Vie de Lucius Verus
Texte établi par Désiré Nisard, J. J. Dubochet et compagnie, (p. 373-379).
I.
La plupart de ceux qui ont écrit l’histoire de Marc-Aurèle et de Verus ont, je le sais, présenté aux lecteurs celle de Vérus avant l’autre, se réglant sur la durée de leur vie, et non sur le rang qu’ils occupent comme empereurs. Pour moi, j’ai cru devoir parler d’abord de Marc-Aurèle, par la raison qu’il commença de régner, avant Vérus, et qu’il lui survécut.
L. Céjonius Aelius Commode Vérus Antonin, qui fut appelé Elius par l’ordre d’Adrien, et qui joignit à ce nom ceux de Vérus et d’Antonin, à cause de son alliance avec Antonin, ne fut ni un bon ni un mauvais prince, puisqu’il n’eut ni de grands vices ni d’éclatantes vertus. Il ne régna pas seul, mais sous Marc-Aurèle, qui le fit participer avec lui à la majesté impériale. Ses mœurs dissolues et sa vie licencieuse contrastèrent avec l’austérité de ce prince. Il avait d’ailleurs beaucoup de franchise, et ne savait rien dissimuler de sa conduite.
Son père naturel L. Elius Vérus, adopté par Adrien, fut le premier de sa famille qui porta le titre de César, et il mourut en possession de cette dignité. Vérus comptait, en outre, parmi ses ancêtres plusieurs consulaires. Il naquit à Rome pendant la préture de son père, le dix-huit des calendes de janvier, jour de la naissance de l’empereur Néron. Sa famille, du côté de son père, tirait son origine de l’Etrurie, et du côté de sa mère, de Faventia.
II.
[modifier]Tels étaient ses parents. L’adoption de son père par Adrien le fit entrer aussi dans la maison des Elius, et, à la mort du César son père, il resta dans la famille d’Adrien. Ce prince, qui voulait s’assurer une postérité, fit adopter Vérus par Marc-Aurèle, quand il se donna lui-même pour fils Antonin le Pieux et pour petit-fils Marc-Aurèle, à condition que Vérus épouserait la fille d’Antonin le Pieux. Si dans la suite elle fut donnée à Marc-Aurèle, ce fut, comme nous l’avons dit dans la vie de cet empereur, à cause de la trop grande jeunesse de Vérus. Celui-ci épousa Lucilla, fille de Marc-Aurèle.
Il fut élevé dans le palais de Tibère. Il eut pour maître dans les lettres latines Scaurus, fils de celui qui les avait enseignées à Adrien ; pour le grec, il eut Télèphe, Héphestion, Harpocration ; pour la rhétorique, Apollonius, Céler Caninius, Hérode Atticus, Cornélius Fronton, rhéteur romain ; pour la philosophie, Apollonius et Sextus. Il les aima tous très tendrement, et il en fut aussi très aimé, quoiqu’il eût peu de dispositions pour les lettres. Il se plut dans sa jeunesse à faire des vers, et, plus tard, des discours. Il fut, dit-on, meilleur orateur que poète, ou, pour parler avec plus de vérité, encore plus mauvais poète que mauvais rhéteur. On ajoute qu’il se faisait aider par ses amis, et que rien de ce qu’il a écrit ne lui appartient en propre ; aussi était-il toujours entouré d’écrivains et de savants. Son précepteur fut Nicomède.
Il aimait beaucoup trop le luxe et les plaisirs, et il avait une adresse remarquable à tous les jeux. Il passa, à l’âge de sept ans, dans la famille de Marc-Aurèle, qui le forma par son exemple et par ses conseils. Il avait du goût pour la chasse, pour la lutte, et pour tous les exercices de la jeunesse. Il vécut vingt-trois années en simple particulier, dans le palais impérial.
III.
[modifier]Le jour où Vérus prit la toge virile, Antonin le Pieux dédia le temple d’Adrien, et fit, à cette occasion, des largesses au peuple. Aux jeux qu’il donna en qualité de questeur, il s’assit entre ce prince et Marc-Aurèle. Aussitôt après sa questure, il fut fait consul avec Sextilius Latéranus. Quelques années après, il le fut de nouveau avec son frère Marc-Aurèle. Il vécut longtemps en simple particulier, et sans jouir des honneurs que l’on rendait à ce dernier ; car il ne prit point place dans le sénat avant sa questure. En voyage, il ne se plaçait pas non plus à côté de son père, mais avec le préfet du prétoire, et on ne lui accordait d’autre titre que celui de fils d’Auguste.
Il était fort assidu aux jeux du cirque et aux combats de gladiateurs. Son goût effréné pour le luxe et les plaisirs fut cause, autant qu’on peut le conjecturer, qu’Antonin le Philosophe lui resta plus attaché par devoir que par inclination ; et il parait ne lui avoir conservé son titre que parce que Adrien l’avait fait adopter à Antonin le Pieux, pour l’appeler son petit-fils. Antonin, qui aimait surtout la candeur et la simplicité, ne cessait d’exhorter Vérus à imiter son frère.
Après la mort d’Antonin le Pieux, Marc-Aurèle combla Vérus de distinctions, l’admit au partage du pouvoir suprême, et le fit son collègue, quoique le sénat n’eût déféré l’empire qu’à lui seul.
IV.
[modifier]Non content de l’avoir élevé au trône, de lui avoir conféré la puissance tribunitienne et l’honneur du proconsulat, il lui donna encore son nom de Vérus, à la place de celui de Commode, qu’il avait porté jusque-là. Vérus se montra, il est vrai, reconnaissant des bienfaits de Marc-Aurèle, et lui fut soumis comme un lieutenant l’est à un proconsul, ou un gouverneur de province à l’empereur. C’était, en effet, Marc-Aurèle qui parlait pour tous deux aux soldats ; et Vérus ne faisait rien que d’après les principes et de l’aveu de Marc-Aurèle.
Mais dès qu’il fut parti en Syrie, il se déshonora par la licence de sa vie, par des adultères, par des amours honteux. Ses mœurs étaient, dit-on, si dissolues, qu’à son retour il établit dans sa maison une taverne, où il se rendait après avoir quitté la table de Marc-Aurèle, et il s’y faisait servir par tout ce qu’il y avait de plus infâme à Rome. On rapporte aussi qu’il passait des nuits entières au jeu ; passion qu’il avait contractée en Syrie. Emule des Caligula, des Néron, des Vitellius, il courait, pendant la nuit, les cabarets et les lieux de débauche, la tête enveloppée d’un mauvais capuchon de voyageur ; il se mêlait, ainsi déguisé, parmi les tapageurs, engageait des rixes, et revenait souvent le visage et le corps tout meurtris. Il était bien connu dans les tavernes, malgré ses déguisements. Il s’y amusait aussi à jeter de grosses pièces de monnaie contre les vases, pour les briser. Il aimait les cochers du cirque, et favorisait la faction prasine. Il donnait souvent des combats de gladiateurs pendant ses festins, qu’il prolongeait toute la nuit ; il s’endormait parfois à table, et on le portait alors sur des couvertures dans sa chambre à coucher. Il donnait fort peu de temps au sommeil, et il digérait très vite. Marc-Aurèle feignit d’ignorer cette conduite, et ne lui fit point de reproches, ayant honte d’en adresser à son frère.
V.
[modifier]Plusieurs historiens ont parlé d’un repas qu’il donna, et où se trouvèrent, dit-on, réunis pour la première fois douze personnes, malgré ce mot si connu sur le nombre des convives : « Sept font un festin, et neuf une cohue. » A chacun d’eux il donna de beaux esclaves qui servaient d’échansons ; il donna des maîtres d’hôtel et des plats de sa table ; il donna des animaux vivants, des oiseaux et des quadrupèdes apprivoisés ou sauvages, et de la même espèce que ceux dont on avait servi les viandes ; il donna toutes les coupes où chacun avait bu, et l’on ne buvait jamais deux fois dans la même (coupes murrhines ou de cristal d’Alexandrie ; coupes d’or ou d’argent, garnies de pierres précieuses) ; il donna des couronnes ornées de lames d’or et des fleurs les plus rares ; il donna des vases d’or pleins d’essences, et pareils à ceux qu’on fait en albâtre ; enfin chacun reçut encore, pour s’en retourner, une voiture avec des muletiers et des mules chargées de harnais d’argent. Toutes les dépenses de ce festin furent évaluées, dit-on, à six millions de sesterces. Marc-Aurèle, quand il en fut informé, gémit profondément sur le sort de la république. Le repas fini, on joua aux dés jusqu’au jour. Ceci se passa après la guerre des Parthes, où l’on dit que Marc-Aurèle avait envoyé Vérus, dans la vue d’épargner à Rome le spectacle de ses désordres, ou dans l’espérance que les épreuves de la guerre changeraient ses mœurs, et le feraient souvenir qu’il était empereur. Mais le repas dont nous venons de parler, et toute sa conduite, montrèrent à quel point il s’était corrigé.
Son fils Antonin Vérus est celui qu’adopta Marc-Aurèle, et qui partagea le soin de l’empire avec ce prince. Ce sont eux qui, les premiers, furent appelés les deux Augustes ; et les fastes consulaires ne les nomment pas seulement les deux Antonins, mais aussi les deux Augustes. L’importance et la nouveauté de cet événement ont paru si mémorables, que, dans quelques fastes consulaires, on a fait de cette époque une ère pour établir l’ordre des consuls.
VI.
[modifier]Il s’occupait tellement des jeux du cirque, qu’il était, à cette occasion, en continuelle correspondance avec les provinces de l’empire. Etant un jour assis, pour un de ces spectacles, à côté de Marc-Aurèle, il fut, à plusieurs reprises, injurié par la faction des Vénètes, parce qu’il favorisait indécemment leurs rivaux. Il portait, en effet, sur lui l’image en or d’un cheval de la faction prasine, nommé l’Oiseau. Il lui faisait donner, au lieu d’orge, des raisins secs et des dattes, et il se le faisait amener dans le palais de Tibère, couvert de housses teintes en pourpre. Quand ce cheval fut mort, il lui érigea un tombeau sur le Vatican. C’est pour les victoires de ce coursier célèbre que l’on commença à solliciter des chevaux d’or et d’autres récompenses ; et cet animal était, en effet, si estimé, qu’on vit souvent la faction prasine demander pour lui un boisseau de pièces d’or.
Quand Vérus partit pour faire la guerre aux Parthes, Marc-Aurèle l’accompagna jusqu’à Capoue. Comme il continua ses excès dans tous les lieux où il s’arrêta, il tomba malade à Canusium, et son frère se rendit auprès de lui. La guerre même n’apporta aucun changement à sa vie honteuse et efféminée. Tandis que les Syriens, après avoir tué le lieutenant de l’empereur et massacré ses légions, cherchaient à étendre la révolte et dévastaient l’Orient, il chassait dans Apulée, il naviguait près de Corinthe et d’Athènes, au milieu des symphonies et des concerts ; et il s’arrêtait, pour s’y livrer aux plaisirs, dans les villes maritimes les plus célèbres de l’Asie, de la Pamphylie et de la Cilicie.
VII.
[modifier]Arrivé à Antioche, il continua cette vie déréglée ; et ses généraux Statius Priscus, Avidius Cassius et Martius Vérus, achevèrent en quatre ans la guerre des Parthes, poussèrent jusqu’à Babylone et jusqu’en Médie, reprirent l’Arménie, et méritèrent à Vérus, ainsi qu’à Marc-Aurèle, qui était à Rome, les noms d’Arménique, de Parthique et de Médique. Pendant ces quatre ans Vérus passa l’hiver à Laodicée, l’été à Daphné, et le reste de l’année à Antioche. Il fut la risée de tous les Syriens, dont on a conservé une foule de plaisanteries faites contre lui sur leurs théâtres. Il admit toujours des esclaves à sa table, pendant les Saturnales et les autres fêtes. Cédant aux sollicitations de ses amis, il partit une seconde fois pour l’Euphrate. Il revint aussi à Ephèse, pour épouser Lucilla, que lui envoyait Marc-Aurèle son père, mais surtout pour empêcher que celui-ci ne vînt avec elle jusqu’en Syrie, et n’y apprît sa mauvaise conduite ; car Marc-Aurèle avait dit au sénat qu’il conduirait sa fille jusque-là. La guerre terminée, Vérus donna le gouvernement des royaumes à des rois, et celui des provinces à des personnes de sa suite. Il revint à Rome pour célébrer son triomphe, mais à regret, comme si, en quittant la Syrie, il abandonnait son propre royaume. Il triompha avec Marc-Aurèle, et reçut du sénat les noms que lui avait donnés l’armée.
VIII.
[modifier]Il se fit, dit-on, couper la barbe en Syrie, pour complaire à une courtisane ; ce qui excita la verve satirique des Syriens. La destinée voulut qu’à son retour il portât la peste dans les provinces où il passa, jusqu’à Rome. On croit que ce fléau avait pris naissance dans la Babylonie, un soldat ayant ouvert dans le temple d’Apollon un coffret d’or, d’où s’échappa un air pestilentiel qui envahit le pays des Parthes et l’empire romain. Et ce n’est pas Vérus qu’il en faut accuser, mais Cassius, qui osa, violant ses engagements, traiter en ennemie la ville de Séleucie, où nos soldats avaient été reçus comme amis. Quadratus, qui a écrit la guerre des Parthes, justifie même celui-ci de cette imputation, et accuse les habitants de cette ville d’avoir manqué les premiers à la foi promise.
Vérus porta le respect pour Marc-Aurèle jusqu’à vouloir partager avec lui, le jour où ils triomphèrent ensemble, les noms qu’on lui avait donnés. Depuis son expédition contre les Parthes, il lui témoigna moins d’égards ; en effet, il favorisa impudemment des affranchis, et il fit beaucoup de choses sans l’agrément de son frère. On le vit en outre amener des histrions de la Syrie, avec, autant d’ostentation que s’il eût traîné des rois à sa suite pour rehausser son triomphe. A leur tête était un certain Maximin, auquel il donna le nom de Pâris Il fit construire sur la Voie Clodienne une magnifique maison de campagne, et il y passa plusieurs jours dans les excès les plus monstrueux, avec ses affranchis et des amis semblables à lui ; compagnie devant laquelle disparaissait toute pudeur. Il y invita Marc-Aurèle, qui s’y rendit pour lui donner l’exemple de l’incorruptible pureté de ses mœurs. Ce prince resta cinq jours dans cette maison, entièrement occupé du soin des affaires, tandis que Vérus ne songeait qu’à faire bonne chère, et en épuisait tous les moyens. Ce dernier avait, entre autres comédiens, un certain Agrippus, qui portait le surnom de Memphis, et qu’il avait amené de Syrie, comme un trophée des Parthes. Il le nomma Apolaustus, ou ministre de ses plaisirs. Il avait encore avec lui des joueurs de harpe et de flûte, des histrions, des bouffons, des acteurs mimiques, des joueurs de gobelets, enfin tous ces bateleurs qui font les délices des Syriens et des Alexandrins ; en sorte que c’était moins des Parthes que des histrions qu’il semblait avoir triomphé.
IX.
[modifier]Sans l’affirmer ouvertement, l’on disait tout bas que ces différences dans leur conduite avaient fait naître entre eux des inimitiés. On remarqua surtout que Marc-Aurèle envoya en Syrie, en qualité de lieutenant, un certain Libon, son cousin, lequel se conduisit avec plus de hardiesse qu’il ne convenait à un sénateur, disant qu’il écrirait à cet empereur dans tous les cas douteux : or, cet envoyé, dont la présence était insupportable à Vérus, tomba tout à coup malade, et mourut avec des marques de poison. Sa mort fut attribuée, non par Marc-Aurèle, mais par quelques personnes, à la perfidie de Vérus, et cette circonstance augmenta le bruit qui s’était répandu de la désunion des deux frères.
Les affranchis Géminas et.Agaclyte eurent, ainsi que nous l’avons dit dans la vie d’Antonin le Philosophe, une grande influence sur l’esprit de Vérus. Il fit même épouser au dernier la femme de Libon, contre la volonté de Marc-Aurèle, qui assista pourtant à ces noces, célébrées par son frère. Ce prince favorisa encore quelques affranchis de mauvaises mœurs, tels que Codes, Eclectus, et d’autres. L’empereur, à la mort de Vérus, les éloigna tous avec des titres honorifiques, excepté Eclectus, qui fut dans la suite le meurtrier de Commode.
Marc-Aurèle ne voulant ni envoyer Vérus seul contre les Germains, ni le laisser à Rome, à cause de ses débauches, ils partirent ensemble pour cette guerre, et se rendirent à Aquilée. On traversa les Alpes, au grand regret de Vérus, qui avait passé son temps à Aquilée en promenades et en festins, tandis que MarcAurèle pourvoyait à tout. Nous avons suffisamment parlé, dans la vie de ce prince, et des ambassades envoyées par les barbares pour demander la paix, et de la conduite de nos généraux. La guerre une fois terminée en Pannonie, Vérus sollicita la faveur de retourner à Aquilée, dont il regrettait les plaisirs, et il en prit le chemin. Mais, à peu de distance d’Altinum, il fut subitement frappé d’apoplexie dans sa voiture. On l’en fit descendre, et, après lui avoir tiré du sang, on le conduisit à Altinum, où il mourut au bout de trois jours, sans avoir recouvré la parole.
X.
[modifier]On a dit qu’il avait vécu dans un commerce incestueux avec sa belle-mère Faustine, et que celle-ci le fit mourir avec des huîtres empoisonnées, pour se venger de ce qu’il avait révélé ce secret à sa fille. Des soupçons atteignirent aussi Marc-Aurèle, ainsi que nous l’avons vu dans sa vie ; mais le caractère d’un tel homme le justifie assez. D’ailleurs la plupart des témoignages attribuent ce crime à Faustine, jalouse, autant que la femme de Vérus, de l’ascendant que Fabia exerçait sur ce prince. L’intimité entre Vérus et sa sœur Fabia était en effet si grande, que le bruit courut qu’ils avaient formé le projet de tuer Marc-Aurèle, et que l’affranchi Agaclyte l’ayant dénoncé a cet empereur, Faustine en avait prévenu l’exécution par la mort de Vérus.
Ce prince était bien fait et beau de visage. Sa barbe, qu’il laissait tomber à la façon des barbares, avait quelque chose d’imposant ; et ses sourcils, qui se joignaient sur son front, lui donnaient un air vénérable. Il avait, dit-on, un tel soin de ses cheveux blonds, qu’il les couvrait de poudre d’or, pour les rendre plus brillants. Il s’exprimait avec difficulté ; il aimait le jeu avec passion. Il se livra toute sa vie à la débauche, et ressembla en plusieurs choses à Néron ; il faut toutefois en excepter la cruauté et le goût de la moquerie. Entre autres objets de luxe, il avait une coupe de cristal d’une grandeur immense, qu’il appelait l’Oiseau, du nom de son cheval favori.
XI.
[modifier]Il vécut quarante-deux ans, et en régna onze avec son frère. On déposa son corps dans le sépulcre d’Adrien, où était aussi celui d’Elius César, son père selon la nature. D’après une fable assez connue, mais incompatible avec la vie de Marc-Aurèle, ce prince aurait coupé, avec un couteau frotté de poison sur un côté, une tétine de truie, dont il aurait présenté à son frère la partie empoisonnée. C’est un sacrilège que de lui attribuer ce crime, quoique le caractère et la conduite de Vérus l’eussent justifié. Nous ne mettons pas même en doute ce récit ; nous le rejetons comme entièrement faux, puisque, à l’exception de votre clémence, illustre Dioclétien, il n’y a pas eu, depuis Marc-Aurèle, un empereur que l’adulation ait osé lui comparer.