Livre_ aide multi critères à la décision (1)

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VIHCKE

LA COLLECTION
"Statistique et mathématiques appliquées» (SMA) est une nouvelle collection des Éditions de
l'Université de Bruxelles et des Éditions Ellipses (Paris), SMA couvrira l'ensemble des domaines liés
à la statistique et aux mathématiques appliquées et mettra à la disposition de l'étudiant et de l'homme
actif, des ouvrages accessibles liant les acquis théoriques et la pratique.

L'OUVRAGE
Conseiller dès consommateurs, sélectionner son personnel, évaluer des projets de recherche,
comparer des investissements, adopter une campagne de publicité, réorganiser un atelier de fa-
brication, définir le tracé d'une ligne de TGV, choisir l'emplacement d'un aéoroport, d'une école ou
d'un hôpital,,,. DECIDER en tenant compte de points de vue multiples: voilà un problème permanent
et combien difficile,
Ce livre nous présente les fondements, les modèles et les méthodes d'une discipline qui connaît,
depuis une dizaine d'années, un développement important dans le monde des mathématiques
appliquées: l'aide multicritère à la décision,
Il est destiné à tous ceux qui, dans l'entreprise ou l'administration, désirent contribuer aux décisions
par un raisonnement scientifique, ainsi qu'aux étudiants des Universités et Grandes Ecoles qui se
destinent à cette tâche,

L'AUTEUR
Professeur à l'Université Libre de Bruxelles et Président de la Société Belge pour l'application des
Méthodes Scientifiques de Gestion, Philippe VINCKE dirige un groupe de recherche international
sur l'Aide Multicritère à la Décision.
Témoignant de'sa clarté habituelle d'expression, il nous livre ici un ouvrage didactique qui est aussi
un outil de reflex ion et une précieuse source de références.

EDITIO•• Hf
Préface

Voici un ouvrage d'initiation qui, sans nul doute, comble une


lacune. L'objectif de ce livre, tel qu'il est présenté par l'auteur (cf.
introduction § 2), est le suivant: «rédiger, à l'usage des étudiants,
un texte qui, sans aller aussi loin que le livre de Bernard Roy, leur
présenterait les concepts et les méthodes d'une façon plus systéma-
tique et plus complète que dans le livre de Alain Scharlig». Cet
objectif a été atteint et même dépassé. La démarche est didactique
mais non exempte d'originalité.
Après une très intéressante introduction générale dont aucun lec-
teur ne devrait faire l'économie, Philippe Vincke aborde successive-
ment la modélisation des actions potentielles que la décision a pour
objet de mettre ou de ne pas mettre à exécution puis les modèles de
préférence relatifs à ces actions et sur lesquels l'aide à la décision
peut prendre appui. Il passe ensuite en revue les principaux concepts-
clés de l'aide multicritère à la décision. Les trois chapitres suivants
sont respectivement consacrés aux trois grandes familles de méthodes
qui ont vu le jour depuis plus de vingt ans et se sont progressivement
développées et diversifiées. De la théorie de l'utilité multiattribut aux
méthodes interactives en passant par celles faisant appel à des rela-
tions de surclassement, c'est toute une panoplie très riche qui est
offerte au lecteur. Le dernier chapitre est sans doute le plus original
L' l 'I\lnr Mill !ICRlTI.IU i\ ! 1\ PHlSION !'Rlfi\<!

et le plus stimulant. Le lecteur y découvrira des sources de réflexions, Il est donc possible qu'aux yeux de certains lecteurs cet avantage ct
de difficultés, des pièges, des problèmes importants mais aussi des les conséquences que nous venons de rappeler soient indispensables
résultats et des renseignements pratiques. L'ouvrage s'achève par une pour garantir le caractère scientifique de la démarche. Pour ces
abondante bibliographie, bien organisée, incluant quelques analyses teurs, raide monocritère à la décision apparaîtra alors nécessairement
d'ouvrages. comme plus rigoureuse et plus sûre que l'aide multicritère ù la décî·
sion. Nous espérons que la lecture de ce livre remettra en question
Quiconque s'intéresse à l'aide à la décision (voire à la prise de leur façon de voir.
décisions), qu'il soit étudiant ou déjà engagé dans la vie profession-
nelle, peut entreprendre la lecture de ce livre. Grâce à un style clair, En matière d'aide à la décision, il peut être avantageux de ne pas
direct et concis, Philippe Vincke parvient, en moins de 200 pages, à dissocier le travail de formulation de celui d'investigation. Le para·
présenter, en termes rigoureux, une gamme assez étendue de digme multicritère invite à progresser sur les deux fronts simultanc'
concepts, de procédures et à ne laisser dans l'ombre aucun aspect ment. Les résultats obtenus vont alors nécessairement dépendre
important du sujet traité. Cette introduction à l'aide multicritère à procédé employé pour les trouver mais peut-il en être autrement dt:s
la décision est la première du genre en langue française. Elle n'a pas lors qu'on cherche à s'insérer dans un processus de décision? PellHlll
non plus son équivalent en langue anglaise. à la fois reconnaître l'existence d'ambiguïtés, de marges de
de logiques contradictoires et vouloir dissocier les deux démarche:,
l'aimerais attirer l'attention du lecteur sur l'ordre des mots du de formulation ct de résolution comme on le fait en cherchant
titre: l'aide multicritère à la décision. Il est assez fréquent de rencon- énoncer ce qu'il est convenu d'appeler un problème bien posé ,)
trer les derniers mots rangés dans un ordre différent: ceci conduit
L'aide multicritère à la décision va de pair avec la quête non
(comme il m'est d'ailleurs arrivé de le faire à une certaine époque)
d'une vérité mais d'un mode d'insertion dans un processus de
à parler d'aide à la décision multicritère. Je profite de l'occasion que
pour y apporter des éclairages, des éléments de réponse à des
m'offre cette préface pour dire que l'expression «décision multicri-
tions dont la formulation peut être plus ou moins confuse et évolul
tère» est, à mon avis, incorrecte. La décision s'appuie certes, en
Ceci explique la diversité des procédures multicritères. Cela pen11l' 1
général, sur un ou plusieurs critères mais il me paraît difficile d'opérer
également de comprendre pourquoi elles ne conduisent pas néccssai
une distinction entre des décisions qui seraient muIticritères et d'au-
rement à préconiser les mêmes solutions. C'est là une constatat
tres qui ne le seraient pas. Je me réjouis donc que Philippe Vincke
qui, au regard de notre culture, apparaît sinon comme négative, au
contribue, avec ce livre, à répandre non seulement l'expression «aide
moins comme dérangeante. Elle ne reflète nullement une faiblesse
multicritère à la décision» mais aussi tout ce que suggèrent les mots
de l'aide multicritère à la décision. Elle découle simplement du
ainsi agencés.
que la compréhension que l'on peut avoir d'un processus de décision
Recourir à un critère unique pour fonder une décision présente, réel est indissociable de l'action que l'on cherche à avoir sur "",
comme l'auteur le souligne dans son livre, un avantage: celui de pourquoi ce livre, comme bien d'autres, ne traite pas d'une science
contribuer à bien poser le problème. Cela ne garantit pas pour autant de la décision mais, plus modestement, d'une science de l'aide il 1;1
que le problème soit bien formulé eu égard à la réalité concernée. décision.
Cela veut simplement dire que le problème est posé en des termes Bernard ROY
tels que la solution en est entièrement déterminée par sa seule formu- Professcur il
lation. C'est par conséquent la façon de poser le problème qui crée l'Univcrsitt de Pari,l
l'existence et le contenu de la solution. Cette dernière ne peut pas,
dans ces conditions, dépendre du mode de résolution. Résoudre le
problème, c'est découvrir ce que l'énoncé a antérieurement fahriqué.
Remerciements

Je tiens à remercier chaleureusement les personnes qui ont bien


voulu relire le manuscrit de cet ouvrage et me faire part de leurs
remarques: Bernard Roy (qui a accepté de préfacer ce livre), Daniel
vanderpooten (également co-auteur de la version anglaise du chapi-
tre VI), Brahim Aghezzaf, Khalid Belkeziz, Jean Fichefet, Marc
Pirlot et Philippe Van Asbroeck.
C'est avec un plaisir sans cesse renouvelé que je participe, depuis
quinze ans déjà, aux réunions du groupe de travail européen sur
l'Aide Multicritère à la Décision : je profite de cette occasion pour
assurer de mon amitié tous les membres de ce groupe, ainsi que mes
nouveaux «ESIGMA-friends».
Introduction générale

1. L'aide multicritère à la décision

L'aide multicritère à la décision (') est un domaine qui a connu, ces


dix dernières années, un développement fulgurant. Ceci est illustré
aussi bien par le nombre croissant d'articles parus dans les revues de
Recherche Opérationnelle et de Théorie de la Décision, que par les
nombreuses communications sur ce thème dans les Congrès Scientifi-
ques. Plusieurs groupes de travail internationaux se réunissent égale-
ment régulièrement pour traiter de ce sujet (voir section 4 de cette
introduction).

Un aspect encourageant de ce développement est qu'il ne se fait


pas de manière isolée, mais qu'il concerne tous les chapitres de la
Recherche Opérationnelle. En d'autres termes, les chercheurs et les
praticiens sont de plus en plus conscients de la présence de critères
multiples dans les problèmes concrets de gestion et de décision, quelle
que soit leur nature.

(') SOtl\Tnt appelée" Analys, Multin;ti.:re" par ks francophones ct «Multiple Criteria Dcci·
,">Il!vhking (Mt'IlM)" Oll .dvt!lltll'k Clltcl 1<1 Decision ;\id (M('DA)" par les anglophofl\:s,
INTRODUCTION GENERAI.!' 1'1
IX L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION

L'aide multicritère à la décision vise, comme son nom l'indique, à mathématiques d'agrégation, les formes particulières de la fonction
fournir à un décideur des outils lui permettant de progresser dans la agrégeante et les méthodes de construction.
résolution d'un problème de décision où plusieurs points de vue, La deuxième famille, d'inspiration française, vise d'abord à cons~
souvent contradictoires, doivent être pris en compte. La première truire une relation, appelée relation de surclassement, qui représente
constatation qui doit être faite, lorsqu'on aborde un tel problème, les préférences solidement établies du décideur, étant donné l'jnfor~
est qu'il n'existe pas, en général, une décision (solution, action, ... ) mation dont il dispose. Cette relation n'est donc, en général, ni
qui soit la meilleure simultanément pour tous les points de vue. Le complète, ni transitive. La seconde étape va consister à exploiter la
mot «optimisation» n'a donc plus de sens dans un tel contexte; relation de surclassement en vue d'aider le décideur à résoudre son
contrairement aux techniques classiques de la Recherche Opération-
problème.
nelle, les méthodes multicritères ne fournissent pas de solutions «ob-
jectivement les meilleures» (ces solutions n'existent pas). C'est pour- La troisième famille, la plus récente, propose des méthodes qui
quoi le mot «aide» nous paraît important. L'évolution des méthodes alternent les étapes de calculs (fournissant les compromis successif;.;)
multicritères illustre d'ailleurs parfaitement ce point de vue: l'agréga- et les étapes de dialogue (sources d'informations supplémentaires sur
tion en un critère unique (de manière à ramener le problème multi- les préférences du décideur). Bien que développées, le plus souvent,
critère à un problème d'optimisation) a été remise en cause et progres- dans le contexte de la programmation mathématique à objectifs [mll v

sivement remplacée par des méthodes plus souples, moins mathéma- tiples, certaines de ces méthodes s'adaptent à des cas plus généraux.
tisées (certains diront moins rigoureuses); de même, l'interactivité a
L'aide multicritère à la décision ne consiste pas seulement en um:
occupé une place de plus en plus importante dans les procédures
famille de techniques d'agrégation de préférences données sur un
proposées.
ensemble donné. La modélisation des préférences et la définition
Les spécialistes de l'aide multicritère à la décision ont pris l'habi- l'ensemble des décisions sont des étapes indispensables et délicates
tude de subdiviser les méthodes en trois grandes familles, même si qui, depuis quelques années, font également l'objet de recherches.
les frontières entre ces familles sont évidemment très floues :
Enfin, on ne peut ignorer les liens existant entre l'aide multicritèn:
- la théorie de l'utilité multiattribut, à la décision et d'autres domaines de recherche tels que la théorie
- les méthodes de surclassement, du choix social, les procédures de vote, la décision en contexte d'in
- les méthodes interactives. certitude, la théorie des ensembles flous, la négociation et les systèmes
experts.
B. Roy (1985) les appelle respectivement
Nous pensons que l'aide multicritère à la décision devrait encOf~:
- approche du critère unique de synthèse évacuant toute incompa- connaître des développements importants, aussi bien sur le plan théo v

rabilité, rique (la théorie en est encore aux premiers balbutiements), que sur
- approche du surclassement de synthèse, acceptant l'incomparabi- le plan pratique, grâce aux logiciels de plus en plus conviviaux qui
lité,
sont mis au point.
- approche du jugement local interactif avec itérations essai-erreur,
tandis qu'A. Scharlig (1985) parle des méthodes d'agrégation respec-
tivement complètes, partielles et locales. 2. Objectif de ce livre

La première famille, d'inspiration américaine, consiste à agréger Deux ouvrages en français ont été puhliés récemment sur l'
les différents points de vue en une fonction unique quïl s'agit ensuite multicritère à la décision. Le travail d'Alain Scharli~ (191))) rmlslifUl'
d'optimiser. Les travaux relatifs à cette famille étudient les conditions tlne très bonne entn':c en malii'n' SOli styk. claÎr ct vivant, ,.'11
L'AlDI, MULTICRITERE A LA DECISION INTlHlllli('j!( (î[,NFRALF 1
;"0

un livre agréable et permet, en quelques heures, de découvrir les décision. Dans le chapitre II, nous présentons les principaux modèles
principaux problèmes abordés en analyse multicritère et tes grandes que l'on rencontre dans la littérature pour représenter les préférences
approches qui ont été proposées, L'ouvrage de Bernard Roy (1985) d'un individu suivant un point de vue: modèles traditionnel, à un ou
est certainement ce que l'on peut trouver de plus complet et de plus deux seuils, incluant l'incomparabilité, incluant différents degrés de
fouillé pour ce qui concerne la définition des actions et de la problé- préférencç, prenant en compte les écarts de préférence ou les incer-
matique, la modélisation des préférences du décideur et des consé- titudes. L'exemple du maire, qui clôture ce chapitre permettra au
quences des actions, la construction des critères et le choix de l'appro- lecteur de tester la plus ou moins grande adéquation de ces modèles
che, Avec le deuxième tome (actuellement en préparation), plus à ses propres préférences sur un cas particulier.
spécifiquement consacré aux méthodes multicritères, il devrait cons- Après avoir défini «critère» et «problème multicritère», nous rap-
tituer la référence principale pour les futurs travaux de recherche, pelons, dans le chapitre III, la principale difficulté d'un problème de
En tant que responsable, à l'Université Libre de Bruxelles, d'un ce type (déj à évoquée dans la section 1 de cette introduction) et nous
cours sur l'Aide à la Décision, il nous a semblé utile de rédiger, à introduisons quelques concepts spécifiquement multicritères : relation
l'usage des étudiants, un texte qui, sans aller aussi loin que le livre de dominance, action efficace, point idéal, nadir, taux de substitution,
de B, Roy, leur présenterait les concepts et les méthodes d'une façon indépendance préférentielle, ... Ces concepts sont illustrés sur des
plus systématique et plus complète que dans le livre d'A, Scharlig, exemples numériques et quelques théorèmes fondamentaux sont
Grâce à l'amabilité de j,j, Droesbeke, ces notes de cours paraissent énoncés pour la détermination des actions efficaces.
aujourd'hui sous forme d'un petit livre dans la collection SMA (Sta- Les trois chapitres suivants sont consacrés aux trois grandes familles
tistique et Mathématiques Appliquées) des Editions de l'Université mentionnées dans la section 1 de cette introduction : la théorie de
Libre de Bruxelles, Nous espérons qu'il intéressera le lecteur et que l'utilité multiattribut (chapitre IV), les méthodes de surclassement
d'autres collègues y trouveront un support pour leur enseignement. (chapitre V) et les méthodes interactives (chapitre VI).
La théorie de l'utilité multiattribut a déjà fait l'objet de plusieurs
3. Plan du livre ouvrages didactiques: il nous a donc semblé inutile d'en développer
Les trois premiers chapitres présentent les éléments de base de tous les aspects. C'est la raison pour laquelle le chapitre IV est
l'aide multicritère à la décision: la définition des actions (chapitre 1), presque entièrement consacré au modèle le plus fréquent, à savoir
la modélisation des préférences (chapitre II) et les concepts spécifi- le modèle additif; nous présentons les aspects théoriques, les
quement multicritères (chapitre III). méthodes directes de construction, une méthode indirecte (UTA) et
un logiciel interactif basé sur ce modèle additif (PREFCALC).
L'ensemble des actions n'est pas, en général, une réalité objective
qui s'impose au décideur et à l'homme d'étude. Sa définition fait déjà Les méthodes de surclassement n'ont jamais, à notre connaissance,
partie de l'activité de modélisation et peut conditionner fortement le été réunies en un texte unique. Dans le chapitre V, nous en décrivons
reste de la procédure. Il faut donc savoir qu'un même problème de huit parmi les plus représentatives ou les plus couramment citées :
décision peut donner lieu à différentes présentations de l'ensemble les quatre méthodes ELECTRE, la méthode MELCHIOR, la
des actions. Dans le chapitre l, nous distinguons les cas où cet segmentation trichotomique, la méthode PROMETHEE et unc
ensemble est défini en extension (versus en compréhension), stable méthode récente de surclassement dans l'incertain.
(versus évolutif) et globalisé (versus fragmenté) et nous illustrons ces Le chapitre VI est, à quelques détails près, la version françaisc
notions au moyen de quelques exemples. d'un article écrit en collaboration avec D. Vanderpooten ct qui
Bien que constituant un domaine d'études à part entière, la modé- paraîtra prochainement dans Mathcttlatical Modclling. Il contient la
lisatiolt des nréfL;n,~nccs cst unc c;tapc indispcnsable de l'aide ù la ption dc dix méthodes interactives: mêmc si la plupart d'cntre
~~ INTRODUCTION (if:NIH/\1 f 23
L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION

elles ont été originellement proposées dans le cadre de la programma- 4.1. Le groupe de travail européen «Aide Multicritère à la Décision»
tion mathématique à objectifs multiples, nous en avons ,généralisé la Fondé en 1975, il se réunit deux fois par an dans une ville euro-
présentation lorsque c'était possible, péenne; les langues de travail sont le français et l'anglais. Un bulletin
Le chapitre VII, intitulé «Questions diverses», reprend succincte- périodique (en français) est diffusé aux membres, Pour faire partie
ment une série de sujets qui ne peuvent être ignorés par ceux qui du groupe, il suffit d'écrire à
s'intéressent à l'aide multicritère à la décision, La première section
B.ROY
traite de quelques méthodes «élémentaires», que nous aurions pu
LAMSADE
aussi qualifier de «naturelles» ou «naïves» : bien que simples à
Université Paris IX Dauphine
mettre en œuvre, elles peuvent cacher des écueils dont il vaut mieux
Place du Maréchal de Lattre de Tassigny
connaître l'existence. L'information intercritère, objet de la section 2,
75775 PARIS CEDEX 16
est à notre sens un aspect qui devrait dans l'avenir faire l'objet de
FRANCE
recherches intensives; cette information est en effet ce qui distingue
une méthode d'une autre et son étude approfondie permettrait de 4.2. The International Society on MCDM
mieux comprendre les hypothèses implicites de chaque méthode;
Ce groupe international organise périodiquement, depuis 1982, un
dans la section 2, nous abordons le concept de compensation, le
Congrès sur l'Aide Multicritère à la Décision et publie le bulletin
problème de l'interprétation et de la détermination des poids des
MCDM-WorIdscan (en anglais) comprenant de nombreuses informa-
critères et celui de l'indépendance entre les critères,
tions sur les membres, les publications et les réunions scientifiques,
Les sections 3, 4 et 5 sont consacrées à trois domaines connexes Pour faire partie de ce groupe, il suffit d'écrire à
de l'aide multicritère à la décision: le théorème d' Arrow, les procé-
dures de vote et les fonctions de choix, La programmation mathéma- R. STEUER
tique à objectifs multiples (classe particulière de problèmes multicri- Dept. of Management Science
tères) est passée en revue dans la section 6, Les sections suivantes University of Georgia
traitent très brièvement des problèmes multicritères dans les graphes, Brooks Hall
de la prise en compte du risque, de l'utilisation des ensembles flous, ATHENS, GEORGIA 30602
de l'aide à la négociation, des logiciels et des systèmes experts d'aide USA
multicritère à la décision, La section 13 énumère une liste de réfé- 4.3. ESIGMA : European Summer Institute Group
rences où sont décrites des applications et la section 14 propose quel-
on Multicriteria Analysis
ques voies de recherche,
Fondé en 1985 par les participants à un séminaire intensif sur l'aide
Enfin, la bibliographie comprend une description de trois ouvrages multicritère à la décision, il se réunit une fois par an à l'occasion des
qui nous paraissent importants et la liste des références classées par Congrès Européens de Recherche Opérationnelle. La langue de tra-
auteur d'une part et par chapitre d'autre part. vail est l'anglais et un bulletin d'informations est diffusé deux fois
par an, Pour faire partie de ce groupe, il suffit d'écrire à

4. Quelques informations pratiques Ph. VINCKE


U.L.B" CP. 210
L'activÎIl' en aide multicritère à la décision est actuel- Boulevard du Triomphe
lelllent (1'11)1») lrt'7' le : plusieurs groupes de travail interna, 1050 BRUXELLES
Sr' t r~'lll,'()nlrcnt rél!ulièrcmcllL III "1 ( ilOUr;:
24 L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION

Signalons pour terminer l'existence du semmaire «Modélisation Chapitre 1


des Préférences et Méthodes Multicritères» du LAMSAD E (cf.
adresse en 4.1) et, en Belgique, du séminaire interuniversitaire sur Les actions
l'Aide à la Décision et la Modélisation des Préférences, sous l'égide
du Fonds National de la Recherche Scientifique,

1. Introduction

La définition des actions (solutions, décisions) est parfois l'une des


étapes les plus difficiles dans un processus d'aide à la décision. Cette
étape est étudiée en détail et abondamment illustrée dans le livre de
B. Roy (1985). Nous nous contentons ici d'en extraire les définitions
principales sans entrer dans toutes les nuances et les variantes qu'elles
appellent. Il faut d'ailleurs noter que très peu de travaux de recherche
ont été menés sur cette étape importante des processus de décision.

2. Définitions

L'ensemble des actions, noté A, est l'ensemble des objets, décisions,


candidats, '" que l'on va explorer dans le processus de décision. Cet
ensemble peut être :
• défini en extension (par énumération de ses éléments) lorsqu'il
est fini et suffisamment petit pour que l'énumération soit possible;
• défini en compréhension (par une propriété caractéristique ou par
<ks contraintes mathérnatiqltcs) lorsqu'il est infini ou fini mais trop
pour que l'énumératiun soit possible,
I.ES ACTIONS
:?(, L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION

Exemples 3. Remarque importante

• Ranger du meilleur au moins bon les douze finalistes d'un L'ensemble A, en général, ne s'impose pas comme une réalité
concours musical: A est défini en extension, objective facile à cerner. Un même problème peut être modélisé ù
raide de différents ensembles A et la nature (stable ou évolutive,
• Choisir, parmi une dizaine de possibilités, l'emplacement d'une globalisée ou fragmentée) de cet ensemble en dépend. II n'existe
nouvelle usine: A est défini en extension, donc pas «une bonne» et «des mauvaises» définitions de A. Certaines
• Choisir un trajet pour une tournée de distribution: A est l'en- conduiront à une modélisation plus simple des préférences mais ù
semble des circuits hamiltoniens d'un graphe, une application plus ardue d'une méthode d'aide à la décision, (l'au-
tres auront les caractéristiques inverses. La définition de A ne dépend
• Affecter n ouvriers à n tâches: A est l'ensemble des permuta- donc pas seulement du problème posé et des acteurs du processus de
tions d'un ensemble à n éléments; c'est aussi l'ensemble des solutions décision; elle interagit fortement avec les étapes qui vont suivre, Ù
d'un système d'équations linéaires en variables booléennes. savoir la définition des critères et la modélisation des préférences, le
• Fixer le prix d'une marchandise: A est un intervalle de la droite choix de la problématique et la méthode d'aide à la décision qui sera
réelle (même si. en pratique, il n'y a qu'un nombre fini de prix appliquée.
plausibles puisque le nombre de décimales sera nécessairement limi-
té ).

• Traiter un problème d'économétrie: A est l'ensemble des solu- 4. Exemples


tions d'un système d'inéquations linéaires. Exemple 1 : localisation d'lIne nouvelle centrale hydro-électriqlle
Etant donné la complexité des problèmes de décision, il n'est pas Une nouvelle centrale doit être construite dans une région détermi-
toujours possible de définir a priori l'ensemble A. Il arrive même née; une étude préliminaire a conduit à la définition de huit empla
souvent que la définition de A se fasse progressivement au cours de cements possibles, parmi lesquels les responsables doivent choisir:
la procédure d'aide à la décision. L'ensemble A peut donc être: l'ensemble A est fini et défini en extension, il est stable et globalisé.

• stable: il est défini a priori et n'est pas susceptible d'être changé Exemple 2 : localisation de deux nouvelles centrales hydra-électriques
en cours de procédure;
Le problème des responsables est ici de choisir deux emplacements
parmi les huit possibles: ce choix doit être équilibré et ne pas favoriser
• évolutif: il peut être modifié en cours de procédure, soit à cause
Ù l'extrême une sous-région particulière: le choix d'lm emplacement
des résultats intermédiaires que cette procédure fait apparaître, soit
conditionne donc fortement le choix du deuxième.
parce que le problème de décision se pose dans un environnement
naturellement changeant (les deux causes pouvant être simultanées). Si A est défini comme l'ensemble des huit emplacements possibles,
alors A est fini et défini en extension, stable et fragmenté.
Enfin, comme on le verra dans les exemples qui suivent, il est
intércssant de distinguer les cas où A est: Si par contre on définit A comme l'ensemble des vingt-huit
d'emplacements à considérer, alors A est fini, défini en extension,
• globalisé: chaque élémcnt dc 1\ est cxclusif de tout autre; stable et globalisé. Bien entendu, dans ce dernier cas, il faut quc ks
.. IhlJ~m('l!t(; : ks réslllt;th dll processus de décision font intervenir préfl'rences ct les clÎkrt's 'Iut' 1'011 construit s'appliquent aux n:lI!cs
t!C\ cumhil1:1 l!I\ d,' nltl\lt'qr\ I("ments dl' 1\, d'cmplact'ments pluto( qU':llI nlplacements ellX-llI('meS
LLS A( Tf( )NS 29
2H L'AIDE MULTICRITERL A LA DFClSION

Exemple 3 .' choix de dellx candidats pour deux postes vacants Exemple 5 .' gestion de projets de recherche

Deux postes d'employés sont vacants dans une banque; ces postes Un comité permanent doit, dans une grande entreprise, se pro-
sont très similaires et demandent des qualités analogues. Vingt per- noncer sur la continuation ou non de projets en cours et sur l'accep-
sonnes ont déposé leur candidature. tation ou le refus de nouveaux projets. L'ensemble A est défini en
extension et évolutif; il est fragmenté à cause des éventuels aspects
Dans l'hypothèse où les deux postes à pourvoir sont indépendants communs des projets et du fait que l'enveloppe budgétaire totale est
et ne nécessitent pas de travail en commun de la part des deux nécessairement limitée.
employés, l'ensemble A, constitué des vingt candidats, est globalisé.
Par contre, si les deux employés sont amenés à faire équipe, alors Le lecteur trouvera dans le chapitre 3 du livre de B. Roy (1985)
la situation est analogue à celle de l'exemple 2 et l'ensemble A est la description et l'analyse détaillée de douze problèmes concrets et
fragmenté. On retrouve un ensemble A globalisé en considérant l'en- des ensembles d'actions qui leur sont associés.
semble des 190 manières de choisir 2 candidats parmi 20.

I:'xemple 4 .' problème de mélange


Une société fabrique des plaques de plastique ayant des propriétés
de souplesse, de résistance, de poids, de couleur, ... fixées par les
clients. Ces propriétés dépendent des quantités Xl, X2, ... , Xn des
composants intervenant dans la fabrication du plastique. Il s'agit de
mettre au point une procédure permettant de satisfaire au mieux les
clients.
Dans ce cas, A est l'ensemble des vecteurs (Xl, X~, ... , xn ) satisfai-
sant les propriétés fixées par le client : il est infini et défini en com-
préhension, à l'aide de contraintes mathématiques traduisant les pro-
priétés physiques et chimiques du mélange à partir de sa constitution.
L'ensemble A est évolutif car les contraintes et les constituants du
mélange varient d'un client il l'autre. L'ensemble A peut aussi évoluer
pour chaque client si une étude préliminaire faite par le laboratoire
montre que les propriétés demandées initialement par le client sont
irréalistes Oll pourraient C:tre modifiées avantagl~lIsement. Ici, A est
glubal
,'!teille! 'il ~:sl d(;fini t'Il . ,l'en-
st'mhlv A tin d'III! !'IJ\t'l11hk plus
(11,'1 1 IR" 1
Chapitre II
La modélisation des préférences

Les propriétés des modèles de préférences sont énoncées mais ne


sont pas démontrées; le lecteur intéressé par les démonstrations
pourra consulter Doignon et al. (1986), Fishburn (1970a et 1985),
Krantz et al. (1971), Monjardet (1978c), Roberts (1979), Roubens et
Vincke (1985), Vincke (1980b et 1988).

1. Introduction

Les préférences sont essentielles dans la vie des individus aussi bien
que des collectivités. Leur modélisation constitue une étape indispen-
sable en aide à la décision, mais aussi en économie, en sociologie,
en psychologie, en recherche opérationnelle, en actuariat, ... Nous
présentons ici les concepts de base que l'on retrouve dans la plupart.
des travaux consacrés à ce domaine en pleine expansion qu'est la
modélisation des préférences.

2. Structure de préférence

Nous supposons. dans un premier temps. que, confrollk il la corn,


paraisoll de 2 aU ions a t'I Il (\:kll1ents de l'ensemble A défini
k· dl;lpitn' 1), Il' d,;ddl,\It aUI;t !'IIlH' des trois réactions
1,1
LA MODH.lSi\T[Of\! P!'S PRUl:,RFNCl:S
32 L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION

• préférence pour l'une des deux actions, En effet. on a alors


• indifférence entre les deux actions, aPb ssi aSb et b$a,
• refus ou impossibilité de comparer. aIb ssi aSb et bSa,
Nous notons aRb ssi a$b et b$a,
La relation S est parfois appelée « préférence au sens large» par
• aPb si a est préféré à b (bPa si c'est l'inverse),
• aIb s'il y a indifférence entre a et b, opposition avec P, relation de préférence stricte,
• aRb s'il y a incomparabilité,
4. Représentation graphique d'une structure de préférence
Les relations de préférence (P), d'indifférence (1) et d'incomparabi-
lité (R) sont respectivement les ensembles de couples (a, b) tels que Nous adoptons les conventions graphiques suivantes pour repré-
aPb, aIb, aRb, Ce sont les trois relations que l'on retrouve dans la senter les trois relations constitutives d'une structure de préférence.
plupart des travaux sur la modélisation des préférences. Il s'agit donc
de relations définies dans A, indépendamment du fait que A est
globalisé ou fragmenté.
,,~h ,~b ,. .h

aIb aRb
Pour que ces relations traduisent effectivement des situations de aPb
préférence, d'indifférence et d'incomparabilité, il est naturel (et admis
5. La structure de préférence traditionnelle
par tous les auteurs) de supposer qu'elles remplissent les propriétés
suivantes: Va, b E A : L'approche traditionnelle consiste à ramener un problème de déci-
aPb ~ bJ"a : P est asymétrique, sion à l'optimisation d'une fonction g définie sur A : c'est le cas en
..aI a : I est réflexive, recherche opérationnelle, en actuariat ct dans la plupart des mçKlèles
aIb ~ bIa : l est symétrique, d'économie, Cette approche revient à supposer que les préférences
a~a : Rest irréflexive, du décideur vérifient le modèle suivant (dans le cas d'une maximisa-
aRb ~ bRa : R est symétrique. tion) : Va, b E A :

l aIl)<=>g~()a =g~(t) )
aPb<=>g(a»g(b)~ , tradItIOnnel»,
«modele "
Définition : les trois relations {P, l, R} constituent une structure
de préférence sur A si elles ont les propriétés indiquées ci-dessus et Il est facile de vérifier que la structure de préférence sous-jacente
si, étant donné deux éléments quelconques a et b de A, une et une
doit satisfaire les conditions suivantes: Va, b, c E A :
seule des situations suivantes est vérifiée: aPb, bPa, aIb, aRb.
a~b : R est, vide (pas d,ïncom p, arabilité),
aPb et bPc ~ aPc : P est transitive,
\ aIb et bIc => ale: l est transitive,
3. Relation caractéristique d'une structure de préférence Lorsque l'ensemble A des actions est fini ou dénombrable, ces
conditions sont également suffisantes pour qu'il existe une fonction
Toute structure de préférence peut être entièrement caractérisée g vérifiant le «modèle trad ition nt' 1», Lorsque A est in fi ni, il est
par la donn('t' de la relation définie par nécessaire d'ajouter des conditions de nature topologique qui sont
l' l'akme Il t s;\! <lit cs da ns h.'\ :wlll il'a t ions,
il \1\' alb lJ 1),
.l,! L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION LA MODELISATION DES PREFERENCES 35

La relation caractéristique S associée au modèle traditionnel est une tasse de thé bien sucré à une tasse de thé sans sucre (T N PT",
telle que, Va, b, CE A : où N est suffisamment grand), ce qui contredit la transitivité de la
relation d'indifférence.
~ aSb ou bSa (ou non exclusif) : S est complète,
~ aSb et bSc => aSc : S est transitive. L'introduction d'lm seuil d'indifférence q positif conduit au modèle
suivant: Va, b E A :
Une telle relation s'appelle un préordre total (Oll complet) : elle
correspond à la situation où on peut ranger les éléments de A du saPb~g(a»g(b)+q, l «modèle à seuil»,
«meilleur» au «moins bon» avec d'éventuels ex aequo puisque ~ aIb~lg(a)-g(b)l~q,~
aSb~g(a);::: g(b). Il est facile de vérifier que la structure de préférence sous-jacente
doit satisfaire les conditions suivantes: Va, b, c, dE A :
S'il n'y a pas d'ex aequo, S est un ordre total.
a~b : R est vide (pas d'incomparabilité),
Définition: une structure de préférence est une structure de préordre
total si elle est représentable par le «modèle traditionnel»; c'est une
structure d'ordre total si, de plus, la relation 1 se limite aux couples
identiques.
l aPb, bIc, cPd=>aPd,
aPb, bPc, ald => dPc.
Lorsque l'ensemble A des actions est fini ou dénombrable, ces
conditions sont également suffisantes pour qu'il existe une fonction
Remarques g et un seuil q vérifiant le «modèle à seuil». Lorsque A est infini, il
est nécessaire d'ajouter des conditions de nature topologique qui sont
1) Dans une structure de préordre total, 1 est une relation d'équi-
généralement satisfaites dans les applications.
valence (relation réflexive, symétrique et transitive) et P est un «ordre
faible» (relation asymétrique et négativement transitive: afb et bfc La relation caractéristique S associée au modèle à seuil est telle
=> afc); de plus, la donnée de P suffit à connaître entièrement la que, Va, b, c, dE A :
structure.
aSb ou bSa : S est complète,
2) Dans une structure d'ordre total, P est un ordre strict total.

6. La prise en compte d'un seuil d'indifférence


l aSb et cSd => aSd ou cSb : S est de Ferrers,
aSb et bSc => aSd ou dSc : S est semi-transitive.
Définition: une structure de préférence est une structure de quasi-
ordre si elle est représentable par le «modèle à seuil».
La transitivité de l'indifférence, impliquée par le modèle tradition-
nel, est incompatible avec l'existence d'un seuil de sensibilité en-des-
sous duquel le décideur, soit ne perçoit pas de différence entre deux
Remarques
éléments, soit refuse de se prononcer pour la préférence de l'un sur
l'autre. Ce fait fut déjà mis en évidence par H. Poincaré (1935, p. 69) 1) Dans une structure de quasi-ordre la relation P est encore tran-
ct, avant lui, par certains philosophes grecs, mais c'est D. Luce (1956) sitive (vérifier à titre d'exercice).
qui introduisit cette remarque fondamentale dans la modélisation des 2) A toute structure cie quasi-ordre, on peut associer une structure
préférences en l'illustrant par l'exemple suivant: si l'on désigne par
de préordre total en définissant
T, un~' tasse de tht.: cOlltenant i milligrammes de sucre, il est normal
il \'(HnparCr différentes tasses de thé ne perçoive ~ 'IP'h~):'.( a) > g(h),
flre d" 1 fllilltl'ralllllh: (1',1'1', l, Vi) mais qll'il préfl.~re
1 /;t!'11.ç.:;"I!(a) f.!.(h).
lil L'AmI' MULTlCRITLRE A LA DECISION LA MODELISATION DES l'RI.FI'lU'NCFS J7

On peut démontrer que Si la fonction seuil q vérifie la « condition de cohérence» suivante:


aP'b ssi ::Jc: aPc et cIb Va, b E A :
ou alc et cPb
ou aPc et cPb, g(a) > g(b) =:> g(a) + q(g(a») ~ g(b) + q(g(b»),
alors on retrouve une structure de quasi-ordre et on peut toujours,
l'étant la relation complémentaire.
moyennant une transformation des fonctions g et q, se ramener à un
3) Du point de vue graphique, une structure de quasi-ordre est modèle où le seuil est constant.
caractérisée par le fait que les configurations suivantes sont interdites
Cette situation se présente par exemple dans le cas (fréquent) où
le seuil d'indifférence s'exprime comme un pourcentage de la valeur
considérée :

DDD
q (g(b ) ) = Ct . g(b) (Ct> 0).
Si la fonction q ne vérifie pas la condition de cohérence, alors la
structure de préférence sous-jacente au modèle à seuil variable doit
satisfaire les conditions suivantes: Va, b, c, dE A :
(les diagonales étant quelconques). \ altb : R est vide (pas d'incomparabilité)
? aPb, bIc, cPd=:>aPd.
4) La structure de quasi-ordre a également une représentation
matricielle d'un type très particulier, qui a conduit à la notion très Lorsque l'ensemble A est fini ou dénombrable, ces conditions sont
intéressante de «représentation minimale» (voir Pirlot, 1989), géné- également suffisantes pour qu'il existe deux fonctions g et q vérifiant
ralisation de la notion de rang naturellement associée à l'ordre total. le «modèle à seuil variable».
La relation caractéristique S associée à ce modèle est une relation
de Ferrers complète (voir paragraphe précédent).

7. Cas où le seuil d'indifférence est variable Définition: une structure de préférence est une structure d'ordre
d'intervalle si elle est représentable par le «modèle à seuil variable».
Le modèle précédent présente l'inconvénient de ne considérer
qu'un seuil constant. Or. dans beaucoup d'applications, le seuil d'in- Remarques
différence varie le long de l'échelle considérée (la signification d'une
1) La relation P est toujours transitive.
différence de 1.000 F n'est pas la même selon que l'on considère des
sommes s'exprimant en milliers ou en millions de francs). Il est donc 2) A toute structure d'ordre d'intervalle, on peut associer deux
souvent utile d'introduire un seuil d'indifférence variable tel que, Va, structures de préordre total en définissant
h EA :
\ aP'b<=:> g( a) > g(b),
aPb<::> g(<l) g(b)+lJ(gCb)),! ? al'b<=:>g(a) = g(b),

l.
;t1b <::;> \I. . ~(il)
.
Ij~(h)'
h) f
il)fq(
(.,(g(h),
a)).
«modèle Ù scuil variahlc». ct
\ a P/lb<=:> g( a) + q (g( a) ) > g(b) + q (g(b ) ) ,
1)1'11 rit" p,.'l\v,'nl :,tlnl f1! 1.' r (al/lb<=:>g(a) + q(g(a)) = g(b) + q(g(b)).
lh L'AIDI-: MULTlCRITLRL t\ lA DECISION
l./\ MODELISATION DES l'IU:TERENCLS J~)

Ces préordres totaux sont liés aux rangements que l'on obtient en alors on retrouve une structure d'ordre d'intervalle (c'est d'ailleurs
associant à chaque action le nombre d'actions qui lui sont préférées de cette situation que la structure tire son nom) : il suffit de poser
ct le nombre d'actions auxquelles elle est préférée [voir Roubens et
Vincke (1985)]. ~xa=g(a),
~ Ya = g(a) + q(g(a»),
J) Du point de vue graphique, une structure d'ordre d'intervalle
est caractérisée par le fait que les configurations suivantes sont inter- pour retrouver le modèle à seuil variable.
dites (les diagonales étant quelconques) :
La structure d'ordre d'intervalle apparaît donc de façon très natu-
relle lorsqu'on doit comparer, suivant un point de vue donné, des
décisions dont les évaluations, pour ce point de vue, s'expriment sous

DO
forme d'intervalles. Dans le cas particulier où tous les intervalles ont
même longueur, on retrouve une structure de quasi-ordre (seuil cons-
tant) .
b) S'il y a préférence d'un intervalle sur l'autre dès que le premier
est «décalé» par rapport au second, c'est-à-dire si
4) La structure d'ordre d'intervalle a également une représentation
matricielle d'un type particulier [voir Roubens et Vincke (1985)]. ~ aPb~xa>xb et Ya>Yb,
~ albç::. [x a, Ya] C [Xb' Yb] ou [Xl" Yb] C [x a, Ya],
5) La structure d'ordre d'intervalle a des liens étroits avec les
concepts d'échelles de Guttmann, de biordres, de graphes d'inter- alors la relation P est un ordre partiel de dimension 2 et l est la
valles et de comparabilité et de graphes triangulés [voir Doignon et relation complémentaire. L'ordre partiel de dimension 2 est, par
(/1. (1986), Fishburn (1985), Golumbic (1980), Roubens et Vincke définition, une relation transitive qui peut être vue comme l'intersec-
(1985)]. tion de deux ordres stricts totaux. Autrement dit. c'est la relation de
préférence que l'on obtient lorsque, comparant des décisions suivant
deux points de vue, on est capable de les ranger de la meilleure à la
moins bonne pour chaque point de vue et on préfère globalement a
8. La comparaison d'intervalles
à b si a est avant b dans les deux rangements. Dans la situation qui
nous occupe, les deux rangements sont donnés respectivement par
L'imprécision des instruments de mesure (surtout dans les pro-
l'ordre des extrémités droites et l'ordre des extrémités gauches des
blèmes de décision) et la complexité des décisions à comparer font
intervalles. On retrouvera la notion d'ordre partiel dans la section 10.
qu'il est souvent difficile de traduire par un nombre précis l'évaluation
d'une décision suivant un point de vue. L'évaluation de chaque
9. La prise en compte d'un seuil d'indifférence
action a pourra alors se présenter sous forme d'un intervalle (<< four-
et d'un seuil de préférence
chette») [x"' Ya]. Deux situations ont été essentiellement étudiées
dans la littérature pour ce qui est de la comparaison des intervalles. L'utilisation pratique des modèles précédents passe nécessairement
a) S'il est nécessaire que deux intervalles soient disjoints pour qu'il par une phase d'estimation du seuil d'indifférence. Il peut sembler
y (lit préférence de l'un sur l'autre, c'est-à-dire si illusoire de vouloir fixer une valeur précise au-dessus de laquelle il
y a préférence stricte et en dessous de laquelle il y a indifférence. L"
i :1 Ph <::>X" YI" pratique montre qu'il existe souvent une zone intermédiaire
:llh " v,1 () [XI" Ybl Y), le décideur hésite entre les deux réponses ou donne
l 'AIflI' !Vll!lll(RITFRf'. ;\ lA Dll')/( IN
LA MOJ)EI.ISATION DES l'RI'{'I,HINCl'S JII

Ces préordres totaux sont liés aux rangements que l'on obtient en alors on retrouve une structure d'ordre cI'intervalle (c'est d'ailleurs
associant cl chaque action le nombre d'actions qui lui sont préférées de cette situation que la structure tire son nom) : il suffit cie poser
l't le nombre d'actions auxquelles elle est préférée [voir Roubens et
Vincke (l9R5)]. ~ Xa = g(a),
? Ya = g(a) + q(g(a»),
3) Du point de vue graphique, une structure d'ordre d'intervalle
est caractérisée par le fait que les configurations suivantes sont inter- pour retrouver le modèle à seuil variable.
dites (les diagonales étant quelconques) : La structure d'ordre d'intervalle apparaît donc de façon très natu-
relle lorsqu'on doit comparer, suivant un point de vue donné, des
clécisions dont les évaluations, pour ce point de vue, s'expriment sous

DO
forme d'intervalles. Dans le cas particulier où tous les intervalles ont
même longueur, on retrouve une structure cie quasi-ordre (seuil cons-
tant).
b) S'il Y a préférence d'un intervalle sur l'autre dès que le premier
est «décalé» par rapport au second, c'est -à-dire si
-J.) La structure d'ordre d'intervalle a également une représentation
matricielle d'un type particulier [voir Roubens et Vincke (198S) J. ~ aPb~xa > Xb et Ya > Yb,
? alb<::> [x a, Yale [Xb, Yb] ou [Xb, YbJe [xa, Ya],
5) La structure d'ordre d'intervalle a des liens étroits avec les
concepts d'échelles de Guttmann, de biordres, de graphes d'inter- alors la relation P est un ordre partiel cie dimension 2 et 1 est la
valles et de comparabilité et de graphes triangulés [voir Doignon et relation complémentaire. L'ordre partiel de dimension 2 est, par
(/!. (l9R6), Fishburn (1985), Golumbic (1980), Roubens et Vincke définition, une relation transitive qui peut être vue comme l'intersec-
(llJRS)J. tion cie deux ordres stricts totaux. Autrement dit, c'est la relation de
préférence que l'on obtient lorsque, comparant des décisions suivant
deux points de vue, on est capable cie les ranger de la meillcure à la
moins bonne pour chaque point dc vue et on préfère globalement a
8. La comparaison d'intervalles
à b si a est avant b dans lcs dcux rangements. Dans la situation qui
nous occupe, les deux rangements sont clonnés respectivement par
L'imprécision des instruments de mesure (surtout dans les pro-
l'ordre des extrémités droites et l'ordre des extrémités gauches des
blèmes de décision) et la complexité des décisions à comparer font
intervalles. On retrouvera la notion d'ordre partiel dans la section 10.
qu'il est souvent difficile de traduire par un nombre précis l'évaluation
décision suivant un point de vue. L'évaluation de chaque
9. La prise en compte d'un seuil d'indifférence
;lction il pourra alors se présenter sous forme d'un intervalle (<< four-
et d'un seuil de préférence
l'het te») [xa' Ya]. Deux situations ont été essentiellement étudiées
dalls la littérature pour ce qui est cie la comparaison des intervalles. L'utilisation pratique des modèles précédcnts passe nécessaircmcnt
:1) S'il est nécessaire que deux intervalles soient disjoints pour qu'il par une phasc d'estimation du seuil d'indiffércnce. Il peut scmbler
v ai! prdérence de l'un sur l'autre, c'est-à-dire si illusoire de vouloir fixer une valeur précisc au-dessus de laquelle il
y a préférence stricte et en dessous de laquelle il Y a indiffércnce, La
~ :lPh<:>x, Vh. pratiquc montre qu'il existe souvent une zone intermédiaire dm1s
(alh '. v,,1 fi IXI>, Vil 1 çJ), laquelle le décidcur hésite entre les deux réponses ou donnè
,Hl ( 'i\(f)! MU! ([([{IIUn /\ [A f)[C!SION
LA MODELISATION Dl-:) Pl{I 1+ RLN( 'IS ·11

réponses contradictoires suivant la manière dont il est interrogé. Cette l'on n'est pas en mesure (par manque d'information) de comparer
constatation a conduit à l'introduction d'un modèle de préférence deux actions. Elle apparaît encore plus fréquemment lorsqu'il faut
faisant intervenir explicitement deux seuils distincts: le seuil d'indif- agréger des points de vue contradictoires. Même si une décision est
férence, en dessous duquel le décideur marque une indifférence nette finalement choisie, il peut être utile, pendant la phase d'aide à la
ct le seuil de préférence, au-dessus duquel le décideur montre une décision, d'exprimer l'absence de comparaison entre certaines actions.
préférence stricte: D'autre part, conclure à l'incomparabilité de deux actions, étant
1 aPb ~ gCa»gCb)+j(g(b»), donné l'information dont on dispose, constitue aussi une aide à la
) aOb <=;> g(b) + pfgCb) ~ g( a) > g(b) + q(g(b») ,( «modèle décision puisque cela revient à mettre en évidence les aspects du
)alb <=;> \g(b)+q g(b) ~g(a), (àdeuxseuils». problème qu'il faut approfondir.
\ ?g(a)+q g(a) ~g(b).
Les modèles incluant l'incomparabilité ont été relativement peu
La relation 0, appelée «préférence faible» par B. Roy, traduit étudiés dans la littérature: nous présentons ici les concepts d'ordre
donc une hésitation du décideur entre l'indifférence et la préférence partiel, de préordre partiel et nous évoquons les tentatives de défini-
(ct non une préférence d'intensité moindre comme son nom pourrait tions de quasi-ordre partiel et ordre d'intervalle partiel. A ces modè-
le faire croire). les, il faut ajouter le concept de relation de surclasse ment qui sera
introduit dans le chapitre V et qui est plus spécifique aux problèmes
Les propriétés des relations P, Q, l, impliquées par ce modèle multicritères.
dépendent des éventuelles «conditions de cohérence» imposées aux
seuils. Le lecteur intéressé pourra consulter Vincke (1980b ct 1988). JO.1. La structure d'ordre partiel
Signalons en particulier la structure de pseudo-ordre (Roy et Vincke, On obtient une structure d'ordre partiel lorsqu'on peut ranger du
1<JK4b ct 19K7a) qui correspond à un modèle à deux seuils dans lequel «meilleur» au «moins bon», sans ex aequo, les éléments de certains
(ln impose:
sous-ensembles de A. De façon plus précise, on a la définition sui-
g(a) > g(b)~ g(a) + q(g(,a») > g(b) + q(g(b») vante:
~ g(a) + p(g(a») > g(b) + p(g(b»). Définition: une structure d'ordre partiel est caractérisée par le fait
Remarquons encore qu'une structure à 3 relations p, Q, 1 apparaît que, Va, b, CE A :
aussi très naturellement lorsque, comparant des intervalles comme
~a*b~afb (pas d'ex œquo),
d,ms la section 8, on conclut
? aPb et bPc ~ aPc : P est transitive.

l
aPh<:=;>x">:Yb'
Dans ce cas, il existe une fonction g telle que
aOb~y" >Yl» x,,> X\l,
alh<:=;>[x". y,,] c lXh' Yb] OU [Xb. Ybl c [x"' y,,]. aPb ~ g(a) > g(b),
l,a caractérisation de cette structure est encore un problème ouvert. tous les éléments de A ayant des valeurs numériques différentes (1)
La différence avec la structure d'ordre total réside donc dans le fait
10. Modèles incluant l'incomparabilité que la représentation numérique ne donne plus lieu à une doubk

Tous les modèles précédcnts impliquent que la relation R est vide, (1) En faiL la condition nécessaire ct suffisante pour qu'une telle fonction g existe est qUé la
("cst-:Hlirc l'ahsence d'incomparabilité. Celle-ci apparaît cependant relation P soit sans circuit: cette condition est évidemment satisfaite lorsque Pest transitivt:
puisque la présence d'un circuit impliquerait I"existencc d'un élément a de A tel q\l<: aPa, <,'l"
tIe, dans un processus dc décision, on ne désire pas ou qui l'st impossible.
,12 L'AlDI:, MULTICRITUŒ A LA DH'ISION LA MODFLlSATION DES PRITI'RI'N, TS 11

implication, ce qui autorise la présence de couples d'actions incompa- La relation caractéristique S associée à ce modèle est un préordrc
rables, partiel (relation rétlexive ct transitive).
La relation caractéristique S associée à ce modèle est telle que, Etant donné une structure de préordre partiel, il est toujours pos-
Va, b, CE A : sible de remplacer les incomparabilités par des préférences de manière
aSa : S est réflexive, à en faire une structure de préordre total.
i
aSb et bSa =:;. a = b : S est antisymétrique, Si l'on dispose de plusieurs structures depréordre !total sur un
1aSb ct bSc =:;. aSc : S est transitive, ensemble A et si l'on retient les préférences communes et les indiffé"
c'est-à-dire que c'est un ordre partiel. rences communes, on obtient une structure de pré ordre partiel.

Etant donné une structure d'ordre partiel, il est toujours possible JO.3. Les structures de quasi-ordre partiel et d'ordre d'intervalle partiel
de remplacer les incomparabilités par des préférences de manière à Les deux structures précédentes sont incompatibles avec l'existence
en faire une structure d'ordre total (Szpilrajn, 1930) et ce, d'au moins d'un seuil de préférence. Il était donc naturel que l'on tente de définir
2 manières différentes. Ce résultat fondamental est à la base du une structure qui autorise simultanément la présence d'incomparabi-
concept de dimension d'un ordre partiel (Dushnik et Miller, 1941; lités et l'intransitivité de l'indifférence ct qu'on rappelle quasi-ordre
Golumbic, 1980). partiel (seuil constant) ou ordre d'intervalle partiel (seuil variable).
Si l'on dispose de plusieurs structures d'ordre total sur un ensemble Plusieurs définitions ont été proposées récemment dans la littérature
A ct si l'on retient uniquement les préférences communes à tous ces sans qu'aucune d'elles, jusqu'à présent, se soit véritablement imposée.
ordres totaux, on obtient une structure d'ordre partiel: on rencon- Le lecteur intéressé pourra consulter Roubens et Vincke (1984a ct
trera cette situation lors de la définition du concept de dominance 1985), Roy (1985) ct Doignon (1988).
(cf. chapitre III).

JO.2. La structure de préordre partiel 11. Synthèse des structures de préférences les plus usitées
On obtient une structure de préordre partiel lorqu'on peut ranger R*vJ
II!
du «meilleur» au «moins bon», avec d'éventuels ex requo, les élé- Structure d'ordre Structure d'ordre
d'intervalle d'intervalle partiel
ments de certains sous-ensembles de A. De façon plus précise, on a
la définition suivante:
Définition: une structure de préordre partiel est caractérisée par le
fait que, Va, b, CE A :
!
Structure de
Seuil constant

~
l
Structure de
quasi-ordre quasi-ordre partiel
1
aPI,) et bPc =:;. é,tP, c, : P est transitive,
l Transitivité de 1
l
!
albetblc =:;.aIc: 1 est transitive,
aPh ct bIc =:;. aPc,
aIb ct bPe aPc.
Structure de
préorclre total
+ Structure de
préordrc

Dans cc cas, il c
\aPh a} h)
lIne fonction g telle que
!
Structure d'ordrc
+
1
Pas d'cx a:qull
!
S(rul'tl!r<.' d'urd!
1:tlh ;1) ,l'(h) (Dt ,il
.[.) L'AIDE MUL'TICRITEIU'. ;\ LA DECISION LA MODELISATION f)['S l'lU IIHFN< '(S 45

12. Structures valuées de préférences 13. La comparaison des écarts de préférences


Les modèles précédents supposent que la relation de préférence Il peut arriver que le décideur soit capable non seulement de com-
est unique, en ce sens que le décideur ne fait pas de distinction entre parer les actions entre elles, mais aussi les écarts de préférence entre
des «préférences plus ou moins fortes». Dans le cas contraire, il ces actions. Etant donné 4 actions a, b, c, d telles que aPb et cPd,
devient nécessaire d'associer, à chaque couple (a, b) d'éléments de on peut alors avoir une information supplémentaire du type «la pré-
A, une valeur v( a, b) traduisant la «force» ou le «degré» de la férence de a sur b est plus forte, moins forte, équivalente ou incom-
préférence. Cette situation se rencontre également si la comparaison parable à la préférence de c sur d». Cette situation peut conduire à
de a et b est réalisée par un vote ou un sondage au cours duquel la définition d'une structure de préférence sur A x A qui vient com-
certaines réponses sont favorables à a et d'autres sont favorables à b. pléter la structure de préférence sur A. L'étude simultanée de ces
deux structures et de leurs liens est très complexe et, malgré les
Les propriétés des préférences valuées ainsi obtenues peuvent être nombreux travaux qui lui sont consacrés, est loin d'être terminée.
très différentes. Nous en donnons quelques-unes ci-dessous: Pour la suite de ce livre, nous retiendrons seulement le «modèle
v(a, b»o=?v(b, a)=o, additif traditionnel», où les deux structures de préférence sont repré-
v(a, b)+v(b, a)=L sentées par une fonction g unique telle que, Va, b, c, dE A :
v(a, b) + v(b, a) ~ 1,
aPb<=:>g(a) > g(b),
v(a, b)::?:max min [v(a, c), v(c, b)],
c aIb <=:> g( a) = g(b),
max [v(a, b), v(c, d)]::?:min [v(a, d), v(c, b)], [a, b]>[c, d]<=:>g(a)-g(b»g(c)-g(d),
max [v(a, b), v(b, c)]::?:min [v(a, d), v(d, c)], [a, b]~[c, d]<=>g(a)-g(b)=g(c)-g(d),
v(a, c)=v(a, b)+v(b, c).
où [a, b] [c, d] signifie que la préférence de a sur b est plus forte
La première est une sorte d'antisymétrie : toute préférence de a que la préférence de c sur d et [a, b] ~ [c, d] signifie qu'elles sont
sur b exclut qu'il y ait une préférence inverse; la deuxième donne équivalentes. Il est bien entendu que l'existence d'une telle fonction
une relation probabiliste et peut s'obtenir dans le cas d'un vote; la g implique des hypothèses très fortes sur les structures de préférences
troisième peut être le résultat d'un vote avec abstentions éventuelles; (on voit immédiatement qu'elles doivent être des structures de préor-
la quatrième est une des nombreuses manières de généraliser la tran- dres totaux) et sur leurs liens. De nombreux travaux ont déjà été
sitivité; la cinquième généralise, aux relations valuées, la propriété consacrés à ce problème et constituent ce que l'on appelle la «théorie
caractéristique des ordres d'intervalles; avec la sixième, elle fournit du mesurage» (measurement theory) : cf. Fishburn (1970a), Krantz
un «quasi-ordre valué ». La dernière propriété, l'additivité, conduit et al. (1971), Roberts (1979), Roy (1985).
ù la notion d'intensité de préférence et à des modèles de représenta-
tion numérique dans lesquels non seulement g(a) traduit la valeur de
14. La modélisation des préférences face à l'incertitude ou au risque
il mais où g( a) - g(b) a une signification précise : nous reviendrons
sur cette situation dans la section suivante. La principale approche au problème de la modélisation des préfé-
rences en contexte d'incertitude ou de risque est celle de la théorie
De très nombreux travaux sont relatifs à l'étude des relations de
de l'utilité espérée de Von Neumann-Morgenstern (1967) : étant
préférences valuées : d'une part dans les revues consacrées à la psy-
donné une action a pouvant donner une conséquence x avec une
chologie mathématique, d'autre part dans la littérature traitant des
probabilité p et une conséquence y avec une probabilité 1 - p, la
ensembles fi OtiS , 1,(' k<:tcur intéressé pourra consulter Fishburn
«valeur» de a est donnée par
(!<J70b ct 197J), Doignoll (,( (//. (11)Hô), Roubcns ct Vinckc (1<J/,)3a,
1()X··lh ct 1t)H''i) g(a) f (1 t J( v),
,li, l'AlDI" MULTICRITU{! :\ I.A ()!('ISI()N L.A MODELISATION DES [,RU'l'RENeES ·17

où U(x) ct U(y) sont les «valeurs» attribuées aux conséquences x et des structures de préférences particulières vues dans ce chapitre. Il
y (on verra dans le chapitre IV quelques méthodes permettant d'ob- peut alors être intéressant de rechercher les modifications minimales
tenir ces valeurs). On est donc conduit au modèle traditionnel puisque à apporter à la structure de préférence de l'individu pour obtenir les
la comparaison des actions sc ramène à la comparaison de nombres, propriétés voulues. Il s'agit donc d'ajuster une structure de préférence
alors qu'en fait il s'agit de comparer des distributions de probabilité. quelconque au moyen d'une structure particulière, ou encore de
D'autres concepts ont été introduits pour traiter cette situation: rechercher la structure particulière «à distance minimum» d'une
dominances stochastiques, mesures de risque, relations valuées parti- structure quelconque donnée [voir par exemple Ribeill (1973), Vincke
culières, ... Nous renvoyons le lecteur intéressé à la très abondante (1978b), Roubens et Vincke (1983b)].
littérature traitant de ce sujet [voir par exemple Fishburn (1982),
Jaffray et al. (1982), McCord et al. (1982), Cohen et al. (1983), A titre d'exemple, voyons comment on peut rechercher la structure
Bouyssou (1983), Colson (1985)]. d'ordre d'intervalle total {l\ Î} à distance minimum d'une structure
de préférence quelconque mais ne contenant pas d'incomparabilité:
L'exemple traité en section 18 illustre le type de critique que l'on
peut faire du modèle de l'utilité espérée (voir aussi Allais, 1953). {P, I}. En posant
~ 1 si aPb,
v(a, b) =
? 0 sinon,
15. La représentation géométrique des préférences
~ 1 si aPb,
v(a, b) =
? 0 sinon,
Le développement de l'informatique a permis des progrès énormes
dans le traitement des données, notamment grâce à des techniques le problème peut être modélisé comme suit :
statistiques telles que l'analyse factorielle ou l'analyse discriminante.
Ces techniques conduisent à une représentation géométrique, et donc min ~ ~ Iv(a,b)-v(a,b)1
ù une visualisation des données à traiter. Elles ont été adaptées v(a, a) = 0, Va,
également au cas où les données concernent des préférences [voir v(a, b)-v(c, b)+v(c, d)::s;v(a, d)+ 1, Va, b, c, d,
par exemple Batteau et al. (1981)]. v(a, b)=O ou 1, Va, b,
ce que l'on peut exprimer sous la forme d'un programme linéaire en
16. La collecte des données de préférences
variables booléennes.
La collecte des données de préférences est un problème difficile : La fonction à minimiser représente une distance entre les deux
des expériences ont en effet montré que la manière d'interroger un structures de préférences: on voit que l'écart entre une indifférence
individu peut influencer fortement son comportement. Il n'existe pas, et une préférence vaut 1 alors qu'une inversion de préférence vaut
ft cc jour, de méthodologie générale très claire; le développement de 2. Bien entendu, d'autres conventions pourraient être choisies.
logiciels interactifs conviviaux tels que Prefcalc (cf. chapitre IV) pour-
rait, à cet égard, être très utile.
La première contrainte exprime la réflexivité de J'indifférence ct
la deuxième est l'expression de la condition
17. Les problèmes d'ajustement
aPb, crb, cPd => aPd
I,orsqu'on dctnnndc il un individu de comparer 2 Ù 2 des objets
"Il
, actions, cHlldidat';, " ) termes des trois attitudes fonda· (qui impliquc l'asymétrie et la transitivité de P, ainsi que la propriété'
lllt'!lt;dc~, ;1 ln lllll " (lU Il'ohtient pas Ilccrss;!irvlllcnl une caractéristiqul' des structures d'ordres d'intcrvalles).
-Hl L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION .l9
LA MODELISATION IH'S PRfFFRENCES

Signalons que le choix d'un bon codage est important dans ce type 2 C question: même question que la précédente lorsqu'on ne prend
de problème si l'on veut éviter d'obtenir des programmes mathéma- en compte que le premier critère (nombre d'emplois créés et proba-
tiques non linéaires. bilités associées).
Vous pouvez répondre «non» aux questions suivantes. Si vous
répondez «oui», donnez l'évaluation demandée sous la forme que
18. Exercice: l'exemple du maire (cf. Vincke, 1981) vous voulez (nombre précis, intervalle, phrase, ... ).

Le Conseil d'une petite ville dont vous êtes le maire doit choisir, Je question.' pouvez-vous évaluer la probabilité JTl, telle que, pour
lors de sa prochaine réunion, un des 4 projets ah a2, a3, a4. Dans
vous, obtenir 110 nouveaux emplois avec une probabilité JTl ou 10 em-
plois avec une probabilité 1- JTl soit équivalent à obtenir 50 emplois
cette ville où la population active est d'environ 1.500 personnes, le
avec certitude?
chômage est un problème préoccupant puisqu'il concerne 12 % de la
population. C'est la raison pour laquelle le Conseil a décidé de fournir 4C question: sachant qu'un investissement de 2c permet de créer
un effort financier en vue de créer de nouveaux emplois. Néanmoins, 50 emplois avec certitude, pouvez-vous donner le nombre minimum
il se réserve la possibilité de ne choisir aucun des 4 projets (action d'emplois qu'un investissement de c devrait créer avec certitude?
as), Deux cri t'ères déterminants sont à prendre en compte dans la
comparaison des projets: le nombre d'emplois créés et le coùt. Le 5 e question: pouvez-vous évaluer la probabilité JTl telle que, pour
nombre d'emplois créés dépend d'événements extérieurs auxquels vous, obtenir 110 nouveaux emplois avec une probabilité JTl ou 10 em-
vous attachez certaines probabilités. Le tableau ci-dessous décrit plois avec une probabilité 1 - JTl soit équivalent à obtenir 50 emplois
l'évaluation des projets. avec une probabilité 0,1 ou 10 emplois avec une probabilité 0,9?
6" qllestion .' pouvez-vous comparer la différence entre 10 et 50 em-
al a2 a] a4 as
plois avec la différence entre 50 et 110 emplois?
Nombres Vous êtes invité à répondre à ces questions avant de lire la suite
cl'emplois créés 50 ou 10 110 ou 10 50 110 ou 10 0 de cette section; si vous en avez l'occasion, soumettez également ce
Probabilités
associées
problème à vos étudiants et à vos entourages professionnel et familial.
p I-p p/2 1- p/2 1 1/2 1/2 1
Coût c c 2c 2c 0
Ce questionnaire a été soumis, en 1980, à environ 300 étudiants,
Dans ce tableau, p=O,l et c représente environ 10 % des ressources chercheurs ou enseignants en gestion, économie et recherche opéra-
annuelles de la ville, tionnelle en France, en Belgique et en Suisse. Nous résumons ci-des-
sous les résultats obtenus afin que vous puissiez les comparer à vos
r e question.' indiquer, pour chacune des 10 paires d'actions, l'affir- propres conclusions. Dans la suite de cette section,
mation qui parmi les suivantes représente au mieux votre avis, étant
donné l'information fournie : a> b signifie aPb ou aOb,

aiPaj : «je préfère sans hésitation ai à aj»,


ai1aj :« je suis indifférent entre ai et aj»,
aiQaj : «aj n'est certainement pas meilleure que ai mais j'hésite
l a - b signifie aIb ou aRb,
tous les nombres sont des pourcentages.
Les 3 premiers tableaux concernent les questions 1 et 2.
entre aiPaj et a;Iaj »,
I.c tableau 1 dOl1lH' les ;lges de réponses où toutes
aiRaj : «je suis incapable de comparer ai et aj»'
cOlllpar:1ÎsollS ont etc expl ;1 l'aide de préflTcnccs
50 L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION LA iV!O[)LLISATION DI'.S f'RFI+RLNClS :'1

lonne P), de préférences strictes et d'indifférences (colonne P, 1), de Il en résulte que. pour être compatibles avec le modèle de l'utilité:
préférences strictes, d'indifférences et de préférences faibles (colonne espérée. les préférences ne peuvent pas être quelconques. Par exem-
P, l, Q). ple. on a
g(aJ>g(a2)=>p U(50»p/2 U(11O)+p/2 U(10)
Le tableau 2 donne, pour les relations P, > et l, les pourcentages
de réponses où ces relations présentent des intransitivités. Ces pour- => U(50) > 1/2 U(llO) + 1/2 U(lO)
centages sont pris sur les réponses où il existe au moins un triplet => g(a3) > g(a.)).
d'actions {ai, aj, ad tel que aiPaj et alak (resp. > et 1).
Le tableau 4 donne les pourcentages de réponses dans lesquelles
Le tableau 3 donne les pourcentages de réponses dans lesquelles les couples de relations (P, 1), (>, 1) et (>, -) sont compatibles
les couples de relations (P, 1), (>, 1) et (>, -) ont des structures avec le modèle de l'utilité espérée.
d'ordres d'intervalles (o.i.), de quasi-ordre (q.o.) et de préordres
totaux (p. t.) ainsi que le pourcentage de réponses ayant une structure
de pseudo-ordre (ps.o.) TABLEAU 4 (P. 1) (>.1) (>, -l

2c question 14.74 23.38 23,38

TABLEAU 1 P P,I P,I,Q

1r" question 14.75 22.66 70.50 Le tableau 5 résume les types de réponses obtenues aux questions
2" question 33.81 53.95 88.84 3 à 6.
Intransitivités Intransitivités Intransitivités
TABLEAU 2
deP de> de 1
Réponses sous forme de
Pas de Réponses Réponses Intervalles Nombres
1rc question 45.69 49,09 22.41 TABLEAU 5 Bornes
réponse «non» littéraires précis
2" question 18.30 20.57 9.97
------L--
3c question 0.02 0,20 (UlS 0.12 0.17 0,41
4c question 0.02 0.06 (l.O5 0.15 ll.25 0.47
TABLEAU 3 (P. 1) ( ?, 1) (>. -) (P. l, Q) Sc question 0.07 0.23 0,07 0.06 0.07 0.50

O.i. q.O. p.t. O.i. q,o. p.t. o.i. q.O. p.t. ps.o. Ont fait la comparaison
6" question 0.16 O.·B 0.23 0.18
1rc question 14,74 14.74 14,38 39.92 39.92 38.12 50.35 47.84 42.80 24.82
2" question 44.96 44.96 44.24 73.38 73.38 72.66 79.13 77.69 75.53 66.90
Les actions al et a2 ont le même coût: on pourrait donc s'attendre
à ce que. pour cette paire d'actions. les réponses aux questions 1 ct
Le tableau 4 concerne la compatibilité des réponses obtenues à la 2 soient identiques. En fait, 32,73 % des réponses ont été différentes
e
2 question avec le «modèle de l'utilité espérée» (cf. section 14). et 12,95 % ont présenté une inversion de la préférence, Il en cst de
Celui-ci, appliqué à l'exemple, donne: même pour a3 et a.) où 46,4 % des réponses ont été différentes Cl.
g(al)=p U(50)+(1-p) U(lO), 17.62 (X, ont donné lieu à une inversion de la préférence.
g(a2) = p/2 U(llO) + (1- p/2) U(10), Pour les personnes qui ont donné, à la 3e question. un l1omhn'
g(al) = U(50). précis, le modèle cie l'utilité espérée clonne
g(,t\) 1/2 U(llO) + 1/2 U(IO),
U(O). :!Tl U(llO)+(1 :!TI) U(IO) lJ(50).
52 L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION

e
Pour chaque valeur de Jth on obtient, pour la 2 question, un Chapitre III
préordre total compatible avec cette valeur; 14 % des personnes qui
e
ont proposé une valeur précise pour Jtt ont donné, à la 2 question,
Les concepts de base de l'aide multicritère
un préordre total compatible avec cette valeur. à la décision
De même, 13 % des personnes qui ont proposé une valeur précise
pour Jt2 (question 5) ont donné, à la 2 e question, un préordre total
compatible avec cette valeur,
Enfin, 6 % des personnes qui ont fait la comparaison proposée à
la 6c question ont donné, à la 2 e question, un pré ordre total compa-
tible avec leur réponse.

1. Critère et famille cohérente de critères

Nous appelons critère une fonction g, définie sur A, qui prend ses
valeurs dans un ensemble totalement ordonné, et qui représente les
préférences du décideur selon un point de vue. Ce sera
• un vrai-critère si la structure de préférence sous-jacente est une
structure de préordre total (<< modèle traditionnel»);
., un quasi-critère si la structure de préférence sous-jacente est une
structure de quasi-ordre (<< modèle à seuil»);
• un critère d'intervalle si la structure de préférence sous-jacente est
une structure d'ordre d'intervalle (<< modèle à seuil variable»);
CI un pseudo-critère si la structure de préférence sous-jacente est une

structure de pseudo-ordre (<<modèle à 2 seuils» avec conditions sur


les seuils).
Lorsque le problème repose sur la considération de plusieurs
res, nous \cs notons gt, g2, ... gj' ... g" : dans la suite nous parlerons
indifféremment du critère gj ou du critère j. L'évaluation d'une
il suivant le critt:rc j est notée p.i(a).
['AlDI': MULTICRITERE A LA DECISION
LES CON('[:fY!S [JI: Bi\SI. 55

La représentation des points de vue (aspects, facteurs, caractéristi- à des définitions différentes de F,
ID
ques) au moyen d'une famille F = {gl ... gj ... gn} de critères est • à des définitions différentes de la problématique (choix, tri ou
certainement la partie la plus délicate de la formulation d'un problème rangement).
de décision. Seul B. Roy (1985) a proposé jusqu'ici une méthodologie
conduisant à l'élaboration de F et analysant les variantes qui peuvent Cette dernière remarque est parfaitement illustrée par les douze
se présenter: nous y renvoyons le lecteur. La famille F de critères problèmes concrets que B. Roy analyse tout au long de son livre
doit si possible représenter toutes les facettes du problème tout en (1985).
évitant les redondances: on trouvera dans Roy et Bouyssou (1987b)
une proposition de définition de famille cohérente de critères ainsi que
3. Programme mathématique à objectifs multiples
les tests opérationnels permettant de vérifier qu'une famille de critères
est cohérente.
Définition: un programme mathématique à objectifs multiples est
Convention: sauf mention contraire, nous supposons que les préfé- un problème où il s'agit de trouver un vecteur XE IRP satisfaisant des
rences vont dans le sens croissant des gj' contraintes du type
hi(X)~O, i= 1,2, ... , m,
respectant d'éventuelles conditions d'intégrité et maximisant les fonc-
2. Problème muIticritère
tions
Définition: un problème de décision multicritère est une situation gj(x), j = 1,2, ... , n.
où, ayant défini un ensemble A d'actions et une famille F cohérente
Un programme mathématique à objectifs multiples est donc en fait
de critères sur A, on désire un problème cie décision multicritère dans lequel
@ soit déterminer un sous-ensemble d'actions considérées comme • A= {x : hi(X)~O, Vi} IRP,
les meilleures vis-à-vis de F (problème de choix), • F = {gl(X) .... gn(x)} est une famille de vrais-critères,
@ soit partitionner A en sous-ensembles suivant des normes préé- • on désire déterminer une «meilleure action» (problème de
tablies (problème de tri), choix).

@ soit ranger les actions de A de la meilleure à la moins bonne Le programme mathématique ù objectifs multiples est dit linéaire
(problème de rangement). si les fonctions hi (i= 1,2, ... , m) et gj (j= 1,2, ... , n) dépendent
linéairement de x :
Un problème de décision multicritère n'est évidemment pas une
max Cix. j = 1, 2, ... , n.
réalité objective dont on peut donner une description immédiatement
Dx~b,
acceptable par tout le monde (comme le sont souvent les phénomènes
relevant des «sciences exactes»). La définition ci-dessus doit plutôt
1x:?O,
être vue comme une manière de formuler un problème de décision où Ci, D et b sont des matrices de dimensions (1 x p, m x p et m xl).
rnulticritère. Il arrivera d'ailleurs souvent qu'un problème concret
donne lieu ù un !ll~lange de problèmes de choix, cie tri et de range- 4. Difficulté d'un problème multicritère
ment. Il est aussi important de constater qu'un même problème con-
cret peut dOllm:r lî,:11 La principale difficulté d'un problème multicritère est qu'il s'agit
d'lm problème mathématiquement mal posé, c'est-ù-clirc sans solution
<II il d!'s ddinitimh ddkl Il dl' i\ ollln'tiv,·, Il n'existe nas, VII p(·f]('r:tI. d'a,'tion mt'illcllre que toutes
51, l ',\llll Ml!I.TICRITERE A LA DECISION LES CONCEPTS DI' BASI;,

les autres simultanément pour tous les critères: le concept de solution Le lecteur vérifiera à titre d'excercice que la relation de dominance
optimale n'a donc pas de sens dans un contexte multicritère. De est un ordre strict partiel (relation asymétrique et transitive). Il est
même, un problème de rangement n'aura une solution objective que clair que la dominance de a sur b traduit une sorte d'unanimité des
si tous les critères donnent le même rangement, ce qui est tout à fait points de vue en faveur de a. Il est tout aussi évident que, générale-
exceptionnel. ment, la relation de dominance est très pauvre (peu de couples d'ac-
tions la vérifient), voir vide (aucun couple ne la vérifie).
« Résoudre» un problème de décision multicritère ne consiste donc
pas à rechercher une sorte de vérité cachée (alors que c'est le cas
dans un problème d'optimisation classique), mais à aider le décideur
à maîtriser les données (souvent complexes) de son problème et à 6. Action efficace
progresser vers une solution. Celle-ci sera donc plutôt une «action
de compromis» et il faut accepter qu'elle dépende fortement de la Définition: une action a est efficace ssi aucune action de A ne la
personnalité du décideur, des circonstances dans lesquelles se fait domine.
raide à la décision, de la façon dont on formule le problème et de L'ensemble des actions efficaces (qui peut être A tout entier lorsque
la méthode d'aide à la décision qui est utilisée. Ces caractéristiques la relation de dominance est vide) est généralement considéré comme
sont évidemment gênantes pour des scientifiques habitués à résoudre l'ensemble des seules actions intéressantes, même s'il existe parfois
des problèmes «dont la solution existe indépendamment d'eux ». Il des arguments pour ne pas rejeter définitivement les actions non
est d'ailleurs indéniable qu'une partie de la communauté scientifique efficaces.
continue à considérer l'aide multicritère à la décision comme peu
sérieuse ou peu rigoureuse. Nous verrons également, dans les Cest la raison pour laquelle de nombreux auteurs ont cherché des
méthodes proposées, que beaucoup de chercheurs ont essayé de caractérisations et des méthodes de détermination de ces actions :
ramener les problèmes multicritères à des problèmes mathématique- nous en donnerons quelques exemples plus loin.
ment bien posés, au risque de les déformer complètement. Remarquons encore que la définition d'action efficace a donné lieu
Néanmoins, le fait que la plupart des problèmes de décision soient à des variantes conduisant aux concepts d'actions faiblement efficaces,
multicritères semble maintenant largement acquis. Comme c'est sou- fortement efficaces, proprement efficaces, ... [Geoffrion (1968),
vent le cas dans les mathématiques appliquées, ce sont les problèmes Steuer (1986)J.
concrets qui ont suscité le développement de l'aide multicritère à la
décision. Il en résulte que des méthodes sont apparues de façon
disparate, en l'absence de méthodologie générale ou de théorie de 7. Image de A dans l'espace des critères
base. Les travaux de ces dernières années comblent progressivement
cette lacune. Puisqu'un critère est une fonction g qui prend ses valeurs clans un
ensemble totalement ordonné, on peut toujours représenter gj(a) par
5. Relation de dominance un nombre réel.

L'ensemble des évaluations d'une action a, {gt(a), .... g,,(a)},


Définition: étant donnés deux éléments a et b de A, a domine b
donc être représenté par un point de IR.".
(aDb) ssi
Définition: l'image de A clans l'espace des critères est
gj(a)~gj(b), j= 1,2, ... , n,
'/.;\ des points de IR" obtenus en y représentant chaque
l'une des in0~Lalit(:s au moins étant stricte. le point de COOrdnrllH;CS (gt(a), al).
Sil L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION I.LS CON( ,[PTS III HAS!; ')l)

8. Point idéal 1° Un père de famille désire acheter un téléviseur et, après une
première sélection. retient huit modèles, qu'il évalue en tenant
Définition: le point idéal est, dans JR.~ le point,de coordonnées (zi, compte du prix, de la qualité de l'image, de la qualité du son et du
.,. z~"') , ou, service après vente (T.B. = très bien, B. = bien. M. = moyen.
zj=maxgj(a), j=1,2, ... ,n. P.B. = pas bien).
A
Remarque: pour respecter la convention de la section 1, nous
Nous notons â i l'action la meilleure pour le critère j avons transformé le critère prix en un critère à maximiser en le
gj(âi ) = z'j changeant de signe.

(il peut y en avoir plusieurs). Qualité Qualité Service


Modèles -Prix
image son après vente

Tl -52.DOO T.B. T.B. tvL


9. Matrice des gains (payoff matrix) TI -47.0()O T.B. T.B. B.
T3 -46.500 T.B. B. B.
Définition: la matrice des gains est la matrice G( n x n) dont l'élé- T4 -43.0()() B. B. P.B.
T5 -40.000 B. B. M.
ment général T6 -40.000 M. B. P.B.
T7 -37.000 B. M. P.B.
Gkl=gk(â l), k, 1= 1, ... , n. 1'8 -37.000 M. l'v!. M.

C'est donc la matrice qui reprend, pour chaque action â l, ses éva- La relation de dominance peut être représentée par le graphe sui-
luations suivant tous les critères; en particulier, vant
~T)
GII=zi: TI/ - .T3

les composantes du point idéal sont sur la diagonale de la matrice


des gains. Remarquons que la matrice des gains n'est unique que si
chaque critère atteint son maximum en une seule action.
1'8.

10. Le nadir T7 '1'6

Définition: le nadir est le point de coordonnées (~t, ... , ~n) où (On voit que s'il existait un seuil d'indifférence de SOO sur le prix.
~j=minGj" j=1,2, ... ,n. on pourrait aussi être tenté de dire que T2 domine T3).
1
Les actions efficaces sont T2. T3. TS, T7 et T8.
Il est évidemment dépendant de la matrice des gains choisie et de
l'ensemble A. L'image de A dans l'espace des critères est l'ensemble des points
(-52.()()(). 2. 2.0). (-47.000.2. 2. 1), (-46.500. 2. 1. 1). (-43.()()(). 1
1. -1). (-40.000.1. 1. 0), (-40.000. 0.1. 1). (-37.()()O. 1. (J. IL
Il. Exemples numériques
( 37.()()(). O. (). 0) clans JR.-l (on a remplacé arbitrairement T.B. par
Les deux exemples suivants vont permettre d'illustrer les notions 1. B. par 1. M. par() et P.B. par 1). I.e point idéal (nvcl'l'c ç()(l;t~l,t')
introduites. est Il' point (.\7,()()().'. 2. 1)
hO l'AlDE !'v!ULTICRITFRE A LA [)1'.ClSION LES CONCEPTS DE BASE (>1

Matrice des gains: vu le grand nombre d'ex requo, beaucoup de L'image de A dans l'espace des critères est représentée ci-dessous
matrices de gains peuvent être considérées. En voici une à titre
d'exemple.

k
(Jo
c_
Qualité Qualité Service
-Prix
image son A.V. '(zi. z~)
g(a) ---- g(b)------t-- -
â l =T8 -37.000 0 0 = (O. 24) = (2, 23)
0
à 2 =T2 -47.000 2 2 1
[r'=T2 -47.000 2 2 1
â.j=T3 -46.500 2 1

Le nadir. pour cette matrice de gains, est le point (-47.000, 0, 0, 0).


g(c)=(7.5.12)

2° Soit le programme linéaire à 2 objectifs suivant:


g(d)=(6,6)
XI + 2X2:S: 16
Xl + X2:S: 9
XI- X2:S: 6
XI, X2~()
g(O) gl
max gl(xJ, X2) = Xl
max g2(X], X2) = Xl + 3X2.

L'ensemble des actions est, dans ce cas, le polygone de IR? repré- Les actions efficaces sont celles dont les images constituent les
senté ci-dessous. segments [g(a), g(b)J et [g(b), g(c)), c'est-à-dire les segments [a, b]
et [b, cJ. Toutes les autres actions sont dominées par au moins une
de celles-là.
X2
Le point idéal est le point (z'i, z2) = (7.5, 24).
a La matrice des gains, ICI, est unique

g, g2
l
à =c 7.5 12
.' a
a-= () 24

........
~_ .... ~

Il XI [.C Jladir est le point (0, 1


(12 ['AlDI' MU[TICRITEIŒ i\ 1 PHISI()N Ll;S ('ONtl PI Il,1 Ili\"l (LI

12. Quelques théorèmes dfieace, lorsquc A est défini en compréhension, Lc lecteur intéressé
pourra consulter Chalmet et al. (1981), Ecker et al. (1980), Evans et
Théorème 1 : si a est une action qui, dans A, maXimise Stcucr (1973), Gal (1977), Geoffrion (1968), Lowe (1978 et 1984),
Philip (1972), Steuer (1986), Vincke (1974), Yu et Zeleny (1975),
n
Zionts et Wallenius (1980).
L Î'jgj(a),
J= )
14. Taux de substitution
où Aj>O, Vj, alors a est efficace.
La notion de taux de substitution traduit l'idée de compensation
(La réciproque de ce théorème n'est vérifiée que sous certaines entre une perte sur un critère et un gain sur un autre. Soit une action
hypothèses de convexité de ZA)' a, caractérisée par les évaluations (gl(a), ... , gj(a), ... , gr(a), ... ,
Théorème 2 : si a
est l'unique action qui, dans A, mll11mlSe la gr/a)).
quantité (appelée distance pondérée de Tchebycheff) Définition: le taux de substitution, en a, du critère j par rapport
max Aj(Zj'" - gj(a»), au critère r (pris comme critère de référence) est la quantité Wjr( a)
J telle que l'action b, dont les évaluations seraient

!
où Aj>O et z'j"'>z'j, Vj, alors à est efficace, et réciproquement. Dans g\(a)=gl(b), Vl=l=j, r,
le cas où a n'est pas unique, l'une au moins des actions optimales est gj(b) = gj(a) -1,
efficace. gr(b) = gr( a) + Wjr( a),
Théorème 3 : si a minimise, dans A, la quantité (appelée distance soit indifférente à a.
pondérée augmentée de Tchebycheff) C'est donc la quantité qu'il faut ajouter au critère de référence
n
p()ur compenser une perte d'une unité sur le critère j. Bien entendu,
max Î-lz'j'* gj(a») - ,L)Qjgj(a), la définition des unités joue un rôle fondamental dans ce concept.
) J B. Roy préconise d'appeler unité un écart de l'ordre du seuil de
pré férence (cf. chapitre II, section 9).
où Aj > 0, zr" > zj' et Qj > 0 arbitrairement petites, alors ft est efficace
et réciproquement. Supposons qu'il soit possible de représenter les préférences globales
du décideur par une fonction U (gJ, ... , gn) qui agrège tous les critères
Le théorème 1 montre que l'optimisation d'une combinaison
ct qui est différentiable. En posant
linéaire positive des critères fournit toujours une action efficace, Les
théorèmes 2 et 3 permettent de caractériser les actions efficaces ~Za=(gl(a), ... , gn(a)),
comme celles qui minimisent une sorte de distance par rapport ù un Zb=(gl(b), ... , gn(b)),
point qui domine légèrement le point idéal.
()n obtient, en première approximation

13. Détermination des actions efficaces


O==U(Zb)-U(Za)= ~
Il (aU)
:ç-. (gl(b)-g\(a))
1-1 ObI Z"
Les théorèmes précédents montrent que la détermination des
actions efficaces se fait pm la résolution de problèmes d'optimisation
paramétriques, De nombrcux auteurs ont propos,: (ks algorîthnH'êi
rl1\ett,mI dl' l'l'nérCf \'("" "olttliOllS ou \k vl:rilkr (lU'Ulle ;II'linn t'SI
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12. Quelques théorèmes efficace, lorsque A est défini en compréhension, Le lecteur intéressé
pourra consulter Chalmet et al. (1981), Ecker et al. (1980), Evans et
Théorème 1 " si ~ est une action qui. dans A. ,maximise Ste uer (1973), Gal (1977), Geoffrion (1968), Lowe (1978 et 1984),
n
Philip (1972). Steuer (1986), Vincke (1974). Yu et Zeleny (1975),
L t'jgj( a).
J=I
Zionts et Wallenius (1980).

14. Taux de substitution


où Àj > 0, Vj. alors a est efficace.
La notion de taux de substitution traduit l'idée de compensation
(La réciproque de ce théorème n'est vérifiée que sous certaines
entre une perte sur un critère et un gain sur un autre. Soit une action
hypothèses de convexité de Zf\).
a, caractérisée par les évaluations (g](a), ... , gj(a), .... gr(a), ... ,
Théorème 2 " si a est l'unique action qui, dans A, minimise la gn(a)).
quantité (appelée distance pondérée de Tchebycheff)
Définition,' le taux de substitution, en a. du critère j par rapport
max Àj(zr; - gj(a)). au critère r (pris comme critère de référence) est la quantité Wjr( a)
J " ,
telle que l'action b, dont les évaluations seraient
où Àj>O et z'j'*>z'j'. Vj. alors a est efficace, et réciproquement. Dans 9,(a)=g,(b), VI:;i:j, r,
le cas où a n'est pas unique. l'une au moins des actions optimales est gj(b)=g/a)-l,
efficace.
1 grCb) = gr( a) + Wjr( a),
Théorème 3 " si a minimise. dans A. la quantité (appelée distance soit indifférente à a.
pondérée augmentée de Tchebycheff)
C'est donc la quantité qu'il faut ajouter au critère de référenee
n pour compenser une perte d'une unité sur le critère j, Bien entendu,
max À/zr - g/a)) -LIQjgj(a). la définition des unités joue un rôle fondamental dans ce concept.
J J B. Roy préconise d'appeler unité un écart de l'ordre du seuil de
où Àj > 0, zj'* > zr et Qj > 0 arbitrairement petites. alors a est efficace préférence (cf, chapitre II, section 9),
et réciproquement. Supposons qu'il soit possible de représenter les préférences globales
Le théorème 1 montre que l'optimisation d'une combinaison du décideur par une fonction U (g], ... , gn) qui agrège tous les eritères
linéaire positive des critères fournit toujours une action efficace, Les et qui est différentiable. En posant
théorèmes 2 et 3 permettent de caractériser les actions efficaces ~za=(g](a), ... , gn(a)),
comme celles qui minimisent une sorte de distance par rapport ù un Zb= (g](b), ... , gn(b)),
point qui domine légèrement le point idéal.
on obtient, en première approximation:
13. Détermination des actions efficaces
o=U(z[,)-U(za)= L -
1= 1
Il (au) agi Za
(gl(b)-gl(a))
Les théorèmes précédents montrent que la détermination des
actions effie,lces St' fait par la résolution de problèmes d'optimisation

PUlllCtI;lflt
tH,'S, I)v llolllbn'ux <luteurs ont proposé des algorithmes
fH'jCl ,,(,jlItions ou dl' vérifier qu'une (lction est
-- - (au)
-,." .. ~.,,,

-::ln';~l
()
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,
w,,(a) (au)
J'g, l"
(,,1 L'AlDE MULTICRITERE A LA DECISION LES CONCEPTS DL Ili\SL (,5

ct il en résulte que Exemple

(aU/ag) (Za) Reprenons le premier exemple de la section Il et supposons que


Wjr(a) = (aU/ag r) (Za) l'on ait les 4 téléviseurs suivants:

Dans le cas particulier où la fonction U est une moyenne pondérée


Qualité Qualité Service
des critères -Prix
image son après vente

n a -50.000 T.B. T.B. B.


U(gl ... gn) = L: 1..1 gl, b -40.000 B. T.B. B.
1 1 c -50.000 T.B. M. P.B.
d -40.000 B. M. P.B.
on obtient
À Pour que le sous-ensemble J = {prix, qualité image} soit préféren-
wjr(a) = ~ = constante: tiellement indépendant dans F. il faut que la préférence de a sur b
r
entraîne celle de c sur d. Autrement dit, le décideur préfère payer
dans le cas de la moyenne pondérée, les taux de substitution sont, à 50.000 et avoir une très bonne image plutôt que de payer 40.000 et
un coefficient multiplicatif près, les «poids» des critères. avoir une bonne image et ce. quelles que soient les qualités du son
et du service après vente.

15. Indépendance préférentielle

Qéfinition : soit F la famille des critères. J un sous-ensemble de F


et J le sous-ensemble complémentaire: J est préférentiellement indé-
petulant dans F si. étant donné 4 actions quelconques a. b. c. d telles
que
g/a) = gj(b). Yj E J.
gj(c)=gj(d). YjEJ.
g/a)=gj(c). YjEJ,
gj(b)=gj(d). YjEJ.
on a
aPb ç:, cPd.
où P est la relation de préférence globale prenant en compte tous les
tères.
Autrement diL J t:S! préférentiellement indépendant dans F si les
fl'rem:cs t'Il!re dcs actions qui ne diffèrent que par leurs évaluations
sU! nilen", ,h' 1 tl\' d\'l'vndcJ1t pas des valeurs suivant les critères
J
Chapitre IV
La théorie de l'utilité multiattribut

La théorie de J'utilité multiattribut a déjà fait l'objet de nombreux


ouvrages didactiques et de recherche: nous nous contentons donc
d'introduire le sujet, en renvoyant le lecteur intéressé aux excellents
livres de Fishburn (1970a) et Keeney et Raiffa (1976b).

1. Introduction

La théorie de l'utilité multiattribut (Maut) est essentiellement d'ins-


piration anglo-saxonne et est largement utilisée aux Etats-Unis aussi
bien dans des problèmes d'aide à la décision que dans des problèmes
d'économie. de finances ou d'actuariat. Cette théorie repose sur
l'axiome fondamental suivant: tout décideur essaye inconsciemment
(ou implicitement) de maximiser une fonction
U = U(g[, g2, ... , gn),
qui agrège tous les points de vue à prendre en compte. Autrement
dit. si l'on interroge le décideur sur ses préférences, ses réponses
seront en accord avec une certaine fonction U que l'on ne connaît
pas. Le rôle du scientifique est d'essayer d'estimer cette fonction en
posant des questions judicieuses au décideur.
(iX L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION LA THEORIE DE L'UTILITE MULTIATIRIBUT 69

Deux problèmes, essentiellement. sont étudiés dans le cadre de Outre le fait que les préférences suivant chaque critère et la préfé-
cette théorie : rence globale doivent constituer des structures de préordres totaux
(cf. chapitre II), le modèle additif impose que tout sous-ensemble de
a) quelles propriétés doivent posséder les préférences du décideur
critères soit préférentiellement indépendant dans F (cf. chapitre III,
pour être représentables par une fonction U ayant une forme analy-
section 15), En effet, soit J un sous-ensemble de critères et 1 le
tique donnée (additive, multiplicative, mixte, .. ,);
sous-ensemble complémentaire, et soit 4 actions a, b, c, d telles que
b) comment construire les fonctions et estimer les paramètres inter-
gj(a)=gj(b), Vj El,
venant dans la forme analytique choisie,
g/c)=gj(d), Vj El,
Il est également important d'insister sur les deux aspects suivants: gj(a)=gj(c), Vj EJ,
g/b)=gj(d), VjEJ,
a) la théorie de l'utilité multiattribut a surtout été développée dans
le cas incertain (cf. chapitre II, section 14) et fait largement usage
il vient alors
des probabilités pour représenter les phénomènes d'imprécision et
d'incertitude qui peuvent apparaître dans un problème de décision: U(a) - U(b) = L [Uj(gj(a») - Ulgj(b»)]
cet aspect mérite d'être approfondi car rien ne prouve que le concept JE J

de probabilité soit le plus adéquat pour tous les cas; = j~J [U/gj(c») - uj(gj(d»)]

b) la théorie de l'utilité concerne des fonctions gj qui sont des = U(c) - U(d),
vrais-critères; la généralisation aux autres types de critères a fait
l'objet de très peu de recherches jusqu'à présent (voir Roy et Bouys- et on a donc bien
sou, 1987d),
aPb<?U(a) - U(b) >0
Dans ce chapitre nous ne traitons que le cas certain où les fonctions <?U(c)-U(d»O
gj sont des vrais-critères. <?cPd.

Lorsque A est «infini continu» et n ~ 3, cette indépendance préfé-


rentielle est suffisante pour avoir une forme additive. Lorsque A est
fini ou infini dénombrable, la condition nécessaire et suffisante pour
2, Le modèle additif
avoir une forme additive est connue théoriquement mais inutilisable
La forme analytique la plus simple (et aussi la plus utilisée) est en pratique car elle comporte une infinité de conditions. Le cas où
évidemment la forme additive n = 2 a fait l'objet d'études séparées très approfondies. Signalons
également que les tests d'indépendance préférentielle peuvent être
Il
simplifiés grâce à des résultats du type suivant: sous certaines
U(a) = l Uj(gj(a»), hypothèses, si J et J' sont deux sous-ensembles de critères préféren-
j= 1 .
* *
tiellement indépendants dans F tels que Jn J' 0, J ""-J' 0, l' '\.J 0*
où les fonctions U I sont strictement croissantes et à valeurs réelles *
et J U J' F, alors J U J'. J n J'. J'd'. J''\.J et J ~J' sont aussi préfé-
(ces fonctions servent uniquement ù transformer les critères initiaux rentiellement indépendants dans F, Dans ce cas, il suffit de tester
de manil:re il cc qu'ils s\:xpriment tous suivant la même échelle: on l'indépendance préférctltidle de (Il 1) paires de critères judicieuse-
t:'vlte ;lÎns! prnl d'ulliks et la somme est une opér;ltio!1 qui nwnt choisies pour en dédul!!' r ndance prdén:ntidk dl' (ouI
d lill SçJl';) ~'(llt., i'IlSt'lllhlt' dc t'rili.'n'.,
LA THEORIE DE L'UTILITE MULTIAITRIBUT 71
'lU L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION

Si l'on demande que les différences U(a) - U(b) aient une interpré- Exemple du maire (cf, chapitre II, section 18)
tation en termes de préférences, il est nécessaire d'introduire la notion
Le tableau ci-dessous donne les pourcentages de réponses à la 1re
d'indépendance au sens des différences de préférences; dans le cas
question de l'exemple du maire, qui sont compatibles avec un modèle
incertain, on introduit le concept d'indépendance au sens des utilités,
additif et ce, pour les couples de relations (P, 1), (>, 1), (> , -),
Pour tous ces résultats, nous renvoyons le lecteur à Fishburn
(1070a), Krantz et al, (1971), Keeney et Raiffa (1976b), Roberts (P,I) (>,1) (>, ~)

(1979) et à la multitude d'articles déjà parus sur le sujet. 15,82


5.39 15,10

3. Autres modèles
Exemple numérique
Remarquons d'abord que, formellement, le modèle additif peut
Considérons le tableau d'évaluation suivant: aussi se mettre sous la forme d'un modèle multiplicatif; puisqu'en
posant
al a, a~ a4 as a(, a7 as a9 U/(a) = eU(a)
g! 2 2 2 3 3 3 U;(gj(a») = eU/Ma»),
(T,
c_ 3 5 3 5 1 3 5
on obtient
et supposons que n

ayPa6PaKPaSPa3Ia7Pa2Ia.jPal' U/(a) = n U;(gj(a»);


J= 1

la réciproque est vraie en passant par les logarithmes, à condition de


Lc lecteur vérifiera, à titre d'exercice, que chaque critère est pré-
férentiellement indépendant dans F= {gl' g2}, Cependant, il n'est pas travailler avec des fonctions positives.
possible de représenter la préférence globale par une fonction additive Il peut arriver que d'autres modèles soient mieux appropriés au
pUIsque problème traité lorsque, par exemple, il est impossible de satisfairc
l'indépendance préférentielle. Du point de vue pratique, il faut cepen-
a2Ia.)=> UI(l) + U 2(3) = U I(2) + U 2(1),
dant reconnaître que les modèles trop complexes ne présentent aucun
(.l;la7=> UI(l) + U 2(5) = U I(3) + U 2(l),
intérêt. On trouvera dans Krantz et al. (1971) des exemples de modè-
d'où, par différence, les relativement simples (mais qu'il est impossible de transformer en
modèle additif) et les conditions à remplir pour pouvoir les utiliser.
U 2 (3) - tH5) li 1(2) - U I (3),
Par exemple, un modèle tel que
c\:st-ù-dire
U(a) = [UI(gI(a») + U 2(g2(a»)]. U 3(g3(a»)
U 1(3) ! li ,() li le) 1 U,(S) ,
(ou sa généralisation à plus de 3 critères) constitue un moyen simple
('V qUI ,'Il ron!1 :l\IIl'IJO!l pour tenir compte de dépendances entre critères,
LA THEORIE DE L'UTILITE MULTIATTRIBUT 7.1
72 L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION

4. Méthodes directes de construction du modèle additif de Xj, Zj et Wj au milieu de Zj' Yj' et ainsi de suite. De ce dialogue,
qui ne peut évidemment s'appliquer que lorsque X j est infini, on
Les modèles directes de construction de la fonction U consistent à déduit
estimer les fonctions U j . On trouvera dans Fishburn (1967) un pano-
rama de 24 méthodes différentes classées suivant différents aspects: 1
U(Zj) = 2: [U(Xj) + U(Yj)],
utilisation au non de probabilités, type de ql\estion au décideur,
construction individuelle des U j ou utilisation des compensations entre 1
U(Vj) = 2: [U(Xj) + U(Zj)],
elles, applicabilité au cas direct ou continu, ... L'article de Farquhar
(1984) constitue également une excellente synthèse pour le cas incer- 1
tain. U(Wj)=2: [U(z)+U(Yj)],

Nous reprenons ci-dessous, très brièvement, la description de quel-


ques méthodes à titre d'exemples.
Rappelons qu'un critère gj est une fonction définie dans A et qui Méthode 2
prend ses valeurs dans un ensemble totalement ordonné; notons X j
On demande au décideur de déterminer l'état Zj tel qu'il considère
cct ensemble: ses éléments seront appelés états possibles du critère
gJ' Le tableau ci-dessous donne quelques exemples de ce que peut comme équivalent
ètre Xj. 1° d'obtenir ZJ
20 d'obtenir Xj avec une probabilité 1/2 et Yj avec une probabi-
Point de vue j Xj lité 1/2.
Prix [1.000 F. 2.000 F] On en déduit
Confort {mauvais. moyen. bon. très bon}
Capacité il réaliser quelque chose {non. oui} Uj(Z) = 1/2 Uj(Xj) + 1/2 Uj(Yj);
Rangement par un expert {1.2.3 .... }
on continue ensuite avec (Xj, z), avec (Zj, y), ,.. Cette méthode
Le modèle additif s'écrit donc suppose également que X j est infini.

Il
Méthode 3
U(a) =.L U/xj'),
,= 1 On demande au décideur de déterminer l'état Zj(p) tel qu'il consi-
où dère comme équivalent :
= U'('l)
bJ ( • 1° d'obtenir z/p),
2° d'obtenir Xj avec une probabilité p et Yj avec une probabilité
Dans cc qui suit. Xi ct Yj désignent respectivement le moins bon ct I-p,
le meilleur état de
et ce pour différentes valeurs de p. On en déduit
lV1 él 110 de 1
Ulz j (p))=pU j(xj)+(I-p) Uj(Yj), Vp.
Ikm;lll\kl ;1\1 Hl dl' dl'l\'rminl'r l'(:~t;tt z, qu'il cOl1sidt.'rc
('nnUtti' lot'Hd i Otdtt il H t fit l't \i l·n"xjjI1t~ Ir,,%: f;t'd,-_ \< ~ill nl;111~tt Cette méthode suppose t que XI est infini.
LA THEORIE DE L'UTILITE MULTIA TTRIBUT Tl
n L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION

4, Méthodes directes de construction du modèle additif de Xj' Zj et Wj au milieu de Zj' Yj, et ainsi de suite. De ce dialogue,
qui ne peut évidemment s'appliquer que lorsque X j est infini, on
Les modèles directes de construction de la fonction U consistent à déduit
estimer les fonctions U j , On trouvera dans Fishburn (1967) un pano-
rama de 24 méthodes différentes classées suivant différents aspects : U(Zj) = '12 [U(x) + U(Yj)],
utilisation au non de probabilités, type de qu,estion au décideur,
construction individuelle des U j ou utilisation des compensations entre
elles, applicabilité au cas direct ou continu, ... L'article de Farquhar
U(Vj) = '12 [U(Xj) + U(Zj)],
(1984) constitue également une excellente synthèse pour le cas incer-
tain. U(w) = '21 [U(Zj) + U(y)],
Nous reprenons ci-dessous, très brièvement, la description de quel-
ques méthodes à titre d'exemples.

Rappelons qu'un critère gj est une fonction définie dans A et qui Méthode 2
prend ses valeurs dans un ensemble totalement ordonné; notons Xi
On demande au décideur de déterminer l'état Zj tel qu'il considère
cet ensemble: ses éléments seront appelés états possibles du critère
1:':" Le tableau ci-dessous donne quelques exemples de ce que peut comme équivalent
l~tre Xj. 1() d'obtenir Zj
2() d'obtenir Xj avec une probabilité 1/2 et Yj avec une probabi-
Point de vue j Xj lité 1/2.

Prix [1.000 F. 2.0()() F] On en déduit


Confort {mauvais. moyen. bon. très bon}
('apacité il réaliser quelque chose {non. oui} Uj(Zj) = 1/2 Uj(Xj) + 1/2 Uj(Yj);
Rangement par un expert (1.2.3 .... }
on continue ensuite avec (Xj, z), avec (Zj' y), ... Cette méthode
suppose également que X j est infini.
I.e modèle additif s'écrit donc

n
Méthode 3
U(a) = L Ui(xj').
j= 1 .
On demande au décideur de déterminer l'état zlp) tel qu'il consi-
ou dère comme équivalent :

g,(a). 1() d'obtenir Zj(p),


2° d'obtenir Xj avec une probabilité p et Yj avec une probabilité
Dans ce qui suit. x, et Y, désignent respectivement le moins bon et I-p,
le Illcilleur l~tat dl' :\1
et ce pour différentes valeurs de p. On en déduit
M(;Owde 1
U/zj(p») = pUj(Xj) + (1- p) Ui(Yj), \lp.
:tl! ! I! dt' t!,,!ntnin,.'l' l\;tat I, qu'il considère
, Hll!lli' Lut! :t11 tHth:t:'U f'ntfP f'f \/ î"n<';'llltt' L,.~' I~t'tf, \' 'lI! InÎl1,\j1
(\:tte méthode suppose (~~!,alcrnent que Xi est infini
LA THEORIE DE L'UTILITE MULTIXfTRI13UT 75
74 L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION

Méthode 4 Méthode 7
II est facile de voir que l'on peut toujours transformer \es fonctions
Pour chaque état Zj (ou pour certains d'entre eux s'il y en a beau-
de telle sorte que le modèle additif s'écrive
coup), on demande au décideur d'estimer la probabilité p(Zj) telle
qu'il considère comme équivalent: Il

1° d'obtenir Zj,
U(a) = .L kjUj(xj'),
J= 1
2° d'obtenir Xj avec une probabilité p(Zj) et Yj avec une proba-
bilité 1- p(Zj), où, Vj :
j -
,X" 0 ('1)
- bj , ,
On en déduit
Il

U(Zj) = p(Zj) U/Xj) + [1- p(z)] gj(Yj), L kj = 1,


j= 1
Cette méthode peut être appliquée à tout ensemble Xj, fini ou Uj(Xj) = 0,
infini.
Uj(Yj) = 1.
Méthode 5 Choisissons alors deux vecteurs d'états (Wi)ioFj et (tj)joFj tels que,
pour tout état Uj de Xj, le décideur préfère obtenir (Uj' (tj)joFj) plutôt
On demande au décideur de ranger les éléments de X j et de ranger
que (Uj, (W;)joFj) (c'est toujours possible grâce à l'indépendance pré-
également les intervalles entre ces éléments. On donne alors aux états
férentielle). On demande au décideur de déterminer l'état Zj tel qu'il
des valeurs numériques qui respectent ces rangements (les intervalles
soit indifférent entre (Xj, tj) et (Zj, Wj) et qu'il soit aussi indifférent
étant représentés par les différences de valeurs). Cette méthode n'est
évidemment applicable que si X j est fini. entre (Zj' t;) et (Yj, w;) : on en déduit:
'\' kU(t) = kU(z)
0+ .L. J J J + ./.-.!
Il!
'\' kU(w) ~ 1 1
Méthode 6 I*J loFJ

Cette méthode suppose que la fonction U j a été construite pour le 1kjU/z j) + .L. kjUj(tj) = kj + IkjUj(wj),
I*J I*J
point de vue i (en utilisant, par exemple, une des méthodes précéden-
tes) : on se base sur cette fonction et sur l'hypothèse d'additivité pour d'où, par différence,
estimer U j.
Uj(Zj) = 1/2.
Soit Wj un état arbitraire de Xj. Pour chaque état Zj (ou pour
Par des questions analogues, on détermine les états de valeurs 114,
certains d'entre eux s'il y en a beaucoup), on demande au décideur
3/4, 1/8, 3/8, ." (cette méthode n'est évidemment applicable que si
de déterminer l'état t j de X j tel qu'il considère comme équivalent:
X j est infini).
1° d'obtenir Xj pour le point de vue jet Wj pour le point de vue i,
Pour estimer les valeurs des k j, on essaie d'obtenir (n 1) paircs
2° d'obtenir Zj pour le point de vue jet tj pour le point de vue i;
d'actions indifférentes: les (n -1) équations linéaircs corrcspondan-
on en déduit : tes, ajoutées au fait que la somme des kj vaut 1, permet de les

Uj(Zj) = Uj(Xj) + Uj(Wj) - Uj(tj). déterminer.


lit' Il t
Les qucstions posées au d(~Cld('\lt clans cctk
Cette méthode est applicable pour tout ensemble Xj, fini ou infini, ;\ din-
des corn pa r;1 isolls de vectçu t d' t ts ;\ Il di
suppose que Xi est infini.
LA THEORIE DE L'UTILITE MULTIATTRlBUT 77
76 L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION

d'actions réelles ou fictives. On n'y introduit pas, comme les précé- D onc, SI. Zj E [1
Uj, Uj1+ 1] ,on aura
dentes, d'intensités de préférences, de probabilités, ou de comparai- 1
_ 1 Zj-Uj 1+1 1
sons de couples d'états. En ce sens, cette méthode n'utilise que des U/Zj)-Uj(Uj)+ 1+1 1 [U/Uj )-Uj(u)].
n
j - Uj
r:oncepts de l'axiomatique de base des modèles additifs; il faut pour-
tant reconnaître que les questions sont très sophistiquées et sont
rendues d'autant plus difficiles qu'elles concernent souvent des actions Lorsque le nombre d'éléments de X j est petit, on prend ces élé-
fictives. ments comme valeurs des u].

5. Une méthode indirecte de construction du modèle additif: UT A Soit


n
Les méthodes indirectes de construction de la fonction U consistent U(a) = L Vexa)
j= 1 J J
+ o(a),
à l'estimer à partir de jugements globaux émis par le décideur sur
l'ensemble A. Elles généralisent en fait les méthodes comme l'analyse

discriminante ou la régression linéaire multiple qui. elles, concernent
le cas où 0 (a)
X"j -- bj C ,

n et o(a) désigne l'erreur associée à l'estimation de U(a). En supposant


U(a) =L kjgj(a). que l'on dispose d'un sous-ensemble A' d'action pour lequel les pré-
J= 1 férences du décideur sont connues et forment un préordre total, les
A titre d'exemple, nous présentons ici la méthode UTA, due à contraintes à satisfaire sont les suivantes: Va, b E A' :
Jacquet -Lagreze et Siskos (1982b). U(a)-U(b»O si aPb,
U(a)-U(b)=O si alb,
La méthode UTA
Uj(u]+ 1) - Uj(u]) >0, Vj, VI,
La méthode consiste d'abord à déterminer une fonction d'utilité
«optimale» par la programmation linéaire et ensuite à fournir une n

analyse de sensibilité. Elle suppose que les critères sont exprimés .L U/Yj) = 1 (normalisation)
J=l
sous forme numérique, c'est-à-dire que les éléments de X j sont des
réels (en nombre fini ou infini). Comme précédemment, nous dési- Uj(xJ = 0, Vj,
gnons par Xj et Yj respectivement le moins bon et le meilleur état de Uj(uj);::O, o(a);::O,
XI' c'est-à-dire le plus petit et le plus grand nombre dans Xj. L'inter-
où l'on remplace U(a) et U(b) par leurs expressions en les variables
valle [Xj' yd est subdivisé en rj intervalles «équidistants», notés [u),
u 1 + Il , =
1 1, ... ,Ij'OU
.' u], o(a) et o(b).
i

1 1 La première étape de la méthode consiste à déterminer ces variables


L1 1 XI + (.v
" 1
Xi) .
r1 de manière à minimiser
;\ (Il'l,'rmllle!" Uj(uj) et il effectuer des interpo- L o(a).
IOIlS pOint il!' (\'
78 L'AIDE MUL TIC RITE RE A LA DECISION LA THEORIE DE L'UTIUTE [VllILTIATllUIlI.11 79

Il s'agit donc de résoudre un programme linéaire comprenant où F* est la valeur minimale obtenue à l'étape précédente et ~ est
un pourcentage très petit de F*. En minimisant et en maximisant,
Q Il
sous ce nouveau système de contraintes, les fonctions
Q +2 L (n q - 1) + L ri
q= 1 j= 1
Il

contraintes (la transitivité de P et de 1 permet d'éliminer beaucoup . L 1 QU(y)


J J J
J=
de contraintes redondantes) et
°
où Qi = ou 1, Vj, et ce, pour différents jeux de valeurs des Qi' on
génère un échantiIIon de solutions, c'est-à-dire un ensemble de fonc-
Il Q
L ri + qL 1 nq
j 1
tions d'utilité acceptables pour représenter les préférences du déci-
deur.
variables, où Q est le nombre de classes d'indifférence du préordre De cette information, on peut déduire soit une fonction unique,
total sur A' et où nq (q = 1,2, ... , Q) est le nombre d'actions dans comme dans PREFCALC (paragraphe suivant), soit une «relation
la qC classe. Les contraintes de positivité stricte sont remplacées par de surclassement» déterministe ou floue (voir par exemple Jacquet-
des inégalités larges dans lesquelIes les seconds membres sont des Lagreze, 1981). Le lecteur trouvera dans Jacquet-Lagreze et Siskos
petits nombres positifs (qui peuvent d'aiIIeurs être interprétés comme (1982b) les références de différentes applications concrètes de cette
des seuils d'indifférence). méthode, ainsi que quelques extensions possibles.

Cette première étape fournit donc une fonction U qui est la somme
de fonctions d'utilité partielIes linéaires par morceaux. Cette fonction
est relativement arbitraire puisqu'elle dépend du choix du critère que 6. Un logiciel d'aide à la décision basé sur le modèle additif:
l'on a minimisé, à savoir la somme des erreurs o(a). En effet, si ce PREFCALC (Jacquet-Lagreze, 1984a)
minimum est égal à 0, cela signifie que le polyèdre des contraintes
n'est pas vide et qu'il y a donc de nombreuses fonctions U capables Les données à fournir au logiciel sont les suivantes :
de représenter exactement les préférences du décideur sur l'ensemble
- un ensemble d'actions et leurs évaluations, sous forme numéri-
A'. Si le minimum n'est pas nul, cela signifie que ces préférences ne
que, suivant un ensemble de critères.
sont pas représentables exactement par une fonction U; la fonction
qui représente «au mieux» les préférences dépend alors du critère - pour chaque critère, les valeurs extrêmes Xj et Yj acceptables pour
choisi: par exemple, le préordre total correspondant à la fonction le décideur et le nombre rj de morceaux linéaires dont sera constituée
solution optimale du programme linéaire ci-dessus n'est pas nécessai- la fonction U i associée à cc critère (en vue de l'utilisation de la
rement le plus proche (au sens des indices classiques de KendalI ou méthode UT A décrite au paragraphe précédent).
de Spearman) du préordre total fourni par le décideur. C'est la raison
L'organigramme ci-dessous résume les opérations qui peuvent être
pour laqueIIe les auteurs de la méthode UT A proposent une deuxième
effectuées en vue d'une aide à la décision. Comme on le voit, la
étape au cours de laqueIIe on explore le voisinage de la solution
méthode consiste à construire une fonction d'utilité (additive) sur
obtenue. Cette exploration se fait par l'adjonction, au système de
base d'un ensemble d'actions de référence et ù l'appliquer ensuite à
contraintes de l'étape précédente, de l'inégalité
l'ensemble de toutes les actions. La construction de la fonction (l'uti-
o(a) F* + 1\, lité sur base de l'ensemble de référence peut se faire imlÎrcctcl11ent
;\
(option 1) ou directement (option 2).
RD L'AIDE MULTICRITERE A LA DECISION LA THEORIE DE L'UTILITE MULTIATTRIBUT 81

Option 1 terne nt les préférences données par le décideur sur l'ensemble de


On demande au décideur de ranger les actions de l'ensemble de référence), alors la fonction d'utilité proposée est celle qui réalise ce
référence et on calcule, par la méthode UT A (paragraphe précédent), minimum et la deuxième étape de la méthode UT A n'est pas abordée.
une fonction d'utilité qui est alors proposée au décideur. De façon L'attention du décideur est cependant attirée sur le fait qu'aucune
plus précise : fonction n'est entièrement compatible avec son rangement; en parti-
culier toute préférence qui est en contradiction avec la relation de
a) si le minimum du programme linéaire résolu dans la première dominance est explicitement mentionnée et le décideur peut à tout
étape de la méthode UT A est strictement positif (ce qui signifie moment revoir son rangement sur l'ensemble de référence.
qu'aucune fonction d'utilité additive ne permet de représenter exac-
b) si le minimum est nul (ce qui signifie qu'il existe une et donc,
Organigramme en général, une infinité de fonctions compatibles avec les préférences
données), alors la deuxième étape de la méthode UT A est appliquée
et, sur base de l'échantillon de solutions ainsi générées, une fonction
d'utilité «moyenne» est proposée au décideur.

Option 2
Dans le cadre d'un modèle du type
n
U(a) =L Uj(gj(a»),
J= 1

n
jLj U/Yj) = 1,

OUI les valeurs Uj(Yj) peuvent être considérées comme représentatives des
importances relatives associées aux critères puisque leur somme vaut
1 : à la limite, si Uk(Yk) = 1 pour un critère k particulier, les autres
Une fonction d'utilité est proposée,
fonctions Uj(j*k) sont nulles et U(a)=Uk(gk(a»), c'est-à-dire que
Possibilité de réagir seul le critère k est pris en compte. L'option 2 consiste à demander
au décideur de «pondérer» les critères en attribuant, à chaque critère
j, un nombre Pj (nombre entier compris entre 0 et 9) d'autant plus
Rangement de toutes les actions. grand qu'il veut accorder de l'importance à ce critère. On en déduit
Possibilité de réagir
Ui(Yj)=~
n

hL 1 Ph
82 L'AIDE MUL TICRITERE A LA DECISION LA THEORIE DE L'UTILITE MULTIATfRIBUT t)1

Pour pouvoir rapidement proposer au décideur une fonction d'utilité Le logiciel PREFCALC a été l'un des premiers sur le marché dont
sur laquelle il pourra réagir, la méthode ne demande pas, à ce stade, l'objectif principal est d'être utilisable facilement par les praticiens.
d'informations supplémentaires sur les fonctions U j mais propose L'acquisition des données (qui peut se faire par l'intermédiaire d'un
directement les fonctions suivantes (rappelons que Xj, Yi et rj ont été traitement de texte ou d'un logiciel tel que dBASE II), la présentation
spécifiés dans les données) : de nombreux graphiques, la possibilité, à tout moment, de revenir
en arrière, de modifier des données, de voir les effets de ces modifi-

Ui(U]) = V ul-x·
_J_ _J .
Yj-Xi
Uj(Yj), 1= 1, ... , rj + l
cations, en font un outil efficace d'aide à la décision. Nous aurions
pu reporter la présentation de ce logiciel au chapitre des méthodes
interactives: nous avons cependant choisi de la placer ici d'une part
{
U j linéaire entre les valeurs Ulj, parce que la procédure sc base sur l'estimation d'une fonction d'utilité
additive et d'autre part parce que l'interaction avec le décideur porte
où Ulj sont les abscisses des extrémités des morceaux linéaires qui
plus sur la construction du modèle de ses préférences que sur l'ensem-
constituent U j (cf. première étape de la méthode UT A).
ble des actions elles-mêmes, cette dernière option étant une des canlC-
u/y;)t -=-=----, téristiques de ce que nous appellerons méthode interactive.
, ....
UJ(u è )
J
1
r ..... ' , ....

,
/ "
,,
/

/
/
/

u) =Xj ur u~
J Yj = u}
Allure de U i pour ri = 3

Cette formule est évidemment complètement arbitraire mais elle


donne à la fonction U j une forme concave qui correspond à une
attitude souvent rencontrée. D'autre part, ce choix importe relative-
ment peu puisque le décideur pourra ensuite modifier les fonctions U i .
La fonction d'utilité, déterminée par l'option 1 ou l'option 2, est
alors proposée au décideur sous la forme d'un ensemble de graphiques
représentant les fonctions U j . Le rangement qui en résulte sur l'en-
semble de référence est également présenté. A ce stade, le décideur
peut retourner en arrière et modifier des données (valeurs extrêmes
acceptables sur les critères, nombres de morceaux linéaires), changer
le rangement de l'ensemble de référence ou corriger certains poids.
I,orsque la fonction d'utilité est acceptée, elle est appliquée à l'en-
semblé de toutes les actions en vue de les ranger. Le décideur peut
"lOIS terminer la nwcédure ou retourner ù une étanc antérieure.

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