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Téléonomie

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La téléonomie (dérivé du grec ancien τέλος / télos ou τελε- / tele-, « but, finalité », et νόμος / nómos) est, sommairement, un concept scientifique de finalité.

Terminologie

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Le terme téléonomie est inventé par Colin S. Pittendrigh en 1958[1], puis repris par de nombreux autres biologistes de renom, dont Jacques Monod dans les années 1970[2],[3],[4].

Le concept est distinct du finalisme ou la téléologie (de logos, « raison », « parole ») car Jacques Monod et plus généralement les darwinistes (aujourd'hui largement majoritaires) refusent, par principe épistémologique notamment, tout recours à une cause finale ou à un dessein intelligent dans l'explication des processus biologiques.

En biologie

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La notion de téléonomie sert notamment à expliquer le phénomène de la convergence évolutive en décrivant la suite de causes ayant par exemple mené trois animaux aussi différents que l'ichtyosaure, le requin et le dauphin à avoir des formes hydrodynamiques si similaires tout en appartenant à des branches différentes du vivant n'ayant pas de lien de parenté plus récent que l'apparition de leurs caractères communs.

Il est capital de comprendre que le rapport de la téléonomie à la finalité n'est que métaphorique : la sélection naturelle donne l'illusion que la nature travaille en vue d'un objectif, mais elle est en réalité aveugle et c'est, selon l'expression de Démocrite et Jacques Monod, le hasard et la nécessité seuls qui mènent le vivant à s'adapter à son milieu. Ainsi, on ne peut pas dire que l'évolution vise quelque chose ; elle ne veut rien. Cependant, alors que son fonctionnement n'a rien d'intentionnel, comme phénomène elle peut avoir l'apparence d'une intentionnalité : la disparition automatique des modèles les moins fonctionnels[Note 1] mène spontanément à la conservation exclusive des modèles fonctionnels (les êtres vivants capables de survivre jusqu'à se reproduire et transmettant cette capacité à leur descendance par hérédité génétique ou épigénétique), de telle sorte que certains de leurs caractères, en harmonie avec leur environnement, peuvent répondre à leurs besoins comme s'ils avaient été faits sur mesure, pour ainsi dire de façon providentielle, alors qu'ils sont tout autant les fruits du hasard que leurs concurrents éteints. Cette apparence de finalisme et d'intentionnalité est en fait illusoire[5].

Notes et références

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  1. La présence de caractères non-fonctionnels n'équivaut pas nécessairement à la disparition de l'espèce : certains sont inutiles, voire vestigiaux, mais ne produisent aucun handicap. Néanmoins, d'autres nuisent aux capacités de survie et de reproduction de l'individu, que ce soit positivement (via une déformation par exemple) ou négativement (via une absence d'adaptation). Ceux-là ont tendance à causer des difficultés parfois fatales à leurs porteurs.

Références

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  1. (en) « Biologists for a while were prepared to say a turtle came ashore and laid its eggs. These verbal scruples were intended as a rejection of teleology but were based on the mistaken view that the efficiency of final causes is necessarily implied by the simple description of an end-directed mechanism. … The biologists long-standing confusion would be removed if all end-directed systems were described by some other term, e.g., ‘teleonomic,’ in order to emphasize that recognition and description of end-directedness does not carry a commitment to Aristotelian teleology as an efficient causal principle. » Colin S. Pittendrigh, « Adaptation, natural selection, and behavior » in Behavior and Evolution, ed. A. Roe and George Gaylord Simpson, New Haven, Yale University Press, 1958, 390-416, p. 394.
  2. « La pierre angulaire de la méthode scientifique est le postulat de l'objectivité de la Nature. C'est-à-dire le refus systématique de considérer comme pouvant conduire à une connaissance « vraie » toute interprétation des phénomènes donnée en termes de causes finales, c'est-à-dire de « projet ». [...] Postulat pur, à jamais indémontrable, car il est évidemment impossible d'imaginer une expérience qui pourrait prouver la non-existence d'un projet, d'un but poursuivi, où que ce soit dans la nature. Mais le postulat d'objectivité est consubstantiel à la science, il a guidé tout son prodigieux développement depuis trois siècles. Il est impossible de s'en défaire, fût-ce provisoirement, ou dans un domaine limité, sans sortir de celui de la science elle-même. L'objectivité cependant nous oblige à reconnaître le caractère téléonomique des êtres vivants, à admettre que dans leurs structures et performances, ils réalisent et poursuivent un projet. Il y a donc là, au moins en apparence, une contradiction épistémologique profonde. Le problème central de la biologie, c'est cette contradiction elle-même, qu'il s'agit de résoudre si elle n'est qu'apparente, ou de prouver radicalement insoluble si en vérité il en est bien ainsi. » (Jacques Monod, Le hasard et la nécessité, éd. du Seuil, coll. « Points », p. 37-38).
  3. « L'invariance précède nécessairement la téléonomie. Ou, pour être plus explicite, l'idée darwinienne que l'apparition, l'évolution, le raffinement progressif de structures de plus en plus intensément téléonomiques sont dus à des perturbations survenant dans une structure possédant déjà la propriété d'invariance, capable par conséquent de « conserver le hasard » et par là d'en soumettre les effets au jeu de la sélection naturelle. » (Monod, op. cit., p. 37).
  4. « Toutes les autres conceptions qui ont été explicitement proposées pour rendre compte de l'étrangeté des êtres vivants, ou qui sont implicitement enveloppées par des idéologies religieuses comme par la plupart des grands systèmes philosophiques, supposent l'hypothèse inverse : à savoir que l'invariance est protégée, l'ontogénie guidée, l'évolution orientée par un principe téléonomique initial, dont tous les phénomènes seraient des manifestations. » (Jacques Monod, op. cit., p. 38).
  5. « Un processus téléonomique ne fonctionne pas en vertu de causes finales alors même qu'il en a l'air, alors même qu'il semble orienté vers la réalisation de formes qui n'apparaîtront qu'à la fin du processus. Ce qui le détermine en fait ce ne sont pas ces formes comme causes finales, mais la réalisation d'un programme, dans une machine programmée dont le fonctionnement semble orienté vers la réalisation d'un état futur, alors qu'il est en fait déterminé causalement par la séquence d'états où le programme préétabli la fait passer. » - Henri Atlan, Entre le cristal et la fumée, Seuil, Paris, 1979, p. 14.