7-Texte-evasion St-Lazare(1)

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OE 2 Le roman et le récit du Moyen Age au XXIè siècle 1ère

Abbé Prévost, Manon Lescaut, 1731


Parcours associé : « Personnages en marge, plaisirs du romanesque »

Texte 7 - L'évasion de Saint-Lazare

1 Il demeura quelque temps à me considérer sans me répondre. Comme je


n’en avais pas à perdre, je repris la parole pour lui dire que j’étais touché de
toutes ses bontés, mais que la liberté étant le plus cher de tous les biens,
surtout pour moi à qui on la ravissait si injustement, j’étais résolu de me la
5 procurer cette nuit même, à quelque prix que ce fût, et de peur qu’il ne lui prît
envie d’élever la voix pour appeler du secours, je lui fis voir une honnête raison
de silence, que je tenais sur mon justaucorps. Un pistolet ! me dit-il. Quoi ! mon
fils, vous voulez m’ôter la vie, pour reconnaître la considération que j’ai eue
pour vous ? À Dieu ne plaise ! lui répondis-je. Vous avez trop d’esprit et de
1 raison pour me mettre dans cette nécessité ; mais je veux être libre, et j’y suis si
0 résolu que, si mon projet manque par votre faute, c’est fait de vous absolument.
Mais, mon cher fils, reprit-il d’un air pâle et effrayé, que vous ai-je fait ? quelle
raison avez-vous de vouloir ma mort ? Eh ! non, répliquai-je avec impatience. Je
n’ai pas dessein de vous tuer. Si vous voulez vivre, ouvrez-moi la porte, et je
suis le meilleur de vos amis. J’aperçus les clefs qui étaient sur la table. Je les
1 pris, et je le priai de me suivre en faisant le moins de bruit qu’il pourrait. Il fut
5 obligé de s’y résoudre. À mesure que nous avancions et qu’il ouvrait une porte,
il me répétait avec un soupir : «Ah ! mon fils, ah ! qui l’aurait cru ? Point de
bruit, mon père, répétais-je de mon côté à tout moment. Enfin nous arrivâmes à
une espèce de barrière, qui est avant la grande porte de la rue. Je me croyais
déjà libre, et j’étais derrière le père, tenant ma chandelle d’une main et mon
2 pistolet de l’autre. Pendant qu’il s’empressait d’ouvrir, un domestique, qui
0 couchait dans une petite chambre voisine, entendant le bruit de quelques
verrous, se lève et met la tête à sa porte. Le bon Père le crut apparemment
capable de m’arrêter. Il lui ordonna, avec beaucoup d’imprudence, de venir à
son secours. C’était un puissant coquin, qui s’élança sur moi sans balancer. Je
ne le marchandai point; je lui lâchai le coup au milieu de la poitrine. Voilà de
quoi vous êtes cause, mon Père, dis-je assez fièrement à mon guide.

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