D - 34 Hypnocontes Solene Daoudal - 94 96

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 3

vision salvatrice est aussi le sujet d’« Écoute le cercle » : la description

d’une transe vécue de l’intérieur donne – par analogie – des repères pour
que les mêmes fonctions s’activent chez le lecteur. Le récit « Avec l’ours »,
lui, suggère un basculement cognitif progressif, qui va de l’analyse vers la
rêverie, du cerveau gauche vers le cerveau droit.
Le monde onirique est un véritable terrain d’apprentissage, de
connaissance de soi et d’évolution. À travers lui, nous sommes pour nous-
même le plus précieux et avisé des guides. Et, de la même façon qu’une
histoire hypnotique n’a pas vocation à être analysée, il n’est pas absolument
nécessaire de se souvenir ou de comprendre ses rêves pour que ceux-ci
nous aident au quotidien. Ils exercent notre créativité et encodent des
solutions possibles dans les circuits de nos neurones.
Si vous ne parvenez pas à dormir, gardez à l’esprit que le plus
important reste de rêver. Cela peut commencer un peu avant le sommeil,
en lisant une histoire, et en la laissant vous transporter.
Les antennes d’ALMA

*
* *
« Où, sur Terre, est l’endroit le plus proche du ciel ? »
Assis dans une poussière ocre, à cinq mille mètres d’altitude,
Santi se dit qu’il peut désormais cesser de chercher. Le désert
d’Atacama s’étend alentour : un paysage minéral et nu, plat comme
un drap. Ce plateau est l’une des plus hautes terres des Andes
chiliennes. Deux volcans sont ses sentinelles : Licancabur est
éteint ; Lascar, seulement endormi. Leurs silhouettes de géants se
découpent sur l’azur vaste, ouvert et limpide. Ici, on tombe des nues
en levant la tête.
Car c’est l’immensité du ciel qui attire si haut les hommes, les
photographes, les astronomes, les aventuriers et les rêveurs. Santi
est tout cela à la fois, et il remercie aujourd’hui sa bonne étoile car il
a la chance de pouvoir se joindre, pour un photoreportage, à l’équipe
de scientifiques en charge de l’observatoire ALMA.
ALMA… Cet acronyme poétique cache le projet astronomique le
plus ambitieux du monde. Si ce mot désigne l’« âme » en espagnol,
il est aussi le nom de l’essaim d’antennes blanches qui sont
disséminées sur la plaine. Ces soixante-six paraboles – régiment de
cyclopes en métal blanc – forment ensemble le plus puissant
radiotélescope jamais construit : l’Atacama Large
Millimeter/Submillimeter Array. Ces engins enregistrent les ondes
émises depuis les confins de l’univers et produisent des images
d’une intensité et d’une précision inédites.
Il faut comprendre que, dans l’espace, les objets irradient de
l’énergie sous différentes longueurs d’onde, selon leur température.
Pour capter ces fréquences intersidérales – notamment les plus
lointaines, les plus faibles ou les plus froides –, l’austère région
d’Atacama est providentielle. Son désert est le plus aride du monde
et garde les radiotélescopes à l’abri de la vapeur d’eau qui absorbe
et déforme les ondes millimétriques. ALMA est donc en mesure
d’écouter l’écho du cosmos dans le plus large des spectres, au-delà
même des infrarouges. Ses antennes enregistrent et dévoilent
l’intérieur des cocons de gaz et de poussières là où se forment les
étoiles, mais aussi les amas de galaxies qui naissent au cœur de
halos de matière noire.
Santi repère les lieux pour mieux photographier le site à la faveur
de la nuit. Le vent siffle et souffle sans discontinuer. Il avance
prudemment dans le sable et le froid, étourdi par la beauté du réel
comme par le manque d’oxygène. À son insu, il sourit. Pour lui, la
solitude dans l’immensité crée, paradoxalement, un sentiment
d’intimité : l’impression certaine et rassurante d’être chez soi sur
cette terre. Il n’a pour seule patrie que l’endroit où se posent ses
pieds.
Soudain, à l’horizon, un nuage de poussière fait un bruit de
moteur. L’équipe technique rejoint Santi comme prévu. Le
crépuscule est l’heure d’effectuer quelques réglages.
Un vieux Chrysler approche. Ava, l’ingénieure bolivienne, est
venue seule ce soir. Elle stoppe au pied d’une antenne, salue Santi
et prépare ses instruments. Elle veut bien lui expliquer comment elle
procède.

Vous aimerez peut-être aussi