Le Cannibalisme
Le Cannibalisme
Il reste maintenant à savoir comment les prisonniers pris en guerre sont traités au
pays de leurs ennemis. Dès qu’ils y sont donc arrivés, ils sont non seulement nourris
des meilleures viandes qu'on peut trouver, mais aussi on donne des femmes aux
hommes [...], celui qui aura un prisonnier ne faisant même pas de difficulté pour lui
donner sa fille ou sa sœur en mariage. [...] Néanmoins après les avoir engraissés,
comme des pourceaux dans l’auge, ils sont finalement assommés et mangés avec
les cérémonies suivantes. [...] aussitôt que le prisonnier aura été ainsi assommé [...]
les autres femmes, et principalement les vieilles (qui plus désireuses de manger de
la chair humaine que les jeunes sollicitent sans relâche tous ceux qui ont des
prisonniers de les expédier ainsi rapidement) se présentant avec de l’eau chaude
qu’elles ont toute prête, frottent et ébouillantent le corps mort de telle façon qu’en
ayant enlevé la première peau, elles le rendent aussi blanc que les cuisiniers de
chez nous rendent un cochon de lait prêt à rôtir. Après cela, celui dont il était
prisonnier, aidé d'autant d'autres qu'il lui plaira, prenant ce pauvre corps le fendront
et le mettront si rapidement en pièces qu’il n’y a boucher de ce pays-ci qui puisse
plus vite découper un mouton. Mais outre cela (ô cruauté plus que prodigieuse)
exactement de la même manière que les chasseurs de chez nous après qu'ils ont
pris un cerf en donnent la curée aux chiens, de la même manière ces barbares afin
d'exciter d'autant plus leurs enfants et de les rendre acharnés, les prenant l’un après
l’autre, ils leur frottent le corps, les bras, cuisses et jambes du sang de leur ennemi
[...]. Alors, tous les morceaux du corps, et même les tripes après être bien nettoyées,
sont immédiatement mis sur les boucans, auprès desquels, pendant que le tout cuit
ainsi à leur mode, les vieilles femmes [...] étant toutes assemblées pour recueillir la
graisse qui dégoutte le long des bâtons de ces grandes et hautes grilles de bois,
exhortant les hommes à faire en sorte qu’elles aient toujours de la viande de cette
sorte, lèchent leurs doigts et disent Yguatou, c’est à dire, il est bon [...].
Quand la chair d’un prisonnier, ou de plusieurs (car ils en tuent quelques fois deux
ou trois en un jour) est ainsi cuite, tous ceux qui ont assisté au spectacle du
massacre se réjouissent de nouveau autour des boucans, sur lesquels avec coup
d'œil et regards de fous ils contemplent les morceaux et les membres de leurs
ennemis. Quel que soit leur nombre, chacun, s'il est possible, avant de sortir de là en
aura son morceau. Non pas cependant comme on pourrait le penser, qu’ils fassent
cela pour se nourrir ; car bien que tous avouent que cette chair humaine est
merveilleusement bonne et délicate, cependant, c'est plus par vengeance, que pour
le goût qu'ils le font (hormis ce que j’ai dit à propos des vieilles femmes en particulier
qui en sont si friandes). Leur principale intention est qu’en poursuivant et rongeant
ainsi les morts jusqu'aux os, ils suscitent par ce moyen la crainte et l'épouvante des
vivants. Et de fait pour assouvir leurs courages cruels, tout ce qui se peut trouver sur
les corps de tels prisonniers, depuis les extrémités des orteils jusqu'au nez, aux
oreilles et au sommet de la tête, est entièrement mangé par eux ; j’excepte toutefois
la cervelle à laquelle ils ne touchent point.
QUESTION : Qu’est-ce qui montre dans le texte de Jean de Léry que le
cannibalisme n’est pas une pratique aussi barbare qu’on pourrait le croire ?
Question comparatiste : Comparez ces documents et montrez en quoi ils n’en font
pas seulement un acte de pure barbarie.
Définition de l’anthropophagie :
Conclusion comparative :
Ces trois exemples montrent que le cannibalisme, selon le contexte, peut être
interprété de multiples façons qui vont bien au-delà de l’idée de pure barbarie :
Rituel et culturalisation (les Amérindiens chez Jean de Léry),
Nécessité de survie (crash dans les Andes),
Complexité psychologique et symbolique (Hannibal Lecter dans la fiction).
Ainsi, le cannibalisme peut être un acte complexe, influencé par des facteurs
culturels, situationnels et psychologiques, et ne se réduit pas toujours à une
manifestation brutale de violence.