EdC-POSER-Cmpr
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de cas
Cap-Vert
N°1
MICROPROJETS HORTICOLES
Rouillard Arnaud
Consultant FIDA
2019
Étude de cas : Analyse de l’impact des
microprojets horticoles basés sur la promotion de
technologies efficaces et efficientes de mobilisation
et de gestion de l’eau.
Juillet 2019
PRESENTATION
A. Historique du projet et des activités: jeunes), et ce en: (i) soutenant le choix des
bénéficiaires relatif aux microprojets en faveur
1. Le POSER financé en 2014 par le d’activités pérennes génératrices de revenus
gouvernement du Cap-Vert, le FIDA et le Fonds ; (ii) s’assurant que les activités économiques
fiduciaire espagnol, succède au Programme de agricoles mises en œuvre par les bénéficiaires
Réduction de la Pauvreté Rurale (PLPR) qui a duré contribuent à leur sécurité alimentaire, notamment
12 ans (2000-2012). en réduisant leur dépendance aux importations
Avec la mission d'évaluation à mi-parcours de de produits alimentaires ; (iii) garantissant que
2012, des changements stratégiques ont eu lieu les revenus perçus de ces activités économiques
dans la mise en œuvre du POSER, mettant contribuent à l’amélioration des conditions de vie des
davantage l'accent sur la mise en œuvre de projets bénéficiaires. pauvreté rurale (composante 1).
structurants, concordant avec la vision stratégique Les ressources du programme ont été, au fil
(2014-2018) de la politique gouvernementale de 2. Le POSER a apporté un appui et un des années, concentrées sur le financement des
"Transformation du secteur agricole". D’un point accompagnement ciblés aux principales difficultés projets structurants consacré majoritairement à
de vue institutionnel, cela s’est traduit par le des producteurs, à savoir : (i) des précipitations la réalisation d'infrastructures hydroagricoles.
changement de tutelle du Ministère du Travail, de la irrégulières et mal réparties dans le temps et l’espace Les projets structurants permettent d'optimiser la
Formation professionnelle et de la Solidarité sociale ; (ii) la diminution de la fertilité des sols et le faible mise en œuvre des microprojets individuels et collectifs
au Ministère de l'Agriculture et de l'Environnement. niveau d’utilisation de semences de qualité ; (iii) la à travers la mise en exhaure de périmètres donnés et de
baisse de la main-d’œuvre familiale liée à l’émigration pouvoir notamment : (i) répondre aux problématiques
À travers sa stratégie, le POSER a pour objectif vers les zones touristiques ; (iv) la diminution d’accès à l’eau ; (ii) élargir la portée des interventions ; (iii)
de contribuer à l’accroissement des revenus des du revenu d’exploitation et la faible capacité de regrouper les bénéficiaires autour du capital productif et ainsi
populations rurales en promouvant la création financement. augmenter l’efficacité sur le terrain ; (iv) augmenter la résilience
1
Au 30/06/2019, sur l’ensemble des financements extérieurs effectivement mobilisés pour la mise en œuvre du programme (24,504
millions USD), le POSER a décaissé 15,669 millions USD, soit 64% des fonds mobilisés.
3 4
B. Groupes cibles et typologie des Le financement des infrastructures des microprojets est
bénéficiaires : pris en charge en moyenne à 80% par le projet et 20%
4. La stratégie de ciblage basée sur un mécanisme par les producteurs bénéficiaires en nature. Cette part
d’auto ciblage des ruraux pauvres par les Commissions en nature peut comprendre : (i) la mise à disposition de
Régionales de Partenaires et les Associations terres ; (ii) la mise à disposition de main d’œuvres ; (iii)
Communautaires de Développement (ACD), a permis la mise à disposition d’autres biens matériels.
d’atteindre les couches les plus vulnérables et ainsi
d’appuyer 11 955 bénéficiaires directs ruraux. Les Avec l’expertise technique de l’UCP et des techniciens,
bénéficiaires visés sont : le montant du microprojet est déterminé en fonction
- Les individus ou ménages les plus vulnérables, des investissements nécessaires. Une fois déterminée et
c’est-à-dire les individus/ménages qui n’ont pas d’accès validée, une convention est signée entre la commune, les
à la terre et au crédit pour développer leurs activités, producteurs et le projet.
sont en situation de famille nombreuse avec un nombre Les coûts d’investissement varient de 34 000 à 91
élevé d’enfants mineurs à charge, et ont des capacités de 000 USD en fonction des infrastructures3 nécessaires à
production limitées et des revenus agricoles bas ; réhabiliter ou à construire pour la mise en valeur des
- Les femmes (jeunes filles et femmes) en particulier parcelles irriguées.
chefs de ménages ; Un microprojet couvre en moyenne 3,4 ha et appuie 40
- Les jeunes ruraux sans emploi et sans possibilité producteurs pour un budget moyen de 3 000 USD par
d’avoir accès au crédit. producteurs.
La priorité est accordée aux jeunes et aux femmes. Au 6. Du financement à la pérennisation des
niveau du POSER, 45% des bénéficiaires totaux sont des microprojets :
femmes. Concernant la sous-composante des microprojets Après validation du financement, la commune et les
agricoles, 37% des parcelles sont exploitées par des partenaires techniques assurent le suivi des différentes
femmes. phases du projet à travers une commission de travail
visant à garantir la durabilité du projet. À travers
cette dynamique, les acteurs en charge doivent assurer
C. Processus de mise en place : la continuité de la l’activité dans la phase post-
5. De la sensibilisation au financement du investissement.
microprojet agricole : Au niveau de chaque microprojet, un technicien du
Dans un premier temps, l’Unité de Coordination du Ministère en charge l’Agriculture intervient dans le suivi et
Projet (UCP) ainsi que les partenaires du projet : le conseil aux exploitations. Ces techniciens horticoles ont
a) Sensibilisent et informent sur les actions d’appui du pour rôle de faire le lien entre le projet et les bénéficiaires,
POSER à travers des assemblées communales, dans et sont en charge : (i) du transfert de compétences et de
chaque zone d’intervention. capacités ; (ii) du conseil et du suivi agricole ; (iii) de
b) Présentent les critères d’éligibilité et les modalités de l’appui à la commercialisation.
participation pour le financement des microprojets. Le montant investi dans le microprojet s’inscrit dans la
c) Centralisent les demandes des ACD au niveau des stratégie de Fonds de Réinvestissement Communautaire
unités techniques, caractérisent et analysent les demandes (FRC). L’objectif du FRC est de : (i) garantir la
avec l’appui technique du ministère de l’Agriculture et pérennité du fonds du PRLP afin de mettre en place de
déposent les demandes de financement pour approbation. nouvelles activités de développement communautaire ; (ii)
responsabiliser les ACD par rapport au développement
La viabilité économique et financière de chaque du pays ; (iii) responsabiliser les bénéficiaires par rapport
microprojet est évaluée par le point focal en charge au à leur propre développement socio-économique ainsi
sein de l’UCP. que celui de la communauté.Cela vise à donner aux
bénéficiaires les plus vulnérables des moyens d’accéder à
2
Processus de ciblage basé sur l'identification et la sélection des bénéficiaires des microprojets, à partir des assemblées communautaires afin que le programme atteigne les principaux groupes cibles.
3
De manière générale, la mise en exhaure de périmètre horticole comprend : (i) un forage ; (ii) deux réservoirs ; (iii) un système de pompage solaire ; (iv) un kit de goutte à goutte par bénéficiaire ; (v) l’aménagement et la délimita-
tion physique des parcelles.
5 6
des instruments de financement plus sophistiqués et de les 9. Analyse technico-économique :
60
Dans la lignée du FRC, les investissements peuvent être différentes. L’étude a été réalisée dans 12 communes des 30
amortis à travers : (i) un coût additionnel imputé par îles de Santiago et de Santo Antão, avec la participation 20
mètre cube d’eau consommé par le producteur durant de 70 exploitants. Les entretiens se sont déroulés de 10
les 5 premières années ; (ii) un système de fermage manière semi-directive avec l’appui des Unités Techniques 0
S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S11 S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S11
induisant une charge locative imputée semestriellement (UT) et de l’UCP. Système t hermique Système p hotov olt aïque
ou annuellement sur le résultat de l’exercice. Fig.2 Évolution du prix du m3 d'eau entre un système thermique et un système photovoltaïque. Source : Rouillard, 2019.
S1,...,Sn = Site
À travers une analyse comparée de la performance
financière des modèles agricoles mis en place5 , nous avons L’analyse de la marge nette/m2 nous indique que dans Le revenu net, fortement corrélé au coût total de l’eau,
D. Analyse des initiatives : déterminé le revenu d’exploitation par individu tiré de 60% des cas, les techniques de production sont identiques varie en moyenne de 0,65 à 1,66 USD/m2 à production
8. Résultats majeurs : l’activité horticole (cf. Tableau 1). En outre, l’exploitant impliquant des charges opérationnelles par mètre carré et prix constant, en fonction du type de modèle mis en
La mise en exhaure de périmètres avec système dégage en moyenne une marge brute de 2,53 USD/m . 2
similaires et en moyenne de 0,58 USD/m . 2
place (cf. Fig.3).
photovoltaïque associé à la micro-irrigation a permis Lors de l’étude, nous avons constaté que la vente groupée En outre, entre un système d’agriculture intensive et un
700
d’obtenir des résultats majeurs sur l’activité horticole et n’est quasiment pas pratiquée. Ainsi, 9 bénéficiaires sur système d’agriculture biologique la variation de charge 600
la gestion de la ressource en eau. 10 font de la vente en direct sur les marchés communaux est de ± 62%. 500
Les productions sur les différentes spéculations (ici, pomme de manière individuelle. Les prix de vente sur les marchés Calculée après déduction des charges opérationnelles, la
de 74%, et les ventes ont augmenté de 40% en termes une variation de ± 12%. À l’échelle nationale, entre les 300
de production agrégée. L’augmentation de la qualité des îles de Santiago et Santo Antão, les prix de vente subissent Les charges de structure sont propres à chaque individu 7
200
produits ainsi que les formations en commercialisation une variation de ± 37%. et calculées par parcelle. Pour les principales opérations
ont permis aux producteurs d’augmenter les prix de vente Les bénéficiaires rencontrés ne traitent avec aucun culturales8, la quasi-totalité des producteurs rémunèrent
100
par 32,2%. La surface moyenne emblavée par individu a Opérateur de Marché (OM) national et international en moyenne 4 prestataires de services extérieurs par 0
- 10.0 20.0 30.0 40.0 50.0 60.0
6000
On distingue qu’en fonction du système de pompage producteurs gagnent en moyenne 4 heures de travail par
Charges par m2 (CVE)
400
5000 thermique ou photovoltaïque mis en place le coût du jour et ont diminué la force de travail nécessaire par 60%
4000 300
mètre cube d’eau varie respectivement de ± 49%. (cf. comparativement au modèle d’irrigation traditionnel.
Fig.2).
3000
200
Tableau 1: Analyse comparative entre les différents systèmes horticoles mis en
2000
Le revenu net d’activité par individu a été calculé par place.
100
1000 campagne agricole, et prend en compte l’aide périodique Consommation
d'eau
Total des
charges
Revenu net
(CVE/m2)
(L/jour/m2) (CVE/m2)
familiale (en moyenne 2 personnes), ou l’appui par un
0 0
S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 individu extérieur. Ici, ces aides ont un faible impact Modèle 1 : Système de pompage Entre 7 et 9 188 65
Tradi tionnel Mi cro-irri gation thermique avec irrigation traditionnelle
7
Charge de structure, est une charge liée à l’existence de l’entreprise. Elle n’est pas fonction de l’activité, c’est-à-dire qu’elle demeure indépendante du niveau de production. Ici les charges comprennent les coûts des : (i) transports et
carburants ; (ii) entretiens et achat de petit matériel agricole ; (iii) les travaux par des entreprises extérieurs ; (iv) le prix du m3 d’eau et la consommation annuelle.
Les opérations culturales majeurs sont dans notre cas : (i) la préparation du sol et le semis ; (ii) la récolte.
8
Le coût du mètre cube d’eau comprend : (i) l’amortissement des charges de structures lié à la mise en exhaure ; (ii) la gestion et la distribution de l’eau ; (iii) le coût de la matière première.
9
SMIC Cap-verdien en date de 01 janvier 2019 fixé à 13 000 CVE par mois. Source : https://tradingeconomics.com/cape-verde/indicators
10
9 10
10. Analyse agro-environnementale : Grâce à la mise en place d’itinéraires techniques adaptés,
Les résultats montrent qu’en moyenne sur la surface les bénéficiaires ont augmenté de 74% leurs productions
agricole utile mise en exhaure par exploitant, 79,5% de sur les principales spéculations horticoles. Or, comme
la surface est réellement emblavée. Chaque exploitant nous montre l’analyse du produit brut d’exploitation, les
emblave 600 à 1 600 m en rotation sur des planches 2
rendements à l’hectare sont encore assez faibles.
de 10m . L’assolement a été diversifié et 5 nouvelles
2
Les pertes liées à la pression des bio agresseurs, et
spéculations ont été introduites. En moyenne, une année l’utilisation de variétés inadaptées et peu productives
de production est scindée en 3 cycles de 90 à 120 jours restent les principaux facteurs limitants. Dans ce sens,
chacun. Le choix de l’assolement est guidé par la rusticité accroître la diversité de plantes au sein des systèmes
des cultures et leur bon comportement potentiel selon les agricoles, en augmentant le nombre d’espèces en rotation
saisons (saison sèche de novembre à juin ; saison humide et/ou en diversifiant spatialement le nombre d’espèces, à
de juillet à octobre) et les zones géographiques (cf. Fig. travers notamment l’association culturale, offre un intérêt
4). Ainsi, les variétés robustes nécessitant peu d’eau sont significatif (Finney et al., 2016)11.
favorisées.
Santo Antão Santiago Sud
120 70 100 70
60 Précipitations (mm) 60
Précipitations (mm)
100 80
Température (°C)
Température (°C)
50 50
80 60
40 40
60
30 40 30
40 20
20
20
20 10 10
0 0 0 0
J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S O N D
Précipitations (mm) Température moyenne (°C) Précipitations (mm) Température moyenne (°C)
Fig.4 Diagramme ombrothermique, des stations de Santiago Sud et Santo Antão. Source : Climate-Data, 2019.
À travers le POSER, les bénéficiaires ont été formés à : Lors des visites terrain, il est apparu que les bénéficiaires
(i) l’utilisation et la préparation de substrat organique de avec l’appui des techniciens intensifiaient la diversité
qualité ; (ii) la préparation et l’application de pesticides d’espèces dans le temps et l’espace à travers la rotation
et fongicides biologiques ; (iii) l’application des bonnes et l’association de cultures. Ce type de modification de la
pratiques agricoles et itinéraires techniques améliorés ; diversité fonctionnelle à travers l’association de cultures
(iv) produire des plants en pépinière ; (v) gérer et planifier permet : (i) de mieux gérer la pression bio agresseurs
de manière raisonnée la ressource en eau en fonction du et la flore parasitaire ; (ii) d’enrichir le sol en éléments
stade phénologique de la culture. minéraux ; (iii) d’améliorer la capacité hydrique du sol.
Les bonnes pratiques agricoles mises en place, ont permis Au Cap Vert, 70 % de la ressource en eau mobilisée sont
aux producteurs interrogés de diminuer en moyenne de utilisés pour l’irrigation agricole. En 2017, 4,5 millions
83% l’utilisation d’intrants de synthèse. de m3 d’eau ont été consommés à l’échelle nationale pour
Dans la zone de Santiago Sud et Nord, les bénéficiaires l’irrigation traditionnelle et la micro-irrigation dans le
d’un même projet (en moyenne 27) sont accompagnés par secteur agricole. Sur les 3 913 ha irrigués, seulement 21%
un technicien agronome à raison de : (i) 3 à 4 jours/ sont irrigués par micro-irrigation. De récents travaux
semaine lors du premier cycle ; (ii) 1 fois/semaine lors du montrent le potentiel du dessalement des eaux saumâtres
deuxième cycle ; (iii) sur demande lors du troisième cycle. par osmose inverse avec système solaire pour augmenter
Aux termes de 3 ans d’accompagnement et de formation, la quantité d’eau agricole disponible (capacité de 40m3/
70% des bénéficiaires se disent confiants avec ce qu’ils jour) à des coûts compétitifs (cf. Osmosun© by Mascara)12.
ont appris et mettent en pratique sans difficultés les La consommation en eau des cultures observées13 est de
itinéraires techniques co-conçus dans le cadre du projet. 7 à 9 L/m2/jour , contre 2,5 à 4 L/m2/jour14 en micro-
irrigation. La mise en place de système « goutte à goutte»
permet donc d’économiser en moyenne 82% d’eau
comparativement à un système traditionnel.
11 12
producteurs sont centrés bien généralement sur le marché
REMERCIEMENT :
Mes remerciements vont tout d’abord à Monsieur Kaboré Jean
Pascal pour m’avoir donné l’opportunité de réaliser cette étude, et
m’avoir fait confiance tout au long de ma mission.
Je remercie également toute l'équipe de l'UCP POSER pour leur
bienveillance et leur appuie durant la réalisation de cette étude.
CONTACT:
M. ROUILLARD Arnaud