sur les investissements
30 jours avant que le projet ne soit présenté au conseil d’administration de la SFI pour
approbation. Cela laisse très peu de temps aux syndicats pour en apprendre davantage sur
les investissements nouvellement proposés qui peuvent poser problème, pour mener une
enquête et pour faire rapport à la SFI dans les premiers stades de la préparation du prêt
au cours de laquelle les conditions précises du prêt sont négociées.

Dispositions relatives au travail dans les accords internationaux sur le


commerce et les investissements
Les accords internationaux sur le commerce et les investissements incluent un certain
nombre de mécanismes destinés à être des leviers pour assurer le respect des droits des
travailleurs. Certains de ces accords peuvent servir d’inspiration lorsque l’on insiste pour
avoir des leviers et des mécanismes d’application dans d’autres négociations d’accords
commerciaux. Les syndicats doivent utiliser la formulation et les dispositions inscrites
dans les accords commerciaux internationaux pour faire pression sur les gouvernements et
les employeurs afin qu’ils respectent les droits des travailleurs. Ces leviers sont également
importants dans les campagnes d’organisation. Les syndicats doivent veiller à ce que les
accords commerciaux incluent des procédures pour le traitement des violations des droits
des travailleurs, y compris les mécanismes de plainte, de dénonciation et d’application.
115
Le bureau de liaison CSI/Global Unions à Washington DC peut être contacté à tout moment pour obtenir des
informations sur les activités de la SFI. Le bureau surveille les activités des institutions financières internationales
basées à Washington DC, le Fonds monétaire international et le Groupe de la Banque mondiale.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 109


6 Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE

Certains accords commerciaux bilatéraux ont inclus des dispositions relatives au travail
pour réduire les effets négatifs qui peuvent en découler pour les travailleurs. Les
dispositions diffèrent d’un accord à un autre. Les États-Unis et l’Union européenne ont
utilisé des dispositions relatives au travail, mais avec des approches différentes. D’autres
groupements régionaux ont également utilisé des dispositions relatives au travail, le
MERCOSUR par exemple. Les résultats de dispositions relatives au travail sont plutôt
mitigés, reflétant leur caractère généralement non-exécutoire. Il existe quelques exemples
positifs, mais dans de nombreux cas, les dispositions sont restées inutilisées ou n’ont pas
mené à des changements majeurs.

Système de préférences généralisées


Le Système de préférences généralisées (SPG) est un mécanisme d’octroi de tarifs douaniers
préférentiels aux pays en développement sur une base de non réciprocité. Il s’agit d’une
exception à la clause de la nation la plus favorisée, l’une des pierres angulaires du droit
commercial de l’OMC. Certains pays industrialisés, en particulier l’Union européenne
et les États-Unis, utilisent cette exemption pour promouvoir la conformité à certaines
normes et conditions de travail.

Le SPG des États-Unis


Le SPG américain est entré en vigueur le 1er janvier 1976. Autorisé initialement pour
une période de 10 ans, il a été prolongé périodiquement jusqu’en 2000, puis renouvelé
jusqu’au 31 décembre 2008. Pour bénéficier des tarifs préférentiels accordés en vertu
de cet accord, un pays devait remplir un certain nombre de conditions. Dans les années
1980, le Congrès américain a introduit les droits des travailleurs dans l’accord SPG en
précisant que les bénéficiaires de l’accord auraient dû ou devraient prendre des mesures
pour respecter les droits internationalement reconnus des travailleurs, y compris le droit
d’association et de syndicalisation, la droit de négociation collective, l’âge minimum pour
le travail des enfants et l’interdiction du travail obligatoire. Un pays qui manquerait à son
engagement dans le cadre du régime SPG perdrait ses tarifs douaniers préférentiels sur
tout ou partie de ses exportations vers les États-Unis.
Voici un exemple de l’efficacité du SPG en termes de respect des dispositions relatives au
travail: au Swaziland, grâce à la pression exercée par les syndicats américains qui étaient
en mesure de faire pression sur le retrait de l’accès préférentiel du Swaziland au marché
américain dans le cadre du SPG, les travailleurs des ZFE ont obtenu une amélioration
de la législation du travail. Pour recevoir des informations à ce sujet, veuillez contacter
l’AFL-CIO116.

Le SPG de l’Union européenne


Les schémas SPG de l’Union européenne sont en vigueur depuis le début des années 1970.
Le schéma SPG est mis en œuvre pour des cycles de 10 ans, le cycle actuel ayant débuté
en 2006 et venant à échéance en 2015117. Le schéma SPG actuel couvre la disposition
générale qui prévoit des réductions tarifaires pour 176 pays et territoires en développement,
116
http://www.aflcio.org/
117
Le schéma est mis en œuvre par des règlements applicables pour 3 ans, avec l’actuel schéma expirant le
31 décembre 2011.

110 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE 6

l’accord «Tout sauf les armes»118 et le SPG+ par lequel les bénéficiaires potentiels peuvent
obtenir comme avantage des préférences commerciales supplémentaires à la condition de
s’engager à respecter effectivement les conventions internationales relatives aux droits de
l’homme et du travail, y compris les normes fondamentales du travail de l’OIT. L’Union
européenne n’a jamais suivi une politique commerciale fondée sur des sanctions, mais
plutôt une politique de mesures incitatives axée sur la coopération technique.
Le système définit des mécanismes de sanctions en cas de violation de ces engagements,
prenant la forme d’un retrait temporaire du régime préférentiel pour tout ou partie des
exportations du pays. Ce retrait s’applique également à tous les accords commerciaux en
vigueur, et pas seulement au SPG+. Le mécanisme est déclenché principalement dans
les cas de violation grave et systématique des conventions internationales sur la base des
conclusions des organes de surveillance ayant compétence en la matière, tels que l’OIT.
Ce retrait a été appliqué dans le cas du Myanmar et du Belarus, par exemple. Pour vous
aider à utiliser ce mécanisme, veuillez contacter la CES119 ou la CSI.

Les accords de libre-échange des États-Unis120


Les États-Unis ont assuré l’incorporation de dispositions relatives au travail dans tous les
accords de libre-échange bilatéraux et régionaux depuis 1994. La législation commerciale
(Trade Act) de 2002 a rendu obligatoire l’inclusion de dispositions relatives au travail et
une référence aux normes du travail dans tous les accords commerciaux auxquels les États-
Unis participent. La nouvelle politique commerciale (New Trade Policy) avec l’Amérique,
adoptée en mai 2007, stipule que des dispositions spécifiques relatives au travail doivent
être inclues dans les accords de libre-échange, portant sur l’obligation d’adopter et de
maintenir dans la législation nationale les normes fondamentales du travail de l’OIT et
sur l’obligation d’appliquer effectivement les législations nationales relatives au travail
contenant ces normes. Des accords qui ont inclus ces exigences sont l’Accord nord-
américain de libre-échange, l’Accord USA-Cambodge et l’Accord USA-Jordanie.

Les accords de libre-échange du Canada121


Le Canada a également signé des accords de libre-échange incluant des dispositions
relatives au travail. Ces accords établissent des principes, des objectifs, des institutions et
des initiatives visant à éviter le dumping social et à promouvoir les principes fondamentaux
du travail et les droits des travailleurs. Ces accords incluent l’Accord de libre-échange
Canada-Chili et l’Accord de libre-échange Canada-Costa Rica.

118
«Tout sauf les armes» offre un accès complet au marché de l’Union européenne en termes d’exemption de droits de
douane et de quotas, à l’exception des armes et des armements, pour les 49 pays les moins avancés définis par l’ONU.
119
http://www.etuc.org/
120
Pour plus d’information, veuillez visiter le site: http://www.ilo.org/global/standards/information-resources-and-
publications/free-trade-agreements-and-labour-rights/WCMS_115531/lang--en/index.htm
121
Pour plus d’information, veuillez visiter le site: http://www.ilo.org/global/standards/information-resources-and-
publications/free-trade-agreements-and-labour-rights/WCMS_115852/lang--en/index.htm

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 111


6 Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE

La Déclaration sociale et du Travail du Marché commun du Sud (MERCOSUR)


La Déclaration sociale et du Travail du Marché commun du Sud (MERCOSUR)122 est
le complément du Traité d’Asunción, signé entre le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et
l’Uruguay en 1991. Ce document a été signé en décembre 1998 et va plus loin que les
conventions fondamentales de l’OIT, couvrant également le dialogue social, la promotion
de l’emploi, la protection contre le chômage, la santé et la sécurité, et la protection
sociale. La Déclaration a mandaté une commission pour surveiller sa mise en œuvre et
recommander des mesures pour en assurer le respect. Les syndicats de la région ont formé
le Comité de coordination syndicale du Cône sud et organisent des réunions régulières
pour faire pression sur les responsables régionaux dans le domaine des questions sociales
et du travail.

Les accords bilatéraux et régionaux de


© OIT/V. Kutty

l’Union européenne123
L’Union européenne (UE) a négocié de
nombreux accords bilatéraux. La plupart
d’entre eux comprennent des dispositions
relatives au travail124, mais ne vont pas
aussi loin que les accords signés par les
États-Unis ou le Canada. L’UE ne poursuit
pas une approche fondée sur des sanctions
commerciales en matière de normes
sociales et du travail, et a toujours mis
l’accent sur ​​la coopération et l’assistance
techniques. L’UE effectue également des
évaluations d’impact sur la durabilité des
accords de libre-échange conclus avec des
tiers.
L’UE a conclu des accords commerciaux
bilatéraux et régionaux avec de nombreux
pays hors de l’Union européenne, dont
l’Algérie, l’Égypte, Israël, le Liban, le
Maroc, l’Autorité palestinienne, la Syrie,
la Tunisie, l’Afrique du Sud, la Suisse,
le Mexique et le Chili. Elle négocie
actuellement des accords commerciaux
avec plusieurs autres régions, dont le
MERCOSUR, l’Inde, les pays de l’ASEAN
(ANASE) et le Canada; elle a récemment
conclu des accords avec le Pérou, la
Colombie et la Corée du Sud. L’Union
européenne participe également à un

122
http://www.mercosur.int/msweb/Documentos/Publicados/Declaraciones%20Conjuntas/003671668_CMC_10-12-
1998__DECL-DPR_S-N_IN_SocioLaboral.pdf
123
http://ec.europa.eu/trade/creating-opportunities/bilateral-relations/
124
Pour plus d’information, veuillez consulter: http://ec.europa.eu/trade/wider-agenda/labour/

112 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE 6

dialogue politique au niveau régional tel que, par exemple, le processus ASEM (Réunion
Asie-Europe) et les Sommets UE-Amérique latine et Caraïbes.
Les accords bilatéraux et régionaux contiennent tous un cadre de coopération économique,
institutionnelle et sociale. La plupart d’entre eux consacrent un chapitre au développement
durable comprenant des dispositions sociales, bien que parfois vaguement définies. On
peut trouver des exemples de ceci dans les dispositions sur les normes fondamentales
du travail de l’accord UE-Afrique du Sud de 1999; dans les articles contenant des
dispositions sociales de l’accord UE-Chili de 2002 qui comprend un chapitre sur la
coopération sociale qui encourage la promotion des conventions fondamentales du travail
de l’OIT, mais n’est pas obligatoire; ou encore dans le préambule de l’Accord de Cotonou
qui contient des références aux aspects sociaux des traités internationaux relatifs aux
droits de l’homme et aux normes fondamentales du travail de l’OIT.
L’UE négocie actuellement des accords de partenariat économique (APE) avec les pays
d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) qui sont membres de la Convention de
Cotonou signée en 2000. Les négociations sont en cours avec différents groupements
sous régionaux parmi les pays ACP. A l’exception des Caraïbes où un APE complet a
été paraphé, signé et ratifié, les autres pays ont paraphé des APE intérimaires, mais de
nombreux pays ont refusé de les ratifier. Les APE ont été critiqués parce qu’ils promeuvent
une libéralisation agressive du commerce qui entraverait le développement industriel dans
les pays ACP et mettrait en péril la production agricole et les services, tout en n’incluant
pas de dispositions contraignantes et exécutoires concernant les droits fondamentaux du
travail.
La CSI et la CES participent aux négociations des accords bilatéraux et régionaux de l’UE
et les suivent de près. Elles peuvent être contactées à tout moment pour sensibiliser aux
violations des droits syndicaux dans les ZFE et les porter à l’attention des autorités de
l’UE.

Accords d’investissement
En 1995, l’OCDE a entamé des négociations visant à élaborer un Accord multilatéral
sur l’investissement (AMI). Les négociations ont cependant été interrompues en 1998.
L’accord était conçu pour être un traité international autonome avec l’objectif déclaré
d’établir un large cadre multilatéral pour l’investissement international, avec des
normes élevées pour la libéralisation des régimes d’investissement et la protection de
l’investissement, et des procédures efficaces de règlement des différends. La question de
savoir s’il fallait inclure des dispositions relatives au travail a été soulevée, mais certains
pays engagés dans les négociations s’y sont opposés. Le projet final stipulait que les
parties s’engageaient à respecter les normes fondamentales du travail internationalement
reconnues et que l’OIT serait l’organe compétent pour définir et traiter des normes
fondamentales du travail dans le monde entier. Les négociations sur l’AMI ont échoué et,
par conséquent, de nombreux pays ont décidé de conclure plusieurs accords bilatéraux
sur les investissements, indépendamment des accords de libre-échange.
Les États-Unis ont signé approximativement 40 accords bilatéraux d’investissement avec
des pays en développement125. Dans tous ces accords, le préambule stipule clairement que,
même si l’objectif principal est d’encourager l’investissement, d’autres facteurs doivent

125
http://tcc.export.gov/Trade_Agreements/Bilateral_Investment_Treaties/index.asp

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 113


6 Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE

être pris en considération, notamment la stimulation du développement économique,


l’amélioration du niveau de vie, la promotion des droits des travailleurs et le respect
des règlements sur la santé, la sécurité et l’environnement. En dépit du grand nombre
d’accords bilatéraux d’investissement liant les pays d’Amérique latine avec des pays
développés ou d’autres pays dans les Amériques, seuls les accords avec les États-Unis
contiennent des références explicites au respect des normes internationales du travail.
En ce qui concerne l’Europe, il existe environ 1.200 accords bilatéraux d’investissement
entre les États membres de l’UE et des pays tiers. Il n’existe pas de stratégie commune
de l’UE en matière d’accords bilatéraux d’investissement qui restent de la responsabilité
de chaque État membre. Aucun d’entre eux n’intègre les normes du travail.

Rapports de la Confédération syndicale internationale


Chaque année, la CSI prépare un Rapport annuel des violations des droits syndicaux126.
La période étudiée s’étend du 1er janvier au 31 décembre de l’année précédente et le
lancement officiel du rapport a lieu en juin. Le département des Droits humains et syndicaux
de la CSI127 peut être contacté à tout moment pour inclure dans le rapport annuel les
violations des droits syndicaux dans les ZFE. Le département est également disponible
pour aider les syndicats dans la préparation des plaintes adressées à l’OIT, pour fournir
une assistance dans l’utilisation des différents mécanismes internationaux de promotion
des droits des travailleurs et pour aider les syndicats à organiser des campagnes en faveur
des droits des travailleurs des ZFE.
La CSI prépare aussi régulièrement, dans le cadre des examens des politiques commerciales
du Conseil général de l’OMC, des rapports sur le respect des normes fondamentales du
travail reconnues au niveau international. Le département de Politique économique et
sociale de la CSI peut être contacté à tout moment à propos des violations des droits
syndicaux dans les ZFE qui peuvent être inclus dans ces rapports.

126
http://survey.ituc-csi.org/
127
Réseau des droits humains et syndicaux

114 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE 6

Exercice

Cet exercice vous aidera à vous familiariser avec la base de données de l’OIT contenant
des informations pertinentes sur les normes fondamentales du travail et les mécanismes
de surveillance, et avec plusieurs instruments qui peuvent être utiles dans la défense et
la promotion des droits syndicaux.

1) Familiarisez-vous avec la base de données ILOLEX de l’OIT et résumez la situation


de votre pays en matière de ratification des conventions fondamentales du travail de
l’OIT et des principales conclusions de la Commission d’experts pour l’application
des conventions et recommandations (CEACR) et du Comité de la liberté syndicale
(CLS).

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 115


6 Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE

2) Préparez une plainte potentielle à adresser aux mécanismes de surveillance de


l’OIT. Énumérez toutes les organisations pertinentes, à tous les niveaux, où vous
introduirez votre plainte en utilisant les canaux de protection contre les violations
des droits syndicaux expliqués dans ce chapitre.

3) Votre gouvernement est-il actuellement engagé dans des négociations d’accords


commerciaux ou d’investissement? Ces accords comportent-ils des dispositions
relatives au travail et à leurs mécanismes d’application? Quelles sources utiliseriez-
vous pour effectuer des recherches sur les types d’accord dans lesquels votre pays
est engagé ou en cours de négociation? Dans votre recherche, quelles organisations
contacteriez-vous à tous les niveaux pour obtenir de l’aide? Indiquez les
mécanismes d’application des dispositions relatives au travail que vous incluriez.

116 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE 6

4) Votre syndicat a-t-il jamais pensé à organiser une campagne pour faire pression
ou exercer une influence sur l’inclusion des aspects du travail et des mécanismes
d’application dans les accords commerciaux ou d’investissement de votre pays?
Comment organiseriez-vous une campagne? Quelles organisations contacteriez-vous
à tous les niveaux pour recevoir de l’aide ?

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 117


6 Mécanismes internationaux pour la défense et la promotion des droits des travailleurs des ZFE

5) Préparez un plan d’action ou une stratégie pour l’organisation des travailleurs des
ZFE dans votre pays et ciblez des stratégies pour lutter contre les déficits de travail
décent dans les ZFE de votre pays.

© ILO/R. Lord

118 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


6 Liens et contacts

Liens et contacts

LIENS
ACTRAV: www.ilo.org/actrav
CSI: www.ituc-csi.org
CSI Afrique: www.ituc-africa.org
CSI Amérique (CSA-TUCA): www.csa-csi.org
CSI Asie-Pacifique: www.ituc-ap.org
GLOBAL UNIONS (FSI): www.global-unions.org
Groupe de la Banque Mondiale
(Société Financière Internationale): www.ifc.org
INDUSTRIALL: www.industriall-union.org/
OCDE: www.oecd.org
OIT: www.ilo.org
OMC: www.wto.org

CONTACTS

Confédération Syndicale Internationale

Département des Droits humains et turights@ituc-csi.org


syndicaux:
Département de la Politique Economique esp@ituc-csi.org
et Sociale
Département de l’Egalité: equality@ituc-csi.org

Fédérations Syndicales Internationales (GUF)

IndustriALL: info@industriall-union.org
UNI Global Union: contact@uniglobalunion.org

Organisation Internationale du Travail

ACTRAV: actrav@ilo.org

120 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


Bibliographie 6

Bibliographie

BIT. 2012. Togo: zones franches, droits des travailleurs et stratégies syndicales, Document
de travail, ACTRAV, Geneva.
–. 2012. Maroc: Zones franches, droits des travailleurs et stratégies syndicales, Document
de travail, ACTRAV, Geneva
–. 2012. Madagascar: Zones franches, droits des travailleurs et stratégies syndicales,
Document de travail, ACTRAV, Geneva
OIT.1998. Labour and social issues relating to export processing zones, Report for
the discussion at the tripartite meeting of export processing zones-operating
countries, Geneva, 1998.
–. 2006. Freedom of association: Digest of decisions and principles of the Freedom of
Association Committee of the Governing Body of the OIT (fifth revised edition),
Geneva.
–. 2008. Report of the InFocus Initiative on export processing zones (EPZs): Latest trends
and policy development in EPZs, Geneva.
–. 2010. Good labour practice compilation of labour inspection practices and guidelines
for effective labour inspections in export processing zones (EPZs), Labour
Administration and Inspection Programme, Geneva.
–. 2011. Export processing zones: comparative data from China, Honduras, Nicaragua
and South Africa, Working paper No.21, Jamie K. McCallum, Industrial and
Employment Relations Department, Geneva.
–. 2012. Nigeria: The state of trade unionism and industrial relations practice in export
processing zones, Working Document, ACTRAV, Geneva.
–. 2012. India: Trade unions and special economic zones in India, Working document,
ACTRAV, Geneva.
–. 2012. China: Export processing zones in China: a survey and a case study, Working
Document, ACTRAV, Geneva.
International Confederation of Free Trade Unions. 2004. A trade union guide to
globalisation, Brussels
International Textile, Garment and Leather Workers’ Federation. 2011. An overview of
working conditions in sportswear factories in Indonesia, Sri Lanka and the
Philippines, Brussels.
International Trade Union Confederation. 2008. Trade union guide: Trade Unions and
Bilaterals: Do’s and Don’ts, Brussels.
–. 2010. International Trade Union Confederation, Annual Survey of Violations of Trade
Union Rights, 2010 (and previous editions), Brussels.

Manuel syndical sur les zones franches d’exportation 121


6 Bibliographie

–. 2011. Labour Standards in World Bank Group Lending: Lessons learnt and next steps,
Brussels.
Singa Boyenge J-P. 2007. OIT database on export processing zones (revised), ILO, Geneva.
Engman M., Onodera O. and Pinali E. 2007. Export processing zones: past and future role
in trade and development, OECD, Paris.
OIT. 2012. Nicaragua: Zonas francas industriales, derechos laborales y estrategias
sindicales, Documento de trabajo, ACTRAV, Ginebra.
Gopalakrishnan R. 2007. Freedom of association and collective bargaining in export
processing zones: role of the OIT supervisory bodies, OIT, Geneva.
Milberg W. and Amengual M. 2008. Economic development and working conditions in
export processing zones: a survey of trends, ILO, Geneva.

122 Manuel syndical sur les zones franches d’exportation


OIT
Organisation
internationale
du Travail

Manuel Syndical sur les Zones Franches d’Exportation


Manuel
Syndical sur les
Zones Franches
d’Exportation

ACTRAV
Bureau ACTRAV
des Activités pour Bureau
les Travailleurs for Workers’
Activities

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