GBV - Chap 18

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CHA P I TR E XV I I I

LES ORIENTATIONS POUR LE FUTUR


Linda Strande

18.1 INTRODUCTION
L’approche développée dans cet ouvrage considère la gestion des boues de vidange comme un
système d’assainissement. Elle peut être considérée comme la fondation pour la conception et la
gestion de systèmes GBV fonctionnels et pérennes. La gestion des boues de vidange est un do-
maine nouveau en plein développement, qui bénéficie constamment d’améliorations et de nou-
velles connaissances. Ces avancées vont continuer à se développer les unes à partir des autres
pour une optimisation des solutions et des approches. Chaque chapitre de ce livre a dressé des
conclusions importantes et proposé des étapes à suivre sur les plans technologique, organisa-
tionnel et de planification, pour mettre en place une gestion des boues de vidange pérenne. On
retiendra en particulier les points suivants :

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Technologie

• Concevoir dans le but de réutiliser ou mettre en dépôt les produits issus du traitement.
Cette démarche permet de sécuriser l’atteinte des niveaux de traitement adéquats et adap-
tés, tant pour les effluents que pour les produits issus du traitement. Elle permet d’éviter que
les systèmes ne soient ni surdimensionnés (gaspillage de ressources financières) ni sous-
dimensionnés (risque pour la santé publique et l’environnement).

• Concevoir pour la quantité effective et les caractéristiques locales des boues de vi-
dange.
Cette approche garantit une conception efficace des technologies et le traitement des boues
de vidange de l’ensemble de la ville. Néanmoins, les méthodes pour une meilleure quantifi-
cation et caractérisation des boues de vidange doivent encore être développées.

• Créer des technologies de stockage sur place, des stations de transfert et des mé-
thodes de vidange.
Il s’agit d’un lien essentiel pour la chaîne de services. Assurer que les boues de vidange
soient dépotées dans les stations de traitement (centralisées ou décentralisées) et donc
éviter les dépotages de boues non-traitées dans l’environnement requiert une collecte et un
transport qui soient sans risque, efficaces et abordables.
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• Développer une meilleure compréhension des mécanismes de traitement.


Cela constituera la base pour le développement de nouvelles technologies de traitement des
boues de vidange et pour l’adaptation des technologies existantes de traitement des boues
et des eaux usées.

Organisation

• Intégrer la dimension organisationnelle dès le début de la planification du projet.


Pour un fonctionnement durable sur le long terme, il est essentiel de prendre en compte
les implications en terme de gestion, pour l’exploitation courante comme pour le suivi-
évaluation, dans les processus de sélection des technologies et de planification.

• Mettre en place des cadres juridiques et réglementaires pour la gestion des boues de
418 vidange et introduire des mécanismes incitatifs et de mise en application qui soient
financés.
C’est une nécessité pour garantir la mise en œuvre et l’application effective de la réglemen-
tation portant sur la santé publique et l’environnement.

• Envisager différents schémas financiers.


Cela aidera à formaliser le secteur et à le rendre financièrement durable. Intégrer la possibi-
lité de primes peut être un moyen de transition vers d’autre modèles d’organisation dans le
court terme.

Planification

• Évaluer et comprendre la situation initiale dans un contexte donné.


Les pratiques d’assainissement sont très hétérogènes, non seulement entre pays et entre
villes, mais aussi au sein d’une même ville. La diversité des situations implique des solutions
spécifiques à chacune. Une évaluation systématique permettra aux solutions d’être conçues
sur mesure pour répondre aux besoins réels et de construire sur l’existant en prenant en
compte les forces et les contraintes propres à chaque contexte.

• Intégrer les parties prenantes dans la gestion des boues de vidange et comprendre
leurs intérêts et leurs influences.
C’est un point essentiel dans la conception d’un projet GBV : l’analyse et l’implication des
parties prenantes sont des activités à mener tout au long du projet. Il s’agit d’un processus
continu et itératif qui contribue à construire les consensus, à identifier les besoins, à définir
les exigences en termes de renforcement de capacité et à positionner certains groupes tra-
ditionnellement négligés. Par-dessus tout, cette démarche permettra aux parties prenantes
de faire des choix en connaissance de cause, de bien comprendre les implications de ces
choix et d’être prêts à remplir leur rôle et à tenir leurs responsabilités dans la filière GBV.

• Intégrer le processus participatif dans le cycle de projet classique.


Les coûts supplémentaires engendrés par le processus participatif sont rapidement cou-
verts par les économies réalisées lors de la mise en œuvre et de l’exploitation et par l’évite-
ment de complications identifiées à temps. Le succès du projet est accru par des schémas
organisationnels plus efficaces, de meilleures dispositions institutionnelles et l’intégration du
secteur privé (« Mémo pour la planification GBV de A à Z », tableau 17.1).

• Appliquer une approche de planification intégrée à l’échelle de la ville.


C’est un impératif pour comprendre les facteurs critiques pour la sélection des solutions
adaptées au contexte. Les conditions-cadres d’un environnement propice doivent être
prises en compte dans leur ensemble. Les schémas organisationnels et financiers doivent 419

être définis et validés en amont des choix des solutions techniques.

La force de l’approche proposée dans ce livre est de réunir les domaines technologique,
organisationnel et de planification pour obtenir des solutions durables de gestion des boues de
vidange. Le mémo pour la planification GBV de A à Z et le diagramme de sélection de la filière
de traitement illustrent cette approche et facilitent la circulation à travers le livre. Ils peuvent être
considérés comme une check-list et un outil visuel pour structurer le processus de planification, y
intégrer tous les éléments nécessaires et communiquer avec les parties prenantes non-expertes.

Planification

Technologie

Organisation

La mise en œuvre réussie de chacune des étapes ci-dessus nécessite de bien connaître les trois
domaines. Avoir des infrastructures GBV implique de traiter des questions larges, compliquées
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et interconnectées. Il est nécessaire de comprendre comment ces domaines s’assemblent, se


connectent et s’influencent les uns les autres. Les six chantiers identifiés ci-dessous sont au croi-
sement des domaines technologique, organisationnel et de planification. Du travail est nécessaire
dans chacun d’eux pour faire progresser le secteur avec succès :

1. Reconnaître l’importance de la gestion des boues de vidange ;


2. Mettre en place les cadres structurants et les responsabilités ;
3. Améliorer la dissémination des connaissances et le développement des capacités ;
4. Créer des modèles économiques et des modes de tarification durables ;
5. Mettre en œuvre des méthodologies de planification intégrées ;
6. Développer des technologies adaptées.

18.1.1 Reconnaître l’importance de la gestion des boues de vidange


Le développement de systèmes GBV durables nécessite une première étape notable : la re-
connaissance de son importance par les parties prenantes dans les trois domaines que sont
la technologie, l’organisation et la planification. Cela comprend la prise de responsabilités des
gouvernements dans la gestion de la filière, le financement par les bailleurs de fonds de systèmes
GBV réalisables et adaptés, et la promotion de la GBV par les grandes organisations intergou-
vernementales, en parallèle aux mesures pour mettre fin à la défécation en plein air. Si la GBV
est reconnue comme étant un besoin réel et une solution justifiée, elle bénéficiera naturellement
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d’une attention plus soutenue et de ressources plus grandes. Le gouvernement des Philippines
en fournit un bon exemple, avec le premier plan stratégique national de GBV approuvé en Asie du
Sud-Est en 2012 (Programme national pour la gestion des eaux usées et des boues de vidange -
NSSMP) (Robbins et al., 2012). Avec ce programme, le gouvernement a non seulement accepté
et reconnu l’importance de la GBV, mais il a aussi reconnu que la GBV et la gestion combinée des
eaux usées et des boues de vidange étaient des solutions viables.

Un argument fort en faveur de l’investissement dans la GBV consiste à souligner les coûts écono-
miques liés au déficit de services d’assainissement, en plus du bénéfice pour la santé publique.
L’impact du manque d’accès à l’assainissement est en effet estimé à 260 milliards USD par an
(Hutton, 2013). Le Programme pour l’eau et l’assainissement (Water & Sanitation Programme,
WSP) de la Banque mondiale a mis en évidence, au cours de l’Initiative pour les aspects éco-
nomiques liés à l’assainissement (Economics of Sanitation Initiative, ESI, www.wsp.org/content/
economic-impacts-sanitation), que l’assainissement avait aussi un impact sur d’autres secteurs
économiques importants. Par exemple, le manque à gagner du secteur du tourisme à cause de
la faiblesse des services d’assainissement est estimé à 266 millions USD par an (Hutton et al.,
2008).

Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ont très bien réussi à accroître l’atten-
tion internationale sur les besoins en assainissement. L’intégration de la gestion des boues de
vidange dans l’agenda international post-2015, à travers les Objectifs du développement durable
(ODD), s’appuiera sur cette dynamique pour sensibiliser sur l’importance de « l’assainissement
environnemental », ainsi que sur l’importance de prendre en compte ensemble tous les systèmes
relatifs à l’eau, à savoir les eaux usées, l’eau potable, l’irrigation, le drainage et la gestion des
déchets solides (Eawag, 2005).
Figure 18.1 : Lits de séchage pour le traitement des boues de vidange en cours de construction sur le site de Lubigi à
Kampala. Étape 1 du projet de protection du lac Victoria financé par la KFW, l’UE et le gouvernement ougandais (NWSC)
(photo : Lars Schoebitz).

18.1.2 Mettre en place les cadres structurants et les responsabilités


Avoir une unique entité municipale spécifiquement responsable de l’assainissement, indépen- 421
damment de la technologie utilisée, favorise le sens des responsabilités qui pourrait être sans cela
être dilué avec des modèles de gestion plus fragmentés où plusieurs entités sont en charge de
parties de la chaîne de services. Cela facilite également l’efficacité dans la planification à l’échelle
de la ville. La rationalisation permet d’éliminer les chevauchements de responsabilités entre les
parties prenantes et d’assurer leur exhaustivité (Bassan et al., 2013a). Le cas de l’Indonésie est
un bon exemple pour la définition des rôles et des responsabilités, à travers le Programme de
développement du secteur de l’assainissement (Sanitation Sector Development Program, ISSDP)
en collaboration avec le Programme pour l’eau et l’assainissement de la Banque Mondiale (WSP).
Avant la mise en œuvre de ce programme, l’Indonésie présentait un taux de couverture pour le
traitement des eaux usées et des boues de vidange parmi les plus bas de l’Asie du Sud-Est.
Aujourd’hui, le gouvernement est fermement engagé dans l’assainissement à travers une straté-
gie nationale. L’Agence nationale de développement de la planification (National Planning Deve-
lopment Agency, Bappenas) joue le rôle principal dans la prise de décision, les autorités locales
étant en charge de la mise en œuvre de l’assainissement urbain dans leur juridiction (WSP, 2011).

Les cadres institutionnels sont nécessaires pour définir les exigences minimales et assurer leur
application. Un équilibre doit être trouvé entre des exigences trop élevées - qui empêchent donc
toute action en n’étant pas atteignables - et la protection adéquate et adaptée de la santé publique
et de l’environnement. Une stratégie possible consiste à mettre en œuvre des améliorations par
étapes, économiquement réalistes, et qui posent les bases à de plus amples développements
futurs (Parkinson et al., 2014). Des indicateurs de performance sont nécessaires pour évaluer
l’efficacité des solutions au niveau de la filière dans sa globalité, et pas seulement au niveau des
ménages. À cette fin, le Programme pour l’eau et l’assainissement (WSP) a développé des outils
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de diagnostic et de décision pour la mise en œuvre de systèmes GBV améliorés à l’échelle des
villes (http://www.worldbank.org/en/topic/sanitation/brief/fecal-sludge-management-tools).

La valorisation des produits issus du traitement des boues de vidange, élément d’optimisation des
revenus des stations de traitement, favorise l’efficacité de l’exploitation des stations. La valorisa-
tion comporte néanmoins toujours un certain niveau de risque au niveau des produits et de l’uti-
lisation qui en est faite. Pour pallier cela, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a élaboré un
manuel intitulé : Planification de la gestion de la sécurité sanitaire de l’assainissement (Sanitation
Safety Plan, SSP) pour une utilisation et une élimination sûre des eaux usées, des excreta et des
eaux ménagères (OMS, 2016). L’objectif est d’appuyer les autorités en charge dans la réduction
des risques pour la santé engendrés par la valorisation, en facilitant l’application des « Recom-
mandations pour l’utilisation des eaux usées, des excreta et des eaux grises dans l’agriculture et
l’aquaculture » (Guidelines for the Safe Use of Wastewater, Excreta and Greywater in Agriculture
and Aquaculture) (OMS, 2006). Par ailleurs, une initiative de l’Association internationale de l’eau
(International Water Association, IWA) développe une méthode d’évaluation rapide et participa-
tive des risques liés aux systèmes d’assainissement (Participatory Rapid Sanitation System Risk
Assessment, PRSSRA). Il s’agit d’une évaluation rapide des risques basée sur l’implication des
parties prenantes aboutissant à une priorisation des interventions visant à réduire ces risques.
Enfin, certains pays sont en train d’établir des recommandations et des procédures de certifi-
cation pour commencer à structurer et à formaliser le secteur de la valorisation des ressources.

18.1.3 Améliorer la dissémination des connaissances et le développement des


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capacités
La gestion des boues de vidange étant un domaine relativement nouveau, une grande partie des
connaissances existantes restent cantonnées au niveau des praticiens sur le terrain, sans rapport
écrit. Les documents de référence accessibles et à des prix abordables manquent. Il est impératif
de développer des méthodes pour accroître le niveau d’expertise locale, car de nombreuses
défaillances dans la filière GBV sont liées à un manque de capacité institutionnelle, de capacité
de gestion, de ressources humaines et de compétences. Les éléments de la chaîne de services
ont tous potentiellement besoin d’appui pour le développement des capacités des ressources
humaines (Parkinson et al., 2014). Pour répondre à cela, il est nécessaire de développer des
outils pédagogiques adaptés pour permettre aux personnes non-techniques d’accéder à l’infor-
mation (Parkinson et al., 2014). Heureusement, les nouveaux outils de partage de connaissances
peuvent aider à combler les lacunes dans la diffusion des nouveaux résultats de la recherche,
comme par exemple SuSanA (Sustainable Sanitation Alliance - www.susana.org), qui depuis
2007 fournit une plateforme de travail ouverte à un réseau international sur les questions d’assai-
nissement durable ainsi qu’un forum de discussion. Une boîte à outils GBV est aussi en cours de
développement (www.fsmtoolbox.com).

Des ressources en ligne supplémentaires sont indiquées au chapitre 1. Une autre stratégie très
efficace consiste à intensifier les échanges Sud-Sud entre les employés municipaux et les pra-
ticiens pour l’apprentissage et le partage des expériences. Les associations professionnelles
de vidange à Kampala, Ouganda, et à Dakar, Sénégal, en sont un bon exemple. Les directeurs
de ces associations sont régulièrement invités à présenter et à partager leur expérience lors de
conférences et de réunions en Afrique subsaharienne. Un autre exemple de réussite est l’Institut
municipal d’apprentissage (Municipal Institute of Learning, MILE) de Durban, Afrique du Sud, qui
a été mis en place pour transférer les connaissances et les expériences de Durban vers d’autres
villes d’Afrique. Le MILE propose fréquemment des cours et des visites sur le terrain, avec l’aide
financière de l’Institut des Nations unies pour la formation et la recherche (United Nations Institute
for Training and Research, UNITAR) et de la municipalité eThekwini de Durban. Le service eau et
assainissement de eThekwini (eThekwini Water and Sanitation, EWS) crée des partenariats avec
différentes municipalités africaines pour partager des connaissances et apporter des améliora-
tions dans la fourniture des services. La direction de EWS interagit également et partage ses
expériences avec les équipes de direction d’autres organismes travaillant sur l’eau et l’assainis-
sement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, grâce à des financements de la Banque
mondiale et de son Programme pour l’eau et l’assainissement (WSP).

La valeur du renforcement des capacités et de la recherche appliquée dans le domaine de la


gestion des boues de vidange est aujourd’hui largement reconnue. Le nombre de projets de re-
cherche dans le domaine est en forte augmentation (figure 18.2). Par exemple, depuis la création
du programme Eau, assainissement et hygiène de la Fondation Bill et Melinda Gates, un grand
nombre de projets GBV ont été financés, en particulier dans les zones urbaines pauvres. L’un
d’eux, le SaniUP (Stimuler l’innovation locale en matière d’assainissement pour les pauvres en
zone urbaine en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est) a deux objectifs principaux : (i) sti-
muler par la recherche l’innovation locale en matière d’assainissement pour les citadins pauvres,
et (ii) renforcer le secteur de l’assainissement dans les pays en développement à travers l’éduca-
tion et la formation. Le projet a mené entre autres à l’élaboration d’un cours de trois semaines sur
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la gestion des boues de vidange (www.unesco-ihe.org) dans le cursus d’ingénierie sanitaire de
l’UNESCO-IHE, l’édition et la publication du présent ouvrage (en cofinancement avec Direction
suisse du développement et coopération, DDC), ainsi qu’un cours en ligne sur la GBV disponible
sur le site de l’IHE (https://www.un-ihe.org/online-course-faecal-sludge-management).

Eawag-Sandec, en partenariat avec l’EPFL, a développé un cours en ligne gratuit MOOC, dis-
ponible sur la plateforme Coursera et sur Youtube (www.eawag.ch/mooc), avec sous-titres en
français. En 2018 commence un master en assainissement non-connecté à l’égout dispensé
par un consortium de leaders du secteur à Delft, aux Pays-Bas (www.un-ihe.org/one-year-
master-science-programme-sanitation).

Figure 18.2 : Collègues doctorants


réalisant une caractérisation des
boues de vidange au laboratoire d’in-
génierie sanitaire de l’UNESCO-IHE,
dans le cadre d’un projet financé par
la Fondation Bill et Melinda Gates
(photo : UNESCO-IHE).
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18.1.4 Créer des modèles économiques et des modes de tarification durables


De manière générale et en fonction des contextes locaux, le système d’assainissement GBV se
montre beaucoup moins coûteux que les systèmes centralisés de type égouts-station (Dodane
et al., 2012). Il est néanmoins essentiel pour le bon fonctionnement du système que les flux
financiers soient adaptés pour l’ensemble des services de la filière. Les modes de tarification sont
souvent inéquitables, puisque les ménages les plus pauvres payent habituellement deux fois pour
l’assainissement : une première fois via la redevance d’assainissement incluse dans la facture
d’eau et une seconde pour le service de vidange de leur fosse. D’autres modèles économiques
que celui basé sur une redevance municipale doivent être pris en compte pour réduire le poids
financier des services d’assainissement au niveau des ménages.

S’il est intéressant qu’une même entité soit responsable du cadre global de la gestion des boues
de vidange, il n’est pas nécessaire qu’elle soit en charge de toutes les activités de la chaîne de
services GBV. L’angle de vue économique permet de concevoir les choses en termes de clients
et de propositions de valeur. Les clients pour les services sont les ménages utilisateurs qui sou-
haitent vidanger et évacuer leurs boues sans préoccupation pour leur destination finale, mais
aussi les municipalités ou les services publics en charge de la protection de la santé publique,
et enfin les réutilisateurs des produits issus du traitement qui perçoivent la valeur ajoutée de la
valorisation. La « coopération-compétition » est un modèle de développement commercial effi-
cace dans le secteur informel, une combinaison de coopération et de concurrence : les petites
entreprises nées des besoins existants rivalisent entre elles tout en coopérant sur certains points.
Le secteur de la vidange de Bangalore constitue un exemple intéressant : la concurrence entre
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les entreprises profite aux ménages en maintenant les prix des services de vidange à un niveau
bas. Dans le même temps, l’association des vidangeurs a fait évoluer la demande en technologie.
Elle a permis d’améliorer les chaînes d’approvisionnement en pièces détachées pour les camions
et de développer des ateliers locaux de construction et de réparation des camions de vidange,
ce qui réduit considérablement les charges de ces entreprises. Par ailleurs, les opérateurs four-
nissent des boues aux agriculteurs qui apprécient leur valeur. Ils rivalisent entre eux pour obtenir
de l’engrais bon marché, ce qui augmente leurs revenus (Gebauer et al., 2013).

Les partenariats public-privé (PPP) constituent une autre possibilité, source de nouvelles op-
portunités et de défis d’urbanisme pour les municipalités à travers la gestion de conflits po-
tentiels entre les intérêts privés et publics. Une stratégie possible consiste à fixer des tarifs qui
encouragent les producteurs à vendre de l’électricité issue du traitement des déchets au réseau,
garantissant un prix et un marché permettant de financer les investissements pour transformer
les boues en électricité et mettre au point la technologie. Les municipalités pourraient également
conclure des accords pluriannuels avec les partenaires du secteur privé pour leur « garantir un
approvisionnement en matières premières », afin d’assurer la faisabilité financière d’installations
de production/traitement à grande échelle. Les entités publiques pourraient aussi subventionner
les entreprises de vidange afin de faciliter la rentabilité de leur prestation, tout en définissant et en
imposant un prix de vidange maximum pour les ménages.

Un PPP raisonnablement efficace fonctionne à Kampala, Ouganda, entre la Compagnie nationale


d’eau et d’assainissement (National Water and Sewerage Corporation, NWSC), l’autorité muni-
cipale (Kampala Capital City Authority, KCCA), l’autorité en charge de l’environnement (National
Environment Management Authority, NEMA) et l’association des vidangeurs (Private Emptier As-
sociation, PEA). Cette dernière, enregistrée en 1999, est en charge de la collecte et du transport
des boues de vidange à Kampala, ce qui constitue le maillon essentiel de la filière (même si un
accord officiel de PPP n’a pas encore été signé).

Les Entrepreneurs du déchet (Waste Entreprisers, aujourd’hui Pivot) constituent un exemple de


la recherche et du développement dans le domaine. Ils utilisent la valorisation pour réinventer
l’économie du traitement et de la mise en dépôt des boues. Plutôt que de penser la réutilisation
comme un complément à une station de traitement coûteuse, la société construit des « usines »
qui utiliseront les boues comme matière première pour en faire un combustible solide à vendre
aux industries. En rationalisant les coûts de traitement et en concevant son système pour maximi-
ser la récupération d’énergie, Waste Enterprisers a créé un modèle économique rentable qui vise
à transformer les boues de vidange en intrant pour la production d’énergie renouvelable. Après
avoir construit leur première usine à vocation commerciale au Kenya, ils opèrent actuellement à
Kigali, au Rwanda (http://pivotworks.co/).

425

Figure 18.3 : Mise en œuvre de la méthode de caractérisation et de quantification des boues de vidange FAQ (Faecal
Sludge Quantification and Characterisation) à Kampala, Ouganda (photo : Lars Schoebitz).

L’Office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS) à Dakar gère un centre d’appels au-
quel tous les ménages utilisateurs peuvent s’adresser pour commander un service de vidange.
Le centre d’appels émet alors un avis auprès des entreprises de vidange pour les mettre en
concurrence sur le prix, réduisant ainsi le coût pour le ménage utilisateur. Cet essai pilote prévoit
à l’avenir d’intégrer un suivi GPS des camions et des avis par SMS. Le projet RRR (Resource,
Recovery and Reuse) évalue la faisabilité de modèles économiques reposant sur les déchets, à
grande échelle, avec valorisation de l’eau, des nutriments et de l’énergie. Des études de faisabilité
sont en cours d’évaluation à Lima, Pérou, à Hanoi, Vietnam, à Bangalore, Inde, et à Kampala,
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Ouganda (www.sandec.ch/fsm-tools). Un autre exemple : l’ONG Sanergy basée dans un quartier


informel de Nairobi et qui gère plusieurs centaines de toilettes sèches. Son modèle économique
comprend la fabrication et la vente de toilettes à la communauté locale, un système de franchise
pour l’exploitation, la collecte d’une redevance auprès des utilisateurs des toilettes, la vidange et
le nettoyage quotidien des toilettes, le transport de l’urine et des matières fécales vers un site de
traitement et la valorisation des produits. Sanergy recherche les meilleures solutions de valorisa-
tion, dont le biogaz, le compost et les mouches soldats noires (http://saner.gy/).

18.1.5 Mettre en œuvre des méthodologies de planification intégrées


La mise en œuvre d’approches de planification intégrées pour les systèmes GBV à l’échelle d’une
ville est une nécessité pour relever avec succès le défi de l’assainissement urbain. L’hétérogénéité
des zones urbaines dans les pays à revenu faible ou intermédiaire peut cependant constituer une
difficulté, avec de forts taux de croissance et des caractéristiques très variables en termes de
revenus, de dispositifs d’assainissement utilisés et de statut formels ou informels, à quoi s’ajoute
des conditions-cadres déficientes (Hawkins et al., 201 ; Reymond et al., 2016). Selon Parkinson
et al. (2014), les méthodologies de planification doivent continuer à être optimisées afin de créer :

• Une vision partagée par les différentes parties prenantes sur la nécessité d’améliorations
sanitaires ;

• Une priorisation claire et réaliste de l’amélioration dans l’ensemble de la ville ;

• Une stratégie complète de développement de l’assainissement pour toute la ville, qui cor-
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responde aux demandes des utilisateurs et aux différentes caractéristiques physiques et
socio-économiques de la ville ;

• Des conditions-cadres propices en termes de gouvernance, de finances, de renforcement


des capacités, de technologies et d’intégration.

Connaître la production annuelle de boues et leurs caractéristiques à l’échelle de la ville est né-
cessaire pour la conception des technologies de traitement adéquates et adaptées. Il n’existe
pourtant pas aujourd’hui de méthodes fiables pour y parvenir. La caractérisation et la quanti-
fication des boues sont difficiles en raison de la vaste gamme de dispositifs d’assainissement
existants au niveau des ménages (notamment les latrines améliorées ventilées, les fosses non-
étanches et les fosses septiques), en plus des toilettes publiques, des locaux commerciaux,
des restaurants et des écoles. Il n’existe généralement pas non plus d’informations fiables sur le
nombre ou les types de dispositifs en place. Les caractéristiques et la production de boues sont
très variables et ne sont pas bien appréhendées. L’échantillonnage et l’analyse à l’échelle de la
ville nécessitent beaucoup de temps et de ressources.

Pour remédier à cela, des méthodes pour la caractérisation et la quantification des boues telles
que la méthode FAQ (Faecal Sludge Quantification and Characterisation) sont en cours de dé-
veloppement. Son objectif est de fournir une approche logique et financièrement abordable à
l’échelle d’une ville. La méthode FAQ est basée sur l’hypothèse que les données démogra-
phiques peuvent être un indicateur des caractéristiques des boues de vidange (par exemple : le
niveau de revenu, le statut juridique du logement, la densité de population et l’âge du bâtiment),
qui sont aussi influencées par des facteurs physiques (par exemple : la nappe phréatique, le type
de sol et l’altitude). Le revenu, par exemple, pourrait être un bon indicateur car il affecte à la fois
le régime alimentaire et la qualité des constructions. Ces données peuvent ensuite être analysées
spatialement avec un SIG pour élaborer un plan d’échantillonnage représentatif basé sur les res-
sources disponibles. La méthode FAQ a été testée sur le terrain à Kampala, Ouganda, et à Hanoi,
Vietnam (figure 18.3 ; www.sandec.ch/fsm_tools).

Un autre exemple de planification concerne l’assainissement d’urgence. L’eSOS® (emergency


Sanitation Operation System) est une activité financée par la Fondation Bill et Melinda Gates
menée par l’UNESCO-IHE (Brdjanovic et al., 2013). L’eSOS® porte sur l’ensemble de la chaîne
de l’assainissement d’urgence dans les situations où une aide extérieure est nécessaire pour
répondre aux besoins en assainissement (figure 18.4).

427

Figure 18.4 : Exemple de configuration pour une application d’eSOS® (photo : Peter Greste, Al Jazeera, illustration de
toilettes intelligentes eSOS® : FLEX/the INNOVATIONLAB).

Au centre de toute action en situation d’urgence se trouvent l’intégration, le partage, la commu-


nication et la collaboration. Les technologies de l’information et de la communication sont très
intéressantes pour répondre à ces questions fondamentales et les améliorer à chaque étape de la
chaîne de services. À l’avenir, eSOS® sera également transformable pour (i) la gestion de l’assai-
nissement dans des conditions difficiles récurrentes au sein des zones urbaines pauvres comme
les quartiers informels, (ii) l’accès à l’assainissement pour le public lors de grands événements
en plein air tels que des concerts, des foires, etc. et (iii) la gestion des déchets solides. L’objectif
principal d’eSOS® est de fournir un service d’assainissement efficace et réel pendant et après
les situations d’urgence, en minimisant les risques pour la santé publique des personnes les plus
vulnérables. Le second objectif a trait aux conditions de durabilité des solutions, en particulier
pour les périodes post-urgence, et vise à réduire les coûts d’investissement, d’exploitation et de
maintenance des dispositifs et des services d’assainissement en situation d’urgence.
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Les méthodologies d’évaluation du niveau de centralisation ou de décentralisation adapté consti-


tuent un autre outil de planification important pour la mise en œuvre du traitement des boues
de vidange à un niveau décentralisé ou semi-centralisé. Les niveaux de décentralisation élevés
engendrent un coût moindre pour la filière lorsque l’on prend en compte les coûts associés au
transport des boues et la réduction de la distribution des matières réutilisables. Par contre, l’ac-
croissement des coûts de gestion et des coûts d’investissement peut entraîner une augmentation
du coût global de la filière. La corrélation entre le niveau de décentralisation et le coût de la filière
n’est pas linéaire, et généralement un niveau de rentabilité optimal peut être trouvé (Gaulke,
2006). Tous ces facteurs dépendent du contexte et des spécificités locales de chaque ville. Une
autre manière de répondre à cela consiste à inventer des dispositifs capables de supprimer/
immobiliser les agents pathogènes sur place, à rendre la collecte et le transport plus sûrs et la
valorisation ou la mise en dépôt moins compliquée. Ceci constitue l’un des principaux objectifs
de l’initiative « Réinventons les toilettes » (Reinvent the Toilet Challenge, RTTC) de la Fondation Bill
et Melinda Gates (voir ci-dessous).

18.1.6 Développer des technologies adaptées


Le besoin en nouvelles technologies adaptées pour la GBV reste grand, même si le bon fonction-
nement de la filière GBV dans sa globalité ne repose pas uniquement sur l’aspect technologique
et doit être appréhendé à partir du contexte local. Les technologies sont en général issues de
recherches pionnières, les programmes de recherche étant historiquement menés par des pays
dans lesquels l’assainissement de type égouts-station est la norme. Cela souligne le besoin de
428
développer des solutions au sein des pays où elles trouvent leur pertinence. Par ailleurs, pour être
prises en compte localement et politiquement, il est bien que les chercheurs locaux travaillent main
dans la main avec les autorités locales en charge de la gestion des boues de vidange (Bassan
et Strande, 2011).

Le besoin en nouvelles solutions techniques étant aujourd’hui pressant, la recherche et la mise


en œuvre doivent continuer à être réalisées en parallèle, afin d’aboutir à des solutions grandeur
réelle aussi rapidement que possible. Le transfert d’expérience des lits de séchage (plantés et
non-plantés) utilisés pour les boues d’épuration vers une utilisation pour les boues de vidange en
constitue un bon exemple, avec une optimisation technologique qui se poursuit en situation réelle
(Dodane et al., 2011). De plus, les technologies doivent être choisies non seulement en fonction
des caractéristiques spécifiques des boues, mais aussi selon la demande locale en réutilisation
des produits issus du traitement ou selon le potentiel de cotraitement (Diener et al., 2014). Voici
quelques exemples d’axes de recherches en cours actuellement :

• Caractérisation des boues de vidange ;

• Collecte et transport ;

• Technologies de traitement semi-centralisées ;

• Dispositifs d’assainissement au niveau des ménages (à la parcelle) ;

• Valorisation.
18.2 CARACTÉRISATION DES BOUES DE VIDANGE
Comme expliqué au chapitre 2, les boues de vidange présentent des caractéristiques très va-
riables qui restent mal appréhendées. Une conception optimale des stations de traitement né-
cessite pourtant de bien comprendre cette variabilité et les facteurs qui l’influencent (Bassan
et al., 2013b). Le projet PURR (www.sandec.ch) est mené dans le but de comprendre l’influence,
sur les caractéristiques des boues, des facteurs liés aux dispositifs d’assainissement au niveau
des ménages et aux méthodes de vidange et de transport. Ce projet intègre une étude de carac-
térisation des boues et la mise au point de recettes de fabrication de boues de vidange synthé-
tiques pour évaluer en laboratoire les facteurs influençant leur dégradation biologique. D’autres
chercheurs ont aussi développé des recettes de boues synthétiques pour évaluer les propriétés
physiques influençant la vidange mécanique (Radford et Fenner, 2013).

La variabilité des boues constatée aujourd’hui s’explique aussi par l’absence de méthodes de
mesure standardisées. Des méthodes ont été adaptées de l’analyse des eaux usées ou des
sols, mais leur précision pour les mesures de boues de vidange reste à évaluer. Sur cette base,
des méthodes standard pourront être adaptées afin de légitimer la comparaison des résultats
entre différents projets. Le groupe de recherche sur la pollution (Pollution Research Group, PRG)
de l’Université de KwaZulu Natal (UKZN) a approfondi les connaissances sur cette thématique
pour aboutir à des méthodologies opérationnelles standardisées pour les analyses chimiques
des boues (par exemple : pH, potassium, ammoniaque) et leurs propriétés mécaniques (par
exemple : conductivité thermique, analyse calorimétrique). Ce type de recherche fondamentale
en laboratoire est nécessaire pour développer une compréhension précise des caractéristiques 429
des boues de vidange et fournir des procédures permettant des projets de recherche au niveau
international qui sont standardisés et peuvent être comparés entre eux. Un livre sur les méthodes
d’analyse des boues de vidange est prévu pour 2018 (Velkushanova et al., à paraître).

18.3 COLLECTE ET TRANSPORT


Les camions de vidange sont aujourd’hui la meilleure technologie disponible pour la vidange des
boues. Ils sont néanmoins généralement coûteux et ne peuvent pas desservir les ménages situés
dans des rues étroites et des sentiers. Le projet Omni-Ingestor financé par la Fondation Bill et
Melinda Gates a pour objectif le développement d’équipements plus habiles, pour des vidanges
plus rapides, y compris pour des boues denses (> 40 % de matières sèches) et qui permettent
la déshydratation des boues sur place. L’eau est lourde et donc coûteuse à transporter. La dés-
hydratation des boues et le traitement de l’effluent sur place permettraient à l’eau traitée d’être
soit directement récupérée, soit renvoyée en toute sécurité dans les canaux de drainage. Cela
réduirait considérablement les coûts de transport, permettrait d’effectuer plus de vidanges avant
de se rendre à la station de traitement et réduirait le temps passé pour le transport. Divers proto-
types sont en cours de mise au point par le secteur privé.

18.4 TECHNOLOGIES DE TRAITEMENT SEMI-CENTRALISÉES


Le projet PURR s’intéresse à l’intérêt potentiel au Vietnam de la cogestion des boues de vidange
avec les boues d’épuration. Le potentiel de production de biogaz à partir de la codigestion des
boues d’épuration et des boues de vidange est en cours d’évaluation, ainsi que la faisabilité de
cogestion avec d’autres filières de déchets liquides à hautes concentrations de matières orga-
I 8 - L E S O R I E N TAT I O N S P O U R L E F U T U R

niques. Le projet DAR (Déchet À Ressources) à Dakar, Sénégal, s’intéresse aux technologies de
séchage via l’optimisation des technologies de lits plantés et non-plantés (figure 18.5). Les lits de
séchage présentent des coûts d’investissement et d’exploitation relativement faibles, mais de-
mandent une surface importante. Augmenter leur efficacité permettrait de diminuer l’emprise re-
quise et ainsi les rendre plus applicables en zones urbaines à faibles disponibilités foncières. Les re-
cherches en cours portent sur l’utilisation de matériaux alternatifs (par exemple le verre concassé),
les possibilités de mélange et l’utilisation de serres pour augmenter les taux de séchage. La
recherche sur les lits de séchage plantés a pour objectif d’identifier de nouvelles espèces végé-
tales susceptibles d’augmenter les performances du traitement et le potentiel de valorisation par
production et vente de fourrage (www.sandec.ch/fsm_tools).

Janicki Industries développe une technologie de type moteur à vapeur pour le traitement des
déchets à l’échelle communautaire. Le principe est un moteur thermique de 150 kW alimenté en
boues de vidange pour produire de l’électricité. La chaleur générée par la combustion dans un
lit de sable fluidisé permet de produire de la vapeur à haute pression pour alimenter un moteur à
vapeur à piston, couplé à un générateur électrique. La chaleur produite par le moteur est égale-
ment utilisée pour sécher les boues entrantes. Le concept de ce procédé de traitement est basé
sur celui de la centrale électrique, dont les éléments de base ont été soigneusement transformés
pour les rendre peu coûteux pour de petites unités produites en masse.

430

Figure 18.5 : Recherche sur les lits de séchage : Dispositif de mélange pour lits de séchage non-plantés à la station d’épu-
ration de Bugolobi à Kampala, Ouganda ; Évaluation du potentiel de certaines espèces végétales à être utilisées dans des
lits plantés à Dakar, Sénégal ; Pilotes de lits plantés pour le traitement du percolat de lits de séchage à Yaoundé, Cameroun
(photos : Linda Strande).
18.5 DISPOSITIFS D’ASSAINISSEMENT AU NIVEAU DES MÉNAGES
Atteindre des niveaux de traitement élevés avec des dispositifs d’assainissement à la parcelle
est un défi difficile, compte tenu de facteurs comme le déficit en gestion technique, le besoin en
approvisionnement énergétique stable et les coûts élevés. L’initiative « Réinventons les toilettes »
(Reinvent the Toilet Challenge, RTTC) comprend plusieurs projets de recherche répondant à ce
défi. La première vague de technologies a été présentée à la foire des toilettes à Seattle en 2012
et la seconde à Delhi en mars 2014.

Parmi les technologies présentées se trouvent la carbonisation hydrothermique, une techno-


logie à micro-ondes, l’oxydation supercritique, la pyrolyse et des processus électrochimiques.
Le Research Triangle Institute (RTI) travaille sur la mise au point d’une technologie de toilettes
intégrées qui séparera les matières solides et liquides, séchera et brûlera les matières solides
via la combinaison d’énergies mécanique, solaire et thermique (principalement par gazéification
descendante), désinfectera les matières liquides et convertira l’énergie résultant de la combustion
en électricité emmagasinée (www.rti.org). Le California Institute of Technology (Caltech) met au
point un système complet de toilettes traitant les déchets humains. Alimenté de manière photo-
voltaïque, un réacteur électrochimique autonome génèrera de l’hydrogène (énergie) et de l’azote
(engrais) comme produits issus du traitement. Le processus de traitement est une oxydation à
plusieurs étapes des déchets organiques et des bactéries présentes dans les excreta. Le sys-
tème de traitement est entièrement intégré. Il comprend la désinfection des déchets sur place,
le traitement des déchets solides résiduels, l’extraction de sous-produits, la production d’hy-
drogène en tant que sous-produit du traitement des déchets, un système d’emmagasinement
431
de l’énergie solaire sur batterie, des panneaux solaires et un élément de microfiltration pour le
traitement final de l’eau avant réutilisation et recyclage.

L’université de Loughborough développe un système comprenant un réservoir d’équilibrage, des


filtres, un réacteur à pression à haute température et un séparateur de chlorure de sodium par
évaporation. Le système fonctionne en trois étapes : séparation solides-liquides, puis traitement
auto-thermique des solides qui fournira de la chaleur pour la séparation de l’eau et des sels. La
partie principale du traitement des solides et l’évaporateur seront regroupés dans un même dis-
positif en tant que modules assemblables.

Figure 18.6 : Le four pilote du projet


FaME (Faecal Management Enter-
prises) pour la cocombustion des
boues de vidange destinée à la pro-
duction de briques à Kampala, Ou-
ganda (photo : Pitman Ian Tusheme-
zibwe).
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18.6 VALORISATION
La recherche sur cette thématique comprend le projet FaME (Faecal Management Enterprises),
qui vise à identifier les marchés de grande taille pour la valorisation, dans l’objectif de procurer
des ressources financières significatives et fiables pour la réutilisation (figure 18.6). Le projet iden-
tifie des méthodes innovantes de valorisation. Il vise aussi au passage à l’échelle de l’utilisation
des boues séchées comme combustible. Les résultats du projet de recherche FaME montrent le
potentiel technique et financier prometteur des boues de vidange et comblent les lacunes pour
leur utilisation comme combustible industriel à grande échelle, notamment en ce qui concerne
leur pouvoir calorifique (Murray Muspratt et al., 2014), la demande existante (Diener et al., 2014),
la viabilité des flux financiers pour la collecte et le transport des boues, et enfin l’optimisation des
technologies de séchage (www.sandec.ch/fsm_tools).

18.7 REMARQUES FINALES


La créativité est une chose essentielle pour continuer à développer des solutions transférables et
applicables au niveau mondial pour les 2,7 milliards de personnes actuellement desservies par
des dispositifs d’assainissement à la parcelle et les milliards supplémentaires qui s’y ajouteront
dans les décennies à venir. Elle doit porter sur les trois aspects que sont la technologie, l’orga-
nisation des filières et la planification. Garder un esprit ouvert sera la clé pour développer des
solutions innovantes et optimales. Il faut apprendre les leçons du passé, sans toutefois limiter les
possibilités futures par une évaluation biaisée de ce qui a ou n’a pas fonctionné dans d’autres
432 situations. Comme l’a souligné ce chapitre, de nombreuses recherches innovantes sont actuelle-
ment menées au niveau laboratoire comme au niveau pilote et à échelle réelle.

Les informations disponibles sont de plus en plus nombreuses, qu’elles soient directement utili-
sables pour la mise en œuvre des filières ou bien encore au stade de la recherche. Les récents ef-
forts déployés dans la recherche et le renforcement des capacités aboutiront sans aucun doute à
des innovations concernant tous les aspects de la filière GBV et engendreront une nouvelle géné-
ration de scientifiques et d’ingénieurs, qui seront le moteur du changement vers des filières GBV
intégrées. Il est certain que nous vivons aujourd’hui une période passionnante et prometteuse
de grandes avancées dans le domaine de la gestion des boues de vidange, que ce soit dans la
recherche, l’éducation ou la mise en pratique. Le domaine GBV continuera d’avancer et l’on peut
espérer une prochaine édition de ce livre avec plus d’exemples de projets réussis et de filières
GBV complètes conçues et mises en place sur la base des nouvelles expériences acquises.

18.8 BIBLIOGRAPHIE
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