Papers by LEILA CHEVALLEY

Viatica - "Les compilations et recueils géographiques de la Renaissance aux Lumières : Usages, traductions, circulations" (Sous la direction de Oury Goldman, Fiona Lejosne et Maxime Martignon), 2025
Le Voyage de Hollande en forme de lettres de Sade, qui parcourt les Pays-Bas autrichiens et la Ho... more Le Voyage de Hollande en forme de lettres de Sade, qui parcourt les Pays-Bas autrichiens et la Hollande du 19 septembre au 23 octobre 1769, ne sera publié qu’en 1973. Le texte retient peu l’attention : fade, conventionnel, il continue de se tenir à l’ombre des récits de voyage qui, au xviiie siècle, scrutent la République des Provinces-Unies au miroir des idéaux des Lumières. Cet écrit de jeunesse montre pourtant comment l’écriture, chez Sade, qui laisse frémir ici ou là le désappointement de l’aristocrate libertin en immersion écourtée au cœur d’un nouveau modèle, cherche sa singularité dans le cadre social d’un genre codifié, suspendue entre le sérieux d’un projet susceptible de faire advenir la figure amicale du guide itinérant, et une sensibilité a priori imperméable à la géographie hollandaise.

Agenda de la pensée contemporaine , 2010
Sa vie comme son œuvre font de Sade un monstre – du latin monstrum, ce qui sort de l’ordre nature... more Sa vie comme son œuvre font de Sade un monstre – du latin monstrum, ce qui sort de l’ordre naturel. L’une ou l’autre aurait d’ailleurs suffi à faire du marquis, que l’on a dit «divin» (faut-il rappeler que le monstrum désigne aussi les manifestations surnaturelles ?), ce débauché monstrueux dont l’image a hanté les imaginations dès avant sa mort. Rien ne semblait pourtant prédestiner le jeune Donatien Alphonse François de Sade à faire une telle carrière tant il paraît ingénu et doux, peut-être un peu boudeur, sur le portrait que fit de lui Carle Van Loo dans les années 1760, à l’opposé de celui que dressa Man Ray deux siècles plus tard, où l’on voit un Sade vieillissant, terrible et gras, sur fond d’incendie. Mais il est vrai que le portrait de Man Ray était imaginaire et celui de Van Loo dessiné sur le vif. On peut y voir un symbole : celui du passage de l’individu Sade au mythe de Sade. C’est ce mythe que Leila Sayeg-Chevalley étudie en en montrant les constances et les évolutions. Elle présente ainsi les grandes lignes de l’histoire de la réception critique de l’œuvre sadienne, de sa publication à nos jours.

https://www.fabula.org/actualites/124420/sade-et-les-extremes-lumieres-colloque-international-sorbonne-nouvelle.html
Le rapport de Sade aux Lumières a souvent été interrogé, et ce au regard d’une question récurrent... more Le rapport de Sade aux Lumières a souvent été interrogé, et ce au regard d’une question récurrente : que ce soit à travers la reprise d’arguments ou des collages approximatifs des textes d’autrui dans ses propres œuvres, l’auteur de Justine reste-t-il fidèle à l’héritage des Lumières lorsqu’il les mène à des conclusions qu’elles n’avaient pas forcément pensées ou souhaitées – mais vers lesquelles elles se dirigeaient malgré tout, malgré elles ? Les instrumentalise-t-il, au contraire, pour justifier des désirs ou des pratiques criminelles ? Les paramètres récurrents de la perversion et de la radicalisation suffisent-ils, du reste, à rendre compte de la "façon de penser" de Sade (dont il se montre régulièrement orgueilleux) et d’un corpus par ailleurs polymorphe ?
Pour certains, Sade reste un écrivain par excellence du XVIIIe siècle et des Lumières, en ce qu’il aurait su identifier les dérives possibles d’une modernité façonnée par ses prédécesseurs. D’autres continuent, à l’inverse, d’interroger jusqu’à son appartenance au siècle des Lumières, à un moment où l’écrivain semble avoir pourtant pleinement recouvré son ancrage contextuel, après avoir été si longuement déraciné de son terreau intellectuel.
Dès lors, l’opposition, à la fois pratique et discutée, entre Lumières radicales et Lumières modérées, permet-elle de ranger Sade à un point extrême des Lumières ? Au-delà de cette opposition, ne doit-on pas plutôt faire sortir Sade de la constellation des Lumières et le traiter comme un cas d’une singularité sans équivalent – et sans « précédent » –, sans pour autant prendre le risque de renouer avec certaines approches iconiques qui ont pu ériger Sade en concept ou en « trou noir » ahistorique de la pensée, au point d’en obscurcir la lecture même ?
Le colloque « Sade et les extrêmes Lumières » explorera essentiellement deux pistes :
1) celle de la nature du rapport de Sade aux Lumières, qu’on peut reconstruire à partir de son œuvre propre, des discours qu’il prête à ses personnages de fiction, des hommages fervents ou ambigus qu’il rend dans sa correspondance ou dans ses textes d’idées à des figures prestigieuses de la philosophie du siècle qui se termine au moment où il écrit ses textes les plus célèbres ;
2) celle d’une observation, chez les écrivains les plus excentriques, marginaux, extrêmes des XVIIe et XVIIIe siècles, d’éléments d’écriture ou de pensée suffisamment insolites pour sembler préfigurer Sade sur un point ou sur un autre. Que l'on songe ainsi à Meslier, à Dulaurens, à La Mettrie, ou encore à Chassaignon, mais aussi à des auteurs plus canoniques s’aventurant dans des territoires déconcertants, comme le Voltaire du Sermon des cinquante ou le Diderot du Neveu de Rameau.
Les spécialistes de Sade, comme ceux d’écrivains antérieurs ou contemporains, pourront ainsi dialoguer autour d’une question centrale : celle de la possibilité ou non de situer Sade dans une espèce de « tradition » d’excentricité ou d’extrémisme de l’écriture et de la pensée.

Lumières , 2024
La geste sororale sadienne relève du laboratoire expérimental : les deux sœurs, Justine et Juliet... more La geste sororale sadienne relève du laboratoire expérimental : les deux sœurs, Justine et Juliette, sont lancées dans le roman comme la nature lance ses créatures dans le monde, libres de devenir ce qu’elles veulent. L’errance de Justine, (r)attachée à sa féminité comme à une entrave, errance ordinairement perçue comme un piétinement stérile, est entendue comme le lieu d’une taxinomie des passions dont le personnage est la première victime, quand Juliette fait le choix de la prostitution pour inventer une nouvelle femme. Or la mise en liberté romanesque de la femme pose, avec Justine également, la question de l’aventure du féminin. Justine erre en effet à travers la cacophonie des discours du siècle sur le féminin et son aventure consiste peut-être moins à pousser les murs pour fouiller une voie qu’à enfermer ces discours dans une voix singulière, seule à même de les rendre mobiles.
The Sadean sororal saga belongs to the experimental laboratory : the two sisters, Justine and Juliette, are launched into the novel much like nature launches its creatures into the world, free to become what they want. Justine’s wandering, (r)attached to her femininity as a hindrance, and a wandering ordinarily perceived as sterile stagnation, is understood as the site of a taxonomy of passions of which the character is the first victim, while Juliette chooses the margins and prostitution to invent a new woman. However, the fictional liberation of women also raises, with Justine, the question of the adventure of femininity. Justine indeed wanders through the cacophony of the century’s discourses on femininity, and her adventure may consist less of breaking down walls to explore a path than of confining these discourses within a singular voice, the only one capable of making them mobile.

Dix-huitième siècle, Apr 25, 2024
Au poème La Vérité, qui permet de tracer le moment d’une bascule dans la philosophie matérialiste... more Au poème La Vérité, qui permet de tracer le moment d’une bascule dans la philosophie matérialiste sadienne, répondent trois poèmes publiés par Jean Chaumely en 2000 sous le titre Écrits de la Bastille. Trois poèmes inédits et quelques contes ou historiettes, parmi lesquels le poème La Mère, qui forme avec le premier un diptyque fondateur. Cet article, qui propose l’analyse d’un texte rarement abordé, cherche à lui redonner une place centrale dans la compréhension d’un topos structurel du monde sadien : l’inceste mère-fils (désirer la mère, la tuer). Souvent perçu comme un tabou sadien, l’inceste mère-fils sous-tend peut-être une écriture marquée par la lutte intestine entre deux lois, celle du Père et celle de la Mère, que le poème confond soudain avec le Phallus (la Loi). En perturbant profondément le visage de la maternité, La Mère en appelle à d’autres modèles féminins, réinventant les contours d’une nouvelle filiation (esthétique, éthique).
Published by Jean Chaumely in 2000 under the title Écrits de la Bastille, three of Sade’s poems are a counterpart to his other poem La Vérité, the latter marking a turning point in Sade's materialist philosophy. This collection of three previously unpublished poems, to which are added tales and short stories, forms a founding dyptic with La Vérité. This article analyses this rarely discussed text and aims at giving it a central place in our understanding of the mother-son incest topos (desiring the mother and killing her), which is structurally important to Sade's world. Often perceived as a sadistic taboo, the mother-son incest is probably prevalent in view of the internecine tug-of-war between two laws, that of the Father and that of the Mother, which is present throughout his writings and which the poem suddenly conflates with the Phallus (the Law). By profoundly disrupting the face of motherhood, La Mère paves the way for new female models, reinventing the contours of a new filiation (aesthetic and ethical).
Tres poemas, entre ellos La Mère, publicados por Jean Chaumely en 2000, bajo el título Écrits de la Bastille. Trois poèmes inédits et quelques contes ou historiettes están en consonancia con el poema La Vérité que permite marcar el punto de inflexión en la filosofía materialista de Sade, formando con el primero, un díptico fundacional. Este artículo cuyo propósito es el análisis de un texto a penas estudiado, pretende volver a situarlo en el eje central para comprender un topos estructural del mundo de Sade: el incesto madre-hijo (desear a la madre, matarla). A menudo percibido como un tabú característico de Sade, el incesto maternofilial puede ser la base de un estilo de escritura marcado por la lucha interna entre dos leyes, la del Padre y la de la Madre, que el poema confunde inesperadamente con el Falo (la Ley). Al turbar profundamente el cariz de la maternidad, La Mère invoca a otros modelos femeninos, reinventando los rasgos de una nueva filiación (estética, ética).
Textuel, 2012
"[...] [L]a lecture carnavalesque des romans de Sade par L. Sayeg-Chevalley (« Bakhtine avec Sade... more "[...] [L]a lecture carnavalesque des romans de Sade par L. Sayeg-Chevalley (« Bakhtine avec Sade : pour une lecture carnavalesque du roman sadien », p. 157-170) [...] propose plusieurs esquisses pour une lecture carnavalesque de Sade, qui semble renouveler fortement les perspectives sur cet auteur. L'esquisse 1 porte sur les liens de Sade à la
« culture populaire » (le carnaval, Rabelais) ; l'esquisse 2, sur la représentation du « corps grotesque » chez Sade ; l'esquisse 3, sur le thème du monde à l'envers, qui est aussi chez Sade un « en-vers » du monde, un éloignement radical du monde into-éthique." (Sylvie Patron)

Lumières, 2023
Les premiers modèles de cires anatomiques en grandeur naturelle, aux cheveux réels, aux sourcils,... more Les premiers modèles de cires anatomiques en grandeur naturelle, aux cheveux réels, aux sourcils, aux cils et au pubis composés de poils humains, aux yeux en verre soufflé, ont commencé à être créés au début du XVIIIe siècle. Sade n’échappe pas à l’attrait de ces cires moulées sur des cadavres, dont le réalisme trouble autant Diderot que Grimm. Cet article, qui rappelle succinctement l’histoire des Vénus anatomiques et le contexte de leur création, montre comment le regard que porte Sade à l’art de la céroplastie anatomo-médicale, et en premier chef à l’art de Zumbo, éclaire le travail de recomposition des corps féminins dans le corpus pornographique. L’ « artiste-philosophe », qui entre en concurrence avec la nature, revisite l’anatomie dans la forge de son imagination, pour inventer sur le vif un corps monstrueux, rendu à une beauté qu’interdisaient les organes du féminin.
Sade and the anatomical venuses
The first life-size anatomical wax models, with real hair, eyebrows, eyelashes and pubis composed of human hair, with blown glass eyes, began to be created at the beginning of the 18th century. Sade has been affected by the attraction of these waxes molded on corpses, whose realism troubles Diderot as much as Grimm. This article, which succinctly recalls the history of the anatomical Venuses and the context of their creation, shows how Sade’s view of the art of anatomical ceroplasty, and primarily the art of Zumbo, sheds light on the work of recomposition of female bodies in the pornographic corpus. The “artist-philosopher”, who enters into competition with nature, revisits anatomy in the forge of his imagination, to invent on the spot a monstrous body, restored to a beauty that the organs of the feminine forbade.
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Papers by LEILA CHEVALLEY
Pour certains, Sade reste un écrivain par excellence du XVIIIe siècle et des Lumières, en ce qu’il aurait su identifier les dérives possibles d’une modernité façonnée par ses prédécesseurs. D’autres continuent, à l’inverse, d’interroger jusqu’à son appartenance au siècle des Lumières, à un moment où l’écrivain semble avoir pourtant pleinement recouvré son ancrage contextuel, après avoir été si longuement déraciné de son terreau intellectuel.
Dès lors, l’opposition, à la fois pratique et discutée, entre Lumières radicales et Lumières modérées, permet-elle de ranger Sade à un point extrême des Lumières ? Au-delà de cette opposition, ne doit-on pas plutôt faire sortir Sade de la constellation des Lumières et le traiter comme un cas d’une singularité sans équivalent – et sans « précédent » –, sans pour autant prendre le risque de renouer avec certaines approches iconiques qui ont pu ériger Sade en concept ou en « trou noir » ahistorique de la pensée, au point d’en obscurcir la lecture même ?
Le colloque « Sade et les extrêmes Lumières » explorera essentiellement deux pistes :
1) celle de la nature du rapport de Sade aux Lumières, qu’on peut reconstruire à partir de son œuvre propre, des discours qu’il prête à ses personnages de fiction, des hommages fervents ou ambigus qu’il rend dans sa correspondance ou dans ses textes d’idées à des figures prestigieuses de la philosophie du siècle qui se termine au moment où il écrit ses textes les plus célèbres ;
2) celle d’une observation, chez les écrivains les plus excentriques, marginaux, extrêmes des XVIIe et XVIIIe siècles, d’éléments d’écriture ou de pensée suffisamment insolites pour sembler préfigurer Sade sur un point ou sur un autre. Que l'on songe ainsi à Meslier, à Dulaurens, à La Mettrie, ou encore à Chassaignon, mais aussi à des auteurs plus canoniques s’aventurant dans des territoires déconcertants, comme le Voltaire du Sermon des cinquante ou le Diderot du Neveu de Rameau.
Les spécialistes de Sade, comme ceux d’écrivains antérieurs ou contemporains, pourront ainsi dialoguer autour d’une question centrale : celle de la possibilité ou non de situer Sade dans une espèce de « tradition » d’excentricité ou d’extrémisme de l’écriture et de la pensée.
The Sadean sororal saga belongs to the experimental laboratory : the two sisters, Justine and Juliette, are launched into the novel much like nature launches its creatures into the world, free to become what they want. Justine’s wandering, (r)attached to her femininity as a hindrance, and a wandering ordinarily perceived as sterile stagnation, is understood as the site of a taxonomy of passions of which the character is the first victim, while Juliette chooses the margins and prostitution to invent a new woman. However, the fictional liberation of women also raises, with Justine, the question of the adventure of femininity. Justine indeed wanders through the cacophony of the century’s discourses on femininity, and her adventure may consist less of breaking down walls to explore a path than of confining these discourses within a singular voice, the only one capable of making them mobile.
Published by Jean Chaumely in 2000 under the title Écrits de la Bastille, three of Sade’s poems are a counterpart to his other poem La Vérité, the latter marking a turning point in Sade's materialist philosophy. This collection of three previously unpublished poems, to which are added tales and short stories, forms a founding dyptic with La Vérité. This article analyses this rarely discussed text and aims at giving it a central place in our understanding of the mother-son incest topos (desiring the mother and killing her), which is structurally important to Sade's world. Often perceived as a sadistic taboo, the mother-son incest is probably prevalent in view of the internecine tug-of-war between two laws, that of the Father and that of the Mother, which is present throughout his writings and which the poem suddenly conflates with the Phallus (the Law). By profoundly disrupting the face of motherhood, La Mère paves the way for new female models, reinventing the contours of a new filiation (aesthetic and ethical).
Tres poemas, entre ellos La Mère, publicados por Jean Chaumely en 2000, bajo el título Écrits de la Bastille. Trois poèmes inédits et quelques contes ou historiettes están en consonancia con el poema La Vérité que permite marcar el punto de inflexión en la filosofía materialista de Sade, formando con el primero, un díptico fundacional. Este artículo cuyo propósito es el análisis de un texto a penas estudiado, pretende volver a situarlo en el eje central para comprender un topos estructural del mundo de Sade: el incesto madre-hijo (desear a la madre, matarla). A menudo percibido como un tabú característico de Sade, el incesto maternofilial puede ser la base de un estilo de escritura marcado por la lucha interna entre dos leyes, la del Padre y la de la Madre, que el poema confunde inesperadamente con el Falo (la Ley). Al turbar profundamente el cariz de la maternidad, La Mère invoca a otros modelos femeninos, reinventando los rasgos de una nueva filiación (estética, ética).
« culture populaire » (le carnaval, Rabelais) ; l'esquisse 2, sur la représentation du « corps grotesque » chez Sade ; l'esquisse 3, sur le thème du monde à l'envers, qui est aussi chez Sade un « en-vers » du monde, un éloignement radical du monde into-éthique." (Sylvie Patron)
Sade and the anatomical venuses
The first life-size anatomical wax models, with real hair, eyebrows, eyelashes and pubis composed of human hair, with blown glass eyes, began to be created at the beginning of the 18th century. Sade has been affected by the attraction of these waxes molded on corpses, whose realism troubles Diderot as much as Grimm. This article, which succinctly recalls the history of the anatomical Venuses and the context of their creation, shows how Sade’s view of the art of anatomical ceroplasty, and primarily the art of Zumbo, sheds light on the work of recomposition of female bodies in the pornographic corpus. The “artist-philosopher”, who enters into competition with nature, revisits anatomy in the forge of his imagination, to invent on the spot a monstrous body, restored to a beauty that the organs of the feminine forbade.
Pour certains, Sade reste un écrivain par excellence du XVIIIe siècle et des Lumières, en ce qu’il aurait su identifier les dérives possibles d’une modernité façonnée par ses prédécesseurs. D’autres continuent, à l’inverse, d’interroger jusqu’à son appartenance au siècle des Lumières, à un moment où l’écrivain semble avoir pourtant pleinement recouvré son ancrage contextuel, après avoir été si longuement déraciné de son terreau intellectuel.
Dès lors, l’opposition, à la fois pratique et discutée, entre Lumières radicales et Lumières modérées, permet-elle de ranger Sade à un point extrême des Lumières ? Au-delà de cette opposition, ne doit-on pas plutôt faire sortir Sade de la constellation des Lumières et le traiter comme un cas d’une singularité sans équivalent – et sans « précédent » –, sans pour autant prendre le risque de renouer avec certaines approches iconiques qui ont pu ériger Sade en concept ou en « trou noir » ahistorique de la pensée, au point d’en obscurcir la lecture même ?
Le colloque « Sade et les extrêmes Lumières » explorera essentiellement deux pistes :
1) celle de la nature du rapport de Sade aux Lumières, qu’on peut reconstruire à partir de son œuvre propre, des discours qu’il prête à ses personnages de fiction, des hommages fervents ou ambigus qu’il rend dans sa correspondance ou dans ses textes d’idées à des figures prestigieuses de la philosophie du siècle qui se termine au moment où il écrit ses textes les plus célèbres ;
2) celle d’une observation, chez les écrivains les plus excentriques, marginaux, extrêmes des XVIIe et XVIIIe siècles, d’éléments d’écriture ou de pensée suffisamment insolites pour sembler préfigurer Sade sur un point ou sur un autre. Que l'on songe ainsi à Meslier, à Dulaurens, à La Mettrie, ou encore à Chassaignon, mais aussi à des auteurs plus canoniques s’aventurant dans des territoires déconcertants, comme le Voltaire du Sermon des cinquante ou le Diderot du Neveu de Rameau.
Les spécialistes de Sade, comme ceux d’écrivains antérieurs ou contemporains, pourront ainsi dialoguer autour d’une question centrale : celle de la possibilité ou non de situer Sade dans une espèce de « tradition » d’excentricité ou d’extrémisme de l’écriture et de la pensée.
The Sadean sororal saga belongs to the experimental laboratory : the two sisters, Justine and Juliette, are launched into the novel much like nature launches its creatures into the world, free to become what they want. Justine’s wandering, (r)attached to her femininity as a hindrance, and a wandering ordinarily perceived as sterile stagnation, is understood as the site of a taxonomy of passions of which the character is the first victim, while Juliette chooses the margins and prostitution to invent a new woman. However, the fictional liberation of women also raises, with Justine, the question of the adventure of femininity. Justine indeed wanders through the cacophony of the century’s discourses on femininity, and her adventure may consist less of breaking down walls to explore a path than of confining these discourses within a singular voice, the only one capable of making them mobile.
Published by Jean Chaumely in 2000 under the title Écrits de la Bastille, three of Sade’s poems are a counterpart to his other poem La Vérité, the latter marking a turning point in Sade's materialist philosophy. This collection of three previously unpublished poems, to which are added tales and short stories, forms a founding dyptic with La Vérité. This article analyses this rarely discussed text and aims at giving it a central place in our understanding of the mother-son incest topos (desiring the mother and killing her), which is structurally important to Sade's world. Often perceived as a sadistic taboo, the mother-son incest is probably prevalent in view of the internecine tug-of-war between two laws, that of the Father and that of the Mother, which is present throughout his writings and which the poem suddenly conflates with the Phallus (the Law). By profoundly disrupting the face of motherhood, La Mère paves the way for new female models, reinventing the contours of a new filiation (aesthetic and ethical).
Tres poemas, entre ellos La Mère, publicados por Jean Chaumely en 2000, bajo el título Écrits de la Bastille. Trois poèmes inédits et quelques contes ou historiettes están en consonancia con el poema La Vérité que permite marcar el punto de inflexión en la filosofía materialista de Sade, formando con el primero, un díptico fundacional. Este artículo cuyo propósito es el análisis de un texto a penas estudiado, pretende volver a situarlo en el eje central para comprender un topos estructural del mundo de Sade: el incesto madre-hijo (desear a la madre, matarla). A menudo percibido como un tabú característico de Sade, el incesto maternofilial puede ser la base de un estilo de escritura marcado por la lucha interna entre dos leyes, la del Padre y la de la Madre, que el poema confunde inesperadamente con el Falo (la Ley). Al turbar profundamente el cariz de la maternidad, La Mère invoca a otros modelos femeninos, reinventando los rasgos de una nueva filiación (estética, ética).
« culture populaire » (le carnaval, Rabelais) ; l'esquisse 2, sur la représentation du « corps grotesque » chez Sade ; l'esquisse 3, sur le thème du monde à l'envers, qui est aussi chez Sade un « en-vers » du monde, un éloignement radical du monde into-éthique." (Sylvie Patron)
Sade and the anatomical venuses
The first life-size anatomical wax models, with real hair, eyebrows, eyelashes and pubis composed of human hair, with blown glass eyes, began to be created at the beginning of the 18th century. Sade has been affected by the attraction of these waxes molded on corpses, whose realism troubles Diderot as much as Grimm. This article, which succinctly recalls the history of the anatomical Venuses and the context of their creation, shows how Sade’s view of the art of anatomical ceroplasty, and primarily the art of Zumbo, sheds light on the work of recomposition of female bodies in the pornographic corpus. The “artist-philosopher”, who enters into competition with nature, revisits anatomy in the forge of his imagination, to invent on the spot a monstrous body, restored to a beauty that the organs of the feminine forbade.