Démarche Intégrative de La Grammaire
Démarche Intégrative de La Grammaire
Démarche Intégrative de La Grammaire
TSAI Chien-Wen
(Université Nationale d’Hôtellerie et de Tourisme de Kaohsiung)
Résumé
La démarche intégrative de la grammaire en français sur objectif spécifique (FOS)
présente les activités grammaticales en lien avec le milieu professionnel. À l’aide de l’analyse
des discours spécialisés, nous pouvons enseigner une grammaire « de sens » dans un
programme du FOS pour que les apprenants puissent interagir en contexte professionnel et
comprendre les documents en référence. Le but de cet article est d’examiner ses applications au
français sur objectif de l’art culinaire (FOAC) à partir des contenus d’un manuel spécialisé.
Après une présentation des points grammaticaux, nous proposerons quelques adaptations en
classe pour les apprenants taïwanais.
In the field of French for specific purpose (FOS in French), the integrative approach of
grammar present grammatical activities in connection with workplace. By means of specialized
discourse analysis, we could teach ‘‘grammar of the sense’’ in a FOS program. The aim of this
paper is to examine the applications of integrative grammar teaching for French for culinary
arts (FOAC in French) from a specialized textbook. After an overview of grammatical points,
we will suggest some in-class accomodations for Taiwanese students.
Mots-clés
Grammaire française, français sur objectif spécifique, français pour les arts culinaires.
French grammar, French for specific purpose, French for culinary arts.
1 Introduction
Une formation en français sur objectifs spécifiques (désormais FOS) s’adresse à un
public réuni autour d’un objectif professionnel ou académique précis, qu’il doit
atteindre dans une durée limitée. Ce public a besoin d’un programme d’enseignement
différent de celui qui se déroule dans un enseignement FLE généraliste. Le programme
devrait comprendre des composantes linguistiques et extralinguistiques recensées à
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partir des discours spécialisés. Parmi les premières, le lexique spécialisé occupe depuis
longtemps une place fondamentale. Celle de la grammaire reste plus marginale
(Mourlhon-Dallies, 2008 : 238-239). Le traitement grammatical en FOS est souvent
décontextualisé et ne tient pas compte de la spécificité de communication
professionnelle.
Cependant, on peut remarquer des particularités grammaticales dans les discours
spécialisés telles que les structures syntaxiques récurrentes, certaines composantes très
restreintes par rapport aux discours non spécialisés et ainsi de suite. La progression des
compétences grammaticales en FOS devrait être différente du rythme d’introduction des
notions grammaticales dans un programme FLE généraliste. Mangiante (2015 : 96-97)
propose ainsi une grammaire « du sens » en FOS, en relation avec la découverte de
l’analyse de discours spécialisés. Autrement dit, c’est une démarche intégrative de la
grammaire liée à l’enjeu de communication des situations ciblées.
En ce qui concerne le français sur objectif de l’art culinaire (désormais FOAC),
domaine dans lequel la connaissance du français est très importante et la contrainte
temporelle est souvent considérable, les notions grammaticales devraient être présentées
plus efficacement, en lien avec le contexte professionnel des apprenants. L’objectif de
cet article est de montrer comment on peut enseigner la grammaire en FOAC dans une
démarche intégrative. Est-il possible d’aborder le programme de FOAC à un niveau
débutant ? Nous allons essayer de répondre à cette question à l’aide de l’analyse des
contenus grammaticaux d’En cuisine !, un des premiers manuels de français de la
restauration et de la gastronomie.
Cet article s’appuie sur une application de la démarche intégrative au FOAC, un
domaine du FOS relativement récent. Dans un premier temps, nous allons présenter la
place de la grammaire en FOS et la situation générale du FOAC. Pourquoi et comment
appliquer une démarche intégrative dans un cours de FOS ? Quels sont les objectifs
d’apprentissage en FOAC ? Ensuite, afin d’élucider le lien entre les contenus
grammaticaux et le contexte professionnel, nous allons essayer d’examiner quelques
points grammaticaux du manuel En cuisine! et de faire un bref bilan. Nous allons
proposer enfin quelques adaptations en classe. Pour conclure, nous évoquerons quelques
pistes de réflexion pour améliorer l’enseignement de la grammaire en FOAC.
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Citées d’un article de Vargas (2009).
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les grands principes », rédigé à partir des différents ouvrages. Ensuite, elle propose
quatre activités pédagogiques à l’écrit et à l’oral. À l’aide du document précédent et
d’une liste de formules que l’on emploie habituellement en milieu professionnel, les
apprenants pourraient travailler « en situation » un point grammatical tel que l’article
devant les noms de vins comme le suivant (p. 111) :
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Corrigés : 1. un-un. 2. du-du.
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C’est un document professionnel de base. En général, elle contient deux parties : les ingrédients et la
préparation culinaire.
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À partir des descriptions de Rosen & Reinhardt (2010 : 46).
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Cholvy, 2014 (CLE International). Le niveau intermédiaire En cuisine et en salle (B1-B2) est sorti en
2015, destiné à un public plus élargi.
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Je, tu, il / elle / on, nous, vous, ils / elles.
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pronoms personnels sujets, les apprenants peuvent exprimer la nationalité, les diverses
fonctions en cuisine, etc. Avec le verbe « avoir », ils parlent de leur âge, leurs situations
familiales, etc. Ces activités grammaticales facilitent surtout l’interaction en contexte
professionnel.
3.3 Les articles définis, indéfinis, contractés et partitifs
Le champ professionnel de la cuisine se caractérise par un lexique de spécialité
abondant, classé en trois catégories : les ingrédients, les ustensiles et les techniques.
Chaque catégorie peut comprendre plusieurs sous-catégories. Les deux premières sont
constituées quasi exclusivement de noms.
Les noms communs français sont presque toujours précédés d’un article qui indique
le genre masculin / féminin et le nombre singulier / pluriel. En considération de
l’importance de lexique spécialisé en cuisine, les articles définis / indéfinis sont
présentés en encadré dans le « Zoom sur... » de la première unité d’En cuisine ! (trois
formes des articles indéfinis et quatre des articles définis, p. 11), à la suite d’une liste
des noms de légumes ordinaires (par exemple, le concombre, la courgette, l’artichaut et
les petits pois). Un exercice qui associe un travail de discrimination auditive (des paires
le / l’, le / les et les / des) à un travail sur l’emploi des déterminants pour les légumes,
est proposé à côté.
Les articles contractés sont utilisés pour la découverte de l’environnement
professionnel dans la leçon 1 de l’unité 2. Les formes non décontractées (à la / à l’ / de
la / de l’) sont présentées dans l’exercice. Notons qu’ils sont aussi très fréquents dans
les menus de restaurant et les fiches de cuisine. La maîtrise des articles partitifs,
présentés dans la leçon 2 « Les repas » de l’unité 2 (p. 17), est primordiale dans le
domaine de la restauration. Il est employé avec des noms non comptables, devant une
quantité massive ou des produits alimentaires ne pouvant être dénombrés
singulièrement (par exemple, de la farine, de l’huile, du jus d’orange, des céréales, etc.).
Un exercice sur divers aliments est présenté.
3.4 L’impératif et l’infinitif
Dans la cuisine professionnelle, la brigade peut s’apparenter à une organisation
militaire. Tout est hiérarchisé, en particulier dans les grands restaurants étoilés. Il faut
donc comprendre et suivre des ordres de son supérieur ou donner des ordres à ses
commis. Par ailleurs, les consignes (sous forme orale, écrite ou iconique) et les
règlements y sont omniprésents. En conséquence, le mode impératif est particulièrement
fréquent dans le milieu de la restauration.
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Le mode impératif est utilisé pour communiquer avec une ou plusieurs personnes.
Il donne un conseil, un ordre, une interdiction, une demande ou un souhait en fonction
du contexte. Trois emplois de l’impératif sont répartis dans la leçon 3 « Suivez les
consignes » de l’unité 3 (l’impératif), la leçon 2 « Les cuissons » de l’unité 6
(l’impératif négatif) et la leçon 3 « Dans les temps » de l’unité 10 (l’impératif et le
pronom complément) selon la complexité de la structure. Dans l’unité 3 (p. 28), on
présente les conjugaisons de l’impératif ainsi que les règles de base (pas de pronom
personnel sujet et seulement 3 personnes), accompagnées d’un exercice de
compréhension orale. La forme négative se trouve dans l’unité 6.
Dans les échanges en cuisine, l’impératif et le pronom complément sont très
souvent associés 7 . Ils sont présentés dans la dernière unité (p. 90). L’infinitif et
l’impératif sont très employés dans les documents de préparations culinaires (fiches
techniques de fabrication, fiches de cuisine, recettes, etc.). En règle générale, une fiche
de fabrication se compose de deux parties, l’une concernant les ingrédients et l’autre les
techniques de réalisation. Dans la deuxième partie, les instructions à suivre sont
généralement rédigées à l’infinitif. Par contre, l’emploi de l’impératif se trouve plutôt
dans les documents informels tels qu’un livre de recettes familiales. L’infinitif est
présenté dans la leçon 2 « Les cuissons » de l’unité 6 (p. 53) à côté de l’impératif
négatif.
Bilan
À partir de nos analyses précédentes sur les points grammaticaux d’En cuisine !, ils
sont traités en relation avec l’analyse de discours professionnel de la restauration. Ils
sont abordés comme ce que l’on a cité précédemment « en partant du discours pour aller
vers la phrase » (Mangiante, Ibid. : 99). À partir du repérage et de l’analyse de
macrostructure de discours en lien avec les situations de communication et le contexte
professionnel, nous pouvons dégager ses particularités grammaticales et concevoir par
conséquent les activités pédagogiques qui favoriseraient la pratique professionnelle.
Dans la partie suivante, nous souhaitons proposer quelques adaptations en classe
pour l’enseignement de la grammaire.
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Un exemple issu de la transcription de l’enregistrement (p. 112, Leçon 3, activité 5, soulignés par
l’auteur) :
Conversation 2 :
Commis : Chef, je réclame une salade de crevettes au gingembre pour la table 4.
Chef : Demande-la au garde-manger !
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Elles sont aussi valables en FOS. D’après notre expérience passée, les apprenants
ont besoin d’une explication explicite et détaillée en langue source (le chinois
mandarin) pour les points grammaticaux. Cela ralentit forcément la progression du
cours. En réalité, ils ont déjà appris l’anglais, la première langue étrangère à Taïwan,
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Il s’agit d’un cours intitulé « Français de l’art culinaire » à l’Université nationale d’hôtellerie et de
tourisme de Kaohsiung, deux heures par semaine de septembre 2015 à juin 2016, avec 15 étudiants en
quatrième année.
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mais il n’appartient pas non plus à la même famille linguistique que le français. Les
notions grammaticales ne sont pas communes. Afin d’améliorer leur compréhension,
une autre possibilité est de sensibiliser les apprenants aux différences grammaticales
entre leur langue maternelle et le français.
En outre, une fiche cuisine complète, accompagnée d’un projet à mener en groupe
dès la première unité, nous paraît irréalisable dans cette phase d’apprentissage pour les
apprenants sinophones taïwanais. Le même problème concerne la double page « Culture
gastronomique ». Les contenus sont intéressants et bien développés. Mais à part le texte
explicatif sous la photo, les autres textes et les activités proposées sont encore trop
difficiles par manque d’une compétence grammaticale suffisante. Il convient de les
remettre à plus tard.
5 Perspectives conclusives
La connaissance grammaticale est incontournable pour apprendre à bien
communiquer. L’enseignement / apprentissage de la grammaire en FOAC devrait en
plus répondre à la logique d’exercice de la profession. Les points grammaticaux d’En
cuisine ! sont présentés en fonction des besoins communicatifs professionnels dans une
démarche intégrative liée au métier de la restauration. Elle permettrait aux apprenants
de maîtriser simultanément les règles d’usage et celles d’emploi dans une cuisine
professionnelle.
À l’heure actuelle, les cours de français sont systématiquement présentés dans la
plupart des établissements scolaires de l’hôtellerie-restauration-tourisme à Taïwan. De
plus en plus d’étudiants et de professionnels du secteur de la gastronomie souhaitent
parfaire leurs techniques culinaires et approfondir leur connaissance gastronomique en
France. Les demandes de formation linguistique ne cessent de croître. Il convient de
proposer un programme en FOAC qui a pour but d’aider dès le niveau débutant les
étudiants-futurs professionnels de l’art culinaire français à maîtriser une gamme de
compétences langagières en relation étroite avec les pratiques professionnelles. Cela
aurait des effets très positifs pour ce public, si l’on tient compte de la distance
linguistique entre langue source des apprenants et langue française en ajustant les
manières d’enseigner.
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Tsai (2012).
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Références
Carras C. et al. (2007). Le français sur objectif spécifiques et la classe de langue. Paris :
CLE International.
Mangiante J.-M. (2015). Une démarche de référentialisation en français des professions.
In Goes J. & Sfar I. (éds), Le français dans le monde. Recherches et applications
57. Paris : CLE International, 96-107.
Mourlhon-Dallies F. (2008). Enseigner une langue à des fins professionnelles. Paris :
Didier.
Robert J.-M. (2009). Manières d’apprendre. Pour des stratégies d’apprentissage
différenciées. Paris : Hachette Livre.
Rosen E. & Reinhardt C. (2010). Le point sur le Cadre européen commun de référence
pour les langues. Paris : CLE International.
Tsai C.-W. (2012). (Publication en chinois) French for specific purposes : learning
needs and teaching materials for students in Western Culinary Arts. Foreign
Language Studies (16), 73-94.
Vargas C. (2009). Peut-on inventer une grammaire pour la réussite scolaire ?. In
Brissaud C. & Grossmann F. (dir.), Repères 39, 17-39.
Vigner G. (2004). La grammaire en FLE. Paris : Hachette Livre.
Méthodes
En cuisine. Cholvy J. (2014). Paris : CLE International.
En cuisine et en salle. Bencini V. et al. (2015). Paris : CLE International.
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