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Nouvelles jeunesses immigrées en France et aux États-Unis

2000, Agora débats/jeunesses

Nouvelles jeunesses immigrées en France et aux États-Unis Claire Schiff To cite this version: Claire Schiff. Nouvelles jeunesses immigrées en France et aux États-Unis. Agora débats/jeunesses, 2000, Les jeunes dans une société multiculturelle, 22, pp.77-87. ฀10.3406/agora.2000.1802฀. ฀halshs03139897฀ HAL Id: halshs-03139897 https://shs.hal.science/halshs-03139897 Submitted on 8 Nov 2022 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License Agora débats/jeunesses Nouvelles jeunesses immigrées en France et aux États-Unis Claire Schiff Citer ce document / Cite this document : Schiff Claire. Nouvelles jeunesses immigrées en France et aux États-Unis. In: Agora débats/jeunesses, 22, 2000. Les jeunes dans une société multiculturelle. pp. 77-87; doi : https://doi.org/10.3406/agora.2000.1802 https://www.persee.fr/doc/agora_1268-5666_2000_num_22_1_1802 Fichier pdf généré le 05/04/2018 Zusammenfassung Neue Einwanderungsjugendliche in Frankreich und in den Vereinigten Staaten : in Richtung einer nicht linearischen Integration Die Integration der Kinder der Einwanderer wurde lange als Übergang von der Herkunftsgemeinschaft zur Empfangsgesellschaft erlebt und empfunden. Dieses Schema ist aber zu vereinfachend, um die Komplexität der Situationen in der die Jugendlichen der Einwanderung leben und insbesondere diejenigen aus den Südländern, die in benachteiligten Gegenden wohnen, darzustellen. Neue Untersuchungen, die unter anderem in den Vereinigten Staaten durchgeführt wurden, deuten daraufhin, dass es Anpassungsformen gibt, die sich zwar vom traditionnellen Schema entfernen aber auch nicht auf einen einfachen "Gemeinschaftsrückzug" reduzieren. Resumen Nuevas juventudes inmigradas en Francia y en Estados Unidos : hacia una integración no lineal. La integración de los hijos de inmigrantes fue vivida y percibida mucho tiempo como el paso de la comunidad de origen hacia la sociedad de acogida. Pero este esquema es demasiado simplista para dar buena cuenta de la complejidad de las situaciones que viven actualmente los jóvenes procedentes de la inmigración, especialmente aquellos recientemente llegados de los países del Sur y que residen en barrios desfavorecidos. Unas investigaciones recientes llevadas a cabo especialmente en Estados Unidos sugieren que existen formas de adaptación que difieren del modelo tradicional pero que no se resumen sin embargo a un mero "repliegue comunitario”. Résumé L’intégration des enfants de migrants a été longtemps vécue et perçue comme le passage de la communauté d’origine à la société d’accueil. Mais ce schéma est trop simpliste pour rendre compte de la complexité des situations que vivent actuellement les jeunes issus de l’immigration, en particulier ceux nouvellement arrivés des pays du Sud qui habitent les quartiers défavorisés. Des recherches récentes, menées notamment aux États-Unis, suggèrent qu’il existe des formes d’adaptation qui s’éloignent du modèle traditionnel, mais qui ne se réduisent pas pour autant à un simple "repli communautaire". Abstract New immigrant young people in France and USA : towards a non-linear integration. The integration of immigrant children has for long been experienced and perceived as the pathway from the native community to the host society However, the pattern is too simplistic to give an account of the complex situations native-born children of immigrants are experiencing, in particular for those recently arrived from the Southern countries and living in underpriviledged areas. Recent researches carried out in the United States suggest that some forms of adaptation distant from the traditional model are possible without being confined for all that to a mere "community withdrawal". Nouvelles jeunesses immigrées en France et aux Etats-Unis par Claire SCHIFF Claire Schiff, Maître de conférences à l’Université Victor Ségalen, Bordeaux II, Département de sociologie, 3ter, place de la Victoire, 33076 Bordeaux Cedex, et chercheur au Centre d’Analyse et d’Intervention Sociologiques. E-mail : schiffcl@club-internet.fr L’intégration des enfants de migrants a été longtemps vécue et perçue comme le passage de la communauté d’origine à la société d’accueil. Depuis le début des années quatre-vingt, un débat est apparu entre chercheurs américains, spécialistes de l’immigration1, autour de la question suivante. Les processus d’adaptation que l’on observe actuellement parmi les jeunes issus des nouvelles immigrations non-européennes postérieures à 19652 reproduisent-ils le schéma élaboré pendant la première moitié du siècle à partir notamment des études sur les jeunes d’origine italienne3? Le modèle d’intégration classique distingue grosso modo trois étapes successives menant inéluctablement vers l’assimilation Mais ce schéma est trop simpliste pour rendre compte de la complexité des situations que vivent actuellement les jeunes issus de l’immigration, en particulier ceux nouvellement arrivés des pays du Sud qui habitent les quartiers défavorisés. Des 1 Pour une discussion des différentes théories de l’assimilation des immigrés et de leurs enfants, voir le numéro spécial de International Migration Review, “ Immigrant Adaptation and Native-born Responses in the Making of Americans ”, vol. 31, hiver 1997. 2 recherches récentes, menées notamment aux États-Unis, suggèrent qu’il existe des formes d’adaptation qui s’éloignent du modèle 3 traditionnel, mais qui ne se réduisent pas pour autant à un simple “ repli communautaire ”. AGORA Année de l’abolition des quotas à l’entrée par nationalité accordant la préférence aux Européens. Depuis, les migrants originaires des pays en voie de développement sont les plus nombreux. Whyte, W.F., Street Corner Society : The Social Structure of an Italian Slum, University of Chicago Press, 1955 (1943). Child, I., Italian or American ? The Second Generation in Conflict, Yale University Press, 1943. Gans, H.J., The Urban Villagers : Group and Class in the Life of Italian-Americans, The Free Press, New York, 1982 (1962). DÉBATS JEUNESSES #22 Immigrés en France et aux USA les débats 77 Immigrés en France et aux USA 78 complète des individus issus de l’immigration à la classe moyenne américaine. À la première génération, les migrants forment une véritable petite communauté ethnique relativement isolée du reste de la société avec ses propres institutions, ses réseaux et sa culture “ importée ” 4. À la seconde génération, se constitue une communauté juvénile populaire qui fonctionnerait comme un “ sas ” pour des jeunes de plus en plus éloignés de leur culture d’origine. Cette forte solidarité intragénérationelle, caractérisée notamment par une certaine méfiance à l’égard de l’univers scolaire dominé par les classes moyennes anglo-saxonnes, leur permettrait d’affirmer leur distance à la fois vis-à-vis de leurs aînés et vis-à-vis de la société d’accueil. À la troisième génération l’acculturation aux valeurs et aux modes de vie américains, l’accès à des emplois plus qualifiés et la disparition de la ségrégation géographique se conjuguent pour aboutir à une assimilation pleine et entière à la classe moyenne qui peuple les banlieues confortables des grandes villes américaines. À ce stade les individus ne préservent guère plus qu’un attachement sentimental et symbolique à leurs origines qu’ils choisissent ou non d’honorer en célébrant telle ou telle fête ou en exprimant leur goût pour les plats cuisinés autrefois par leurs grands-mères5. Comme en France, l’immigration italienne représente ainsi le modèle “ classique ” d’assimilation par intégration à la classe 4 Wirth, L., The Ghetto, University of Chicago Press, 1956 (1928). 5 Gans, H.J., “ Symbolic Ethnicity : The Future of Ethnic Groups and Cultures in America ”, Ethnic and Racial Studies, vol. 2, n° 1, 1979. 6 Tripier, M., L’immigration dans la classe ouvrière, L’Harmattan, 1990. AGORA ouvrière6, puis de l’ascension vers les classes moyennes. C’est essentiellement à partir de l’exemple du cas italien qu’est apparue l’idée selon laquelle le degré d’insertion découlait tout naturellement de l’ancienneté du séjour. Ce processus d’assimilation linéaire a longtemps été conçu comme le parcours obligé de toute nouvelle vague de migrants. Cependant les études récentes portant sur les migrants et leurs descendants en provenance d’Asie, d’Amérique Latine et des Caraïbes, semblent indiquer que bien souvent leurs modes d’intégration divergent sensiblement de celui qui caractérisait les immigrations majoritaires jusqu’au début des années soixante. Ce constat a amené certains chercheurs à se demander si le modèle d’intégration par rapprochement progressif à la norme dominante, considéré comme un processus universel par les premiers sociologues de l’immigration, notamment de l’école de Chicago (Park, Burgess, Thomas et Znaniecki), n’était pas en réalité spécifique à une époque donnée – celle de la période d’expansion industrielle –, et à certaines populations – les originaires d’Europe du Sud et de l’Est. Les risques accrus de l’acculturation Depuis une trentaine d’années plusieurs phénomènes sont apparus qui fragilisent l’articulation entre acculturation et ascension socio-économique et qui semblent rendre les nouvelles générations issues de l’immigration vulnérables à des formes d’intégration négative. Celles-ci, au lieu de mener à une mobilité ascendante, risquent d’aboutir à une mobilité bloquée, voire descendante. Le passage d’une immigration européenne à une immigration en provenance des pays du tiers-monde a contribué à l’émergence d’une DÉBATS JEUNESSES #22 AGORA Enfin, le renforcement de la ségrégation urbaine et la dégradation du climat social dans les quartiers à forte concentration d’immigrés et de minorités raciales exposent les nouveaux venus à l’influence d’une jeunesse urbaine de plus en plus marginalisée. Les adolescents migrants ou issus de l’immigration peuvent être tentés de s’intégrer à une communauté juvénile marquée par la déscolarisation, la délinquance et le chômage, dans la mesure où celle-ci représente la “ norme ” dans leur environnement immédiat et où les perspectives d’ascension sociale par l’école et le travail sont incertaines. Néanmoins, les jeunes ont peu d’espoir d’accéder à des conditions de travail satisfaisantes s’ils n’obtiennent pas une véritable qualification professionnelle. Pour ceux qui ne bénéficient pas d’une telle formation les deux principales possibilités qui s’offrent à eux afin d’échapper aux petits boulots mal payés sont la participation à l’économie délinquante et l’insertion par l’intermédiaire de la spécialisation ethnique. Dans les quartiers défavorisés : une intégration contradictoire Pour les chercheurs comme Alejandro Portes et Min Zhou qui tentent, à partir des études récentes sur les différentes communautés, de dessiner l’avenir des nouvelles générations issues de l’immigration dans une société à la fois de plus en plus multi-ethnique et de plus en plus polarisée, “ une stratégie d’assimilation sélective et ralentie pourrait s’avérer être le meilleur recours pour les minorités immigrées ”8. La pra- 7 Portes, A., Zhou, M., “ The New Second Generation : Segmented Assimilation and Its Variants ”, The Annals of the American Academy of Political and Social Science, vol. 530, nov. 1993. 8 Ibid. DÉBATS JEUNESSES #22 Immigrés en France et aux USA deuxième génération “ de couleur ”, plus exposée que les précédentes à la discrimination ethnique et raciale. Si les premiers immigrés italiens furent indéniablement la cible des sentiments xénophobes et du mépris de la population majoritaire d’origine anglo-saxonne, leur assimilation à la société des classes moyennes américaines fut néanmoins achevée en l’espace de trois générations. L’hostilité initiale ne s’est pas transformée dans leur cas en discrimination institutionnalisée. L’expansion économique ainsi que l’arrivée de nouveaux groupes immigrés, perçus comme encore plus étrangers à la culture “ blanche ” et européenne, leur a permis de franchir la double barrière culturelle et sociale qui sépare les minorités pauvres et indésirables des Américains des classes moyennes, dotés d’une ethnicité “ banalisée ”, dénuée de toute connotation négative. Mais il n’est pas certain que cela soit le cas pour les dernières vagues de migrants, dont les perspectives de mobilité professionnelle semblent moins prometteuses. En effet la nouvelle économie en “ sablier ” qui polarise la majorité des débouchés entre d’une part les secteurs dégradés des emplois précaires et non qualifiés qu’occupent traditionnellement les primo-arrivants, et d’autre part les secteurs des emplois stables demandant un degré de qualification toujours plus élevé, rend de plus en plus difficile la mobilité progressive et l’accès aux positions intermédiaires. L’économie en sablier oblige les immigrés d’aujourd’hui à surmonter en l’espace d’une génération la distance entre les emplois non qualifiés et les positions beaucoup plus prestigieuses auxquels les groupes précédents accédaient en l’espace de deux ou trois générations ”7. 79 Immigrés en France et aux USA À la première génération, les migrants forment une véritable petite communauté ethnique relativement isolée du reste de la société. 80 tique du “ communautarisme ” permettrait ainsi de ralentir l’acculturation des enfants aux valeurs consuméristes de la société américaine et fonctionnerait comme un frein à leur intégration à la jeunesse urbaine exclue, en leur assurant éventuellement des possibilités d’insertion économique au sein des niches d’emplois occupées par leurs parents 9 . D’après ce nouveau schéma, appelé segmented assimilation, le développement de réseaux ethniques permettrait à la fois de soutenir et de contrôler l’orientation des plus jeunes au sein de la société américaine. De ce point de vue le maintien d’éléments de la culture des parents (la langue, la valeur de l’épargne, le respect de l’autorité), loin de représenter une entrave à l’intégration, favoriserait en dernière instance l’accès à la mobilité économique par des canaux détournés10. Aujourd’hui, il existe encore parmi les jeunes issus de l’immigration des parcours d’assimilation linéaire classique, caractérisés par la concordance entre le processus d’acculturation et le processus de mobilité sociale. Cependant, les chercheurs observent la fréquence croissante de deux autres types de parcours ; à savoir, l’assimilation aux catégories exclues de la population urbaine et l’insertion économique par la création 9 Gans, H.J., “ Second-generation decline: scenarios for the economic and ethnic futures of the post-1965 American immigrants ”, Ethnic and Racial Studies, vol. 15, n° 2, avril 1992. 10 Portes, A. (ed), The Economic Sociology of Immigration. Essays on Networks, Ethnicity and Entrepreneurship, Russel Sage Foundation, NY, 1995. AGORA d’enclaves ethniques relativement fermées sur ellesmêmes accompagnée d’un retardement délibéré de l’acculturation aux valeurs et aux normes de la société environnante. Afin de comprendre les raisons pour lesquelles les jeunes générations issues des diverses populations immigrées s’orientent plutôt vers l’une ou l’autre des modalités d’adaptation décrites ci-dessus, il est indispensable de tenir compte du contexte local dans lequel elles évoluent. Car les transformations globales dans la société, ainsi que les spécificités des groupes sont toujours médiatisées par l’environnement immédiat. Les orientations culturelles des immigrés ne sont pas seulement le produit de la structure sociale de la communauté immigrée, mais relèvent également de l’environnement social immédiat. Il se peut que dans les quartiers défavorisés, où les conditions de vie sont difficiles et les éléments déstabilisateurs nombreux, les familles immigrées soient amenées à préserver de manière volontariste les valeurs traditionnelles par l’intermédiaire de la solidarité ethnique, et ce afin d’empêcher l’assimilation de la génération suivante aux couches les plus défavorisées de la société américaine. [...] La question du contexte social permet de voir comment des dynamiques différentes peuvent être à l’œuvre chez différents ensembles d’immigrés. Ceux qui possèdent suffisamment de capital financier ou humain trouveront sans doute que l’assimilation rapide à la société d’accueil sera avantageuse. Si les immigrés ont des revenus suffisants, ils préféreront certainement s’installer dans les quartiers où vivent les DÉBATS JEUNESSES #22 AGORA sion, voire en conflit avec les deux autres. L’ethnicisation croissante des identités des uns et des autres, ainsi que des représentations que chaque groupe entretient des autres, est le fruit de ces tensions. Les jeunes issus des immigrations les plus récentes, en particulier ceux arrivés au cours de l’enfance et de l’adolescence et qui doivent s’adapter à leur nouvel environnement, vivent ces tensions multiples de manière particulièrement aiguë. Ils sont sommés de se conformer simultanément aux attentes de leurs familles et des membres de leur communauté d’origine, aux jugements des autres jeunes qui habitent leurs quartiers et fréquentent les mêmes écoles qu’eux, et aux injonctions des représentants de la société d’accueil, en particulier des enseignants. On observe actuellement une stigmatisation croissante de la jeunesse urbaine en situation d’exclusion – afro-américaine et hispanique aux États-Unis, maghrébine et afroantillaise en France – et l’émergence parmi certains de ces jeunes d’une posture oppositionnelle et anti-scolaire – déjà très affirmée dans le contexte américain, encore relativement minoritaire dans le contexte français. Au fur et à mesure que les communautés juvéniles des quartiers populaires à forte concentration d’immigrés et de minorités deviennent le principal pôle d’identification négative, on constate un rapprochement 11 Zhou, M., “ Social Capital and the Adaptation of the Second Generation : The Case of Vietnamese Youth in New Orleans ”, International Migration Review, vol. 28, n° 4, 1994. 12 Calogirou, C., Sauver son honneur. Rapports sociaux en milieu urbain défavorisé, L’Harmattan, 1989. Henriot-Van Zanten, A., L’école et l’espace local. Les enjeux des zones d’éducation prioritaires, Presses Universitaires de Lyon, 1990. 13 Portes et Zhou, op. cit. DÉBATS JEUNESSES #22 Immigrés en France et aux USA classes moyennes et adopter les caractéristiques apparentes de leurs voisins. Mais lorsque les immigrés sont dépourvus de ressources individuelles, ils ont tendance à se retrouver dans des quartiers stigmatisés. Dans ce cas, l’ethnicité elle-même peut devenir une ressource ; il se peut même que cela soit la seule ressource à laquelle ils puissent accéder11. Ainsi, plus l’environnement immédiat est menaçant, plus la concentration des membres d’un même groupe immigré est forte et moins ils sont pourvus de ressources matérielles et culturelles, plus la communauté sera tentée de se refermer sur elle-même afin de préserver ses jeunes contre les risques d’une assimilation défavorable. Toute la logique de l’honneur et de la réputation, si prégnante chez les familles habitant dans les cités disqualifiées, relève de cette dynamique par laquelle les groupes et les individus tentent de s’orienter au mieux entre les logiques des différents acteurs en présence et en conflit12. Dans les quartiers difficiles, aussi bien aux États-Unis qu’en France, les jeunes issus de l’immigration ne sont pas confrontés uniquement à une tension entre leur communauté d’origine d’un côté et la société d’accueil de l’autre, mais bien à une triangulation des tensions sociales et culturelles. Les trois pôles de cette configuration des relations sont les suivants13 : 1. La communauté des immigrés et la culture familiale. 2. La communauté juvénile urbaine et la culture du groupe des pairs. 3. La société majoritaire et la culture dominante, véhiculée par les institutions telle que l’école. Chacune de ces entités peut être en ten- 81 Immigrés en France et aux USA 82 paradoxal entre les deux autres pôles. Ainsi, la spécificité culturelle et la distance à l’égard de leur environnement immédiat, volontairement entretenues par certains individus et groupes issus de l’immigration, constituent de plus en plus souvent une stratégie d’intégration “ indirecte ” aux couches moins défavorisées de la société d’accueil. Pertinence de la notion d’assimilation segmentée dans le contexte français Les phénomènes qui favorisent le passage d’une assimilation de type linéaire à des formes d’assimilation “ segmentées ” chez les jeunes issus de l’immigration – la substitution des courants migratoires européens par des courants en provenance d’Afrique et d’Asie, la dualisation de l’économie, le renforcement de la ségrégation urbaine – sont également présents dans le contexte français. La différence avec la situation américaine concerne le degré d’intensité de ces phénomènes. La ségrégation géographique et ethnique des ghettos américains est, par exemple, beaucoup plus importante que celle que l’on observe dans les banlieues françaises14. Une autre différence entre la situation française et américaine tient à l’opposition très nette aux États-Unis entre les représentations négatives associées à l’appartenance à la catégorie raciale des Noirs et les représentations plutôt positives associées à la revendication d’une appartenance “ immigrée ”. Ainsi, les pratiques communautaristes et le maintien d’une identité étrangère peuvent apparaître d’une efficacité plus immédiate pour contrer l’assimilation à la jeunesse urbaine exclue, largement identifiée dans le contexte américain à la catégorie des Noirs. Comme le souligne une chercheuse américaine : AGORA “ L’expérience afro-américaine a une importance stratégique de premier ordre dans la compréhension des phénomènes d’assimilation descendante. Toutes les nationalités entretiennent l’image du sous-prolétariat urbain comme un point de référence central, leur permettant de se positionner dans la société globale. [..] L’image que les immigrés entretiennent d’eux-mêmes est une image optimiste, souvent renforcée par une définition négative des autres groupes qui font l’expérience d’une mobilité bloquée ”15. Pour les populations issues de l’immigration en France, la distinction entre les pôles de référence négatif et positif est sans doute moins nettement délimitée, ou en tout cas moins “ racialisée ”, même si la référence aux jeunes d’origine maghrébine sert fréquemment de repoussoir pour les groupes issus des autres immigrations, en particulier les plus récentes tels que les Turcs, les Asiatiques ou les originaires du sous-continent Indiens. La distinction pertinente serait plutôt à établir entre les jeunes natifs des quartiers défavorisés qui, quelles que soient leurs origines, participent aux communautés juvéniles multi-ethniques banlieusardes et ceux qui, souvent en raison d’une arrivée tardive dans le pays, et/ou parce qu’ils maintiennent des attaches importantes avec la communauté d’origine (au sens de l’origine nationale), restent en marge de la culture des cités. Le cas des Tamouls de Garges 14 Wacquant, L., “ Pour en finir avec le mythe des «citésghettos». Les différences entre la France et les …tats-Unis ”, Les Annales de la recherche urbaine, n° 54, 1992. 15 Fernandez-Kelly, P., “ Divided Fates : Immigrant Children in a Restructured U.S. Economy ”, International Migration Review, vol. 28, n° 2, avril 1992. DÉBATS JEUNESSES #22 AGORA des représentants des institutions et des classes moyennes françaises présents dans la banlieue, en particulier par l’intermédiaire de la mise en avant d’un certain exotisme. Troisièmement, l’hostilité des jeunes natifs de la banlieue, en particulier noirs et maghrébins, envers ceux qu’ils appellent les “ Hindous ” (toutes les personnes originaires du sous-continent indien), révèle le face-à-face entre deux formes d’intégration distinctes : l’une s’appuyant davantage sur l’attachement au quartier, sur la mixité ethnique et sur l’affirmation d’une identité juvénile, l’autre s’appuyant sur les réseaux communautaires qui débordent largement les limites géographiques du quartier, sur l’autorité des aînés, et sur un fort investissement dans le travail17. C’est en 1988 que les premières familles tamoules se sont installées à Garges-lèsGonesse. L’implantation dans la ville fut rapide et importante, atteignant près de deux cents familles au début des années quatrevingt-dix. La disponibilité de nombreux grands appartements, vendus à des prix avantageux et situés dans une cité proche de la gare du RER, a incité les membres de la communauté à mettre en place un système d’achat en copropriété avec des crédits de vingt ans ; la location de chambres à des compatriotes, souvent isolés et nouvellement arrivés en France, permettant par la suite de contribuer au remboursement des traites. La 16 Schiff, C., Situation migratoire et condition minoritaire. Une comparaison entre les adolescents primo-arrivants et les jeunes de la deuxième génération vivant en milieu urbain défavorisé. Thèse de Doctorat de sociologie sous la direction de Michel Wieviorka, EHESS, 27 janvier, 2000, 358 pages. 17 Schiff, C., “ Espace et identité chez deux jeunesses «immigrées» ” in Michel Wieviorka (dir.), La différence culturelle : pour une nouvelle formulation des débats, Actes du Colloque de Cerisy, 21-28 juin 1999, Balland, 2001. DÉBATS JEUNESSES #22 Immigrés en France et aux USA Lors d’une recherche menée sur les jeunes issus de l’immigration vivant dans la banlieue de Garges-lès-Gonesse 16 en région parisienne, nous avons rencontré une situation qui nous a paru illustrer les tensions entre les collectivités juvéniles qui affirment une identité “ banlieusarde ”, les nouvelles communautés immigrées et les représentants de la société majoritaire. Il s’agit du cas des Tamouls sri lankais et de la formation d’une “ enclave ” ethnique dans la ville. En effet, la situation de ce groupe est représentative des tendances précédemment décrites à plusieurs égards. Premièrement, elle est exemplaire d’une adaptation de type “ communautariste ” et d’une stratégie d’insertion très sélective. Les membres du groupe s’appuient sur les structures collectives et sur les ressources de la communauté pour se faire une place dans la société d’accueil, en particulier par l’intermédiaire de pratiques de cooptation au sein de certains secteurs économique bien délimités. Certains éléments de la culture d’accueil sont certes intégrés progressivement, mais les transformations observées, en particulier chez les jeunes, n’aboutissent pas à une prise de distance à l’égard de la communauté et à une mixité ethnique accrue comme c’est généralement le cas chez les migrants plus anciens, notamment du Maghreb qui n’ont pas ce fonctionnement “ communautaire ”. Deuxièmement, on constate chez les Tamouls une stratégie de distanciation particulièrement marquée vis-à-vis des groupes les plus stigmatisés noirs et maghrébins. Parallèlement, on observe chez eux des tentatives de valorisation de leur propre culture aux yeux 83 Immigrés en France et aux USA Dans les banlieues difficiles s’opposent deux types de “ communautés ” dont l’organisation, le système de valeurs et l’expérience sont comme des images inversées l’une de l’autre 84 nécessité de rembourser à la fois les dettes contractées pour pouvoir quitter leur pays, ainsi que les frais d’installation en France, explique que les adultes sri lankais, hommes et femmes, ont fréquemment des horaires de travail exorbitants, et occupent parfois deux emplois à plein temps. La mobilité géographique des Tamouls est assez importante. Lorsque nous avons débuté notre enquête sur la communauté en 1994, de nombreuses familles avaient déjà déménagé à l’étranger, à Paris ou dans d’autres banlieues, laissant une communauté d’un peu plus d’une centaine de familles sur Garges. Les jeunes hommes en particulier ont tendance à déménager dans la capitale une fois qu’ils ont trouvé un emploi. Les agressions et les rackets répétés à l’encontre des individus originaires du sous-continent indien et la dégradation du climat social de la ville entre 1992 et 199518 ont contribué à précipiter le départ de ceux qui avaient les moyens de s’installer ailleurs. Ceux qui restent dans la ville habitent principalement dans une cité proche de la gare, au centre de laquelle se trouve un petit magasin spécialisé dans les produits indiens. Le square situé devant le magasin sert à l’occasion de lieu de rassemblement pour les 18 Peralva, A., Violences juvéniles en milieu urbain. Enquête qualitative sur les violences urbaines : le site de Garges-lèsGonesse, Rapport CADIS pour L’Institut des Hautes Études de la Sécurité Intérieure, mars 1995. AGORA adolescents sri lankais qui sont moins exposés là qu’ailleurs aux brimades et aux agressions des autres jeunes de Garges. Quelques commerces ont été ouverts par des Tamouls dans d’autres quartiers de la ville, mais ils desservent essentiellement les besoins de la communauté. D’une manière générale, les jeunes, ainsi que les adultes, sont tournés davantage vers Paris et vers le quartier tamoul du dixième arrondissement que vers leur banlieue de résidence. Lorsqu’ils ont affaire aux institutions locales ils entreprennent leurs démarches le plus souvent de manière collective. Les inscriptions aux stages de français, offerts par les divers services municipaux sont effectuées en groupe, afin de s’assurer le moins possible de contacts avec les autres “ immigrés ” de la ville. Tous les représentants des institutions s’accordent d’ailleurs pour déplorer le manque d’ouverture des Sri Lankais à l’égard du reste de la population gargeoise, même s’ils soulignent par ailleurs le faible taux de délinquance juvénile dans cette communauté. Les jeunes restent effectivement très en marge des communautés juvéniles des cités, fréquentant quasi exclusivement des compatriotes en dehors du cadre scolaire, même lorsque plusieurs années de vie en France les amènent à intégrer les goûts vestimentaires et musicaux d’une jeunesse urbaine occidentalisée. Plutôt que de s’intégrer individuellement à la jeunesse des banlieues, ils introduisent dans leur propre culture des éléments de la culture urbaine américanisée, produisant un curieux syncrétisme, tel que le rap tamoul, DÉBATS JEUNESSES #22 AGORA Le discours des jeunes, souvent de la deuxième ou de la troisième génération, à propos de ces “ vrais ” immigrés20 ressemble à une traduction dans le langage des banlieues du discours dominant sur “ l’intégration ” et sa dénonciation du “ communautarisme ”, qui prend habituellement pour cible les populations dont eux-mêmes sont issus. L’apparente absence de volonté d’intégration des “ Hindous ” est d’autant plus critiquée qu’elle semble paradoxalement constituer le secret de leur “ réussite ” et ne susciter aucune véritable condamnation de la part des institutions ou des personnes en position de pouvoir. Les filles en particulier, plus modérées que les garçons dans leurs condamnations des “ Hindous ”, avouent que la solidarité intra-communautaire de ces nouveaux venus et leur ardeur au travail ne font qu’exacerber leur sentiment d’amertume à l’égard de leurs propres difficultés d’insertion. - Les Hindous ils s’en sont mieux sortis que nous. Ils savent se débrouiller... - Ils font du commerce, ils font plein de trucs. Ils se débrouillent mieux que les autres. Franchement. Y’a des endroits à Paris, à la Gare du Nord, y’a qu’eux. Ils ont plein de magasins. - C’est pour dire : ils sont venus comme les Blacks, comme les Arabes. Ils avaient rien, et 19 Les jeunes ne font pas la différence entre les réfugiés sri lankais, petits commerçants, ou employés comme main-d’oeuvre bon marché dans des établissements privés tels que les restaurants, et les Pakistanais ou Bangladaishis, qui exercent fréquemment des activités de vendeurs ambulants (fleurs, cacahuètes, etc.). 20 Il existe encore très peu de jeunes originaires du souscontinent indien nés en France. La plupart d’entre eux sont arrivés au cours de l’enfance ou de l’adolescence, voire à l’age adulte. DÉBATS JEUNESSES #22 Immigrés en France et aux USA parsemé de termes en anglais. Les filles, quant à elles, restent plus fidèles à la culture d’origine et continuent occasionnellement à s’habiller de manière traditionnelle et à investir dans l’apprentissage de la danse indienne. En dehors de quelques contacts habilement entretenus avec les représentants des institutions, la communauté sri lankaise affiche ainsi un comportement d’évitement à l’égard des autres habitants de Garges, en particulier des jeunes “ blacks ” et “ beurs ”. Ces derniers à leur tour n’hésitent pas à exprimer leur hostilité à l’encontre de ces immigrés qui leur paraissent à la fois hautains et “ ringards ”. Dans les propos des jeunes natifs de la banlieue sur les “ Hindous ”, le mépris à l’égard des derniers venus, des “ clandés ”, des plus pauvres et des plus dominés, qui sont obligés d’effectuer des tâches aussi indignes que de vendre des cacahuètes dans le métro, se mêle à la jalousie et au ressentiment envers cette communauté qui semble faire preuve paradoxalement d’une certaine réussite économique19. Que le ton soit celui de la condescendance ou de l’envie, les jeunes reprochent avant tout aux “ Hindous ” de ne pas se mélanger aux autres, de persister à parler leur langue, de s’habiller différemment ; en un mot, de ne pas “ s’intégrer ” comme ils estiment en avoir fait eux-mêmes l’effort. - “ C’est des gens qui sont renfermés sur eux. ” - “ On dirait qu’ils font pas partie de notre communauté. ” - “ Ils se prennent pour des gens sérieux. Ils parlent plutôt de leurs commerces. ” - “ Dès que tu les vois, ils traversent la rue, ils commencent à parler. Tu comprends pas. T’as l’impression qu’ils parlent sur nous. ” 85 Immigrés en France et aux USA À la seconde génération, se constitue une communauté juvénile qui fonctionnerait comme un “ sas ” pour des jeunes de plus en plus éloignés de leur culture d’origine. 86 maintenant regardez : c’est eux qui ont plus. - Tu les vois avec des Mercedes et tout hein. Ils sont solidaires entre eux. Moi je suis partie demander du boulot chez les Hindous. Ils ont dit : “ Non, chez nous on prend que des Hindous ”. Ils travaillent toujours entre eux, la même famille généralement. Ils sont pas aimés. C’est peut-être la jalousie, étant donné qu’ils s’en sortent mieux que les autres. Les Noirs, les Arabes, les Africains, tout ce que tu veux, qui sont arrivés avant les Hindous, ils s’en sont pas sortis comme les Hindous maintenant. Ils s’aident pas entre eux. Ils sont pas solidaires quoi. Un Noir, il va penser d’abord à son truc à lui ; il va pas aider l’autre. Un Noir, s’il a un boulot, il va pas dire à l’autre : “ j’ai du travail ” ou “ y’a une entreprise qui embauche là-bas ”. Il va plutôt proposer le boulot à un Français que à un Noir. Ainsi, dans les banlieues difficiles s’opposent deux types de “ communautés ” dont l’organisation, le système de valeurs et l’expérience sont comme des images inversées l’une de l’autre. Dans ce face-à-face, l’acteur principal reste néanmoins la société dominante et la relation que chacune des deux entités en conflit entretient à ses institutions et aux personnes en position d’autorité. D’un côté l’on trouve des communautés nouvellement implantées, caractérisées par une nette tendance à l’auto-ségrégation, et dépourvues de familiarité avec la culture et la société française. Les membres de la communauté sri lankaise expriment pourtant confiance et respect envers les représentants AGORA des institutions de la République qui leur ont offert le droit d’asile. En dépit de leur méconnaissance de la société d’accueil, ils parviennent tant bien que mal à s’insérer dans les interstices et les marges d’une économie en mutation, à l’aide de fonctionnements collectifs et en acceptant des conditions de travail souvent précaires, tout au moins pendant les premières années après leur installation. De l’autre côté, on trouve des jeunes le plus souvent socialisés en banlieue, qui peuvent être d’origines diverses, mais dont la caractéristique principale est d’avoir délaissé leurs attaches traditionnelles pour adopter les goûts, les habitudes et les aspirations d’une jeunesse française multi-ethnique. À la différence des premiers, ils sont caractérisés par une appartenance de fait à la société française. Celle-ci s’accompagne parfois d’une attitude de méfiance à l’égard des institutions, et notamment de l’école lorsqu’elle ne leur a pas permis d’accéder à un statut social plus valorisé que celui qu’occupent leurs parents. Car bon nombre d’entre eux ne parviennent pas à s’insérer durablement sur un marché de l’emploi de plus en plus scindé entre les petits boulots précaires et les emplois plus protégés et qualifiés. Pour l’accès à ces derniers la concurrence est rude avec les jeunes d’apparence plus “ française ” qui ne subissent pas la discrimination ethnique, alors que pour l’accès aux emplois peu qualifiés les nouveaux immigrés s’avèrent souvent plus malléables et plus à même de profiter des réseaux communautaires que les jeunes déjà très acculturés. DÉBATS JEUNESSES #22 The integration of immigrant children has for long been experienced and perceived as the pathway from the native community to the host society However, the pattern is too simplistic to give an account of the complex situations native-born children of immigrants are experiencing, in particular for those recently arrived from the Southern countries and living in underpriviledged areas. Recent researches carried out in the United States suggest that some forms of adaptation distant from the traditional model are possible without being confined for all that to a mere «community withdrawal «. Neue Einwanderungsjugendliche in Frankreich und in den Vereinigten Staaten : in Richtung einer nicht linearischen Integration Die Integration der Kinder der Einwanderer wurde lange als Übergang von der Herkunftsgemeinschaft zur Empfangsgesellschaft erlebt und empfunden. Dieses Schema ist aber zu vereinfachend, um die Komplexität der Situationen in der die Jugendlichen der Einwanderung leben und insbesondere diejenigen aus den Südländern, die in benachteiligten Gegenden wohnen, darzustellen. Neue Untersuchungen, die unter anderem in den Vereinigten Staaten durchgeführt wurden, deuten daraufhin, dass es Anpassungsformen gibt, die sich zwar vom traditionnellen Schema entfernen aber auch nicht auf einen einfachen “ Gemeinschaftsrückzug ” reduzieren. Nuevas juventudes inmigradas en Francia y en Estados Unidos: hacia una integración no lineal. La integración de los hijos de inmigrantes fue vivida y percibida mucho tiempo como el paso de la comunidad de origen hacia la sociedad de acogida. Pero este esquema es demasiado simplista para dar buena cuenta de la complejidad de las situaciones que viven actualmente los jóvenes procedentes de la inmigración, especialmente aquellos recientemente llegados de los países del Sur y que residen en barrios desfavorecidos. Unas investigaciones recientes llevadas a cabo especialmente en Estados Unidos sugieren que existen formas de adaptación que difieren del modelo tradicional pero que no se resumen sin embargo a un mero “repliegue comunitario”. AGORA DÉBATS JEUNESSES Immigrés en France et aux USA New immigrant young people in France and USA : towards a non-linear integration 87 #22