Papers by Ana Quintana-Macchi
L'Espagne est un royaume qui s'est constitué à partir d'un modèle fort différent du français. Lon... more L'Espagne est un royaume qui s'est constitué à partir d'un modèle fort différent du français. Longtemps en Espagne les Habsbourg, ou Austrias ont régné sur un conglomérat de royaumes qui n'avaient en commun que leur roi. Et malgré leur puissance et l'étendue de leurs royaumes, ce mode de fonctionnement contient en lui-même a raison de leur décadence. Lorsque l'Etat apparait en tant qu'entité en Europe les rois doivent changer la nature de leur rôle et passer de posséder et cumuler des territoires à la façon de la noblesse pendant le Moyen Age, à administrer l'ensemble d'un territoire qui dorénavant se régit par de règles et principes normalisés et que l'on appelle « Etats ». Au-delà de la simple transition, cette évolution constitue une profonde transformation de la nature même des biens administrés et de celle de l'administrateur. La France, dont l'évolution a permis la concentration des domaines royaux et privés qui ensemble ont donné naissance au royaume de France et dont l'autorité du roi s'en est renforcée en parallèle de cette évolution, constitue un modèle unique de centralisation en Europe. Ce n'est pas les cas des Habsbourg qui alertés par l'effritement de leurs possessions, ont essayé de réagir et de procéder à une plus forte centralisation des royaumes. C'était trop tard. Dans leurs territoires les élites régionales s'étaient développées et leur pouvoir renforcé. Des « us et coutumes » issues des différentes façons de concevoir la loi et l'ordre ont pris racine ou ont développé celles qui existaient déjà. Se creusent des formes différentes de concevoir l'économie, l'administration, la gestion des institutions et de la société. Les possessions espagnoles sous les Habsbourg se sont étendues dans les contrées les plus reculées de la planète. La jurisprudence produite pour les administrer n'a pas été suffisante pour créer la cohésion de l'ensemble. Les différences entre les territoires de la Couronne se sont creusées et affirmées. La guerre de succession espagnole (1702-1714) représente un enjeu pour les puissances européennes qui souhaitent faire barrage à la montée en puissance des Bourbons français. Finalement, l'emportant sur son adversaire l'archiduque Charles d'Habsbourg qui porte le caractère « foraliste » (c'est-à-dire respectueux des lois qui régient chaque territoire, à la manière du Moyen Age) ce sera le petit fils de Louis XIV qui s'installe sur le trône espagnol sous le nom de Philippe V. Les Bourbons mettent en place une politique de centralisation qui ne sera jamais complètement efficace. Les anciennes différences persistent et dorénavant prennent un caractère politique. A cette dichotomie « monarchie composite-monarchie centralisée » se rajoute bientôt celle des défenseurs de l'Ancien Régime qui s'opposent à ceux qui, en partie influencés par le Révolution Française, défendent le libéralisme politique. Le XIXème siècle espagnol est le siècle convulse et violent d'une Espagne qui cherche dans ses racines profondes son identité et son idiosyncrasie, sa manière propre d'être, sans véritablement les trouver. De guerre civile en « pronunciamiento » militaire, l'Espagne ne parvient pas à se retrouver : Nationalistes, centralistes, carlistes, isabelistes, conservateurs, libéraux, républicains, « primoriveristes »… L'Espagne aborde le XXème siècle extenuée, perdue, isolée. Elle a perdu sa place de grande puissance coloniale et européenne. Elle est meurtrie par le désastre de Cuba et des Philippines de 1898 ou elle a dû se battre, abandonnée de tous, contre les verrouillées « destinée manifeste » et « doctrine Monroe » qui font prévaloir les intérêts étatsuniens en Amérique et qui consacrent les Etats Unis d'Amérique comme l'étoile montante du firmament internationale. Enfermée dans la péninsule, en profonde crise identitaire, ruinée et tiraillée par ses origines diverses, l'Espagne se replie sur elle-même, s'isole et procède à une quête de soi fratricide et exténuante que la projette hors du circuit international.
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