Polyamorphisme
En science des matériaux, le polyamorphisme est la possibilité pour une substance d'exister sous différentes formes amorphes. C'est l'analogue du polymorphisme des matériaux cristallins.
Bien que l'arrangement atomique d'un matériau amorphe ne possède pas d'ordre à grande distance certaines propriétés de différents polyamorphes, telles que la densité, peuvent être différentes. En fait, de nombreuses substances amorphes peuvent exister avec des caractéristiques différentes (par exemple des polymères), mais on ne parle de polyamorphisme que quand il existe deux états amorphes distincts avec une transition de phase claire et discontinue (du premier ordre) entre eux[a]. Lorsqu'il s'agit de deux liquides stables, on parle de transition de phase liquide-liquide[1].
Polyamorphisme solide-solide
[modifier | modifier le code]Exemples :
- polyamorphisme de la glace amorphe, du silicium ou du germanium amorphes ;
- le verre de silice, lorsqu'on le soumet à une pression hydrostatique d'environ 8 GPa, subit une transition irréversible vers un état plus densifié. Une fois revenu à pression ambiante, on obtient de la silice compactée (ce fait est connu depuis les années 50 et les travaux de Bridgman). Une recuisson dans l'intervalle de transformation (environ 1 400 K) permet de retourner au matériau initial.
Polyamorphisme liquide-liquide
[modifier | modifier le code]Des transitions de phase liquide-liquide ont été prédites, par des calculs de dynamique moléculaire, pour de nombreuses substances dont l'eau[2],[3], le silicium[4], le dioxyde de carbone[5], le carbone[6], l'hydrogène[7] et l'azote[8]. Dans certains cas, les calculs prédisent que la courbe d'équilibre liquide-liquide (dans le diagramme P-T) se termine en un point critique, comme pour l'équilibre liquide-vapeur. Dans le cas de l'eau, la proximité de ce point critique a été invoquée à plusieurs reprises pour expliquer certaines anomalies thermodynamiques[2].
Expérimentalement, des transitions liquide-liquide ont essentiellement été observées dans des liquides surfondus — donc métastables — (mélanges Y2O3–Al2O3[9], eau[10],[11] et quelques autres liquides moléculaires[12],[13],[14]), mais aussi dans quelques liquides stables (phosphore[15], soufre[16]). Le seul point critique liquide-liquide réellement mis en évidence est celui du soufre, en 2020[16].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- L'existence d'une phase gazeuse et d'une phase liquide, omniprésente, n'est pas qualifiée de polyamorphisme. Les transitions amorphe-amorphe du premier ordre sont néanmoins analogues à la transition liquide-gaz, et présentent notamment, le plus souvent, un point critique.
Références
[modifier | modifier le code]- (en) B. C. Hancock, E. Y. Shalaev et S. L. Shamblin, « Polyamorphism: a pharmaceutical science perspective », The Journal of Pharmacy and Pharmacology (en), vol. 54, no 8, , p. 1151-1152 (PMID 12195833, DOI 10.1211/002235702320266343).
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- (en) Stephen Harrington, Rong Zhang et Peter H. Poole, « Liquid–liquid phase transition: evidence from simulations », Physical Review Letters, vol. 78, , p. 2409-2412 (DOI 10.1103/PhysRevLett.78.2409).
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- (en) Brian Boates et Stanimir A. Bonev, « First-order liquid–liquid phase transition in compressed nitrogen », Physical Review Letters, vol. 102, , article no 015701 (DOI 10.1103/PhysRevLett.102.015701).
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