Papers by Sara Fadabini
Depuis le commencement de l'âge industriel, est apparue une disproportion inédite entre notre... more Depuis le commencement de l'âge industriel, est apparue une disproportion inédite entre notre capital technique, ayant tendance à s'accroître de manière illimitée, et notre sens moral, voué au dépérissement. Le sujet des technocraties vit ainsi dans l'irresponsabilité. Comment peut-il sortir de l'apathie face aux effets du progrès ? La réponse de Günther Anders surprend : en faisant appel non au bon sens, mais à la fantaisie, non à la raison, mais à l'imagination.
Günther Anders et l'imagination morale , 2020
Depuis le commencement de l’âge industriel, est apparue une disproportion inédite entre notre cap... more Depuis le commencement de l’âge industriel, est apparue une disproportion inédite entre notre capital technique, ayant tendance à s'accroître de manière illimitée, et notre sens moral, voué au dépérissement. Le sujet des technocraties vit ainsi dans l’irresponsabilité. Comment peut-il sortir de l’apathie face aux effets du progrès ? La réponse de Günther Anders surprend : en faisant appel non au bon sens, mais à la fantaisie, non à la raison, mais à l’imagination.
Pourquoi écrit-on ? Pour qui ? Comment ? Je me propose ici de présenter le travail de l'écriture ... more Pourquoi écrit-on ? Pour qui ? Comment ? Je me propose ici de présenter le travail de l'écriture accompli par un romancier, Proust, qui se sert des mots pour, à la fois, élaborer son passé et en faire ressortir l'essence : double enjeu susceptible de mettre en question le statut littéraire dudit travail, en le rapprochant de la perlaboration, qui relève de la psychanalyse, et de la recherche de la vérité, qui relève de la philosophie. Je travaillerais auprès d'elle, et presque comme elle (du moins comme elle faisait autrefois : si vieille maintenant, elle n'y voyait plus goutte) Proust, Le Temps retrouvé 1. Barthes, Roland, Le degré zéro de l'
For Proust, sleep is a door to knowledge. Not that it sharpens the sleeper's reason; on the contr... more For Proust, sleep is a door to knowledge. Not that it sharpens the sleeper's reason; on the contrary, it neutralizes it. But it is exactly because he is deprived of his reason (a tricky faculty that confers a false concreteness on things) that the truth becomes visible. Hence, in A la recherche du temps perdu, truth and sleep have a privileged relation. It happens that dreams are as transparent as rational knowledge. Must we assume-the narrator wonders-that rational knowledge is the dream, i.e. an illusion, a chimera ? "J' etais effray e pourtant de penser que ce rêve avait eu la nettet e de la connaissance. La connaissance aurait-elle, r eciproquement, l'irr ealit e du rêve ?" (RTP, III, 375) ("I was horrified, however, to think that this dream had had the clarity of knowledge. Would knowledge then have the irreality of a dream ?" (my translation)). In this article, I propose to use this question to interrogate, on the one hand, the landscape that sleep opens up, and, on the other, the fatal effects of awakening, which, in the overturned world created by Proust, can be considered a farewell to truth. J'entrais dans le sommeil, lequel est comme un second appartement que nous aurions et o u, d elaissant le nôtre, nous serions all es dormir.
La perception des événements collectifs souffre souvent d'une absence de clarté en raison, notamm... more La perception des événements collectifs souffre souvent d'une absence de clarté en raison, notamment, du langage de la presse : au lieu de renseigner les lecteurs, cette dernière leur présente des images faussées de la réalité, susceptibles de les jeter dans un état d'aliénation. Cet état ne soulève pas seulement un problème existentiel, mais également littéraire : comment l'écrivain peut-il raconter des évènements qu'il n'a pas directement vécus ? Nous allons développer cette question avec Proust qui, plutôt que d'introduire la Grande Guerre dans son roman, décrit le voile qui la recouvre pour ceux qui sont restés à l'arrière. Dans son livre Proust et la guerre, Brigitte Mahuzier rappelle que, dans la Recherche, les cartes du temps sont brouillées: non seulement le temps du récit est traversé par des anachronies et des effets de rythme, mais, de plus, entre le temps vécu par le narrateur, « diégétique », et le temps vécu par Proust, « extradiégétique », il subsiste un écart qui nous dissuade de les superposer. Cet écart semble néanmoins s'effacer dans la première partie du Temps retrouvé, où il est question de la Grande Guerre: « S'il est vrai que la Recherche a été en grande partie écrite, ou plus précisément réécrite pendant la guerre de 1914-1918, seul l'épisode de la guerre, qui ne comprend qu'un quinzième (environ) de l'oeuvre totale, est historiquement situé 1. » En rayonnant dans la grisaille temporelle de la Recherche comme le seul épisode historiquement situé, la guerre semble la faire basculer du genre de l'auto-fiction vers celui du témoignage. Mais en va-t-il vraiment ainsi? Tout en soutenant que 1 Mahuzier B., Proust et la guerre, p. 87.
Qu'y at -il dans le vide qui leur puisse faire peur ? Qu'y at -il de plus bas et de plus ridicule... more Qu'y at -il dans le vide qui leur puisse faire peur ? Qu'y at -il de plus bas et de plus ridicule 1 ? Les personnages d'À la recherche du temps perdu souffrent de logorrhée, soit qu'ils passent leur temps dans des salons, soit que, seuls, ils arrangent leur for intérieur à l'instar d'un « salon mental » (RTP, I, 569). Mais parlent-ils vraiment ? Au premier abord la réponse est négative : « nous pouvons causer pendant toute une vie sans rien dire que répéter indéfiniment le vide d'une minute » (RTP, II, 260), assure le narrateur en s'en prenant à l'amitié. Tout se passe comme si, de son point de vue, la parole était traversée par un vide handicapant, la rendant incapable de remplir les fonctions de communication, d'expression et de transmission que nous avons tendance à lui attribuer. Mon enjeu sera, d'une part, de reconstituer le tribunal devant lequel Proust porte la parole, et, d'autre part, de vérifier si le vide qui la creuse ne présente pas un aspect positif, qui profiterait à son déploiement. I. Parole, discours Avant d'aborder le problème du vide, il est opportun de retracer l'image de la parole produite par À la recherche du temps perdu. Elle consiste dans l'acte de vocalisation des signes verbaux accomplis par des corps assujettis au travail du temps : les mots. Mots et corps étant inséparables, les changements qui affectent ces derniers ne sont pas sans altérer la texture des premiers, dont ils rendent caduc le sens (RTP, I, 601-602). Par ailleurs, en dépit des situations critiques faisant éclater le langage en morceaux (le réveil, les épiphanies de la mémoire, la rencontre avec les signes de l'art), les mots, chez Proust, n'existent pas sous la forme d'électrons libres, mais s'organisent tout d'abord en phrases, puis en discours, susceptibles d'être organisés en trois catégories : le discours mondain, le discours amoureux et le discours intérieur. Or, s'il est aisé de reconnaître la présence de ces trois discours dans la Recherche, il ne l'est pas de définir le critère à la base de cette tripartition. Sans doute, il ne dépend pas du sujet traité, en l'occurrence les réceptions dans le discours mondain, la passion dans le discours amoureux, les péripéties de l'âme dans le discours intérieur. En effet, les Guermantes et leur coterie, les Verdurin et leur petit clan, discutent souvent de thèmes « élevés », comme l'art ou la politique, mais leurs conversations restent du bavardage. De manière analogue, les amoureux n'expriment jamais ce qu'ils éprouvent, et cependant leurs paroles sont affectées par la passion. De même arrive-t-il aux rêveurs d'avoir des échanges virgiliens avec telle ou telle ombre : ceux-ci restent, malgré tout, des soliloques, analogues aux flux de conscience qui surprennent le narrateur quand la reviviscence des affects éteints s'accompagne de l'apparition de mots, pinceaux des souvenirs : Et longtemps après mon rêve fini, je restais tourmenté de ce baiser qu'Albertine m'avait dit avoir donné en des paroles que je croyais entendre encore. Et en effet elles avaient dû passer bien près de mes oreilles puisque c'était moi-même qui les avais prononcées. (RTP, IV, 121)
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