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Le Centre : revue d'art et de

littérature : Limousin,
Périgord, Auvergne, Berry,
Poitou

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque francophone multimédia de Limoges


. Le Centre : revue d'art et de littérature : Limousin, Périgord,
Auvergne, Berry, Poitou. 1920-11-01.

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UN franc 'Novembre 1920

LE CENTRE
mTlSTIQVE ET LITTÉRAIRE

Limousin o Périgord a Auvergne a Berry a Poitou

SOMMAIRE

Tour d'ivoire (Auvergne)


: ,
Henri
AutomneRené-Albert
GourdonLéonBLAT. FLEURY.
POURRAT.

L'EKar~ot.
.:
Marguerite PRIOLO.

FunérQillea.
Mon Limousin (extraits)

Les Souvenirs
G.-MichetCOISSAC.
BARNYDEROMANET.
Marie DE PUIFFE.
Une lettre de M. Joseph Bédier, de l'Académie
française.
L'amour et la mort de Jean Pradeau, roman de
terroir, inédit ..,
Les nouvelles du Centre : Livres et
'.,.
Rcuucs.
Charles SILVESTRE.
X.

Dépôts: à PAlUS, librairieHÉBRAS, rue du Faubourg-Montmartre, 37.


Chc; les libraires des Régions du Centre
UN franc 'Novembre 1920

LE CENTRE
0
mITIST1ÇVE ET LITTÉn7fle

Limousin o Périgord o Auvergne a Berry o Poitou

SOMMAIRE :
Tour d'ivoire ÇAuvergne) Henri
AutomneRené-AlbertFLEURY. POURRAT.

Gourdon
L'Escargot Léon BLAT.
MargueritePRIOLO.
Limousin (extraits)
Mon G.-Michel COISSAC.
Funérailles BARNY DE ROMANET.
Les Souvenirs. ,.. Marie DE PUIFFE.
Vne lettre de M. Joseph Bédier, de l'Académie
française.

terroir, inédit
Les nouvelles du
..,,..
Centre : ;.
L'amour et la mort de Jean Pradeau, roman de

Livres et Rebues.
Charles
X.v
SILVESTRE,

Dépôts : à PARIS, librairie HÉBRAS, rue du Faubourg-Montmartre, 37.


Che; les libraires des Régions du Centre
LE CENTRE
Artistique et Littéraire

.- Directeur : Cbarles SILVESTRE

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Trois mois
Coi?ditioi?s de l'Ab01111elt1ellt

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Tour d'ivoire

Sonnet du bon ménager d'Auvergne à la louange de la paix,


avec le moyen de se l'assurer.

Uneonce de paixvautmieux
Qu'une livre de victoire,
Nous disait jadis un vieux,
Et j'en ai grande mémoire.

La paix, c'est le don des cieux,


Et si vous m'en voulez croire,
Vous commencerez, mes fleux,
Par bâtir latour d'ivoire.

La mienne m'a peu coûté


Je L'ai bâtie L'autre été,
:
La tour où mon âme monte,

Des pavés'qu'on m'a jeté.


Ceux de bonne volonté
Se font leur paix à bon compte.

Henri POURRAT.

Autoipne

Resserrez le fIchu qui couvre vos épaules


Et courons, L'âpre vent de L'automne a soultlé,
Chère, quittons les prés où s'éplorent les saules,
Et d'où L'esprit des fleurs, hélas, s'est envolé.

Un frisson précurseur pénètre toutes choses.


Le gazon S'est flétri des- pelouses d'été.
Rappelez-vous le soir où nous avons été
Cueiller d'un doigt pieux la dernière des roses.
Le petit bois est mort et ses feuilles fanées
Sont un tapis d'or sombre au sentier de nos pas
Mais des chemins en deuil, je ne me plaindrai pas
;
S'il vous souvient que nos tendresses y sont nées.

Et j'aimerai la bise et le trépas des fîeurs,


Le ciel désespéré, lourd de neige promise,
Et L'immense pâleur où la vie agonise
Si L'amoureux été survit dans votre coeur.

René-Albert FLEURY.

GourdoJ1

Gourdon, burg féodal, du haut d'un roc, domine


Un agreste plateau dont la terre est si flne,
Qu'au lieu de bœufs pesants qui vont, courbant leurs fronts,
Un âne, tête haute, y creuse un bon sillon
Et de là vient son nom si doux : La Bouriane.
L'aulne, le peuplier, le saule et le platane
-
S'y dressent pour marquer la source et le ruisseau,
Cependant que le chêne et le robuftte ormeau
'Marquent les chemins creux, bordés de belles haies,
L'été, blanches de fteurs, L'hiver, rouges de baies.
D'ombre épaisse et de fruits couvrant des champs entiers,
Surgissent de partout noyers et châtaigniers,
Et, comme un parc immense aux ombreuses allées,
Avec ses bois, ses prés, ses coteaux, ses vallées,
Devant le vieux Gourdon, suzeraine Cité,
La verte Bouriane étale sa beauté.
Dans un coin de ce parc, au pied d'une colline,
Je sais une maison en un clos d'aubépine!

Celui de nos aïeux communs !


Ce plateau, c'est le mien, celui de mes amis,
0 cher pays,
Vieille terre gardant le sonore langage
Où L'ac du Celte sonne à nommer mon village,
Où les eaux et les bois, les dolmens, les menhirs
Evoquent à tout pas de sacrés souvenirs!
Léon BLAT.
L'Escargot

Peut-être ne connaissez-vous pas L'histoire de L'escargot qui arriva, il y a

:
longtemps, longtemps, dans la paroisse de Saint-. Rh! mon Dieu, qu'allais-je
dire 1 Excusez, mes enfants je ne puis vous dire L'enaroit, mais je vous con-
terai la chose telle qu'elle se passa, car nous en avons bien ri au temps de ma
jeunesse.
C'était la « vote » de L'endroit, un joli bourg du pays, renommé pour son
petit vin clair qui se laissait boire, disait l'instituteur et tout autant,
sinon plus, pour la beauté de ses filles les plus gracieuses et, disait-on mais
il ne faut pas croire tout ce que L'on dit les plus délurées de la contrée à
dix lieues s la ronde.
En ce temps, les gens n'étaient pas païens, comme ils sont devenus : il n'y
avait pas de fêtes sans carillon, belle messe chantée et le reste. Et tout n'en
allait que mieux 1
Le matin de la « vote», toutle. bourg était donc réuni à la grandmesse, et
Monsieur le curé venait de monter en chaire. Il avait annoncé le prochain
mariage de Tistou avec la Miette et, son mouchoir d'une main, sa tabatière
dans l'autre, il promenait ses yeuxsur la belle assemblée. 1,

Mes frères !.
:
Tout le monde était attentif les hommes du côté de L'Evangile, les femmes
du côté de L'Epître, comme il se doit, etles enfants de chœur, bien sages, au
pied de la chaire,
"Mes frères, disait Monsieur le Curé, la fête que notre Sainte
MèreJEglise
s v.

nous invite aujourd'hui à célébrer est L'une des plus grandes, des plus belles,
des plus.
! pour cela, c'était bien comme
iFŒ fallu grand chose
à présent : il n'a jamais
pour amuser les enfants! Il n'y avait rien de moins étonnant; on en voit tous
les jours..,. Un escargot, un gros escargot de vigne, vous savez? de ceux qu'on
appelle des « cornards », un gros escargot montait péniblement le long du
bâton de la croix processionnelle. Il sortait une corne, puis L'autre, tâtait le
terrain et s'élevait d'un cran en laissant derrière lui un'Iong écheveau de bave.
Sous la chaire, les enfants se le montraient du doigt, en se bourrant les côtes
à grands coups de coude.
- !.fît
Hum Monsieurle Curé, comme je vous le disais, lafête quenous
célébrons en ce grandjour est une des plus.
Les enfants de choeur pouffaient sur leur banc. L'escargot, après un long
voyage, venait de lâcher la croix, et le Jeantounet étendait la main pour
L'attrapery D'un coup d'ceil, le curé avait vu de quoi il retournait.
- Faites-moi sortir ce cornard 1 dit-il d'un ton. sec, mais à voix basse, en
s'épongeant avecson mouchoir.

Les petits drôles avaient entendu :


Vous comprenez, il mevoulaitpas interrompre un sermon sibien commencé.
c'était tout ce qu'il fallait. Et sans plus y
penser, le saint homme reprit sonprône. Il l'avait bellementpréparédans son
jardin, en se promenant dans L'allée de pommiers, de la tonnelle au carreau
d'asperges, et il s'en promettait de bons effets. Et il faut bien croire qu'il était
bon prédicateur, car tout le monde écoutait et plus d'une dévote reniflait en
avalant ses larmes.
!
?\.h mes frères, comme vous avez raison de fêter en bons chrétiens le
saint patron de la paroisse t Le Bon Dieu en est content, les moissons ne peu-
vent qu'y gagner, le corpss'en porte niÍeux, et l'âme, mes frères, l'âme.
Le curé se tournait vers la 'croix pour invoquer le divin Maître quand il vit
L'escargot qui avait repris son ascension et les petits drôles qui le suivait de
L'œil, oubliant sermon et curé.

- Faites-moi sortir ce cornard ! cria cette fois le prédicateur, indigné de ce


mépris de la parole sainte. Faites-moi sortir ce cornard !
! mes amis, quel esclandre !. La servanteT^anon en pensa tomber, les

,
Rh
filles riaient en dessous en lançant des coups d'œil aux garçons, et dans le

:
grand silence, on entendit Jambe-Torte, l'ancien soldat, qui ricanait- en tapant
!
sur sa rapé à tabac pourfaire tomber la prise tic, tac ! tic, tac Les enfants
de chœur baissaient les yeux. Personne ne comprenait rien à la colère de
Monsieur le Curé, et le sacristain qui n'avait rien, vu se demandait si son
maître était devenu fou.
Indifférent à L'émotion générale, tranquillement, mon escargot continuait
son chemin. Et ilparaît que cette fois, il le faisait bien. Il avait déjà achevé le
bâton et allait toucher de ses cornes le pied même de la croix, quand le curé,
qui le regardait rouge decolère et de sainte frayeur, le doigtflxé droit devant
lui, cria d'une voix de tonnerre:
- Pour la dernièrefois, je vous dis de me faire sortir ce cornard l
Toutes les têtes s'étaient dressées, les hommes commençait à murmurer, les
femmes -se regardaient. Enfin, la gentille Mariette se leva et, se tournant vers
son mari, du côté de la croix :
Allons, Jean, dit-elle, rougissante, allons, sors, puisque Monsieur le
Curé le veut 1
!
Rh mes enfants, on,a bien raison de le dire
Aujourd'hui,pas une 'ne bougerait!
: le monde est bien changé!..

MargueritePRIOLO.
(Contes du MérilIer.)
Mo., Lirpousip (Extraits)

LES MORTAILLES
Dans le bas Limousin, parents, voisins et amis du défunt
prennent place aux « mourtalhas », sorte de repas sommaire
offert par la famille et dont les plus pauvres ménages eux-
mêmes n'oseraient se dispenser. C'est que, dans nos cam-
pagnes, le corbillard n'existe pas et, quel que soit le mauvais
;
état des chemins ou de la saison, les morts sont portés à bras
ou dans des charrettes mais l'usage de porter à bras subsiste
dans la Corrèze. Nous avons assisté nous-mêmes à un certain
nombre de repas funéraires où enfants de chœur, sacristain
et fossoyeur étaient invités et nous n'avons pas souvenir
d'avoir jamais constaté quoi que ce soit de choquant et qui
doive faire souhaiter la disparition de ces réunions, ainsi que
l'ont formulé certains auteurs à l'imagination un peu trop
fertile. Barny de Romanet, le premier, prétend qu'il se trou-
vait toujours dans ce repas quelques personnes officieuses
qui s'efforçaient de consoler le veufxiu la veuve; il arrivait
même fréquemment, assure-t-il, qu'on entamait à table la
conclusiond'un nouveau mariage. Et M. Forot rappelle ce
::
mot qui, selon lui, donne bien la note de la mentalité d'alors
un ami du défunt, consolant la veuve, lui dit en patois
« Paubra fenna, vous chai prene passinssa 1 » Le mot prendre

:
patience est pris ici comme terme de consolation et signifie
plutôt « Ayez couragq, chère femme, devant le malheur qui

:
vous frappe. » Et la femme, relevant timidement la tête sous
sa cape de deuil, lui répondit « Aplo, mas sabe pas si Pas-
sinssa me voudria ! » (Ah1 oui, mais je ne sais pas si Patience
me voudrait 1) Elle avait compris que cet ami lui offrait comme
second mari un nommé Patience.

CULTE DES MORTS


Autrefois, le culte des morts était très répandu en Limousin.
Les curés des paroisses pouvaient à peine suffire à dire les
messes qui leur étaient demandéespour les défunts de chaque
famille. En certains endroits, on donnait des fruits, du miel
ou d'autres denrées pour être vendus à l'encan; le produit de
ces ventes était destiné à la célébration de la messe pour les

!
toujours le soin d'ajouter comme entre parenthèses
Dieu ait son âme » ou « Que Dieu le repose »
:
morts. Quand on parlait d'une personne décédée,on avait
! « Que

SIGNES PRÉCURSEURS
Il y a aussi, en Limousin, des visions, des signes précur-
seurs de la mort.
Une femme nous a raconté que, se trouvant chez sa sœur,
elle se leva vers minuit et aperçut, dans le jardin, sous un
arbre, sa tante qui la regardait et qu'elle croyait très loin de
!
là. Elle y courut. Rien Le lendemain, un exprès lui apportait
»
la nouvelle de la mort de sa tante. Elle avait « passé exac-
tement à la même heure.
:
Mais ceci peut s'expliquer autrement par la surexcitation
d'une imagination troublée, par les apparences fantastiques
que la lune prête aux choses; le phénomène est bien connu
dans le monde spirite.
Une poule qui imite le chant du coq annonce la mort du
maître ou de la maîtresse de la maison; aussi comme unique
moyen de prévenir le malheurqu'elle présage, on ne se fait
pas faute de la tuer et de la manger. Un chien perdu qui aboie
près d'une maison annonce la mort d'une des personnes qui
l'habitent. De même les cris de la chouette sur les toits. Une
étoile qui file annonce l'entrée ou la sortie d'une âme du
purgatoire; dans le doute, on lui doit une prière.
J.-MICHEL COISSAC.
Funérailles

Avant la Révolution, les proches parents d'un défunt allaient


à son enterrement les cheveux épars et portaient, en signe
de douleur, pendant quarante jours, des pleureuses, c'est-à--
dire des morceaux de linge blanc appliqués sur les deux
parements de l'habit noir. En parlant du caractère moral des
paysans limousins, nous avons eu l'occasion de faire remar-
quer que la faible appréhension qu'ils semblent avoir de la
mort fait que leurs cérémonies funéraires ne présentent rien
:
de très lugubre. Je vais entrer, à ce sujet, dans quelques
détails les porteurs de cadavre, lesquels sont ordinairement
au nombre de huit ou de douze, vont au cabaret après l'inhu-
mation. Les veufs ou les veuves, les enfants, les pères, les
mères sont du festin et ne se séparent qu'après avoir arrosé
de nombreuses libations la tombe du défunt. Il se trouve tou-

;
jours, dans ces repas, quelques personnes officieuses qui
s'efforcent de consoler le veuf ou la veuve il arrive même
fréquemment qu'on entame à table la conclusion d'un nou-
veau mariage; rarement attendent-ils la fin du deuil pour
contracter un nouvel hymen. A leur décès, le cercueil doit
être fait de planches neuves et le linceul funèbre ne doit
jamais avoir servi. On donne au mort la chemise qu'il portait
le jour de ses noces; on l'a réservée pour cet usage; on lui met
au bras droit un chapelet béni. On a encore soin de placer
près de lui, dans la tombe, l'écuelle de terre qui a servi à
contenir l'eau bénite pour l'aspersion. L'eau ou le lait qui se
trouvent dans la maison où il y a une personne décédée
sont jetés après l'enlèvement du cadavre. Les paysannes
seules portent, dans leurs vêtements, une espèce de deuil.
Les ailes de leurs coiffes sont déployées et pendent sur leurs
épaulés. Les paysans se contentent de coudre, sur chaque
parement de leur habit, un petit morceau de drap noir.
L'usage était, jadis, de laisser aux prêtres et aux pénitents
séculiers décédés la face découverte pendant l'office.
J.-A.-A. BARNY DE ROMANET.
Les Seuvepirs

Nos grand'mères aiment à parler du temps jadis, de « leur


temps » comme elles disent avec fierté. Elles nous racontent
les événements qui ont troublé le monde quand elles étaient
jeunes. Elles nous parlent du genre de vie que l'on menait
il y a soixante ans et nous tracent de la société d'alors un
tableau si merveilleux que notre pauvre monde nous paraî-
trait bien noir si nous ne savions pas que les vieilles gens
sont toujours pleine d'indulgence. Il faut les écouter sans les
contredire eux qui aiment à puiser dans leurs souvenirs. S'ils
nous paraissent radoteurs et ennuyeux, disons-nous que plus
tard eh, mon Dieu, oui, tout arrive, nous vieillirons oui,
plus tard, en branlant la tête, nous deviserons de notre

valent mieux que le bonheur


souvenir qu'on en garde.
:
temps. Tant mieux si nous avons beaucoup à conter et si le
crible de notre âme a beaucoup retenu, car deux choses
le rêve qu'on en fait et le

MARIE DE PUIFFE.

Une Lettre de M.,Joseph BÉDIER


de l'Académie française

L'éminent académicien, nous écrit les lignes suivantes qui


rempliront dejoie les Limousins et les originaires des régions
du Centre:

«. Je voudrais être aussi sûr que l'était Gaston Paris de


l'origine limousine denotre poésie lyrique. Du moinsappren-
drez-vous avec plaisir etj'aiplaisir à vous dire que le plus ancien
jongleur dont on sache le ncm était de vos régions. C'était un
certain Petrus de Septem Piris (Pierre de Septers) qui fleuris-
sait vers l'an 1080 et sur lequel je compte bientôt publier une
note. Je me ferai un devoir de vous l'adresser. »
VAMour et la Mort
de Jeap Pradeau

L'eau avait un clapotement doux, une sorte de plainte; elle


tressaillait de l'éternel tourment des choses. Jean fit encore
quelques pas; il ne sentait pas l'humidité du limon qui
embourbait ses pieds. Brusquement, le flot monta vers lui,
emplit sa bouche, couvrit ses yeux. Il se débattit, puis s'aban-
donna. Une brume l'environnait. Et voici qu'il entrait dans
un engourdissement. C'était comme s'il dormait au murmure
des vieilles berceuses.
Un froid violent le ranima. Des mains rudes l'étreignait; on
l'emportait dans la nuit. Il reconnut le vieux Jeantou à sa
murmurait :
nuque ébouriffée. Sous le fardeau, l'homme haletait. Jean

Lâche-moi. Je marcherai seul.


Aucune réponse, mais l'étreinte seresserra.
A présent, il se souvenait. Une mort sournoise allait le
prendre, lâchement. Une horreur le hérissa. Jeantou le lâcha,
enfin, au seuil de la maison, en grognant deplaisir. Ill'avait
guetté dans le soir tombant; et il s'était élancé comme un bon
chien fidèle.
La mère Pradeau s'épouvanta; le vieux, qui pressentait un
malheur, n'osait gronder.
La mère prit son gars dans ses bras :
J'te laisserai pus aller seul, ô Jean, mon pauv'petit!.
Elle mit au lit des draps frais, glissa une bouillotte, amon-
cela des couvertures, et quand son garçon fut couché, elle
s'assit à son chevet.
Jeantou regardait Jean, avec de gros yeux humides. Il dit,
enfin, dans un effort :
Comme ça, il allait se neyer. J'ons guetté.
Jean s'efforça de rite; il assura qu'il s'était avancé sur une
souche de tremble qui avait craquétout d'un coup. Mais une
petite toux le prit, obstinée, tandis que des frissons le par-
couraient.
La mère pleurait dans ses mains. Léonard arriva, enfin,
avec Jeannette. Il comprit tout de suite quelle était l'étendue
de cette peine.
Jeannette voulut border Jean; elle lui dit des paroles fra-
ternelles.
Pradeau clignait des yeux pour retenir ses larmes.
Mais Jean demanda qu'on le laissa seul avec sa « vieille ».
Il s'assoupit dans une détente de tout son corps.
La mère alors s'agenouilla devant une image du vieux
temps, où l'on voyait la Vierge Marie tenant embrassé son
divin enfançon. Et elle pria enson patois :
Je vous salue, Mère fort gracieuse, qui êtes mère tout
comme moi, qui suis une pauvre vieille femme. Le bon Dieu
est à vos côtés; vous êtes bénie entre toutes les dames de la
terre; et Jésus, le fruit de votre ventre, est aussi béni. Sainte
Vierge, vous voyez mon gars, qui est là sur son lit. Il est mal
en point etil a tant mal qu'il faut vite le guérir. C'est pas un
feignant, bonne Vierge, il a fait de la rude besogne au Iront
et à sa terre. Son pauvre sang a coulé et un morceau de ses
membres est resté là-bas. Il est bon, mère des malheureux
hommes, arrachez-le du chemin tortueux. Dans vos lavoirs
du ciel, lavez-lui le cœur qu'il a tout noir. Je vous porterai
un gros cierge et je dirai partout que vous avez eu pitié d'une
pauvre vieille.
Elle s'arrêta, les mains jointes, le visage dressé en un
souffie d'âme.
Elle entendit son gars gémir:
- J'ai soifl
Elle lui donna un peu de vin et lui dit les mots qu'elle lui
murmurait-quand il était tout petit :
Dors, mon petit cœur!. Tu as du chagrin. Ça pas-
sera. C'est un mauvais mal, mais ça se guérit. Toi qui est
si mignon, si bon et qui a le cœur comme un morceau d'or.
Sommeille. sommeille!.
Jean s'engourdissait parmi le son familier de cettevoix; il
lui semblait qu'il revenait vers ses premiers jours. ,-

XVI

Depuis cinq semaines, Jean était alité. Une toux persistante


lui secouait la poitrine. Sa mère ne le quittait plus; elle lui
faisait des tisanes de toutes sortes, mais le mal ne cédait pas.
Ce matin-là, M. Rémy, le médecin deRieux, vint en cabrio-
let à Fromental. C'était un homme gros et court dont les
yeux étaient vifs. Il entra, précédé de la mère Pradeau, dans
la chambre blanchie à la chaux. Il passa sur son front chauve
une main velue, comme pour en chasser desidées tristes. Il
avait aperçu, enfoui dans un oreiller, un visage où la maladie,
rompant la ligne de l'ovale, creusait deux trous aux pom-
mettes. Jean regarda le médecin en souriant. Ses yeux s'étaient
élargis. Ils brûlaient comme un feu doux; c'était un velours
ardent; toute la vie qui fuyait montait vers eux, les emplis-
sait de puissance et d'enchantement.
Jean dit d'une voix qui semblait feutrée :
Rien ne me fait mal. Je tousse un peu. voilà tout.
autrement, je suis bien. La nuit, j'ai des bouffées de chaud
qui me montent.
M. Rémy répondit par un hochement de tête. Il ausculta le
malade dont les vertèbres saillaient. Le souffle de la respi-
ration ronflait etsifllait.
;
Le médecin rendit la serviette il ne fit aucune ordonnance.
Il recommanda seulement qu'on tint les fenêtres ouvertes. Il
fallait des œufs, du lait, de la viandesaignante. Il partit en se
défendant de rien accepter pour sa consultation et, dans sa
grosse moustache, il murmurait des mots de pitié, tandis que
son cabriolet l'emportait au grand trot..
Jean s'était abandonné sur l'oreiller que sa tête creusait à
peine tant elle était amenuisée. Au dehors, il pleuvait. Une
pluie où des rayons coulaient entre deux nuages. Sous la
fenêtre, des pruniers en fleurs faisaient une clarté de neige.
Un oiseau qui sautillait jetait deux cris sautillants comme lui.
Une odeur de terre mouillée entrait dans la chambre,enve-
loppait le lit où Jean était allongé, vaguement heureux d'en-
tendre sa mère qui disait :
Mon petit. Mon petit.
Lorsqu'elle le laissait seul pour vaquer aux travaux de la
ferme, il vivait dans le souvenir, il s'y roulait comme en une
fraîche prairie. Marcelle lui apparaissait maintenant dans
des éloignements. Aucune colère ne le mordait. Il dénombrait
calmement les tortures qui l'avaient brûlé ainsi qu'un mutilé
qui compte sur sa chair des cicatrices. Le feu caché qui le
consumait lentement l'enlevait à la réalité pour l'environner
de rêve. Il aimait toujours, mais dans uné paix extraordi-
naire. Il sentait qu'il n'aurait pas souffert à présent de la voir
au bras d'un autre, pourvu qu'elle put cheminer avec dignité
dans la vie. Il ne voulait pas qu'on s'apitoyât sur lui. Et
voici qu'il faisait des projets d'avenir. Dès qu'il serait guéri,
il reprendrait le collier du bon travail qui console.
Jeannette et Léonard venaient parfois s'asseoir à son che-
vet. Il les regardait, émerveillé, et riait quand son frère ris-
quait une plaisanterie.
Fais-moi, rire, Léonard, disait-il. Raconte-moi les potins
du bourg.
Puis il disait de menues galanteries à Jeannette qui souriait

-'
près de son ami.
Faudrafaire vivement cette noce, dès que je serai sur
patte. La guerre est longue comme un jour sans pain,
s'écriait-il.
Il redressait sa poitrine décharnée, puis il retombait, acca-
blé d'un fardeau.
Pourtant, rien ne mefait mal, murmurait-il.
Jeantou, lui aussi, venait le voir, et, taciturne, secouait sa
grosse tête velue.
La mère Pradeau ouvrait la fenêtre à regret.
Tu t'enrhumeras davantage, mon Jean, ces docteurs n'y
entendent pas grand chose.
Et les jours s'écoulaient. La première joie du printemps
tombait qui faisait craquer l'écorce, exulter les bois. Jean
était toujours couché sur son lit de lassitude. Ses membres
s'engourdissaient. C'était comme du plomb qui lui glissait
doucement dans les moelles. Et les nuits étaient plus belles
que les jours. Une lu#ttlléclatantetendait le ciel et le jardin
d'une gaze bleuâtre. La terre sous sa caresse avait des.épa-
nouissements dé lys. Jean demeurait des heures les yeux
ouverts, dans une sorte de linceul.
Un soir, comme sa mère venait de se coucher la dernière,
après l'avoir bordé comme un enfant au berceau, pour la
première fois de la saison, lechant du rossignol jaillit parmi
le silence nocturne. Il en eut une caresse au fond de la poi-
trine. Tour à 4our, c'était des frissons de cristal ou des déchi-
rements de soie, puis des cris d'amour qui montaient d'un élan
vers les étoiles, retombaient noyés de sanglots et remontaient
encore dans un orage de désir. Le cielrépondait profondé-
ment à cette voix ailée.
Par la croisée entr'ouverte, l'ombre entrait avec les pous-
sières bleues de la lune. Jean s'émouvait dans ce jour mysté-
rieux, cette aube qui blanchit aucœur de la nuit; et sur son
lit, la clarté lunaire, chatte d'une éblouissante blancheur,
tournait en silence.
Soudainement, il vit, sur l'appui de la fenêtre, un bouquet
de roses et de marguerites, gonflé de souffle et de vie féerique,
des fleurs brillantes de rosée qui, dans cet air de rêve, parais-
saient mêlées aux astres glissant dans le rectangle d'une vitre,
carré de ciel où de l'infini poudroyait. Il aurait voulu se lever,
s'approcher de cette gerbe fraîche, la prendre pour en cal-
mer l'ardeur de ses mains. Mais son corps était retenu par
des fils invisibles, soyeux, tout puissants. L'esprit des corolles
venait à lui, et des parfums qui le touchaient avec délices.
La lune tournait toujours, fourrure immaculée et vaporeuse
le frôlant. Ses yeux s'élargissaient comme si l'ombre enchantée
y coulait en un doublecourant de paix et de pardon.
;
Les étoiles se succédaient, franchissaient les bornes de la
vitre et l'on aurait dit qu'elles naissaient du bouquet de roses.
Jean, fiévreux, se demandait qui avait posé ces fleurs sur les
bords de la nuit.

1
.XVII

Ce soir-là, Marcelle s'était réfugiée de bonne heure dans sa


chambre. Elle se sentait lasse et seule. Chalard était comme
tous ceux qui l'avaient émue un moment, ridicule et vani-
teux. Elle savait que le domaine du Monteil allait êtrevendu
et, par avance, elle craignait la colère de son père, les cris
;
de l'avare dupé. Pour la première fois, obscurément, elle

faible encore, un remords bougeait en elle. ,


découvrait l'abominable monotonie du plaisir sensuel. Bien

Elle n'ignorait plus que Jean Pradeau était gravement


malade. Un sourd reproche, qu'elle s'efforçait d'éloigner, la
courbait. Une douleur confuse l'étreignait.
Maintenant, la nuit faisait un volètement d'ombres dans sa
chambre. Pour échapper à une angoisse, elle se leva, gagna
la porte et descendit à tâtons l'escalier étroit. Le long de la
dernière marche, Finette était couchée; elle tendit son mu-
seau fin et la fleur de bonté de ses yeux s'épanouit dans la
pénombre.
;
L'air nocturne apaisa Marcelle il semblait qu'il coulât de
la source d'or des étoiles bougeant dans des vapeurs de lait.
Le pur silence enveloppait toutes choses. Un rossignol, dans
la. nuit argentée de lune, jetait l'échelle sonore de son chant;
et la terre montait sur ces invisibles échelons de rêve et d'ar-
deur. Les verdures bleuies étaient gonflées du souffle de
Dieu. Un coq poussa un cri ensommeillé, car des blancheurs

;
d'aurore extraordinaire couraient partout. Le bruissement
de la rivière proche passait l'eau, la fée claire, riait, affir-
mait sa présence secrète; et dans les troussombres brillaient
ses mille baguettes enchantées.
Marcelle traversa le verger, attirée par l'odeur des roses

:
nouvelles. Elle en cueillit une grande brassée. Sans qu'elle
sutpourquoi, la pensée de Jean Pradeau l'animait là-bas, il
souffrait d'un mauvais mal. Une force étrange l'inclinait vers
Fromental. Déjà, la Duit précédente, elle avait posé des fleurs
sur la fenêtre derrière laquelle Jean sommeillait sans doute.
Elle marchait sans hâte, presque heureuse. Elle pressait
les roses sur ses seins; elle porterait à Jean Pradeau, sans
qu'il s'en doutât, un peu de son cœur trop léger.
Comme elle longeait le pré des Beaux, qui joint le pré de
la Fi, elle aperçut une silhouette que précisait l'éclat de la
lune. Elle s'approcha sans bruit et reconnut son père. Il était
braqué dans une contemplation rigide. Sa face maigre au nez
coupant se tendait vers la grasse pâture. Il marmonnait des
mots confus et, parfois, il crispait ses mains ligneuses et
fébriles. Marcelle entendait le bruit sourd que faisaient ses
sabots dans l'herbe épaisse où ils s'enfonçaient durement
comme pour un sceau de possession.
Tout à coup, il sortit de son extase d'avare; il prit une
pioche qui était à sés pieds et creusa avec force afin d'élever
un barrage qui empêcherait l'eau d'irriguer le pré de la Fi et
la détournerait dans les rigoles des Beaux. Il travaillait avec
acharnement, le dos courbé, car c'était le temps des pluies
printanières qui hâtent la poussée des herbages.
Marcelle, écœurée, s'éloigna sans bruit de cet homme qui

;
repoussait de son ombre chiche les rêves et les splendeurs
de la nuit. Elle allait et la lune montait, fruit de neige; elle
se détachait, ronde etmûre, des rameaux noirs de l'horizon -

qui, doucement, bleuissaient dans une poudroyante clarté.


Bientôt, elle se mira dans l'étang de Rouille que Marcelle
cotoyait à présent; elle y roulait; elle y plongeait, émiettée,
puis reformée en source d'argent vif. Et c'était un jeu de
mille petites lunes jonglant, sautillant, se poursuivant, s'ab-
sorbant l'une l'autre et se séparant de nouveau par sara-
- bandes. Puis, tout souffle s'apaisant, parla magie de l'eau
translucide, le fruit de glace n'était plus qu'un gros nénuphar
d'un blanc radieux balancé entre les joncs de la rive,
Marcelle regardait cela, les yeux éblouis. Elle oubliait la
vie; elle s'allégeait. Elle traversa une châtaigneraie; elle
s'attarda sous de vieux arbres qui, dans la lueur lunaire,
montraient avec un étrange relief les grands mouvements de
leurs troncs dont l'écorce, tournant et craquant sous la poussée
de forces étranglées, gardaient la majesté sourcilleuse des
granits qui bravent les siècles dévorants.
Elle se souvint que, là, sous ces rameaux, Jean Pradeau lui
avait donné le premier baiser que nul n'effacera plus. Elle
pleura doucement avec d'obscurs repentirs, et le silence
était si vaste qu'on entendait le bruit d'une goutte d'eau tom-
bant dans quelque source cachée, par intervalles.
Elle se rappelait ces jours de printemps où Jean, encore
enfant, lui apprenait à faire des trompettes avec l'écorce
tendre des pousses de châtaigniers. Il lui portait des nids
d'oiseaux pleins de petits œufs; il lui cueillait des noisettes.
Elle le revoyait dans ses attitudes d'adolescent épris, avec ses
larges yeux qui touchaient les siens. Certains soirs, il venait
la chercher au champ quand elle gardait ses brebis. Pour
l'amuser, il marchait quelque temps sur les mains et les
pieds et revenait vers elle en lui disant qu'il était son mouton.
L'âge venant, il aimait, en des solitudes agricoles, s'asseoir
près d'elle, silencieux, en lui prenant les doigts qu'il cares-
sait comme on ferait d'une aile d'oiseau. Toujours tendre,
toujours pur, sans audace, mais grave et souriant, plein de
confiance en elle, l'admirant sans trêve et l'environnant de
grands regards d'amour. Ah ! comme la veille de son départ
pour la guerre il l'avait soulevée dans ses bras, l'enlevant un
peu du sol comme pour la porter à son âme claire et loyale1
Mais pourquoi tant de souvenirs, tandis qu'elle s'efforçait de
les chasser, revenaient vers elle, avec plus de force?
La ferme de Fromental parut et son toit aiguisé où coulait
le clair de lune.
Marcelle était prise de peur; elle marcha dansl'ombre d'un
haut buisson de clôture. Elle connaissait la chambre où cou-
chait Jean. Les volets étaient mi-clos de la fenêtre qui don-
nait sur leverger.
Elle tenait à deux mains la gerbe des roses; elle la poserait
sur l'appui de la croisée et elle s'en irait comme une voleuse.
Elle approcha en étouffantle bruit de ses pas, lourde d'an-
goisse. Elle tendait déjà les fleurs quand une voix faible,

-Deux
Quiestlà?
:
feutrée, s'éleva

mots qui, pour elle, emplirent l'étendue de la nuit.


Les volets s'ouvrirent tout grands. Dans un brusque recul, elle ,
se blottit derrière un bosquet de houx.
CHARLES SILVESTRE.
(A suivre. Reproduction interdite.)

Les Nouvelles du Centre


LES LIVRES
M. Géraud Lavergne, notre distingué collaborateur, fait paraître, à l'im-
primerie de Monaco, place de la Visitation, une brochure où il a réuni,
pour le régal des lettrés, des chroniques de la côte d'Azur sous le titre :
Au SleiJ", qui se détache en rouge sur fond blanc. On la lira avec un grand
intérêt. Banville à Nice ", Frère Thomas ", Fête à Roquebrune ", Les
heures de Vintimille sont des pages écrites enbeau français et dignes de
durer par la grâce de la lumière du ciel et du cœur qui les anime.
© .EtCIe, de Jean-Richard Bloch, édité avec élégance par la Nouvelle
Revue Française, est un roman où s'affirme une grande puissance de vie,
d'observation, de relief. L'auteur nous a montré avec pathétique comment
une famille d'Alsaciens s'est noblement exilée et fonde une industrie qui
prospère grâce à une ténacité émouvante. Ce livre admirable est un des
beaux romans de l'effort humain.
© Pointes sèches, de Pinkerton, à la Société mutuelle d'édition, est une
œuvre de concision, une série de petites gravures au dessin ferme et vif.
L'auteur est un promeneur des jardins et des bois. Comme Jules Renard,
et souvent avec un bonheur égal, il revient au logis après une bonne chasse
d'images pittoresques et neuves.
© La Guirlande, de M. Pierre Lély, chez l'éditeur Figuière, est un recueil
de poèmes sensibles, ardents et doux. L'auteur nous dit les inquiétudes d'un
\nystère. Son vers est d'une
cœur touché par l'amour et les angoisses du
bellè étoffe de soie changeante. Il atteint souvent aux grandes cimes.
© L'équipe, de Francis Carco, édité par Emile-Paul, est un roman d'une
singulière valeur. L'auteur, dans un style drû et clair, décrit la vie noire et
traquée de l'apache et des milieux où il évolue. Une figure comme celle de
Bouve est inoubliable sculptée fortement par un tel écrivain.
© Dans sa superbe collection Varia, M. Georges Crès, qui vient d'être
justement décoré de la Légion d'honneur, a réuni des pages et des chroni-
ques de Laurent Tailhade, maître écrivain. Emile Verhaeren, Carolus Duran,
Octave Mirbeau revivent au souffle d'une grande verve.

LES REVUES
La Nouvelle Revue française, dans son numéro du 1" octobre, nous
apporte des pages amères et fortes de M. Max Jacob qui s'intitulent Bonnes
intentions, des réflexions sur la littérature et M. Gide ", par Albert Thi-
baudet. La Revue est toute illuminée par les vers de notre cher Henri Pourrat.
Le poète atteint au naturel le plus fin lorsqu'il parle de son pays, de son
miel, d'une Muse auvergnate,du départ de Claude et de saToinon pour Paris.
Ces courts morceaux où se ramasse l'observation, l'ironie souriante sont
autant de chefs-d'œuvre. Et c'est un grand honneur, une vraie joie pour
nous d'en avoir publié quelques-uns. Il ne faut pas oublier que si Henri
Pourrat a retrouvé la bonhomie géniale d'un Lafontaine, il est aussi un
grand lyrique, un poète insigne sur qui brille l'étoile.
© Dans la Revue critique, nous lisons une réponse intéressanteà M. Geor-
ges Sorel sur l'avenir de la bourgeoisie ", par M. Johannet.
g) Cenférencia publie des conférences du docteur Colin sur le déve-
loppement mental de l'enfant que les pères de familles liront avec fruit.
© La Connaissance nous donne une belle étude de M. Le Brun sur le
poète Tagore et de Nouvelles lettres inlimes de Stendhal Livraison,
comme toujours, substantielle et instructive.
@ Les
; :
Lectures pour tous poursuivent la publication du roman drama-
tique de M. Corthis. Elles sont pleines des textes les plus variés comédie
de G.Timmory nouvelle d'Abel Hermant, etc.
© Le Monde nouveau vient à nous dans une présentation superbe. Louis
Vauxcelles y résoud le problème des arts appliqués et M. Georges Périn
ordonne des vers lumineux, tandis que M. de Montherlant, dans un style de
race, nous dit les gloires et les vertus des jeux olympiques.
© La Vie morale, de M. Pagnat, publie une étude sur notre cher collabo-
rateur René-Albert Fleury et un poème bref mais vaste d'inspiration dece
poète admirable.

A LIRE
L'Enfant inquiet, d'André Obey. Librairie des Lettres.
Anomalies, de Paul Bourget. Plon & Nourrit.
La Danse sur le feu et l'eau, d'Elie Faure. Georges Crès-

Le Directeur-Gérant, Charles SILVESTRE, Peyrat-de-Bellac (Haute-Vienne)


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: Restauration de Vitraux Anciens et Modernes :

François GHIQOT

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