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1ère PARTIE :

THEORIE GENERALE DE L’ETAT ET DE LA


CONSTITUTION

De manière traditionnelle le droit constitutionnel a pour objet l’Etat et la


Constitution.

Pourquoi ?

L’Etat et la Constitution sont tout d’abord deux concepts fondamentaux


du droit constitutionnel.

L’Etat, car en qualité d’institution en charge de l’organisation de la vie


sociale de la société politique dans son ensemble, est le 1 er sujet du droit
public. 1ere personne de droit public, il est aussi le plus important parce
qu’il dispose du pouvoir le plus important qui puisse s’exercer dans la
société politique : le pouvoir de commandement à l’égard de tous les
membres de la société politique identifié sur un territoire.

Dès lors apparaît l’importance de la Constitution : elle est la règle de


droit qui organise la façon dont ce pouvoir suprême s’exerce au sein de la
société politique.
Prosaïquement, elle définit le qui, le comment et le pourquoi du pouvoir.
Plus fondamentalement, la Constitution a pour ambition de contraindre
l’exercice du pouvoir dans des règles de droit. L’enjeu est fondamental :
le pouvoir est un phénomène de contrainte autoritaire. Bertrand de
Jouvenel : « Le pouvoir c’est le commandement »
Par essence, le pouvoir est donc dangereux: par nature il est destructeur
de liberté. Celui qui obéit voit sa liberté neutralisée….
On le voit, par nature, ce phénomène de pouvoir exercé par l’Etat sans
condition aboutit à un asservissement absolu.
C’est ici qu’intervient la Constitution : elle est une règle qui transforme la
nature de l’obéissance civile que les citoyens doivent à l’Etat.
Elle assure les conditions du consentement des citoyens au pouvoir de
l’Etat
Elle transforme l’obéissance en condition de la liberté en société.
C’est pour cela qu’elle est la condition indispensable à la démocratie.
At. 16 de la déclaration des droits….

Deux titres seront destinés à expliciter ces deux notions.

Titre 1 : L’Etat
Titre 2 : La Constitution
TITRE 1 :
LA NOTION D’ETAT

De manière classique, on peut affirmer « qu’il existe un Etat dès


lors que trois conditions sont remplies: qu’il y ait une population, un
territoire une puissance publique »1.

D’accord. Mais

Notion fondamentale du Droit public, la notion d’Etat est difficile à


appréhender.

Qu’est-ce que l’Etat : une réalité ou une fiction ?

A un premier degré :
En tant que citoyens, nous sentons la présence de l’Etat chaque
jour puisqu’il structure l’ensemble de la vie sociale. Ses organes, les
personnes publiques (politiques et administratives), organisent et
disciplinent les conduites humaines : police, justice, gouvernement,
entreprises publiques… sont autant d’institutions appartenant à l’Etat.
A un second degré :
Il est cependant difficile d’appréhender l’Etat dans sa globalité,
dans sa généralité, dans son ensemble. Si les hommes peuvent se
représenter l’Etat comme un ensemble d’organes publics, en revanche, ils
ne peuvent jamais en saisir la totalité physique.
G. Burdeau : « Personne n’a jamais vu l’Etat. Cependant qui pourrait nier
qu’il est une réalité ? (…) La réalité de l’Etat est conceptuelle. L’Etat
n’existe que parce qu’il est pensé »2.
Ici l’auteur met l’accent sur un aspect essentiel de l’Etat : L’Etat est une
IDEE qui n’a pas en soi de réalité physique. La réalité de l’Etat est
conceptuelle.

Concrètement, la notion d’Etat sert à désigner une collectivité


juridiquement organisée reposant sur un fondement sociologique qu’est
la Nation.

1
Burdeau, Hamon, Troper: p. 22.
2
G. Burdeau, L’Etat, PUF, 1967.
POURQUOI l’Etat est-il une idée ? Parce que la fonction première
de l’Etat est de transformer la nature de l’obéissance civile. Sans l’Etat,
avant l’Etat, l’organisation de l’obéissance civile s’effectue sur la base
d’un rapport de force : « Le plus fort commande au plus faible ». Ici, il
faut considérer que les rapports sociaux sont réglés par le principe du
rapport de force, de la violence dans l’ « état de nature » (état réglé par
la force). Or l’Etat permet de sortir de cet état de nature où les rapports
sociaux sont gouvernés par le principe du rapport de force, de la violence.
Avec l’Etat, au sein d’une société politique gouvernée par l’Etat,
l’obéissance des hommes est le produit d’un consentement, d’une
adhésion volontaire. « Les hommes ont inventé l’Etat, pour ne pas avoir à
obéir aux hommes » souligne encore G. Burdeau3. L’Etat donne naissance
à une forme de pouvoir qui ennoblit l’obéissance. En se soumettant à une
institution qui dérive du consentement de TOUS et qui a pour mission
d’agir au nom de tous, les hommes ont le sentiment de n’obéir à
personne. Ainsi, c’est la raison pour laquelle l’Etat répond à des formes
d’organisations politiques modernes dans lesquelles le rapport « homme /
pouvoir » est institutionnalisé par le jeu d’une représentation politique.
Avec l’Etat, les rapports sociaux sont soumis à des règles de conduites
consenties par les citoyens, de sorte que l’obéissance au pouvoir est
acceptée et voulue. Ainsi, les institutions de l’Etat exercent la domination
dans le but d’assurer de réaliser un projet politique consenti par tous.

Retenons donc cette première idée : L’Etat est un support


intellectuel du pouvoir permettant de transformer la nature de
l’obéissance civile. D’un fait brut dérivant d’un rapport de force,
l’obéissance devient avec l’Etat le produit, le résultat d’un consentement
des hommes à l’égard du pouvoir.
J. Chevallier écrit d’ailleurs : « L’Etat se présente d’abord comme une
entité abstraite, une figure symbolique , érigée en dépositaire de
l’identité sociale et en support permanent du pouvoir : l’Etat incarne le
principe d’ordre et de cohésion sur lequel repose l’existence de la
société ; c’est aussi le fondement de toute autorité, les gouvernants étant
censés décider, non pas en leur nom propre, mais en son nom »4.

3
G. Burdeau, L’Etat, op. cit.
4
J. Chevallier, l’Etat, « Connaissance du droit – droit public », dalloz, 1999, p. 2.
CHAPITRE 1
LES CONDITIONS D’EXISTENCE DE L’ETAT

Pour pouvoir exister sur le plan juridique, l’Etat doit réunir 3 éléments
Un élément humain : une société, un groupe d’individus socialement
organisé
Un élément territorial : cette société doit être fixée sur un territoire
donné
Ce sont ces deux éléments physiques, matériels, qu’il nous faut analyser
dans ce premier chapitre avant d’étudier dans une troisième section
l’élément politico-juridique. En effet au sein de cette société et sur ce
territoire doit régner un pouvoir souverain.
Un élément intellectuel : le pouvoir

3 sections :
Section 1 : Le Pouvoir ; l’élément intellectuel de l‘Etat
Section 2 : Le peuple : l’élément humain de l’Etat
Section 3 : Le territoire : l’élément physique de l’Etat
Section 1 : Le pouvoir organisé

Dire que l’Etat est un phénomène politico-juridique consiste avant tout à


souligner que l’Etat est une organisation détentrice du Pouvoir politique.
C’est lui qui détient le pouvoir, ce sont ses organes qui sont compétents
pour l’exercer. C’est pour cette raison que l’on dit que l’Etat est un
phénomène de pouvoir.

Relier l’exercice du Pouvoir politique à l’institution étatique permet aussi


de souligner que ce pouvoir ne peut se confondre avec un phénomène de
force brute. En effet, le pouvoir exercé par l’Etat est soumis au droit
parce que l’Etat est aussi un phénomène juridique.

Le pouvoir est un phénomène très complexe, qui mêle à la fois des


considérations de nature politique et des considérations de nature
juridiques. De plus, la notion de pouvoir a fait l’objet d’un grand nombre
de théorisation pour la plupart contradictoires entre-elles
(métaphysique ; philosophique).

Dans le cadre de cette section, nous allons aborder le thème de manière


schématique, en essayant de définir la notion de pouvoir dans un premier
temps (§1). Dans un second temps nous déterminerons les différentes
formes que peut revêtir le pouvoir politique (§2) avent de mette en
lumière, c’est le plus important, la nature spéciale du pouvoir exercé par
l’Etat, c’est-à-dire le pouvoir souverain (§3).

§1 : La notion de pouvoir

A- Nature du pouvoir

1/ La notion de pouvoir

1ère idée : Le pouvoir est un phénomène naturel : il est la résultante de la


nature relationnelle de l’homme, de la nécessité pour les individus de
vivre ensemble, et par la même, de la conséquence qui en découle
naturellement : organiser la vie sociale (le zoon politikon).
Ce 1er point souligné, l’émergence du phénomène « pouvoir »
nécessite une certaine organisation de cette relation entre individus. Il
s’inscrit dans une relation « inégalitaire » où un et/ou plusieurs individus
adopte(nt) un/des comportement(s) ou une/des décision(s) qui
influence(nt) la volonté d’un ou d’autres individus.
Le pouvoir est donc un phénomène d’autorité construit sur une
relation entre le commandement et l’obéissance. La notion de pouvoir ne
peut se comprendre qu’à partir du moment où une relation inégalitaire,
une relation d’autorité hiérarchique s’instaure entre différents individus.

Ce point précisé, il est donc possible de déterminer plusieurs


phénomènes de pouvoir dans une société : le pouvoir parental sur les
enfants, le pouvoir des dirigeants d’entreprises sur les salariés…

2/ Le pouvoir politique

2ème idée : Qu’est-ce que le pouvoir politique ?


Un phénomène issu d’une relation inégalitaire certains individus
désignés comme compétents (les gouvernants) pour prendre des
décisions acceptées et obéies par d’autres individus (les gouvernés)..

Le Pouvoir politique se définit comme un phénomène par le biais


duquel une minorité qui commande (les gouvernants) et une majorité qui
obéit (les gouvernés) : « l’essence du pouvoir, c’est le commandement »
(B. de Jouvenel).
Plus précisément, le pouvoir politique engage une relation
inégalitaire entre une minorité gouvernante qui commande et une
majorité de gouvernés qui elle, obéit.

C’est ici qu’il convient de préciser la nature de ce pouvoir


que l’on appelle politique.
Qu’est-ce la politique ?

R. Aron : « La politique, c’est la traduction du terme grec


Politéïa. La politique, c’est par essence ce que les grecs appelaient
le régime de la Cité, c’est-à-dire le mode d’organisation du
commandement considéré comme caractéristique du mode
d’organisation de la collectivité toute entière ». 1ère leçon des
cours professés en Sorbonne durant l’année universitaire 1957-
58 : « De la politique ».

Donc le pouvoir politique peut se définir comme le


phénomène du commandement exercé par une minorité de
gouvernants sur une majorité soumise à l’obéissance dans le but
d’assurer la bonne organisation d’une collectivité composée de
femmes et d’hommes.

C’est dans cette différenciation politique (gouvernants-gouvernés/


commandement-obéissance) que se situe la nature du pouvoir politique.
Quel que soit le régime politique exercé au sein d’un Etat, le
pouvoir c’est « la faculté conférée aux gouvernants de prendre des
décisions ayant force de contraindre, dans le but d’organiser la concorde,
la prospérité, la sécurité (extérieure et intérieure) et la liberté au sein
d’une communauté ».
S. Pierré- Caps : « Le pouvoir dont l’objet est de garantir au groupe
social son identité, sa cohérence, sa permanence » Droit constitutionnel
p. 26
M. Hauriou : « Le pouvoir est une libre énergie de la volonté qui assume
l’entreprise du gouvernement d’un groupement humain par la création de
l’ordre et du droit »
G. Burdeau : « La société politique suppose l’existence d’une conscience
commune, une conscience ordonnée autour d’un projet. Elle l’exprime
dans l’essence profonde du pouvoir qui est l’incarnation de cette énergie
qui provoque dans le groupe l’idée d’un ordre social désirable. Le pouvoir
est donc tout à la fois force et idée ».
B. de Jouvenel : « Le pouvoir est un corps permanent auquel on a
l’habitude d’obéir, qui a les moyens matériels de contraindre et qui est
soutenu par l’opinion qu’on a de sa force, la croyance dans son droit de
commander, et l’espoir que l’on met dans sa bienfaisance : Force,
légitimité, bienfaisance sont les trois propriétés du pouvoir ».
« L’activité constructive, consolidatrice et conservatrice d’agrégats
humains » (De la souveraineté)

L’Etat est donc l’institution juridique, la personne morale


dont la fonction est d’exercer ce pouvoir politique dans le but
d’assurer la bonne organisation, la protection, la concorde, la
prospérité d’un groupe social déterminé.

B- La légitimité politique

1/ Définition :

Mais comment expliquer l’obéissance d’une majorité à une


minorité : comment expliquer le mystère de l’obéissance civile ?
Parce que les hommes sont habitués à obéir, ils sont éduqués pour
ça : Etienne de La Boétie : Discours sur la servitude volontaire ? 1548 (il
a 18 ans…) Un pamphlet contre le pouvoir des gouvernants. Traité du
« Contr’un » (contre le prince), du contre le gouvernement d’un seul… Il
veut réveiller les consciences contre l’abus du pouvoir. Les hommes sont
habitués à la sujétion : « Les hommes nés sous le joug, puis nourris et
élevés dans la servitude, sans regarder plus avant, se contentent de vivre
comme ils sont nés et ne pensent point avoir d’autres biens ni d’autres
droits que ceux qu’ils ont trouvés ; ils prennent pour leur état de nature
l’état de leur naissance ».

Plus loin que l’habitude d’obéir, dans les sociétés modernes les
individus accepteront l’obéissance à une condition : au motif que le
pouvoir sert leurs intérêts et le bien de tous….

Les individus vont donc accepter de se soumettre à un pouvoir


politique à la condition que les gouvernants chargés de l’exercer
prennent des décisions au nom de tous, et pour le compte de tous.
Par voie de conséquence, la clé de la construction moderne du lien
entre le commandement et l’obéissance, c’est le consentement des
gouvernés à l’obéissance, l’acceptation de l’obéissance au motif soit
qu’elle protège soit qu’elle libère (Hobbes).
Pour que cette relation inégalitaire soit acceptée par les
gouvernés, les gouvernants doivent mettre en œuvre des décisions qui
convergent vers la réalisation d’un bien commun défini par la collectivité
politique (politique venant de polis, la cité). Cette condition est
essentielle. C’est elle qui explique « le mystère de l’obéissance civile »
d’une majorité à une minorité gouvernante.

En effet, c’est le consentement des citoyens qui confère au


pouvoir sa légitimité. Ainsi, le pouvoir n’est pas un phénomène de pure
contrainte, un pur phénomène de rapport de force des plus forts sur les
plus faibles.
C’est ici que l’obéissance se trouve ennoblit par l’Etat car en son
sein les gouvernés, en obéissant à des gouvernants, ne font en réalité
qu’obéir à eux même puisque les gouvernants représentent et relaient la
volonté des gouvernés. Comme l’écrivait Rousseau, dans son ouvrage Du
contrat social, l’Etat réalise le contrat social, c’est à-dire une association
politique où « tous n’obéissant qu’à lui-même, n’obéit finalement à
personne »

2/ La typologie des légitimités

La domination traditionnelle : Par exemple, la croyance dans le


respect de coutumes et de traditions. Ici la justification du pouvoir
personnalisé repose sur le respect d’une conduite du pouvoir respectant
les coutumes… Les individus acceptent d’obéir à des décisions qui
reposent sur la tradition, la coutume, la croyance. On dit alors que le
pouvoir repose sur une légitimité traditionnelle.

La domination charismatique : Par exemple, la croyance en l’autorité


d’un homme providentiel. Ici les individus accepteront d’obéir à des
décisions qui émanent d’une personne jouissant d’une autorité naturelle,
d’un charisme, sur le groupe. On dit alors que le pouvoir repose sur une
légitimité charismatique : Le mode de domination charismatique
correspond à un système de pouvoir fondé sur le prestige d’une personne
(le sauveur de la nation). Par exemple, de Gaulle avait-on coutume de dire
puisait son autorité dans ce type de légitimité.

La domination légale rationnelle : la domination repose sur le droit :


la règle légale dont l’autorité est construite en raison. Ici, les individus
acceptent d’obéir à des décisions qui prennent la forme de règles de droit
établies par des organes représentatifs de la volonté du groupe : la
Constitution, la loi….

C’est elle qui permet l’institutionnalisation du pouvoir par le droit et la


détermination juridique de ces expressions. Cette notion de
consentement est essentielle dans l’exercice du pouvoir. C’est elle qui
ordonne les notions de pouvoir, autorité, force, puissance, violence….
Sont des manifestations possibles du pouvoir…

a- Le pouvoir et l’autorité : l’essence du commandement


Le pouvoir, c’est la faculté de décider pour le destin de la
collectivité dans son ensemble (pouvoir politique).
Mais en pratique, au sein de l’Etat, le pouvoir ne s’exerce pas
de manière « brute » directe. Le commandement s’exerce dans le
cadre d’une détermination juridique. Cela veut dire que le pouvoir
de commandement s’exerce dans le cadre de compétences
(facultés d’agir) déterminées par le droit. Les règles disent qui
peut exercer le pouvoir, dans quelles formes et surtout dans quels
buts. C’est l’objet des règles constitutionnelles d’établir la
détermination juridique de l’exercice du pouvoir. Lorsque le
pouvoir politique s’exerce dans le cadre d’une détermination
juridique, constitutionnelle, on dit qu’il est une autorité publique.
Cela signifie alors que le pouvoir n’est plus la manifestation
d’un rapport de force brut, naturel où le plus fort gagne.
L’autorité signifie que le pouvoir répond à un phénomène
rationnel et non naturel. Elle renvoie à cette idée de l’organisation
de la Cité grecque où le pouvoir est un phénomène de raison. Ainsi
il peut libérer et non opprimer.

b- La force, la puissance, la violence : les manifestations du


commandement
Le pouvoir politique possède seul la faculté de contraindre
physiquement les individus qui ne respectent pas les règles de
droit (prescriptives et physiquement sanctionnées). Ici le pouvoir
exprime la force publique : un phénomène de contrainte exercé
dans l’intérêt de la collectivité contre ceux qui ne respectent les
prescriptions (les règles de droit) nécessaires à sa bonne
organisation.
C’est ici l’usage de la force, de la force publique.
Cette force elle-même est susceptible de plusieurs degrés :
c’est ce que l’on nomme la puissance publique.
Dans ses moyens, la force s’exerce soit par le fait d’une
action (une intervention des forces de police…) soit par le fait de
normes, c’est-à-dire par l’intermédiaire de l’diction d’une règle de
droit : une loi, un acte administratif, une décision de justice).
Dans ses finalités : la force peut aller de la simple
recommandation à la sanction physique ultime, la sanction pénale
générant une privation de liberté).

Nota : C’est l’exercice légitime du pouvoir qui distingue la


force de la violence (J. Freund). La contrainte sans consentement. Une
violence privée mais aussi une violence publique : l’arbitraire.
§2- Les formes du pouvoir politique

En effet, d’un point de vue théorique le pouvoir politique peut revêtir 2


formes : le pouvoir peut être personnalisé où institutionnalisé.
Il est important de les retracer car l’Etat moderne répond à une forme
spécifique de pouvoir : le pouvoir institutionnalisé.
Mais pour comprendre ces notions de pouvoir personnalisé et de pouvoir
institutionnalisé, il est nécessaire de s’appuyer sur une théorie politique
de la domination développée par un grand sociologue allemand M.
Weber5.

A/ Le pouvoir personnalisé et le pouvoir institutionnalisé

1/ Le pouvoir personnalisé :

On appelle « personnalisé » la forme de pouvoir au sein de laquelle


existe une confusion de sa source et de son exercice entre les mains
d’une seule et même autorité politique.
C’est par exemple le cas de la monarchie de droit divin. Dans ce système
le roi puise son pouvoir dans la légitimité divine d’où il tire la justification
de son autorité. Au nom de sa qualité de « Lieutenant de Dieu » sur terre,
il s’arroge également une compétence générale dans l’exercice du
pouvoir. A ce titre sa volonté fait loi. Il concentre le monopole de
l’édiction normative. C’est lui qui crée le droit. Il est la première source
normative de l’Etat.

2/ Le pouvoir institutionnalisé :

On appelle « institutionnalisée » la forme de pouvoir au sein de


laquelle il existe une distinction entre sa source et son exercice. Dans
cette forme de pouvoir, le titulaire du pouvoir est différent de l’autorité
ou des autorités compétentes pour l’exercer.
S. Pierré-Caps : « D’un point de vue juridique, on peut considérer que
l’Etat apparaît lorsque le pouvoir politique s’institutionnalise, c’est-à-dire
lorsqu’il se détache de la personne même de son titulaire » Droit
constitutionnel, p. 14.
Ce pouvoir s’exprime par des règles de droit. Expression d’une règle
consentie et non de la force. La décision émane de règle de droit.
Ex : Ediction de la loi (a. 34/ 45 C. 58)

5
Membre de la délégation allemande qui signe le traité de Versailles en 1919, Weber
participe aussi à la commission chargée de rédiger la Constitution de la République de
Weimar. Mort à 56 ans des suites d'une pneumonie, il laisse une œuvre théorique
considérable, dont font partie l'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme (1904-
1905 ; réédité en 1920), Sociologie de la religion (1920) et Économie et société
(posthume, 1922). Deux importantes conférences, « la Science, profession et vocation »
(1917) et « la Politique, profession et vocation » (1919), exposent la problématique dont
est issu l'ensemble de cette œuvre.
Cette institutionnalisation implique un certain nombre de
conséquences éminemment importantes :

B/ Les fonctions du pouvoir institutionnalisé :

Avec le pouvoir institutionnalisé :

1/ La permanence de l’Etat

L’Etat a une permanence. En effet les représentants exercent une


compétence dont ils ne sont pas propriétaires : « les gouvernants passent,
mais l’Etat reste ! ». Le pouvoir est aussi dit Institutionnalisé aussi car ici
le pouvoir n’appartient à personne. Le pouvoir n’est pas une propriété
puisqu’il appartient à tous, mais simplement une fonction. En ce sens,
l’Etat est le cadre d’organisation du pouvoir car il se compose des
organes qui mettent en œuvre le pouvoir dans le cadre de compétences
définies par le droit au nom de la société qu’ils représentent et dont ils
expriment la volonté politique.

L’Etat a une volonté politique propre. Les décisions de l’Etat ne


sont pas les décisions personnelles des gouvernants. Ce sont les décisions
prises par des autorités politiques dont les compétences sont définies par
des règles de droit (cf. pouvoir/autorité). Cette forme de pouvoir renvoie
dès lors à un mode domination légale rationnelle, c’est à dire à un mode
d’autorité qui s’exerce par la loi et non plus par le charisme, la coutume
ou la tradition. En effet, si les représentants exercent le pouvoir au nom
et pour le compte de l’ensemble de la collectivité politique (la nation), ils
mettent en œuvre leur autorité par des normes. C’est par le biais de
règles de droit que les représentants manifestent leur volonté politique.
Cette norme est essentiellement la loi qui exprime la volonté majoritaire
de l’ensemble de la communauté politique.

2/ La rationalisation du pouvoir de l’Etat

Le pouvoir institutionnalisé répond à un mode de domination


légale-rationnelle. L’obéissance aux décisions politique se manifeste
par le respect du droit. Les hommes obéissent à des lois produites par
l’Etat.
Cette forme de pouvoir est particulièrement bien adaptée au
système démocratique dans le cadre duquel la source du pouvoir
appartient au peuple.
En effet, en démocratie la source du pouvoir se trouve dans la
communauté politique dans son ensemble ; elle est identifiée dans les
notions de peuple et de nation. Mais l’ensemble de la communauté
politique ne peut exercer elle-même se pouvoir. Il y a là une impossibilité
physique et une impossibilité théorique.
L’impossibilité physique est que l’ensemble du peuple ne peut se
retrouver comme dans l’Antiquité les citoyens (agora) pour discuter et
délibérer des affaires publiques.
L’impossibilité théorique est qu’en démocratie, la décision majoritaire
n’est pas qu’une simple addition des opinions individuelles. Elle est
quelque chose de plus qui se détache et transcende les décisions
individuelles.

Dès lors le peuple est dans l’obligation de déléguer son pouvoir à des
représentants afin que ces derniers l’exercent au nom et pour le compte
de l’ensemble de la communauté politique. C’est par le biais de la
représentation démocratique que les représentants puisent leur
légitimité. Sur le fondement de cette légitimité, ils prennent des décisions
qui sont des règles de droit –essentiellement la loi- respectées par tous
pour 2 raisons.

Organiquement c’est l’acte qui émane de l’organe politique qui


représente la nation : le Parlement
Matériellement la loi est l’acte qui exprime la volonté générale.

C’est pour cette raison que tous les types de pouvoir démocratique
moderne répondent aux critères du pouvoir institutionnalisé assis sur une
légitimité légale rationnelle.

Mais attention : Néanmoins, ces différents types de légitimité ne


sont pas exclusifs les uns des autres. Ils peuvent se conjuguer. Par
exemple pour reprendre le cas de la légitimité gaullienne elle s’exerçait
dans le cadre d’un système de pouvoir dit institutionnalisé.

§3 : La notion de pouvoir souverain

A/ Définition du pouvoir souverain


B/ Evolution de la notion

A- Définition du pouvoir souverain

1/ Les caractères de la souveraineté

Pour comprendre la notion de souveraineté, il faut partir de


l’observation de la nation en tant que société globale. Au sein de cette
société globale et sur un territoire donné, existent en effet une multitude
de sous-groupes (des sociétés englobées). Par voie de conséquences,
existent au sein des sociétés englobées une multitude de pouvoirs,
d’autorités, de puissances.

Par exemple, et comme on l’a souligné plus haut, la famille,


l’entreprise sont des sociétés englobées dans lesquelles s’exercent une
forme de pouvoir.
Cependant, il convient de dire que la souveraineté est certes une forme
de pouvoir mais qu’elle se distingue radicalement de toutes celles qui
existent dans une société donnée. Pour comprendre cette distinction, il
est nécessaire de mettre en valeur les caractères propres à la
souveraineté étatique. En effet la souveraineté possède des
caractéristiques qui ne sont détenues que par elle, et par la même qui la
distingue nettement.

La souveraineté est une puissance suprême : la SUPREMATIE est sa


première caractéristique. En termes simples, la souveraineté se définit
comme un pouvoir à l’égard duquel tous les autres pouvoirs sont
subordonnés. Il s’agit d’un pouvoir qui ne connaît aucun concurrent ou
égal.

La souveraineté est une puissance ABSOLUE ET


INCONDITIONNELLE, c’est-à-dire qu’elle ne connaît aucune limitation
par aucun autre pouvoir existant soit à l’intérieur de l’Etat, soit d’un
autre Etat au plan international. A l’extérieur, le souverain n’est limité
que par les pactes qu’il consent dépasser avec d’autres puissances
souveraines

La souveraineté est une puissance de COMMANDEMENT PUBLIQUE,


c’est-à-dire à l’inverse de la puissance de commandement privée, d’être la
plus grande puissance de commander, c’est-à-dire la puissance
s’imposant à tous. Cela veut dire aussi une puissance laïque. En effet, la
notion de souveraineté ainsi conçue date de 1576. Or on se situe 4 ans
après la nuit des 23 et 24 août 1572, c’est-à-dire de la nuit de la Saint
Barthélémy. La monarchie française était sortie affaiblie de cette lutte
entre les catholiques et les protestants. Le fondement religieux de l’Etat
affaiblissait ce dernier. Il devenait donc urgent de construite une notion
qui permettrait de donner à l’Etat sa puissance tout en étant le déliant de
sa traditionnelle référence religieuse.

La souveraineté est une puissance PERPETUELLE, c’est-à-dire qu’elle


est illimitée dans le temps et s’applique de façon continue au-dessus
même des titulaires des charges de souverainetés. Les officiers de la
puissance publique passent, la souveraineté reste.

A la lumière de ces caractères, il est possible de définir la souveraineté


comme « la compétence de la compétence ».
HAENEL (A.) : « La souveraineté est ainsi la puissance juridique de
l’Etat sur ces compétences »6
BÖHLAU (H.) : « La souveraineté est la Competenz – competenz,
c’est-à-dire le droit d’un être de déterminer librement sa compétence »7

6
Studien zum deutschen Staatrecht, 1863.
7
Erörterum zum art. 78 der Verfassung de Nord Deutschen Bundes (1869).
JELLINEK : « La souveraineté consiste dans la qualité spéciale que
revêt la puissance de l’Etat, lorsque celle-ci est exclusivement maîtresse
de déterminer elle-même comme aussi de se lier juridiquement ». De
même « La souveraineté est la capacité exclusive de déterminer l’étendue
de son propre ordre juridique »8.
KELSEN (H.) : « La souveraineté serait la propriété d’un ordre
juridique d’être un ordre suprême, un ordre qui ne doit pas sa validité à
un ordre supérieur. Est souverain l’ordre dont la norme fondamentale
n’appartient à aucun ordre, à aucun système de règles positives,
autrement dit à un principe de validité qui ne lui est commun avec
aucune autre règle parce qu’elle n’a pas été créée, posée, conformément
aux prescriptions d’une norme quelconque »9.

Ce sont pour ces différentes raisons que « La souveraineté est le


signe distinctif de l’Etat » souligne E. Zoller. En effet, seul l’Etat possède
la souveraineté. Lui seul possède un tel pouvoir, le pouvoir auxquelles
aucunes autres puissances ne résistent

2/ Souveraineté interne et souveraineté externe

J. Laferrière : « Cette souveraineté en quoi consiste la puissance de


l’Etat (…) a un double aspect : la souveraineté externe, c’est-à-dire
l’absence de subordination vis-à-vis des gouvernements étrangers…et la
souveraineté interne, consistant en ce que par rapport aux groupements
ou aux individus établis sur son territoire, l’Etat possède une autorité
libre qu’aucune autre puissance ne restreint ou conditionne ».

La souveraineté interne : elle signifie que sur un territoire


donné et au sein d’une nation donnée le pouvoir de l’Etat s’impose à tous
les individus, tous les groupes, toutes les collectivités et que pour ce
faire, il dispose du monopole de la force légale. Par voie de conséquence,
au sein de la nation, aucun autre pouvoir ou autorité ne peut restreindre
ou conditionner le pouvoir d’Etat.
Des nuances: groupes de pression (contre-pouvoirs…).

La souveraineté externe : elle signifie qu’au plan


international l’Etat ne peut être soumis à n’importe quel autre pouvoir.
Ce principe implique un grand principe du droit international public :
celui de l’égalité entre les Etats. Il s’agit là d’un postulat largement
théorique.
En pratique, une inégalité en fonction de la puissance des Etats : Etats-
Unis…

B- L’évolution du pouvoir souverain

1/ L’origine monarchique de la souveraineté


8
L’Etat moderne et son droit, Giard, II.
9
« Aperçu d’une théorie générale de l’Etat », R.D.Publ. 1926.
La naissance de la souveraineté : La souveraineté est une notion
purement française qui n’a pas d’équivalent dans les autres langues. Il
s’agit pour G. Jellinek d’une notion qui s’explique par des raisons propres
à l’histoire de la France. « La souveraineté, écrit Jellinek, est un
instrument, une arme intellectuelle forgée par la royauté française pour
les besoins de la lutte du roi français avec l’Empereur, le Pape, et les
seigneurs.
Dans un premier temps, la souveraineté était une arme permettant
au roi de France d’asseoir son indépendance au plan externe à l’égard de
l’Empire germanique dont l’Empereur avait des prétentions sur le
territoire français, ainsi qu’à l’égard du Pape qui réclamait un droit de
tutelle sur le pouvoir du roi de France.
Dans un second temps, la souveraineté était une arme visant à
donner au roi de France une autorité politique supérieure à celle des
seigneurs.

Cependant la notion moderne de souveraineté n’apparaît qu’au 16 ème


siècle. Elle est théorisée par J. Bodin dans son ouvrage Les six livres de la
République. (1576)
« La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une
république, c’est-à-dire la plus grande puissance de commander. Celui
qui est souverain ne reconnaît rien de plus grand que soi après Dieu » :
L.1, ch. 6. « De la souveraineté ».
Ainsi définie, la souveraineté devient une vraie arme de guerre données
aux Princes pour asseoir le pouvoir royal. Elle est le point de départ de
l’avènement de l’Etat moderne et de l’Etat absolutiste.

Il s’agit d’une notion qui va prospérer dans la période moderne car il


existe indéniablement un lien entre l’affirmation de l’individu et le
développement de la souveraineté.

2/ L’adaptation révolutionnaire de la souveraineté

Le transfert du titulaire de la souveraineté

La permanence des caractères de la souveraineté

La souveraineté a un double caractère. La souveraineté est une


puissance, mais c’est aussi et surtout une compétence.

La souveraineté est une puissance : Elle renvoie aux caractères


originaux de la souveraineté : dans ses origines souveraineté renvoie au
latin médiéval superanus qui renvoie à suprématie de la puissance moins
qu’à la puissance suprême.
Puissance car l’Etat possède ici un pouvoir supérieur à toutes collectivités
publiques secondaires qu’il inclut nécessairement : « souveraineté
désigne ici une puissance suprême prise dans son aspect positif,
comportant le pouvoir de briser les résistances des sujets et des rivaux
potentiels (…) : J. Combacau, Pas une puissance, une liberté : la
souveraineté internationale de l’Etat, Revue « Pouvoirs » n° 67, La
souveraineté, 1993, p. 47 et s.
Puissance car l’Etat est délié de toute autorité légale supérieure à lui.
Dans cette conception, rien n’est supérieur au pouvoir de l’Etat.
Cette conception de la souveraineté s’adapte parfaitement au principe de
la souveraineté nationale. En effet, au regard des fonctions de la nation,
celle-ci permet de construire un pouvoir uniforme, centralisé au nom
d’une idée. Or cette idée est réalisée par l’Etat, les représentants, qui
possède pour ce faire un pouvoir suprême. Dans le prolongement de cette
idée, la souveraineté puissance justifiait la puissance absolue de la loi, au
nom de son expression de la volonté générale.

Mais la souveraineté est aussi une série de compétences


juridiques : Si la souveraineté est une puissance, il n’en demeure pas
moins que juridiquement elle ne peut s’appréhender que par le biais de
compétences. En effet, c’est le droit, de la Constitution essentiellement,
qui définit ce que recouvre la notion de souveraineté, quelles sont les
compétences spécifiques des organes étatiques, gouvernement et
parlement essentiellement, mais aussi les juridictions.

Cette détermination juridique de la puissance souveraine par la


Constitution a des conséquences très importantes. La Constitution peut
autoriser les organes étatiques à limiter son pouvoir souverain, voire
transférer un certain nombre de ses compétences.

Les Constitutions des Etats modernes prévoient d’ailleurs cela. Par ex. les
articles 53 et 54 de la Constitution française. Dans le cadre de cette
compétence définit par la Constitution, l’Etat peut fort bien contracter au
plan international des Traités par lesquels il transfère un certain nombre
de compétences appartenant à sa souveraineté. Une telle approche est
interdite par la conception de la souveraineté puissance qui considère la
souveraineté comme une puissance indivisible. Ici soit l’Etat est
souverain et en possède le monopole absolu, soit il la délègue, et n’existe
plus. Rien de tel dans la conception de la souveraineté compétence : ici
au nom de sa compétence suprême, l’Etat peut librement déléguer un
certain nombre de ses compétences souveraine à des organisations
internationales, sans cesser d’exister.

Au nom de ce principe selon lequel la souveraineté est une compétence


de l’Etat constitutionnellement déterminé, le Conseil constitutionnel est
venu consacrer cette idée dans sa jurisprudence.

Par exemple, dans sa décision 188 DC du 22 mai 1985 « Protocole


n°6 » il définit la souveraineté comme un ensemble de compétences.
« Considérant que cet engagement international n’est pas
incompatible avec le devoir pour l’Etat d’assurer le respect des
institutions de la République, la continuité de la vie de la nation et la
garantie des droits et libertés des citoyens ».
Sans violer ces principes, l’Etat peut déléguer un certain nombre de ses
prérogatives souveraines, surtout lorsque l’engagement international
répond lui-même à encourager le renforcement d’une condition de la
souveraineté nationale :
Ainsi la construction de l’Europe est un processus dirigé vers la garantie
des droits, vers la continuité de la vie de la nation puisqu’elle est un
processus qui protège cette dernière des guerres…
Au nom de cette conception : délégation possible de compétences aux
institutions européennes : Traité de Maastricht (déc. n° 308 DC du 9 avril
1992), Traité d’Amsterdam déc. n° 394 DC.
Néanmoins une limite : révision nécessaire de la Constitution
lorsque son atteinte des prérogatives essentielles. Art. 54 C58 on le voie
est une conciliation incertaine de deux conceptions de la souveraineté qui
ne concorde pas forcément…

Section 2: le peuple : l’Elément humain de l’Etat

Nous analyserons d’abord la définition (§1), les différentes


conceptions de la population ensuite (§2), et les fonctions de la population
enfin (§3).

§ 1: définition

C’est une évidence. Il ne peut y avoir d’Etat sans population. Il existe un


lien réciproque entre la population et l’Etat :

Cependant, pour qu’il y ait Etat, la population de l’Etat doit être plus
qu’une simple addition de particuliers. La population de l’Etat existe
lorsque le groupe humain est composé de femmes et d’hommes qui se
sentent unis par un objectif politique commun. De sorte que l’on peut dire
que les individus qui composent la population de l’Etat sont fédérés par
des valeurs politiques partagées, un consensus les principes fondateurs
de la société politique.
Concrètement, une idée doit présider aux réponses à ces différentes
questions: pourquoi sommes-nous ensemble ?; que faisons-nous ensemble
?; que voulons-nous ensemble ?; quelles sont les buts que nous voulons
réaliser ensemble ?

C’est cette idée qui a permis de finalement distinguer la population,


considérée comme un agrégat de femmes et d’hommes de la Nation.
La Nation désigne une population composée d’individus réunis par le
partage d’une même conception des buts d’une société politique. Elle
désigne alors une forme de communauté supérieure, construite sur le
partage de valeurs communes.
La nation : un groupe d’individus dont les membres sont liés les uns aux
autres par différents liens matériels ou spirituels : « La nation est une
communauté humaine composée de citoyens manifestant la volonté de
vivre ensemble dans le but de réaliser un projet politique commun ».

C’est une communauté spirituelle selon l’expression d’Hauriou parce que


la nation se définit comme un groupe fédéré par une idée de ce que doit
être la communauté.
C’est une notion qui « trouve son origine dans un sentiment attaché aux
fibres les plus intimes de notre être: le sentiment d’une solidarité qui unit
les individus dans leur volonté de vivre ensemble »10.

Elle est « la représentation que se font les hommes du but social »11 Par
exemple, dans les sociétés démocratiques modernes, la réalisation de la
liberté politique notamment par le plus grands respect possible des droits
de l’homme :c’est l’idée qui fédère une simple population en nation dans
une société démocratique.

§ 2 : Les différentes conceptions de la population

Deux conceptions de la nation se sont distinguées dans la culture


européenne. Elles sont souvent comparées, mais attention !
Elles ont été théorisée par deux auteurs qui se répondent à plus de
cinquante ans de distance : J.-G. Fichte écrit alors que l’Allemagne est
occupée par les armées napoléonienne ; E. Renan lui, écrit au lendemain
de la défaite française à Sedan contre la Prusse. Il s’agit de deux théories
qui poursuivent un même but : le redressement de la nation allemande
pour le premier, celui de la nation française pour le second.

A/ La conception allemande:

C’est la conception dite « objective » développée par Fichte. Dans ses


« Discours à la nation allemande » (1807-1808), Fichte développe un
projet de redressement de la nation occupée et soumise aux armées
napoléoniennes, et à la reconstitution de son identité politique, en
l’invitant à puiser dans sa spécificité culturelle vis-à-vis de la France, à la
lumière de critères objectifs : la langue, l’ethnie, la religion.
Il s’agit donc d’un projet défensif : défendre l’identité de la nation
allemande face à la volonté de la France de lui imposer les valeurs issues
de la Révolution de 1789.

Dans ce projet, Fichte sollicite aussi l’Etat qui est l’institution qui doit
réaliser cet objectif.

De cette théorie découlent plusieurs conséquences

10
Burdeau, Hamon, Troper: p. 25.
11
Burdeau, Hamon, Troper: p. 25.
Cette théorie de la nation est dite objective car ici, ce sont des critères
qui ne relèvent pas de la volonté subjective des femmes et des hommes
qui décident de leur appartenance à une communauté politique plutôt
qu’à une autre. Ce sont en réalité des caractères qui s’imposent à eux, et
qui les rattachent indépendamment de leur volonté à une communauté
nationale plutôt qu’une autre.
Ici ce sont c’est la langue, l’ethnie, ou la religion qui constituent les
éléments de détermination de l’appartenance de l’individu à une
communauté, donc des critères d’appartenance qui s’imposent aux
individus.
Dès lors à l’inverse de la conception subjective, ici ce n’est pas l’individu
qui fait l’Etat mais l’inverse. L’appartenance d’un individu à une nation et
donc un Etat ne répond pas à une démarche rationnelle, individuelle. Elle
est la conséquence nécessaire d’un « déterminisme national », d’objectifs
dont l’individu, nécessairement n’est pas le maître.

Cette conception de la nation se construit sur une contestation de


l’individualisme abstrait hérité de la Déclaration des droits de l’homme
du 26 août 1789. Plus précisément elle implique une interrogation sur ce
qui fonde le sentiment d’appartenance à une nation. Un auteur ici
HERDER (1744-1803)12. Face à l’homme abstrait et à l’ « universalité » de
la Déclaration de 1789, HERDER oppose un homme concret et
particularisé par sa propre culture
La nation ou le peuple (Volk), c’est d’abord un individu collectif, un
organisme naturel qui se singularise par sa culture et sa langue.
Ici une nation doit donc posséder une « langue nationale ».
FUSTEL DE COULANGES (1830-1889) rejette les critères objectifs de la
langue et de la race développé à la même époque par MOMMSEN.

C’est dans ce contexte que naît la conception subjective de RENAN

La conception française:

C’est la conception dite « subjective » développée par E. Renan dans une


conférence donnée en Sorbonne le 11 mars 1882 : Qu’est-ce que la
nation ?.
Dans cette conférence, E. Renan (1823-1892) passe en revue tous les
critères dits objectifs soulevé par la conception allemande et les réfute un
à un.
La Nation et le droit national, sur quel critère le fonder se demande
Renan.

Sur la race ? Or reprenant l’histoire des différentes populations


d’Europe, Renan relève : « La considération ethnographique n’a donc été
pour rien dans la constitution des nations modernes. La France est
celtique, ibérique, germanique. L’Allemagne est germanique, celtique et
slave. L’Italie est le pays où l’ethnographie est la plus embarrassée.

12
Idées pour la philosophie de l’histoire de l’humanité, 1774.
Gaulois, Etrusques, Pélasges, Grecs, sans parler de bien d’autres
éléments, s’y croisent dans un indéchiffrable mélange. Les îles
britanniques, dans leur ensemble offrent un mélange de sang celtique et
romain dont les proportions sont singulièrement difficiles à définir.
La vérité est qu’il n’y a pas de race pure, et que faire reposer la politique
sur l’analyse ethnographique, c’est la faire porter sur une chimère ».
La langue ? « La langue invite à se réunir ; elle n’y force pas. Les Etats-
Unis et l’Angleterre, l’Amérique espagnole et l’Espagne parlent la même
langue et ne forment pas une même nation. Au contraire la Suisse, si bien
faite, puisqu’elle a été faite par l’assentiment de ses différentes parties,
compte trois ou quatre langues. Il y a dans l’homme quelque chose de
supérieur à la langue : c’est la volonté. (…). L’importance politique qu’on
attache aux langues vient de ce qu’on les regarde comme des signes de
races. Rien de plus faux. (…). Cette considération exclusive de la langue
( …) à ses dangers, ses inconvénients. (…). On quitte le grand air qu’on
respire dans le vaste champ de l’humanité pour s’enfermer dans des
inconvénients de patriotes. Rien de plus mauvais pour l’esprit ; rien de
plus fâcheux pour la civilisation ».
La religion ? La encore sur les mêmes arguments Renan répond : « La
religion ne saurait non plus offrir une base suffisante à l’établissement
d’une nationalité moderne » au regard de l’histoire mais aussi de la
modernité puisqu’ aujourd’hui constate-t-il « chacun croit et pratique à sa
guise, ce qu’il peut, comme il veut. Il n’y a plus de religion d’Etat ».

Et Renan de poser sa définition de la nation :


« La nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses, qui à vrai
dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une
est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en
commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel,
le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage
que l’on a reçu indivis. L’homme, messieurs, ne s’improvise pas. La
nation, comme l’individu, est l’aboutissement d’un long passé d’efforts,
de sacrifices, de dévouements. (…). Dans le passé, un héritage de gloire
et de regrets à partager, dans l’avenir un même programme à réaliser.
(…).
Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment
des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’in est disposé à faire. Elle
suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait
tangible : le consentement, le désir d’être clairement exprimé de
continuer la vie commune. L’existence d’une nation est (pardonnez-moi
cette métaphore), un plébiscite de tous les jours ».

Subjective car ici c’est par la volonté de vivre ensemble (le plébiscite)
manifestée par les individus du groupe que s’exprime l’idée partagée la
communauté politique. Elle est l’attachement à un passé, une
représentation commune et majoritairement accepté du futur. C’est le
partage d’un même destin qui fait la nation. Dans cette conception, c’est
donc l’individu et sa volonté éclairée de Raison, au-delà de ses
déterminismes historiques, culturels, religieux ou ethnique qui décident
de son appartenance à une nation plutôt qu’une autre.
La Nation est une entité qui rassemble tous les individus qui partage une
même idée, un même destin. La nation est la manifestation d’une
démarche individuelle, rationnelle, et volontaire.
Cette vision a été exaltée par les philosophes et les historiens :
Michelet : « La nation n’est plus une collection d’être divers. C’est un
être organisé, bien plus, une personne morale, un mystère admirable où
éclate la grandeur de la France ».
Malraux : « La nation, c’est une communauté de rêve ».

En tout état de cause, il convient de souligner que RENAN « donne un


souffle nouveau à ce débat sur la nation »13.
En évoquant l’idée « d’un plébiscite de tous les jours », RENAN énonce
qu’une nation est dotée d’une conscience nationale.
Elle implique l’idée d’un libre consentement des populations au pouvoir.

Par voie de conséquence, ce critère volontariste va dynamiser le principe


du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Entre 1919 et 1945,
d’ailleurs, on assistera à une mutation du principe des nationalités en
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Cette mutation d’ailleurs va susciter un débat :


Existe-t-il ou non une synonymie entre droit des peuples et nationalités ?
Pour certains, oui.
Pour d’autres, non. G. SCELLE considère ici que le principe des
nationalités repose sur une solidarité naturelle de nature déterministe
(conception objective) ; à l’inverse le droit des peuples repose sur une
nature consensuelle et volontaire. D’un point de vue plus juridique, le
droit des peuples reposerait su le principe constitutionnel de la liberté
individuelle (conception subjective).
Pour S. PIERRE-CAPS : le droit des peuples a reçu une reconnaissance
juridique mondiale dans la Déclaration universelle des droits de l’homme
du 10 décembre 1948 (et non le droit des nationalités cantonné quant à
lui à l’Europe).

§ 3 : Fonctions de la population nationale pour l’Etat

La nation répond à une double fonction pour l’Etat.

- Une fonction sociologique : Parce que l’Etat est une idée, une fiction
intellectuelle, la nation remplit pour l’Etat une fonction essentielle : la
nation donne à l’Etat une consistance matérielle. En s’assimilant à une
nation il devient une réalité tangible. La nation, communauté réelle de
femmes et d’hommes donne une consistance charnelle àl’Etat, qui n’est
en soi qu’une fiction, une prensée, une idée.

13
S. PIERRE-CAPS : Droit constitutionnel, op.cit.
De la sorte, l’Etat incarne la permanence, l’unité, la cohésion de la
nation : « il en constitue l’ordre et la cohésion » : De cette idée découle le
principe nécessaire de l’indivisibilité de la souveraineté nationale

- Une fonction politique :


il est la puissance politique de la nation ; c’est lui qui réalise le projet
partagé. De cette idée découle que c’est la loi de l’Etat qui réalise la
volonté générale. Une puissance législative qui s’exprime dans le respect
de la Constitution : la nation légitime le pouvoir de l’Etat, mais aussi, il le
limite.
Ainsi, la nation offre donc à l’Etat sa légitimité politique, c’est-à-dire sa
justification démocratique. La nation est « un guide et un appui pour le
pouvoir » disent Burdeau, Hamon et Troper. En s’assimilant à la nation,
son autorité politique trouve en effet une justification. L’Etat agit au nom
et pour le compte de la nation. A ce titre, il peut revendiquer le pouvoir
suprême au nom de la représentation de l’ensemble de la nation.
« L’Etat est la personnification de la nation ». L’Etat c’est la nation
politiquement et juridiquement organisée.
De ce principe est née une notion fondamentale du droit public : l’Etat
nation.

Cette fiction intellectuelle a donné naissance à la théorie classique


française de l’ « Etat-nation », assimilant l’Etat et la nation.
Il faut dire un mot de cette conception qui a largement marqué la culture
juridique française mais qui tend aujourd’hui à être dépassé dans son
principe et ses fonctions. En effet, la nation a pu justifier l’idée selon
laquelle l’Etat incarne nécessairement la nation. Etant une idée, elle ne
peut avoir une volonté, une réalité même que dans le prime de
l’institution étatique qui « incorpore » l’idée nationale. L’idée de
l’incorporation de la nation à l’Etat est une conséquence de la notion de
« souveraineté nationale » dont le premier grand théoricien fut Sieyès
qu’il systématise dans un petit livre intitulé « Qu’est-ce que le Tiers-état »
publié en janvier 1789.
Dans cet ouvrage Sieyès, après avoir souligné que le Tiers-état
producteur des richesses de l’Etat constituait en réalité la nation, donne
sa définition de cette notion. La nation écrit-il, c’est « un corps d’associés
vivant sous une loi commune et représenté par une même législature ».
Cela veut dire :
1) Que la nation est la réunion d’individus partageant un même projet
politique (conception subjective).
2) Qu’au nom de ce projet, les individus donnent naissance à une
organisation politique, l’Etat auquel il délègue ses compétences dans
le but de réaliser le projet politique partagé (le contrat social)
3) Que l’Etat représente la nation qui s’exprime par son biais, puisque
c’est la législature qui réalise le projet politique (la représentation de
la nation dans l’Etat)
De là est née l’idée que la nation ne peut réellement vouloir ou même
exister sans l’Etat alors qu’à l’inverse ce dernier trouverait en la nation le
fondement de sa légitimité. C’est la théorie de l’Etat-nation. Dans un
article intitulé « L’Etat-nation », J. Chevallier définit cette notion : cf
R.D.Publ.1980, p. 1271).
La nation a une fonction sociale : elle donne une unité politique à la
société, par une « opération de symbolisation. La nation ne renvoie pas à
des individus concrets, situés, insérés dans un réseau de relations
hétérogènes ; elle reconstruit dans l’imaginaire un corps social
homogène, unanime, soudé autour de quelques valeurs fondamentales et
spécifiques ». En effet la nation n’est qu’une idée, une fiction, une entité
intellectuelle.
Voir le décret du 19 novembre 179214.

Conclusion : approche critique :


Toutes ces définitions ont un objet précis : justifier la construction d’une
théorie de l’Etat qui justifie sa domination.
La nation est analysée par rapport au rôle qu’elle peut jouer par l’Etat.,
considérant que l’Etat est la condition d’existence de la Nation.
Cependant, on peut aussi renverser le raisonnement et partir du postulat
que l’origine de l’organisation politique ne réside pas dans l’Etat mais
dans la société elle-même, à savoir la nécessité qu’elle revendique
d’organiser les relations sociales afin de pérenniser les droits naturels.
Dans une conception démocratique du pouvoir cette approche paraît
pertinente.

Section 3 : Le territoire, l’élément physique

Une population sans territoire ne peut fonder un Etat. Il faut analyser ici
la définition du territoire (§1) et ses fonctions (§2)

§1 : Définition du territoire :

A première vue, l’élément territorial ne soulève guère de difficultés, et


son étude relève davantage du Droit international public et des relations
internationales.
Dans cette perspective, et pour qu’il y ait Etat, l’élément humain, le
groupe social qu’est la Nation doit être sédentarisé sur une assise
territoriale.
Le territoire sera donc matérialisé par des limites ou frontières qualifiées
de « naturelles » lorsqu’elles sont déterminées par la géographie, ou d’
« artificielle » lorsqu’elles découlent de traités internationaux.
14
« La Convention déclare, au nom de la nation française, qu’elle accordera fraternité et secours à tous
les peuples qui voudront recouvrer la liberté, et charge le pouvoir exécutif de donner aux généraux les ordres
nécessaires pour porter secours à ces peuples et défendre les citoyens qui auraient été vexés ou qui pourraient
l’être pour la cause de la liberté ».
Les frontières sont aussi maritimes et aériennes.

L’acte final d’Helsinki de 1975 a posé le principe de l’intangibilité des


frontières héritées de la 2nde guerre mondiale pour l’Europe.
La Commission d’arbitrage de la Communauté européenne a considéré
l’indépendance des anciennes républiques yougoslaves.

§ 2 : Les fonctions du territoire

Le territoire remplit des fonctions à l’égard de la population d’abord et à


l’égard de l’Etat ensuite.

A- Les fonctions du territoire pour la population

Le territoire répond d’abord à un besoin d’identité. En effet, le


territoire de l’Etat identifie une population spécifique circonscrite sur un
champ géographique précis. Dès lors, le territoire donne une unité
physique à la population parce qu’il symbolise le lieu de vie de la
communauté politique. C’est à travers lui, que généralement, la nation,
entité spirituelle, trouve aussi son unité matérielle. D’un point de vue
particulier encore, le territoire permet à l’individu de repérer
concrètement le lieu géographique dans lequel réside la communauté à
laquelle il appartient.

Le territoire répond ensuite à une fonction de sécurité pour la


communauté. En effet, le territoire permet de déterminer concrètement
le cadre dans lequel le pouvoir de l’Etat assure la sécurité à l’ensemble
des citoyens. Ainsi, grâce au territoire, l’individu identifie concrètement
le lieu où s ’exerce l’autorité du pouvoir qui lui assure sa sécurité, sa
protection.

B- Les fonctions du territoire pour l’Etat

Le territoire constitue le cadre concret dans lequel l’Etat peut exercer


son pouvoir. Le territoire circonscrit concrètement le cadre à l’extérieur
duquel il n’exerce plus sa souveraineté, et à l’intérieur duquel il exerce
son autorité sur une population donnée.

Le territoire est donc un cadre de détermination des compétences


politiques de l’Etat. Fort de ce repère géographique, l’Etat peut imprimer
plus facilement une direction et une cohésion au groupe qu’il se propose
de dominer. Les frontières représentent les limites de ce cadre physique.
A ce titre, d’ailleurs le principe d’abstraction propre à l’institution
étatique, « s’accompagne d’ un processus d’unification du territoire »15
S. PIERRE-CAPS : Droit constitutionnel, p. 541.

15
S. PIERRE-CAPS : Droit constitutionnel, p. 14.
« Bien plus qu’un simple élément constitutif de l’Etat, le constituant
révolutionnaire de 1791 fait du territoire un élément constitué de la
Nation ». L’indivisibilité du territoire renvoie à l’unité de l’Etat et à l’Etat-
nation.

Le territoire est une condition de l’indépendance de l’Etat et de sa


reconnaissance au plan international, par les autres Etats d’abord, et les
organisations internationales ensuite. C’est sur la base du critère
territorial que l’on peut dénombrer plus de180 Etats sur la scène
internationale

Il faut encore souligner quelle a été la relation au cours de l’histoire de


l’Etat et du territoire.

a- Le territoire sous l’Antiquité : La question de savoir si un Etat peut


exister sans territoire peut faire l’objet de discussion. En effet, le
territoire n’a pas toujours été une condition d’existence de l’Etat. Au
regard de l’histoire ancienne, l’idée de vouloir circonscrire une
population sur n territoire déterminé pour pouvoir reconnaître l’existence
de l’Etat peut paraître surprenante. En effet, dans la Grèce antique par
exemple, l’idée de frontière était inexistante. Il n’y avait ni ligne
douanière, ni ligne militaire. De même à Rome. Ici les limes de l’Empire
sont des espaces où s’exerce la vigilance des légions.

b- La naissance de la relation entre l’Etat et le territoire : La


relation entre Etat et territoire répond à la construction des Etats
moderne tels qu’ils se sont développés depuis le haut moyen âge pour
deux raisons :
Une raison sociologique : la sédentarisation des populations à partir du
Xème siècle dans l’Europe septentrionale est une première explication.
En effet, ces populations s’organise à partir du développement de
l’agriculture, ce qui appelle nécessairement la constitution d’un pouvoir
seigneurial d’abord et royal ensuite sur un territoire circonscrit.
Une raison politique ensuite : la naissance du pouvoir souverain du
monarque s’appuiera sur la détermination d’un territoire afin d’inscrire
l’Etat royal dans une indépendance politique vis à vis de l’Empire
germanique et du pouvoir de l’Eglise matérialisé par des frontières.

c- La relation contemporaine de l’Etat et du territoire : Dans


l’histoire contemporaine, on peut relever deux idées :
En premier lieu, il existe des Etats qui revendique leur existence sans
qu’il ait réellement un territoire. L’exemple le plus éloquent reste ici la
Palestine. Mais le premier souci de ces Etats est de revendiquer un
territoire leur appartenant.
En second lieu, il existe des Etats reconnus comme tels avant que leurs
frontières soient totalement fixées. ce fut le cas de la Pologne à la suite
de la 1ère guerre mondiale.
En conclusion, il semble possible de se demander dans quelle mesure le
territoire constituera-t-il encore une condition nécessaire à l’existence de
l’Etat au regard de la construction de l’Europe. Bien que l’Union
européenne ne puisse être qualifiée d’Etat au sens plein du terme, sa
construction tend à se réaliser au-delà de tout espace territorial
strictement défini afin de pouvoir intégrer plusieurs Etats qui ne
répondent pas forcément à la délimitation traditionnelle de l’espace
territorial européen.

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