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« Module plat » : différence entre les versions

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La notion de '''module plat''' a été introduite par [[Jean-Pierre Serre]]<ref>{{article|nom1=J.-P. Serre|titre=Géométrie algébrique et géométrie analytique|url=http://www.numdam.org/numdam-bin/item?id=AIF_1956__6__1_0|année=1956|revue=[[Annales de l'Institut Fourier]]|volume=6|pages=1–42}}</ref>. Elle généralise les [[module projectif|modules projectifs]] et ''a fortiori'' les modules libres. En [[algèbre commutative]] et en [[géométrie algébrique]], cette notion a été notamment exploitée par [[Alexander Grothendieck]] et son école, et s'est révélée d'une importance considérable<ref>{{Lien|lang=de|Michel Raynaud}}, [http://www.math.jussieu.fr/~leila/grothendieckcircle/Raynaud.pdf Grothendieck et la théorie des schémas], pp 4-5.</ref>.
La notion de '''module plat''' a été introduite par [[Jean-Pierre Serre]]<ref>{{article|nom1=J.-P. Serre|titre=Géométrie algébrique et géométrie analytique|url=http://www.numdam.org/numdam-bin/item?id=AIF_1956__6__1_0|année=1956|revue=[[Annales de l'Institut Fourier]]|volume=6|pages=1–42}}</ref>. Elle généralise les [[module projectif|modules projectifs]] et ''a fortiori'' les [[Module libre|modules libres]]. En [[algèbre commutative]] et en [[géométrie algébrique]], cette notion a été notamment exploitée par [[Alexander Grothendieck]] et son école, et s'est révélée d'une importance considérable<ref>{{Lien|lang=de|Michel Raynaud}}, [http://www.math.jussieu.fr/~leila/grothendieckcircle/Raynaud.pdf Grothendieck et la théorie des schémas], p. 4-5.</ref>.


== Définition ==
== Définition ==


Un [[Module sur un anneau|module]] plat sur un [[anneau commutatif]] (unitaire) <math>A</math> est un module <math>M</math> tel que le foncteur produit tensoriel avec <math>M</math> soit exact, c'est-à-dire pour toute [[suite exacte]]
Un '''[[Module sur un anneau|module]]''' <math>M</math> sur un [[anneau commutatif]] (unitaire) <math>A</math> est dit '''plat''' si le [[foncteur]] [[Produit tensoriel de deux modules|produit tensoriel avec <math>M</math>]] est {{Lien|trad=exact functor|Foncteur exact|texte=exact}}, c'est-à-dire pour toute [[suite exacte]]
<center><math>0\to N\to L\to K\to 0</math> </center>
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de <math>A</math>-modules, la suite obtenue par [[Produit_tensoriel_de_deux_modules|produit tensoriel]]
de <math>A</math>-modules, la suite obtenue par produit tensoriel
<center><math>0\to N\otimes_A M\to L\otimes_A M\to K\otimes_A M\to 0</math> </center>
<center><math>0\to N\otimes_A M\to L\otimes_A M\to K\otimes_A M\to 0</math> </center>
reste exacte. Comme le produit tensoriel est exact à droite pour tout module, la propriété revient à dire que pour toute application injective de <math>A</math>-modules <math>N\to L</math>, l'application induite <math>N\otimes_A M\to L\otimes_A M</math> est injective.
reste exacte. Comme le produit tensoriel est exact à droite pour tout module, la propriété revient à dire que pour tout morphisme injectif de <math>A</math>-modules <math>N\to L</math>, l'application induite <math>N\otimes_A M\to L\otimes_A M</math> est injective.


'''Remarque.''' La notion de platitude se définit de la même façon pour les modules sur un anneau non nécessairement commutatif.
'''Remarque.''' La notion de platitude se définit de la même façon pour les modules sur un [[anneau unitaire]] non nécessairement commutatif.


'''Exemple.''' Le <math>\Z</math>-module <math>\Z/2\Z</math> n'est pas plat : l'application multiplication par 2 : <math>\Z\to\Z</math> est injective, mais si on la tensorise par <math>\Z/2\Z</math>, elle devient nulle, alors que <math>\Z\otimes_\Z(\Z/2\Z)</math> est non nul car isomorphe à <math>\Z/2\Z</math>. Donc l'application après tensorisation n'est plus injective. Plus généralement, tout module plat est [[Torsion_(algèbre)|sans torsion]], c'est-à-dire que <math>ax=0</math> avec <math>a\in A</math> et <math>x\in M</math> n'est possible que si <math>a=0</math> ou <math>x=0</math>.
'''Exemple.''' Le <math>{}^\Z</math>-module <math>{}^{\Z/2\Z}</math> n'est pas plat : l'application multiplication par 2, de <math>{}^\Z</math> dans <math>{}^\Z</math>, est injective, mais si on la tensorise par <math>{}^{\Z/2\Z}</math>, elle devient nulle, alors que <math>{}^{\Z\otimes_\Z(\Z/2\Z)}</math> est non nul car isomorphe à <math>{}^{\Z/2\Z}</math>. Donc l'application après tensorisation n'est plus injective. Plus généralement, tout module plat est [[Torsion_(algèbre)|sans torsion]], c'est-à-dire que <math>ax=0</math> avec <math>{}^{a\in A}</math> et <math>{}^{x\in M}</math> n'est possible que si <math>a=0</math> ou <math>x=0</math>.


On dit qu'un morphisme d'anneaux <math>\phi: A\to B</math> est '''plat''' si <math>B</math> est plat pour la structure de <math>A</math>-module induit par <math>\phi</math>. On dit aussi que <math>B</math> est plat sur <math>A</math>, le morphisme <math>\phi</math> étant sous-entendu.
On dit qu'un '''[[morphisme d'anneaux]]''' ''φ : A B'' est '''plat''' si ''B'' est plat pour la structure de ''A''-module induite par ''φ''. On dit aussi que ''B'' est plat sur ''A'', le morphisme ''φ'' étant sous-entendu.


== Exemples ==
== Exemples ==
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* Tout [[module libre]] est plat. Ainsi, sur un corps, tout espace vectoriel est plat.
* Tout [[module libre]] est plat. Ainsi, sur un corps, tout espace vectoriel est plat.


* Tout [[module projectif]] est plat. La réciproque est fausse en général, mais un module plat de [[Module sur un anneau#Propriétés de finitude|présentation finie]] est toujours projectif.
* Tout [[module projectif]] est plat. La réciproque est fausse en général, mais un module plat [[Module sur un anneau#Propriétés de finitude|de présentation finie]] est toujours projectif.


* Sur un anneau de Dedekind ''A'', tout module plat de type fini est isomorphe à <math>A^n\oplus I </math> pour un entier positif ou nul ''n'' et un idéal ''I'' de ''A''.
* Sur un [[anneau de Dedekind]] ''A'', tout module plat [[Module sur un anneau#Propriétés de finitude|de type fini]] est isomorphe à ''A<sup>n</sup>''⊕''I'' pour un entier positif ou nul ''n'' et un idéal ''I'' de ''A''.


* Tout morphisme de [[localisation (mathématiques)|localisation]] ''A'' → ''S''<sup>-1</sup>''A'' est plat.
* Tout morphisme de [[localisation (mathématiques)|localisation]] ''A'' → ''S''<sup>-1</sup>''A'' est plat.


* Supposons <math>A</math> noethérien local d'[[idéal maximal]] <math>\mathfrak m</math>. Soit <math>\hat A</math> son [[complété formel]] pour la topologie <math>\mathfrak m</math>-adique. Alors l'homomorphisme canonique <math>A\to\hat A</math> est injectif et plat. Si <math>B</math> est un autre anneau local noethérien tel que <math>A\subseteq B\subseteq\hat A</math> et que l'idéal maximal de <math>B</math> soit égal à <math>\mathfrak m B</math>, alors <math>A\to B</math> est plat. Cela implique que l'inclusion canonique de <math>\C[T_1,\dots, T_n]</math> dans l'anneau <math>\mathcal O_n</math> des germes de fonctions holomorphes à ''n'' variables à l'origne est un homomorphisme plat.
* Supposons <math>A</math> [[anneau noethérien|noethérien]] [[anneau local|local]] d'[[idéal maximal]] <math>\mathfrak m</math>. Soit <math>\hat A</math> son {{Lien|complété formel|trad=Completion (ring theory)}} pour la [[Anneau topologique#Topologie I-adique|topologie <math>\mathfrak m</math>-adique]]. Alors l'homomorphisme canonique <math>A\to\hat A</math> est injectif et plat. Si <math>B</math> est un autre anneau local noethérien tel que <math>A\subseteq B\subseteq\hat A</math> et que l'idéal maximal de <math>B</math> soit égal à <math>\mathfrak m B</math>, alors ''A'' → ''B'' est plat. Cela implique que l'inclusion canonique de <math>\C[T_1,\dots, T_n]</math> dans l'anneau <math>\mathcal O_n</math> des germes de fonctions holomorphes à ''n'' variables à l'origine est un homomorphisme plat.


== Quelques critères ==
== Quelques critères ==


* <math>M</math> est plat si et seulement si pour tout idéal <math>I</math> de <math>A</math>, l'application canonique <math>I\otimes_A M\to M</math> qui à <math>a\otimes x</math> associe <math>ax</math>, est injective.
* ''M'' est plat si et seulement si pour tout idéal ''I'' de ''A'', l'application canonique ''I''⊗''<sub>A</sub>M → M'' qui à ''a''⊗''x'' associe ''ax'', est injective.


* Si ''A'' est [[anneau local|local]] et si ''M'' est de type fini sur ''A'', alors ''M'' est plat si et seulement s'il est libre.
* Si ''A'' est [[anneau local|local]] et si ''M'' est de type fini sur ''A'', alors ''M'' est plat si et seulement s'il est libre.


* Sur un [[anneau de Dedekind]], tout module sans torsion est plat.
* Sur un anneau de Dedekind, tout module sans torsion est plat.


* (Nature locale de la platitude) ''M'' est plat sur ''A'' si et seulement si pour tout idéal maximal ''m'' de ''A'', le produit tensoriel <math>M\otimes_A A_m</math> est plat sur ''A<sub>m</sub>''.
* (Nature locale de la platitude) ''M'' est plat sur ''A'' si et seulement si pour tout idéal maximal ''m'' de ''A'', le produit tensoriel ''M''⊗''<sub>A</sub>A<sub>m</sub>'' est plat sur ''A<sub>m</sub>''.


* (Théorème de Govorov et Lazard)<ref>{{en}} {{Lien|David Eisenbud}}, ''Commutative algebra with a view toward algebraic geometry'', GTM '''150''', Springer-Verlag, 1999, Appendix A6.2.</ref> Un module est plat si et seulement si c'est une limite inductive de modules libres de rang fini.
* (Théorème de Govorov et Lazard)<ref>{{en}} {{Lien|David Eisenbud}}, ''Commutative algebra with a view toward algebraic geometry'', GTM '''150''', Springer-Verlag, 1999, Appendix A6.2.</ref> Un module est plat si et seulement si c'est une limite inductive de modules libres de rang fini.
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== Opérations laissant stables les modules plats ==
== Opérations laissant stables les modules plats ==


* Si ''M'' et ''N'' sont plats, alors <math>M\oplus N</math> (plus généralement, toute somme directe de modules plats) et <math>M\otimes_A N</math> sont plats.
* Si ''M'' et ''N'' sont plats, alors ''M''⊕''N'' (plus généralement, toute [[somme directe]] de modules plats) et ''M''⊗''<sub>A</sub>N'' sont plats.


* Toute [[limite inductive]] de modules plats est un module plat.
* Toute [[limite inductive]] de modules plats est un module plat.


* (Changement de base) Si ''A'' → ''B'' est un morphisme d'anneaux (unitaire) quelconque, alors <math>M\otimes_A B</math> est plat sur ''B''.
* (Changement de base) Si ''A'' → ''B'' est un morphisme d'anneaux (unitaire) quelconque et si ''M'' est plat sur ''A'', alors ''M''⊗''<sub>A</sub>B'' est plat sur ''B''.


* Soit 0 → ''N'' → ''L'' → ''K'' → 0 une suite exacte. Si ''N'' et ''K'' sont plats, alors ''L'' aussi. Si ''L'' et ''K'' sont plats, alors ''N'' aussi. Par contre, si ''N'' et ''L'' sont plats, il n'y a aucune raison que ''K'' soit plat (considérer par exemple <math>N=2\Z</math> et <math>L=\Z</math>).
* Soit 0 → ''N'' → ''L'' → ''K'' → 0 une suite exacte. Si ''N'' et ''K'' sont plats, alors ''L'' aussi. Si ''L'' et ''K'' sont plats, alors ''N'' aussi. Par contre, si ''N'' et ''L'' sont plats, il n'y a aucune raison que ''K'' soit plat (considérer par exemple <math>{}^{N=2\Z}</math> et <math>{}^{L=\Z}</math>).


* En général un sous-module d'un module plat n'est pas plat. De même le quotient d'un module plat n'est pas plat.
* En général un sous-module d'un module plat n'est pas plat. De même le quotient d'un module plat n'est pas plat.
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== Fidèle platitude ==
== Fidèle platitude ==


Une propriété plus forte que la platitude est la fidèle platitude. On dit qu'un ''A''-module ''M'' est '''fidèlement plat''' s'il est plat et si pour tout ''A''-module non nul ''N'', on a <math>M\otimes_A N\ne 0</math>.
Une propriété plus forte que la platitude est la fidèle platitude. On dit qu'un ''A''-module ''M'' est '''fidèlement plat''' s'il est plat et si pour tout ''A''-module non nul ''N'', on a ''M''⊗''<sub>A</sub>N'' ≠ 0.


On dit qu'un homomorphisme d'anneaux <math>\phi : A\to B</math> est fidèlement plat s'il fait de ''B'' un ''A''-module fidèlement plat. C'est équivalent à dire que ''A'' → ''B'' est plat et que pour tout idéal maximal ''M'' de ''A'', il existe un idéal maximal ''N'' de ''B'' tel que ''M'' = <math>\phi^{-1}</math>(''N'').
On dit qu'un homomorphisme d'anneaux ''φ : A B'' est fidèlement plat s'il fait de ''B'' un ''A''-module fidèlement plat. C'est équivalent à dire que ''A'' → ''B'' est plat et que pour tout idéal maximal ''M'' de ''A'', il existe un idéal maximal ''N'' de ''B'' tel que ''M'' = ''φ''<sup>-1</sup>(''N'').


Tout module libre non nul est fidèlement plat. Le <math>\mathbb Z</math>-module <math>\mathbb Q</math> est plat mais non fidèlement plat.
Tout module libre non nul est fidèlement plat. Le <math>{}^\Z</math>-module <math>{}^\Q</math> est plat mais non fidèlement plat.


== Interprétation géométrique ==
== Interprétation géométrique ==


Supposons ''A'' commutatif unitaire et noethérien. Soit ''M'' un module de type fini sur ''A''. Pour tout idéal premier ''P'' de ''A'', le produit tensoriel <math>M\otimes_A k(P)</math> où ''k''(''P'') est le corps des fractions de ''A/P'', est un espace vectoriel sur ''k''(''P''). Ainsi ''M'' peut être vu comme une famille d'espaces vectoriels (sur des corps variables) paramétrée par les points du [[spectre d'anneau|spectre]] Spec ''A''. L'application qui à ''P'' associe la dimension de <math>M\otimes_A k(P)</math> est semi-continue supérieurement (Spec ''A'' étant muni de la [[Spectre_d'anneau#Topologie_de_Zariski|topologie de Zariski]], et l'ensemble des entiers positifs ou nuls de la topologie discrète). On peut montrer que lorsque ''A'' est [[Anneau réduit|réduit]], ''M'' est plat si et seulement si cette fonction est continue (donc localement constante).
Supposons ''A'' commutatif unitaire et noethérien. Soit ''M'' un module de type fini sur ''A''. Pour tout idéal premier ''P'' de ''A'', le produit tensoriel ''M''⊗''<sub>A</sub>k''(''P'') où ''k''(''P'') est le [[corps des fractions]] de ''A/P'' est un espace vectoriel sur ''k''(''P''). Ainsi ''M'' peut être vu comme une famille d'espaces vectoriels (sur des corps variables) paramétrée par les points du [[spectre d'anneau|spectre]] Spec ''A''. L'application qui à ''P'' associe la dimension de ''M''⊗''<sub>A</sub>k''(''P'') est semi-continue supérieurement (Spec ''A'' étant muni de la [[Spectre_d'anneau#Topologie_de_Zariski|topologie de Zariski]], et l'ensemble des entiers positifs ou nuls de la topologie discrète). On peut montrer que lorsque ''A'' est [[Anneau réduit|réduit]], ''M'' est plat si et seulement si cette fonction est continue (donc localement constante).


Un module ''M'' est fidèlement plat si et seulement s'il est plat et si <math>M\otimes_A k(P)</math> est non nul pour tout ''P''.
Un module ''M'' est fidèlement plat si et seulement s'il est plat et si ''M''⊗''<sub>A</sub>k''(''P'') est non nul pour tout ''P''.


== Relation avec les {{Lien|trad=Tor functor|Foncteur Tor|texte=foncteurs Tor}} ==
== Relation avec les {{Lien|trad=Tor functor|Foncteur Tor|texte=foncteurs Tor}} ==
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* Pour tout idéal de type fini ''I'' de ''A'', on a <math>\operatorname{Tor}^A_1(M, A/I)=0</math>.
* Pour tout idéal de type fini ''I'' de ''A'', on a <math>\operatorname{Tor}^A_1(M, A/I)=0</math>.


Soit <math>A \to B </math> un homomorphisme d'anneaux plat. Alors pour tous ''A''-modules ''M'', ''N'' et pour tout entier ''n>0'', on a
Soit ''A'' ''B'' un homomorphisme d'anneaux plat. Alors pour tous ''A''-modules ''M'', ''N'' et pour tout entier ''n>0'', on a
:<math>\operatorname{Tor}^A_n(M, N)\otimes_A B= \operatorname{Tor}^B_n(M\otimes_A B, N\otimes_A B)</math>.
:<math>\operatorname{Tor}^A_n(M, N)\otimes_A B= \operatorname{Tor}^B_n(M\otimes_A B, N\otimes_A B)</math>.



Version du 7 juillet 2011 à 10:00

La notion de module plat a été introduite par Jean-Pierre Serre[1]. Elle généralise les modules projectifs et a fortiori les modules libres. En algèbre commutative et en géométrie algébrique, cette notion a été notamment exploitée par Alexander Grothendieck et son école, et s'est révélée d'une importance considérable[2].

Définition

Un module sur un anneau commutatif (unitaire) est dit plat si le foncteur produit tensoriel avec est exact, c'est-à-dire pour toute suite exacte

de -modules, la suite obtenue par produit tensoriel

reste exacte. Comme le produit tensoriel est exact à droite pour tout module, la propriété revient à dire que pour tout morphisme injectif de -modules , l'application induite est injective.

Remarque. La notion de platitude se définit de la même façon pour les modules sur un anneau unitaire non nécessairement commutatif.

Exemple. Le -module n'est pas plat : l'application multiplication par 2, de dans , est injective, mais si on la tensorise par , elle devient nulle, alors que est non nul car isomorphe à . Donc l'application après tensorisation n'est plus injective. Plus généralement, tout module plat est sans torsion, c'est-à-dire que avec et n'est possible que si ou .

On dit qu'un morphisme d'anneaux φ : A → B est plat si B est plat pour la structure de A-module induite par φ. On dit aussi que B est plat sur A, le morphisme φ étant sous-entendu.

Exemples

  • Tout module libre est plat. Ainsi, sur un corps, tout espace vectoriel est plat.
  • Supposons noethérien local d'idéal maximal . Soit son complété formel (en) pour la topologie -adique. Alors l'homomorphisme canonique est injectif et plat. Si est un autre anneau local noethérien tel que et que l'idéal maximal de soit égal à , alors AB est plat. Cela implique que l'inclusion canonique de dans l'anneau des germes de fonctions holomorphes à n variables à l'origine est un homomorphisme plat.

Quelques critères

  • M est plat si et seulement si pour tout idéal I de A, l'application canonique IAM → M qui à ax associe ax, est injective.
  • Si A est local et si M est de type fini sur A, alors M est plat si et seulement s'il est libre.
  • Sur un anneau de Dedekind, tout module sans torsion est plat.
  • (Nature locale de la platitude) M est plat sur A si et seulement si pour tout idéal maximal m de A, le produit tensoriel MAAm est plat sur Am.
  • (Théorème de Govorov et Lazard)[3] Un module est plat si et seulement si c'est une limite inductive de modules libres de rang fini.

Opérations laissant stables les modules plats

  • Si M et N sont plats, alors MN (plus généralement, toute somme directe de modules plats) et MAN sont plats.
  • (Changement de base) Si AB est un morphisme d'anneaux (unitaire) quelconque et si M est plat sur A, alors MAB est plat sur B.
  • Soit 0 → NLK → 0 une suite exacte. Si N et K sont plats, alors L aussi. Si L et K sont plats, alors N aussi. Par contre, si N et L sont plats, il n'y a aucune raison que K soit plat (considérer par exemple et ).
  • En général un sous-module d'un module plat n'est pas plat. De même le quotient d'un module plat n'est pas plat.

Fidèle platitude

Une propriété plus forte que la platitude est la fidèle platitude. On dit qu'un A-module M est fidèlement plat s'il est plat et si pour tout A-module non nul N, on a MAN ≠ 0.

On dit qu'un homomorphisme d'anneaux φ : A → B est fidèlement plat s'il fait de B un A-module fidèlement plat. C'est équivalent à dire que AB est plat et que pour tout idéal maximal M de A, il existe un idéal maximal N de B tel que M = φ-1(N).

Tout module libre non nul est fidèlement plat. Le -module est plat mais non fidèlement plat.

Interprétation géométrique

Supposons A commutatif unitaire et noethérien. Soit M un module de type fini sur A. Pour tout idéal premier P de A, le produit tensoriel MAk(P) – où k(P) est le corps des fractions de A/P – est un espace vectoriel sur k(P). Ainsi M peut être vu comme une famille d'espaces vectoriels (sur des corps variables) paramétrée par les points du spectre Spec A. L'application qui à P associe la dimension de MAk(P) est semi-continue supérieurement (Spec A étant muni de la topologie de Zariski, et l'ensemble des entiers positifs ou nuls de la topologie discrète). On peut montrer que lorsque A est réduit, M est plat si et seulement si cette fonction est continue (donc localement constante).

Un module M est fidèlement plat si et seulement s'il est plat et si MAk(P) est non nul pour tout P.

Relation avec les foncteurs Tor

Supposons A commutatif unitaire. Soit M un A-module. Alors la platitude de M est équivalente à chacune des propriétés suivantes :

  • Pour tout A-module N et pour tout entier n supérieur ou égal à 1, on a .
  • Pour tout idéal de type fini I de A, on a .

Soit AB un homomorphisme d'anneaux plat. Alors pour tous A-modules M, N et pour tout entier n>0, on a

.

Notes

  1. J.-P. Serre, « Géométrie algébrique et géométrie analytique », Annales de l'Institut Fourier, vol. 6,‎ , p. 1–42 (lire en ligne)
  2. Michel Raynaud, Grothendieck et la théorie des schémas, p. 4-5.
  3. (en) David Eisenbud, Commutative algebra with a view toward algebraic geometry, GTM 150, Springer-Verlag, 1999, Appendix A6.2.

Références

  • (en) H. Matsumura, Commutative Algebra, Benjamin Cummings, 2e éd., 1980, chap. 2.