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Phonétique d’un parler irlandais de Kerry/2-6

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Deuxième partie. Le système vocalique.
Chapitre VI. — Voyelles mixtes d’arrière


Chapitre VI
Voyelles mixtes d’arrière
ö, ə.

§ 158. Les voyelles mixtes d’arrière (dont on peut rapprocher les in-mixed de Sweet) s’articulent sensiblement plus en avant que les voyelles d’arrière (voir chapitre suivant), mais plus près cependant de celles-ci que des voyelles d’avant, dans une zone (schématiquement) symétrique de la zone où s’articulent les voyelles mixtes d’avant. Cependant, de même que les voyelles d’arrière ont tendance dans le parler à avancer légèrement, les voyelles mixtes d’arrière ont tendance à se rapprocher de la position neutre, tandis que les voyelles mixtes d’avant tendent elles-mêmes vers la zone d’avant.

Les voyelles mixtes d’arrière ne provoquent pas l’apparition des glides vélaires, et provoquent, lorsqu’il y a lieu (c’est-à-dire seulement dans le cas de ə), l’apparition de glides palataux.

§ 159.
ö (écrit oi, ai, o devant h).

ö est une voyelle mixte d’arrière tendue, symétrique de la voyelle mixte d’avant ᴇ̈꞉, mais toujours large et arrondie, quoique souvent imparfaitement (cf. § 164). o se rencontre seulement bref.

ö apparaît entre consonne vélaire et consonne palatale (sauf ʃ ou finales, cf. § 178) ou à l’initiale devant consonne palatale ; aussi devant h faisant partie de la même syllabe : dans ce cas ö est légèrement plus ouvert, et devrait, rigoureusement, être noté ɔ̈.

trödʹ (troid) « lutte » ; köʃɩ (coise), gén. de ko̤s (cos) « pied » (mais ko̤ʃ, dat. du même mot, cf. § 179) : sg̬o̤lʹtʹ (scoilt) « fissure » ; lörʹɩgʹɩmʹ (loirgim) « je cherche » ; löʃg̬ʹɩmʹ (loiscim) « j’allume » ; sg̬ölʹɩ (scoile), gén. de sg̬o̤lʹ (scoil) « école » (cf. § 179).

klöh (cloich), klöhɩ (cloiche), dat. et gén. de klo̤χ, klɔχ (cloch) « pierre » ; köʃgʹɩmʹ (coiscim) « j’empêche » ; köʃg̬ʹɩ (coisce) « suffisance » ; ködʹⁱrʹəv (coidreamh) « commerce, intimité » ; ödʹɩ (oide) « tuteur ».

röh (roth) « roue », gén. rɔhə (rotha), kröh et tröh (cruth, truth) « apparence, fantôme », gén. krɔhə, trɔhə ; pröh « exclamation pour appeler les veaux » ; stöh (stoth) « tignasse », gén. stɔhə (stotha).

§ 160. Devant h il y a flottement entre ö et λ : bröh ou brλh (bruth) « éruption » ; sröh ou srλh (sruth) « courant », gén. srɔhə (srotha) ; kröh ou krλh, etc.

Pour les flottements entre ö et ɛ ou ɪ, cf. §§ 137 et 145.

§ 161.
ə (écrit a, ea, adh, u, o, etc. ; non noté quand d’origine svarabhaktique).

ə représente en réalité toute une série de voyelles mixtes d’arrière, lâches, non arrondies ou faiblement arrondies, variant pour la hauteur et l’ouverture entre la voyelle moyenne et la voyelle basse, ə étant plus bas entre consonnes vélaires, plus haut et avancé après consonne palatale au point de se rapprocher de ɪ (dans ce cas le glide j n’est pas perceptible).

D’autre part ə, particulièrement après r, l, s’assimile au timbre de la voyelle tonique, le ə de dʌrən étant sensiblement plus en arrière que le ə de bɑləv (cf. § 293).

Toute voyelle brève atone tend vers ə, sauf dans les cas où elle tend vers ɩ. C’est donc ə qu’on a en syllabe non accentuée, soit en toutes positions devant consonne vélaire, soit à la finale après consonne vélaire. Il en est du moins ainsi en syllabe post-tonique. En syllabe prétonique, le cas est plus complexe, une voyelle brève pouvant alors conserver son timbre et sa tension propre, dans une mesure variable selon les cas, mais qui dépend principalement du tempo du langage. Il y a donc flottement en syllabe prétonique entre ə et les voyelles tendues de divers timbres.

On peut avoir, après consonne palatale, un glide j (d’ordinaire peu net) là où le caractère de la consonne suivante maintient à ə sa position d’arrière.

§ 162. En syllabe post-tonique :

ɑgəs (agus) « et » ; bᴜɛlʹən (buaileann) « (il) frappe » ; bʷɪnʹən (baineann) « femelle » ; αrəfə (dearbhtha) « certain » ; χəs (dochas) « espoir » ; fʷɪlʹɩkʹəχ ou fʷɪlʹɩkʲəχ (fuiliceach) « endurant » (ə devant χ ayant un timbre se rapprochant de ʌ, q. v.) ; gɑrəv (garbh) « rude, grossier » ; αrəg (fearg) « colère » ; kʷɪnʹəl ou kʷɪnʲəl (coinneal) « bougie » (l vélaire influant sur le timbre de ə) ; mɔlə (moladh) « louer » ; mɔltə (molta) « loué » ; ɛdʲəχəs (oideachas) « éducation » ; pɔbəl (pobal) « communauté religieuse » ; sainʹtʹəχ et sainʹtʲəχ (sainnteach) « avide » ; sg̬ölʹənə (scoileanna), plur. de sg̬o̤lʹ (scoil) « école » ; aᴜmpəl (teampall) « église » ; tʌrəməs (tormas) « bouderie ».

§ 163. En syllabe prétonique :

əgɑm (agam) « à moi » ; ərɑ̃꞉n (arán) « pain » ; bəkaχ (bacach) « boiteux » ; bʲəgɑ̃꞉n (beagán) « un peu » ; bərlaχ (brollach) « sein » ; kəsɑ̃꞉n (casán) « sentier » ; kʲətaχ (ciotach) « gaucher » ; ɑmədɑ̃꞉n (amadán) « idiot » ; dərᴜ꞉ (dorughadh) « hameçon » ; fʹlʲəχɑ̃꞉n ou fʹlʲλχɑ̃꞉n (fliuchán) « pluie » ; mərᴜ꞉ et mɑrᴜ꞉ (marughadh) « tuer » ; pərtɑ̃꞉n (portán) « crabe » ; ʃlʲəgɑ̃꞉n ou ʃlʲïgɑ̃꞉n (sliogán) « coquillage » ; tənɪ꞉ ou tɑnɪ꞉ (tanaidhe) « mince » ; təlᴜ꞉n (talmhan), gén. de tɑləv (talamh) « terre » ; mais on a αrᴜ꞉d (dearmhad) « erreur » ; αnɪ꞉mʹ (ceannuighim) « j’achète » ; sg̬ʹαvʷɪ꞉ᵊl (sceamhuíol) « aboiement » ; plutôt que dʲərᴜ꞉d, etc., sans qu’il soit toujours possible de préciser les raisons pour lesquelles la voyelle originelle se maintient mieux ici que là. Il semble cependant que la voyelle se maintienne mieux entre consonnes palatale et vélaire qu’entre consonnes vélaires : αrtᴜ꞉ (ceartughadh) « corriger », mais gərtᴜ꞉ (gortughadh) « blesser » ; αhᴜ꞉ (beathughadh) « nourrir » ; ləgᴜ꞉ ou lɑgᴜ꞉ (lagudhadh) « affaiblir, atténuer » ; tʹrʹïmᴜ꞉ (triomughadh) « sécher », mais trəmɑ̃꞉n (tromán) « lourd fardeau ».

Cependant, en l’absence de catégories bien tranchées, et en raison des fluctuations individuelles, il ne semble pas qu’il y ait lieu de formuler une règle précise à cet égard.

ə prétonique tend à devenir ultra-bref, puis à se syncoper (cf. IIIe partie, chap. vi).