Texte2.A.R-Ophelie

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Explication de texte N2 : Rimbaud « Ophélie », Les cahiers de Douai

Le texte analysé est un poème "Ophélie" tiré des Cahiers de Douai écrits par Arthur Rimbaud en 1870. Rimbaud,
figure majeure de la poésie française, est connu pour son œuvre révolutionnaire qui remet en question les normes
poétiques traditionnelles.
Ce poème reprend le thème shakespearien de l'héroïne d'Hamlet, Ophélie, femme délaissée amoureuse d'un
prince qui devient folle et se noie de désespoir. Le poème est composés de neuf quatrains d'alexandrins à rimes
croisées avec une numérotation de trois chapitres inégaux, deux égaux de quatre quatrains chacun et le dernier
d'un seul quatrain comme un refrain isolé. Cette forme donne au poème une allure de complainte.
Lecture du texte
Comment le poème "Ophélie" de Rimbaud reflète-t-il les tourments et les désillusions de l'auteur, ainsi que sa
quête de liberté artistique ?

Pour le découpage des mouvements on suivra les 3 chapitres du poème


1 mvt : Tableau de l'errance mélancolique d’Ophelie.
2eme mvt : la folie et la désillusion
3 ème mvt : Apothéose d’un destin tragique

I – Tableau de l'errance mélancolique d’Ophelie

.A– La nature est mise en valeur par l'aspect pictural de la scène.

Le premier groupe de quatrains fait penser à la toile de 1852 du peintre, John Everett Millais un "préraphaélite".

1.Rimbaud brosse un tableau, jouant sur le contraste du noir "l’onde calme et noire" et du blanc "fantôme
blanc". Il reprend les codes du tableau du peintre anglais, de la jeune fille en fleur.

2.L’aspect materneL de la nature associé à la douceur et à la protection est mis en évidence à travers
un bref champ lexical de la maternité : « sein(s) » « bercés » « nid »

3.La nature est personnifie, les eaux du fleuve bercent le corps de la jeune fille (« Ses grands
voiles bercés mollement par les eaux », v. 10) tandis que la végétation alentours se penche sur elle comme une
mère consolant son enfant (« Sur son grand front rêveur s' inclinent les roseaux », v. 12).

La nature, comme une personne , semble compatir au chagrin d'Ophélie et à son destin tragique, elle éprouvent
des sentiments, les saules pleurent v11, les nénuphars soupirent. V13

4.Cette bienveillance maternelle est aussi soulignée par des sonorités douces comme
les allitérations en « s » et en « f » : « s ur », « O ph élia », « f lotte » (v. 2-3), « triste O ph élie », « pa ss e »,
« f antôme », « dou c ,ect

Les sonorités douces et mélancoliques , comme l’allitération en « m » et l’assonance


en « on » et « an » créent une impression de berceuse ou de complainte (« l’onde calme », « dorment », « blanche »,
« comme un grand », « lentement », « longs », « On entend dans les bois lointains », « mille ans », « murmure sa
romance », « mollement », « front »,

B – Une nature éternelle

5.L'image du corps qui passe depuis « plus de mille ans » sur le fleuve souligne l' aspect éternel de la
nature . Cette caractéristique est mise en valeur par l' anaphore : « Voici plus de mille ans que » (v.5 et 7).
Cette errance est renforcée par le présent d'habitude qui inscrit l'action dans la durée : « Voici plus de mille
ans que sa douce folie/Murmure sa romance à la brise du soir » (v. 7-8), « Elle éveille parfois » (v. 14).

6.Mais le présent de l'indicatif « dorment », « flotte » (v. 1-2), « Passe » (v. 6), ect. a également une valeur
descriptive qui transforme la scène en tableau

C– Ophélie : un personnage à la fois humain et surnaturel

Si la nature joue un rôle fondamental dans ce poème, c’est Ophélie , situé au premier plan, qui est le centre
du poème .

7.Chaque élément de la nature s'anime autour du corps d' Ophélie : « Le vent baise ses seins » (v.
9 « Les saules frissonnants pleurent sur son épaule », « Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux » (v.
11-12), « Les nénuphars froissés soupirent autour d'elles » (v. 13)…

8.La nature du personnage d’ Ophélie est ambiguë. Le poète la décrit à la fois comme un être humain mais
aussi comme un être surnaturel, fantastique.

*A travers un champ lexical du corps humain (« ses seins », v. 9 ; « son épaule », « son grand front », v.
12 ; « ta grande chevelure », « ton cœur »,

*Tout en la sublimant à travers la répétition de l’adjectif hyperbolique « grand » pour qualifier Ophélie :
« comme un grand lys » (v. 2 et 36), « Ses grands voiles » (v. 10), « son grand front » (v. 12),
« ta grande chevelure » (v. 21), « Tes grandes visions » (v. 31).

*Rimbaud insiste aussi sur la blancheur du personnage : « La blanche Ophélia » (v. 2 et 36), « comme un
grand lys » (v. 2), « fantôme blanc » (v. 6), « O pâle Ophélia ! belle comme la neige » (v. 17).

Cette blancheur souligne l’aspect spectral et fantomatique d’Ophélie, comme si celle-ci n’était
qu’une apparition, voire une pure apparence, immatérielle et vaporeuse : « flotte » (v. 2-3), « ses longs voiles » (v.
3 et 35), « ses grands voiles » (v. 10), « esprit » (v. 22).

*Par ailleurs, Ophélie est associée au mystère et au fantastique (« Un chant mystérieux », v. 16 ;


« d’étranges bruits », v. 22), mais aussi au rêve et à la nuit : « étoiles » (v. 1 et 33), « couchée » (v. 3 et 35),
« son grand front rêveur » (v. 12), « éveille (…) un aune qui dort » (v. 14), « ton esprit rêveur » (v. 22), « les
soupirs des nuits » (v. 24), « Quel rêve » (v. 29), « la nuit » (v. 34).

II – Le personnage d'Ophélie

B – Ophélie : une figure mythique

9.Dans le second mouvement Rimbaud reprend à Shakespeare le lieu (les « grands monts de Norwège »,
v. 19) et le thème de la folie et de la noyade : , « ô pauvre folle ! » (v. 29), « Oui tu mourus, enfant, par un
long fleuve emporté ! » (v. 18)

10.En évoquant la quête de la liberté et de « l’Infini terrible » (v. 32), l’aliénation et la folie, les visions, le
poète semble s’identifier à son personnage. C’est comme s’il se parlait à lui-même (ou à son reflet) dans le miroir
de l’eau du fleuve.

On observe dans le passage du I au II un basculement du poème.

12.En effet, on passe subitement de la troisième personne au tutoiement. L’apostrophe et


le tutoiement signalent une certaine familiarisé entre le poète et le personnage d’Ophélie : « O pâle Ophélia »,
« Oui tu mourus » (v. 17-18), « T‘avaient parlé tout bas de l’âpre liberté » (v. 20), « ô pauvre Folle ! », « Tes
grandes visions étranglaient ta parole » (v. 31).
13.Ce basculement s’opère également avec le changement de temps : Du présent au passé : « tu mourus » (v.
18), « portait », « écoutait » (v. 22-23), « s’assit » (v. 28)…

14.Du calme et de la douceur au bruit et à la fureur : « calme » (v. 1), « flotte » (v. 3), « douce folie », « Murmure »
(v. 7-8), « bercést » (v. 10),ect.. // « emporté », « tombant » (v. 18-19), « tordant », « bruits » (v. 21-22), « mers
folles, immense râle », « brisait » (v. 25-26), « étranglaient », « terrible » (v. 31-32).

Ce basculement de la douceur à la violence est également marqué par la ponctuation et les sonorités.

15.Ainsi, dans la première partie, les points de suspension (v. 3), points et points-virgules créent un
rythme ample, alors que dans le II, les points d’excLamation s’enchaînent et traduisent l’implication et
l‘agitation du poète, son basculement dans la folie (à l’image d’Ophélie) :

16.Les sonorités douces et mélancoliques de la première partie, créent une impression de berceuse
ou de complainte. Dans la deuxième partie, la grave et douce complainte devient une plainte aigue et virulente,
à travers des sonorités dures et appuyées, comme les allitérations en « r » et en « t » qui scandent le
discours (« tu mourus », « emporté », « tombant des grands monts de Norwège », etc..

17.De plus, l’anaphore « C’est que » ou « C’est qu’ » au début des vers 19, 21, 25 et 27 marque l‘insistance du
poète et souligne le style oratoire de son discours.

III-. Apothéose d’un destin tragique

18.Cette dernière strophe du poème "Ophélie" de Rimbaud est chargée de symboLisme et de Lyrisme,
offrant une conclusion poignante à l'histoire tragique du personnage d'Ophélie.

19.Le "Poète" évoqué ici peut être interprété comme une figure narrative ou même une voix de La
conscience de L'auteur Lui-même.

Ophélie se présente alors comme un double idéalisé du poète.

20.Les "rayons des étoiles" évoquent une atmosphère nocturne et mystique, renforçant le caractère
romantique et irréel de la scène qui se déroule.

21.Le fait qu'Ophélie vienne chercher les fleurs la nuit sous les étoiles suggère un désir de transcendance
au-delà du monde terrestre. Cela renforce également l'image d'Ophélie comme une figure à la fois fragile et
céleste.

22.La description de Ophélie "couchée en ses longs voiles" rappelle l'image d'une figure mythique ou
angélique flottant sur l'eau, ce qui souligne sa pureté et son innocence. Comparée à un "grand lys", une fleur
blanche souvent associée à la pureté et à la mort.

23.De la même manière un processus de mythification du personnage du poète, est mis en valeur par
la majuscule: « Et le Poète dit » (v. 33).

En résumé, dans « Ophélie », Arthur Rimbaud reprend le thème shakespearien de la belle noyée qui a sombré
dans la folie et le désespoir pour évoquer sa propre expérience de jeune poète. Il fait du personnage mythique
d’Ophélie son double, à travers des effets de miroir et d’écho entre les trois parties du poème. L’œuvre témoigne
ainsi de la quête ardente de Rimbaud pour exprimer sa vision du monde de manière novatrice et personnelle, qui
se précisera dans « Le Bateau ivre », écrit un an plus tard.

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