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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/275

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les marrons du feu

— Oui, ce matin, il m’a longuement parlé avenir, mariage, cherchant à savoir si je m’éloignerais volontiers d’Écouen, puis brusquement il m’a dit : « Allons à Chauffour… »

— Et il vous a dit qu’il vous aimait ?…

— Lui !!

— Je l’ai entendu.

— Lui ! »

Elle éclata de rire.

« Vous êtes fou, Antoine.

— Non, je suis jaloux…

— De lui ! mon tuteur, presque mon père !

— Jurez-moi que vous ne l’aimez pas !

— Mais si, mon ami, et de tout mon cœur même. Et savez-vous pourquoi je l’aime tant ? C’est qu’il a fait de moi, de l’enfant vouée à l’ignorance et à la misère, une femme digne de vous !… — Et vous l’accusez ? Pauvre père, il se moquerait joliment de vous, s’il vous entendait. »

Ils sont adossés à la passerelle, comme jadis lorsqu’elle prenait sa leçon de lecture, si heureux, si absorbés dans leur bonheur qu’ils ne voient pas le peintre agenouillé sur la berge en train de laver ses pinceaux. Mais il n’a pas perdu une seule de leurs paroles tombant sur sa tête comme une douche glaciale.

Il retourne doucement à son chevalet et demeure là pensif…, regardant alternativement le tableau où Madeleine est appuyée à son bras, et le pont où elle s’appuie au bras de son ami.

« Oh ! jeunesse ! jeunesse ! » soupire-t-il.

 

« Eh bien, bon ami, avez-vous bientôt fini ?

— Tout à l’heure, mignonne, répondit-il, un peu enroué,