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La participation à l'épreuve

« Tournant délibératif », « impératif participatif » : aujourd’hui, nombreux sont les citoyens, décideurs et chercheurs qui voient dans la participation un moyen d’approfondir et de revitaliser le processus démocratique. Cependant, les dispositifs concrets qui visent à associer à un même processus (de connaissance ou de décision) des parties prenantes aux intérêts divergents relèvent encore largement de l’expérimentation. Qu’est-ce qui fait le succès ou l’échec d’une expérience participative ? Selon quels critères l’évaluer ? Comment concevoir des dispositifs qui « tiennent » ? Davantage qu’une défense des mérites de la participation, cet ouvrage en propose une mise à l’épreuve, à travers une série de retours d’expériences. Centrés, d’une part, sur l’exploration de controverses et, d’autre part, sur l’évaluation de politiques publiques, les chapitres décrivent les défis méthodologiques auxquels des chercheurs ont été confrontés pour intégrer des publics hétérogènes au processus de décision et faire émerger des représentations essentielles à la compréhension de phénomènes politiques et sociaux. L’ouvrage invite ainsi à une meilleure appréhension de cette aventure participative passionnante mais incertaine, à travers des approches de chercheurs partageant une expérience et une culture méthodologique commune.

INTRODUCTION À l’épreuve de la participation Frédéric CLAISSE Chargé de cours adjoint au Département de Science politique, Université de Liège « L’évaluation du travail à l’épreuve du réel », « L’école à l’épreuve de la performance », « Les jurys d’assise à l’épreuve de la justice », « Agricultures à l’épreuve de la modernisation », « La dualité des sexes à l’épreuve de la science » : à en juger par ces quelques titres, choisis presque au hasard, d’ouvrages récents comprenant l’expression « à l’épreuve », on pourrait penser que les sciences humaines et sociales prennent un savant plaisir à maltraiter leurs objets. S’agissant, en l’occurrence, de « participation à l’épreuve », quel mauvais traitements le lecteur de cet ouvrage doit­il redouter ? Dans les titres que nous venons de citer, un élément plus fort ou plus solide (le « réel », la « per­ formance », la « modernisation », la « science ») semble servir de limite à laquelle l’objet investigué vient se heurter ou se mesurer : sans avoir lu ces ouvrages, on se doute que ni l’école, ni l’évaluation du travail, ni les jurys d’assise, ni la dualité des sexes ne sortiront indemnes de la con­ frontation. Or, le recours à la participation dans des processus d’information ou de décision politique est encore bien fragile et les critiques à son en­ contre restent nombreuses. Comparé à la longue histoire de la démocra­ tie représentative, l’appel à la participation de citoyens « ordinaires », au nom même de leur expertise profane, à des débats publics parfois très techniques sur des questions controversées ou des enjeux de gouver­ nance, relève encore largement de l’expérimentation. C’est d’autant plus le cas quand les débats portent sur la science, la technologie et leurs effets sur la société : la participation suscite alors souvent le même mélange d’espoirs et de craintes que les thèmes abordés – qu’il s’agisse d’organismes génétiquement modifiés, de nanotechnologies ou, pour prendre des exemples traités dans cet ouvrage, de champs électromagné­ tiques, de neurosciences et de traitement des déchets radioactifs. 9 La participation à l’épreuve Pour ses détracteurs, la participation entraîne un court­circuitage des institutions représentatives légitimes, une confiscation du processus délibératif traditionnel au profit d’arènes au statut incertain. Ses parti­ sans, à l’opposé, y voient une revitalisation nécessaire de la démocratie, dans un contexte de perte de crédibilité du politique et de fracture croissante entre citoyens et mandataires publics. Certains blâmeront l’incompétence des participants et l’impossibilité de les informer sérieu­ sement dans le cadre restreint d’un dispositif participatif, quand d’autres souligneront, au contraire, le sérieux et le sens de la responsabilité des citoyens engagés dans de tels processus. Quant aux résultats proprement dits de ces expériences, comment, diront les uns, ne pas craindre leur instrumentalisation la plus cynique par le commanditaire ? Certes, mais, rétorqueront les autres, a­t­on attendu le « tournant participatif » pour biaiser la signification d’un scrutin ou transformer un sondage d’opinion en plébiscite ? La participation offre­t­elle de quoi résister à de telles épreuves – celles de la critique, de la démocratie, des décideurs, voire des citoyens eux­mêmes ? Les chercheurs qui ont contribué à cet ouvrage n’ont pas de réponse à ces questions. Leur perspective est différente, car le problème auquel ils ont le plus souvent été confrontés était lui­même différent : comment concevoir des dispositifs participatifs qui « tiennent » ? Dans la plupart des recherches qui seront commentées ici, il ne s’agissait pas, en effet, de défendre les vertus de la participation ou de prouver ses mérites, mais de répondre à des défis méthodologiques particuliers. Dès le moment où la participation représente un impératif de recherche qui (quelles qu’en soient les raisons) n’est pas remis en question, comment concevoir un dispositif qui réussisse à associer à un même processus (de connaissance ou de décision) des parties prenantes dotées de statuts asymétriques et d’intérêts différents ? Selon quels critères évaluer le succès ou l’échec de ce dispositif ? La perspective sur la participation adoptée dans cet ouvrage n’est donc pas tant celle de l’apport éventuel de la participation au processus démocratique au sens large, que celle des chercheurs engagés dans la conception et la mise en !uvre de dispositifs participatifs particuliers répondant à des finalités précises. À l’exception du premier chapitre de portée plus générale, les textes réunis ici se présentent comme des retours d’expérience sur des recherches dans lesquelles la participation a constitué un élément essentiel. Aucun chapitre ne propose donc de « recette » pour faire participer tel ou tel public – si tant est que cela soit d’ailleurs possible. Pour les auteurs, la participation n’est jamais consi­ dérée comme une fin en soi, mais comme un moyen pour associer telle population à un processus décisionnel ou pour faire émerger des repré­ 10 Introduction : à l’épreuve de la participation sentations nécessaires à l’évaluation d’une politique donnée1. Dans deux cas au moins (les recherches SCoPE au chapitre 3 et Synerwal au cha­ pitre 7), il s’agissait même de réaliser les deux simultanément : prendre en compte, dans un paysage institutionnel en reconfiguration, des exper­ tises locales jusqu’alors considérées comme non pertinentes. Le texte sur l’évaluation du dialogue participatif organisé par l’ONDRAF pour la gestion des déchets radioactifs (chapitre 10), postule par ailleurs que l’ouverture du processus décisionnel contribue à en améliorer la qualité substantive autant que l’acceptabilité sociale. Si la question de la démo­ cratie participative ou délibérative reste posée dans cet ouvrage, c’est de manière oblique, à travers ce prisme méthodologique. Un souci de réflexivité La participation ne se « décrète » pas. Sa mise en !uvre repose néanmoins sur des procédures, des méthodes et des principes théori­ quement fondés. Les méthodes participatives requièrent une expertise particulière, la maîtrise de procédures qu’il convient de réadapter aux contraintes et aux finalités de chaque expérience. Il s’agit de créer les conditions d’émergence de processus délibératifs pluralistes sur une scène assurant les conditions nécessaires en termes de transparence et de neutralité pour garantir une dynamique de groupe. De ce point de vue, le chercheur fait figure de professionnel de l’intermédiation : il dispose de méthodologies adéquates pour intégrer des populations hétérogènes à un processus dont il a la charge. Pour la science politique en particulier, ces expériences participatives représentent un nouveau corps de techniques et de métiers où peut s’illustrer un savoir­faire spécifique. Cependant, son rôle ne se limite pas à celui de technicien dans un processus dont les tenants et aboutissants lui échappent. La participation constitue aussi un nouveau champ d’investigation qui oblige le polito­ logue à repenser des questions plus traditionnelles de sa discipline, comme celle des liens complexes entre science et société, expertise et décision, démocratie et délibération, représentation politique et moderni­ té2. Ce réengagement de ses concepts et outils d’analyse implique déjà pour le politologue un premier niveau de réflexivité. Mais la réflexivité intervient aussi, de manière plus décisive encore, à un second niveau, proprement méthodologique cette fois, que cet 1 2 Pour une approche centrée sur la présentation et l’organisation concrète de dispositifs participatifs, on consultera toujours avec profit le guide de l’utilisateur réalisé par la Fondation Roi Baudouin et l’Instituut voor Wetenschappelijk en Technologisch Aspectenonderzoek (viWTA) (Elliott et al., 2006). Pour un état des savoirs sur la question, du point de vue des sciences sociales, voir le premier numéro de la revue Participations, et particulièrement Blondiaux et Fourniau (2011). 11 La participation à l’épreuve ouvrage se propose d’illustrer. En mettant en !uvre des méthodes participatives, le politologue ne peut pas faire l’économie d’une ré­ flexion sur le rôle qu’il a à jouer dans les processus où il intervient. La mise en !uvre de ces méthodes exige en effet un effort permanent de retour sur soi, qui accompagne chaque étape du développement d’un dispositif participatif. C’est cet effort réflexif qui permet d’évaluer la qualité même du processus dans son ensemble et des résultats auxquels il a mené. Dès la conception du dispositif, le politologue sait qu’il s’expose à voir sa recherche influer sur le processus de décision – quand ce n’est pas là un des attendus mêmes de la démarche participative. Même s’ils échappent au chercheur, ces « débordements » (Callon, 1999) doivent être pris en compte et être en quelque sorte « rétro­jetés » dans l’analyse. On peut considérer les chapitres de cet ouvrage comme autant d’occasions de clarifier la position du chercheur en science politique par rapport à ces différents niveaux souvent confondus dans les dispositifs participatifs : celui de la construction des données et du matériau ; celui de la finalité des résultats ; celui, enfin, de l’agenda politique. D’une part, il est en effet difficile de soutenir que les méthodes parti­ cipatives ne font que s’ajouter aux méthodes existantes de collecte de données : mieux que simplement « récoltées », celles­ci sont co­ construites avec les participants. De ce fait, toute démarche participative a, par définition, un impact sur le processus politique – c’est même la raison principale pour laquelle on y a recours. Cette influence inévitable ne devient embarrassante que si le chercheur refuse de la prendre en considération, c’est­à­dire de la prendre pour objet tout au long du processus (de la conception du dispositif à l’analyse des données). Il y a, de ce point de vue, deux écueils à éviter : le chercheur peut avoir la tentation, soit de s’abriter derrière une pseudo­neutralité technique (« Je n’interviens qu’à titre de spécialiste au service d’un processus qui ne m’appartient pas »), soit de prétendre s’affranchir en assumant pleine­ ment sa normativité (« Je ne peux réduire la participation à un ensemble de méthodes, c’est une valeur en soi et un mode légitime d’influence sur la décision »). Il serait tout aussi insatisfaisant d’arbitrer entre ces deux positions, qui correspondent à deux figures opposées d’un même mode d’ingénierie politique et sociale. Pour le dire autrement, la question de l’irrésistible influence du poli­ tologue sur la construction de son matériau doit être découplée de celle de la finalité des résultats. À défaut, il risque de transformer la co­ construction de données en pure instrumentalisation pour le commandi­ taire – que ce soit par aveuglement volontaire ou, au contraire, par adhésion délibérée à un agenda politique. Au fond, on pourrait se dire que ces problèmes ne sont pas très différents de ceux qui se posent dans 12 Introduction : à l’épreuve de la participation le cadre de toute recherche­action. À ceci près que le coût parfois prohi­ bitif de certaines expériences participatives a pour effet de subordonner d’entrée de jeu la finalité scientifique à une volonté affichée de trans­ formation de la réalité politique et sociale. D’un autre côté, l’intégration à un cadre institutionnel est encore la meilleure garantie, pour les parti­ cipants, que leur effort sera récompensé et que l’exercice auquel ils se livrent ne sera pas qu’une « expérience » de plus, déconnectée de tout processus de décision. Reste ainsi au politologue à observer un processus dont il sait qu’il est partie prenante. À lui de faire de cet « embarquement »3 un moteur de connaissance. C’est ici que se révèle un second sens du titre de cet ouvrage : en mettant à l’épreuve des méthodes et des techniques partici­ patives dans des contextes de recherche très différents, les chercheurs qui y ont contribué se sont en quelque sorte mis eux­mêmes « à l’épreuve de la participation ». Notion centrale de la sociologie pragma­ tique, l’épreuve est définie comme « la possibilité d’un changement d’état » (Chateauraynaud, 1991 : 165). Or, un processus participatif doit impliquer une telle possibilité pour toutes les parties engagées – y compris pour ces professionnels de la participation qui conçoivent les dispositifs et font en sorte que les participants participent effectivement. Un témoignage collectif L’ouvrage fonctionne aussi comme une sorte de « biographie intel­ lectuelle » d’un centre de recherche particulier, le SPIRAL, intégré au Département de Science politique de l’Université de Liège. À l’exception des contributions respectives de Min Reuchamps et de Geoffrey Grandjean, tous les chapitres ont en effet été écrits par des chercheurs et enseignants faisant partie ou ayant croisé l’histoire du SPIRAL. Le SPIRAL a été fondé il y a près de vingt ans, en 1995, par Cathe­ rine Zwetkoff, alors chargée de cours à l’Université de Liège. Durant ses premières années, le centre a développé un champ d’expertise en ma­ tière de gestion des risques et d’évaluation des politiques publiques, domaines qui constituent le noyau « historique » de ses activités. En parallèle, la recherche menée au SPIRAL a été sous­tendue par une réflexion globale sur les processus de décision publique, particulière­ ment dans des contextes d’incertitude scientifique et technologique. Au cours de cette première phase de développement, le SPIRAL s’est ainsi fortement identifié à la notion de risque, qui lui a permis de se 3 Pour cette notion d’embarquement, voir la thèse de François Thoreau (2013) ainsi que les contributions au colloque sur les « Sciences sociales embarquées/Social Sciences Enrolled » qui s’est tenu les 13 et 14 janvier 2012 à Mines ParisTech. 13 La participation à l’épreuve déployer dans des domaines comme l’évaluation de risques technolo­ giques majeurs (OGM, traitement des déchets radioactifs, sécurité de la chaîne alimentaire), la gestion de risques environnementaux (change­ ment climatique, radon), la planification d’urgence et la gestion de crise, mais aussi la gestion et la résolution de conflits (« siting conflicts » : aéroports, antennes de téléphonie mobile, sites d’enfouissement de déchets), ainsi que l’évaluation des choix technologiques (Technology Assessment). Comme on le verra, cet héritage est toujours bien vivant et lisible dans l’ouvrage. Cependant, l’évolution même des problématiques et des disciplines autour desquelles le SPIRAL avait été fondé a fini par requérir un degré de spécialisation sans cesse croissant. En quinze ans, l’analyse des politiques publiques, la gestion des risques, la sociologie des sciences et des techniques, mais aussi les méthodes participatives et les courants de recherche autour de la démocratie délibérative avaient connu un déve­ loppement tel qu’il était devenu impossible, pour un politologue, d’adopter un profil aussi complet et polymorphe qu’au moment où ces champs de recherche étaient apparus. La nouvelle génération s’est donc davantage spécialisée, tout en s’efforçant de conserver et de prolonger le questionnement qui avait donné au SPIRAL son impulsion initiale : l’étude des rapports com­ plexes entre science, société et politique, assortie d’une réflexion plus générale sur les dispositifs institutionnels d’expertise (en particulier la production de connaissances expertes et leur réappropriation par un public profane), l’innovation technologique, l’amélioration des pratiques de collaboration interdisciplinaire, la sensibilisation et l’information du public en matière scientifique – en somme, un questionnement global sur les fondements de la démocratie et sur les nouvelles formes de gouvernance délibérative. Au­delà des approches en termes de risques ou de courants dits STS (Science, Technologie et Société), c’est ce questionnement qui constitue le véritable socle de la mission scientifique de l’entité, ainsi que la raison de son ancrage dans la science politique, envisagée comme une discipline intégrative. C’est aussi pour cette raison que les méthodes ont toujours été un élément transversal des réflexions menées au SPIRAL. En s’adaptant toujours aux contraintes de ses objets d’investigation, le SPIRAL a constamment cherché à mobiliser et à développer des outils méthodologiques pour la gestion de politiques publiques et l’amélioration des processus de décision. L’ouvrage a donc aussi valeur de témoignage collectif sur la manière dont un centre de recherche en science politique s’est confronté à la participation en tant que pratique et méthode de recherche. De là, le souci constant d’expérimentation que le lecteur retrouvera en filigrane 14 Introduction : à l’épreuve de la participation dans chacun des chapitres : selon la formule consacrée, c’est une re­ cherche « en train de se faire » qui s’y donne à voir, avec ses tâtonne­ ments, ses frustrations, ses bonnes et ses mauvaises surprises. De là, également, le « décalage » voulu par les coordinateurs quant à certains choix de problématiques développées par les auteurs : ainsi, au lieu de commenter des résultats d’enquête jugés peu pertinents, le chapitre de Stéphane Rieppi se centre sur la difficile relation avec un commanditaire et des partenaires de recherche ne partageant pas la culture de la partici­ pation ; le chapitre de Pierre Delvenne et Martin Erpicum illustre quant à lui la manière dont des chercheurs, captifs d’un procès d’intention, tentent de justifier leur position face à l’idéologie « participationniste » dont on les accuse. Si la tonalité critique domine, c’est que, nous l’avons dit, la réflexivité est au c!ur des exigences méthodologiques de la participation tel que le SPIRAL la conçoit. Bien qu’il donne une coloration particulière à l’ouvrage, ce thème des « malentendus de la participation » n’est pas, loin s’en faut, traité par tous les auteurs de l’ouvrage. Hormis le premier chapitre (Min Reuchamps), chaque contribution se présente aussi, de manière plus classique, comme une monographie présentant une recherche qui mobi­ lise une méthode ou un dispositif participatif. Chaque expérience est cadrée et remise en contexte, de manière à fournir au lecteur tous les éléments nécessaires à la compréhension des enjeux méthodologiques et des difficultés concrètes de mise en !uvre d’une démarche participative dans une situation particulière. La focalisation sur les travaux d’un centre de recherche ne doit pas être interprétée comme une volonté de démonstration de force ou un quelconque exercice de narcissisme collectif. Au contraire, pour les coordinateurs de l’ouvrage, il s’agit de montrer la vie d’un laboratoire qui s’est trouvé exposé à la participation, sans masquer les frictions auxquelles elle peut donner lieu. Sans adhérer à la participation en tant que principe normatif, les chercheurs du SPIRAL restent toutefois convaincus que les méthodes participatives constituent un excellent moyen pour intégrer des publics et faire émerger des représentations essentielles à la compréhension de phénomènes politiques et à l’information de processus de décision. C’est à une meilleure appréhen­ sion de cette aventure participative, sous l’angle de chercheurs parta­ geant une expérience et une culture méthodologique commune, qu’invite cet ouvrage. Plan de l’ouvrage L’ouvrage est divisé en quatre parties d’inégale longueur, avec deux parties centrales constituées de monographies synthétiques, encadrées de 15 La participation à l’épreuve deux parties plus courtes à vocation plus théorique (pour la première) ou pédagogique (pour la dernière). La première partie, « Types et Concepts », comprend deux textes fournissant des clés générales de compréhension de la participation ainsi que des distinctions utiles pour le reste de l’ouvrage. Le chapitre d’ouverture de Min Reuchamps affiche, comme son titre l’indique, une ambition typologique. Lorsqu’on évoque la participation du public, assez rapidement est associée à cette idée celle de la délibération. Pour­ tant, toute forme de participation n’est pas délibérative et corollairement toute délibération n’est pas nécessairement participative. Cette contribu­ tion revient sur cette distinction en définissant la participation comme la possibilité donnée au public de prendre part, d’une manière ou d’une autre, à la gestion de la chose publique tandis que la délibération est un processus d’échanges d’arguments entre différents acteurs. L’objet du chapitre consiste à explorer les expériences participatives qui emportent une volonté délibérative afin de dresser une typologie des pratiques, en posant cinq questions : Pourquoi ? Qui ? Quoi ? Comment ? Quand ? Ce faisant, il vise à poser un cadre analytique à la mise à l’épreuve de la participation proposée par l’ouvrage. À sa suite, le chapitre de Pierre Delvenne et Martin Erpicum, intitulé Critiquer les méthodes participatives ou succomber au chant des Hespé­ rides ?, a pour objectif de démontrer que des courants antagoniques existent et s’affrontent à l’intérieur même de la science politique, con­ cernant l’utilité, l’objectivité et la signification de la participation pu­ blique. Cette contribution est d’abord rédigée sur base d’un carnet de notes prises à l’occasion d’un Congrès mondial de science politique à Santiago de Chile, en 2009, auquel les auteurs ont présenté leurs tra­ vaux. Décortiquer ce micro­événement leur permet de discuter plus largement des critiques, des avantages, de la neutralité et des limites de la participation publique et des techniques qui y sont associées. Tout en prenant parti en faveur des processus de participation publique, les auteurs n’en ouvrent pas moins à la discussion certains présupposés normatifs des participationnistes. Ce faisant, ils plaident pour une vision plus réflexive et radicale de la participation publique, misant davantage sur le caractère constructif du dissensus et prenant en compte les enjeux de pouvoir à l’intérieur et à l’extérieur des exercices participatifs. Après cette première partie typologique et analytique, les deux par­ ties centrales qui constituent le c!ur de l’ouvrage comprennent des comptes­rendus critiques de recherches réparties en deux grandes caté­ gories selon la finalité pour le chercheur en science politique : d’une part, l’exploration de controverses (deuxième partie, chapitres 3 à 6) et, d’autre part, la participation comme méthodologie pour l’action pu­ 16 Introduction : à l’épreuve de la participation blique et l’évaluation de politiques publiques (troisième partie, cha­ pitres 7 à 10). L’ouvrage permet ainsi d’explorer une diversité de méthodes partici­ patives : atelier scénario (chapitre 4), méthode Delphi (chapitres 5, 7, 8 et 9), conférence de citoyens (chapitre 6), dialogue participatif (cha­ pitre 10), focus groups (chapitres 11 et 12) – auxquelles on peut encore ajouter une méthode « maison », l’Open Process Workshop, combinai­ son de focus group et d’atelier scénario (chapitre 3). En plus de corres­ pondre à des pôles de recherche et d’activités inscrits dans le fonction­ nement du SPIRAL, la présentation par finalités de recherche a paru préférable à une exposition centrée sur les méthodes – l’ouvrage ne se voulant pas un guide ou un vade­mecum pour la mise en !uvre pratique de méthodes participatives. Nous souhaitions également éviter d’induire l’idée que certaines techniques seraient plus appropriées à certains thèmes de recherche plutôt qu’à d’autres. Le choix d’une méthode en particulier ne repré­ sente qu’un facteur parmi d’autres à prendre en considération (type de public, accessibilité, cadre institutionnel, environnement de recherche, lien avec le processus décisionnel, coût, temps disponible, etc.). En revanche, la finalité de la recherche détermine bien le statut accordé à la participation au cours du processus. Quatre contributions s’attachent d’abord à montrer l’intérêt heuris­ tique de méthodes participatives pour explorer des controverses et des processus marqués par une incertitude scientifique ou politique. Dans Le projet SCoPE : la construction de l’action publique en univers incer­ tain, Geoffrey Joris et Frédéric Claisse reviennent sur une recherche dont l’objectif était de fournir au décideur (gouvernements régionaux et fédéral belge) une sorte « d’outil d’interface » entre science et politique, dans un contexte de gestion des risques marqué par la précaution. Le projet SCoPE s’inscrivait dans le cadre d’une démarche évaluative intégrée prenant en compte les aspects écologiques, économiques et sociaux en vue d’un développement durable. Dans un premier temps, le chapitre expose les grands apprentissages des études de terrain, portant sur les ondes électromagnétiques en Région wallonne et sur les poli­ tiques de décontamination des sols aux métaux lourds. Les auteurs montrent comment ces études de cas ont permis de dresser une série d’éléments à prendre en considération dans le cadre de processus déci­ sionnels dans lesquels le principe de précaution est mobilisé. Le chapitre expose également une méthode participative originale mise au point spécifiquement pour la conduite de l’étude, l’Open Processus Workshop (OPW). Afin de mettre en évidence la pertinence de cet outil en tant qu’instrument d’investigation sociale, le chapitre montre comment la technique de l’OPW, suivant une approche bottom­up, permet 17 La participation à l’épreuve d’enclencher un « bout de théorie » en partenariat avec les acteurs mobilisés par l’étude de cas. Les domaines des risques industriels et de l’innovation socio­ technique ne sont pas les seuls à produire de l’incertitude et à générer de la controverse. L’avenir institutionnel de la Belgique fournit à Jérémy Dodeigne l’occasion d’un chapitre, intitulé La circonscription électorale fédérale en Belgique : une approche délibérative, où il présente les résultats d’une expérience d’atelier scénario avec des citoyens chargés, à petite échelle, de discuter de l’idée d’une circonscription électorale fédérale (CEF). Ce projet de réforme électorale, à l’initiative du groupe PAVIA, avait connu un intérêt tout particulier au cours de la période pré­électorale du 10 juin 2007. Durant la campagne, les hommes et les femmes politiques s’étaient positionnés, tandis que les éditorialistes du Nord et du Sud du pays s’étaient exprimés plus ou moins favorablement à l’idée. Dans ce chapitre, ce n’est pas tant l’analyse de ces processus qui a nourri la curiosité du chercheur que le regard citoyen sur la ques­ tion. Aussi a­t­il opté pour un protocole délibératif et prospectif afin de mieux connaître – et comprendre – ces opinions citoyennes. Mobilisant douze personnes de l’arrondissement liégeois, deux experts universi­ taires, ainsi que les résultats d’une enquête auprès de mandataires politiques, ces ateliers scénario eurent lieu à l’automne 2009, avant la crise politique majeure de 2010­2011. Les ateliers ont permis de faire émerger trois profils d’électeurs­citoyens, en combinant leur attitude par rapport à la CEF et leur comportement de vote. C’est à une autre incertitude, touchant cette fois à des enjeux de sé­ curité nationale, qu’invitent Sébastien Brunet et Stéphanie Vanhaeren dans le chapitre suivant, Une application de la méthode Delphi : la recherche « Food Terrorism » pour CCMS/OTAN. Si d’autres chapitres de cet ouvrage utilisent les résultats de recherches menées grâce à la méthode Delphi, celui­ci est en revanche celui qui se rapproche le plus de l’esprit initial de cette méthode, développée durant la guerre froide aux États­Unis par la RAND Corporation dans le but de recueillir l’opinion anonyme d’experts sur les futures capacités technologiques mobilisables lors d’un conflit armé. Dans un contexte encore marqué par le 11­septembre, le CCMS (Commitee on the Challenges on Modern Society – Comité sur les Défis de la Société Moderne) de l’OTAN avait commandité une étude­pilote afin d’identifier les agents biochimiques susceptibles d’être utilisés dans le cadre d’une attaque terroriste qui viserait la chaîne alimentaire. L’enquête Delphi devait permettre de passer en revue différents scénarios (en termes de « cahier des charges » pour le terroriste : coût d’approvisionnement, compétences techniques, impacts sur la santé, etc.) ainsi que d’inventorier les moyens de mitiga­ tion existants et, le cas échéant, de formuler des recommandations et 18 Introduction : à l’épreuve de la participation proposer des pistes de solution. Le chapitre met en évidence le caractère contingent qui fait pourtant la force d’une telle méthode prospective, toujours liée à un questionnement situé dans le temps et dans l’espace. Changement d’échelle avec le chapitre Meeting of Minds : tempête de cerveaux dans un verre d’eau ?, dans lequel Sébastien Brunet et Frédéric Claisse proposent un retour critique sur cette expérience hors du commun de conférence de citoyens sur les neurosciences, qui aura conjugué les efforts de 126 citoyens européens et l’expérience d’une dizaine d’instituts d’évaluation technologique, réunis à l’initiative de la Fondation Roi Baudouin et avec le soutien de la Commission euro­ péenne. Processus complexe et multidimensionnel, Meeting of Minds s’est finalement moins heurté aux difficultés pratiques et logistiques de la participation à échelle internationale (dans l’ensemble bien antici­ pées), qu’à ses propres ambivalences et contradictions. En revenant sur un épisode particulièrement emblématique de la deuxième convention européenne qui marquait le point culminant du processus, les auteurs mettent en évidence les tensions qui résultaient, d’une part, de l’ambivalence de l’expertise accordée aux citoyens et, d’autre part, de la focalisation excessive sur une méthodologie participative devenue par moments à elle­même sa propre fin. Le chapitre illustre ainsi les im­ passes de ce que les auteurs appellent une conception « performative » de la participation, caractérisée par l’indifférence à la production con­ crète des participants, dont la principale qualité est en réalité d’avoir été performée par le dispositif. Au lieu de servir d’outil d’exploration de controverse et de source d’enrichissement du processus de décision (dont Meeting of Minds était d’ailleurs déconnecté), la conférence de citoyens a paradoxalement fini par faire passer les neurosciences à l’arrière­plan pour ne plus « fabriquer » que du dispositif et de la parti­ cipation. La seconde série d’expériences participatives, décrites dans la troi­ sième partie de l’ouvrage, étaient quant à elles ancrées dans des proces­ sus institutionnels spécifiques et subordonnées à des objectifs concrets de gouvernance et d’évaluation de l’action publique. Dans le chapitre 7, Interpréter et retraduire une question commandi­ tée : normalisation des publics cibles et dispositifs d’aides publiques, Clémence Massart montre comment les questions des commanditaires peuvent être porteuses de jugements implicites et ainsi compliquer le travail de recherche. En l’occurrence, une partie conséquente du projet aura consisté à retraduire la demande initiale (l’évaluation, auprès des intéressés, de l’adéquation d’outils institutionnels aux besoins des petites entreprises du secteur agro­alimentaire wallon), qui avait perdu toute pertinence suite à une série d’obstacles méthodologiques. D’un public plus large initialement prévu par le commanditaire – les PME – 19 La participation à l’épreuve l’échantillon a en effet finalement été réduit aux micro­entreprises qui accèdent très difficilement aux aides proposées par le gouvernement wallon. La question qui se posait alors était celle des raisons expliquant les difficultés éprouvées par cette catégorie d’entreprises à accéder aux aides publiques. Deux facteurs majeurs semblent ici en cause. Tout d’abord, en raison de la profusion et de la complexité de leurs méca­ nismes institutionnels, les aides manquent de lisibilité pour des entre­ prises très petites qui ne peuvent se permettre de mobiliser un employé dédié à leur inventaire. Ensuite, les micro­entreprises manquent de visibilité pour la puissance publique, qui se fait de la pérennisation et de la croissance d’une PME une idée très « normalisante » et n’axe donc pas son action sur ce segment. Les aides ne parviennent donc pas forcé­ ment aux micro­entreprises, ni ne sont adaptées à leurs besoins. L’étude se conclut par une série de propositions destinées à améliorer la conver­ gence entre initiatives gouvernementales et besoins locaux des micro­ entreprises. La relation au commanditaire est également au c!ur du chapitre de Stéphane Rieppi, Petit exercice de maîtrise des facteurs extérieurs : enquête sur l’academic detailing pour le KCE. Le projet portait sur l’évaluation de la pratique de « visite académique », c’est­à­dire de sensibilisation de médecins généralistes par des formateurs de terrain – initiative menée par une association soutenue par les pouvoirs publics en contrepoint de la démarche de délégués médicaux commerciaux. Basé sur un nombre important d’entretiens semi­directifs ainsi que sur une enquête Delphi en deux tours, le projet avait aussi mis en évidence des tensions entre partenaires dues à des querelles méthodologiques, épisté­ mologiques, organisationnelles et stratégiques. C’est là un élément souvent négligé lors de la mise en place d’un projet de recherche, sur lequel se penche l’auteur : les aspects relationnels non seulement entre équipes de recherche issues de domaines et de cultures scientifiques hétérogènes, mais aussi entre ces équipes et leurs commanditaires. Le chapitre propose un retour d’expérience sur cette enquête sous tension, confiée à des chercheurs du centre de recherche SPIRAL, analysée sous l’angle des difficultés afférentes à une recherche commanditée et tout particulièrement à la maîtrise de facteurs extérieurs : qualité de l’échantillon fourni, rapports avec le commanditaire, divergences mé­ thodologiques. Plus qu’un document à vocation méthodologique, ce texte se présente aussi comme une sorte de guide montrant l’art de la négociation et du compromis que doit mobiliser tout chercheur. Dans La qualité de l’air comme politique transversale : une analyse participative de l’espace de gestion publique, Catherine Fallon, Kim Hendrickx et Stéphanie Vanhaeren s’appuient sur une étude menée auprès des instances fédérales et régionales chargées de la gestion de la 20 Introduction : à l’épreuve de la participation qualité de l’air en Belgique. Grâce à des entretiens préliminaires suivis d’une application informatisée de la méthode Delphi (logiciel Mesydel, développé au centre de recherche SPIRAL), les auteurs ont pu détermi­ ner que la traduction du cadre européen demanderait le déploiement d’une approche transversale environnement­santé associant tous les niveaux de pouvoir. Les répondants dénoncent toutefois l’absence d’intégration de ces politiques aux niveaux régional et fédéral : chaque niveau de pouvoir développe une dynamique propre pour réinterpréter la politique et les instruments définis au niveau européen. L’enquête Delphi a permis de mettre en évidence l’adéquation de l’outil au secteur administratif, dont les membres semblent plus prompts à répondre que les scientifiques. En clôture de cette troisième partie, le chapitre de Catherine Zwetkoff et Céline Parotte traite d’une question posée jusque­là en pointillés à travers l’ouvrage : comment évaluer ces dispositifs participa­ tifs ? Qu’apportent­ils au processus de décision ? En quoi sont­ils des facteurs de changement institutionnel ? Leur étude de cas a pour objet une évaluation partielle et procédurale du fonctionnement du pro­ gramme participatif mis en place par l’ONDRAF (organisme fédéral en charge de la gestion des déchets radioactifs en Belgique) pour l’élaboration du Plan Déchets (déchets nucléaires de catégories B et C) et la préparation de l’évaluation environnementale stratégique qui l’accompagne. Les données empiriques collectées (principalement des données d’observation non participante du fonctionnement des dia­ logues et de la conférence interdisciplinaire) confortent­elles un lien entre la qualité procédurale du programme participatif et son utilité ? Cette question renvoie à celle portant sur la validité des fondements de l’ouverture du processus décisionnel aux « profanes ». La qualité procé­ durale du programme maximise­t­elle, in fine, et sous quelles condi­ tions, l’acceptation de la décision par les participants, les acteurs con­ cernés, voire le public (appropriation), indépendamment de son impact potentiel sur la légitimité substantive de la décision (qualité « informa­ tionnelle » liée à l’hybridation des savoirs) ? Après ces deux parties centrales consacrées à l’analyse d’expériences participatives dans le cadre de controverses ou de gouvernance institu­ tionnelle, la quatrième et dernière partie, « Transmission », ouvre l’ouvrage à d’autres horizons. Elle comporte deux textes réunis par le même souci d’intégrer une méthode participative, celle du focus group, dans un contexte d’enseignement. La formation des étudiants à cette méthode est au c!ur des préoccu­ pations de Sébastien Brunet, Céline Parotte et Stéphanie Vanhaeren dans leur chapitre intitulé L’enseignement des focus groups en science politique. Au cours du cursus de science politique à l’Université de 21 La participation à l’épreuve Liège, les étudiants de deuxième année de baccalauréat en science politique sont invités à réaliser l’exercice de conduite de focus groups dans le cadre du cours de méthodologie qualitative. Cette contribution permet de comprendre la dimension formatrice, parfois ludique, et les apports liés à l’apprentissage d’entretiens de groupe. Les auteurs présen­ tent les retours d’expériences d’étudiants à travers huit étapes chronolo­ giques qui mènent au focus group (définition des thèmes ; élaboration du protocole ; définition de la population­cible et composition du groupe ; élaboration du guide d’entretien ; groupe test ; recrutement des participants ; animation proprement dite ; analyse). Le chapitre se base sur une documentation abondante recueillie au fil de plusieurs années d’enseignement, notamment sur les rapports d’analyse des étudiants cités à titre d’illustration. À la différence de ces étudiants, futurs professionnels formés à la méthode des focus groups, ceux qu’étudie Geoffrey Grandjean dans le dernier chapitre en sont les sujets, dans le cadre d’une recherche sur la mémoire et la transmission de faits génocidaires. Dans ce chapitre, intitulé Parler de(s) génocide(s) avec des jeunes : appréhender un sujet difficile par des focus groups longitudinaux, l’auteur s’intéresse aux discussions de jeunes Belges francophones sur un thème difficilement appréhendable, le génocide des Juifs, dans une perspective de socialisa­ tion politique. Le but est d’interroger l’adéquation entre ce thème et la possibilité de le traiter à travers des focus groups longitudinaux. Pour ce faire, les modalités concrètes de mise en place d’une telle méthodologie sont explicitées afin d’en envisager leur pertinence. La contribution met en avant l’importance de facteurs comme le recrutement, le lieu où se déroulent les discussions, l’impact d’une mortalité du panel, le rôle de l’animateur ou encore la validité des données récoltées. L’ensemble de ces points est mis en perspective avec la dynamique sociale qui caracté­ rise cette méthodologie, soulignant ainsi son potentiel pour les études sur la socialisation politique. Dans la conclusion générale de l’ouvrage, Sébastien Brunet revient sur la tension entre la nécessaire « consolidation méthodologique » des dispositifs participatifs et leur caractère toujours imprévisible – rien ne pouvant garantir le résultat final. À travers la notion de « forum hy­ bride », il insiste également sur l’importance de l’intégration des ci­ toyens et autres experts d’usage, non seulement pour pallier les mul­ tiples réductions qu’imposent les mécanismes de la démocratie représentative, mais aussi pour enrichir la démarche scientifique pro­ prement dite : la participation fournit des instruments précieux dans une démarche de production de connaissance. Les contributions réunies dans cet ouvrage témoignent ainsi d’un ef­ fort collectif non pas tant pour « mettre à l’épreuve » la participation que 22 Introduction : à l’épreuve de la participation pour essayer de s’élever à ses exigences et ses implications tant poli­ tiques que scientifiques. Il s’agissait de présenter un état forcément provisoire des recherches et des réflexions menées par un centre de recherche qui a fait de la participation un de ses instruments de travail. L’ouvrage aura rempli son ambition s’il réussit à faire partager au lecteur le goût de la participation et la conviction que celle­ci se trouve, pour reprendre le mot de Charles S. Peirce, sur le « chemin de l’enquête ».4 Bibliographie Blondiaux, L. et Fourniau, J­M., « Un bilan des recherches sur la participation du public en démocratie : beaucoup de bruit pour rien ? », Participations, n°1, p. 8­35. Callon, M., « La sociologie peut­elle enrichir l’analyse économique des externa­ lités ? Essai sur la notion de cadrage­débordement », in Foray, D. et Mairesse, J. (dir.), Innovation et performances : approches interdisciplinaires, Paris, Éd. de l’EHESS, 1999, p. 399­431. Chateauraynaud, F., La Faute professionnelle, Paris, Métailié, 1999. Claisse, F., Laviolette, C., Reuchamps, M. et Ruyters, C. (dir.), La participation en action, Bruxelles, Peter Lang, coll. « Méthodes participatives appliquées », 2013. Slocum, N., Elliott, J., Heesterbeek, S. et Lukensmeyer, C. J. (dir.), Méthodes participatives. Un guide pour l’utilisateur., Duvieusart, B., Lisoir, H., Rauws, G. et Van Campenhout, A. (coord.), Bruxelles, Fondation Roi Baudouin/Vlaams Instituut voor Wetenschappelijk en Technologisch Aspectenonderzoek (viWTA), 2006. Thoreau, F., « Embarquement immédiat pour les nanotechnologies respon­ sables : Comment poser et re­poser la question de la réflexivité ? », Thèse de sciences politiques et sociales soutenue à l’Université de Liège le 12 avril 2013. 4 Les coordinateurs remercient particulièrement et chaleureusement Min Reuchamps pour ses commentaires lors de la finalisation de l’ouvrage, ainsi que Charlyne Audin pour sa relecture de l’ensemble du manuscrit. 23