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L'influence de la pensée bergsonienne chez Joseph Malègue émane surtout de l'ouvrage d’Henri Bergson Les Deux sources de la morale et de la religion, « épine dorsale », selon Jean Lebrec de Pierres noires : Les Classes moyennes du Salut, second et dernier roman de Malègue,. Les Deux Sources couronnent l'œuvre de Bergson. Sa pensée imprègne déjà l'autre tout aussi long roman de Malègue, Augustin ou Le Maître est là.
On redécouvre Malègue : Sébastien Lapaque, dans Le Figaro littéraire, le met en 2014 au même rang que François Mauriac ou Georges Bernanos. D'autres publications jusqu'aux années 2020 font de même.
Malègue appelle « Classes moyennes du Salut », la foule des chrétiens moyens, plus largement l'humanité médiocre, en s'inspirant d'Émile Durkheim qui réduit la religion à une pure mécanique sociologique.
Chez Bergson, chose rare en philosophie, des personnes, les saints, jouent un rôle supérieur aux concepts, en sauvant dans l'Univers, à travers la communion des saints, l'humanité médiocre de cette mécanique aliénante. Dans Pierres noires Malègue attribue ce rôle à Félicien à l'égard des personnages de tout le roman. Qui symbolise ainsi le Salut universel : Moeller parle donc d'un « monde infiniment plus vaste » qu' Augustin, d'un « sommet de la littérature ». Littérature et pensée bergsonienne s'y joignent voire coïncident.
Malègue meurt avant d'achever Pierres noires. Pour certains, c'est irrémédiable ou c'était inévitable. Pour d'autres l'œuvre aboutit, rare coïncidence, enfouie profond dans l'intrigue, entre un roman et une pensée.
Influence précoce ou anticipée de Bergson
[modifier | modifier le code]Jean Lebrec (1922-2013), qui fut professeur à l'Institut catholique de Paris[1], explique qu'il arrive à Malègue d'anticiper sur ce que Bergson dira d'une sorte de vérification de la réalité de Dieu à travers l'expérience mystique.
Malègue, Bergson et l’expérience religieuse
[modifier | modifier le code]Chevalier témoigne de ce que Malègue dès projetait d'étudier les phénomènes de sainteté. Il en tirerait une hagiologie susceptible « de toucher expérimentalement l'absolu, en relief ou en creux, dans les états de l'homme, qui est fait pour la sainteté, mais qui a tant de peine à y atteindre et tant de facilité à en dévier[2]. »
Il parle aussi de l'expérience ultime de la mort qui « presse l'homme de se situer, pour la première fois peut-être, dans une perspective de vérité devant Dieu »[3], persuadé que la chose pourrait être vérifiée à travers « l'exploration expérimentale que l'on peut faire de l'âme des saints devant leur mort »[4].
Dans certaines nouvelles de Malègue (dont deux avant la parution des Deux sources et d' Augustin : L'Orage, en 1903, et La Pauvreté, en 1912[5]), un saint intervient concrètement. Il en composera après d'autres du même genre. Bergson, comme l'écrit Lebrec, « fait reposer sur l'action des saints la permanence d'une morale ouverte[6] dans la société. Or, dès ses années d'étudiant, Malègue avait pressenti l'importance de ce rôle[7]. »
Avant qu'Henri Bremond ne livre au public en 1916 ses premiers témoignages de mystiques français dans son Histoire littéraire du sentiment religieux en France[8].
Avant qu'en 1932, dans Les Deux Sources de la morale et de la religion, Bergson « ne mette en relief l'appel que les saints adressent à leurs contemporains du seul fait de leur existence et à la quête expérimentale de Dieu dans l'âme des mystiques[4]. » Jean-Louis Vieilard-Baron remarque cependant que, début des années 1900, y compris pour Bergson « L'intérêt pour la mystique était dans l'air »[10].
Malègue suit les cours de Bergson au Collège de France (gratuits et non-diplômants), en 1902 et 1903 à l'invitation de son ami Jacques Chevalier selon Lebrec, Chevalier qui deviendra l'intime de Bergson[11].Malègue a très tôt l'intuition de cette ligne de recherches à partir de l’expérience mystique ou religieuse.
Bergson et Malègue rejettent positivisme et scientisme
[modifier | modifier le code]Pour Marceau, Malègue subit l'influence des courants philosophiques de son temps ou « comme auteur spirituel »[12], ne serait-ce que pour s'inscrire en faux contre eux.
Le rejet du positivisme, lui inspire des romans que Marceau qualifie d'« antipositivistes »[12]. Pour Malègue, le positivisme c'est que « la pensée tend de plus en plus à déserter la métaphysique pour l'expérimental[13]. », comme le scientisme. L'un et l'autre tendent à ne considérer comme vrai savoir que les sciences de la nature ou exactes. Ce qui évacue toute vision religieuse et mène à l'oubli de l'absolu au nom de l'expérience des sciences exactes. Pour Malègue et Bergson, on peut aussi trouver l'« absolu dans l'expérimental » — dans une « expérience élargie »[13].
Marceau relève avec Bergson que l'expérience scientifique reste « terriblement limitée »[14], comme le montre une lettre à William James, où Bergson précise qu'à son étonnement, le temps scientifique ne s'inscrit pas dans la durée qu'au contraire, l'approche positive tend à éliminer[15]. D'où il ressort que « le temps de la science n'est pas celui de l'existence »[14].
Le temps de l'existence que Bergson appelle « durée », c'est le temps vécu et « comme tel, donné là où il est vécu, dans la conscience[14]. ». Le réel ne se limite pas à ce qui est appréhendé par l'expérience scientifique, la science restant aveugle à cette forme de « durée » [14], ou de « vécu ». Marceau cite l’Essai sur les données immédiates de la conscience où Bergson découvre que rien ne serait changé aux lois physiques si elles s’appliquaient « dans l’instantané ».
Un « positivisme nouveau » s'ouvre à l'expérience spirituelle
[modifier | modifier le code]William James est emblématique de ce positivisme d'un genre nouveau. Émile Poulat montre que cette rupture avec le positivisme demeure à certains égards paradoxale. En effet, l'ourage de Bergson Essai sur les données immédiates de la conscience paraît la même année que L'Avenir de la métaphysique fondée sur l'expérience d'Alfred Fouillée[16]. Le personnage central d' Augustin lira l' Essai de Bergson à la suggestion de son professeur.
Poulat distingue deux sortes de positivisme : « [l]e premier positivisme, c'était la fin de l'âge théologico-métaphysique au profit de la science ; le nouveau positivisme, c'est la science se posant des questions métaphysiques, théologiques »[17], par exemple l'expérience des grands mystiques, leur « expérience théopathique »[18], Saint Jean de la Croix notamment, auquel l'époque accorde beaucoup d'importance[19].
Thibaud Collin parle, lui, chez Malègue de « positivisme spiritualiste[20]. » Il le situe lors de la conversion in extremis d'Augustin au sanatorium de Leysin dans Augustin ou Le Maître est là. Et le relie à une « cordée » « composée de Ravaisson, Ollé-Laprune, Boutroux, Bergson et Blondel […] répondant aux critiques de Taine, Renan, Loisy, Delacroix, Baruzi etc[21]. »
Influence de Bergson dans Augustin
[modifier | modifier le code]C'est un roman de conversion. Pour Marceau en 1987, Malègue n'a pas été dépassé dans ce genre[22]. Bernard Gendrel, son spécialiste des années 2020 le confirme[23]. La foi d'Augustin est ébranlée à la lecture d'un représentant du scientisme Ernest Renan. Il l'abandonne après avoir lu Alfred Loisy. Il s’y convertit à nouveau après un long cheminement tant existentiel qu'intellectuel.
Chevalier a vu sur le bureau de Bergson l'exemplaire dédicacé d'Augustin ou Le Maître est là, « bourré de marques et de feuilles intercalées »[24]. Bergson lui en dit : « c'est un livre tout à fait remarquable dont le seul défaut pour les lecteurs pressés – pour des lecteurs français – est d'être trop long : ce qui explique qu'on n'en ait point parlé comme on aurait dû le faire et comme il le mérite »[24].
Malègue en réponse aux remerciements que Bergson lui adresse, reconnaît sa dette intellectuelle et précise : « J'ai voulu exprimer — et là je n'avais pas encore pour me guider Les Deux Sources —, que pour qui cherche Dieu la fameuse preuve expérimentale, elle est dans l'expérience mystique à la fois éclatante et enveloppée, sans quoi nous vivrions en Éden[25]. ». L'Éden est le lieu où vécurent Adam et Ève. Dieu y était évident, la foi superflue, car, selon certaine théologie, les humains y disposaient de dons préternaturels: immortalité, absence de souffrance, science infuse, vision directe de Dieu.
La danse et la beauté des femmes
[modifier | modifier le code]Le cheminement tant intellectuel qu'existentiel de la conversion d'Augustin va passer par la beauté d'une femme.Augustin, a lu l'Essai sur les données immédiates de la conscience[26], sur la suggestion de son professeur de philosophie, Rubensohn qui a avec Bergson « quelques traits communs » au physique et au moral L'Essai montre que la grâce d'un mouvement s'accommode plus de courbes que de lignes brisées.La courbe : « change de direction à tout moment, […] chaque direction nouvelle étant indiquée dans celle qui la précédait[27]. »
Anne de Préfailles présente chez Augustin, devenu professeur à Lyon, son examen de philosophie et il en tombe amoureux. Elle habite au château des Sablons avec sa tante, Élisabeth de Préfailles qu'Augustin a connu enfant. L'examinateur d'Anne y est invité. Anne, Élisabeth et Augustin se promènent. Ils observent des moucherons évoluant en lignes brisées à la surface d'un étang, évoquant pour les deux femmes une certaine grâce. Augustin, réplique à partir de l' Essai, que la grâce émane de lignes courbes, à l'instar des danseuses qui semblent répondre — ne serait-ce qu'en apparence — aux désirs des spectateurs, mais gratuitement, comme toute beauté humaine apparente « offrande de bonheur » mais au hasard de ceux qui la rencontrent.Comme il ne veut pas avouer son penchant pour Anne (à tort, il désespère qu'elle y réponde), il s'en veut de s'être peut-être trahi.Mais ses sentiments sont devinés depuis longtemps, comme ils se révèlent dans cette explication d'une grande technicité, même si c'est en réponse à une question posée[28].
L'élargissement à l'expérience religieuse à même l'intrigue…
[modifier | modifier le code]Devinant, comme son oncle et sa tante qu'Augustin ne déclarera jamais, ce trio charge l'ancien aumônier d'Augustin à Normale de dire qu'une demande de sa part ne sera pas rejetée a priori. Augustin en éprouve la plus grande joie de sa vie (voir ci-contre). Mais il se découvre tuberculeux un peu plus tard et rompt avec Anne ne voulant pas lui imposer les années de traitement que va lui imposer son état. Cette rupture le brise. Il se meurt au sanatorium de Leysin. Son ami Largilier lui rend visite et évoque une chose qui a toujours sollicité Augustin au plus profond : l'humanité du Christ : « Dans le cristal adamantin des dogmes, c'était la facette qui frappait l'âme moderne, scientifique et mystique ensemble »[30],[31],.
Charles Moeller explique que, face à l'exégèse moderniste, « c'est la divinité de Jésus qui lui faisait difficulté, non celle de Dieu[32] ». La difficulté est inverse selon Largilier. Il cite un « ex-athée » : « «Sans le Christ, j'aurais la haine de Dieu », » et en tire la puissance persuasive d'un chiasme: « Loin que le Christ me soit inintelligible s'il est Dieu, c'est Dieu qui m'est étrange s'il n'est le Christ [30]. » Augustin, esprit moderne, « scientifique et mystique ensemble », saisit alors que la nature humaine de Jésus (Dieu), « subissant les déterminismes de la douleur » et du « mécanisme social des expositions historiques lacunaires » [30], constitue un (métaphore filée) « curieux pont suspendu entre la douleur et la question biblique,les entrelacs des lois positives le supportaient comme des filins [30]. »,. Scientifique et mystique unis, pour Moeller, c'est « toute l'œuvre de Bergson[33] ».
Il poursuit : « Ce tour d'esprit de Bergson, qui essaye de rejoindre les réalités métaphysiques sur le chemin de l'expérimental, s'épanouit tout naturellement dans le domaine de la mystique : la vie du mystique révèle, dans l'entrelacement d'une destinée apparemment humaine, une présence transcendante ; c'est une image de l'humanité même de Jésus[33]. ».Quand Augustin consent à la confession que lui propose Largilier, il n'obéit donc pas à une pulsion irrationnelle, mais est induit en tentation de l'accepter à la suite de toute une réflexion[33]. Allusion, notamment, au fait qu'Augustin a exposé à Normale à un camarade et ami juif, ouvert au religieux, son ambition intellectuelle (qu'il partage avec le créateur de son personnage) : « Je pense à une hagiologie[34]. »
La joie d'Augustin (voir ci-contre) quand son ancien aumônier lui fait part de l'ouverture d'Anne est rapportée au Cantique des cantiques, et dite à son ami prêtre à la veille de sa mort à Leysin. L' énonciation (les circontances de cet aveu), en est très significative [35]). Ce passage de la Bible a joué un rôle constant dans la mystique chrétienne.
...dans la logique de l'action et de l'action romanesque
[modifier | modifier le code]L'expérience religieuse la plus significative d'Augustin—« acmé de l'irruption du métaphyisque dans l'expérimental[20], », selon Thibaud Collin, a lieu quand Largilier prononce l'absolution : « Agenouillé, il se prosterna en pensée, tomba à terre, fit un cercle par terre, sa tête touchant ses genoux, écrasé, d'un anéantissement sans nom. Il était le grain de sable des textes bibliques, un grain de sable conscient qui eût devant lui tout le rivage, toute la mer, et, par-delà, la planète ; et par-delà encore, l'énormité démente de l'espace, et dans le suprême au-delà, le Roi de tous les Absolus, ou selon la formule qu'il aimait : « Celui qui s'est fait Dieu »[37]. » Puis : « Il put encore murmurer : « preuves expérimentales… expérimentales[38]. »
Pour Collin, « Telle est la manière propre à Malègue de rendre manifeste « le positivisme spiritualiste » qu’appelait de ses vœux Ravaisson dans son Rapport. Par là, il figure de manière romanesque la force performative de certaines paroles (elles font ce qu'elles disent), qui viennent de plus loin et de plus profond que celui qui les profère[20]. » Ce Rapport de Ravaisson, s'intitule La Philosophie française au XIXe siècle, Paris, Hachette, 1869. Édouard Le Roy souligne comment Ravaisson explicite ce positivisme spiritualiste. Il le fait à l'article, Positivisme du Vocabulaire technique et critique de la philosophie : ce positivisme, « a comme principe générateur la conscience que l'esprit prend en lui-même d'une existence dont il reconnaît que toute autre existence dérive et dépend, et qui n'est autre que son action[39]. » Son action, soit sa performativité.
Pour Moeller, se référant à Pascal et à Blondel, c'est dans un geste, un acte précis, parfois un rite infinitésimal, que l'« unique nécessaire »[40] nous est communiqué[33]. Largilier pousse Augustin à le poser à travers l'invite à la confession. Après la visite de Largilier, Augustin rédige un article intitulé Deux devancements pratiques de la certitude : il y évoque le pari de Pascal[41] et ce qu'il appelle une « confession de semi-incrédules ». Il en était un depuis la perte de la foi à l'École normale supérieure[32]. L'élargissement à l'expérience religieuse se produit par l'action Augustin écrit dans son article que l'action permet d'avancer dans la connaissance, idée caractéristique de Bergson qu'il développe[42], à partir du pragmatisme de James: Comme dans la découverte technique ou scientifique), nous aidons faire certaines vérités, qui « dépendent en partie de notre volonté[43]. »
Dans les relations entre personnes analogues à celles avec Dieu« l’adhésion de l’intelligence exige plus que simple assentiment logique ou constat : un acte[44]. » Augustin, malgré son état, rédige donc un article savant sur sa propre expérience. Il dit y comparer « le pari de Pascal avec une démarche toute voisine : les confessions de semi-incrédules. Les conditions d'humilité docile, évidentes dans les secondes, éclairent aussi le premier[45]. »
Bergson dans les lettres et conférences de Malègue
[modifier | modifier le code]Divers textes de Malègue d'après sa reconnaissance attestent qu'il lit attentivement Bergson [46],
Connaissance rationnelle de Dieu et expérience mystique
[modifier | modifier le code]Dans une lettre de 1933), il se réjouit que Bergson ait fini par accepter l'importance de l'expérience mystique, même « dans l’ordre de la connaissance pure [dans Les Deux Sources paru en 1932)]. C’est la seule fenêtre par laquelle nous puissions de notre modeste terrain des causes secondes[48], jeter un début de regard sur Dieu, marquer, du terrain expérimental qui seul est le nôtre, une sorte de touche de l’absolu[49]. » En réponse (juin 1933) à Bergson le remerciant pour l'envoi d' Augustin, il souligne que ve roman n'est pas une vulagrisation du philosophe« qu'aucune grande œuvre n'évite si elle frappe au plus profond dans nos inquiétudes[50]. »
Malègue traite d'un passage aux pages 254 à 260 des Deux Sources : en philosophie, on parle de Dieu depuis Aristote comme du Premier moteur qui ne connaît pas le monde, [51] : Bergson en toute religion voit, en Dieu, un Être « qui peut entrer en contact avec nous[52]. »
Malègue use d'un vocabulaire proche en parlant de la Cause première dont dit-il « on ne peut être amoureux[53], » (selon Fontaine « remarques voisines)[54]. » F. Keck et G. Waterlot jugent que Bergson invite à aller voir « plutôt du côté de ceux qui ont fait l'expérience de Dieu[55]. », conviction ancienne chez Malègue. Bergson parle aussi du Dieu d'Aristote, comme d'un Dieu « adopté avec quelques modifications par ses successeurs[52], » que personne n'a jamais songé à invoquer. Pour F. Keck et G. Waterlot, Bergson récuse les tentatives métaphysiques de prouver Dieu. Ou leur réfutation par Emmanuel Kant au bénéfice d'un Dieu postulé.
De Kant et de la métaphysique Malègue ne parle pas dans cette lettre. Mais dans sa conférence Ce que le Christ ajoute à Dieu, « il ironise sur la distinction kantienne entre « phénomène » [la chose telle qu’elle nous apparaît] et « noumène » [la chose en soi, inconnaissable][54]: » il semblait incorrect de la part de Dieu, écrit-il, avec ironie, qu’il « fût et apparût à la fois[56]. »
Valeur de vérité de la mystique
[modifier | modifier le code]Quelle valeur donner à l'expérience mystique? Pour Bergson, elle ne peut être répétée ni vérifiée comme l'expérience scientifique. Les mystiques voient quelque chose qui nous échappe, comparable à ce que nous savons grâce aux explorateurs revenant de pays où personne n'est allé. Les cartes tracées d'après leurs indications, par exemple celles de Livingstone, permettraient de vérifier leurs dires, en droit sinon en fait. Il en va de même pour les mystiques et leur « exploration » : « ceux qui en sont effectivement capables, écrit-il, sont au moins aussi nombreux que ceux qui auraient l'audace et l'énergie d'un Stanley allant retrouver Livingstone[9]. »
Bergson cite également William James disant que lorsqu'il en entendait parler « quelque chose en lui répondait ».Or Malègue paraphrase Bergson, sans le citer nommément,[51], se référant aussi à cette remarque de James[57].
Mémoire et immortalité. Vies minuscules et Univers
[modifier | modifier le code]Malègue évoque également dans sa postface à Augustin (issue d'une conférence à l'Institut catholique de Paris), comment Bergson (sans le nommer), démontre l'indépendance de l'esprit par rapport au corps, d'où l'immortalité, dans Matière et mémoire ou L'Énergie spirituelle[59].
Dans un inédit de son vivant « Le drame du romancier chrétien », Malègue s'inspire de L'Évolution créatrice, sans citer Bergson. Jean-Louis Vieillard-Baron commentant cet ouvrage écrit que la durée est ce par quoi la vie se saisit comme l’élan vital qui la traverse, conservation du passé dans le présent et, dit-il, « création incessante », « vision et volonté tout ensemble ». On « altère la nature du moi par exemple, quand on l’isole du Tout. »
« Un des objets de L’Évolution créatrice est de montrer que le Tout est, au contraire, de même nature que le moi[60].» Cette vue globale que développe Vieillard-Baron, dans « Le drame du romancier chrétien », Malègue utilise les mêmes concepts, opposant le Tout et le moi, la Totalité et le « je ». Il résume et synthétise la vision de Vieillard-Baron — qu'il n'aurait pu lire en 1935 —, de manière analogue.
Il applique cette comparaison ou cette opposition terme à terme, ce raisonnement philosophique, au champ littéraire. L’univers, écrit-il, est une « vaste chose » rendant possible « ces minuscules coupes à travers le réel » que sont les vies des romans. Elles ne sont pas, « parties toutes faites existant dans l’ensemble », elles « portent l’empreinte en creux du violent jet de l’esprit créateur[61]. » Lisant cela, Fontaine estime que Malègue, qui ne cite pas Bergson dans cette conférence, « en parle donc comme Vieillard-Baron[62]. » Vieillard-Baron (né en 1944), Malègue mort en 1940 ne l'a fatalement pas lu.
Durkheim et Pierres noires
[modifier | modifier le code]Lebrec avait redécouvert dans les archives Malègue vingt pages de notes sur Durkheim[11], et pensait que la foi de Malègue fut alors confrontée « à une pensée qui voulait le convaincre qu’il en devait les composantes à la collectivité [11]. » Durkheim travaille en effet selon « l’idée déterministe, fortement établie dans les sciences physiques et naturelles [...] étendue à l’ordre social[64]. », ce qui élimine la liberté et la foi. Mais, grâce à Durkheim, Malègue va également donner aux chrétiens d'habitude, dits « sociologiques »[65], ce « gros de l'humanité »[66], leur appellation et caractère romanesque : les « classes moyennes du Salut » (les Pierres noires évoquent le bâti de l'Auvergne).
Le narrateur-héros du premier livre de Pierres noires, Les Hommes couleur du temps (les deux-tiers du roman), Jean Paul Vaton pense qu'il y a « une forme collective, encadrée, que tendent à prendre ce que nous croyons les transmissions morales les plus personnelles et les plus intimes[67].»
C'est durkheimien. Pour Fontaine « Durkheim illustre la chose dans Le Suicide, livre fondateur, qui traite de cet acte pourtant (en apparence), « le plus individuel que l’on puisse imaginer[68], » — Malègue dirait «intime» —, « parce que, même là, le social est à l’œuvre, se révèle à travers les régularités chiffrées des statistiques[69]. »
Ces régularités chiffrées sont disponibles du fait que le suicide, mort violente, donne lieu à enquête judiciaire. Ces régularités révèlent ce déterminisme social (voir ci-contre).
Selon Marceau, Bergson forge sa pensée de la « religion statique », sur sa propre vision de l'intelligence, mais aussi sur les théories de Durkheim concernant le rôle exclusivement social de la religion[70],[71]. C'est la religion statique dans Les Deux Sources qui est « aussi, comme le remarque Brigitte Sitbon-Peillon, qui a longuement comparé Bergson et Durkheim[72], la religion identifiée au social[73]. » Soit au déterminisme.
Delitz note le paradoxe d'un Bergson influençant Durkheim, par un « effet repoussoir » (et la sociologie française)[74], bien avant Les Deux Sources de la morale et de la religion de 1932. Durkheim meurt en 1917. Dans Les Règles de la méthode sociologique, Durkheim écrit (citations faites par Delitz) « « que le sociologue fait œuvre de science et n’est pas un mystique », et qu’il « ne saurait s’élever avec trop de force » contre ce « négateur de toute science »[75]. ».
Bergson est visé selon Delitz, implicitement mais ensuite explicitelent : « toute une partie de son ouvrage Les Formes élémentaires de la vie religieuse [la sociologue de la connaissance] est dirigée contre Bergson[74]. » Pour Marceau, l'individu est entièrelment déterminé par la société chez Durkheim : « les mœurs de l'homme sont inscrites dans sa nature comme celles de l'abeille et de la fourmi[76]. »
Ce que sont les Classes moyennes du Salut
[modifier | modifier le code]Les classes moyennes du Salut sont le mieux définies, selon Lebrec, dans une fictive Relation des temps révolutionnaires[77] qu'on peut lire dans La Révolution, nouvelle indépendante, insérée sous ce titre en un chapitre de Pierres noires dont, pour Lebrec, il est « le joyau[78]. »
Malègue lui laisse « son autonomie[79]. » L'un des protagonistes de Pierres noires, André Plazenat, demande, de Paris où il enseigne le droit, qu'on le copie et lui envoie cette archive familiale manuscrite datant de la Révolution française : Relation écrite en sa prison de Feurs par M. Henri Casimir de Montcel, ci-devant président du Présidial de Riom en Auvergne[80].
Dans une prison de l'an II, dont ils ne sortiront que pour être exécutés, Henri et son cousin l'abbé Le Hennin discutent. Dans le langage du siècle mais en termes « durkhémiens[81], » l'abbé lui parle des cadres sociologiques qui rendent possible la vie religieuse. Mais qui, l'encadrant, l'engluent dans la routine, le médiocre, l'inauthentique. Seuls des évènements extrêmes peuvent libérer la foi vraie de ceux qui végètent religieusement dans ces cadres.
Les classes moyennes du Salut ce sont « tous ceux qui ne peuvent pas maintenir leur vie religieuse, dans la lumière d'un mysticisme contemplatif et généreux, celui de Largilier et Félicien »[82]. Les femmes et les hommes de ces classes sont, sociologiquement, parqués dans de grands corps, métiers, Royaumes, Églises. « L'accaparement de l'âme par le groupe est tellement étroit qu'on doute qu'il ne la prend pas tout entière[83]. » Durkheim, l'affirme. Marceau dit ces chrétiens encadrés « dans leurs déterminismes sociologiques, économiques, pychologiques et religieux[84]. » Pour l’abbé, il leur reste cependant au moment de la mort « juste cette fine pointe suprême, ces rares minutes de silence intérieur que beaucoup ne connaîtront même jamais »[85].
C'est ici que Bergson opère sa critique de Durkheim avec les répercussions de cette critique dans Pierres noires.
Bergson contre Durkheim dans Pierres noires
[modifier | modifier le code]Pour Bergson, au-delà des classes moyennes, il y a les mystiques, libérés des déterminismes, ouverts à l'amour de l'humanité entière (et au-delà), qui font entendre un appel et entraînent les autres hommes à leur suite par : « un appel, une émotion qu'ils communiquent et qui poussent derrière eux les multitudes enflammées, avides de les imiter[86]. »
Ils proposent aux classes moyennes, écrit Malègue, un saut « dans le ciel au-dessus de leur niveau, » qui permet de s'évader des déterminismes. Ce qui peut inciter à ce « saut » c'est par exemple, « le libre martyre d'un saint[87]. ».
Dans Pierres noires, ce martyre sera celui de Félicien qui sauve les personnages du roman en les extrayant de la religion des classes moyennes, que Bergson appelle « religion statique ».
Pour Marceau, les « classes moyennes du salut » vivent de la religion « statique » chez Bergson, allant de pair avec la morale close[88], celle de la pure utilité sociale, de sociétés elles-mêmes closes. Les mystiques vivent de la religion dynamique, allant de pair avec la morale ouverte sur toute l'humanité et au-delà.
«Clos» et « ouvert », selon le titre même d'une contribution de Frédéric Worms, c'est, dans Les Deux Sources, la « distinction qui change tout[89]. » La sociologie (déterministe) de Durkheim inspire Bergson dans la définition de la « société close» selon Michel de Certeau[90] et Marceau[91], société close liée à à la morale close[86].
« Clos » des classes moyennes, « Ouvert » des mystiques : la distinction qui « change tout »
[modifier | modifier le code]Marceau a bien vu que la religion se réduit, chez Durkheim, comme Malègue l'écrit à Maude Petre « à la pesée du collectif sur des individus entièrement « agis » par la contrainte sociale[93]. ». Pour lui, la morale « close » « vise à la seule conservation des sociétés[94], » elles-mêmes closes. Durkheim en traite selon « l’idée déterministe, fortement établie dans les sciences physiques et naturelles […] étendue à l’ordre social[95]. » Il applique aux faits sociaux « la méthode « physique » de la nature[96]. »
Soit « l'école sociologique avec Durkheim, Lévy-Bruhl, Baillet [91]. » Bergson rejette cette vision de l'humain, irrémédiablement corseté socialement [97] qu'illustre Pierres noires.
Les chrétiens des classes moyennes du Salut, vivant leur foi comme un compromis entre foi et vie terrestre (celle-ci primant), relèvent « de la religion statique de Bergson d’essence sociale [qui] n’est susceptible d’aucune créativité dans l’ordre moral[98]. » Ces chrétiens sont captifs du déterminisme social.
En revanche, les saints, eux, chez Malègue comme chez Bergson, à l'instar du Christ, se trouvent « dégagés des déterminismes sociaux et personnels, grâce à une ascèse exigeante[97] ». Ils sont à même de dépaaser la fermeture des sociétés closes par leur amour ouvert à tous même aux ennemis. Durkheim pensait cette ouverture possible par la morale universaliste [99].
Pour Bergson, seule la mystique en est capable. « Entre, par exemple, la nation ou tout groupe particulier et l’humanité, s’étend la distance « du clos à l’ouvert »[100] » et, surtout, la « différence de nature entre un groupe fermé obligé de se défendre pour subsister, et cet ensemble illimité[101]. » Lebrec, conscient de cette opposition « ouvert » versus « clos » dit que les saints « font éclater la morale close en une morale ouverte [102]. »
Pour Lebrec, la pensée « du Bremond de l’Histoire du sentiment religieux[103],[qui] se trouve maintenant incarnée dans son roman [Pierres noires], recréation poétique par la mémoire du monde de son enfance.[97]. »
Religion statique ou dynamique et classes moyennes du salut
[modifier | modifier le code]La rekigion statique relève d'une « fonction fabulatrice » qui lutte contre l'intelligence. Quand celle-ci suggère que l'intérêt indivduel est de se soustraire aux impératifs sociaux elle les sacralise en tabous suscitant la peur de s'y soustraire. Elle apaise l'angoisse de la mort par l'idée de survie et « quand elle mesure la « marge décourageante d’imprévu » dans l’action, elle rassure, par les superstitions, sur son succès final [104],[105]. » Cette religion,dans l'espèce humaine, nourrit les institutions qui fonctionnent « dans toute société à des fins de cohésion et de clôture{ {sfn »}}.
Mais ces effets de sécurisation de la vie et de dépassement vers la société, cette fois ouverte, peuvent être obtenus d'une source différente, « même si elle peut et de fait vient toujours se greffer sur ce fondement naturel » : il s'agit de l'expérience mystique, qui rompt avec la religion « statique » et dont le mélange avec elle donne lieu à ce mixte qu'est la « religion dynamique »[106].
Pour Marceau, la religion statique est celle des « classes moyennes du salut [107]. » Malègue voit « ce que Bergson appelle religion statique et religion dynamique ». Il les décrit de manière romanesque en opposant Jean-Paul Vaton et Félicien : « Le premier vit dans un climat de religion statique. En revanche, Félicien a été amené à faire ce « saut brusque » dont parle Bergson, et qui a produit chez lui un caractère surnaturel qui ne se trouve point chez Paul Vaton[108]. »
Dans La Grande Épreuve inspirée du Père Jacques Hamel et de son assassinat le 26 juillet 2016,le soldat Georges Tellier [qui est le Père Hamel dans le roman] visite une librairie durant une quinzaine de repos pendant la Guerre d'Algérie. Il tombe sur Pierres noires et Étienne de Montety, l'auteur du livre, lui fait dire que l'expression Les Classes moyennes du Salut est « un mélange de vocabulaire sociologique et théologique »[109].
Les saints « magnétisent » les chrétiens des classes moyennes
[modifier | modifier le code]Pour Marceau, le contraste entre Jean-Paul et Félicien illustre celui entre religion statique et dynamique.[110]. Jean Paul reçoit une lettre de Félicien. Chez lui, on s'explique de tout courrier reçu. et sent, soit qu'on ne le comprendra pas, soit qu'il est indigne des confidences de Félicien. Ce duo est central dans le premier livre de Pierres noires, Les Hommes couleur du temps et essentiel pour toute la trilogie.
Jean-Paul avoue que dans les sujets religieux il ne prenait « guère que le curieux romanesque, que je sentais néanmoins intimité sacrée [lettre morte pour son père, réduite aux pratiques obligatoires mort comprise. Sa mère le savait... ] parfaitement indigne de [s'] intéresser à des sujets réservés au clergé. L'admettre lui eût semblé caricatural et presque sacrilège. [S]a sœur Jeanne n'eût été que réception passive et lourde docilité, mais Marguerite, secrète, fine, un peu pointue, l'eût écoutée en un silence vaguement souriant, non pas en dessous, comme si elle avait connu dans son couvent bien des méditations et lectures spirituelles du même ordre, mais amusée de nos étonnements devant ces choses, ces hauts niveaux-là[111] ». Il est cependant ébranlé : « en tout homme quelque chose fait écho[112], » à la mystique (James selon Bergson avouait que face à elle « quelque chose en lui répondait[9]). » La religion statique, « garde ses éléments[112], » mais, ajoute Marceau, citant Bergson « magnétisés et tournés dans un autre sens par cette aimantation[113]. » Qui n'impose que du « consenti » souligne Sitbon-Peillon[114]. C'est bien le cas de Jean-Paul.
Malègue anticipe sur Les Deux Sources (1932) avec Augustin (1933). Il n'avait pas encore lu Les Deux Sources, écrit-il à Bergson. Mais dans Agustin il a voulu dire que la preuve expérimentale de Dieu réside dans l’expérience mystique [115]. Il le motive dans Le Drame du romancier chrétien (sans citer Bergson) : « Toute âme profondément, uniquement religieuse nourrit une psychologie immense, spéciale, inretrouvable ailleurs […] Ces âmes semblent constituer comme une autre et supérieure sorte d'Esprit […] puisqu'elles sont les âmes des Saints et nous offrent à considérer l'immense psychologie mystique. C'est là, dans ces lieux où il se trouve, que le romancier chrétien doit avoir l' audace d'aller chercher son bien[116] ». Il y aura plus : la communion des saints.
Rôle capital de la communion des saints
[modifier | modifier le code]La communion des saints dans Pierres noires
[modifier | modifier le code]La pensée de Bergson se fonde sur des personnes réelles de l'histoire, pesant plus que le concept. Elles tissent entre elles la mystérieuse solidarité de la communion des saints. Où Bergson trouvait« beaucoup de philosophie dans le dogme de la communion des saints[117]. »
Pour Jean-Louis Vieillard-Baron, elle a chez Bergson le même sens que dans la foi catholique [118]. Pierres noires raconte une « expérience directe de la communion des saints » à Lourdes[119]. Félicien y explique : « Tous ceux qui demandent guérison, leurs prières dissolvent leurs enveloppes propres, leurs frontières personnelles, pour s’étendre jusqu’aux besoins universels. Elles sont comme expropriées de leurs exigences particulières, désaffectées, versées dans un fonds commun pour les besoins de tous [….] la Sainte Vierge se fait apôtre, créatrice de saintetés collectives, de ces âmes fondues dans celles de leurs frères au point d’y perdre non point leur personnalité profonde mais tout le momentané de leur vie temporelle, toutes ces surfaces qui chatoient sur le moi, à l’offrir en martyrs.[120],[121]. »
Félicien s'exprime quasi comme Bergson sur la communion des saints[122] décrivant le surgissement d'âmes « apparentées à toutes les âmes et qui au lieu de rester dans les limites du groupe et de s’en tenir à la solidarité établie par la nature, se portaient vers l’humanité en général dans un élan d’amour[123]. » Pour Vieillard-Baron, chez Bergson, la salvifique grâce « est présente dans sa pensée [124]. » Elle fait, selon Sitbon-Peillon, « de la spiritualité mystique d'ordre individuel, la possibilité d'un modèle pour le collectif[125]. »
Bernanos la scénarise entre deux personnages
[modifier | modifier le code]Robert Coiplet dans Le Monde[128], Moeller, Léon Émery, voient Pierres noires aboutir dans le Livre III de la trilogie Entre le pont et l'eau. Félicien y sauve les Classes moyennes du Salut de Peyrenère, par la force de la solidarité invisible qu'active la communion des saints.
Des commentateurs, puisqu'il s'agit d'une œuvre inachevée, s'expriment au conditionnel, pas Robert Coiplet. Il dit simplement que la mort de Félicien signifie le rachat des personnages du livre. Il a consulté Daniel Halévy dont il rapporte l'analyse : « Il se peut, comme le pense M. Daniel Halévy, que l'intention de l'auteur soit si bien cachée qu'elle tienne à cette volonté d'invisibilité qui égare le lecteur[128]. » « Invisibilité » du surnaturel.
Pour Lebrec le salut par le saint (Félicien), se noue aux « fils mystérieux d'une solidarité métaphysique [129]. ». Malègue s'élève ainsi « aux plus hautes notions catholiques de la Communion des saints […comme] chez Bernanos, dans L'Imposture (1927) et La Joie (1929), il fallut le sacrifice de l'abbé Chevance, puis de Chantal de Clergerie pour sauver Cénabre de son orgueil luciférien[129]. » Ou comme dans le film Le Dialogue des Carmélites de Philippe Agostini et Raymond Leopold Bruckberger (et scénarsites d'après Bernanos[130], où, en acceptant de mourir dans une peur qui ne lui ressemble pas, la vieille prieure transmet mystérieusement à une de ses novices morbidement angoissée par la mort, Blanche de la Force, le courage de mourir en martyre[131].
L'article cite Éric Benoit[132] qui, s'inspirant de Milan Kundera, propose d’appeler « a-causal »[133] « le lien entre la mort humiliante de la prieure et le courage de Blanche »la mort atroce (violée et assassinée) de Chantal et le salut de Cénabre « – venu d’un au-delà du récit, surnaturel.[132]. »
Malègue la scénarise à l'échelle du Cosmos et de l'Histoire
[modifier | modifier le code]Il désirait suggérer une solidarité de ce type entre Félicien et les personnages de Pierres noires, voire au-delà.
Cette ambition l'a perdu selon Lebrec[134]. Il cite J. Papen[129] pour qui « à cause de la liberté de l'Esprit dans son action surnaturelle, s'il est possible d'en déceler jusqu'à un certain point la courbe dans une âme, il est presque impossible d'en découvrir toute l'influence sur une masse ». On peut en dégager « certaines constantes », mais toujours mystérieuses et vouloir les montrer « dans un roman avec toute leur vérité et non simplement selon de vagues généralités, exige un génie mystique et littéraire extraordinaire[135]. » Lebrec jugea que Malègue ne possédait pas ce génie, capable de franchir « les limites qui séparent la littérature de la mystique[129], », c'est cette incapacité (non sa mort) qui explique l'inachèvement de Pierres noires « à une époque où d'autres ont réalisé leurs grands projets romanesques, tels Martin du Gard, Duhamel et Jules Romains[134]. »
Lebrec rapporte cependant le schéma par Malègue d'une scène trouvé aux archives de l'écrivain :
« Scène inspirée du Grand Inquisiteur. Idée : l’immensité de l’histoire humaine où le Dieu des Chrétiens n’était pas, — l’immensité de géographie humaine où il n’est pas encore. Sombres époques (Celtes, Ligures, barbares de tout nom), ou brillantes époques (Ninive, Babylone, Égypte, etc.). Toute solution au problème du salut de tous ces hommes est contradictoire avec l’idée d’une Incarnation, dans le temps, car datée, laissant hors d’elle tout ce qui est antérieur à cette date privilégiée. Réponse : les générations antérieures sont sauvables et sauvées par la Loi des classes moyennes de la sainteté [du Salut en fait (le Salut par les saints) : il y a encore ici un flottement terminologique[136] ]. Les classes extrêmes de la sainteté relèvent de la Loi de l’Incarnation objectivement. Peut-être y a-t-il des Saints dans le bouddhisme etc. Il y en a certainement dans le judaïsme. Il faut donc admettre que l’Incarnation est précédée, comme dans le judaïsme et peut-être dans le bouddhisme etc., d’une aurore d’Incarnation[...] qu’elle transcende le temps[137]. »
Un moine de la proche abbaye Sainte-Anne de Kergonan, perdu dans les alignements de Carnac aurait douté de l'universalité du Salut par le Christ[138], dans un décor rappelant la contingence de la foi face à l'Histoire et au Cosmos (deux dimensions de ces pierres)[139]. Récit peut-être lu par Félicien en difficultés en Chine[140], autre immensité [139].Lebrec rappelle qu'Alfred Loisy reproche à Augustin de ne pas tenir compte de cette difficulté de la foi [141].
Le« monde infiniment plus vaste » de Pierres noires
[modifier | modifier le code]Largilier disait : « Loin que le Christ me soit inintelligible, s’il est Dieu, c’est Dieu qui m’est étrange s’il n’est le Christ.» Collin y décèle l'adage ignatien : « Ne pas être contenu par le plus grand, se cacher dans le plus petit ; voilà ce qui est divin »[20]. » Fasciné, poursuit-il, Friedrich Hölderlin, en fait l'épigraphe de son roman Hyperion . En latin « Non coerceri a maximo, sed contineri a minimo divininum est » et autre traduction: « Ne pas être enfermé par le plus grand, mais être contenu dans le plus petit, c'est cela qui est divin[142] ». Le « petit » au cœur d'une « immensité » qui ne le dépasse pas, c'est l'énigme du Salut universel en la Commununion des saints : Dieu en un « obscur prêcheur de Palestine, vite exécuté[139]. » Récit qui n'a rien de dérisoire pour Malègue. Il relit L'Évolution créatrice de Bergson dans Le Drame du romancier chrétien[61] et affirme avec Bergson que : « les « minuscules coupes à travers le réel » que sont les vies racontées des romans ne sont pas des « parties toutes faites existant dans l’ensemble », qu'elles « portent l’empreinte en creux du violent jet de l’esprit créateur « et que la « vaste chose » qui les rend possibles, c’est l’univers[143]. »
Pour Moeller, ces notes de Malègue laissent entrevoir que Félicien sauverait « de sa lumière et de son amour, les âmes médiocres dont il était entouré », jouant « en plus simple et plus universel, le rôle de Largilier pour Augustin dans le roman de 1933[144]. » Mosseray l'inscrit également dans la Tradition vue par Blondel[145], ou la communion des saints que selon Vieillard-Baron : Blondel rattache à l'esprit chrétien « vivant dans la façon dont vivent et réfléchissent les chrétiens[146]. » Pour Moeller, Pierres noires couronne l'œuvre de Malègue, transporte Augustin « dans un monde infiniment plus vaste[147], » et son auteur « aux sommets de la littérature[148]. »
L'amour des ennemis sans limites
[modifier | modifier le code]L'amour des ennemis du Sermon sur la montagne, du Christ et des saints[149], de l'âme ouverte (Félicien), fracture « les clôtures sociétales », ouvre « à la totalité humaine et au-delà[150]. » Pour Marceau, dire que « l'âme ouverte »[86], embrasse l'humanité, ce n'est « pas assez[151] »pour Bergson. Le Lourdes de Félicien réalise « en un point minuscule du cosmos[152], » la « loi des classes moyennes » soit la « solidarité mystique qui unit les privilégiés de la sainteté aux tièdes et à tous les enlisés dans les sollicitations terrestres »[137], salut universel par les saints, personnages réels de l'Histoire.
Ce qu'éprouve Félicien à Lourdes ne se limite donc pas à la foule qui prie et où il prie. Il s'élargir à « l'ampleur métaphysique universelle[153] » de l'angoisse du moine de Kergonan. Félicien l'a surmontée avant son martyre avec sous les yeux la multitude des religions et civilisations : « L’insondable profondeur de l’Histoire qu’elles évoquent et l’ « effrayante vastitude »[154] de l’univers dont ce « que l’on appelle la Terre[155]» n’est qu’un coin, n’atteignant même pas l’importance de Peyrenère par rapport à la France[153]. »
Marceau évoque la Lourdes de la Vierge[156], « créatrice de saintetés collectives, de ces âmes fondues dans leurs frères[157]. ». Félicien se mêle« aux prières des autres, pour les autres, devenant ainsi le « saint » entièrement voué aux classes moyennes. C'est en cela que se propage l'amour chez Malègue. Sa poésie magique nous emporte bien au-delà du décor vaste et massif, le fini s'élance mystérieusement vers l'infini. Le grand art n'est-il pas toujours celui des poètes visionnaires de réel dont l'élément est le monde des symboles et, par eux, des intuitions où l'âme se perd et se retrouve sans cesse, si possible finalement pour se sauver[156]. »
Œuvre inachevée pour certains, aboutie pour d'autres
[modifier | modifier le code]D'autres sont plus réservés sur le final de Pierres noires. Jacques Chevalier, spécialiste de Bergson, écrit dans la préface à l'édition de 1958 « Mon souvenir de Joseph Malègue » , regretter (presque) que Malègue ait tardé à « nous conduire au sommet lumineux qui devait donner à l'ensemble sa perspective vraie et qui eût fait de son livre, ainsi qu'il me le confia, quelque chose de plus beau qu' Augustin […] Le saint manque : je veux dire cette lumière, cette blancheur éblouissante qui devait, cette fois, nous porter dans l'infini, dans l'éternel et y trouver son âme[158]. » Les pages sur Pierres noires chez Lebrec concluent sur son échec[159].
Chevalier cite le Bergson des Deux Sources. Malègue aurait rappelé, écrit Chevalier, que seul le saint « nous apprend ce qu'est la vie, d'omù elle vient et où elle va[158]. » Pour Neiss, Malègue, s'il avait vécu, aurait alors réussi « le grand roman catholique du siècle » que Mauriac n'a pu écrire[160].
Léon Émery parle aussi de Bergson. Il le fait dans une réflexion sur le Mal défini comme « la prépondérance de la matière autonome[161], » la « minéralisation des corps vivants[161]. » Malègue et Bergson étant différents, leur accord sur certains points serait important.
Pour Émery, chez Bergson, la mort « L'entropie serait donc la mort cosmique, si l'élan vital ne lui opposait un inlassable pouvoir de création[161]. » Et, chez Malègue, le Mal, insidieux, c'est celui dont un géologue dirait « qu'il relève d'une théorie des causes lentes. C'est celui qui opère partout [...] car il est mystérieusement lié au processus continu de la vie et de la mort[162]. ». Il regrette aussi (en 1962), que nous ne pouvons pas savoir comment Malègue aurait conclu[161].
Pierre de Boisdeffre écrit que l' Opus magnum dresse sa vaste nef, aux lignes hautes et pures, mais qu'il est imperfectum, « vaisseau à jamais inachevé, ouvert en plein ciel sur un chœur imaginaire[163]. »
En revanche, quelques années plus tard, Émery écrit que nous en savons assez sur la conclusion de Pierres noires vu le fait que la communion des saints implique le Salut. Et tant est puissante la personne du « jeune géant Félicien qui porte en son corps d'athlète avec une parfaite ingénuité, on ne sait quelle candeur grave et tendre. On voit bien que ce Christophe est fait pour porter l'Enfant Jésus sur ses épaules[164]. »
Bibliographie
[modifier | modifier le code]Sur Bergson et Malègue
[modifier | modifier le code]- Charles Moeller, Littérature du Vingtième siècle et christianisme, Tournai, Casterman,
- Léon Émery, Joseph Malègue. Romancier inactuel, Lyon, Les Cahiers libres, , 139 p.
- Jean Lebrec, L'Art de la nouvelle selon Joseph Malègue, Paris, H.Dessain & Tolra, .
- Jean Lebrec, Joseph Malègue : romancier et penseur (avec des documents inédits), Paris, H. Dessain et Tolra, , 462 p.
- William Marceau, Henri Bergson et Joseph Malègue : la convergence de deux pensées, Saratoga, Amna Libri, coll. « Stanford French and Italian studie » (no 50), , 132 p., 24cm (ISBN 0-915838-66-4, BNF 34948260).
- José Fontaine, La Gloire secrète de Joseph Malègue : (1876-1940), Paris, L'Harmattan, coll. « Approches littéraires », , 205 p., couv. ill. ; 24 cm (ISBN 978-2-343-09449-6, présentation en ligne).
- José Fontaine, « [2] Les philosophes chez Malègue », Bulletin de Littérature Ecclésiastique, no 485 (Tome CXXII/1) « De Malègue à François », , p. 17-52
- José Fontaine, « L'aboutissement d'une œuvre », dans Joseph Malègue, Pierres noires. Les Classes moyennes du Salut, Ad Solem, , p. 9-26.
- José Fontaine, « Trois sources philosophiques au service de la littérature », dans Joseph Malègue, à la (re)découverte d'une œuvre - suivi de Les Ogres ou Les Samsons aveugles (dir. José Fontaine et Bernard Gendrel), Paris, Cerf, , p. 193-220.
- Thibaud Collin, « La conversion, entre « Le métaphysique et l'expérimental » dans Augustin ou Le Maître est là », dans Joseph Malègue, à la (re)découverte d'une œuvre - suivi de Les Ogres ou Les Samsons aveugles (dir. José Fontaine et Bernard Gendrel), Paris, Cerf, , p. 221-233.
Sur Bergson et Durkheim
[modifier | modifier le code]- Brigitte Sitbon-Peillon, Religion, métaphysique et sociologie chez Bergson. Une expérience intégrale, Paris, Presses universitaires de France, , 352 p. (ISBN 978-2-13-056710-3-).
- Heiner Delitz, « L'impact de Bergson sur la sociologie et l'ethnologie françaises », L'Année sociologique, Paris, vol. 62, no 1, , p. 41-65, p. 43-44 notamment (lire en ligne).
Œuvres de Durkheim
[modifier | modifier le code]- Émile Durkheim, Le Suicide, Paris, Presses universitaires de France, , 464 p..
- Émile Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse : Le système totémique en Australie, Paris, Librairie Félix Alcan, , 679 p., p. 13-17.
Œuvres de Bergson et Malègue
[modifier | modifier le code]- Henri Bergson, « L'Âme et le Corps », dans L'Énergie spirituelle, Paris, Félix Alcan, , p. 31-63.
- Henri Bergson, Les Deux Sources de la morale et de la religion, Paris, PUF, .
- Henri Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, Paris, PUF, .
- Joseph Malègue, Pénombres : Glanes et approches théologiques, Paris, Spes, , 236 p., In-16, couv. ill (BNF 32411142).
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- Joseph Malègue, Augustin ou Le Maître est là, Paris, Cerf, (1re éd. 1932), 832 p..
- Joseph Malègue, Pierres noires : Les Classes moyennes du Salut, Paris, Spes, .
- Joseph Malègue, Pierres noires : Les Classes moyennes du Salut, Perpignan, Ad Solem, .
Sur Bergson
[modifier | modifier le code]- Jacques Chevalier, Bergson, Paris, Plon, , p. 55.
- Jacques Chevalier, Entretiens avec Bergson, Paris, Plon, , 310 p..
- André Cresson, Bergson : Sa vie. Son œuvre. Sa philosophie, Paris, PUF, .
- Frédéric Worms, Le Vocabulaire de Bergson, Paris, Ellipses, , 63 p. (ISBN 978-2-7298-5829-2).
- Jean-Louis Vieillard-Baron, « Bergson et la religion », Revue philosophique de la France et de l'étranger, Paris, Presses universitaires de France, vol. 126, , p. 505-516 (ISBN 9782130517757, lire en ligne, consulté le ).
- Jean-Louis Vieillard-Baron, « Un problème philosophique : la communion des saints », Transversalités, vol. 116, 2010/oct.déc., p. 97-126. Lire en ligne (consulté le 28 août 2023): [3].
- Jean-Louis Vieillard-Baron, Bergson, Paris, Presses universitaires de France, , 128 p..
- Ghislain Waterlot (dir.), Bergson et la religion. Nouvelles perspectives sur Les Deux Sources de la morale et de la religion, Paris, Presses universitaires de France, , 466 p..
- Frédéric Worms, « Le clos et l'ouvert dans Les Deux Sources de la morale et de la remigion : une distinction qui change tout », dans Bergson et la religion. Nouvelles perspectives sur Les Deux Sources de la morale et de la religion(dir. Ghislain Waterlot dir.), Paris, Presses universitaires de France, , p. 45-63.
Sur Malègue
[modifier | modifier le code]- Jacques Chevalier, « Mon souvenir de Joseph Malègue », dans Joseph Malègue, Pierres noires : Les Classes moyennes du Salut, Paris, Spes, , p. IX-XXIII.
- Bernard Gendrel, « Augustin ou Le Maître est là chef-d'œuvre du roman de conversion », dans Joseph Malègue, à la (re)découverte d'une œuvre - suivi de Les Ogres ou Les Samsons aveugles (dir. José Fontaine et Bernard Gendrel), Paris, Cerf, , p. 91-101.
- Yvonne Malègue, Joseph Malègue, Tournai, Casterman, .
- Élizabeth Michaël (préf. Jacques Madaule), Joseph Malègue, sa vie, son œuvre, Paris, Spes, , 285 p., In-16 (20 cm) (BNF 32447872).
- Charles Mœller, « Le Roman posthume de Malègue : Pierres noires : Les Classes moyennes du salut », La Revue nouvelle, no 7, , p. 15-27.
- Charles Mœller, Littérature du Vingtième siècle et christianisme, Tournai, Casterman,
- Bruno Curatolo (textes réunis par), Geneviève Mosseray et al., Le chant de Minerve : Les écrivains et leurs lectures philosophiques, Paris, L'Harmattan, coll. « Critiques littéraires », , 204 p., 22 cm (ISBN 978-2-7384-4089-1, BNF 35806250, LCCN 96131828, lire en ligne), « « Au feu de la critique », J. Malègue lecteur de M. Blondel »
- Joseph Malègue, à la (re)découverte d'une œuvre - suivi de Les Ogres ou Les Samsons aveugles (dir. José Fontaine et Bernard Gendrel), Paris, Cerf, , 387 p. (ISBN 978-2-204-15461-1, [4]).
Autres ouvrages
[modifier | modifier le code]- Émile Boutroux, De la contingence des lois de la nature, Paris, (lire en ligne), chap. VII (« L'Homme »).
- William James (trad. Floris Delattre et Maurice Le Breton, préf. Henri Bergson), Extraits de sa correspondance, Paris, , 392 p., lettre de William James à Edwin D. Starbuck du .
- Émile Poulat, L'Université devant la Mystique : expérience du Dieu sans mode, transcendance du Dieu d'amour, Paris, Salvator, , 292 p. (ISBN 2-7067-0219-2).
- Albert Fouillée, L'Avenir de la métaphysique fondée sur l'expérience, Paris, Félix Alcan, , 304 p..
- Agnès Siegfried, L'Abbé Frémont, t. I, Paris, Félix Alcan, .
- William James, Les Variétés de l'expérience religieuse : Essai de psychologie descriptive, Chambéry, Exergue, , p. 368.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- « José Fontaine : blog » (consulté le ).
Pour des articles plus généraux, voir Joseph Malègue et Henri Bergson.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Note
[modifier | modifier le code]Références
[modifier | modifier le code]- Avis de décès de Jean Lebrec
- Chevalier 1958, p. IX-XXIII.
- Lebrec 1969a, p. 51.
- Lebrec 1969a, p. 52.
- Lebrec 1969a, p. 85 et p. 94.
- Définition selon Jean Proulx [1]
- Lebrec 1969a, p. 46.
- Henri Bremond (Jean Duchesne, compilateur), Histoire littéraire du sentiment religieux en France : les mystiques français du Grand Siècle, Paris, Presses de la Renaissance, , 860 p., 24 x 3,8 x 15 cm (ISBN 978-2-7509-0191-2)
- Bergson 2008, p. 260.
- Vieillard-Baron 2016, p. 83-85.
- Lebrec 1969b, p. 53.
- Marceau 1987, p. 77.
- Malègue 1939, p. 21.
- Marceau 1987, p. 14.
- Marceau 1987, p. 14, lettre de Bergson du 9 mai 1908.
- Fouillée 1890.
- Poulat 1999, p. 142.
- Poulat 1999, p. 142-143.
- Siegfried 1932, p. 137.
- Collin 2023, p. 233.
- Collin 2023, p. 227.
- Marceau 1987, p. 44.
- Gendrel 2023, p. titre.
- Chevalier 1959, p. 197-198.
- Michaël 1957, p. 176.
- Malègue 2014, p. 125, cité« Données immédiates ».
- Bergson 2011, p. 9-10.
- Fontaine 2016, p. 88-89, pour l'ensemble de ce passage.
- Malègue 2014, p. 784-785.
- Malègue 2014, p. 796.
- Moeller 1953, p. 284.
- Moeller 1953, p. 283.
- Moeller 1953, p. 283-284.
- Malègue 1966, p. 163 l'édition du Cerf en 2014 omet ces cinq mots.
- Gendrel 2023, p. 11-12.
- (nl) Nederlands « Den dialoog tusschen de twee vrienden zou men hier in extenso moeten kunnen aanhalen, niet alleen om zijn apologetisch belang maar vooral om zijn litteraire waarde : hij behoort inderdaad tot de practhbladzijden der wereldlitteratuur » : Joris Eeckhout, Litteraire profielen, Standaard Boekhandel, Brussel, 1945, p. 80.
- Malègue 2014, p. 806.
- Malègue 2014, p. 233.
- Le Lalande, Paris, PUF, , p. 798. Ravaisson cité p. 283.
- Réginal Garrigou-Lagrange, « L’unique nécessaire », Spiritualité 2000, (lire en ligne, consulté le ).
- Blaise Pascal et Louis Lafuma, Pensées, Seuil, , 434 p. (ISBN 978-2-02-004979-5, lire en ligne)
- Fontaine 2016, p. 102-103.
- Henri Bergson, Sur le pragmatisme de William James, Paris, PUF, , p. 6.
- Fontaine 2016, p. 102-103}.
- Malègue 2014, p. 818.
- Fontaine 2021.
- Guillaume Sibertin-Blanc, « L'art du déséquilibre (actualités bergsoniennes) », Les Études philosophiques, vol. 2, no 73, , p. 261_266, 261
- Causes particulière qui doivent leur vertu « à l’action universelle de la cause première [c’est-à-dire Dieu] en elle ; son effet lui est propre. », voir Thierry-Dominique Humbrecht, Théologie négative et noms divins chez Saint Thomas d’Aquin, Paris, Vrin, , p. 710.
- Malègue 1966, p. p.CCMXLIV.
- Marceau 1987, p. 6.
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- Bergson 2008, p. 256.
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- Sébastien Lapaque, « Joseph Malègue sauvé par le pape François », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le )