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Un moment d'égarement

Jean-Luc Berger

Œuvre publiée sous licence Creative Commons by-nc-nd 3.0

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Un moment d'égarement

Un moment d’égarement

Le taxi s’engagea dans l’allée de la propriété, longue d’une


centaine de mètres et s’arrêta devant l’entrée de la demeure. Mireille
était arrivée à destination. Avant même de descendre de voiture, elle
avait observé sa maison d’un air effrayé. Elle avait émis quelques
paroles inaudibles, ressemblant plus à des grognements, que le
chauffeur ne chercha pas à faire répéter, tant elles étaient
incompréhensibles et ne lui étaient certainement pas adressées. Elle
n’avait d’yeux qu’en direction de sa maison. Quelque chose n’allait
pas. Les volets étaient ouverts à toutes les fenêtres, même la porte
d’entrée était ouverte à tous les vents. Pourtant, elle était certaine
d’avoir bien fermé toutes les portes et fenêtres avant de partir, ainsi
que les persiennes pour éviter qu’en cas de tempête les carreaux ne se
brisassent. Le chauffeur quitta le volant pour sortir la valise du
coffre, et la donner à sa propriétaire. Elle était tellement anxieuse à
l’idée de ce qui l’attendait, qu’elle n’était toujours pas sortie de la
voiture, c’est le chauffeur, qui montrant son impatience en tapant au
carreau côté passager, l’incita à bouger.
Elle sortit du véhicule avec la lenteur de la vieille femme fatiguée
qu’elle était, mais encore plus aujourd’hui, en songeant à ce qui
l’attendait et dont elle ignorait tout. Le taxi s’éloigna lentement, le
chauffeur lui aussi devait se poser des questions à voir l’attitude
bizarre de sa cliente.
Elle songeait en s’avançant vers sa demeure, à tous ces gens qui

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partant en vacances, revenaient pour trouver leur maison ou
appartement squatté par des inconnus toxicos ou autres sans logis.
Elle n’avait pas non plus la possibilité à chacune de ses absences, de
confier à quelqu’un de confiance la responsabilité de la garde de la
propriété.
Arrivée sur le perron, elle chercha dans son sac à main ses clés,
mais ne les trouva pas. Où pouvaient-elles bien être, se dit-elle ? Puis
elle songea que la porte étant ouverte elle n’en avait nul besoin. Elle
les chercherait plus tard. Il fallait procéder dans l’ordre. Elle poussa
la porte avec précaution comme si celle-ci allait tomber en poussière
sous sa poussée. Elle s’immobilisa pour écouter le moindre bruit…
En se retournant sur elle-même, elle s’aperçut que les clés étaient sur
la porte. Cela ne la rassura pas, bien au contraire, ses soupçons
s’amplifièrent. Elle ne chercha même pas à élucider ce qui s’était
produit pour que les clés soient sur la porte, alors qu’ils auraient dû
être en sa possession. Les occupants avaient dû entendre la voiture
arriver et ils étaient probablement en train de se terrer sous les lits ou
dans un placard en l’attente de la suite, se dit-elle.
Mais qu’allait-elle faire et comment réagir en fonction de la
personne qu’elle allait avoir en face d’elle ? Elle s’engagea à pas
feutrés dans les premières pièces du rez-de-chaussée. La cuisine
d’abord. Tout paraissait en ordre. Lorsqu’elle ouvrit le réfrigérateur,
elle fut étonnée d’y trouver des victuailles en quantité, ce qui n’était
plus dans ses habitudes, depuis que son mari était parti comme un
voleur, il y a une vingtaine d’années en laissant juste un papier
griffonné de quelques lignes sur la table de la cuisine, pour dire qu’il
en avait marre de cette vie. Depuis, elle n’achetait la nourriture qu’au
jour le jour, l’occasion pour elle, de conjurer la solitude en se
donnant la possibilité de discuter avec les gens du bourg. Elle passa
ensuite dans le salon tout aussi propre que lorsqu’elle était partie.
Elle entreprit ensuite d’aller à l’étage, par la seule voie possible, le
vieil escalier. À la deuxième marche, elle s’arrêta pour écouter le
silence. Elle venait de se rappeler que l’escalier grinçait de toutes ses
marches. Il était donc inutile de s’arrêter, le bruit ne cesserait jamais,
tant qu’elle ne sera pas arrivée sur le palier de l’étage. Puisqu’il n’y
avait personne au rez-de-chaussée, les occupants devaient être à

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l’étage, songea-t-elle. Au rez-de-chaussée, tout à l’heure, elle n’avait
pas entendu le parquet crisser. Ordinairement, au moindre
déplacement dans la chambre, elle aurait dû l’entendre. Arrivée dans
la pièce, elle eut beau se mettre à genoux pour inspecter le dessous
du lit, ouvrir les placards un à un, il n’y avait personne. Décidément,
elle était décontenancée. Était-elle folle pour qu’au moment de
s’absenter durablement elle ait pu omettre de fermer portes et
fenêtres ? Pire encore, certaines d’entre elles étaient ouvertes, alors
qu’habituellement, elle ne les ouvrait pas.
Voyant cela, elle entreprit de visiter toutes les pièces de la
demeure, il y en avait une dizaine, dont plusieurs qu’elle n’ouvrait
plus, depuis le départ de son mari.
La demeure était toute en longueur, elle avait probablement vu au
gré des générations des rajouts de bâtiments, elle se rendit au bout de
celle-ci et après avoir inspecté les pièces une à une, ne trouvant
personne, elle referma fenêtres et persiennes et revint dans la partie
principale de la maison. Elle alla à la cuisine avec l’intention de
manger quelque chose. Le stock de victuailles qui se trouvait dans le
frigo était conséquent. Elle regarda quelques conditionnements et
plus particulièrement les pots de yaourt, leur date de péremption : 20
juin. C’est à ce moment-là qu’elle se rendit compte qu’elle ne savait
pas à quel jour de la semaine elle en était. Elle chercha un calendrier.
Où avait-elle bien pu le mettre ce foutu calendrier ? Après avoir
ouvert plusieurs portes de placard de la cuisine, elle mit la main sur
celui des pompiers, le seul d’ailleurs qu’elle devait posséder. Le
calendrier ne l’avança guère. La page en cours était celle de juin.
Mireille ne savait pas dire précisément son nombre de jours
d’absence. On lui avait peut-être dit un mois, mais elle ne se
souvenait plus de ce qu’avait dit l’infirmière juste avant de partir.
Elle en déduisit que les yaourts comme le reste devaient être périmés.
Elle ne sut quoi faire, à part s’asseoir sur une des chaises de la
cuisine et coudes sur la table et la tête dans ses mains, se mettre à
somnoler.

Il était environ dix-huit heures trente, en cette fin de journée du 30


juillet, lorsque le son strident de la sonnette de l’entrée la sortit de sa

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torpeur.
Bonjour Madame. Je suis l’infirmière chargée de faire vos soins,
suite à votre hospitalisation. Alors, vous avez retrouvé votre chez-
vous ! Vous l’avez échappé belle, heureusement qu’une commerçante
du bourg est venue vous livrer vos courses et a prévenu les secours,
sinon… Vous êtes heureuse au moins. Votre départ a été tellement
précipité !

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FIN

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