Koutammakou, le pays des Batammariba
Koutammakou, the Land of the Batammariba
The Koutammakou landscape in north-eastern Togo and neighbouring Benin is home to the Batammariba, whose remarkable mud tower-houses are known as takienta (sikien in the plural). Nature is strongly associated with the rituals and beliefs of society here. The landscape is exceptional due to the architecture of the tower-houses which reflect the social structure; its farmland and forest; and the associations between people and landscape. The buildings are grouped in villages, which also include ceremonial spaces, springs, sacred rocks and sites reserved for initiation ceremonies.
La description est disponible sous licence CC-BY-SA IGO 3.0
Koutammakou, le pays des Batammariba
Le paysage du Koutammakou, dans le nord-est du Togo et le Bénin voisin, abrite les Batammariba, dont les remarquables maisons-tours en terre sont connues sous le nom de takienta (sikien au pluriel). Ici, la nature est fortement associée aux rituels et aux croyances de la société. Le paysage est exceptionnel en raison de l'architecture des maisons-tours qui reflètent la structure sociale, de ses terres agricoles et de ses forêts, et des associations entre les gens et le paysage. Les bâtiments sont regroupés en villages, qui comprennent également des espaces cérémoniels, des sources, des rochers sacrés et des sites réservés aux cérémonies d'initiation.
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كوتاماكو، وطن باتاماريبا [توسيع موقع
source: UNESCO/CPE
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古帕玛库,巴塔马利巴人之地
source: UNESCO/CPE
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земля народности батаммариба
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Kutammaku, el país de los Batammariba
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Valeur universelle exceptionnelle
Brève synthèse
Koutammakou est le nom d’un grand territoire qui se situe au Nord-Ouest du Bénin et au Nord-Est du Togo. Dominé en grande partie par la chaîne de l’Atacora, ce paysage culturel vivant est occupé par les Batammariba, peuple dont les remarquables maisons à tourelles en terre nommées « sikien » (« takienta » au singulier) sont devenues un symbole du Togo et du Bénin. Il forme un continuum culturel cohérent, la partie béninoise abritant le berceau historique des Batammariba.
Le Koutammakou est un éminent exemple d’occupation du territoire par un peuple à la recherche constante de l’harmonie entre l’être humain et la nature qui l’entoure. Le paysage culturel du Koutammakou possède une caractéristique toute particulière. En effet, la « takienta », l’habitat familial de base dans lequel tout est à la fois technique, utilitaire et symbolique, est unique en son genre. Si nombre d’habitats de la région possèdent des dimensions symboliques assez fortes, aucun ne possède une interrelation aussi étroite entre symbolisme, fonction et technique. Ce type d’habitat particulier dont l’esthétique repose sur des formes circulaires ou ellipsoïdes est le résultat du génie créateur des Batammariba : « ceux qui façonnent la terre » en ditammari (langue du peuple otammari).
Le Koutammakou est un paysage évolutif vivant représentatif des traits d’une société agricole travaillant en harmonie avec le paysage et où la nature sous-tend les croyances, les rites et la vie quotidienne. Il est composé d’éléments matériels tels que les grottes, sources et lieux sacrés, les espaces rituels et funéraires, les bosquets, les sikien, les champs, les collines aménagées en terrasse, les réseaux de murets de rétention d’eau, les animaux sauvages et domestiques (seul le petit gibier subsiste aujourd’hui dans le Koutammakou), ainsi que d’éléments immatériels dont les croyances, les compétences artisanales, les chants, les danses, les sports traditionnels.
Critère (v) : Le Koutammakou est un exemple exceptionnel de système de peuplement traditionnel qui est toujours vivant et dynamique, soumis à des systèmes et pratiques traditionnels et durables, et qui reflète la culture singulière des Batammariba, notamment les maisons à tourelles appelées « sikien » (« takienta » au singulier).
Critère (vi) : Le Koutammakou est un témoignage éloquent de la force de l’association spirituelle entre les peuples et le paysage, tel qu’il se manifeste dans l’harmonie entre les Batammariba et les ressources naturelles environnantes.
Intégrité
L’ensemble du paysage culturel du Koutammakou reflète chaque aspect de la vie des Batammariba, et donc le système socio-économico-culturel qu’abrite le bien. La partie béninoise renforce l’intégrité historique du Koutammakou en incluant le berceau historique de dispersion des Batammariba, occupé dès le VIe siècle. Les centres religieux de Koubonku et de Koubentiégou restent aujourd’hui des lieux sacrés pour les Batammariba qui continuent à y célébrer de grands cultes et des fêtes d’initiation.
L’habitat traditionnel reste un modèle d’actualité. Partout dans la région, il est évident que le cycle de vie des bâtiments se poursuit : construction, abandon, destruction et reconstruction sur les ruines. Si une observation fine montre qu’il existe des changements en matière de matériaux utilisés, le modèle traditionnel persiste car la takienta est plus qu’un habitat : c’est un temple dédié au culte des ancêtres. De fait, même l’espace du rez-de-chaussée réservé aux animaux et la présence des greniers sur la terrasse restent des éléments indispensables. Ainsi, de nombreuses maisons dites « modernes » (habitation rectangulaire avec une toiture en tôle) sont complétées par un habitat traditionnel qui, s’il est parfois de dimensions réduites, n’en garde pas moins toutes ses caractéristiques architecturales traditionnelles et ses dimensions immatérielles associées aux cultes, aux croyances et aux rituels liés à ces constructions. L’ensemble du Koutammakou comprend ainsi plusieurs milliers de « sikien » inventoriées dont 1 400 toujours habitées dans la partie béninoise et 1 716 au Togo.
Le maintien des « sikien » (maisons à tourelles) exige la perpétuation des traditions locales de construction et l’utilisation de matériaux locaux. L’environnement naturel a pâti d’une certaine surexploitation et il devient de plus en plus difficile de trouver suffisamment de bois et de la paille pour de nouvelles maisons à proximité des villages. Il y a un excellent état de conservation d’intégrité en lien avec l’immatériel : lien entre attributs et symbolisme - bois sacrés, cheminements rituels, et la conservation des traditions et des modes de vie qui se traduit par la construction des « sikien ».
Authenticité
Le paysage culturel du Koutammakou reflète un mode de vie particulier et des procédés et des pratiques qui perdurent depuis des siècles. Pour conserver son authenticité, il sera essentiel que ces pratiques traditionnelles soient maintenues.
L’éducation, la centralisation du pouvoir administratif, les religions, le tourisme, la monétarisation, et l’apparition de nouveaux besoins exercent une influence. Malgré ces changements qui tendent à ébranler la société tammari, il existe dans tous les villages des noyaux traditionnels très forts qui constituent ce creuset, où la culture singulière des Batammariba se perpétue à travers le temps et l’espace. En dépit donc des bouleversements engendrés par la mondialisation, des expressions culturelles persistent. Le respect des esprits des ancêtres, ou encore les rites de passage des garçons (« difoini ») et des filles (« dikuntri ») se perpétuent avec autant d’intérêt pour les populations locales que pour la diaspora. Ainsi, et malgré le développement de centres semi-urbains (Nadoba, Warengo, Koutougou au Togo, Natta, Natitingou, et Boukombé au Bénin), c’est toujours le même paysage culturel qui peut être observé aujourd’hui, avec des villages aux « sikien » entourées de maisons modernes situées au milieu de leur parcelle cultivable, espacées et indépendantes.
L’environnement continue d’être préservé à des fins rituelles (bosquets), médicinales (plantes), ou encore pour les matériaux nécessaires à la construction des « sikien », même si des mesures seront nécessaires pour replanter certaines espèces végétales utilisées dans l’architecture traditionnelle et délimiter des zones fermées au pâturage. Si l’on note aujourd’hui dans les centres semi-urbains un certain désintérêt des jeunes générations pour cette forme d’architecture, les garants de la tradition restent et continuent de préserver et transmettre les savoirs et savoir-faire liés aux cultures de construction des « sikien ». En complément, les Batammariba se retrouvent chaque année pour un grand festival organisé alternativement au Bénin (FACTAM) et au Togo (FESTAMBER). Au Bénin et au Togo, des projets favorisent l’implication des communautés dans la conservation, la valorisation et la promotion de la culture tammari.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
La région du Koutammakou bénéficie de deux types de protection : une juridique moderne et une protection traditionnelle. Parmi l’ensemble des outils juridiques, la partie togolaise est protégée par la loi 90-24 du 23 novembre 1990 relative à la protection du patrimoine culturel national ; l’arrêté n°010/MCJS du 17 juillet 2003 portant sur l’inscription des sites et des monuments sur la liste du patrimoine national des biens culturels ; l’arrêté N°124/MC/CAB du 1er octobre 2003 fixant les limites géographiques du site et déterminant les composantes du Koutammakou ; le decret n°2010-173/PR du 15 décembre 2021 relatif à la commission nationale du patrimoine culturel au Togo, la loi n° 2018-011 du 31 janvier 2018 portant modification de la loi n° 2007-011 du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales, l’arrêté portant sur la composition et les attributions du comité de gestion du Koutammakou ; et l’arrêté n°015/MCCSFC/CAB/18 du 17 mai 2018 portant création du service de conservation et de promotion du Koutammakou. La partie béninoise est protégée par l’arrêté interministériel 2020 N°271/MTCA/MCVDD/MEF/DC/SGM/CTJ/CTC/DPC/CCJ/SA058SGG20 fixant ses limites géographiques et déterminant ses composantes au Bénin ; la loi N° 91-006 du 25 février 1991 portant Charte culturelle en République du Bénin ; la loi N° 2007-20 du 23 août 2007 portant protection du patrimoine culturel et du patrimoine naturel à caractère culturel en République du Bénin ; le décret N° 2019-521 du 27 novembre 2019 portant attributions, organisation et fonctionnement du Ministère du Tourisme, de la Culture et des Arts. Afin de garantir la préservation du bien face à l’urbanisation des centres urbains, des actions sont également en cours au Togo pour l’élaboration du plan d’urbanisation local (PUL), au Bénin pour élaborer les schémas directeurs d’aménagement communaux de Boukombé, Toucountouna et Natitingou.
Même si la société traditionnelle des Batammariba subit aujourd’hui les effets de l’évolution du mode de vie et les impacts du changement climatique, il existe de nombreux garants de la tradition qui perpétuent les rituels et croyances en pays tammari. Les pratiques traditionnelles qui couvrent non seulement des processus techniques, mais aussi des observances sociales ayant des répercussions sur la gestion de la terre, comprennent : le respect des ancêtres ; l’observance de tabous et de restrictions ; l’obéissance absolue aux anciens, aux chefs religieux et aux chefs de clans ; la perpétuation des règles traditionnelles, réaffirmées par les cérémonies d’initiation ; les rôles soigneusement prescrits de chaque membre de clan ; et la perpétuation du respect des valeurs tangibles et immatérielles associées au paysage.
Ces objectifs entrent dans la droite ligne des plans de gestion du Koutammakou du Togo et du Bénin, gérés respectivement par deux services distincts de conservation et de promotion du Koutammakou. L’objectif à terme est de mettre en place l’organisme transnational de gestion du bien, sous la supervision des deux Directions du patrimoine culturel du Togo et du Bénin, en définissant les modalités de fonctionnement et les missions de cet organisme. Le plan de gestion (2021-2025) de la partie béninoise a ainsi été élaboré en lien avec les principes directeurs et les orientations du plan de gestion de la partie togolaise finalisé en 2021 pour couvrir la période 2022-2024. Ce dernier a pour vocation de renforcer ou de compléter la protection traditionnelle de façon à garantir la bonne conservation du site et des éléments intangibles qui le sous-tendent. Les objectifs visés sont de favoriser le recours aux matériaux traditionnels pour la construction des « sikien » afin de conserver l’authenticité et l’intégrité du site ; de contrôler l’exploitation sauvage du bois dans les zones en jachère ; de réussir un développement durable dans le cadre d’un paysage culturel vivant ; de valoriser la culture tammari ; et de promouvoir un tourisme respectueux des valeurs du site. Plusieurs aspects importants nécessiteront toutefois des actions supplémentaires pour la partie béninoise, comme la définition de priorités claires en matière de protection et de conservation pour les zones de fortes concentrations d’attributs, ou encore davantage d'implication des Batammariba dans la gestion du bien et de prise en compte des pratiques traditionnelles de gestion et de conservation du Koutammakou.