Journée Métal France 2023
Lise Bastardoz, Antoine Amarger, Clémence Cauvin-Hardy, Marie Fays,
Marine Bayle, Léa Freydefont, Catherine Didelot, Marie-Anne Loeper-Attia,
Philippe Pagnon, Aymeric Raimon, et al.
To cite this version:
Lise Bastardoz, Antoine Amarger, Clémence Cauvin-Hardy, Marie Fays, Marine Bayle, et al.. Journée
Métal France 2023 : Protection du patrimoine métallique Entre efficacité, réversibilité, esthétisme et
illusions. Elodie Guilminot Arc’Antique, 2023. hal-03981126
HAL Id: hal-03981126
https://hal.science/hal-03981126
Submitted on 9 Feb 2023
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JOURNEE METAL FRANCE 2023
ICOM France 2023
Protection du patrimoine métallique
Entre efficacité, réversibilité, esthétisme et illusions,
© LRMH, 2015
Musee des Arts Decoratifs
Lundi 16 janvier 2023
Organisation
• Arc’Antique : Jane Echinard et Elodie Guilminot
• MAD (Musee des Arts Decoratifs) : Catherine Didelot
• Anne Genachte - Le Bail
• Luc Robbiola
• Cristina Chiavari
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Table des matieres
Programme de la Journée
Session 1 - Protection en extérieur – Cas d’étude
Présentation 1
Lise Bastardoz, Diana Da Silva
Entretien de sculptures métalliques en milieu agressif : le cas des Maillol du jardin du Louvre
5
11
Présentation 2
21
Antoine Amarger
Étude préalable à la restauration du Monument aux combattants et défenseurs du Tarn et Garonne de
1870 par Bourdelle à Montauban pour le musée Ingres-Bourdelle
Session 2 - Protection en extérieur – Étude et retour d’expérience
Présentation 3
Aurelia Azema, Anne-Marie Geffroy
Parer et protéger la fonte de fer : témoignages de la diversité des pratiques entre le XIXe et le XXe siècle
29
Présentation 4
41
Charlène Pelé Meziani, Gilles Baron, Elodie Guilminot, Loretta Rossetti
L’exposition des objets du patrimoine de grandes dimensions : quand la protection devient le dernier
rempart aux reprises de corrosion
Présentation 5
Silvia Lob, Delphine Neff
Protection des cuivres historiques par des sol-gels dopés par des acides carboxyliques
Session 3 - Protection en intérieur
Présentation 6
Marie Fays, Jean-Bernard Memet, Marine Crouzet, Paul Houssin
Les défis de la protection de l’Espadon : seul sous-marin à flot visitable en France
51
61
Présentation 7
71
Géraldine Aubert, Annabelle Collinet
Conservation des alliages de cuivre et des incrustations métalliques du département des arts de l’Islam,
musée du Louvre—2010-2022
Présentation 8
Eve Paillaux, Florence Dussère, Édith Joseph
Protéger le mobilier archéologique en alliage cuivreux à l’aide des champignons : une solution ?
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Table des matieres
Session 4 - Protection en intérieur – Conservation Préventive
Présentation 9
Louis Lecoubet, Anne Genachte-Le Bail, Aurélie Tournié, Monika Neuner
Recherche d’un système pour la protection d’un tain à l’argent contre le ternissement : réflexion entre
efficacité, impact matériel et visuel
Présentation 10
Marie-Anne Loeper-Attia, Oulfa Belhadj, Jean Thomas Vié, Émeline Gouillart, Eliott Mestrallet
Le Tyvek® et les métaux : toujours un bon choix ?
91
101
Présentation 11
107
Michaela Florescu, Stavroula Golfomitsou, Elyse Canosa, Mariateresa Pullano, Malin Borin, Eva Nygårds,
Karin Hermerén
Suivi de l’état de conservation des sculptures en métal et de leur environnement dans les musées d’art en
Suède
Session Posters
Poster 1
Clémence Cauvin-Hardy, Charlotte Trigance, Anna Solon
État des lieux de la passerelle métallique de l’ancien site ouvrier de Noisiel
122
Poster 2
Marine Bayle, Marie Fays, Philippe de Viviés
Re-ternissement de l’argent post-nettoyage : étude de différents systèmes de protection
124
Poster 3
Léa Freydefont, Marie-Anne Loeper-Attia, Barbara Laik, Stéphane Crevat
Le cyclodécane comme protection temporaire pour le traitement électrochimique d’un baiser de paix en
argent et vermeil
126
Poster 4
Marie-Anne Loeper-Attia, Laura Caru, Catherine Didelot, Léa Freydefont
Veille sanitaire sur les argents : un chantier-école de l’Inp au MAD
128
Poster 5
Philippe Pagnon
Restauration de la statue équestre de Napoléon 1er pour la ville de Rouen
130
Poster 6
132
Aymeric Raimon, Lara Bonnin, Charlène Pelé-Meziani
Recherche appliquée sur la chalconatronite : réflexions autour de la protection d’une corrosion mal connue
Contacts Organisateurs
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Programme de la conférence
Lundi 16 Janvier 2023
8:30-8:55 : Accueil des participants
9:00 : Introduction à la journée
Session 1 : Protection en extérieur – Cas d’étude
9:05 Lise Bastardoz, Conservatrice-restauratrice, Indépendante
Entretien de sculptures métalliques en milieu agressif : le cas des Maillol du jardin du Louvre
9:30 Antoine Amarger, Conservateur-restaurateur, Indépendant
Étude préalable à la restauration du Monument aux combattants et défenseurs du Tarn et Garonne de 1870 par
Bourdelle à Montauban pour le musée Ingres-Bourdelle
Session Posters : Présentation Flash des Posters
Poster 1 Clémence Cauvin-Hardy, Chargée de projets, Sherlock Patrimoine
État des lieux de la passerelle métallique de l’ancien site ouvrier de Noisiel
Poster 2 Marie Fays, Conservatrice-restauratrice, Marine Bayle, Ingénieure de Recherche, Philippe de Viviés, Conservateur-restaurateur, A-Corros
Re-ternissement de l’argent post-nettoyage : étude de différents systèmes de protection
Poster 3 Léa Freydefont, Conservatrice-restauratrice
Conservation-restauration d’un baiser de paix en argent et vermeil, musée du Louvre - le cyclododécane comme
protection temporaire
Poster 4 Marie-Anne Loeper-Attia, Conservatrice-restauratrice, Cité de la Musique
Veille sanitaire sur les argents : un chantier-école de l’Inp au MAD
Poster 5 Philippe Pagnon, Fonderie Coubertin
Restauration de la statue équestre de Napoléon 1er pour la ville de Rouen
Poster 6 Aymeric Raimon, Conservateur-restaurateur, Laboratoire Arc’Antique
Recherche appliquée sur la chalconatronite : réflexions autour de la protection d’une corrosion mal connue
10H30 – 11H00 Pause-Café autour des Posters
Session 2 : Protection en extérieur – Étude et retour d’expérience
11:00 Aurelia Azema, Ingénieure de recherche, LRMH-CRC (UAR 3224), Anne-Marie Geffroy, Conservatricerestauratrice, EIRL ICARE METAL
Parer et protéger la fonte de fer : témoignages de la diversité des pratiques entre le XIXe et le XXe siècle
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11:25 Charlène Pelé Meziani, Ingénieure d’étude, Laboratoire Arc’Antique
L’exposition des objets du patrimoine de grandes dimensions : quand la protection devient le dernier rempart aux
reprises de corrosion
11:50 Silvia Lob, Post-Doctorante, LAPA, NIMBEIRAMAT
Protection des cuivres historiques par des sol-gels dopés par des acides carboxyliques
12H15-13H55 : Pause Repas
Session 3 : Protection en intérieur
14:00 Marie Fays, Conservatrice-restauratrice, A-Corros
Les défis de la protection de l’Espadon : seul sous-marin à flot visitable en France
14:25 Géraldine Aubert, Conservatrice-restauratrice, Indépendante, Annabelle Collinet, Ingénieure de recherche,
Musée du Louvre
Conservation des alliages de cuivre et des incrustations métalliques du département des arts de l’Islam, musée du
Louvre—2010-2022
14:50 Eve Paillaux, Conservatrice-restauratrice, CREAM
Protéger le mobilier archéologique en alliage cuivreux à l’aide des champignons : une solution ?
15H15 – 15H45 Pause-Café autour des Posters
Session 4 : Protection en intérieur – Conservation Préventive
15:45 Louis Lecoubet, Conservateur-restaurateur
Recherche d’un système pour la protection d’un tain à l’argent contre le ternissement : réflexion entre
efficacité, impact matériel et visuel
16:10 Marie-Anne Loeper-Attia, Conservatrice-restauratrice, Cité de la Musique
Le Tyvek® et les métaux : toujours un bon choix ?
16:35 Michaela Florescu, Conservatrice-restauratrice, Moderna Museet, Stockholm, Suède
Suivi de l’état de conservation des sculptures en métal et de leur environnement dans les musées d’art en
Suède
17H00-17H15 : Discussion sur les protections et Bilan de la journée
17H30 - Clôture de la journée
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Articles
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Session 1
Protection en exterieur – Cas d’etudes
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Présentation 1
Lise Bastardoz et Diana Da Silva
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ENTRETIEN DE SCULPTURES MÉTALLIQUES EN MILIEU AGRESSIF : LE CAS DES
MAILLOL DU JARDIN DU LOUVRE
Lise Bastardoz*
Conservatrice-restauratrice indépendante
L.bastardoz@gmail.com
Diana Da Silva, Conservatrice-restauratrice indépendante
atelier.dianadasilva@gmail.com
* Autrice correspondante
Résumé
Le corpus de sculptures en bronze et alliages de plomb présenté au jardin du Carrousel à Paris, géré par le Louvre,
pose de sérieuses problématiques d’entretien liées à un public nombreux et varié. Soumises aux intempéries mais
aussi aux contacts répétés des visiteurs, aux volatiles, au vandalisme volontaire comme à l’escalade innocente, les
œuvres présentent des usures de patine localisées et une consommation accélérée des protections de surface.
Après presque quatre décennies de présentation et huit ans d’entretien par nos soins, nous nous proposons de
faire un retour d’expérience sur les fréquences et méthodes de protection (cirage) adoptées et sur leur efficacité
pour essayer de faire perdurer les patines originelles (« patines fondeur»), encore perceptibles.
Mots clés
Bronze, Plomb, Entretien, Extérieur, Vandalisme, Art public, Retour d’expérience
Introduction
Le jardin du Carrousel situé entre les ailes du Louvre à Paris présente depuis 1964-1965 une vingtaine de sculptures
d’Aristide Maillol en bronze ou alliage de plomb, dans une disposition choisie par l’ayant droit de l’artiste, Dina Vierny. Les sculptures, placées sur des socles volontairement très bas et très étroits, émergent partiellement des topiaires favorisant un rapport intimiste avec les publics. Après plusieurs décennies, les impacts du contexte de présentation sont tangibles sur les œuvres.
L’augmentation graduelle de la fréquentation du musée par un public qui poursuit bien souvent sa visite par ce jardin, et sa chute liée à la pandémie de 2020, ont eu un impact direct sur l’entretien des œuvres. Entre riverains qui
utilisent les bases des sculptures pour s’asseoir et poser leurs effets personnels lors de leurs activités quotidiennes
(pique-nique, yoga, promenade de chiens), scolaires jouant au ballon ou à chat perché, touristes en quête d’un cliché malicieux avec la tour Eiffel en arrière-plan, ce sont près de 8,3 millions de visiteurs en 2007 et 10,11 millions
en 2018 qui ont sans doute profité de ce jardin. En 2020, seulement 2,7 millions de personnes auraient fréquenté le
Louvre [1].
Présentation 1
Lise Bastardoz et Diana Da Silva
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Problématiques de conservation-restauration
Les œuvres sont en majorité des fontes posthumes réalisées en 1964-1965 par Georges Rudier et validées par Dina
Vierny. Seules L’Action enchaînée et La Baigneuse à la draperie sont des fontes réalisées du vivant de Maillol ; La
Douleur est une fonte Valsuani de 1965 ; la Jeune Fille allongée et la Pomone vêtue sont des fontes récentes ajoutées en 1995 [2]. Jusque dans les années 2000, le statut principalement décoratif attribué à ce corpus ainsi qu’une
gestion déléguée aux ayants droit ont laissé libre champ à des repatines, dirigées par Dina Vierny, qui ne sont malheureusement ni documentées ni datées.
Les surfaces présentent ainsi des « patines fondeur », le plus souvent d’un vert émeraude vif, très fines mais
opaques, sur des surfaces lisses et des formes tendues pour les fontes base cuivre. Les fontes en alliage de plomb
présentent également des patines homogènes et lisses. Ces mises en teintes ont été obtenues chimiquement et
sont additionnées d’un revêtement de surface organique afin de les protéger et de les faire perdurer. Ces protections semblent s’apparenter à des cires naturelles directement appliquées et généreusement lustrées par le fondeur, dont le vieillissement se traduit par un jaunissement. Le corpus est donc d’aspect relativement homogène
malgré des opérations ponctuelles non datées. Il a longtemps bénéficié d’un suivi basé sur des critères de goût, incluant des opérations de rénovation de surface fréquents, selon une approche conservatoire des sculptures en ellemême, en considérant patines et protections de surface comme pouvant être éliminées et recréées sans encombre.
L’état actuel se traduit par la concomitance de zones bien conservées, où les patines intentionnelles persistent, et
de zones d’usure de surface importantes où les pertes s’étendent jusqu’au modelé qui est atténué et où les teintes
de surfaces sont différentes.
Depuis 2014, le Département des Sculptures puis la Direction du Patrimoine Architectural et des Jardins du Louvre
ont souhaité mettre en place un entretien régulier qu’il nous a été donné de calibrer en fonction des besoins.
La prise en charge de l’entretien de la collection a tout d’abord débuté par l’identification des problématiques de
conservation-restauration. En premier lieu, nous trouvons des problématiques caractéristiques des œuvres présentées dans un jardin urbain. L’usure et le vieillissement des revêtements, qui se traduit par des lacunes ponctuelles
et un jaunissement léger généralisé, laissent peu à peu les « patines fondeurs » évoluer. La patine naturelle qui s’y
développe présente des accumulations de dépôts minéralisés dans les zones protégées et la croissance de produits
de corrosion pour les surfaces exposées aux intempéries [3]. Ce faciès d’altération (Figure 1) se traduit ici par un
ternissement brun rouge des zones lessivées (sans doute des oxydes de cuivre) et des accumulations indurées de
calcaire clair dans les zones protégées (à mettre en relation avec les poussières dégagées par le stabilisé des alléesmélange de sable et de chaux). L’absence de croissance de produits de corrosion verts classiques (principalement
hydroxysulfates de cuivre) en contexte extérieur peut s’expliquer par une usure mécanique importante liée aux
contacts répétés des visiteurs. Ainsi, les zones d’escalade (pieds, terrasses), les surfaces d’appui (cuisses) et les
zones de contact privilégiées (hanches, poitrine, épaules) sont usées, de la protection de surface jusqu’au métal, du
fait de contacts répétés. Les abrasions ne laissent la place qu’à la croissance d’un ternissement brun qui recouvre
les modelés. Ce ternissement ne suffit pas à protéger la surface des fientes de volatiles qui créent des zones décapées localisées (Figure 2) et ne permet pas de rééquilibrer la résistance à la corrosion à l’échelle de la sculpture. De
même, l’action chimique des dépôts organiques liés aux contacts des visiteurs influe également sur la croissance de
ce film qui est donc usé mécaniquement et chimiquement et se renouvelle constamment, engendrant très progressivement une diminution d’épaisseur du métal.
En parallèle de ces altérations générales, le fait que le jardin du Carrousel soit gratuit et soit le seul jardin ouvert de
nuit dans Paris participe à la prolifération d’actes de vandalisme dont le paroxysme a été atteint en juin 2016 lors
de l’Euro de football : outre une suraccumulation de déchets de pique-nique dans tout le jardin, nous avons constaté de nombreux tags peints ou graffitis (Figure 3), le plus souvent gravés dans les sculptures en plomb, une augmentation des impacts de projectiles type bouteilles en verre et capsules, ainsi que des dépôts alimentaires. Si ces
traces sont parfois « bon enfant » et témoignent d’une appropriation des œuvres (maquillage, ajout de fausse pilosité (Figure 4) elles relèvent le plus souvent d’une volonté de détérioration manifeste (Figure 5).
Présentation 1
Lise Bastardoz et Diana Da Silva
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Figure 1. Usures de patine liées au temps et aux contacts
des visiteurs marquées par une surface oxydée brune, Flore.
© Lise Bastardoz 2015.
Figure 2. Attaque chimique par les fientes de volatiles, Baigneuse se coiffant. © Lise Bastardoz 2022.
Figure 3. Graffiti peint, L’Air. ©Emmanuelle Héran 2015.
Présentation 1
Lise Bastardoz et Diana Da Silva
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Politique d’entretien mise en place
En réponse à la demande d’entretien des œuvres en 2014 et selon un budget déterminé, notre équipe (Diana Da
Silva et Lise Bastardoz) a proposé quatre nettoyages par an qui consistaient en un dépoussiérage, un nettoyage
aqueux et le retrait des dépôts variés. Le besoin de compléments de protection s’est assez vite révélé et a été ajouté à la prestation dès 2015 à la demande d’Emmanuelle Héran, conservatrice en chef, responsable des collections
des jardins. Un budget d’intervention d’urgence, principalement utilisé pour le retrait de graffitis en moins de 48
heures, a également été provisionné et largement utilisé.
Figure 4. Dépôts alimentaires volontaires, Trois Grâces.
©Lise Bastardoz 2021.
Figure 5. Gravure dans une œuvre en
plomb, L’Air. ©Lise Bastardoz 2021.
En 2015, neuf passages par an ont pu être effectués avec une fréquence mensuelle à la pleine saison touristique et
une fréquence allégée en hiver. Une campagne de protection par recirage complet des œuvres a été menée en juillet avec la mise en place de retouches dans les zones d’usure. Les revêtements organiques de surface ont ainsi été
renforcés en juillet, après nettoyage approfondi par brossage aqueux, séchage au chiffon microfibre et chauffage
naturel des œuvres au soleil. Une couche de cire microcristalline Cosmoloid H80 à 20% en poids, dans le whitespirit, a été appliquée au pinceau et lustrée à la brosse tampico sur toute la surface. La présence des protections
initiales des fondeurs, la logistique limitée par le contexte du jardin et la possibilité d’entretien fréquent ont orienté
notre protocole vers un cirage à froid.
Les œuvres en alliage de plomb, qui forment une patine naturellement protectrice, ont été également intégrées au
corpus à cirer après quelques retraits de graffitis ayant révélé la porosité et la sensibilité à l’abrasion de ces patines
qui induisait la subsistance de fantômes après retrait des tags (Figure 6). L’ayant droit du sculpteur en a accepté le
principe, malgré le fait que le plomb perde ainsi sa matité chère à Maillol.
Présentation 1
Lise Bastardoz et Diana Da Silva
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Figure 6. Fantôme de tag et rayures liées à l’escalade sur La Jeune Fille allongée. © Lise Bastardoz 2021.
Pour les retouches, les Maimeri Restauro (résine mastic) ont été préférées aux cires pigmentées en raison de leur
plus grande résistance mécanique. Elles ont été appliquées directement sur les surfaces pour une meilleure accroche. Or dès le mois suivant, les retouches étaient largement entamées dans les zones de contact, révélant ainsi
une vitesse d’usure mécanique bien plus importante qu’attendue.
En 2016, les neuf nettoyages par an ont été complétés par des recirages au cas par cas : toujours à l’aide de l’application de cire Cosmoloid H80 à 20% dans le white spirit, les œuvres bénéficient de compléments de protection
ponctuels sur les zones d’usures (dessus des têtes, épaules, poitrine, hanches, pieds, terrasses) et, au besoin, de
recirages complets. Guidées par la réactivité des surfaces lors du nettoyage, nos interventions des années suivantes
se sont peu à peu orientées vers une fréquence régulière de recirage. Tandis que les bronzes sont recirés localement tous les deux mois en haute saison et complètement deux fois par an, les alliages de plomb ne font l’objet
que d’un recirage complet par an et de rares recirages ponctuels. La nature de la patine des plombs semble en effet
moins réactive aux attaques chimiques ou, du moins, laisse place à la croissance d’un film d’oxydes de teinte homogène et en correspondance avec l’aspect général de la surface.
Malgré un changement d’équipe à partir de 2018 (départ de Diana Da Silva et remplacement par Manon Joubert),
la continuité de cette politique d’intervention a été assurée jusqu’en 2022. Entre autres paramètres, les effets de la
baisse de fréquentation du musée se sont répercutés directement sur les traitements puisque les besoins en
termes de recirages complets ont diminué (un recirage par an sur bronzes et plombs au lieu de deux sur les
bronzes) et les recirages ponctuels ont été largement espacés tout en conservant la fréquence d’entretien de base
qui semble minimale pour limiter la progression des altérations.
La mise en place de cet entretien régulier s’est avérée bénéfique pour les œuvres dans la mesure où elle a ralenti le
phénomène d’usure sur les bronzes (Figures 7 et 8) ; mais la brillance des plombs cirés pose un indéniable problème esthétique par rapport à la volonté de l’ayant droit. Nous ne pouvons que constater des altérations irréversibles de la surface (perte de patine, usure des modelés et accidents ponctuels). De fait, un certain nombre de problématiques de long terme restent à traiter en adaptant l’entretien mais aussi en prenant des mesures de conservation préventive et en programmant des interventions fondamentales.
Présentation 1
Lise Bastardoz et Diana Da Silva
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Figure 7. La Nuit en 2014. ©Lise Bastardoz 2014.
Figure 8. La Nuit en 2022. ©Lise Bastardoz 2022.
Perspectives
La conservation des patines sur les zones peu sollicitées et la prolongation de l’efficacité des protections organiques
de surface mises en place par les fondeurs ne suffisent malheureusement pas à conserver et mettre en valeur les
sculptures dans leur globalité. A l’heure actuelle, il reste à traiter les problématiques de dépôts calcaires, qui semblent s’être accentuées et à prévoir la gestion du vieillissement des protections qui peuvent faire l’objet d’interventions de conservation-restauration. La réfection progressive des sols-sables stabilisés du jardin, commencée en
2017, et les travaux de taille de pierre menés en 2020-2022 sur la terrasse des Tuileries sont sans doute à mettre en
relation avec les dépôts calcaires grandissants observés. Une baisse des besoins en termes de protection sans
doute liée, entre autres, à la baisse de fréquentation du jardin a été observée. Les budgets d’entretien peuvent
donc être réorientés vers l’étude de solutions pour traiter ces problématiques de plus long terme.
Enfin, ce programme ne saurait être pertinent sans une augmentation des mesures de conservation préventive,
déjà mises en place, qui permettent d’intervenir sur le contexte de présentation et donc une prise en charge plus
efficace des problématiques. L’association des conservateurs-restaurateurs à ces démarches a permis, nous l’espérons, de formuler des propositions abouties qui prennent en compte tant les besoins en conservation-restauration
des œuvres que la réalité de ce jardin particulier.
En parallèle, une réflexion sur les solutions de traitement des altérations irréversibles de surface, telles que la perte
de patine, des enfoncements, des pertes de matière et des gravures, est menée par la conservation.
Présentation 1
Lise Bastardoz et Diana Da Silva
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Conservation-restauration à prévoir
La présence de sol-sable stabilisé sur les allées du jardin crée une poussière calcaire qui recouvre les sculptures et
se retrouve véhiculée par le vent, les eaux de pluie et d’arrosages. Des dépôts sous forme de gouttes blanches se
forment ainsi sur les surfaces et des dépôts indurés ont lieu au pourtour des zones de rétention d’eau. Ce phénomène semble s’être accentué ces dernières années ce qui pourrait être mis en relation, entre autres, avec le vieillissement des protections qui deviennent plus poreuses, la nature du stabilisé et les travaux sur le bâtiment formant
écrin au jardin. Ces dépôts sont adhérents et nécessitent une action mécanique importante et longue pour leur
retrait qui est partiellement intégré à l’entretien depuis la baisse de fréquence des recirages. Il est à noter qu’à la
prise en charge du corpus, des dépôts de longue date étaient déjà incrustés sur certaines œuvres et que leur élimination complète ne pouvait s’envisager sans porter atteinte aux protections en place.
Ces dépôts prennent deux formes. Tout d’abord un voile léger se développe chaque mois, de manière homogène
ou sous forme de traces de gouttes (Figure 9). Il peut être éliminé partiellement par abrasion douce, avec grande
précaution pour limiter l’impact sur les surfaces sous-jacentes (brosses nylon dures, laines synthétiques douces et
usées). Cette couche fine laisse place dans les zones de rétention d’eau, à des croûtes marquant le front des eaux
stagnantes et de leurs phases d’évaporation (Figure 10). Ces dépôts peuvent être clivés à l’aide d’outils en bois ou
en plastique lorsqu’ils s’installent en épaisseur. Sur les œuvres en alliage de plomb, la surface molle et la patine peu
adhérente ne permettent pas leur retrait mécanique sans rayures. Des essais ont donc été réalisés à l’acide acétique à 10% et à l’acide sulfurique à 10%. De même, un essai de microgommage à la poudre de noyau d’abricot a
été effectué. Seul l’acide sulfurique s’est révélé efficace couplé à une action mécanique mais chronophage et nécessitant un apport conséquent de solution, ce qui pose la question du rinçage dans un contexte où l’accès à l’eau
est complexe. Une dissolution du métal et de la patine a lieu lors de ces travaux, bien que cette dernière soit reformée par l’action de l’acide sulfurique sous forme d’une couche stable et protectrice sur les alliages de plomb. Le
microgommage s’est révélé plus efficace bien qu’irrégulier mais induit un décapage de surface du métal qui n’est
pas sans conséquence sur la conservation du modelé. Ces solutions sont donc consommatrices de la matière des
œuvres et ne peuvent être mises en place mensuellement, d’autant plus que les dépôts calcaires se réinstallent
rapidement et sont visibles dès le mois suivant.
Figure 10. Dépôts calcaires en concrétions, La Douleur. ©Lise Bastardoz 2015.
Figure 9. Dépôts calcaires en forme de gouttes,
Pomone drapée. ©Lise Bastardoz 2022.
Présentation 1
Lise Bastardoz et Diana Da Silva
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Les limites de notre politique d’entretien commencent également à se profiler. Les recirages fréquents laissent peu
à peu apparaître des surépaisseurs de cire dans les zones abritées, en raison de la difficulté à cirer localement sans
débordements et de l’application à froid qui pénètre moins dans la matière. En parallèle la perte de plasticité progressive des revêtements organiques mis en place par le fondeur donne lieu à la formation d’écaillages ponctuels
depuis deux ans. La question d’une reprise fondamentale des protections se pose donc : elle permettrait d’éliminer
les cires vieillies et les dépôts calcaires incrustés et de mettre en place une protection à chaud homogène, plus pérenne et efficace que les recirages à froid. Le protocole classique de nettoyage par projection d’abrasifs végétaux
serait adapté aux bronzes mais pose question sur les plombs puisqu’il induit une perte de matière (dureté de l’abrasif supérieure à l’alliage soit 3,5 Mohs pour la poudre de noyau d’abricot). Des essais par cryogénie pourraient
s’avérer pertinents pour conserver la surface de l’alliage (dureté 2 Mohs, action par choc thermique sur les cires),
mais nécessitent des moyens plus conséquents.
Ces opérations de renouvellement des protections sont à programmer à moyen terme. Dans ce contexte, la question d’un traitement fondamental des patines et du modelé a été posée par la conservation sur ce corpus aux finitions de surface bien identifiables. Or, si la création d’une nouvelle patine sur des fontes posthumes n’est pas déontologiquement gênante, elle l’est pour les œuvres dont la patine a été validée par l’artiste.
Rénovations envisageables
La question des lacunes importantes de patine dans les zones d’usure, mais aussi de la perte du modelé, voire de
formes complètes, influe directement sur l’appréciation des œuvres. En effet, au fur et à mesure des contacts et
agressions, la patine puis le métal sont peu à peu dissous et les reliefs sont adoucis. Les détails de surface sont ainsi
effacés et la teinte uniforme de chaque œuvre disparaît au profit d’une bichromie verte et brune. Les impacts de
projectiles qui ont parfois enfoncé, parfois déformé les surfaces, perturbent les formes tendues des œuvres et les
rayures intentionnelles les ponctuent d’inscriptions parfois grossières. C’est donc la lisibilité même des sculptures
qui est en jeu à moyen terme.
L’essai de retouches s’est révélé inadapté au contexte de présentation et les solutions de bouchages par mastics de
surfaces de rayures très fines ou d’impacts étendus sur surfaces lisses présentent les mêmes limites. Dans une optique de mise en exergue de la valeur esthétique de ces œuvres, la question d’une rénovation par un fondeur,
d’une nouvelle patine, pourrait alors être envisagée. Il est à noter que cette politique résolument interventionniste
relève bien de la rénovation puisqu’elle permettrait de remettre à neuf les œuvres dont les patines sont encore
identifiables et les modelés connus par d’autres exemplaires, en recourant à des techniques de fabrication irréversibles, qui sortent ainsi clairement du champ déontologique d’intervention des conservateurs-restaurateurs.
Dans le cas où la conservation adopterait cette politique, une documentation précise de l’état avant intervention,
des méthodes et produits employés et de l’état après intervention seraient nécessaires à ces travaux sur des
œuvres patrimoniales. Dès lors, le conservateur-restaurateur peut apporter ses compétences comme assistant à la
maitrise d’œuvre en :
- aidant à la rédaction d’un cahier des charges pour la consultation des fondeurs et artistes et en cernant les techniques de travail envisageables pour leur stabilité ;
- déterminant le niveau utile de documentation des œuvres voire en réalisant une campagne de documentation
avant et après traitement ;
- participant au suivi des prestations.
Mesures de conservation préventive
Le suivi sur le long terme d’un corpus a également permis de pousser la réflexion sur le diagnostic des altérations
jusqu’à une vision globale à l’échelle du jardin. Les dispositifs de présentation, la gestion de la faune et de la flore,
la sécurisation et la surveillance du site et sa fréquentation sont autant de paramètres qui influent sur les altérations des œuvres. Plusieurs essais ont ainsi été menés par la conservation pour améliorer ce contexte et leurs
effets ont pu être observés directement sur les œuvres. La documentation précise et datée des altérations des
œuvres apportée par notre entretien permet également d’appuyer ces démarches d’amélioration du contexte de
présentation des œuvres.
Présentation 1
Lise Bastardoz et Diana Da Silva
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A l’initiative d’Emmanuelle Héran, un premier essai de mise à distance végétale a été mené autour de deux œuvres
particulièrement vandalisées : L’Air et La Rivière. Les statues sont protégées par des haies de deux types d’épineux
différents et une mise à distance par piquets et cordelette. Ce dispositif a pris en compte le besoin d’entretien en
mettant en place un passe-pied gravillonné de 60 cm de large, autour des socles, qui permet également de limiter
la stagnation d’humidité liée aux végétaux au plus proche des œuvres. Ces essais se sont révélés efficaces pour limiter l’escalade des œuvres et les usures de patine. Toutefois, elles n’empêchent pas les jets de projectiles (Figure 11)
et laissent plus de tranquillité aux volatiles pour se percher sur les œuvres.
Ces démarches limitent les désordres créés par un public innocent sans pouvoir empêcher les actes de vandalisme
volontaire. La sécurisation du site se poursuit donc aujourd’hui par les travaux de clôture du jardin qui devraient
permettre de limiter le vandalisme nocturne.
Un projet de refonte complète du jardin qui permettrait de positionner les œuvres au sein des pelouses, plus loin
du stabilisé, et sur des socles-podiums en hauteur, avec mises à distances végétales conséquentes, est en cours de
réflexion. Dans cette démarche, la consultation de notre équipe a permis d’affiner les questions pratiques quant à
l’entretien et de valider les solutions envisagées du point de vue de la conservation des œuvres.
Figure 11. Déformations liées à des projectiles, La Montagne ©Lise bastardoz 2015.
Conclusion
Cette collaboration entre la conservation et les conservateurs-restaurateurs témoigne d’une vision globale et d’un
travail d’équipe efficace dans l’amélioration d’un contexte de présentation particulièrement difficile pour des
œuvres patrimoniales. La connaissance sur le long terme d’un corpus, le dialogue fréquent sur toutes les dimensions du jardin et l’approche collaborative permettent ici de limiter les altérations bien plus que le seul entretien ne
pourrait le faire.
Présentation 1
Lise Bastardoz et Diana Da Silva
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L’entretien fréquent de ces œuvres reste ici une base nécessaire à leur pérennité. Il permet de limiter l’étendue des
altérations et de ralentir certains phénomènes, d’espacer les interventions fondamentales mais ne saurait régler
toutes les problématiques. Sa définition a nécessité au moins un an d’observation et des réadaptations successives.
Le contexte évoluant et les problématiques de long terme apparaissant peu à peu, il est en constante évolution. La
documentation réalisée à cette occasion s’avère être un outil utile au montage de projets de conservation préventive qui sont intégrés à la réflexion pour une conservation optimisée des œuvres.
Remerciements
Emmanuelle Héran, conservatrice en chef, responsable des collections des jardins du musée du Louvre
Tous les collègues qui sont intervenus ponctuellement sur le corpus, souvent en urgence, pour leur disponibilité et notamment
Manon Joubert.
Références
[1] https://fr.statista.com/statistiques/490848/visiteurs-annuels-musee-du-louvre-france/, consulté le 25/06/2022
[2] Héran Emmanuelle, « Maillol au Carrousel. L'histoire mouvementée d'un jardin de sculptures », conférence
donnée par Emmanuelle Héran le 7 avril 2022, Auditorium du Louvre, Paris. (Communication)
[3] Robbiola Luc, Chiavari Cristina, Bernardi Elena, Bignozzi Maria Chiara, Martini Carla, General understanding of
outdoor bronze corrosion, an overiew, Métal à ciel ouvert, 15ème journées d’étude de la SFIIC (2014), Paris, ICOMOS France- LRMH, pages 146-153, ISBN: 2-905430-18-4.
Présentation 2
Antoine Amarger
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ÉTUDE PRÉALABLE À LA RESTAURATION DU MONUMENT AUX COMBATTANTS
ET DÉFENSEURS DU TARN ET GARONNE DE 1870 PAR BOURDELLE À
MONTAUBAN POUR LE MUSÉE INGRES-BOURDELLE.
Antoine Amarger
Conservateur-restaurateur indépendant
antoine.amarger@orange.fr / www.antoineamarger.com
Résumé
A travers l’exemple de l’étude préalable du Monument aux morts de 1870 par Bourdelle à Montauban (1902), l’importance de construire un projet de restauration en intégrant attentivement plusieurs disciplines est soulignée. Le
croisement attentif entre la recherche documentaire, les analyses scientifiques et un examen technique circonstancié permet de préparer une intervention de restauration en adéquation avec les différents paramètres culturels en
jeu. Le rôle du restaurateur est essentiel pour indiquer les questions historiques cruciales et pour focaliser les
éventuelles analyses physico-chimiques sur des sujets en rapport avec les problématiques de la restauration. Dans
le cadre d’une étude, il est par ailleurs souvent préférable de présenter les diverses solutions envisageables avant
d’argumenter les raisons qui peuvent amener à privilégier telle ou telle option de traitement. Cet aspect pédagogique peut aider les décideurs à éviter les réflexes conditionnés, aussi bien rétrogrades que plus ou moins novateurs, en matière de restauration.
Mots clés
Statuaire monumental, Plein-air, Constat d’état, Méthodologie
Présentation
Le Monument aux morts de 1870 par Bourdelle à Montauban, érigé en 1902, est une œuvre importante pour ce
sculpteur parce qu’il se situe dans sa ville natale et surtout parce qu’il lui a donné l’occasion d’élaborer plusieurs
figures qu’il a ensuite largement déclinées individuellement (Figure 1). Il a constitué une sorte de matrice pour son
œuvre, un peu à l’image de ce que la Porte de l’Enfer a été pour Rodin.
Ce monument a été déplacé à plusieurs reprises pour faciliter la circulation automobile, syndrome fréquent des
monuments commémoratifs érigés dans des contextes urbains. Et il a vraisemblablement fait l’objet de traitements
de surface anciens, non documentés ou non retracés à ce jour.
L’étude préalable à la restauration a été réalisée en 2021 à la demande du musée Ingres Bourdelle et financée par
la municipalité de Montauban. Il s’agissait d’évaluer l’état de conservation de ce bronze, tant d’un point de vue
structurel que d’un point de vue des états de surface, et d’établir des préconisations de traitement avec un calendrier et un budget estimatifs. L’examen du bronze s’est fait à partir d’une nacelle (Figure 2) avec dépose d’un fragment d’épée (réfection récente en résine) de façon à pouvoir préparer une réfection en bronze. La base en pierre et
brique a été étudiée par Elise Rachez et Stéphane Moreau, restaurateurs de sculpture spécialisés dans ce domaine
et domiciliés dans la région de Montauban.
Présentation 2
Antoine Amarger
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Figure 1. Vue générale du bronze de Bourdelle « Monument
aux combattants et défenseurs du Tarn et Garonne, 1870 »,
érigé à Montauban en 1902. © A. Amarger
Figure 2 : Examen de l’œuvre avec une nacelle – © A. Amarger
Examen
Structure
Ce bronze a été coulé « au sable », en différents éléments séparés, réunis par des assemblages manchonnés et
goujonnés, vers 1901 par la Société nationale des bronzes, fonderie Petermann à Bruxelles. Cette technique de fabrication était la plus courante à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle en Europe du nord dans un contexte
de production statuaire à une échelle quasi industrielle. Aucun accès naturel ne permet dans ce cas d’observer
l’intérieur du bronze et de préciser ainsi les détails techniques de la fabrication et surtout les éventuelles altérations. Il n’est par ailleurs pas possible, vu sa taille, de soulever partiellement ce groupe pour observer l’intérieur,
comme on peut être amené à le faire sur des œuvres plus petites. L’analyse structurelle s’est donc faite à partir de
ce que nous pouvions observer de l’extérieur et surtout en se référant à une œuvre similaire coulée par la même
fonderie et à la même période. La signature du fondeur inscrite sur le bronze s’est en effet révélée dans ce cas très
parlante, parce que son libellé particulier n’a été utilisé pour la même fonderie que pendant quelques années,
entre deux autres libellés différents (Lebon, 2003). Nous avions analysé en 1999, l’exemplaire des Bourgeois de
Calais par Rodin (1903) conservé au parc de Mariemont en Belgique qui porte exactement la même signature. Un
Présentation 2
Antoine Amarger
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levage partiel au cric hydraulique avait alors permis d’examiner le dessous et de constater le caractère très solide
de la fabrication et la présence d’une boulonnerie complète en alliage cuivreux.
Nous avons donc raisonnablement pu émettre l’hypothèse que le mode de fabrication du bronze de Bourdelle pouvait être très proche. Et cette hypothèse est rassurante, parce que nous évitons ainsi a priori le syndrome récurrent
des bronzes de cette époque, à savoir l’usage d’une boulonnerie en acier sensible aux phénomènes de corrosion.
L’enthousiasme soulevé par le formidable essor de la sidérurgie industrielle à la fin du XIXe siècle avait fait en effet
quelque peu perdre de vue les phénomènes de corrosion galvanique entre métaux de potentiels différents, mieux
pris en compte auparavant.
Les altérations structurelles les plus évidentes sur ce bronze sont un élément manquant (l’extrémité d’une lame de
sabre) et une déformation en partie haute du drapé (Figure 3), deux dommages vraisemblablement liés à un élingage maladroit lors des déplacements récents. Le drapé complexe en partie haute (« grande fleur de tourmente »
pour Bourdelle) ne rendait pas, il est vrai cet exercice facile.
Figure 3. Vue sommitale montrant au centre un joint ouvert sur le drapé. © A. Amarger
Une caractérisation de l’alliage cuivreux a été réalisée par spectrométrie de fluorescence X portable. Il s’agit d’un
alliage quaternaire (cuivre, étain, zinc, plomb) dans la droite ligne des productions françaises des XVIIe et XVIIIe.
Cette analyse ne fournit pas dans ce cas de résultats directement exploitables en termes de restauration. Il n’est en
particulier pas possible de déduire de la composition de l’alliage la possibilité ou non de redresser la déformation
au niveau du drapé, parce que beaucoup d’autres paramètres peuvent intervenir. Mais c’est une information qui
permet de constater que la composition du métal est cohérente sur l’ensemble d’un groupe qui est composé de
nombreuses parties coulées séparément et elle peut nourrir les corpus existants d’analyses comparables.
Surface
D’un point de vue des états de surface, nous retrouvons l’aspect habituel des alliages cuivreux conservés longtemps
sans protection en extérieur. A savoir une corrosion verte et des dépôts noirs, répartis principalement en fonction
du ruissellement des eaux de pluie (Figure 4). Schématiquement, le soufre, longtemps principal polluant de l’atmosphère, présent sous la forme de divers composés, réagit avec le cuivre, principal composant de l’alliage, pour former sur la surface une couche de sulfates de cuivre verdâtres. Dans les zones régulièrement rincées par les eaux de
pluie le métal s’érode et s’oxyde en vert. Dans les zones plus abritées, les divers dépôts de l’atmosphère non lessivées par la pluie, s’incrustent au travers de la corrosion et donnent une teinte noirâtre. Cette couche de corrosion
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Antoine Amarger
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lentement établie en relation avec son contexte environnemental est relativement stable. Et depuis quelques dizaines d’années, on tend en général à conserver l’aspect ancien globalement verdâtre moyennant des opérations
de retouche et de protection. Auparavant les restaurations d’œuvre monumentale de ce type étaient confiées à
des fonderies qui procédaient le plus souvent à des « remises à neuf » avec décapage complet jusqu’au métal nu,
suivi de repatine chimique complète et d’une protection avec un vernis ou une cire. Ce traitement drastique est
parfois nécessaire, mais la plupart du temps des solutions techniquement moins invasives et plus respectueuses du
caractère ancien des œuvres sont préférables.
Figure 4. Vue des états de surface – dépôts noirs et patine verte aux
endroits de ruissellement des eaux de pluie. © A. Amarger
Préconisations
Une phase d’étude préalable ne peut pas remplacer l’inévitable phase expérimentale au début du travail de restauration (l’épreuve de la réalité). C’est pourquoi il est souvent un peu « hors-sol » de prévoir un protocole hyper détaillé, même si c’est un élément rassurant pour les institutions commanditaires. Il y a forcément un cadre général
d’intervention, avec des paramètres techniques et déontologiques. Mais les travaux pratiques génèrent toujours
des découvertes « sur le tas » qui peuvent grandement infléchir les préconisations initiales et amener à faire évoluer les traitements mis en œuvre, en concertation avec les autorités compétentes. D’où l’utilité de rappeler dans le
cadre d’une étude que plusieurs solutions sont envisageables, tout en expliquant pourquoi, parmi ces différentes
options, telle ou telle nous semble préférable.
Structure
Les préconisations structurelles consistent à approfondir autant que possible l’examen de l’intérieur du bronze, en
espérant que l’accès à partir de l’échafaudage soit plus pratique que l’accès à la nacelle.
La réfection de l’extrémité de la lame de sabre peut se faire d’après les photos anciennes existantes. Elle est proposée en alliage cuivreux pour des questions de durabilité et de compatibilité électrochimique avec le bronze avec un
assemblage manchonné et vissé sur l’existant, dans l’esprit des assemblages d’origine. La déformation du drapé en
partie haute fera l’objet d’une tentative de redressage à la sangle à cliquet.
Pour la réfection en bronze comme il s’agit d’une fabrication en tôle épaisse et non pas d’un bronze coulé, on privilégie un alliage cuivreux standard, laiton en l’occurrence, pour faciliter la mise en forme, les soudures et les modifications sur site, par rapport à une recherche et emploi d’un alliage exactement semblable qui pourrait en théorie
paraître souhaitable mais qui n’aurait pas vraiment de pertinence d’un point de vue technique. Même si l’alliage
était exactement semblable, il y aurait un couple galvanique à cause de la différence des microstructures, liée à
différents paramètres dont la vitesse de refroidissement du métal.
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Antoine Amarger
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Surface
Le traitement de surface préconisé se décompose en trois phases : nettoyage, retouche et protection. Le nettoyage
sera réalisé par projection d’abrasifs végétaux (poudre de noyaux d’abricot 200/300 microns) de façon à éliminer
les divers dépôts et la couche pulvérulente de corrosion tout en conservant la couche verte sous-jacente plus cohérente. La retouche sera effectuée dans ce cas par repatine chimique (essentiellement solutions aqueuses de nitrate
de cuivre) au-dessus de la corrosion existante, en alternant des phases de chauffe, d’application de réactifs et de
rinçage. La protection consistera à appliquer au pinceau une couche de cire microcristalline, puis à la brosser.
Conclusion
C’est probablement dans les phases d’étude que l’on perçoit le mieux que l’activité du restaurateur se situe au carrefour de plusieurs disciplines, historique, scientifique et artistique. Et c’est le croisement attentif de ces différentes
disciplines qui permet de construire un projet et éventuellement d’aboutir à une intervention cohérente avec son
temps et avec son contexte.
L’analyse documentaire peut gagner à se focaliser sur les problèmes techniques précis qui se posent au restaurateur (de quand date ce manque ou cette adjonction, comment l’environnement architectural a pu évoluer, quel
évènement s’est déroulé ici, etc.). De même pour les analyses scientifiques, il est préférable que le restaurateur
précise ses besoins pour éviter la tendance naturelle des laboratoires à préconiser des analyses qui correspondent
plus à leur savoir-faire qu’aux nécessités du travail à réaliser. Et il n’est par ailleurs jamais inutile de rappeler que la
mise en œuvre des travaux pratiques, par exemple le réglage d’un aspect de surface (couleur, tonalité, matité ou
brillance, etc.) parfois considéré à tort comme une notion subjective ou aléatoire, peut présenter le même degré
d’exigence et de précision qu’une équation mathématique.
Référence
Elisabeth Lebon, Dictionnaire des Fondeurs de bronze d’art (France 1890-1950), Marjon éditions, 2003.
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Session 2
Protection en exterieur –
Etude et retour d’experience
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Présentation 3
Aurelia Azema et Anne-Marie Geffroy
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PARER ET PROTÉGER LA FONTE DE FER :
TÉMOIGNAGES DE LA DIVERSITÉ DES PRATIQUES ENTRE LE XIXe ET LE XXe
SIÈCLE
Aurelia Azema*
Ingénieure de Recherche, LRMH – Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques ; Centre de Recherche
sur la Conservation (CRC, UAR 3224), Muséum National d’Histoire Naturelle, CNRS, Ministère de la Culture
aurelia.azema@culture.gouv.fr
Anne-Marie Geffroy*
Conservatrice-restauratrice, EIRL ICARE METAL
amgeffroy@yahoo.fr
* Autrices correspondantes
Résumé
La fonte d’art connait un essor entre la seconde moitié du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Elle est employée
comme ornement ou comme structure, revêt souvent ces deux fonctions simultanément. Elle s’expose à l’intérieur
mais aussi à l’extérieur des édifices, embellit les jardins. Ce métal est systématiquement revêtu, tant pour des raisons d’esthétisme que de protection mais aussi, parfois, pour donner l’illusion d’un matériau plus noble.
La diversité des traitements de surface développés lors de cette période est attestée par les documents d’archives
et est clairement constatée sur le terrain : peintures, revêtements métalliques (feuilles, dépôts électrolytiques, paillettes), patines. En complément des travaux présentés lors du colloque Métal à ciel ouvert en 2014, nous proposons, lors de cette communication, à travers une sélection d’œuvres et d’ouvrages, de témoigner de la diversité des
pratiques de revêtements de ce métal entre le XIXe et le XXe siècle, redécouvertes lors de chantiers de restauration.
Ces traitements, qui font illusion en masquant presque systématiquement la nature du métal sous-jacent, nous parviennent parfois intacts ou altérés. Cependant le plus souvent, ils sont recouverts par plusieurs couches attestant
des changements de couleurs opérés à chaque réappropriation de l’œuvre au contexte culturel et historique depuis
sa création. Ces connaissances acquises n’ont jusqu’à présent que peu (voire pas) fait l’objet d’une diffusion étendue auprès de la communauté des différents acteurs œuvrant à la conservation du patrimoine métallique.
Seront abordés, notamment, à travers deux thèmes, celui des fontes de fer comme élément d’architecture et celui
des sculptures en fonte, les exemples suivants : la rose et le baldaquin de l’église Saint-Augustin à Paris, la porte et
les bénitiers de l’église Saint-Vincent de Paul, la fonte d’art du Chili, la sculpture de Sapho du musée des arts de
Nantes, les monuments aux morts.
Mots clés
Fonte de fer, Pigment métallique, Cuivrage, Peinture, Protection
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Aurelia Azema et Anne-Marie Geffroy
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Introduction
La fonte d’art connait un essor entre la seconde moitié du XIXe siècle et le début du XXe siècle dans les grandes réalisations architecturales et urbaines. Contribuant à la stabilité d’une structure et/ou de son ornementation, elle
s’expose à l’intérieur mais aussi à l’extérieur des édifices, elle embellit les jardins. La fonte de fer est systématiquement revêtue, tant pour des raisons d’esthétisme que de protection mais aussi, parfois, pour donner l’illusion d’un
matériau plus noble.
La multitude de traitements de surface qui ont été développées et testés lors de cette période ont été à l’origine
d’un foisonnement de couleurs : peintures, revêtements métalliques (feuilles, dépôts électrolytiques, paillettes),
patines. Les interactions entre ces revêtements avec un environnement plus ou moins agressif, ainsi que les diverses interventions d’entretien nécessaires ont peu à peu masqué voire fait disparaitre le témoignage de cette
polychromie jusque dans nos mémoires. Mais la diversité des documents d’archives tels que les photographies ou
encore les manuels dédiés au revêtement des métaux attestent de leur existence. Les vestiges de ces revêtements
sont progressivement mis au jour à l’occasion de restaurations. Cependant, se pose la question de la conservation
de ces témoignages s’ils existent encore et surtout de leur restitution avec des matériaux conformes aux principes
éthiques de la conservation-restauration (réversibilité, conservation ou restitution d’une esthétique la plus fidèle à
la mémoire de l’œuvre) tout en ayant une durabilité maximale et répondant aux normes sanitaires en vigueur.
Nous proposons dans cet article, à travers plusieurs exemples, de témoigner de la diversité des revêtements appliqués sur des œuvres en fonte de fer d’architecture ou de sculptures entre le XIXe et le XXe siècle dans la continuité
des travaux présentés lors du colloque Métal à ciel ouvert en 2014 [1].
Les dépôts électrolytiques
En plein essor de l’emploi de la fonte de fer d’art, face la faible durabilité des peintures appliquées et afin de diminuer le coût d’entretiens réguliers nécessaires des sculptures, le développement des revêtements métalliques par
électrolyse au cours du XIXe siècle, et plus particulièrement le cuivrage, a permis de proposer des solutions alternatives de protection des sculptures en fonte monumentales, jusqu’à parfois faire perdre la mémoire du matériau
constitutif de l’œuvre au profit d’un autre.
Le cuivrage a été appliqué non seulement sur des réalisations neuves mais aussi sur des fontes plus anciennes
comme solution durable de protection anti-corrosion de la fonte de fer. Ce fut le cas des fontaines des jardins des
Champs-Elysées, on encore des fontaines de la Concorde. En effet, le cuivre possède une meilleure résistance à la
corrosion que la fonte de fer. Cependant, l’efficacité de ce système est remise en cause dès lors que la couche de
cuivre se fissure et permet l’infiltration d’eau à l’interface entre le cuivre et la fonte de fer. On se retrouve alors
dans une configuration de corrosion galvanique qui accélère significativement l’altération de la fonte de fer.
Les fontaines des jardins des Champs-Elysées, réalisées en 1840 (dessins de Jacques Hittorff, sculptures de Francisque Duret, Jean-Auguste Barre, fontes de fer par François Calla), ont été cuivrées par le procédé Oudry, à peine
vingt ans plus tard. Dans le cadre de leur restauration prochaine, un examen de leur état de conservation a permis
de constater que cette couche de cuivrage était toujours présente. Cette dernière est parfois masquée par un revêtement par peinture, dans un état de dégradation plus ou moins avancé selon les zones considérées (en contact ou
non avec les eaux de ruissellement lors de la mise en fonction des fontaines), mais globalement bien préservée
(Figure 1) [2]. Ce n’était pas le cas de la fontaine des mers ornant la place de la Concorde (Jacques Hittorff en 1840,
fonderie Muel), également cuivrée une première fois un an après sa mise en place puis une seconde fois vingt ans
après. Avec les années, la couche de cuivre s’est altérée, laissant passer l’eau au contact de la fonte. De plus, la
mise en place de rivets en alliage cuivreux, a contribué à intensifier le phénomène de corrosion galvanique, jusqu’à
une graphitisation de la fonte dans certaines zones (Figure 2) [3]. Le revêtement métallique a été complètement
retiré lors de la restauration de 2000 pour être remplacé par un système de protection par peinture.
Présentation 3
Aurelia Azema et Anne-Marie Geffroy
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Figure 1. A gauche, cuivrage de la fontaine de la Grille du Coq, dans les jardins des Champs-Élysées ©LRMH 2022.
Figure 2. Cuivrage de fontaine des mers de la place de la Concorde ; à gauche, sculpture avant restauration ; à droite, élément de
sculpture décapé faisant apparaître les rivets en cuivre et les zones noires de graphitisation de la fonte de fer ©LRMH 2000.
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Les pigments métalliques
Les pigments métalliques sont constitués de particules ou paillettes de métal de dimension et de forme variables,
dispersées dans un liant. L’effet optique créé est basé sur la réflexion de la lumière sur la surface lisse des paillettes
à laquelle s’ajoute la diffusion de la lumière sur leurs bordures. Cet effet dépendra du diamètre de ces particules,
de leur orientation, de leur forme et de leur répartition dans la couche picturale.
L’église Saint-Augustin édifiée dans le 8e arrondissement de Paris (1871, sous la direction de l’architecte Victor Baltard) est un exemple de l’emploi de pigments métalliques sur de la fonte de fer, sur le mobilier conservé en intérieur mais aussi sur les éléments d’architectures donnant sur l’extérieur.
La polychromie du baldaquin placé dans le chœur de l’église associe le vert, l’or et la couleur bronze. D’après les
résultats des analyses réalisées en laboratoire à partir de coupes stratigraphiques (microscopie optique et MEBEDS), quelle que soit la couleur de surface considérée (hors dôme et intérieur du baldaquin), le traitement des
couches inférieures est identique : la fonte a été revêtue d’une couche de minium de plomb (protection anticorrosion). La couche jaune appliquée par-dessus se compose de blanc de plomb (+ charge en grains de calcite) et
d’ocre jaune. Une troisième couche, de couleur verte est un mélange de blanc de plomb, de barite et de terre
verte. Ensuite, selon les zones considérées, cette couche verte est soit laissée libre, soit dorée à la feuille, soit recouverte d’une « bronzine » constituée de paillettes de laiton de forme grossière (diamètre : 0,2 mm en moyenne)
dispersées dans un liant organique de type cire leur conférant un aspect brun-rougeâtre. Les paillettes de métal ne
recouvrent que partiellement la couche verte sous-jacente. Elles ont été appliquées pour former des rehauts, donnant du relief à l’architecture du baldaquin (Figure 3) [4]. L’ensemble des surfaces de l’œuvre étaient dans un état
de conservation très satisfaisant. Le protocole de restauration, essentiellement basé sur un nettoyage de l’ensemble, a été établi de manière à conserver totalement ce jeu de polychromie [5].
Figure 3. Description de la polychromie du baldaquin de l’église Saint-Augustin ©LRMH 2018.
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Avant sa restauration en 2016, la rose de l’église Saint-Augustin, également en fonte de fer, apparaissait verte
(Figure 4).
Figure 4. Rose en fonte de fer de l’église Saint-Augustin, Paris, 8e arrondissement.
L’état de surface était beaucoup plus altéré et la stratigraphie des couches beaucoup plus dense que sur le baldaquin. Contrairement à ce dernier, plusieurs remises en peinture, mettant notamment en œuvre des paillettes métalliques de cuivre et de la dorure ont été mises en évidence (Figure 5).
Figure 5. Description des différents revêtements de la rose de l’église Saint-Augustin ©LRMH 2017.
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Dans certaines zones, les paillettes sont présentes deux fois dans la stratigraphie : dans une couche à proximité de
l’interface avec la fonte de fer et dans la dernière couche appliquée sur l’objet, c’est-à-dire à l’interface avec l’environnement extérieur. La couche en contact avec la fonte est présente sur tous les prélèvements réalisés. S’il s’agit
du premier état de la rose, alors elle avait une seule teinte cuivrée qui a évolué, avec la corrosion du cuivre, vers le
vert. Cet état est d’ailleurs représenté sur une carte postale colorisée de 1905, soit 36 ans après la construction de
l’église (Figure 6, à gauche). Ensuite, cette première couche de paillettes de cuivre semble avoir été recouverte
d’une peinture jaunâtre et d’une feuille d’or. Cependant, cette dernière n’est pas systématiquement observée, ce
qui laisse penser que la dorure n’a été que partielle, sous forme de rehauts. Ensuite, un nouveau système de peinture a été appliqué : couche de minium de plomb puis peinture jaunâtre et, sur les décors en relief, à l’instar du
dessin de V. Baltard (Figure 6, à droite) [6] ; la couche de paillettes de cuivre qui apparaît corrodée en 2011 (bleuvert) (Figure 4). Il n’existe malheureusement pas de documentation précise quant aux éventuelles interventions
entre la création de la rose et 2016. Lors de sa récente restauration, le choix a été fait de redorer entièrement la
rose.
Figure 6. A gauche, carte postale colorisée, 1905. CC BY-NC-SA 2.0 ; à droite, élévation de la façade
principale entre 1860 et 1871, Plume et encre, rehauts d'aquarelle et d'or par Victor Baltard, H. 60,1;
L. 42,2 cm © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay).
Plusieurs ouvrages faisant partie de l’église de Saint-Vincent de Paul présentent également ces effets polychromes
employant des revêtements métalliques. C’est le cas de la porte monumentale de l’entrée principale composée de
motifs floraux qui encadrent plusieurs niches abritant les sculptures des Apôtres et du Christ (dessins de J. Hittorff,
fondus par Calle en 1844, figures sculptées par J.-B. Farochon) [7]. Avant sa restauration en 2015, elle était recouverte d’une seule et même peinture de couleur verte similaire à celle de la rose de l’église Saint-Augustin. Les dé-
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tails des décors étaient très atténués par la multiplicité des couches de revêtement sous-jacentes. En effet, une
analyse stratigraphique a mis en évidence au moins dix couches de revêtement témoignant des repeints successifs.
D’après les archives, la porte était polychrome : les sculptures de couleur bronze devaient ressortir sur le fond vert
des battants. Le décapage et l’analyse des couches en contact avec la fonte l’ont confirmé, à la différence près que
la couche de peinture des fonds apparaissait plutôt noire que verte (Figure 7 à gauche). Les sculptures étaient en
effet recouvertes de cuivre, comme l’a révélé l’élimination des couches plus récentes, et comme cela a été confirmé par une analyse en spectrométrie de fluorescence X portable. Cependant, les prélèvements réalisés pour
l’étude stratigraphique n’étaient pas suffisamment complets pour que la nature de la couche de cuivre puisse être
caractérisée (paillettes, feuilles, cuivrage ?) (Figure 7 à droite). Enfin, si le programme de la restauration n’a pas été
réorienté suite à ces découvertes, les travaux réalisés ont permis de retrouver les détails des décors de la porte et
de mettre en valeur ses volumes.
Figure 7. A gauche, porte principale de l’église Saint-Vincent de Paul, avant restauration, Paris ©Perdu ; à droite, statue
de Saint Barthélemy dans sa niche, après décapage des couches de peinture ©LRMH 2015.
L’usage des pigments métalliques a également été observé sur des sculptures en fonte de fer exposées au Chili. Il
s’agit de sculptures d’importation française, provenant de la fonderie Val d’Osne principalement. Elles ornent parcs
et monuments prestigieux de différentes villes du Chili.
Une étude a été menée en 2005 sur ces ensembles. Des prélèvements stratigraphiques ont été effectués sur des
sculptures exposées en extérieur et celles conservées en intérieur.
Les sculptures exposées en extérieur sont recouvertes de multiples couches de peinture liées à des campagnes
d’entretien régulières. Les couches les plus profondes ont mis en évidence la présence d’une couche de paillettes
métalliques dans un liant (Figure 8). Une analyse sous MEB-EDS a permis de préciser la nature de ces paillettes : il
s’agit soit d’un mélange de paillettes en cuivre et de paillettes en laiton (alliage cuivre-zinc), soit de paillettes de
cuivre. Il est fort probable de ces couches profondes correspondent aux finitions originelles.
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Figure 8. Détails de coupe stratigraphique de la fontaine de l’ex-congrès national, Santiago du
Chili ; à gauche, microscope optique ; à droite, microscope électronique à balayage ©LRMH 2005.
Les sculptures conservées en intérieur possèdent une très belle finition de surface imitant de façon remarquable un
bronze patiné (Figure 9). Ces sculptures présentent un très bon état de conservation. Les examens stratigraphiques
et analyses réalisées au MEB-EDS ont également démontré l’existence d’une couche de paillettes métalliques, de
type cuivre, dans un liant organique [8, 9].
Dans le cas de ces fontes d’art, le but était clairement de donner l’illusion d’un matériau plus noble à savoir un
bronze patiné. Avec ces couches de finition, on recherche à masquer le matériau sous-jacent, tout en le protégeant
de la corrosion. De par leur nature physico-chimique, elles s’apparentent donc plus à des couches de peintures.
Figure 9. Vues de la sculpture Saint Jean conservée dans la chapelle Mc Kenna, Cerro Santa
Lucia, Santiago du Chili © Geffroy, 2005
Les revêtements par peintures
L’emploi de peintures avec plusieurs couches dont une sous-couche anticorrosion reste le système de finition le
plus répandu sur les fontes de fer et cela dès le XIXe siècle. Il permet à la fois de protéger la fonte de fer des phénomènes de corrosion et lui donner un aspect autre que le métal sous-jacent. Dans les exemples précédents la finition
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recherchait à donner l’illusion d’un bronze. Au musée des arts de Nantes, sur une sculpture de Sapho d’Armand
Auguste, datée de 1894, les finitions de fines couches de peinture recouvrant une sous couche de minium de plomb
imitent l’aspect d’un autre métal de couleur grise (Figure 10). Le revêtement de surface, dans les zones non usées,
suggère soit un argent patiné soit un plomb. Malheureusement lors de l’intervention de conservation-restauration
aucune étude stratigraphique n’a été réalisée pour des raisons budgétaires et de délai. La nature chimique de ces
couches n’est pas identifiée. Cependant visuellement il s’agit encore de donner l’illusion d’une surface métallique.
Figure 10. Sapho devant Phaon, 1894, sculpture en fonte de fer peinte d’Armand Auguste, musée des arts, Nantes, © Geffroy.
Dans d’autres cas, les couches de peinture sont blanches et l’effet recherché s’apparenterait plus à donner l’aspect
de la pierre, de type calcaire. Lors de l’étude des sculptures du Chili, nous avons constaté que de nombreux ensembles de fonte fer étaient peints en blanc. Est-ce une volonté dès l’origine d’imiter un autre matériau plus prestigieux ou est-ce un choix pour faciliter l’entretien de ces sculptures ?
En effet un ensemble de fontes de fer peintes en blanc avait été traité avant l’étude de 2005 (Figure 11). Elles
avaient toutes été décapées avant remises en peinture et l’examen des coupes stratigraphiques dans des zones de
recoin n’a pas permis de mettre en évidence de façon explicite la présence d’une autre finition (de type paillettes
métalliques) ou d’une autre couleur que le blanc.
Figure 11. Enfant au mouton, Diane, Faune à la flûte, parc Lota, Chili, © Geffroy 2005.
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L’étude du revêtement d’une sculpture de Diane (fonderie J.J. Ducel, XIXe), exposée dans les jardins de La Lanterne
à Versailles met également en lumière différents repeints. Chacune de ces interventions a complétement changé
l’aspect de l’œuvre. En partant de la fonte qui est le support (du bas vers le haut sur le schéma de la figure 12), une
couche de minium de plomb a d’abord été appliquée comme protection anti-corrosion. Elle a été recouverte d’une
peinture d’aspect gris-bleu qui peut être considérée comme la couche d’origine. Elle correspond à un mélange de
pigments (jaune de chrome et bleu de Prusse) que l’on peut associer à la dénomination « vert anglais » dont les
teintes peuvent varier fortement entre le vert-jaune et le vert-bleu-gris. Cette couche bleue a ensuite été recouverte de deux couches de peinture blanche de natures différentes qui ne sont peut-être pas contemporaines. Estce une volonté de donner un aspect couleur marbre à la sculpture ? Enfin, la dernière couche est de couleur marron (Figure 12).
Ces pigments de la première couche bleue sont plutôt stables. En conséquence, la couleur observée sous les
couches ultérieures a probablement peu, voire pas évolué, et a été considérée comme celle d’origine. La restauration par les ateliers de restauration de la Fonderie de Coubertin a été orienté d’après ce résultat afin de restituer
l’aspect d’origine de la sculpture [10].
Figure 12. Description des différents revêtements de la statue de Diane, jardins de La
Lanterne, Versailles ©LRMH, 2022.
Les sculptures en fonte de fer ont également été très employées pour la construction des monuments aux morts
suite à la première guerre mondiale, dans les années 1920. En effet cela permettait de produire à bas coût et en
série un modèle dont le client pouvait choisir la finition. Il n’est donc pas rare de voir le même modèle avec des
couleurs de peintures très différentes et ne recherchant nécessairement pas à imiter un matériau plus noble. Parfois même les sculptures sont polychromes afin de redonner chair à ces soldats morts pour la France (Figure 13).
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Figure 13. Saint Chabrais (Creuse)© Geffroy, Rouvray sur Audry (Ardennes) © Casier.
Conclusion
Les fontes de fer qu’elles soient éléments d’architecture, mobiliers urbains ou sculptures sont systématiquement,
et cela dès l’origine, revêtues. Les techniques et matériaux de protection appliqués dès la fabrication sont multiples : ils ne répondent pas forcément à la même intention esthétique d’une part et ne confèrent pas la même durabilité de protection contre la corrosion d’autre part. Les campagnes d’entretien, traditionnellement par l’application d’une nouvelle couche de peinture, masquent parfois la finition originale, quand cette dernière n’a pas été
complétement éliminée.
Il est donc primordial, avant un traitement de restauration de ces œuvres, de mettre en place une étude stratigraphique afin de mieux comprendre leur finition, et de rechercher d’éventuelles traces de couches profondes. En
effet, ce travail peut contribuer à mettre en lumière soit la technique de revêtement employée soit l’intention esthétique recherchée par le commanditaire de l’œuvre. Ces études permettent ainsi de mieux appréhender l’élément décoratif et d’orienter le traitement de conservation – restauration dans le respect de l’intention d’origine,
sans oublier l’aspect sanitaire. En effet, la présence de minium de plomb, comme revêtement anti-corrosion intermédiaire, a été pendant longtemps la technique traditionnellement employée sur les matériaux ferreux peints.
L’étude préalable doit donc intégrer également un diagnostic plomb pour aider à l’élaboration du cahier des
charges des travaux futurs.
Remerciements
L’ensemble des travaux illustrant le propos de notre article a été réalisé à l’occasion de chantiers de restauration. Nous remercions l’ensemble des maîtrises d’œuvre et d’ouvrage qui étaient en charge de ces interventions. Nous remercions également l’ensemble des acteurs intervenus dans le cadre de la coopération franco-chilienne pour la conservation-restauration
des sculptures publiques du Chili (entre octobre 2005 et mars 2006) : Pascale Mauny, le Consejo de monumentos nacionales
Chili, la fondation Carnot. Enfin un grand merci à Annick Texier qui a été un moteur et un pilier pour l’ensemble de ces études.
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Références
[1] Texier A., La couleur de la fonte : entre esthétisme et protection, In : Métal à ciel ouvert. La sculpture métallique
d'extérieur du XIXe au début du XXe siècle : identification, conservation, restauration (2014), 15es journées d'étude
de la SFIIC, 4-5 décembre 2014, Paris Aurélia Azéma, Annick Texier, eds, p. 43-53.
[2] Azéma A., Ensemble de fontaines du jardin des Champs-Elysées, Paris 8e, FD-2022-249741, note LRMH, (2022).
[3] Texier A., La restauration de la fontaine des Mers place de la Concorde, Paris, 2001, In : Monumental, Jardins
historiques, Direction du patrimoine, (2001), p. 144-145.
[4] Azéma A., Église Saint-Augustin. Baldaquin et torchères du chœur. Identification des revêtements polychromes
sur métal, Paris, 8e, R1442A, rapport LRMH (2018).
[5] Perdu B., Enclos central du chœur rehaussé sur la crypte. Baldaquin central. Fonte de fer peinte, doré et rehaussé de polychromie. Eglise Saint-Augustin – Paris 8ème, rapport d’intervention (2018).
[6] Texier A., Azéma A., Eglise Saint-Augustin. Etude des revêtements de surface de la rose, Paris, 8e, FD160284,
rapport LRMH (2017).
[7] Perdu B., Imbert N., Dumery L., Volant J. Portes monumentales principales en fonte de fer. Eglise saint Vincentde-Paul – Paris 10e, rapport d’intervention – 2e version, (2015).
[8] Geffroy A.-M., Texier A., 2006, Les fontes d’art au Chili : historique, études et analyses stratigraphiques », in
Journées de la section française du groupe Métal d’ICOM-CC, 28 et 29 septembre 2006, Paris, (2006), conservationrestauration des biens culturels, cahier technique n°17, p. 37-40.
[9] Texier A., Geffroy A.-M., Les traitements de finition sur la fonte d’art aux XIXe et XXe siècles, état des recherches,
In Monumental, semestriel 2 (2010), éditions du patrimoine, Paris, p. 112-113.
[10] Azéma A., Etude des revêtements de surface d’une sculpture de Diane à la biche de la fonderie J.J. Ducel exposée dans les jardins du pavillon de la Lanterne, Versailles, FD2022, note LRMH, (2022).
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Charlène Pelé Meziani et al.
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L’EXPOSITION DES OBJETS DU PATRIMOINE DE GRANDES DIMENSIONS : QUAND
LA PROTECTION DEVIENT LE DERNIER REMPART AUX REPRISES DE CORROSION.
RETOURS D’EXPÉRIENCE SUR LES TESTS MENÉS AVEC DES PROTECTIONS
MINÉRALES ET BIOLOGIQUES.
Charlène Pelé-Meziani*
Ingénieure d’étude, Arc’Antique
Charlene.Pele-Meziani@loire-atlantique.fr
Gilles Baron, Responsable du Patrimoine sous-marin, Arc’Antique
Gilles.Baron@loire-atlantique.fr
Elodie Guilminot, Ingénieure de recherche, Arc’Antique
Elodie.Guilminot@Loire-Atlantique.fr
Loretta Rossetti, Conservatrice-restauratrice, Arc’Antique
Loretta.Rossetti@Loire-Atlantique.fr
* Autrice correspondante
Résumé
La stabilisation des objets archéologiques sous-marins est une étape capitale du traitement de conservationrestauration. Cependant la présence de sels résiduels, la dimension des objets et les conditions d’exposition font de
la protection un élément essentiel pour la préservation de ce mobilier.
De nombreux objets issus du patrimoine sous-marin sont de grandes dimensions et généralement réexposés en
extérieur (front de mer, place communale, remparts…). Les conservateurs-restaurateurs œuvrent de longs mois
pour assurer la stabilisation des objets ferreux ou cuivreux. L’étape finale reste la protection de ces objets afin de
limiter les reprises de corrosion et ainsi de sécuriser leur valorisation lorsqu’ils seront exposés. La notion d’efficacité, de faisabilité et d’impact environnemental prend tout son sens dans le choix de la protection. Cette intervention
a pour objectif de présenter les essais menés au laboratoire Arc’Antique avec plusieurs protections de composition
minérale ou biologique, appliquées respectivement sur les alliages ferreux ou cuivreux, ainsi que les retours d’expérience des conservateurs-restaurateurs. Bien que les choix des protections aient été portés par des critères objectifs (possibilité d’application, coût, résistance à des conditions extrêmes, pollution, réversibilité), leur mise en
application repose toujours sur la conviction des conservateurs-restaurateurs en termes de résultats visuels et esthétiques.
Mots clés
Protections, Patrimoine, Cuivreux, Ferreux, Applications, Retours d’expérience
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Introduction
Épaves et cargaisons ont depuis de nombreuses années fait l’objet de fouilles sous-marines. Leur découverte a
amené nombres d’objets à être excavés. Ces objets (canons, ancres, boulets…) se doivent d’être traités dès leur
découverte afin d’éviter leur destruction. En effet, ces objets, bien que fragilisés par leur enfouissement, ont pendant des années établi un équilibre avec leur milieu. Cet équilibre leur assure la survie. Mais lors de leur excavation,
ce dernier est rompu et un cycle de dégradation physico-chimique s’enclenche pouvant entrainer leur ruine. Le protocole de traitement réalisé à Arc’Antique comprend cinq phases [1] : le dégangage, la stabilisation, le rinçage, la
restauration et la protection. Ce texte se focalise sur cette dernière étape. En effet, bien que stabilisés, les objets de
grandes dimensions sont généralement voués à être exposés dans un environnement non contrôlé parfois agressif
comme les fronts de mer ou sur les ports. C’est là que l’étape de la protection prend toute son importance : limiter
les reprises de corrosion dues aux embruns ou aux sels résiduels qui seraient réactivés par un environnement
agressif (Figure 1).
Figure 1. Canon traité par Arc’Antique en 1998, protégé par des couches de résines
polyuréthane et époxyde, exposé à proximité de l’océan Atlantique sur l’île d’Oléron.
Depuis près de 30 ans, Arc’Antique a eu l’opportunité de traiter nombre d’objets issus du patrimoine sous-marin, à
savoir canons, ancres, pièces d’artillerie diverses en alliages cuivreux et ferreux. Les protections appliquées ont évidemment évolué au cours des années. D’abord via les retours d’expérience, puis via les recherches publiées, le
choix des protections s’est vite confronté à diverses contraintes spécifiques aux objets de grandes dimensions. En
effet, le compromis efficacité et praticité est ici évident.
Cas des objets archéologiques ferreux
En 2008, le laboratoire Arc’Antique décide de réaliser un constat d’état sur une dizaine d’objets ferreux afin d’évaluer l’évolution des objets et de leur protection [2,3]. Plusieurs protections avaient été appliquées à l’époque selon
les dates de traitement.
Globalement, tous les canons ont présenté des reprises de corrosion. Ceux qui en présentaient le moins avaient
subi une application à chaud de cire (canons exposés à Gétigné et aux Sables d’Olonne), ou avaient été protégés
par un mélange graisseux (mélange de graisse et d’huile de vidange) exposés dans un environnement agressif à
Fort La Latte. En revanche, les protections dites multicouches (de type époxy 20/20®, polyuréthane) (canons exposés à Carantec et à l’île d’Oléron) se sont révélées peu efficaces, les canons présentaient de nombreuses reprises de
corrosion et ce, malgré l’intervention de certains dépositaires pour tenter de réappliquer certaines protections au
cours des années.
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Figure 2. Comparaison des protections, agencées selon leur efficacité - du moins efficace (en bas) au plus efficace (en haut).
Ce constat d’état avait pour but d’initier une étude plus approfondie afin de déterminer un protocole de
« protection » optimal à travers des tests réalisés sur un même corpus exposé dans les mêmes conditions (un environnement agressif) avec les protections concernées (Figure 2). Le corpus sélectionné concerne des plaques d’acier
industriel ainsi que des objets archéologiques provenant du milieu marin comme boulets, boulets ramés, mis à disposition par le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines - DRASSM (Figure 3a).
Ces objets ont été exposés entre 2008 et 2012 sur une plateforme du port de Saint-Nazaire (Figure 3b).
Figure 3. (a) Objets exposés après avoir été protégés. (b) Plateforme du port de Saint-Nazaire avec les objets exposés.
Mais qu’est-ce qu’une protection efficace ?
Cette question est importante car elle conditionne les critères à observer pour discriminer les protections entre
elles. Mais l’efficacité est-elle le seul critère important de l’étude ? Les retours d’expériences sont ici intéressants
car illustrent de façon évidente l’inclusion d’autres contraintes : opératoires, environnementales, esthétiques, financières et celles répondant aux règles d’hygiène et de sécurité. Celles-ci conditionnent indirectement le choix des
protections qui n’est donc pas basé uniquement sur les reprises ou non de corrosion. Tous ces critères ont été inclus dans une étude menée en 2012 par le laboratoire Arc’Antique et chaque protection a été évaluée dans sa globalité : expérimentation et retour d’expérience, mise en œuvre, durée de la protection, aspect esthétique, entretien ou renouvellement et respect de la déontologie. Vingt critères d’évaluation notés de 1 (insatisfaisant) à 5 (très
satisfaisant) avec des coefficients entre 1 et 2 selon leur importance particulière ont été définis (Figure 4).
Le croisement de l’évaluation des critères fait ressortir le « Mélange Fort La Latte » (mélange d’huile de vidange et
graisse de moteur usagée), comme le traitement globalement le plus satisfaisant (Figure 5). Ce mélange est facilement renouvelable et améliore considérablement la protection des fers forgés. Malheureusement cette solution
reste salissante pendant plusieurs semaines après son application, ce qui représente une contrainte de taille lorsque les objets sont accessibles au public. De plus la question de la toxicité du composant à base d’huile de vidange
est rédhibitoire (présence de métaux lourds, dérivés dégradés de produits pétroliers etc.).
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Figure 4. Liste des critères utilisés pour l’évaluation par pondération des protections.
Figure 5. Boulet protégé par le mélange « Fort La Latte » avant (à gauche) et après 7 mois d’exposition (à droite).
Dans le cas des canons protégés par la cire (en extérieur à Gétigné et sous abri aux Sables d’Olonne), le lieu d’exposition n’était pas le plus agressif. Mais les tests réalisés au port de Saint Nazaire confirment la qualité des protections associant cire et agent passivant (mélange 10%v acide tannique / 36%v acide orthophosphorique / 54%v éthanol) (Figure 6). Le principal inconvénient de cette protection est son application fastidieuse (cire appliquée à
chaud), ce qui implique des coûts fonctionnels élevés ainsi qu’un savoir-faire ne permettant pas au dépositaire de
réaliser lui-même l’entretien. Par ailleurs, les bons résultats obtenus sur les fontes ne se confirment pas entièrement sur les fers forgés : les reprises de corrosion apparaissent beaucoup plus rapidement sur les fers forgés.
Figure 6. Boulet ramé protégé par la cire microcristalline avec et sans agent passivant, avant (à gauche)
et après 7 mois d’exposition (à droite).
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Enfin, les solutions multicouches sont intéressantes mais pour être efficaces, doivent être appliquées sur des surfaces métalliques, avec un métal mis à nu, ce qui n’est pas possible pour beaucoup des objets en fonte de fer traités. Leur faible adhérence sur les produits de corrosion entraine un écaillage rapide de la surface lors de la manutention du canon, au contact du public et avec les intempéries. Des reprises de corrosion localisée sont donc rapidement constatées. De plus, le renouvellement de cette protection est contraignant car normalement nécessite
l’élimination de l’ancienne protection, des conditions climatiques adéquates, le séchage de l’objet pour l’application de la nouvelle protection. Il faut aussi noter que l’élimination des anciennes protections entraine une altération de la surface de l’objet. Enfin, l’aspect esthétique de l’objet n’est pas toujours adapté (aspect brillant, voir
« plastique ») (Figure 7).
Figure 7. Boulet ramé protégé par le polyuréthane avec et sans carboxylate (acide
laurique 30g/l dans 50-50%v eau-éthanol) avant et après 7 mois d’exposition.
Le bilan de ces travaux n’a montré qu’aucune solution n’était vraiment satisfaisante. Les conclusions les plus raisonnables seraient de privilégier une exposition dans un environnement protégé et contrôlé. Ceci semble objectivement illusoire au regard de la taille des objets concernés et des places disponibles dans les zones dépositaires, à
quelques exceptions près. Pourtant, nous devons répondre à des demandes de traitement. Même si aucune solution « idéale » ne s’en est dégagée, il est toutefois possible d’envisager, en détails, les avantages et les inconvénients de chaque traitement, permettant ainsi un choix adapté aux contraintes du dépositaire de l’objet.
Cas des objets archéologiques cuivreux
Au même titre que les canons en fer issus du milieu marin, les canons en bronze, même après stabilisation, sont
sensibles aux reprises de corrosion. Des protections sont donc appliquées pour limiter ces reprises, mais ce n’est
pas leur seul rôle. En effet, le point de vue esthétique est ici un critère essentiel dans le choix de la protection. Le
phénomène de corrosion des alliages cuivreux conduit à la formation d’une couche de produits de corrosion du
cuivre communément appelée patine qui va donner à l’objet sa couleur caractéristique. Les attentes font que cette
couche et sa couleur soient maintenues ou recouvrées d’abord pour des raisons esthétiques.
Application du nitrate de cuivre, à chaud.
La patine dite chimique est ici obtenue par application à la surface d’une solution de nitrate de cuivre, nitrate de fer
et dichromate de potassium (environ 10% en masse dans l’eau). Cette patine a été appliquée par le laboratoire
Arc’Antique sur plusieurs canons dont celui en bronze découvert au large de Bidart en 1979
(référence Arc’Antique : 2015434) (Figure 8).
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Figure 8. Canon en bronze découvert au large de Bidart en 1979, avant restauration.
Figure 9. Canon en alliage cuivreux découvert au large de Bidart en 1979 – photos avant restauration (à gauche)
et après restauration, avec l’application de la patine chimique (à droite).
Les applications ont été réalisées par aspersion et au pinceau à chaud. Aucun moyen logistique spécifique n’est nécessaire, excepté pour la manutention de l’objet. Son application est considérée par les collègues comme relativement aisée. En revanche, ce produit est un puissant comburant, corrosif et dangereux pour l’environnement ce qui
oblige de se munir d’équipements de protections individuelles. Les résultats ont été considérés satisfaisants avec
l’objectif atteint en termes d’aspect de surface. Sur la nouvelle patine chimique on pose une couche de cire, qui va
être renouvelée périodiquement (maintenance). En plus d’apporter une protection complémentaire à la patine, la
cire permet d’uniformiser l’aspect et d’apporter de la profondeur aux détails et de la brillance (Figure 9).
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Retours d’expérience pour l’utilisation de la méthode alternative : la biopatine
Un canon en bronze découvert au large de Dieppe (Arsenal de Brest) présent au laboratoire Arc’Antique en 2014
montrait d’importantes dépôts de corrosion ferreuse à sa surface, provenant des tiges utilisées pour sa fabrication
ou d’objets environnants. Ces zones étaient considérées comme gênantes pour la lisibilité de l’objet. Il a donc été
demandé de les atténuer. L’application de la patine chimique n’a malheureusement pas atteint l’objectif escompté
(Figure 10).
Figure 10. Photos d’une partie du canon avant (à gauche) et
après (à droite) application de la patine chimique.
Figure 11. Application du gel chargée de souches
fongiques et mise en place du film microperforé
sur le canon en bronze.
Il a été donc décidé de tester une nouvelle méthode basée sur l’utilisation de souches fongiques, qui depuis
quelques années, donnait des résultats prometteurs sur des sculptures en plein air. La biopatine (résultat de l’application de composés fongiques sur les alliages cuivreux) permet la stabilisation du processus de corrosion des objets
en alliages cuivreux tout en limitant la variation chromatique. L’application de ces souches à la surface de l’objet
donne lieu à la formation d’une couche d’oxalate de cuivre, stable chimiquement et insoluble [4].
Le laboratoire Arc’Antique a eu la possibilité de tester ce traitement sur quatre types d’objets archéologiques : un
canon en alliage cuivreux récupéré au large de Dieppe par la Marine Nationale, un fragment en bronze provenant
d’une statue de l’art Khmer et deux monnaies.
Les conservateurs-restaurateurs en charge des objets ont été accompagnés par Edith Joseph et Lidia Mathys pour
les premières applications. Bien que la préparation du gel avec les souches fongiques nécessite une rigueur pour
éviter toute contamination biologique externe, son application sur les objets reste relativement simple. Après un
nettoyage à l’éthanol 70% de la surface à traiter, le gel est appliqué sur une épaisseur allant de 0,5 à 1 cm. Un film
microperforé est ensuite appliqué tout autour de l’objet, qui est lui-même placé dans une caisse dont l’environnement doit être proche des 100%RH (Figure 11). Le développement des champignons est visible et permet un contrôle simple de leur réactivité avec la surface de l’objet (Figure 12). À la fin du traitement, le gel est simplement retiré puis jeté sans contrainte spécifique. L’objet quant à lui nécessite un rinçage en surface avec un brossage et un
mélange d’eau-éthanol à 70%.
Dans le cas du canon, aucune évolution esthétique n’a été observée (Figure 13). D’abord, nous avons pensé à
l’inefficacité du traitement, malgré un développement très net des champignons (sauf sur les parties ferreuses). Il a
donc été nécessaire de compléter cette observation avec des analyses physico-chimiques par spectroscopie infrarouge qui ont confirmé la présence d’oxalate de cuivre.
En revanche, pour les « petits » objets (monnaies et fragments de statue), nous avons pu noter un léger voile laiteux en surface. L’observation sous binoculaire, notamment pour le fragment de statue, a mis en évidence la présence de restes de gel mal rincés qui donnaient cet aspect blanchâtre à la surface. Après un rinçage efficace, la
surface ne présentait pas de modifications significatives en termes de couleur. Ici aussi, les analyses physicochimiques ont complété les observations visuelles, validant la présence d’oxalates de cuivre.
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Figure 13. Zoom sur une partie du canon, avant et après application
du gel chargée de souches fongiques.
Figure 12. Évolution des champignons à la surface
du canon après 10 jours.
La biopatine s’est révélé être une alternative efficace et qui n’affecte pas la couleur des produits de corrosion superficiels. En revanche, elle ne permet pas de recouvrir des zones tachées (par exemple par les oxydes de fer) et
d’uniformiser l’aspect des surfaces, comme peut le faire une patine artificielle et aussi une couche de protection
telle qu’un vernis ou une cire. Se pose la question de son application sur des statues archéologiques de grandes
dimensions. En effet, nous avons remarqué que le rinçage du gel doit se faire de façon énergique, pour éliminer
tous les résidus. Sur des surfaces très irrégulières et plutôt fragiles, le rinçage efficace s’avère dangereux pour l’objet. La biopatine est alors difficilement utilisable sur une statue archéologique présentant une surface fragile.
Conclusion
D’après ces retours d’expérience, ce que nous pouvons noter est l’équilibre entre l’efficacité et l’esthétisme d’une
protection que l’on doit obtenir pour chaque protocole proposé. Aucune protection ne satisfait pleinement les restaurateurs-conservateurs parce que les critères évalués sont nombreux et contraignants (l’objet, les attentes du
commissionnant, les conditions environnementales de travail, d’exposition…). Pourtant, pour chaque objet et
chaque traitement, cet équilibre est discuté et généralement atteint par la validation par un consortium conscient
des compromis impliqués. La discussion des choix de protection est une étape évidente mais incontournable pour
rendre compte des contraintes et des objectifs à atteindre.
Remerciements
Les auteurs souhaitent remercier tous les étudiants pour avoir participé à ces recherches : Kana Osato, Maud Sichet et Wilfried
Raimondi. Antoine Amarger, Edith Joseph et Lidia Mathys sont respectivement remerciés pour leur accompagnement dans les
applications sur les alliages cuivreux de la patine chimique et des souches fongiques pour la formation de la biopatine. Les auteurs expriment aussi toute leur gratitude au DRASSM pour leur avoir mis à disposition des objets pour cette étude et le port
de Saint Nazaire pour leur avoir permis d’utiliser leur plateforme pour exposer ces objets.
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Références
[1] Guilminot E., Baron G., Memet J.B., Huet N., Le Noc E., Roze J.P. (2007) "Electrolytic treatment of archaeological
marine chloride impregnated iron objects by remote control" in Metal 07, proceedings of the International ICOMCC Metal WG conference, Amsterdam (Netherland), Eds Rijksmuseum Amsterdam, September 2007, Vol 3, p. 3843.
[2] Gilles Baron, Elodie Guilminot, Charlène Pelé. « Du fond des mers au front de mer : itinéraire des canons ».
ARAAFU, 2012, actes du colloque Journées des Restaurateurs en Archéologie, Cahier Technique n°21, CRBC, p. 1621.
[3] Gilles Baron, Elodie Guilminot, Nathalie Huet, Marine Jaouen, Charlène Pelé, Christine Riquier-Bouclet.
« Restoration – Conservation of a cannon in France: From ocean depths to public display, after treatment in a restoration workshop ». 2016. Journal of the Ordnance Society 24, p. 73-94.
[4] Joseph E., Emmanuelle Domon Beuret, Lidia Mathys, Lucrezia Comensoli, Laura Brambilla, Monica Albini, Christian Cevey, Régis Bertholon, Pilar Junier. « Biopatines : des champignons au service des alliages cuivreux ». ARAAFU,
15 février 2018, actes du colloque Journées des Restaurateurs en Archéologie, Cahier Technique n°27, CRBC, p. 115122.
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Silvia Lob et Delphine Neff
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PROTECTION DES CUIVRES HISTORIQUES PAR DES SOL-GELS DOPÉS PAR DES
ACIDES CARBOXYLIQUES
Silvia lob*
Post-Doctorante, LAPA, NIMBE-IRAMAT, CEA/CNRS/U Paris Saclay, France
silvia.lob@cea.fr
Delphine Neff, Ingénieure de recherche, LAPA, NIMBE-IRAMAT, CEA/CNRS/U Paris Saclay, France
delphine.neff@cea.fr
* Autrice correspondante
Résumé
Dans le cadre de la protection de cuivre historique présentant une couche de produits de corrosion, un revêtement
sol-gel dopé en acide carboxylique a été appliqué. Il est montré que le gel de type siloxane et l’acide pénètrent dans
la couche de brochantite jusqu’à l’interface avec la cuprite en fond de couche. De plus la précipitation de carboxylates de cuivre confère aux échantillons traités un caractère hydrophobe protecteur.
Mots clés
Cuivre, Inhibition, Sol-gels, Acides carboxyliques
Introduction
Afin de limiter les interactions entre le métal et l’environnement et de préserver la couche de produits de corrosion
(CPC) de l’œuvre, les restaurateurs utilisent des traitements de protection généralement à base de composés organiques (cires microcristallines, BTA) qu’ils appliquent à la surface de l’objet. Ces traitements peuvent présenter le
désavantage d’une tenue limitée dans le temps, et l’emploi de certains produits toxiques pour l’utilisateur comme
pour l’environnement. Au cours de ces dernières décennies, des recherches se sont penchées sur l’étude de nouveaux traitements pour les métaux du patrimoine, qui soient respectueux des contraintes liées à la conservation
restauration mais aussi plus respectueux de l’environnement et plus durables dans le temps. Les travaux de Grayburn et al. de 2014 sur l’acide myristique (C14) pour l’inhibition de la corrosion d’objets en plomb en conditions
atmosphériques [1], ou encore ceux de S. Hollner al. de 2010 sur les carboxylates de sodium NaC10 et NaC14 pour
la protections des objets en fer, ont montré l’efficacité des composés carboxylates à longue chaîne pour la protection de métaux du patrimoine notamment par la mise en œuvre de mesures d’impédance évaluatives de l’inhibition
de la corrosion [2]. Plus particulièrement dans le cadre de la protection du cuivre en conditions atmosphériques,
Rocca et al. ont conduit une étude en 2001, portant sur l’évaluation du carboxylate de sodium NaC7 à pH 8 appliqué au cas du cuivre, dans laquelle les propriétés inhibitrices de la corrosion des carboxylates a été mise en évidence [3]. Dans le cadre du cuivre pour le patrimoine, Apchain a étudié l’effet protecteur de l’acide décanoïque
(C10) et de façon complémentaire aux travaux de Rocca et al., démontré l’importance de la pénétration de l’acide
dans la couche de produits de corrosion du cuivre pour obtenir un effet protecteur renforcé [4]. Ces composés carboxylates peuvent dans le cas des longues chaînes comprenant 10 atomes de carbone et plus, présenter le désavantage de modifier la couleur de la couche de produits de corrosion à dominance verte vers une nuance bleue
dans le cas d’une immersion de plusieurs heures, ce qui va à l’encontre des prérequis de la conservation restaura-
Présentation 5
Silvia Lob et Delphine Neff
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tion [5,6]. Par ailleurs, en parallèle à ces travaux, d’autres études se sont penchées sur les revêtements sol-gels et
leurs apports pour la protection du patrimoine métallique. C’est notamment le cas des travaux d’E. Joseph et al.,
menés dans le cadre du projet EUARTECH (2004-2009), où des revêtements sol-gels à base de matrice orthosilicatée fonctionnalisée par des groupements hydrophobes mercapto- et fluoro-, ont été utilisés pour la protection de
cuivres corrodés en condition atmosphérique [7]. Par des analyses d’électrochimie et des mesures d’impédance,
l’étude a mis en évidence l’effet inhibiteur de la corrosion de ces revêtements après 8 mois d’exposition en extérieur de coupons de cuivre traités, montrant ainsi l’intérêt de l’emploi de ce type de matériau pour la protection
du patrimoine métallique exposé en extérieur. Toutefois, les composés per-fluorés ont été reconnus comme composés organiques persistants (POPs) par la convention internationale de Stockholm en 2019 (Règlement REACH
1907/2006 - https://echa.europa.eu/fr/hot-topics/perfluoroalkyl-chemicals-pfas) et les dérivés de groupes mercapto- font eux partie des composés organiques volatils (COVs), qui ont des effets très néfastes sur la santé
(https://www.anses.fr/fr/content/%C3%A9missions-de-compos%C3%A9s-organiques-volatils-cov-par-les-produitsde-construction-et-de).
C’est pourquoi l’étude présentée ici a pour objectif de développer un nouveau traitement pour la protection des
couches de produits de corrosion des cuivres purs et alliés, qui exploite ces propriétés protectrices obtenues par
les acides carboxyliques à longue chaîne et par les revêtements sol-gels à base orthosilicatée, tout en palliant les
problématiques de la modification de couleur et de la toxicité du matériau. Le matériau recherché est conçu pour
être facilement applicable, respectueux de l’esthétique de l’œuvre, résistant sur plusieurs années et apportant
une meilleure protection que les traitements traditionnels employés pour les œuvres du patrimoine métallique.
L’enjeu est in fine de pouvoir proposer un traitement alternatif pour la protection du patrimoine cuivreux exposé
en extérieur, soumis à la corrosion atmosphérique. C’est ce qui est étudié dans cette nouvelle approche, associant
les propriétés inhibitrices de corrosion des carboxylates et de la tenue sur le long terme des revêtements sol-gels
dans une formulation mixte d’un revêtement sol-gel dopé en acide carboxylique à longue chaîne.
La molécule choisie dans le cadre de l’étude présentée pour réaliser le traitement de protection est un acide carboxylique dérivé d’acide gras extrait d’huiles végétales, l’acide décanoïque (HC10). C’est un composé qui a été
examiné au cours des travaux de thèse d’Emilande Apchain au LAPA et dont l’efficacité par immersion a été étudiée [4]. Pour le revêtement sol-gel, le choix est porté sur une matrice orthosilicatée d’orthosilicate de tétraméthyle (TMOS). C’est un composé qui jusqu’à présent a principalement été utilisé pour la protection des métaux
contre la corrosion dans un contexte industriel [8 - 10], mais qui présente une simplicité de mise en œuvre et une
adaptabilité à de multiples substrats, dont les cuivres corrodés comme étudiés dans ce travail.
Résultats et discussion
Afin d’évaluer l’efficacité du traitement en HC10 par voie sol-gel, l’application du traitement a été effectuée sur des
coupons de toiture historique représentatifs de la corrosion sur le long terme, et comparée à une application du
HC10 par immersion de 2h en solution. L’application par voie sol-gel a été réalisée par un procédé de trempage en
solution (dip-coating), permettant l’obtention d’un revêtement très fin et homogène sur la surface traitée. Le dipcoating a été effectué en un ou deux trempages (-1d et -2d) d’après le procédé suivant : un trempage d’une minute
dans le sol-gel liquide suivi d’un séchage dans la chambre de dip-coating de 10 minutes et pour les -2d, un second
trempage après les 10 premières minutes de séchage, de 1 minute, suivi d’un nouveau séchage de 10 minutes dans
la chambre de dip-coating. L’application par immersion a été réalisée dans une solution contenant l’acide HC10 à 30
g/L dans un mélange eau (pure) : acétone (SigmaAldrich) à 50:50 v/v (soit 0,553:0,447 en fraction molaire). La concentration d’acide carboxylique HC10 a été ajustée à la concentration limite de dissolution dans le mélange
eau:acétone 50:50 v/v.
Les analyses Raman conduites sur les coupes transversales des coupons historiques traités par immersion en HC10
et par voie sol-gel TMOS dopé en HC10 en un et deux trempages (-1d et -2d) ont permis de mettre en évidence la
pénétration du traitement HC10 dans la couche de produits de corrosion en fonction de la méthode d’application
(immersion versus voie sol-gel).
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Silvia Lob et Delphine Neff
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Les Figure 1 et Figure 2 présentent les cartographies Raman (accompagnées de l’image au microscope optique correspondante) ainsi que les spectres Raman caractéristiques associés aux différentes phases identifiées dans le cas
du coupon traité par HC10 en immersion. Les phases recherchées dans la couche de produits de corrosion sont : la
brochantite, la cuprite, l’acide HC10 et l’acide complexé, le décanoate de cuivre (CuC10). L’ensemble des pics caractéristiques de ces différents composés sont répertoriés dans la thèse de Silvia Lob [11].
Figure 1. cartographies Raman de la brochantite et de la cuprite dans la coupe transversale du coupon traité avec
HC10 appliqué par immersion; images présentées avec l’image MO correspondante à l’échelle 10 µm.
Figure 2. spectres Raman normalisés des phases considérées dans la cartographie de la coupe transversale du coupon traité avec
HC10 appliqué par immersion (spectres B et C) comparés aux spectres de référence normalisés de la brochantite et de la cuprite.
L’analyse Raman du coupon traité par immersion en HC10 (Figure 1) révèle la présence de deux couches, une de
cuprite (en rouge) à l’interface avec le métal, et une de brochantite (en vert) dans la partie supérieure de la coupe.
Ces couches sont caractéristiques des produits de corrosion des cuivres anciens corrodés [12] [13] et sont identifiées suivant les spectres C (cuprite) et B (brochantite) présentés dans la Figure 2. L’acide HC10 ou encore le complexe CuC10 ne sont pas observés. L’acide utilisé pour le traitement des coupons n’est pas détecté dans la profondeur de la couche de produits de corrosion, qu’il soit sous forme acide ou complexée. Toutefois, des analyses de
surface conduites sur ce même coupon ont mis en évidence la présence de ces composés HC10 et CuC10
(caractérisations MEB-EDS et spectroscopie Raman) ainsi que leur effet protecteur en terme d’hydrophobicité de
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surface et d’inhibition de la corrosion (mesures d’angle de contact et mesures électrochimiques de potentiel (OCP),
cf thèses Silvia Lob et Erika Ferrari [11] [14]). Le spectre Raman caractéristique de cette surface est représenté en
Figure 3 ci-dessous.
Figure 3. spectres Raman normalisés de la surface du coupon traité avec HC10 appliqué par immersion (spectre 1), comparé
aux spectres de référence normalisés de la brochantite (●), l’acide décanoïque HC10 (▫) et du décanoate de cuivre CuC10 (▪).
Le spectre 1 montre bien la présence des bandes vibrationnelles caractéristiques des composés carboxylés, attribués suivant les travaux de Génin (2001), Doyle (2000) et Pereira (2006) [15][16][17], à 598 et 609 cm -1 (liaison COO), à 896 cm-1 (liaison C-C), à 1061, 1436 et 1445 cm-1 (déformation et élongation des CH3) puis à 1297 cm-1
(liaison C-O) et le massif à 2850-3000 cm-1 (liaisons CH3 et CH2). Les pics caractéristiques des carboxylates de cuivre
sont observés à 208, 236 et 290 cm-1 pour la déformation de la liaison O-Cu-O, et à 369 cm-1 pour l’élongation O-CuO (valeurs pour le CuC10).
Ces données ont ensuite été comparées aux résultats obtenus dans le cas du traitement HC10 appliqué par voie sol
-gel. Comme pour le traitement HC10 en immersion, des analyses de surface (MEB-EDS et spectroscopie Raman)
conduites antérieurement sur les coupons traités TC10-1d et TC10-2d ont mis en évidence la présence des composés HC10 et CuC10 à leur surface, de même que leur effet protecteur en terme d’hydrophobicité de surface [11].
Par ailleurs la Figure 4 présente les cartographies Raman (accompagnées de leur image au microscope optique correspondante) associées aux différentes phases identifiées dans le cas des coupons traités par dip-coating -1d et -2d
dans le sol TMOS dopé en HC10 (TC10-1d et TC10-2d). Comme précédemment dans le cadre de l’étude du coupon
traité par immersion en HC10, les phases et espèces recherchées dans la couche de produits de corrosion sont : la
brochantite, la cuprite, l’acide HC10 et l’acide complexé CuC10, auxquels s’ajoute le TMOS, propre au traitement
sol-gel employé dans le traitement étudié.
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Silvia Lob et Delphine Neff
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Figure 4. cartographies Raman de la brochantite et cuprite, et de la répartition du TMOS et du mélange
HC10/CuC10 dans les coupes transversales des coupons traités TC10-1d (haut) et TC10-2d (bas); images
présentées avec les images MO correspondantes à l’échelle 10µm.
D’après la Figure 4, pour les deux applications (-1d et -2d) les distributions du TMOS et celle du mélange HC10/
CuC10 sont identiques et ces deux composés sont distribués dans la totalité de la brochantite jusqu’à l’interface
avec la cuprite. Dans le cas du coupon TC10-2d, ces phases, TMOS et mélange HC10/CuC10, semblent plus concentrées dans la partie externe de la CPC (Couche des Produits de Corrosion) et à l’interface cuprite/brochantite en
fond de couche de produits de corrosion.
Les Figure 5 et Figure 6 ci-dessous présentent les spectres Raman caractéristiques associés aux différentes phases
identifiées dans les coupes transversales et correspondant aux cartographies présentées pour les coupons TC10-1d
et TC10-2d.
Figure 5. spectre Raman normalisé correspondant à la phase TMOS détectée dans la cartographie des coupes transversales
des coupons traités TC10-1d et TC10-2d (spectre 2) et comparé aux spectres de référence normalisés de la brochantite (●),
du TMOS (*) et de l’acide décanoïque HC10 (▫).
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Silvia Lob et Delphine Neff
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Sur la Figure 5, le spectre 2 correspond au TMOS, identifié par la présence des bandes caractéristiques à 490 cm-1,
810 cm-1, 978 et 1012 cm-1, du doublet à 1451 et 1462 cm-1 et des massifs à 2850 et 2954-2995 cm-1 qui correspondent, respectivement, aux vibrations des liaisons Si-O-Si, au déplacement du Si dans sa cage tétraédrique, aux liaisons Si-OH puis Si-CH2 et enfin aux liaisons CH3 et CH2. L’attribution de ces bandes a été faite d’après les travaux de
Sassi et de Robinet [18, 19]. Il est aussi intéressant de noter que la détection du TMOS, s’accompagne de la détection de certains marqueurs de l’acide HC10. Le spectre 2 présente en effet des pics caractéristiques des composés
carboxylés comme identifiés plus haut.
Figure 6. spectre Raman normalisé correspondant à la phase mélange CuC10/HC10 considérée dans la cartographie
des coupes transversales des coupons traités TC10-1d et TC10-2d (spectre 3) comparé aux spectres de référence
normalisés de la brochantite (●), du TMOS (*), de l’acide décanoïque HC10 (▫) et du décanoate de cuivre CuC10 (▪).
Le mélange CuC10/HC10 (Figure 6), identifié par le spectre 3, présente principalement les bandes caractéristiques
des composés carboxylés CuCn/HCn ainsi que celles du CuC10, à 119 et 290 cm-1. Dans le spectre 3 il est également
possible d’identifier quelques vibrations caractéristiques des liaisons du TMOS, montrant bien le mélange des composés TMOS et HC10/CuC10.
Ainsi comme cela a été montré par les analyses Raman en surface et sur coupe transversale le traitement HC10 appliqué par voie sol-gel permet donc une réaction de complexation en surface de l’acide avec la couche de brochantite, mais également une pénétration et une réaction de l’acide en profondeur dans la couche de produits de corrosion jusqu’à l’interface avec la cuprite, ce que l’application par immersion ne semble pas permettre. L’acide HC10
est alors présent sous forme acide et sous forme complexée, indiquant une réaction de complexation de l’acide
avec la brochantite au sein de la couche se produisant par un mécanisme de dissolution re-précipitation des ions
cuivre II [3].
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En complément, des mesures de couleur ont montré que l’impact visuel de ce traitement est faible [11].
Conclusion
L’étude par spectroscopie micro-Raman des couches de produits de corrosion anciennes traitées par l’acide décanoïque HC10 a permis de montrer, à l’échelle micrométrique, les apports considérables d’une application par voie
sol-gel en démontrant une pénétration et une complexation de l’acide HC10 en profondeur dans la couche de produits de corrosion. Les analyses complémentaires de mesures physiques et électrochimiques ont par ailleurs démontré l’efficacité inhibitrice de la corrosion des carboxylates de cuivre CuC10 formés en surface de la couche de
produits de corrosion lors de l’application du traitement HC10. Ainsi, la présence de ces complexes en profondeur
de la couche de brochantite obtenue par l’application sol-gel laisse présager une tenue efficace de la protection de
ces traitements après exposition en extérieur. Des études sont actuellement en cours pour vérifier cette hypothèse
sur des coupons exposés pendant un an à l’air ambiant.
Remerciements
Nous souhaitons remercier la Fondation des Sciences du Patrimoine pour le financement accordé pour cette étude, ainsi que
nos collègues pour leur contribution à ce travail : Erika Ferrari (LAPA NIMBE-IRAMAT, CEA/CNRS/U Paris Saclay, France), Thuhoa Tran Thi (LEDNA, NIMBE-IRAMAT, CEA/CNRS/U Paris Saclay, France), Christine Richter (LPMS, CY Cergy Paris Université,
France), Muriel Bouttemy (ILV, U Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines/ U Paris-Saclay/CNRS, France), Ludovic Bellot-Gurlet
(MONARIS, Sorbonne Université/CNRS, France), Marie Fays, Marine Bayle et Philippe de Viviés (A-Corros expertise, France)
ainsi que Philippe Dillmann (LAPA NIMBE-IRAMAT, CEA/CNRS/U Paris Saclay, France).
Références
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Silvia Lob et Delphine Neff
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cuprous and cupric oxides. The crystal and molecular structure of Cu2(O2CC5H11)4, Polyhedron. 19 (2000) 2621–
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[19] L. Robinet, The role of organic pollutants in the alteration of historical soda silicate glasses, PhD Thesis. (2006).
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Session 3
Protection en interieur
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Présentation 6
Marie Fays et al.
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LES DEFIS DE LA PROTECTION DE L’ESPADON :
SEUL SOUS-MARIN VISITABLE A FLOT EN FRANCE
Marie Fays*
Conservatrice-restauratrice, A-Corros
mfays@a-corros.fr
Jean-Bernard Memet, Marine Crouzet, Paul Houssin, A-Corros
* Autrice correspondante
Résumé
Le sous-marin Espadon (S637) est un sous-marin de la classe des Narval de 77 m de long à propulsion électrique.
Après 25 années de service militaire dans la marine française, le sous-marin est désarmé et cédé à la ville de SaintNazaire pour devenir un objet-musée en 1986. Depuis, il est visitable en conditions d’usage à flot dans le sas de
l’écluse fortifiée. Soumis au vieillissement différentiel de ses matériaux constitutifs (métaux, textile, bois, cuir, matériaux synthétiques, revêtements), à un climat salin agressif et au passage répété d’un public en immersion totale
dans sa matérialité, l’Espadon a fait l’objet d’un vaste programme de protection patrimoniale incluant un important
traitement de restauration et un projet de valorisation.
L’approche de cet objet-musée est en effet complexe et implique une priorisation des urgences, et une réflexion
multiple des approches pour sa protection : carénage de la coque externe, protection cathodique de sa composante
immergée, remise en peinture des zones accessibles du parcours visiteur, traitement anti-corrosion à visée conservatoire dans les parties inaccessibles, veille sanitaire. De l’hétérogénéité des techniques mises en œuvre vers une
cohérence de la protection, du traitement ponctuel à l’amélioration globale de l’état du sous-marin, autant de contradictions entre lesquelles il faut naviguer.
Mots clés
Sous-marin, Restauration, Conservation, Protection, Corrosion
Introduction
L’Espadon (S637) est un objet-musée unique en son genre : il
s’agit du seul sous-marin à flot visitable en France, dans le sas de
l’écluse fortifiée de Saint-Nazaire (Loire Atlantique) (Figure 1).
Après une carrière militaire puis muséale, il montre des signes de
faiblesse et nécessite un vaste chantier de restauration pour perdurer dans sa matérialité et dans l’expérience de visite qu’il
offre. Retour sur ce chantier singulier.
Figure 1. Vue de l'Espadon avant intervention,
© A-CORROS 2019.
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Figure 2. Schéma en coupe de l’Espadon, représentant ses niveaux de planchers et différentes tranches, © A-CORROS 2022.
Un fleuron de la marine française
C’est un sous-marin de surveillance de la classe Narval, construit par les Chantiers Augustin Normand du Havre et
mis à flot par l’armée française en 1960, avec 5 autres sous-marins. Long de 77 m et ceinturé d’une double coque
en acier, il est composé d’un massif et de deux niveaux de planchers (Figure 2). Ses parties internes sont divisées en
six tranches, affectées aux domaines suivants : la propulsion mixte (électrique et diesel), le commandement et les
manœuvres militaires, la défense (torpilles), et la vie des 65 sous-mariniers (logements, cuisines, hygiène).
Au cours de ses 25 années de service et en pleine guerre froide, l’Espadon accomplit diverses missions internationales (Arctique, Caraïbes, golfe de Guinée) et parcourt une distance équivalente à 17 fois le tour de la Terre, sans
avoir pourtant jamais été engagé dans un conflit armé (Figure 3). Sa mission la plus notable est la « croisière nordique » en 1964, au cours de laquelle il devient le premier sous-marin français à naviguer au-delà du cercle polaire
Arctique sous la banquise (Figure 4).
Il demeure le seul sous-marin de sa classe encore conservé.
Figure 3. Le sous-marin Espadon dans l'avant-port de Saint-Nazaire en 1982,
© Bernard Prézelin, SNAT-écomusée 1982.
Figure 4. Sous-marin de la classe Narval dans
l'Arctique, © photographe inconnu, coll.
SNAT-écomusée 1964.
Changement d’équipage : des sous-mariniers aux visiteurs
Désarmé en 1986, il est proposé pour un franc symbolique à la ville de Saint-Nazaire par le ministère de la Défense,
et devient alors opportunément le premier sous-marin visitable en France. Il est inscrit à l’inventaire de l’écomusée
de Saint-Nazaire sous le numéro 986.10.1, et subit alors quelques transformations : carénage, vidanges, curage des
batteries et ballasts (compensé par du béton coulé), retrait d’une partie du mobilier, aménagement d’un escalier
d’accès, signalétique muséale. L’Espadon a immédiatement et durablement beaucoup de succès et devient l’attraction phare de Saint-Nazaire, avec près de 3 millions de visiteurs depuis son ouverture.
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Pendant 30 ans, Saint-Nazaire Agglomération Tourisme (SNAT), gestionnaire de l’écomusée, entretient l’Espadon
via des opérations ponctuelles, et procède à quelques améliorations comme l’installation d’une centrale de traitement d’air dans le massif, la mise sous protection cathodique de la coque immergée, et l’immobilisation du sousmarin au fond du sas par des jambes de force.
Cependant le sous-marin montre des signes d’usure et de corrosion, poussant l’équipe de l’écomusée à réaliser un
premier constat d’état en interne en 2017, doublé en 2019 par une campagne de constat d’état et de diagnostic
menée par la société arlésienne A-CORROS. Ces deux études concluent sans équivoque à la nécessité d’intervenir à
large échelle pour sa protection : l’Espadon est en effet très encrassé et très altéré, du fait notamment d’importants phénomènes de corrosion.
Mission sauvetage
En 2020, le sous-marin ferme au public pour laisser place à un vaste programme de restauration et de valorisation
devant permettre de prolonger au maximum sa carrière muséale au contact du public. Les objectifs sont variés :
inspection exhaustive du sous-marin, diagnostic poussé, priorisation des urgences, nettoyage intégral, interventions
de conservation curative et de restauration, refonte du parcours visiteur et rénovation de la signalétique, mise en
place de protocoles de veille sanitaire et d’entretien.
Le défi est de taille : le géant est composé d’une multitude d’éléments inamovibles et de matériaux divers soumis à
des vieillissements différents dans un arrangement exigu. Les espaces et éléments sont peu accessibles, bien que
certains accessoires du plancher haut soient à la portée d’un public parfois trop curieux. De plus, l’ensemble est à
flot dans une eau saumâtre, soumis à un climat salin agressif permanent.
C’est donc dans ce contexte, qu’A-CORROS se voit confier l’étude et la conservation-restauration des espaces intérieurs de l’Espadon, l’assistance aux opérations de carénage, et l’assistance au redimensionnement de la protection
cathodique de la coque extérieure, sous la forme de 4 missions d’intervention en 2021 et 2022. Pendant ce temps,
SNAT coordonne en simultané l’intervention de métalliers, caréneurs, maîtres d’œuvre, directeur artistique, spécialistes de la protection cathodique et personnels d’entretien, et sollicite d’anciens sous-mariniers et les archives de
l’écomusée pour mener à bien le programme.
7 tonnes de corrosion à la loupe
L’Espadon fait l’objet d’une campagne de constat d’état et de diagnostic portant sur des zones, sous-zones ou objets cohérents, méticuleusement localisés d’après la dernière nomenclature militaire en usage. Des observations,
photographies, mesures d’épaisseur, analyses qualitatives et tests alimentent l’étude. Cette méthodologie a permis
de cartographier les matériaux et leurs altérations, d’identifier des causes d’altération, et de proposer une priorisation des interventions à réaliser.
L’étude a ainsi mis en lumière une grande diversité de matériaux, et des disparités dans la conservation du sousmarin. Les métaux apparaissent ainsi comme la composante principale du sous-marin : structure, plancher, machines et mobiliers sont principalement en acier, certains éléments de mobilier sont en aluminium, cadrans visseries et canalisations sont en alliage cuivreux, et d’autres éléments isolés sont en plomb (joints) ou zinc (carters).
Ces éléments métalliques sont nus, peints, galvanisés, chromés, gainés ou revêtus de composites synthétiques, et
sont en contact avec d’autres matériaux. On trouve également du textile (literie), du cuir (sangles), du bois
(mobilier), du verre (cadrans), de la mosaïque de céramique (sanitaires et cuisines) et de très nombreux matériaux
composites et synthétiques : revêtements de sol en PVC et linoleum, formica, similicuir, skaï, caoutchouc artificiel,
bakélite, polycarbonates, polypropylènes, polyuréthanes, adhésifs. A ces matériaux s’ajoutent les fluides encore
présents dans le sous-marin (huile, carburant résiduel, eau de mer dans les caisses de compensation, fluide de décomposition des composés électroniques).
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Figure 5. Vue du « plancher bas » de la tranche Centraux (TCB2), © A-CORROS 2020.
La Figure 5 illustre bien cette diversité et l’interdépendance des constituants de l’Espadon. Leur proximité et leur
confinement obligent à considérer le sous-marin comme un seul objet composite, plutôt que comme un assemblage d’éléments indépendants.
Tous ces éléments et tous ces matériaux présentent par ailleurs des altérations, et nombres d’entre elles sont préoccupantes. L’encrassement du sous-marin est critique et même gênant pour l’étude matérielle. Les métaux, majoritaires donc, sont les plus touchés et présentent des profils de corrosion variés, engendrant parfois des pertes
d’épaisseur non négligeables (Figures 6 et 7). Les plus spectaculaires sont les corrosions affectant la double coque
et le fond de cale, puisque plus de 7 tonnes de produits de corrosion sont curées. Les matériaux organiques et synthétiques présentent principalement des attaques micro/biologiques et des altérations structurelles liées à leur
vieillissement, au climat ou encore à la manipulation (Figure 8). En effet, si la fréquentation du sous-marin par le
public est sa raison d’être conservé, elle est aussi une cause importante de sa dégradation : usure, fatigue mécanique, dommages volontaires ou non s’ajoutent à la longue liste des altérations relevées.
Figure 6. Corrosion généralisée, tranche
torpilles, © A-CORROS 2021.
Figure 7. Cadran composite altéré,
© A-CORROS 2021.
Figure 8. Sangle de couchette
encrassée, © A-CORROS 2021.
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Objet-musée où l’utopie de la protection efficace
Le sous-marin est globalement en mauvais état de conservation et doit être conservé pour rester visitable : l’approche de sa conservation restauration est donc complexe.
C’est d’abord une question d’échelle : comment permettre une protection efficace et durable du sous-marin dans
son ensemble, de la petite vanne suintante à l’immense coque feuilletée ? C’est ensuite une question de compatibilité avec sa nature composite, son environnement instable et agressif, et sa fréquentation, qui sont des composantes immuables de l’Espadon. L’application de la déontologie de la conservation-restauration est par conséquent
nécessairement questionnée et doit forcément être adaptée afin d’envisager un protocole de protection du sousmarin compatible avec les objectifs et les possibilités de l’écomusée. Le sous-marin doit conserver son authenticité,
ses matériaux d’origine et ses traces d’usage, tout en offrant une expérience de visite immersive et sécurisée pour
le public. Il faut donc faire des compromis.
La priorité est ainsi donnée au traitement des éléments en très mauvais état et aux éléments préhensibles et visibles par le public.
La coque, une enveloppe protectrice à protéger
L’Espadon comporte une double coque : une coque épaisse intérieure structurelle de 4 cm d’épaisseur, et une
coque mince extérieure de 1,5 cm d’épaisseur protégeant les ballasts et donnant une forme hydrodynamique au
sous-marin. Les tôles d’acier soudées sont revêtues de systèmes de peinture conforme à l’usage dans la Marine et
datant de 1995.
La protection de la coque est renforcée en 2005 par la mise en place d’une protection cathodique par anodes galvaniques, renouvelée en 2017 (34 anodes en aluminium de 12 kg).
Le constat d’état et le diagnostic corrosion de la coque ont été menés par mesures d’épaisseur résiduelle par ultrason en des points réguliers, et par contrôle de la protection cathodique (mesures de potentiels électrochimiques,
mesures du courant débité par les anodes, mesures de conductivité du bassin, vérification des connexions) (Figures
9 et 10).
Malgré les systèmes de protection existants, la corrosion est tout de même responsable d’une perte d’épaisseur
approximative de la moitié de l’épaisseur d’origine de l’acier de la coque, endommageant le système peint. Localement, en particulier sur le pont, la coque mince est même perforée. Cet état d’altération trouve de multiples
causes : une exposition à un climat agressif, la présence d’eau dans la double coque et dans certains ballasts augmentant significativement la surface à protéger, et la qualité insuffisante des connexions entre la coque et les
anodes. En conséquence, la protection existante est insuffisante.
La coque étant l’enveloppe protectrice du sous-marin, il est donc décidé de mener deux opérations généralisées :
son carénage et l’ajustement de la protection cathodique.
Figure 9. Étude de la coque,
© A-CORROS 2019.
Figure 10. Vérification des connecteurs
d’anodes, © A-CORROS 2019.
Figure 11. Carénage en cours,
© A-CORROS 2021.
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A-CORROS assiste l’entreprise en charge du carénage de la coque : mise au point des techniques de nettoyage et de
purge de la corrosion (eau chaude haute pression, grenaillage, brossage), accompagnement dans les opérations de
remplacement des tôles perforées, conseil pour le choix du nouveau système peint et contrôle des épaisseurs de
peinture (Figure 11).
Le redimensionnement de la protection cathodique – en cours au moment de la rédaction de cet article - est réalisé
en collaboration avec une société spécialisée. L’opération consiste à vérifier les paramètres de faisabilité de la mise
sous protection cathodique, et d’estimer le courant nécessaire au sous-marin pour sa protection (installation d’un
système de protection cathodique par courant imposé). Les données obtenues permettent de préciser les besoins
du sous-marin, et servent de cahier des charges à l’entreprise chargée de l’installation du nouveau système de protection cathodique.
Plancher haut : le public dans la vitrine
Le niveau du plancher haut correspond aux coursives et pièces principales du sous-marin. Ce niveau est parcouru
par le public de la proue à la poupe, et se trouve donc à sa vue et à sa portée directe.
C’est là également que se concentre la diversité de matériaux rencontrés. A-CORROS collabore alors avec Arc’Antique, Rouge Cadmium et Laura Couturier pour monter une équipe pluridisciplinaire.
De nombreuses interventions de conservation curative, étendues à un ensemble, ou ponctuelles, ont été réalisées,
d’après les priorités d’interventions établies. Ainsi, les traces de l’ancienne signalétique sont retirées (Figure 12), les
sangles de couchettes en cuir sont nettoyées, consolidées et assouplies, les éléments mobiliers en bois ou formica
sont nettoyés et les arrachements et trous laissés par l’ancienne signalétique sont comblés, les similicuirs des assises et tapis de bureau sont nettoyés et refixés, les caches luminaires fendus sont consolidés, les rayures atténuées
par ajout d’adhésif. Les métaux corrodés sont assainis par retrait des produits de corrosion, inhibition et protection,
et une partie des métaux peints altérés peut être protégée par la pose d’une peinture glycérophtalique identique à
celle d’origine, identifiée suite à une série de prélèvements et d’analyses (Figure 14).
Figure 12. Retrait d'adhésif laissé par un
élément de signalétique, © Jérôme
Bosger, SNAT 2021.
Figure 13. Refixage d’un combiné
téléphonique, © A-CORROS 2022.
Figure 14. Retouche d'un élément
visible, © A-CORROS 2022.
Si nos interventions respectent autant que possible les principes d’intervention minimum et de réversibilité, dans
certains cas elles consistent plutôt en une remise en état d’usage, faisant appel à un positionnement un peu plus
interventionniste que traditionnellement, en particulier pour les traitements de surface ou les consolidations. Le
cas des combinés téléphoniques illustre bien ce dilemme : trois combinés téléphoniques et leurs écouteurs en
fonte d’aluminium et bakélite sont présents dans le sous-marin. L’un d’eux, dans la coursive en tranche électrique,
est sur le passage des visiteurs. Consolidé d’abord à l’aide d’un adhésif, il ne résiste pas à l’épreuve du public entre
deux phases d’intervention, et voit même son câble en acier rompu. Une seconde intervention est alors nécessaire,
plus interventionniste : le câble est remplacé et le téléphone immobilisé sur son support (Figure 13).
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A ce même niveau, une étude a été menée sur la caractérisation des planchers foulés quotidiennement par le public, dans le but d’en déterminer l’état et de proposer des interventions et mesures d’entretien en vue de prolonger l’utilisation des planchers d’origine le plus longtemps possible.
Parmi la diversité de planchers identifiés (tôle larmée, plancher épais, acier nu, peint ou revêtu), près de 50% sont
revêtus de linoleum ou PVC et font l’objet d’une attention particulière. Si la corrosion affecte faiblement le métal
constitutif des planchers, le PVC qui le recouvre est localement rétracté, décollé, rigide ou lacunaire (Figure 15). Le
traitement d’une zone test permet d’exploiter différentes possibilités : nettoyage et recollage du revêtement soulevé, comblement des lacunes (liées à une rétractation ou un arrachement) par réutilisation de chutes du PVC d’origine déposé (Figure 16). La mise en place et la transmission d’un protocole simplifié permet aux équipes de l’écomusée de mener ces actions ponctuellement, pour étendre la durée d’utilisation du revêtement de sol et permettre une pratique sécurisée du parcours visiteur.
Figure 15. Étude des planchers et revêtements en
cours, en tranche Torpilles, ©A-CORROS 2021.
Figure 16. Zone de restauration test du PVC,
©A-CORROS 2021.
Plancher bas : quand protection rime avec contorsion
En réalité, seulement 30% du plancher bas est accessible, via des trappes, échelles ou regards dans le plancher
haut. Ces zones sont majoritairement difficiles d’accès, exiguës, sombres et peu praticables (Figure 17).
Ces bas-fonds, principalement composés d’éléments métalliques, ont une vocation technique : caisses de fluide,
batteries, cambuses, gaines de ventilation, réseaux de plomberie / électricité, arbre de transmission. Certaines
zones sont rendues visibles du public par des trappes vitrées ou ouvertes.
Les parties basses sont en mauvais état de conservation et présentent de spectaculaires phénomènes de corrosion
active : ce niveau est fortement encrassé puisque sous le parcours visiteur, humide (confiné et en marge du réseau
de traitement d’air), et touché par des fuites de fluides et infiltrations d’eau ponctuelles. Si l’humidité et l’eau de
mer sont en cause ici, il est difficile d’agir directement sur ces facteurs : le climat dans le sous-marin dépend des
variations extérieures, il est surveillé et étudié de plus près lors de ce chantier, mais difficile à réguler. Par ailleurs
aucun traitement d’extraction des sels n’est envisageable, et ne serait pas vraiment efficace puisque l’Espadon est
exposé aux embruns. Les interventions envisagées visent alors à ralentir la progression des phénomènes de corrosion et à supprimer les autres facteurs de risque, d’après le caractère de visibilité ou non par le public, et les contraintes d’accès. Le matériel embarqué doit être portatif, compact, autonome (en eau et électricité), et maniable.
Les produits employés quant à eux, même réversibles, ne sauraient être parfaitement retirés, et même une opération de nettoyage devient complexe puisqu’il faut pouvoir évacuer les résidus obtenus sans les disperser en fond de
cale.
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Globalement, les produits de corrosion sont curés mécaniquement et évacués à l’aide d’aspirateurs dorsaux, la surface est dégraissée puis protégée à l’aide d’acide tannique et vernis acrylique Paraloïd B72®, ou de Rustol® (Figure
18).
Figure 17. Intervention en plancher bas, à travers une
trappe, ©A-CORROS 2021.
Figure 18. Inhibition d’une conduite en acier,
plancher bas, ©A-CORROS 2021.
Du traitement ponctuel à l’amélioration globale de la protection
Tous les traitements mis en œuvre, généraux, particuliers, étendus ou ponctuels, qu’ils concernent le métal, ses
revêtements, les matériaux organiques ou synthétiques, portent sur une sélection de 642 éléments ou zones prioritaires. Il s’agit d’un compromis au regard des possibilités techniques, humaines, matérielles, financières et temporelles. Mais à quel point cette pluralité de traitements sur des zones choisies contribue réellement et durablement
à l’amélioration globale de l’état du sous-marin ?
Cette phase opérationnelle constitue en réalité seulement un début. Elle s’accompagne de la formation des équipes
de l’écomusée d’une part à l’identification des matériaux et des altérations, et d’autre part à des opérations d’entretien spécifiques comme l’entretien des ressorts de couchettes, des surfaces en formica, ou la détection et le traitement de corrosion active. Ces actions complètent d’autres opérations ponctuelles encore nécessaires ayant fait
l’objet d’un programme prévisionnel.
Dans ce cas d’étude singulier, les préconisations sont envisagées non pas sous la forme d’une liste de recommandations, mais d’un carnet pratique de suivi, comprenant pas à pas les opérations à réaliser tous les jours, mois ou année, comportant des documents de travail et des points pratiques sur le matériel nécessaire pour chaque opération
selon les différentes zones. Ces documents sont voués à évoluer au gré de leurs utilisateurs, et permettront de vérifier l’efficacité des traitements effectués, et de prévenir les altérations futures.
Conclusion
Au terme de nombreux échanges avec l’écomusée et les autres professionnels mobilisés (Figure 19), de plusieurs
missions sur site riches en découvertes et rebondissements, et de réflexions méthodologiques et déontologiques, le
chantier de restauration de l’Espadon sonne comme une expérience unique et un cas d’étude nourrissant la réflexion sur l’avenir de notre patrimoine industriel et militaire.
Quelles autres stratégies aurait-on pu choisir ? Avec quelles conséquences et résultats ? La question reste ouverte.
L’Espadon a rouvert ses portes en juillet 2021 et retrouvé son public nombreux, poursuivant ainsi avec plus de sérénité sa vie muséale (Figure 20).
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Marie Fays et al.
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Figure 19. Photographie de l’équipe,
©A-CORROS 2021.
Figure 20. Les premiers visiteurs sortent du sous-marin
Espadon, © Maelwenn Leduc, SNAT 2021.
Remerciements
L’équipe d’A-CORROS tient à remercier chaleureusement Typhaine Yvon (Responsable du pôle patrimoine, attachée de conservation, chef de projet au SNAT), Agathe Doufils (chargée des collections et de la conservation au pôle patrimoine du SNAT) et
toute l’équipe de l’écomusée pour leur confiance et leur collaboration.
Nous remercions également nos consœurs et confrères Gwenaël Lemoine (conservatrice-restauratrice, Arc’Antique), François
Duboisset (conservateur-restaurateur, Rouge Cadmium), Laura Couturier (conservatrice-restauratrice, Atelier Laura Couturier),
Marie Grima (conservatrice-restauratrice, intervenante A-CORROS) pour leur collaboration et leur partage.
Enfin nous adressons nos remerciements et salutations aux acteurs que nous avons ou qui nous ont accompagnés : BAC Corrosion control, le chantier de l’Esclain et le réseau des anciens sous-mariniers de l’Espadon.
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Géraldine Aubert, Annabelle Collinet
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CONSERVATION DES ALLIAGES DE CUIVRE ET DES INCRUSTATIONS
MÉTALLIQUES DU DÉPARTEMENT DES ARTS DE L’ISLAM, MUSÉE DU LOUVRE –
2010-2022
Géraldine Aubert*
Conservatrice-restauratrice du patrimoine métallique
aubert_gg@yahoo.fr
Annabelle Collinet, Ingénieure de recherche, musée du Louvre
annabelle.collinet@louvre.fr
* Autrice correspondante
Résumé
Un ensemble de constats d’état et un bilan sanitaire ont été réalisés depuis 2019 sur la collection métallique du
monde iranien médiéval (œuvres exposées au département des arts de l’Islam (DAI) au musée du Louvre et en
réserve au CCL de Liévin). Suite à ces actions, des observations et diagnostics révélant entre autres les altérations
des couches de protection (corrosions actives probables de l’alliage cuivreux et ternissements plus ou moins importants des incrustations notamment d’argent) ont conduit à la programmation de restaurations . Les traitements et protections réalisées (entre les années 2010 et 2020) sur ces objets ont été recensés et consultés à la
documentation du DAI afin d’en établir une synthèse et de proposer les traitements les plus adaptés.
En cours de restaurations, les traitements et protections proposés en amont ont été remis en discussion et parfois
modifiés. En effet, il était essentiel de prendre en considération les problématiques suivantes dans le choix des
matériaux de protection et de leurs mises en œuvre :
- réversibilité des anciennes protections,
- efficacité des protections sur l’argent (ratio ternissement/temps de protection),
- contraintes des incrustations de cuivre, d’or et d’argent ne supportant pas l’abrasion des surfaces,
- incrustations de pâtes noires bitumeuses sensibles aux solvants,
- surfaces déjà empâtées par des couches successives de protections,
- limites des protections dans un environnement instable,
- respect de la brillance ? aspect de surface ?.
Une discussion constante entre la conservatrice-restauratrice et la chargée de collection a permis de moduler les
niveaux de protection, de mettre en place un suivi précis des œuvres protégées ou de constater les limites des
traitements de protections des œuvres fragiles du DAI (profil archéologique sensible à la corrosion active récurrente, incrustations d’argent et de cuivre fragilisées structurellement avec disparition du décor). Certaines protections sont aussi révélées inefficaces en cas de choc climatique. Quel futur peut alors être envisagé pour ces œuvres
qui viennent se heurter aux limites de l’efficacité des protections et à leur fragilité dans des environnements instables ?
Mots clés
Période Islamique, Monde iranien médiéval, Conservation, Restauration, Protection
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Introduction
La collection du monde Iranien médiéval du musée du Louvre est constituée d’objets mobiliers en alliages cuivreux,
souvent incrustés de cuivre, d’argent et d’or, ainsi que de pâtes bitumeuses noires (Figure 1 et Figure 2). Des campagnes d’observations menées fréquemment par Annabelle Collinet, chargée de collection du Département ont mis
en avant de potentiels signes de reprise de corrosion, tout en observant que le climat dans certaines vitrines et plus
globalement dans les espaces d’exposition permanente, pouvait être par période relativement instable. Elle a donc
mis en place une campagne de bilan sanitaire 8 ans après les restaurations et l’installation en salle des objets.
Figure 2. OA 7890. © AUBERT 2021.
Figure 1. OA 7079. © AUBERT 2021.
Les différentes opérations de suivis et de constats ont été menées avec un 1er bilan sanitaire en septembre 2020
sur 59 objets suivis de campagnes de restaurations en 2021 ; puis un autre bilan annuel en octobre 2021 sur la
même collection en salles ; finalement une campagne de bilan sanitaire sur des objets provenant du CLL (réserves
de Liévin) en amont d’une exposition ouverte en novembre 2021 dans l’espace d’actualités du DAI, avec des interventions d’urgence de stabilisation de corrosions.
Les différentes observations, ainsi que des comparaisons avec des photos prises entre 2015 et 2017, assorties de
constats établis lors de l’étude archéométallurgique de la collection (projet ISLAMETAL, Louvre-C2RMF) [1], ont permis d’établir 5 groupes d’objets :
1) œuvres sans signe de corrosion visible, avec des protections de surface semblant intactes et mises en surveillance tous les 3 à 5 ans.
2) œuvres montrant des signes potentiels de corrosion sous des protections de surface qui semblent stables (pas de
progression d’après les photos anciennes) et mises sous surveillance annuelle (possibilité pour la corrosion d’évoluer rapidement si les protections deviennent défaillantes ou en cas d’évènements climatiques).
3) œuvres dont les corrosions locales semblent actives (suspicion de piqûres de chlorures) nécessitant un traitement urgent de stabilisation (Figure 3).
4) œuvres ornées d’incrustations métalliques, notamment d’argent, qui présentent des problématiques structurelles (fragilité mécanique).
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5) œuvres dont les protections de surface défaillantes (blanchiments ou jaunissements des vernis) ont entrainé des
ternissements, en particulier des incrustations d’argent (Figure 4).
Figure 3. OA 7079 – détail piqûre de corrosion avec
soulèvement de l’incrustation. © AUBERT 2021.
Figure 4. OA 7079 – détail jaunissement vernis et
blanchiment de cire dans les creux. © AUBERT 2021.
Sur les 59 objets du premier bilan, 19 présentaient des altérations soit un total de 24% des objets observés du
monde iranien du DAI.
1 - Spécificités des objets du DAI et problématiques de restauration
Les objets en métal du monde iranien médiéval (v. 10e-15e siècles), et plus largement du monde islamique médiéval
(Figures 5 et 6), sont des petits meubles (liés à l’éclairage et à l’usage des encens par exemple) ; des vaisselles de
présentation et de consommation de denrées et de boissons ; des ustensiles (liés à l’écriture ; à la préparation de
produits …).
Les types en particulier des 10e-13e siècles sont très variés. Les objets sont des alliages de cuivre, mis en forme à la
cire perdue en grande majorité, bien plus rarement par fonte au sable, ou encore par martelage. Enfin certains objets sont mis en forme par coulée (ébauche) et par martelage.
Les objets fondus sont des alliages au plomb et des bronzes blancs ; les martelés sont des laitons et des bronzes
blancs. Les alliages au plomb sont pour partie issus de recyclages.
La collection est à profil « archéologique » et à profil « moderne ». Les alliages de cuivre fondus sont les plus fragiles en termes de conservation du substrat. Beaucoup sont recouverts d’une patine brune ou verdâtre, artificielle,
naturelle ou les deux. Certains n’ont pas été touchés ou très peu. Les laitons martelés et les laitons au plomb sont
plus proches de leur aspect d’origine : beaucoup n’ont pas connu l’enfouissement ; d’autres ont été dégagés jusqu’à l’épiderme. Comme les objets « archéologiques » ils sont incrustés de pâte bitumeuse noire et de métaux précieux.
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Figure 5. OA 7526. © AUBERT 2021.
Figure 6. OA 3372. © AUBERT 2021.
Les différents alliages, la provenance des objets (enfouis, non enfouis), l’histoire de leur traitement (de la patine
naturelle au dégagement très poussé) et enfin la présence de divers matériaux en surface des substrats
(métalliques et non métalliques) rendent complexes leur conservation, mais aussi les diagnostics et les choix de
restaurations. En particulier, les problématiques récurrentes sont :
- La nature et l’aspect des patines, doublées des protections de restaurations modernes.
- La lisibilité des œuvres, en particulier lorsque les ornements incrustés ne sont plus visibles à cause de la corrosion,
modifiant la polychromie des objets.
- La fragilité mécanique des incrustations métalliques (déchirures, soulèvements).
- Le traitement et la protection had hoc et réversibles des alliages cuivreux et des argents.
- La sensibilité extrême aux variations climatiques et polluants (corrosions des alliages cuivreux et sulfurations des
argents).
2 - Bilan et perspective : restaurations antérieures, traitements actuels
Afin d’établir un cadre précis pour les protections à employer dans les futures campagnes de restauration, les dossiers d’œuvre des 59 premiers objets diagnostiqués ont été consultés afin de savoir quels traitements de protection
et d’inhibition avaient été appliqués antérieurement. Le but était d’éventuellement corréler les reprises de corrosion observées et les couches de protections en place. Sur les 59 objets, 10 n’avaient pas de rapport de restauration et 2 rapports mentionnaient une protection mais sans précision sur sa nature.
Les types d’inhibitions et de protections relevés dans les rapports sont ceux trouvés couramment dans la bibliographie |2]. Pour l’inhibition, on relève un traitement de stabilisation généralisé par Benzotriazole (BTA) et un traitement en local avec de l’oxyde d’argent. Pour les couches de protections, la cire micro cristalline Cosmolloid H80
(dilution white spirit ou éther de pétrole) est utilisée ainsi que les vernis Paraloid© B72 ou Regalrez® (dilution solvants polaires).
Sur les 49 objets avec rapport de restauration (Figure 7) :
- 21 ont subi un traitement général ou local d’inhibition (43% des objets) et seulement 2 montrent des signes de
reprises de corrosion (10%).
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- 17 ont été protégés avec un système de double protection (35%/36% des objets): 16 avec un vernis acrylique
(Paraloid® B72) et une couche de cire micro cristalline H80 ; 1 avec un vernis acrylique (Paraloid® B72) et un vernis
Regalrez® dont seulement 2 en double protection montrent des signes de reprises de corrosion.
- 10 mentionnent un système de simple de protection (une couche de cire micro cristalline) associée avec une stabilisation locale à l’oxyde d’argent (20%/21% des objets). La plupart de ces objets présentent un très bon état de conservation.
- 20 rapports citent une seule couche de protection (cire micro cristalline, vernis Regalrez® ou Paraloid®) représentant 41% des objets.
- Sur ces 41% (20 objets), 10 objets présentent des reprises de corrosion (corrosion « actives » ou ternissements
d’argent). Ce qui représente 53% des objets qui n’ont qu’une seule couche de protection.
Figure 7. Synthèse des couches de protection sur 47 objets avec rapports de restauration.
D’après les traitements employés et le recul sur dix ans d’exposition en salle, les traitements d’inhibition aident à
stabiliser les œuvres et limitent la reprise de corrosion, surtout quand elles ont été protégées par une double
couche de protection. Les traitements ne comprenant qu’une seule couche de protection, vernis ou cire, semblent
moins performants.
Des restaurations ont donc été programmées avec des propositions de traitement prenant en compte les résultats
de cette synthèse : la double protection notamment sur les incrustations d’argent et la stabilisation et inhibition
locale à l’oxyde d’argent des corrosions actives sur alliage cuivreux.
Cependant, d’autres résultats n’ont pas été retenus comme option de traitement. Le nettoyage généralisé des surfaces n’a pas été sélectionné dans la crainte de réactiver la surface métallique d’œuvres au profil archéologique,
surfaces parfois inconnues car dissimulées par ces mêmes couches de protection et de retouche. Après discussion,
les traitements par BTA n’ont pas été retenus (malgré leur efficacité) à cause de possibles interactions avec les
pâtes noires et d’éventuels soulèvements d’incrustations. Certaines surfaces d’œuvres très empâtées par des
couches successives de protections (reliefs moins saillants, aspect plastique de certaine surfaces) semblaient n’être
défaillantes que localement. Il a donc été décidé de garder les couches de protection anciennes intactes et de ne
traiter que localement.
Présentation 7
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3 - Résultats et discussion
Dès que les traitements ont commencé, des problématiques sont apparues conduisant à des modifications des traitements proposés.
- Pâtes noires sensibles aux solvants :
Beaucoup d’œuvres d’art islamique incrustées ont dans les fonds une pâte noire. Celle-ci d’origine ou
« retravaillées » est très souvent sensible aux solvants notamment polaires. Se pose alors la question du retrait de
certains vernis typiques comme le Paraloid B 72 dilué dans de l’acétone et/ou de l’éthanol. De plus, les bains de
solvants parfois utilisés pour dissoudre les couches de protection sont ici impossibles à mettre en œuvre sans affecter la pâte noire.
- Fragilités des incrustations de cuivre, d’or et d’argent :
Très rapidement, la spécificité technique des incrustations métalliques en ressaut de la surface de l’alliage de base,
induisant une fragilité accrue face aux chocs et frottements (Figures 8 et 9), a remis en question l’application d’une
double protection avec vernis. En effet, le retrait de celle-ci notamment avec du coton est périlleux. Le retrait des
vernis (notamment le Regalrez®) engendre de grandes pressions sur la surface qui peuvent s’avérer dommageables.
La réversibilité effective des protections devient alors d’un intérêt majeur.
Figure 8. OA 3355 – détail incrustation d’argent soulevée,
blanchiment cire sur pâte noire. © AUBERT 2021
Figure 9. OA 8169 - détail d’un soulèvement
d’incrustation. © AUBERT 2021.
- Effet « patchwork» - hétérogénéité des surfaces :
On constate des effets « patchwork » dans le vieillissement des vernis avec des ternissures plus importantes dans
des creux et gravures des incrustations. La corrosion, sous le vernis, s’est développée de manière irrégulière (Figure
10). Certaines écailles de matière se sont développées, qui se clivent en laissant derrière une surface irrégulière [3].
Le nettoyage est plus difficile et certaines incrustations doivent être légèrement brunies pour uniformiser leur aspect esthétique.
Présentation 7
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Figure 10. OA 7528 - détail effet « patchwork » ternissement argent. © AUBERT 2021.
- Surépaisseur de vernis dans les creux :
On constate des épaisseurs de vernis dans les creux des gravures et ciselures de surface très difficiles à nettoyer
(Figure 11), sans appliquer beaucoup de frottement et de force d’abrasion avec le bâtonnet de coton. De plus, ces
surépaisseurs ont des accès difficiles et souvent de faibles dimensions.
Ainsi, devant les difficultés liées aux doubles protections, des changements dans les propositions et réalisation de
traitement de protection ont été fait, grâce à un échange étroit avec la chargée de collection.
Figure 11. OA 7525 - détail accumulation de vernis dans les creux et pâte
noire. © AUBERT 2021.
- Protections et environnement
Une autre problématique est apparue au bout de huit mois d’exposition en salle après le traitement local des corrosions sur les œuvres en alliage cuivreux. Un évènement climatique d’importance (inondation sous le lieu d’exposition avec dérèglement de la climatisation) a fait augmenter l’humidité relative qui était jusque-là bien contrôlée et
régulée par des absorbants (autour de 47,5%). De plus, les vitrines d’exposition temporaire sont connues comme
étant moins hermétiques que les vitrines permanentes. Les œuvres au profil archéologique sensible et signalées
comme fragiles sont reparties en corrosion. Ce phénomène a été aussi observé sur des œuvres avec des surfaces
métalliques complétement décapées et non traitées.
Présentation 7
Géraldine Aubert, Annabelle Collinet
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Des piqûres de corrosion (chlorures) (Figures 12 et 13) sont apparues sur la surface avec un développement important de produits verts clairs pulvérulents. On les observe sur des zones nouvelles mais aussi en bordure d’anciennes zones traitées précédemment à l’oxyde d’argent et recouvertes d’une cire. Des points verts semblant
stables, à surveiller, ont percé sous leurs anciennes protections. Des zones nettoyées lors du dernier traitement
afin de faire ressortir les incrustations et protégées avec une double protection (vernis suivis d’une cire) ont développé des chlorures en surface.
Figure 12. AA 65 - détail reprise de corrosion sur
incrustation de cuivre. © AUBERT 2021.
Figure 13. MAO 1256 - détail reprise de corrosion sur surface
métallique décapée. © AUBERT 2021.
Conclusion
La mise en œuvre du retrait des vernis anciens engendre parfois plus de problèmes qu’un éventuel gain sur l’application de ceux-ci comme protection contre le ternissement. En comparant avec les rapports de restauration précédents, un traitement avec seulement une seule couche de protection en cire semble finalement donner un ratio
temps/ternissement intéressant (10 ans avant un ternissement visible). De plus, l’enlèvement de la cire ancienne
est plus facile à mettre en œuvre, semblant provoquer moins de pression sur la surface.
Si elle est choisie, cette méthode de simple protection se doit alors d’être évaluée assez régulièrement afin de jauger, au fur et à mesure des années, le développement de corrosion comme par exemple sur le ternissement de l’argent, et de renouveler cette couche avant des effets visibles.
Concernant les alliages cuivreux présentant des corrosions actives (piqûres de chlorures) se pose les limites d’un
traitement d’inhibition et/ou d’une application de protection (cire et/ou vernis) en local. Ce type de mise en œuvre
des protections (respectant la nature du matériau et les spécificités de la collection) supportent finalement peu les
chocs climatiques et ne semble fonctionner que dans un milieu où l’humidité relative est contrôlée. Se pose alors la
question de leur efficacité sur le long terme.
Ainsi la contrainte et la problématique majeures de ces objets fragiles consiste à trouver un bon équilibre entre
traitement, lisibilité et protection des objets eux-mêmes. Ce doit être avant tout leur environnement qui assure
leur conservation : dans un climat stable et régulé, les objets très fragilisés (comme les alliages cuivreux au profil
archéologique) ne connaissent pas de reprise ou d’apparition de corrosion. Les limites de ces protections privilégiées (i.e. plus réversibles et qui permettent la lisibilité des œuvres et ne modifiant pas davantage leur aspect) sont
clairement établies, car possiblement défaillantes en cas de chocs climatiques (cas d’école du dérèglement environnemental au DAI, aout 2022, avec 14% des objets en exposition temporaire avec reprises ou apparitions de corrosions constatées).
Présentation 7
Géraldine Aubert, Annabelle Collinet
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Il semble en définitive plus judicieux de s’adapter au profil des œuvres - leur composition élémentaire, leur profil
historique ou archéologique, leur fragilité intrinsèque, leurs méthodes de fabrication- et de choisir des couches de
protections adaptées même si elles imposent des contraintes de surveillance ou relèvent de compromis entre leurs
bénéfices et leurs désavantages.
Remerciements
Nous souhaitons remercier l’atelier de restauration du C2RMF, département métaux archéologiques et particulièrement
Noëlle Timbart et Manuel Leroux pour leur aide ainsi que le département de la régie du Louvre pour leur aide précieuse lors
des nombreuses ouvertures de vitrines (Mathilde Debelle, Jade Vincent et Isabelle Luche).
Références
[1] Collinet A., Bourgarit D., Précieuses matières Les Arts du métal dans le monde iranien médiéval. Volume I, Xe –
XIIIe siècles, 2021, Louvre Éditions et Éditions Faton.
[2] Berducou M., La Conservation en archéologie, Bertholon R., Relier C. « Chapitre 5 les métaux » 1990, Elsevier
Masson
[3] Van Langh, R., H.A. Ankersmit, and I. Joosten. The delamination of silver sulphide layers. In Metal 04Proceedings of the International Conference on Metals Conservation, Canberra, Australia, 4-8 October 2004, Canberra ACT: National Museum of Australia, pp. 137-141.
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Présentation 8
Eve Paillaux et al.
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PROTÉGER LE MOBILIER ARCHÉOLOGIQUE EN ALLIAGE CUIVREUX À L’AIDE DE
CHAMPIGNONS : UNE SOLUTION ?
Eve Paillaux*
Conservatrice-restauratrice, CREAM
eve.paillaux@gmail.com
Florence Dussère, Conservatrice-restauratrice, Conservation des antiquités et objets d’art du Val-d’Oise
florence.dussere@valdoise.fr
Édith Joseph, Ingénieure de Recherche, Haute École Arc Conservation Restauration, HES-SO Haute École
Spécialisée de Suisse Occidentale, Neuchâtel, Suisse
edith.joseph@he-arc.ch
* Autrice correspondante
Résumé
Les recherches sur les traitements verts en Conservation-Restauration élargissent les alternatives aux méthodes de
traitement de la corrosion actuellement controversées. La biopatine est une approche qui permet de créer une
passivation durable de la surface des alliages cuivreux grâce à la conversion de leurs produits de corrosion en oxalates de cuivre. Depuis plus de 15 ans, de nombreux tests en laboratoire ont ainsi permis de valider la procédure
pour une application sur des objets du patrimoine archéologique. Seront présentés ici les résultats d’une étude sur
deux corpus ; l’un consistant au traitement de 84 objets archéologiques et à l’évaluation de la protection, et l’autre
de 11 artefacts pour une application en masse. Les questions autour de la protection du mobilier archéologique
seront abordées de manière pragmatique.
Mots clés
Objets archéologiques, Alliages cuivreux, Corrosion, Biopatine, Traitement de masse
Introduction
La biopatine est un traitement de biopassivation des alliages cuivreux. Elle fonctionne à partir d’une souche de
champignon Beauveria Bassiana [1]. L’acide oxalique sécrété par le champignon au contact des alliages cuivreux est
capable de convertir les produits de corrosion du cuivre en oxalates de cuivre [1]. Ainsi, ces derniers se présentent
comme une fine couche protectrice stable et résistante dans le temps qui mesure environ 5 µm [2]. La biopatine est
appliquée à l’aide d’un gel dans lequel le champignon croît. Les avantages de cette technique pour protéger le patrimoine sont multiples : elle est sans danger pour l’humain et pour l’environnement et permet ainsi d’être une alternative durable aux traitements d’inhibition de la corrosion actuels [3, 4]. L’appellation « biopatine » est un terme
qui est utilisé dans d’autres applications de bio nettoyage des monuments historiques [5], ce terme désigne le traitement dans sa globalité, mais peut être utilisé par extension pour désigner le champignon. Dans cet article le
terme biopatine sera exclusivement utilisé pour désigner le le traitement de conversion des produits de corrosion.
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Eve Paillaux et al.
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En biologie, une biopatine est un film biologique formé par différents micro-organismes. L’étude présentée, ici, est
le fruit d’une étroite collaboration entre le service départemental archéologique du Val-d’Oise (SDAVO), la Haute
École Arc Conservation-Restauration (He-Arc CR) et l’université de Neuchâtel (UniNE) [6, 7]. L’objectif de cette
étude a été premièrement d’appliquer la biopatine sur un large corpus et d’évaluer ce procédé par observation
visuelle et diverses techniques d’analyse. Nous avons également testé ce traitement en masse sur un corpus de 11
objets, de manière à l'adapter pour une pratique en atelier de Conservation-Restauration. Ainsi, la mise en œuvre
de la biopatine sera présentée de manière pragmatique, puis les résultats du traitement et les méthodes d’évaluation utilisées sur un large corpus et enfin l’utilisation de la biopatine en tant que traitement de masse seront développées.
1 - Mise en œuvre
Figure 1. Préculture d'une souche
Beauveria Bassiana.
Figure 2. Deux kits biopatine de
25 ml chacun provenant de l'Université de Neuchâtel en Suisse.
© Eve Paillaux
© Eve Paillaux
© Eve Paillaux
La mise en pratique de la biopatine est simple, le matériel utilisé facile à se procurer, de la même façon que le kit
biopatine en contactant le laboratoire du LATHEMA à l’université de Neuchâtel en s’adressant à Édith Joseph [8].
Avant le traitement, la surface des objets doit être exempte de tout composé exogène comme des revêtements
organiques (ex. résines, vernis) ou autre substance organique pouvant interagir l’action du champignon. Il n’y a pas
de limites de taille d'objet traité et le traitement peut être appliqué in situ. Seule contrainte, un taux d’humidité
relative en général supérieur à 60 % doit être conservé pour éviter que le gel ne sèche et afin que le champignon
puisse se développer correctement (Figure 1) [9]. Le kit biopatine se compose de trois éléments, soit le champignon
en solution nutritive, appelé « A » ; la solution nutritive elle-même, appelée « B » et l’agent gélifiant, appelé
« C » (Figure 2) [9]. L’agent gélifiant fourni avec le kit est une gomme xanthane qu’il est possible de modifier en
fonction des pratiques. Le champignon est par exemple compatible avec l’agar-agar. Une fois le kit reçu, celui-ci se
conserve à 4 °C avant utilisation, ou à température ambiante si l'utilisation est immédiate ou selon instructions du
fournisseur (Figure 2). Le matériel nécessaire se limite à des boîtes hermétiques pour placer les objets pendant le
traitement, des ustensiles plastiques (spatules, récipients) pour la préparation du mélange A, B, C, une solution
d’éthanol 70 % v/v pour nettoyer tous les ustensiles et les surfaces avant traitement, ainsi que des gants si l’application se fait à la main [9]. Une fois la préparation effectuée selon les recommandations du protocole [9], le gel est
prêt à être appliqué sur les objets. Il est possible de traiter environ 125 objets (inférieurs ou égaux à 15 cm de longueur) individuellement avec 1 litre de biopatine. Le temps d’application de la biopatine a été évalué entre 2 et 3
minutes par objet (pour des objets dont les dimensions sont comprises entre 3 et 15 cm). Les objets doivent être
entièrement recouverts de gel, à l’aide de spatule ou à la main (avec des gants). Par exemple, on peut aussi les emballer individuellement ou utiliser un lit de gel placé au préalable dans le fond de la boîte de traitement qui les contiendra. Une fois les objets recouverts de biopatine et placés dans la boîte, celle-ci est refermée hermétiquement.
Le temps de traitement est ensuite de 7 à 21 jours [9]. Le champignon est actif dès le 1er jour ; 3 jours après, il est
déjà possible d’observer la croissance du champignon à travers la formation d’un duvet blanchâtre en surface des
objets (Figure 3). À la fin du traitement le gel est retiré et les surfaces nettoyées avec une solution d’éthanol à 70 %
v/v [9]. La majorité de celui-ci peut être retirée à la main ou au moyen d’une spatule. Le gel restant peut être
Figure 3. Développement de la biopatine après 4
jours de traitement sur deux fibules du corpus.
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Eve Paillaux et al.
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nettoyé avec une brosse souple et de l’eau déminéralisée ou de l’éthanol 70 % v/v utilisé pour le rinçage. Enfin,
l’utilisation d’air comprimé peut être recommandée pour le retrait d’éventuels résidus de gel. Le temps de retrait et
de rinçage peut être estimé entre 3 à 5 minutes (pour des objets dont les dimensions sont comprises entre 3 et
15 cm). Les gels usagés ne nécessitent pas de recyclage spécifique des déchets. Une fois les objets nettoyés et rincés, une évaluation du traitement est effectuée, notamment par observation visuelle d’un voile vert clair en surface
de l’objet qui atteste de la présence d’oxalates de cuivre [10, 11]. Pour aller plus loin, l’évaluation peut également
être réalisée à l’aide de techniques d’analyse pour confirmer la formation d’oxalates de cuivre, par exemple au
moyen de la spectroscopie infrarouge à Transformée de Fourier (FTIR) (Figure 4).
Le conservateur-restaurateur doit avoir une visibilité des interventions claires de manière à anticiper l’achat de la
biopatine, car il faut prévoir une semaine à l’avance pour un achat en direct au fournisseur, sinon le kit peut être
stocké au réfrigérateur avec une garantie de stabilité d’au moins 6 mois. Comparé à une utilisation d’inhibiteur de
corrosion, le coût de la biopatine est à 60 € H.T. pour un kit de préparation d’1L de biopatine (prix dégressif dès lors
que les quantités augmentent ou que l’agent gélifiant proposé de base est différent), contre 41,10 € H.T. pour 100 g
de BTA, équivalent à une préparation d’un peu moins de 3L de BTA à 3 % [12]. Le traitement est globalement
simple d’utilisation et assez rapide de mise en œuvre et ne nécessite pas d’équipements spécifiques. Les avantages
majeurs restent son innocuité pour l’humain et l’environnement, ainsi que sa durabilité dans le temps [10].
Pics associés aux oxalates de cuivre.
Figure 4. Spectre ATR-FTIR obtenu sur l'objet numéro R46 du corpus n°1 comprenant 84 objets, représentatif des analyses
qui ont mis en évidence la présence d'oxalates de cuivre (816, 1622, 1360, 1315 cm-1).
2 - Évaluation sur un large corpus
C’est dans les laboratoires de l’Université de Neuchâtel en Suisse que s’est déroulé le traitement d‘objets issus
des collections du SDAVO (Service Départemental Archéologique du Val-d’Oise). L’objectif était de protéger ces
artefacts et d’évaluer sur ce large corpus la présence d’oxalates de cuivre après l’application du traitement biopatine et donc de déterminer son efficacité. Nous avons ainsi sélectionné 84 objets qui provenaient de Beaumontsur-Oise et de Saint-Ouen-l’Aumône, comprenant une grande majorité de monnaies et de fibules [14]. Sur ce
large corpus, nous avons entrepris de réaliser des analyses avant et après traitement et ainsi de déterminer
qu’aucun oxalate de cuivre n’était présent avant l’application de la biopatine. Nous avons utilisé des techniques
d’analyse comme la spectroscopie FTIR sur un maximum d’objets, et de manière ponctuelle la microspectroscopie Raman [15, 16]. Des analyses colorimétriques ont également été effectuées avant et après pour attester du
changement de couleur qu’engendre la biopatine [17]. Chronologiquement parlant, nous avons effectué les analyses avant traitement, procédé à la préparation du kit biopatine et à l’application sur le corpus d’objets. Nous
avons également observé les objets en cours de traitement à intervalles réguliers, notamment pour les objets
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étamés plus fragiles, et enfin procédé à un retrait du gel et à un rinçage minutieux, avant une évaluation visuelle et
analytique après traitement. Le traitement biopatine a duré 7 jours sur tous les objets et seulement 4 jours pour les
objets étamés plus fragiles. À la suite du traitement, nous pouvons attester visuellement d’un changement de couleur sur 79 objets sur 84, incluant l’apparition d’un voile vert à la surface du mobilier archéologique (Figure 5). Ce
changement de couleur est un indicateur de la formation d’oxalates de cuivre à la surface des objets [10]. Ainsi
nous pouvons observer près de 94 % de réussite. Les analyses colorimétriques ont pu par ailleurs appuyer nos observations visuelles en comparant les données avant et après traitement. D’autres analyses sont venues compléter
nos constatations visuelles, nous avons effectué plusieurs analyses sur chacun des objets. Les analyses ponctuelles
FTIR et Raman montrent que, sur 47 artefacts analysés de ce corpus, 60 % attestent de la présence d’oxalates de
cuivre sur tous les points analysés et que 72 % ont montré au moins à un point d’analyse correspondant à des oxalates de cuivre (Figure 4). À noter que ces analyses sont d’une résolution spatiale de l’ordre de quelques micromètres, sont ponctuelles et demandent un bon contact (pour le mode ATR en spectroscopie FTIR) ou une réponse
au laser (dans le cas de la microscopie Raman). Des images obtenues au microscope électronique à balayage ont
montré dans d’autres cas similaires sur la totalité de la surface traitée avec la biopatine, la formation et le recouvrement en intégralité par des oxalates de cuivre [18].
Avant
Après
Figure 5. Instrument de toilette en alliage cuivreux photographié avant et après le traitement biopatine.
Ponctuellement, certains effets secondaires ont pu être observés comme des changements de couleur autres
que le voile vert. On note que certaines zones oxydées de couleur rouge deviennent orange après traitement, et
que dans de rares cas, la patine verte initialement présente sur l’objet semble avoir diminué pour laisser apparaît une surface oxydée sous-jacente de couleur marron. Ceci peut s’expliquer dans le cas de patines initiales
d’épaisseur très fine de l’ordre quelques micromètres. De même, sur certains objets pour lesquels la surface
était proche du métal, des zones métalliques sont apparues ou se sont agrandies [19]. Sur les objets qui possédaient des zones ferreuses, nous avons pu constater un ramollissement de celles-ci. Un ternissement des étamages a été également observé, cependant après seulement 4 jours de traitement des oxalates de cuivre ont été
identifiés [20]. Dans un seul cas, une tache est apparue, probablement due à la présence d’un ancien revêtement
organique. Enfin de manière relativement rare, nous avons observé l’apparition d’une poudre grise, à la surface
des objets, identifiée comme des résidus de gels, et sur 3 objets nous notons la présence d’efflorescences vert
clair assez peu pulvérulentes, qui pourraient être des chlorures de cuivre.
Pour attester de la protection des oxalates de cuivre, nous avons placé 15 objets qui présentaient potentiellement des chlorures de cuivre en chambre humide. Après 3 jours à 97 % d’humidité relative (HR), 20 % des objets
(les 3 objets cités plus haut) ont montré une réactivation de corrosion sur les zones qui présentaient des efflorescences (Figure 6), celles-ci identifiées comme étant de l'atacamite [20, 21]. Sur un des objets, nous avons confirmé la présence d’oxalates de cuivre à l’endroit de cette efflorescence. Nous mettons ici ce cas en exergue puisqu’il permet de s'interroger la durée de traitement optimale (4 jours pour les objets étamés fragiles ou 7 jours)
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© Eve Paillaux
ou une limite de la protection dans des conditions environnementales extrêmes (97 % HR, qui ne sont bien sûr pas
représentatifs des atmosphères en condition muséographique). Après un second traitement biopatine de 7 jours et
une réexposition en chambre humide, 2 des 3 objets présentant une réactivation de corrosion après la 1e exposition en chambre humide, n’ont pas montré de nouvelles efflorescences. Ce qui confirme que le temps initial de traitement fixé à 4 ou 7 jours était insuffisant dans le cas d’objets fortement chlorurés (pour rappel, un temps minimal
de 7 jours est recommandé par le fournisseur du kit, de même qu’un renouvellement de traitement en présence de
chlorures de cuivre).
Figure 6. Réactivation de la corrosion en chambre humide à 97 % d'HR après un traitement biopatine de 7 jours.
3 - La biopatine : Un traitement en masse ?
Au moyen d’un second corpus de 11 objets, sont mises en avant les questions du traitement de masse et du
temps de traitement effectif [22]. En effet, l’objectif de traitement de ce corpus de 11 objets est double, il permet d'une part d’appliquer la biopatine sur une période plus longue de 14 jours et d'autre part de traiter les artefacts en masse. Les 14 jours de traitement sont réalisés dans le but d'éviter de devoir retraiter les objets après
4 ou 7 jours comme nous avons pu le constater précédemment dans le cas d’objets (3 sur 15 objets) fortement
chlorurés. Un traitement dit « de masse » en Conservation-Restauration est un traitement qui permet de traiter
de nombreux objets simultanément, avec des conditions opératoires analogues dans le but d’obtenir le même
résultat sur cet ensemble, c’est-à-dire dans notre cas, la formation d’oxalates de cuivre grâce à l’application du
traitement biopatine [20]. Il permet de gagner du temps en optimisant à la fois le temps de traitement et le
nombre d'objets qu’il inclut. L’optimisation ainsi obtenue permettrait de gagner du temps de réalisation et donc
une utilisation facilitée et plus régulière en atelier de Conservation-Restauration.
Ce traitement de masse s’est effectué au laboratoire de restauration du SDAVO. Nous n’avons pas accès ici aux
techniques d’analyse disponibles pour le corpus précédent. Nous avons réalisé sur ce deuxième corpus un traitement d’une durée de deux semaines avec le kit biopatine fourni et conformément au protocole [9]. L'observation visuelle est utilisée pour l'évaluation du traitement.
Pour l'application, nous avons recouvert le fond d’une boîte hermétique d’un lit de gel sur lequel nous venons
positionner les objets. Grâce à l'utilisation d’une spatule, les objets sont recouverts en une fois avec une autre
couche du même gel. Nous constatons que le temps de l’application a drastiquement réduit et l'on peut l'estimer
à un total de 5 minutes pour un corpus de 11 objets. Il est à noter que les formes complexes des objets sont toutefois à prendre en compte et peuvent nécessiter des soins particuliers pour suivre la topographie de leurs surfaces. La boîte est ensuite refermée et stockée à température ambiante. Un bon développement du champignon
est observé après quelques jours de traitement, avec des petites expansions blanches au début, un nuage très
duveteux vers le milieu du traitement et un duvet affaissé après 6 jours de traitement, ce qui représente un développement « normal » du champignon (Figure 7). Au cours du traitement, une contamination a été observée,
sans que cela impacte l’efficacité du traitement ou les objets eux-mêmes. Nous avons observé également une
coloration orange partielle du gel (visible en haut, à droite, sur la Figure 7), cela peut être expliqué par la présence d’oxyde de fer ou de migration de composés que nous n’avons pas analysés dans le gel, cela n’a eu égale-
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© Eve Paillaux
ment aucun impact sur l’efficacité du traitement. Après une évaluation visuelle, les objets sont tous recouverts sur
toute leur surface d’un voile vert suggérant la formation d’oxalates de cuivre (Figure 8) [23]. Nous constatons
qu’après 14 jours, ce voile vert clair est plus prononcé que celui formé après seulement 7 jours, en effet la couche
d’oxalates de cuivre est plus conséquente. Le temps estimé au nettoyage des objets après traitement est le même
que dans le cas de traitement d’objets isolés.
Figure 7. Aspect après 7 jours de traitement de masse
biopatine réalisée sur un corpus de 11 objets.
Avant
Après
Figure 8. Photographies avant et après le traitement biopatine
réalisé en masse pendant 14 jours.
Conclusion
La biopatine est un traitement qui a prouvé son efficacité et qui se révèle être une vraie alternative aux inhibiteurs de corrosion. Elle a montré des résultats très satisfaisants pour la protection du patrimoine archéologique
en alliage cuivreux avec près de 94 % de réussite pour le premier corpus et 100 % pour le second corpus, estimée
par observation visuelle. Nous constatons que quelques reprises de corrosion ont eu lieu sur des objets fortement chlorurés mais, au besoin, il est possible de retraiter les objets pendant 7 jours ou alors d’appliquer le traitement pendant 14 jours pour y remédier. Nous avons mis en évidence avec le second corpus qu’un traitement
de 14 jours était aussi sinon plus satisfaisant avec la formation d’un voile vert clair plus prononcé, attestant de
l’efficacité du traitement. Pour le futur, un contrôle des objets en réserve pourrait être envisagé pour attester de
l’efficacité de ce film dans le temps dans de vraies conditions. À noter que des observations ont été effectuées sur
un corpus d’une dizaine d’objets, à 5 ans d’intervalle du traitement biopatine et qu’aucune dégradation n’a été
observée après ce stockage en conditions environnementales non contrôlées, un suivi d’un corpus conséquent
sur le long terme serait utile pour compléter les données [18, 20]. Des optimisations seraient à envisager pour la
réalisation de traitements de masse telles que l’amélioration des procédés de retrait du gel, ou même l’utilisation
d’un gel alternatif compatible. Une évaluation plus poussée de traitements localisés sur des zones de corrosion
active serait à poursuivre, des travaux montrent déjà des résultats, il serait bon de jouer sur les paramètres de
temps d’application et procéder à un suivi plus long post-traitement en condition réelle de réserve sur un corpus
plus conséquent [3]. Les perspectives de recherche restent larges et il pourrait être également envisageable dans
le futur de procéder à des études sur l’utilisation de la biopatine combinée avec des traitements différents de déchloruration ou de protection. Des études statistiques plus approfondies pourraient être envisagées à condition
que le corpus soit composé d’objets très similaires et d’une connaissance très approfondie de chaque objet.
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Références
[1] Joseph, Édith, Sylvie Cario, Anaële Simon, Marie Wörle, Mazzeo Rocco, Pilar Junier, et Daniel Job. 2011.
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[2] Albini, Monica, Lucrezia Comensoli, Laura Brambilla, Emmanuelle Domon Beuret, Wafa Kooli, L. Mathys, Paola
Letardi, et Édith Joseph. 2015. « Innovative biological approaches for metal conservation ». Materials and Corrosion 67 (juillet). https://doi.org/10.1002/maco.201408168.
[3] Joseph, Édith, Monica Albini, Paola Letardi, Emmanuelle Domon Beuret, Laura Brambilla, L. Mathys, C. Cevey,
Régis Bertholon, D. Job, et Pilar Junier. 2014. « BIOPATINAS: Innovative biological patinas for copper-based artefacts ». Open Air Metal, Outdoor Metallic Sculpture from the XIXth to the Beginning of the XXth Century: Identification, Conservation, Restoration, 154-62
[4] Albini, Monica, Cristina Chiavari, Elena Bernardi, Carla Martini, Lidia Mathys, et Édith Joseph. 2017. « Evaluation of the Performances of a Biological Treatment on Tin-Enriched Bronze ». Environmental Science and Pollution
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21 Novembre 2022 https://anabf.org/pierredangle/publiredactionnel/la-bio-mineralisation-mdecine-douce-de-la
-pierre
[6] Valdoise, CD95-. s. d. « Le service départemental d’archéologie du Val d’Oise ». Consulté le 29 août 2022.
https://www.valdoise.fr/58-le-service-departemental-d-archeologie-du-val-d-oise.htm.
[7] « Projets de recherche - Haute-Ecole Arc ». s. d. Consulté le 29 août 2022. https://www.he-arc.ch/projetsrecherche/?_domain=conservation-restauration.
[8] « Recherche ». s. d. Consulté le 29 août 2022. http://www.unine.ch/lathema/home/recherche.html.
[9] Joseph, Édith. s.d. « Protocole d’application de biopatine », fourni lors de l’achat du kit.
[10] Domon Beuret, Emmanuelle, Lidia Mathys, Laura Brambilla, Monica Albini, Christian Cevey, Régis Bertholon,
Pilar Junier, et Édith Joseph. 2015. « Biopatines: des champignons au service des alliages cuivreux ». Cahier Technique de l’ARAAFU (Association des Restaurateurs d’Art et d’Archéologie de Formation Universitaire) 22
(décembre).
[11] Albini, Monica, Paola Letardi, Lidia Mathys, Laura Brambilla, Julie Schröter, Pilar Junier, et Édith Joseph.
2018. « Comparison of a Bio-Based Corrosion Inhibitor versus Benzotriazole on Corroded Copper Surfaces ». Corrosion Science 143 (octobre): 84-92. https://doi.org/10.1016/j.corsci.2018.08.020.
[12]« 1H-Benzotriazole». s. d. Consulté le 21 novembre 2022. http://www.sigmaaldrich.com/.
[13] Joseph, Édith, Anaële Simon, Silvia Prati, Marie Wörle, Daniel Job, et Mazzeo Rocco. 2011. « Development of
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doi.org/10.1007/s00216-010-4279-2.
[14] Wabont, Monique, Franck Abert, Didier Vermeersch, Jean Préfacier Leclant, et Michel Provost. 2006. Carte
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[16] Mettler-Toledo International Inc all rights. s. d. « Raman vs. IR Spectroscopy ». Consulté le 11Juillet,2021.https://www.mt.com/be/fr/home/applications/L1_AutoChem_Applications/RamanSpectroscopy/raman
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Session 4
Protection en interieur –
Conservation Preventive
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RECHERCHE D’UN SYSTÈME POUR LA PROTECTION
D’UN TAIN À L’ARGENT CONTRE LE TERNISSEMENT : RÉFLEXION ENTRE
EFFICACITÉ, IMPACT MATÉRIEL ET VISUEL
Louis Lecoubet*
Conservateur-restaurateur, Ipso Facto
louis.lecoubet@ipsofacto.coop
Anne Genachte-Le Bail, Ingénieure d’études, DRAC Occitanie – Service Régional de l’Archéologie
anne.genachte-le-bail@culture.gouv.fr
Aurélie Tournié, Ingénieure de recherche, Centre de Recherche sur la Conservation CRC UAR3224 CNRS
aurelie.tournie@mnhn.fr
Monika Neuner, Conservatrice-restauratrice - Peinture et décors sous verre, MNGA sas
neuner.monika-gabriele@orange.fr
* Auteur correspondant
Résumé
L’argent est utilisé depuis la seconde moitié du XIXème siècle dans la fabrication des miroirs, en remplacement de
l’amalgame étain-mercure. La couche d’argent du tain est très fragile par sa finesse et par sa réactivité aux polluants. Ainsi, après argenture, le tain est isolé à l’aide d’une ou de plusieurs couches de protection afin d’éviter
que la couche réflective ne se corrode. L’objet de cette recherche est un miroir à l’argent, faisant partie d’un objet produit au début du XXème siècle en Iran, dont les couches de protection ont été retirées pour une raison inconnue. Cette étude s’est axée sur la manière la plus adaptée de stabiliser l’altération du tain de cet objet de nature composite et particulièrement fragile. Deux méthodes de protection ont été comparées : l’application d’une
ou de plusieurs couches de protection à même le tain, en s’inspirant des techniques traditionnelles du patrimoine
métallique, et l’encapsulation hermétique du revers du miroir à l’aide de films pare-vapeur. Les systèmes ont été
appliqués sur des plaques de verre argentées et évalués en fonction de leur efficacité à protéger le tain dans une
atmosphère agressive. L’impact matériel de la pose et du retrait des systèmes ainsi que l’impact optique sur le
reflet du miroir (réflexion, couleur) ont également été évalués. Le système ayant montré les meilleurs résultats à
tous les critères d’évaluation est l’encapsulation du tain à l’aide du film Reactive Intercept Barrier System et du
ruban aluminium de la marque 3M®. Une veille sanitaire a été préconisée afin d’évaluer l’efficacité du système
dans des conditions réelles.
Mots clés
Miroir, Argent, Ternissement, Protection, Encapsulation
Introduction
L’argenture chimique du verre représente dans la seconde moitié du XIXème siècle une innovation technique qui
va révolutionner l’industrie miroitière. Le reflet gagne en luminosité et en précision, la production est plus rapide
et moins coûteuse, ce qui permet la démocratisation du miroir.
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Cependant, le dépôt métallique qui constitue le tain est facilement sujet à la corrosion. En plus de compromettre
l’intégrité matérielle de l’objet, la sulfuration de l’argent entraine l’apparition de taches noires qui altèrent la pureté et la réflectivité du miroir. C’est le cas du miroir à l’argent, de l’objet 71.1935.525.115, daté du début du XXème
siècle et conservé au musée du quai Branly – Jacques Chirac (mqB-JC) [1]. Lors de la phase de constat, il a été mis
en évidence que les couches de protection du miroir avaient été retirées (Figure 1). Ce retrait a laissé l’argent en
proie aux polluants atmosphériques et le tain a en grande partie perdu son caractère réfléchissant.
Figure 1. Face (à gauche) et revers (à droite) du miroir central de l’objet 71.1935.115.525 (27,5 x 20,5 cm). ©Lecoubet 2021.
Les miroirs à l’argent : contexte historique et technologique
Les miroirs étaient originellement constitués d’une plaque d’obsidienne (dès le VIIème millénaire avant notre
ère) ou de métal (à partir de l’Antiquité) dont la face était polie afin de permettre à la lumière de s’y réfléchir.
A partir du Ier siècle de notre ère, le verre commence timidement à être utilisé dans les miroirs comme support
structurel et diffuseur de lumière. La feuille de verre, aussi appelée « glace », est différenciée du revêtement métallique, le « tain », posé au revers et permettant la réflexion. La nature du revêtement métallique utilisé influe
sur la qualité et la luminosité du reflet. Les différentes techniques de métallisation qui se succèdent au fil des
siècles témoignent d’une recherche d’amélioration de la réflexion des miroirs. La couche de plomb fondu, utilisée
depuis l’Antiquité, est suppléée, au XVème siècle, par un amalgame plomb-mercure puis, le siècle suivant, par un
amalgame étain-mercure.
En 1835, le professeur allemand Justus von Liebig découvre un moyen d’argenter du verre à partir de la réduction
d’une solution de nitrates d’argent par des aldéhydes. L’argenture par réaction d’oxydo-réduction est rapidement reprise par les chimistes de toute l’Europe (Drayton, Petitjean, Pratt…) et perfectionnée de manière à être
utilisée dans l’industrie miroitière. Cette technique est beaucoup moins toxique que celle de l’amalgame étainmercure, plus rapide et permet d’obtenir un tain d’une réflectivité bien plus importante (96,3 % de réflectivité
pour les miroirs à l’argent contre 59 % pour les miroirs à l’amalgame [2]). L’argenture chimique du verre dans la
fabrication de miroirs s’impose ainsi face à l’étamage à l’amalgame à partir des années 1870 en Europe.
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Malgré une multitude de variations au fil des années, la technique de l’argenture est généralement constituée de
quatre étapes. La face de la glace destinée à recevoir le tain est soigneusement nettoyée afin d’optimiser l’adhérence du dépôt métallique au verre. Le verre est ensuite sensibilisé à l’aide d’une solution de chlorures d’étain. Les
atomes d’étain se lient au squelette siliceux par des liaisons fortes et servent de sites de nucléations lors de la précipitation des particules d’argent colloïdales [3]. Une solution de nitrates d’argent ammoniaquée est mélangée à une
solution réductrice à base de sucre et versée sur la glace. Les aldéhydes présents dans le sucre induisent la précipitation de l’argent sous forme d’un dépôt métallique homogène. Le dépôt d’argent obtenu est très fin, entre 0,1 et
0,5 µm. Les produits organiques résultant du processus de réduction sont ensuite nettoyés à l’aide d’une peau de
chamois.
Le principal inconvénient des miroirs à l’argent est la grande sensibilité du tain. L’argent est un métal mou et très
réactif à certains composés organiques volatils, rendant le revêtement métallique sensible aux agressions physiques et chimiques. De ce fait, les miroirs à l’argent reçoivent une ou plusieurs couches de protection afin d’assurer la longévité du tain.
Au moins deux couches distinctes sont généralement présentes. La première couche est constituée d’une résine
animale ou végétale appliquée de manière fluide. Sa fonction principale est de protéger le tain des sollicitations
mécaniques induites par le passage de la seconde couche. Cette dernière est, jusqu’à la fin de la première moitié du
XXème siècle, communément composée d’un diluant, d’un liant bitumeux, résineux et/ou huileux ainsi que
d’oxydes métalliques (fer, zinc, plomb) [4]. Elle joue un rôle de protection physique mais également électrochimique. Durant la seconde moitié du XXème siècle, les miroitiers utilisent également des peintures synthétiques
et des peintures cuites (résines phénoliques, époxydiques, polyesters…).
A partir des années 1950, en plus des peintures de protection, le tain à l’argent peut également être recouvert
d’une couche de cuivre, par dépôt galvanique ou par réduction chimique, qui joue le rôle d’anode sacrificielle et
protège plus encore le tain des attaques électro-chimiques.
L’altération du tain, une problématique particulière en conservation restauration
Outre les altérations structurelles de la glace, les principales dégradations des miroirs à l’argent sont dues à la
corrosion du dépôt métallique constituant le tain. Cette corrosion est généralement liée à une altération ou à des
défauts de mise en œuvre des couches de protection. Il est possible de différencier les altérations mécaniques
(rayures, abrasions) et physico-chimiques (soulèvements, écaillages des couches de protection). Dans les deux
cas, l’argent est mis à nu et réagit avec l’atmosphère. Le tain se corrode alors localement et de manière préférentielle là où la couche de protection présente des failles.
La corrosion de l’argent débute généralement par l’oxydation des atomes de surface, non-équilibrés et donc très
réactifs [5]. Les zones oxydées présentent alors un léger ternissement. Quand des composés sulfureux réduits
sont disponibles à proximité, ils réagissent avec ces oxydes argenteux pour former des composés plus stables.
Cette couche de sulfures d’argent, semi-conductrice, va s’épaissir et se diffuser de manière concentrique. Le tain
prend alors une teinte allant du jaune au noir (Figure 2).
La corrosion du tain commence aux endroits où le métal est le plus exposé aux conditions environnementales,
c’est-à-dire sur la face arrière et les bordures. Du fait de la faible épaisseur du dépôt métallique, l’altération se
propage rapidement jusqu’à atteindre la face réfléchissante. Ces mécanismes de corrosion de l’argent entrainent
une perte graduelle de la réflectivité du tain et donc une perte de la fonction de l’objet.
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Figure 2. Corrosion par piqure et soulèvements d’un tain à l’argent. ©Lecoubet 2021.
La principale valeur culturelle associée aux miroirs est la valeur d’usage. L’usage d’un objet est généralement limité à sa période d’utilisation, c’est-à-dire avant son abandon ou sa patrimonialisation [6]. Dans le cas des miroirs,
et plus précisément des miroirs en verre, la fonction d’usage est passive et indissociable de l’objet. Un miroir perdant sa fonction réflective devient alors difficilement compréhensible par l’observateur. De plus, les miroirs possèdent généralement ainsi que leur cadre une valeur esthétique forte et la corrosion du tain perturbe l’appréciation de cette valeur.
L’altération des fonctions de l’objet et de son aspect esthétique incite au changement de la glace par une neuve.
Si cette pratique est compréhensible durant la période d’utilisation de l’objet, elle pose des questions déontologiques une fois ce dernier patrimonialisé. En effet, le changement d’un miroir entraine la perte matérielle d’un
élément original, ou tout du moins important dans la vie de l’objet, et de son potentiel informatif. De plus, avec
l’évolution des techniques verrières et la pluralité des techniques d’argenture, la perception et la teinte du reflet
peuvent être modifiées.
De ce fait, la protection du tain des miroirs à l’argent représente un enjeu patrimonial puisqu’elle permettrait de
stabiliser la corrosion du tain et de conserver les glaces anciennes, respectant ainsi à la fois l’intégrité matérielle
et immatérielle de l’objet [7].
Approches et spécificités de la protection des miroirs à l’argent
La protection de l’argent est un sujet important de la conservation du patrimoine métallique. Plusieurs études
ont déjà abordé la question. Cependant, celles-ci ne prennent pas en compte les spécificités techniques et matérielles des miroirs à l’argent.
Contrairement aux objets en métal, la face du tain à protéger est située au revers de la glace et n’est pas visible
lorsque le miroir est présenté. En revanche, la présence et la solubilité d’un vernis de protection original sur le
métal influent dans la méthode de protection et d’application choisie. Pour le cas du miroir du mqB-JC, des analyses par chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse et par micro-fluorescence de rayons X
ont permis de caractériser le vernis original. Il est composé d’un mélange de résine dammar, de résine de pin et
d’une huile, chargé d’oxydes de fer et de zinc.
De plus, lors de la sulfuration d’une argenture sur verre, les produits de corrosion sont plus fragiles face aux sollicitations mécaniques et développent une sensibilité importante à l’eau. L’extrême finesse du dépôt métallique,
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de l’ordre du dixième de micromètre, sa fragilité et sa sensibilité aux solutions aqueuses rendent ainsi difficilement
envisageable le retrait des produits de corrosion avant protection.
Aucun des systèmes de protection aujourd’hui employés dans la conservation du patrimoine métallique n’est pérenne, et même si les produits utilisés sont reconnus pour leur stabilité, le système finit inévitablement par perdre
en efficacité. Il doit donc être régulièrement changé. Dans le cas des miroirs, toute sollicitation mécanique représente un risque pour le tain. L’impact matériel induit par la pose et le retrait des systèmes de protection doit donc
être quantifié.
Enfin, le dépôt métallique étant extrêmement fin, la pose d’une couche supplémentaire peut modifier la teinte et/
ou la réflectivité du miroir. Même s’il permet sa conservation matérielle, l’éventuelle modification de la perception
du tain doit être définie de manière à déterminer l’impact de cette intervention sur l’objet.
Ainsi, outre le critère d’efficacité, les impacts matériels et visuels sur le tain des différents systèmes testés ont également été évalués dans la recherche d’une méthode de protection.
La technique la plus courante et la plus étudiée en conservation d’objets métalliques consiste à créer une barrière
entre l’objet et l’environnement en appliquant une résine et/ou une cire à même le métal [8 - 10]. Cette solution ne
correspond pas à tous les critères établis pour la protection des miroirs : elle est invasive, et sa pose et son retrait
nécessitent une action directe sur le tain. De plus, l’utilisation de solvant pour la mise en œuvre des cires et des
résines peut présenter un risque pour le vernis de protection original. Elle permet cependant une action localisée
dans le cas de pertes partielles ou ponctuelles du vernis. En se basant sur la littérature, trois résines, une cire, un
système bicouche résine/cire, et un mélange cire-résine utilisés pour la protection des métaux [11 - 13] ont été retenus (Figure 3).
La technique d’encapsulation, utilisée dans le domaine de la conservation préventive [14] et consistant à conditionner un objet sensible dans une poche hermétique, a été adaptée à la problématique des miroirs. L’encapsulation du
tain permet une intervention peu invasive, et facilement réversible. Cette méthode est particulièrement adaptée
aux miroirs plats et devient invisible pour l’observateur une fois le miroir remonté dans son système de présentation. Un film plastique et deux films multicouches, associés à un ruban adhésif aluminium ont été sélectionnés
(Figure 3).
Figure 3. Tableaux récapitulatifs des systèmes de protection testés. ©Lecoubet 2021.
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Expérimentation
Ces différents systèmes ont été appliqués sur des éprouvettes de verre argenté d’une dimension de
70 x 50 x 2 mm. Dans un souci de reproductibilité, trois éprouvettes par système et par test ont été réalisées.
Trois éprouvettes vierges ont également été soumises à chaque test pour servir de point de référence.
La solubilité du vernis de protection original du miroir a été caractérisée de manière à trouver des solvants de
mise en œuvre adaptés pour les cires et résines. Du fait de sa large gamme de solubilité, il a été difficile de trouver des solvants permettant une application optimale des couches de protection. Le diacétone-alcool a été retenu
pour les produits polaires et un mélange cyclohexane-xylène (4:1) pour les produits moyennement ou peu polaires. Les produits ont été appliqués sur la couche d’argent des éprouvettes au pinceau, après dégraissage à
l’éthanol et séchage du dépôt métallique. Le pourcentage des solutions utilisées et le nombre de couches de
chaque système sont synthétisés dans la Figure 3.
Pour l’encapsulation, les films ont été découpés aux dimensions des éprouvettes, en laissant sur chaque côté une
bande correspondante à l’épaisseur du verre. Le ruban adhésif est découpé aux dimensions pour les bords latéraux, et collé sur la glace en bordure, sur 2mm. Pour les bords supérieurs et inférieurs, le ruban est coupé plus
long. Les parties débordantes sont incisées au niveau des arêtes et rabattues de manière à fermer hermétiquement le système (Figure 4). Lors du montage, le film est tendu pour éviter qu’il ne frotte contre le tain, et le ruban
aluminium est maté afin d’assurer l’étanchéité du système.
Figure 4. Schéma de rabattage du ruban adhésif. ©Lecoubet 2021.
L’efficacité des systèmes a été évaluée en plaçant les éprouvettes dans une enceinte saturée de composés sulfurés réduits durant 48 h. L’atmosphère agressive a été réalisée à l’aide d’une solution de sulfure de sodium (Na2S)
à 1 % dans l’eau déminéralisée ajustée à pH 7, en s’inspirant du protocole proposé dans l’étude de Reedy C. L. et
Al., 1999 [9]. Au cours de l’expérimentation, les conditions environnementales à l’intérieur des enceintes ont été
maintenues à 25°C et environ 100 % d’humidité relative. La sulfuration de l’argent induit une modification colorée
du métal. Les résultats ont été déterminés par comparaison visuelle et colorimétrique de l’état du tain avant et
après sulfuration. Dix mesures colorimétriques ont été réalisées au travers de la glace à l’aide d’un spectrocolorimètre portable Konica Minolta® CM2600D sur chaque éprouvette. Les écarts avant et après corrosion ont été obtenus en calculant les ∆L*, ∆a*, ∆b* et ∆E* de chaque éprouvette. Durant l’expérimentation, les éprouvettes ont
été observées à intervalles réguliers afin de caractériser la corrosion de l’argent dans le temps.
L’impact visuel de la pose des systèmes sur le tain a été mesuré de manière à quantifier les modifications chromatiques et/ou de réflectance du tain et donc de la perception du reflet. Trois mesures de réflectance ont été réalisées par éprouvette avec un spectrophotomètre Cary® 5000 avant et après pose du système de protection. Pour
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ces tests, les éprouvettes ont été sulfurées avant la première prise de mesure, pour se rapprocher de l’état du miroir central. Les données obtenues ont permis d’obtenir les facteurs de réflexion spéculaire des tains et de calculer
leurs coordonnées colorimétriques. La comparaison des mesures avant et après pose des systèmes renseigne ainsi
sur une éventuelle modification dans la réflectance du tain mais également dans sa perception colorée.
L’impact matériel a été quantifié par comparaison visuelle en lumière transmise des éprouvettes avant pose et
après retrait des systèmes. Si le tain est altéré mécaniquement, une part moins importante de la lumière émise sera réfléchie par ce dernier et traversera l’éprouvette. Ici aussi, les mesures ont été réalisées sur des éprouvettes
corrodées. Les systèmes d’encapsulation ont été démontés par la face, en passant une spatule métallique sous les
rubans adhésifs. Pour les cires et les résines, une compresse textile ultra-absorbante (Evolon®) imbibée de solvant a
été posée sur les systèmes durant 20 mn.
Résultats et discussion
Efficacité
Après 48 h dans une atmosphère particulièrement agressive, toutes les éprouvettes montrent des signes de corrosion plus ou moins importants. La corrosion observée prend soit la forme de plages de corrosion uniforme, soit
la forme de piqûres ou de taches.
D’une manière générale, toutes les éprouvettes présentent une modification chromatique après sulfuration perceptible à l’œil nu (∆E*≥2), excepté pour les éprouvettes protégées par le Reactive Intercept Barrier System
(RIBS). Ces altérations se traduisent par une modification plus ou moins importante du ∆L*, traduisant un assombrissement général du tain (Figure 5).
Figure 5. Moyennes des variations de ∆L*, ∆a* et ∆b* après sulfuration (10 mesures par éprouvette,
3 éprouvettes par système). ©Lecoubet 2021.
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Les couches de protection associant cire et résine présentent les meilleurs résultats de leur catégorie. Cela peut
être lié à l’épaisseur de la couche de protection, plus importante pour ces systèmes, rendant plus difficile la pénétration des composés sulfurés. Les systèmes d’encapsulation ont globalement montré une protection plus efficace contre la corrosion. Parmi les trois encapsulations testées, le film RIBS est de loin celui qui montre les résultats les plus probants.
Impact visuel
La pose des systèmes n’a que très peu impacté la perception des tains corrodés. Les ∆E* calculés sont inférieurs à
2, et donc jugés imperceptibles à l’œil nu, et les facteurs de réflexion n’ont perdu que 2 points après pose des
systèmes (Figure 6). Ces mesures permettent d’assurer que l’impact visuel de la pose d’un système de protection
sur un tain altéré, une encapsulation ou une couche de protection, est infime et peut donc être jugée comme négligeable.
Figure 6. Comparaison des spectres de réflexion des éprouvettes RIBS avant
et après pose du système de protection. ©Lecoubet 2021.
Impact matériel
L’observation en lumière transmise montre, pour les éprouvettes encapsulées, plusieurs micro-rayures principalement localisées en bordure du tain, au niveau des rubans adhésifs (Figure 7). Ces rayures semblent avoir été provoquées au moment de la mise en œuvre du système, en particulier lors de la pose du ruban adhésif.
Pour les éprouvettes protégées à l’aide d’une couche de protection, plusieurs arrachements de l’argenture ont
été observés après retrait du système. De plus, de nombreuses piqûres de corrosion, présentes avant la pose des
systèmes, ont disparu. Ces pertes peuvent en partie être attribuables à la faible adhérence de la corrosion au
verre.
La protection du tain par l’application d’une couche de cire ou de résine est donc plus dommageable pour le miroir, au moment de son retrait, que le système d’encapsulation. Dans le cas des encapsulations, le tain demeure
sensible à l’abrasion et aux rayures, en particulier lors de la pose des systèmes (matage du ruban d’aluminium).
Figure 7. Éprouvette RIBSa après retrait du système, vue en lumière transmise. ©Lecoubet 2021.
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Choix du système de protection et application
L’encapsulation du tain semble la solution la plus adaptée à la problématique soulevée par l’objet
71.1935.525.115. Les résultats de ces systèmes lors du test de sulfuration ont confirmé que cette solution était
efficace pour la protection des tains à l’argent. Parmi les systèmes testés, les éprouvettes RIBS ont donné, et de
loin, les meilleurs résultats en termes de protection contre les composés soufrés.
Ce système allie un film très peu perméable aux composés soufrés et à la vapeur d’eau à un intercepteur de corrosion (particules de cuivre activées). Il protège ainsi efficacement le tain des COV, tout en assurant, en cas de
rupture du système, une protection supplémentaire. C’est donc ce système qui a été retenu pour la protection du
miroir du mqB-JC.
Afin de limiter les altérations mécaniques du tain observées lors de la mise en place du film, il a été décidé d’utiliser un espaceur en carton de conservation neutre d’une épaisseur de 0,5 mm en interface entre le tain et le film
de manière à absorber la pression induite par le matage. Cet espaceur a également servi de support pour la restitution colorée des lacunes de tain de bordure (Figure 8). L’encapsulation a été réalisée dans un environnement
sec et contrôlé (T : 23°C ; HR : 38-42 %) pour éviter la création d’un microclimat à l’intérieur de l’encapsulation.
Figure 8. Schéma d’encapsulation (à gauche) et miroir central après encapsulation (à droite). ©Lecoubet 2021.
Conclusion
Cette étude a permis de trouver une solution répondant aux critères d’efficacité, de réversibilité et d’esthétisme
souvent associés aux problématiques de protection du patrimoine métallique. La mise en application de ces résultats sur un objet patrimonial est l’occasion d’évaluer en conditions réelles l’efficacité et la durée de protection du
système retenu. De ce fait, une veille sanitaire a été préconisée pour le miroir du mqB-JC.
Si la protection et la stabilisation des miroirs représentent le premier pas vers la conservation matérielle de ce
patrimoine, les questions de la conservation et de la restauration de ses valeurs esthétiques et d’usage demandent encore à être étudiées. Nous espérons que ce domaine continuera à être exploré afin de permettre la reconnaissance patrimoniale des miroirs et leur conservation.
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Remerciements
Les auteurs tiennent ici à remercier le musée du quai Branly – Jacques Chirac, et en particulier Hanah Chidiac responsable de
l'Unité patrimoniale Afrique du nord et Proche Orient, et Stéphanie Elarbi, chargée de la restauration ; toute l’équipe de l’Inp
et en particulier Martine Bailly, responsable de l’atelier Arts du feu et Christophe Meslin, chercheur en histoire.
Références
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panneaux de verre peint (Epoque Qajar, fin du XIXème - début du XXe siècle, Paris, musée du quai Branly –
Jacques Chirac) ; Recherche d’un système de protection d’un tain à l’argent contre le ternissement, Institut National du Patrimoine (2021)
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Présentation 10
Marie-Anne Loeper-Attia et al.
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LE TYVEK®ET LES MÉTAUX : TOUJOURS UN BON CHOIX ?
Marie-Anne Loeper-Attia*
Conservatrice-restauratrice, Cité de la musique – Philharmonie de Paris, Centre de Recherche sur la Conservation
maloeperattia@cite-musique.fr
Oulfa Belhadj, CRC-MNHN, Centre de Recherche sur la Conservation, Paris
oulfa.belhadj@mnhn.fr
jean-thomas.vie@etu.sorbonne-universite.fr
emeline.gllt@outlook.com
eliottmestrallet@gmail.com
Jean Thomas Vié,
Émeline Gouillart,
Eliott Mestrallet,
* Autrice correspondante
Résumé
La Cité de la musique - Philharmonie de Paris conserve plusieurs centaines d'instruments de musique en métal.
Parmi eux, des instruments à vent en laiton, en argent et en argent plaqué, et des pièces détachées comme des
cordes de piano, des vis ou des armatures. Tous ces instruments sont souvent exposés, prêtés ou joués, et doivent être protégés des forces physiques et des valeurs inadaptées d’HR pendant leur stockage et leur transport.
Cette protection est souvent assurée en les emballant dans des sacs en Tyvek®. Tyvek® est une marque déposée
par DuPont de Nemours qui est fabriqué en polyéthylène haute densité (PEHD) et généralement utilisé en feuilles
ou pour les combinaisons de protection individuelle. La feuille est un intissé, les filaments sont disposés de manière aléatoire et non directionnelle, et sont ensuite assemblés par la chaleur et la pression. Initialement utilisé
dans les secteurs médical, pharmaceutique et la construction, le Tyvek est désormais largement utilisé dans le
monde des musées, grâce à sa neutralité chimique et physique et à son innocuité pour les objets du patrimoine
culturel. Il existe aujourd'hui plus de 50 sortes de Tyvek®, mais leur pertinence et leur innocuité pour le stockage
des œuvres d'art, et notamment des objets métalliques, reste une question particulièrement importante. Plusieurs rapports ont fait état de la corrosion de métaux enveloppés dans du Tyvek®, et la question de savoir si
cette corrosion est due au Tyvek®, au métal ou à l'interaction entre le métal et le Tyvek® dans certains environnements reste sans réponse.
Après une revue de la littérature sur le matériau et ses propriétés, 10 types de Tyvek® ont été analysés par :
- Des observations par photographie sous lumière visible et UV.
- Fluorescence X (XRF), une technique d'analyse non destructive utilisée pour déterminer la composition élémentaire des matériaux inorganiques.
- Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF), une technique analytique utilisée pour identifier les
matériaux organiques, et dans certains cas, inorganiques,
- Le microscope à balayage électronique (MEB) est utilisée pour voir la typologie des grains de métal déposé si un
des produits de corrosion a migré sur le Tyvek®.
Des tests de corrosion ont été réalisés en mettant en contact des feuilles métalliques d'argent, de cuivre et de
plomb avec les Tyvek® sélectionnés, le tout placé dans une enceinte de vieillissement (température et hygrométrie relative variables). Les coupons métalliques et le Tyvek ont été photographiés avant et après les tests. La surface des Tyvek® a ensuite été réexaminée par les mêmes techniques. Une deuxième série de tests a été effectuée
avec, cette fois ci, des restes de produits de nettoyage présents sur les métaux.
L’ensemble des résultats des tests sera présenté ainsi que des pistes de réflexion pour les conditions d’utilisation
du Tyvek® en milieu muséal.
Mots clés
Tyvek®, Corrosion, Métaux, Polluants
Présentation 10
Marie-Anne Loeper-Attia et al.
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Introduction
Depuis plusieurs années, de nouveaux matériaux issus de l’industrie, sont de plus en plus utilisés dans le domaine muséal, que ce soit pour le transport, ou le stockage des objets métalliques. Ils permettent, notamment,
de les protéger des variations climatiques (principalement HR), polluants, poussières ou autres contaminants
exogènes. Parmi ces matériaux, le Tyvek® est très utilisé. Le Tyvek® est la marque commerciale fabriquée par
DuPontTM [1]. C‘est un non-tissé 100 % à base de polyéthylène à haute densité (HDPE), qui est un polymère
thermoplastique de grande diffusion. Il fait partie de la famille des polyoléfines, comme les polyéthylènes basse
ou moyenne densité, et le propylène [2]. Le Tyvek® est un intissé, ce qui veut dire que les fibres sont disposées
de manière aléatoire et non directionnelle, soudées à chaud et sous pression sans liant chimique. Pour certains,
une trame est visible, elle résulte de l’impression d’une matrice toile sur l’intissé. Seul le Tyvek® 1622/1623E est
microperforé (distance entre chaque microperforation de 0.5 et 1.0 mm). Le fait qu’il soit respirant, perméable à
la vapeur d’eau et résistant en font un matériau de prédilection pour la conservation des métaux. Il est notamment utilisé dans les réserves de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris pour la conservation des instruments de musique en cuivre. Néanmoins, plusieurs cas de dégradations de métaux en contact avec du Tyvek®
ayant été rapportés, il a été décidé de pousser plus loin les recherches afin de vérifier son innocuité.
Résultats et discussion
Il existe une grande variété de Tyvek® commercialisés par DuPontTM dont les principaux sont rassemblés dans le
Tableau 1.
Tableau 1. Sélection des Tyvek ® utilisés pour l’étude avec les données fournisseurs sur les traitements utilisés.
D’après DuPontTM, les Tyvek® conseillés pour le domaine patrimonial sont le 1622E et 1442R. Les caractéristiques de ces références montrent que ce sont des tissus assez fins et légers mais ils ont tous deux des traitements Corona et antistatiques. Le traitement Corona n’est pas de nature chimique, il change la rugosité du Tyvek® à l’aide de champs électromagnétiques forts pour garantir une meilleure adhésion pour la colle ou la couleur.
Le traitement Corona est un traitement chimique non précisé par le fabricant. Néanmoins, des analyses de l’ICC
en 1986 montraient la présence de dibutylphosphate de potassium. Ce produit n’est plus utilisé maintenant. Le
Tyvek® peut contenir également quelques additifs ou impuretés dont la liste est donnée par DuPontTM. Les principaux fabricants européens comme King Nonwovens Group et Hindermann GmbH proposent aussi le 1560K,
2462C et le 2473L. Le catalogue de fournitures CXD propose quant à lui le 1443R, 1703D, 1622 et le 1082D ; certains ayant ou non des traitements antistatiques ou Corona. Enfin le revendeur de produits pour la conservationrestauration Pel (Preservation equipment) propose quant à lui le 1622E. Il faut savoir aussi que ces produits évoluent régulièrement et que leurs références changent comme le 1622E commercialisé aujourd’hui sous le nom de
1623E.
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Les échantillons de métaux Cu, Pb et Ag ont été polis à l’aide de disque de polissage au carbure de silicium grain
1200/2400/4000, suivi d’un polissage fin avec une solution de diamant en suspension de 3 µm. Un rinçage à l’eau
distillée, à l’éthanol et à l’acétone a été effectué afin d’éliminer des dépôts éventuels.
Des photographies sous lumière visible et UV (312 nm) ont été prises pour chaque échantillon (Tyvek® seuls, métaux seuls, et les coupons mis en contact avec les Tyveks®) avant et après vieillissement dans l’enceinte.
Les coupons ont été analysés par fluorescence des rayons (XRF) [3, 4] et spectroscopie infrarouge à transformée de
Fourrier (IRTF) avant et après vieillissement en milieu humide.
Les coupons métalliques préparés ont été déposés sur les Tyvek® que l’on cherche à étudier, dans une enceinte de
vieillissement pendant 25 jours selon le cycle de vieillissement suivant : 12h passage de 20°C/40%HR à 30°C/80%HR
puis 12h passage de 30°C/80%HR à 20°C/40%HR. (Figure 1).
Figure 1. Conditions de température et d’humidité des cycles de vieillissement.
Une première étude, en mettant uniquement les Tyvek® sélectionnés (tableau 1) et des coupons métalliques (Cu,
Ag, Pb) en contact en milieu humide, a permis de montrer qu’aucune corrosion de surface n’était visible et aucune migration de produit de corrosion n’est à noter.
Une deuxième série d’essais a été lancée avec des échantillons métalliques contenant des traces de produit de
nettoyage, afin de vérifier la capacité du Tyvek® à protéger des métaux corrodés dans des environnements agressifs.
Le protocole de corrosion des coupons a été le suivant :
Les coupons métalliques ont été immergés à mi-hauteur pendant une heure et demie dans des solutions de
nettoyage adaptées à chaque métal afin de dégrader artificiellement les métaux, et les rendre plus réactifs :
- Pour les échantillons en cuivre de l’acide formique à 10% et dans l’eau déminéralisée.
- Pour les échantillons en plomb une solution d’acide sulfurique à 2% (solvant : eau déminéralisée).
- Pour les échantillons en argent, un mélange d’acide formique avec de la thiourée a été utilisé (100 mL H2O, 8 g
thiourée et 3 g H2SO4)
Le même protocole d’observation et d’analyse que précédemment a été appliqué avant et après passage en enceinte de vieillissement :
Observation en lumière visible et UV.
Analyse par IRTF, XRF et observation par microscopie électronique à balayage (MEB).
Les premiers résultats de cette deuxième série d’essais montrent que la corrosion a continué de se développer
sur certains coupons de plomb et que des produits de corrosion ont migré sur quelques Tyvek® (Figure 2).
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Figure 2. de gauche à droite image, photographie sous lumière visible, d’un échantillon de Tyvek® avec les coupons métalliques d’argent, de plomb et de cuivre, la photo sous lumière UV du même Tyvek® avec les coupons métalliques, la photographie sous lumière UV de la zone de contact entre les coupons et le Tyvek®, la photographie sous lumière visible de l’emplacement des coupons, sur laquelle aucun dépôt n’est visible, cartographie de la raie Lα du plomb, avec en blanc la présence de
plomb et en noir l’absence de plomb.
Conclusion
Ces premiers résultats semblent montrer qu’aucune corrosion n’est générée au contact du Tyvek sur les métaux
testés dans les conditions environnementales testées. Néanmoins la poursuite de la corrosion sur les coupons en
plomb semble indiquer que le Tyvek® n’est pas une protection suffisamment efficace, du fait de ces propriétés
respirantes.
Les observations sous UV permettent de mieux observer la corrosion des coupons métalliques sur les zones corrodées (Figure 2).
Les analyses par XRF ont montré que sur certains échantillons de Tyvek® le dépôt d’un composé contenant du
plomb était présent (Figure 2, image de droite) Ce qui a été confirmé par l’imagerie au microscope à balayage
électronique. Les mesures IRTF n’ont pas permis d’identifier les produits de corrosion déposés. Les spectres avant
et après vieillissement sont équivalents. Le dépôt est probablement très fin, le signal du PEHD est majoritaire, et
aucun pic supplémentaire n’est visible.
Des analyses plus ciblées sur les produits de corrosion présents sur la croix sonore (Figure 3) sont en cours et devraient permettre de mieux identifier les limites d’utilisation du Tyvek®, notamment pour savoir s’il offre une protection suffisante pour des métaux corrodés ou avec des dépôts quand les conditions climatiques de conservation
sont dégradées.
Figure 3. Corrosion à la surface de la Croix Sonore emballée dans du Tyvek suite à un confinement prolongé en caisse de transport. ©LoeperAttia-2022
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Remerciements
Nous tenons à remercier :
la Licence mineure d’Histoire Naturelle de Jussieu qui a permis à plusieurs de ses étudiants de participer à ces travaux,
Thierry Romao de la société DuPont de Nemours du Luxembourg pour son aide technique et sa disponibilité,
Judith Monnier de l’Institut de Chimie et des Matériaux Paris Est pour ses conseils avisés pour la préparation des échantillons,
Les différentes institutions qui ont partagés avec nous leur expérience avec le Tyvek®.
Références
[1] DUPONT® TYVEK®, 2001. «Product and Technical Manual for Tyvek®», DuPont® Tyvek®, http://
www.tyvek.com
[2] Dossogne, R. 2010. Polyéthylène haute densité PE-HD. In Plastiques et composites, eds.Techniques de l’Ingénieur, AM2 3315 1 to 10, Paris
[3] Matthias A., Broekaert J. A.C., Mobile depth profiling and sub-surface imaging techniques for historical paintings—A review, Spectrochimica Acta Part B: Atomic Spectroscopy 88, 2013, 211-230, ISSN 0584-8547, https://
doi.org/10.1016/j.sab.2013.07.009
[4] Mantler M., Schreiner M., X-ray fluorescence spectrometry in art and archaeology. X-Ray, Spectrom. 29, 2000,
3–17
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Michaela Florescu et al.
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SUIVI DE L’ÉTAT DE CONSERVATION DES SCULPTURES EN MÉTAL ET DE LEUR
ENVIRONNEMENT DANS LES MUSÉES D’ART EN SUÈDE
Michaela Florescu*
Conservatrice-restauratrice, Moderna Museet, Stockholm, Sweden
m.florescu@modernamuseet.se
Stavroula Golfomitsou*, Department of Conservation, University of Gothenburg, Gothenburg, Sweden
stavroula.golfomitsou@gu.
Elyse Canosa, Department of Conservation, University of Gothenburg, Gothenburg, Sweden
elyse.canosa@gu.se
Mariateresa Pullano, Gothenburg Museum of Art, Gothenburg, Sweden
mariateresa.pullano@kultur.goteborg.se
Malin Borin, Gothenburg Museum of Art, Gothenburg, Sweden
Malin.Borin@kultur.goteborg.se
Eva Nygårds, Gothenburg Museum of Art, Gothenburg, Sweden
eva.nygards@kultur.goteborg.se
Karin Hermerén, Moderna Museet, Stockholm, Sweden
k.hermeren@modernamuseet.se
* Autrices correspondantes
Résumé
Dans le contexte des discussions actuelles autour des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, peu d’évaluations prennent en compte l’impact que ces polluants pourraient avoir sur les collections patrimoniales. Cette étude examine les mesures effectuées dans deux des plus importants musées d’art suédois, le
Moderna Museet à Stockholm et le Göteborgs Konstmuseum à Göteborg, pour évaluer les conditions d’exposition d’une sélection de sculptures en métal. Les sculptures sélectionnées, comprenant des œuvres majeures d’artistes tels que Picasso, Fautrier ou Marini, présentaient des états de surface variables et étaient exposées dans
des conditions environnementales variables d’un musée à l’autre, mais également au sein d’un même musée.
L’objectif de cette étude était d’examiner le lien entre les conditions environnementales d’exposition de ces
œuvres et l’état de conservation de leurs différents alliages constitutifs afin de pouvoir mieux comprendre le rôle
des polluants dans le développement potentiel de la corrosion.
Les méthodes d’analyse utilisées incluent la surveillance des polluants atmosphériques à l’aide de dispositifs
d’échantillonnage passifs et l’analyse élémentaire par fluorescence X. Toutes les analyses ont été effectuées de
manière non invasive sur site. L’analyse élémentaire a montré la présence de soufre et de chlore ainsi qu’un processus de corrosion sélective du zinc dans les alliages cuivreux. Parmi les polluants détectés figurait l’acide formique.
Le recours périodique mais systématique à de telles mesures, en combinaison avec une observation visuelle documentée, pourra mettre en lumière la façon dont les conditions environnementales auxquelles les œuvres sont
exposées changent au fil du temps et quel type d’impact un environnement particulier peut avoir sur une collection donnée.
Mots clés
Polluants, Corrosion, Surveillance de la qualité de l’air, Sculpture métal, Suède
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Michaela Florescu et al.
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Introduction
Les œuvres d’art en alliages métalliques occupent une place importante dans de nombreuses collections de musées, qu’elles soient exposées en intérieur ou en plein air. En Suède, les collections intègrent des œuvres d’artistes tels que Henry Moore, Degas, Rodin et Picasso.
Les sculptures métalliques sont souvent exposées en association avec des œuvres d’art constituées de matériaux
organiques. Ces derniers sont souvent considérés comme plus sensibles que les métaux, même si la corrosion est
inévitable sur le long terme, et les paramètres climatiques sont ajustés aux niveaux appropriés pour leurs besoins. Ces choix peuvent avoir un impact négatif sur les métaux ; par exemple, une humidité plus élevée pourrait
augmenter le taux de corrosion des sculptures métalliques. Bien qu’un certain nombre d’études se soient focalisées sur les processus de corrosion des œuvres métalliques exposées en extérieur, les effets à long terme des
environnements intérieurs sur la corrosion ont été moins bien étudiés.
La Suède s’est dotée d’un plan stratégique ambitieux pour atteindre un niveau de zéro émission nette de gaz à
effet de serre d’ici 2045 [1]. Pour atteindre cet objectif, la mise en œuvre du plan comprend une série d’actions
que doivent mener les acteurs du patrimoine culturel. Plus précisément, les musées doivent s’efforcer activement
de réduire leur empreinte carbone et l’utilisation de systèmes de conditionnement de l’air (Heating-VentilationAir conditionning, HVAC), qui peuvent contribuer à des émissions élevées de gaz à effet de serre. Bien que des
recherches soient en cours pour mettre au point des systèmes à faibles émissions de carbone, il faudra sans
doute des années avant que les musées puissent se permettre de remplacer les systèmes plus anciens. La nécessité de réduire les émissions de carbone a été prise en compte par les professionnels de la conservationrestauration, qui ont proposé d’y contribuer en acceptant de plus amples fluctuations d’humidité et de température [2, 3]. Toutefois, en l’absence de connaissances plus précises sur le seuil de tolérance des matériaux exposés,
ces mesures pourraient entraîner des dommages irréparables pour les collections. La connaissance de l’impact
des conditions environnementales locales sur les collections suédoises devient primordiale pour assurer la longévité des œuvres exposées, tout en travaillant à l’élaboration de stratégies durables sur le plan environnemental.
Cet article aborde les problématiques liées à l’exposition d’œuvres d’art métalliques dans deux musées suédois,
en utilisant une approche analytique pour caractériser les alliages constitutifs des œuvres et l’environnement qui
les entoure. L’accent est mis principalement sur le développement d’une méthodologie visant à prévenir les phénomènes de corrosion. Le projet en est actuellement à ses prémices, les premières étapes se sont concentrées
sur le choix des œuvres et la caractérisation des conditions environnementales. L’analyse de la composition des
alliages a été effectuée in situ, et en priorité par rapport à l’analyse des produits de corrosion. Les résultats obtenus, combinés à une documentation visuelle, visent à : (i) identifier la synergie entre la corrosion des substrats
métalliques et la détérioration des revêtements de surface ; (ii) lier l’état actuel de l’œuvre à son histoire matérielle ; (iii) corréler les conditions environnementales aux schémas de dégradation ; et (iv) comparer les œuvres
d’art d’un même artiste, ou de composition similaire, exposées dans des environnements différents. Le projet
fournira également aux musées des informations sur leur environnement actuel pour éclairer les décisions futures en matière de climat et de qualité de l’air.
Lieux d’étude
Parmi les œuvres sélectionnées, ont été inclues des œuvres en alliages cuivreux et ferreux, exposées dans des
conditions différentes dans deux musées distincts, tous deux situés dans des environnements urbains et côtiers :
le Moderna Museet à Stockholm (côte est) et le Göteborgs konstmuseum à Göteborg (côte ouest).
Moderna Museet
Moderna Museet est le musée national suédois pour l’art moderne et contemporain. Ouvert en 1958, le musée
possède l’une des plus riches collections d’art des 20e et 21e siècles reconnue d’Europe, comprenant plus de
130 000 œuvres dans divers médias, dont 1 800 sculptures et installations. Dominée à l’origine par trois catégories – l’art suédois et nordique, le modernisme français et l’art américain des années 1950 et 1960 – la collection
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a été progressivement enrichie pour inclure des œuvres d’art internationales majeures, en écho aux questions sociétales actuelles.
Le bâtiment actuel du Moderna Museet date de 1998 et a été rénové une première fois en 2004. Il est situé sur
Skeppsholmen, une petite île au centre de Stockholm. Les espaces d’exposition de la collection permanente, situés
à l’étage d’entrée principal du bâtiment, couvrent 2 226 m2, répartis en 19 salles, elles-mêmes regroupées en trois
blocs et un couloir. Le bâtiment est divisé en trois zones pour le contrôle du climat – l’espace d’exposition permanente, l’espace d’exposition temporaire et l’espace de stockage – ce dernier se trouvant à l’étage le plus bas du
bâtiment. Le système de climatisation est contrôlé à distance par un organisme extérieur. Dans les espaces d’exposition, l’humidité relative (HR) varie chaque année entre 47 et 53% et la température (T°) entre 18 et 22°C. Les variations maximales au cours de 24 heures sont respectivement de ± 3% (HR) et ± 2°C (T°). Il n’y a actuellement aucune évaluation ou contrôle des polluants dans l’atmosphère.
Dans la collection, les métaux sont présents sous diverses formes et représentent toutes les familles d’alliages, des
plus traditionnels (alliages ferreux et cuivreux, plomb, argent) aux plus modernes (aluminium, acier inoxydable,
revêtements métalliques tels que nickel et chrome, titane). Pour certaines œuvres d’art, les métaux sont le matériau unique ou principal, alors que pour d’autres, ils ont été utilisés en combinaison avec d’autres matériaux, inorganiques (autres métaux, béton, pierre, verre, céramique) ou organiques (bois, textiles, matériaux synthétiques,
peintures, cuir, paille et fibres végétales, aliments). Ces œuvres composites sont des défis pour la conservation,
d’autant plus que le Moderna Museet encourage une approche expérimentale et créative pour l’acquisition et l’exposition de ses œuvres.
Göteborgs konstmuseum
Le bâtiment du musée d’art de Göteborg a été inauguré en 1923 et a été partiellement agrandi pour gagner plus
d’espace d’exposition en 1968, avec une nouvelle entrée créée en 1996. La collection se concentre sur l’art occidental du 15ème siècle à nos jours, en mettant l’accent sur l’art nordique. Le musée possède une collection
unique d’art nordique du tournant du 20ème siècle. La collection de 70 000 œuvres d’art comprend 4 300 peintures, 900 sculptures, installations et multimédias, environ 61 000 œuvres d’art sur papier, 900 photographies et
environ 2 300 illustrations de livres pour enfants.
Le musée a connu des difficultés avec le contrôle climatique dès l’origine. Il a été construit avec une mauvaise
isolation et comprend une partie construite en sous-sol, ce qui l’expose à une humidité accrue. En 1996, la nouvelle entrée, reliée à l’espace d’exposition des sculptures par un escalier ouvert, a entraîné la hausse des niveaux
de particules dans l’air.
Le système climatique actuel a été installé en 2008 et comprend des systèmes séparés pour les salles d’exposition de haute sécurité et les espaces dédiés à la collection permanente. Certaines salles ont des murs orientés au
nord et n’ont pas de radiateurs, alors que d’autres salles sont orientées au sud et en disposent. Pour cette raison, les conditions environnementales sont maintenues à 50% HR (± 15%) et à une température réglée à 20 ° C,
mais qui peut fluctuer de 18 ° C en hiver à 24 ° C en été. En 2008, des filtres à air ont été installés, actuellement
des filtres de classe F9 (adaptés pour les particules ayant une taille comprise entre 1 et 10 µm).
L’historique des données climatiques historiques est limité. Les données périodiques montrent une HR fluctuant
de 30 % à plus de 70%, ce qui a notamment induit des problèmes répétés jusqu’en 2008. Dans les salles d’exposition où se trouvent les sculptures sélectionnées pour cette étude, les problèmes d’humidité ont maintenant
été réduits.
Œuvres
Les sculptures retenues pour cette étude sont des œuvres majeures pour les collections des musées concernés,
et leur préservation est une priorité. Les œuvres ont été sélectionnées en relation avec leur emplacement dans
les espaces d’exposition, en fonction de la corrosion observée, ou en fonction de l´hypothèse que les conditions
environnementales en exposition puissent favoriser le développement de la corrosion.
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Michaela Florescu et al.
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Moderna Museet
Les œuvres sélectionnées comprennent un groupe de fontes en bronze de Pablo Picasso (Femme aux bras croisés,
1948 ; Nu, 1945 ; Femme debout, 1948 ; Le Bras, 1959) (Figure 1), de Jean Fautrier (La Grande Tête, 1943) (Figures
2, 3) et de Germaine Richier (L’Hydre, 1954). En parallèle, des analyses et des observations ont également été
effectuées sur une sculpture en alliage ferreux d’une jeune artiste suédoise, Hanny Kamali (Freddie Gray, 2019)
(Figures 4, 5).
La sculpture de Hanni Kamali est exposée dans le couloir menant aux salles d’exposition, alors que les sculptures
en bronze se trouvent dans l’une des salles de l’exposition permanente. Les sculptures sont dépoussiérées régulièrement.
Figure 1. Pablo Picasso, Le Bras,1959
58x18x16cm, alliage cuivreux patiné. ©
Tobias Fischer / Moderna Museet 2021
Figure 2. Jean Fautrier, La Grande
Tête, 1943, 33cm, alliage cuivreux
patiné, bois. © Tobias Fischer /
Moderna Museet 2021
Figure 3. Jean Fautrier, La Grande Tête, détail d’une zone de référence. © Tobias Fischer / Moderna Museet 2021
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Michaela Florescu et al.
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Figure 4. Hanni Kamaly, Freddie Gray, 2016-2018,
235x170x190cm, alliage ferreux et acier inoxydable.
© Tobias Fischer / Moderna Museet 2021
Figure 5. Hanni Kamaly, Freddie Gray détail d’une zone de
référence. © Tobias Fischer / Moderna Museet 2021
Göteborgs konstmuseum
Les deux sculptures en bronze analysées sont Madame Fernande Olivier de Pablo Picasso (Figure 6), acquise en
1951, et Le Cavalier de Marino Marini, acquise en 1952 (Figure 7). Avec une combinaison de traits faciaux distincts et une partie plus inachevée et abstraite, Madame Fernande Olivier de Picasso préfigure un changement
important dans l’œuvre de l’artiste, passant de sa période rose (1904-1906) à sa phase cubiste. La sculpture date
de 1906 et a été réalisée après la période Gósol, mais la date de production n’est pas certaine.
Figure 6. Pablo Picasso, Madame Fernande Olivier,1906,
35.7x24.8x24.4cm, alliage cuivreux patiné. © Göteborgs
konstmuseum 2021
Figure 7. Marino Marini, Rider, 1952, 108x96x37cm,
alliage cuivreux. © Göteborgs konstmuseum 2021
Présentation 11
Michaela Florescu et al.
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Cette sculpture fait probablement partie de l’une des premières séries de fontes signées par l’artiste. Des fontes
postérieures non signées ont été réalisées en 1959. Dans le dossier d’acquisition, la sculpture est décrite comme
bronze, avec une patine brun foncé. Picasso a utilisé de la gaze ou un filet appliqué à la surface du plâtre encore
humide pour obtenir la texture poreuse de la surface métallique.
Le sculpteur italien Marino Marini, l’une des figures de proue du modernisme, fait référence à l’héritage étrusque
et à l’art classique dans ses œuvres. Le Cavalier (à partir de 1945) a été réalisé lors de son séjour en Suisse et a
été inspiré par une sculpture équestre du 13ème siècle de la cathédrale de Bamberg, en Bavière. La forme monumentale, combinée au traitement de la surface, avec la présence de rayures et de traces de ciseaux de sculpteur,
donne à la sculpture un aspect intemporel proche de celui des découvertes archéologiques antiques. Dans le National-Zeitung de Bâle, un article décrit les méthodes de travail de Marini : le moulage et la fonte étaient effectués simultanément, en retravaillant la fonte brute avec les outils de sculpteur et de la couleur, et utilisant des
techniques de travail du plâtre, pour donner vie à la masse opaque, neutre et blanche. Le résultat est un effet de
tension immédiat qui impression profondément le spectateur [4]. Ces détails sont visibles sur Le Cavalier, dont la
surface porte des traces du sable de la coulée et des touches d’or, de bleu et de rouge.
Ces deux sculptures sont exposées en permanence depuis près de 70 ans, Le Cavalier dans le Hall des sculptures,
située en haut de l’escalier, où les niveaux de particules sont élevés, et Madame Fernande Olivier dans la Galerie
française au 6e étage, où l’environnement est plus stable et moins pollué.
Méthode
Des constats d’état ont été effectués pour chaque sculpture et la composition des alliages a été analysée par fluorescence X (XRF). Les niveaux de polluants atmosphériques ont été mesurés dans deux zones différentes pour
chacun des musées, chaque zone abritant au moins une des sculptures sélectionnées.
Sélection des zones
Les Figures 8 et 9 indiquent la localisation des zones considérées pour l’étude au sein de chaque musée. L’architecture des deux bâtiments étant très différente, au Moderna Museet tous les espaces d’exposition sont situés
au même niveau, alors qu’au Göteborgs konstmuseum ils sont distribués sur plusieurs étages. Il convient également de noter que le trafic annuel des visiteurs est plus élevé au Moderna Museet qu’au Göteborgs konstmuseum.
Au Moderna Museet :
- Zone 1 : couloir menant aux salles d’exposition
- Zone 2 : salle d’exposition située au sein du bloc central
Au Göteborgs konstmuseum :
- Zone 1 : Hall des sculptures au 1er étage
- Zone 2 : Galerie française au 6e étage
Le Tableau 1 synthétise les différentes caractéristiques de ces zones.
Figure 8. Plan du Moderna Museet et
localisation des zones sélectionnées.
Présentation 11
Michaela Florescu et al.
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Figure 9. Plan du Göteborgs konstmuseum et localisation des zones sélectionnées.
CARACTERISTIQUES
MODERNA MUSEET
Zone 1
Zone 2
GÖTEBORGS KONSTMUSEUM
Zone 1
Zone 2
Œuvres exposées
Kamali
Picasso, Fautrier,
Marini
Picasso
Espace ouvert / fermé
Ouvert
Fermé
Ouvert
Fermé
Éloignée
Isolée des courants d’air
Pas d’accès sur
l’extérieur
Proche
Non isolée des
courants d’air
Accès direct sur
l’extérieur
Éloignée
Isolée des courants d’air
Pas d’accès sur
l’extérieur
Position par rapport à l’entrée du bâtiment
Trafic annuel dans le musée
Fréquentation de la zone au
Proche
Non isolée des
courants d’air
Séparée de
l’extérieur par
deux portes
coulissantes
+
=
=
+
-
Tableau 1. Caractéristiques des zones sélectionnées pour les mesures de qualité de l’air au sein des deux musées.
Analyse des alliages constitutifs des oeuvres par fluorescence X (XRF)
La composition élémentaire des alliages constitutifs des sculptures sélectionnées a été déterminée par fluorescence X, ce qui a fourni des informations à la fois sur les matériaux d’origine utilisés pour créer chaque sculpture
et sur l’identification des produits de corrosion résultant potentiellement de l’exposition aux polluants atmosphériques. Un spectromètre XRF portable XG Elio sans contact avec un tube de rhodium a été utilisé pour l’analyse, avec pour chaque mesure, une tension de 40 keV, un courant de 20 μA et un temps de mesure de 40 s. La
tête du spectromètre a été placée près de la surface et le repérage pour l’emplacement de la mesure a été effectué avec l’aide des lasers d’alignement. Le milieu ambiant entre l’objet et la XRF était l’air (les éléments légers
Présentation 11
Michaela Florescu et al.
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n’ont pas pu être détectés). Un minimum de cinq points différents a été mesuré sur chaque sculpture, la mesure
étant répétée deux ou trois fois pour chaque point.
Mesures de la qualité de l’air
La mesure périodique des polluants atmosphériques a permis de mieux comprendre les microenvironnements
dans ces deux musées. Dans cette première phase du projet, les capteurs étaient des dispositifs d’échantillonnage
passif, fournis par l’Institut suédois de recherche environnementale (IVL). Ces dispositifs se présentent sous la
forme de cylindres en plastique, compacts, d’environ 3 cm de diamètre et 1 cm d’épaisseur, contenant des matériaux adsorbants. Ils ne nécessitent pas de pompes pour fonctionner et permettent la capture des polluants diffus
à travers un maillage existant sur le dessus du capteur. Silencieux, petits et discrets, ces dispositifs d’échantillonnage passif sont idéaux pour les environnements muséaux. Leurs temps d’exposition peuvent s’étaler de
quelques heures à plusieurs semaines. Des temps d’exposition plus longs permettent d’abaisser les limites de
détection, ce qui est plus adapté pour les environnements du patrimoine culturel, où de faibles niveaux de polluants diffusés au fil du temps peuvent causer des dommages.
Les capteurs utilisés dans cette étude recueillent des gaz acides, à savoir l’acide acétique (CH3COOH), l’acide formique (HCOOH), le dioxyde de soufre (SO2) et l’acide chlorhydrique (HCl). Ils ont été exposés pendant 4 semaines
(du 8 septembre au 7 octobre 2021, au Göteborgs konstmuseum ; du 18 octobre au 3 novembre 2021, au Moderna Museet). Les capteurs ont été placés directement sur une surface plane (p. ex. sol, plate-forme) avec le maillage tourné vers le haut, ou ont été collés verticalement à un mur à l’aide de mastic, avec le maillage tourné vers
l’extérieur. Après exposition, les capteurs ont été renvoyés à l’IVL pour analyse par chromatographie ionique. Les
limites de détection pour chaque polluant mesuré après une période d’exposition de 4 semaines sont indiquées
dans le Tableau 2.
POLLUANTS
LIMITE DE DETECTION (µg/m3)
CH3COOH
HCOOH
SO2
HCl
1.0
1.0
0.2
0.3
Tableau 2. Seuils de détection des polluants mesurés par les capteurs passifs.
Résultats et discussion
Climat à Stockholm et Göteborg
Figure 10. Situation géographique de Stockholm et Göteborg.
Présentation 11
Michaela Florescu et al.
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Les données climatiques, ainsi que celles relatives aux polluants atmosphériques, ont été recueillies par les auteurs auprès du Stockholms Luft-och-Bulleranalys [5] pour Stockholm et de l’Institut météorologique et hydrologique suédois [6] pour Göteborg, sur la période des dix dernières années. Le climat dans les deux villes est considéré comme doux, dans la mesure où les températures restent positives la majeure partie de l’année.
Le Tableau 3 synthétise les données climatiques moyennes recueillies sur les dix dernières années pour les deux
villes.
DONNEES CLIMATIQUES
Hiver
Température
Eté
Hiver
Humidité
Eté
STOCKHOLM
GÖTEBORG
Moyennes
14° à -5°
- 0.3° à 5°
Mois le plus froid
Février
Janvier et Février
Moyennes
6° à 19°
7° à 17°
Mois le plus chaud
Août
Juillet
Moyenne
85 %
85 % HR
Mois le plus humide
Mai et Septembre
Août
Moyenne
60 %
76 %
Mois le plus sec
Avril
Mars
Tableau 3. Données climatiques moyennes recueillies sur les dix dernières années pour Stockholm et Göteborg.
De manière générale, la variation en température la plus importante se produit pendant l’hiver, bien que certaines années, une variation importante puisse également se produire en été. A l’inverse, les variations hygrométriques sont généralement plus importantes en été.
Le Tableau 4 synthétise les données annuelles moyennes relatives aux polluants atmosphériques, recueillies sur
les dix dernières années pour les deux villes.
POLLUANTS
NO2
STOCKHOLM
12 ± 11
GÖTEBORG
30,9 ± 6,6
SO2
0.58 ± 0.3
0.54 ± 0.3
O3
51,4 ± 19,5
64,7 ± 3,3
12 ± 3
18,9 ± 2,3
PM10
Tableau 4. Niveaux de polluants atmosphériques à Stockholm et Göteborg (valeurs annuelles
moyennes sur les dix dernières années, en μg/m3).
Il est à noter que ces valeurs annuelles moyennes peuvent inclure des variations très importantes, liées à des
différences saisonnières ou géographiques, ou à des évènements particuliers. Ainsi, les niveaux de dioxyde
d’azote (NO2) ont fortement baissé à Göteborg en 2020, en raison de la pandémie de COVID, pour atteindre une
moyenne annuelle de 17,94 μg/m3. Sur la période considérée, la valeur moyenne pour Göteborg reste supérieure
aux niveaux jugés acceptables pour les collections patrimoniales peu sensibles, situés entre 3,8 à 19,1 μg / m3
[7]. A Stockholm, les niveaux de NO2 fluctuent fortement au cours de l’année, et peuvent également se trouver
périodiquement au-dessus de ce seuil : les concentrations sont généralement plus élevées en février et mars
(valeur mesurée la plus élevée : 113 μg/m3) et généralement plus faibles pendant les mois d’été (valeur mesurée
la plus faible : inférieure aux niveaux de détection des capteurs). Inversement, les concentrations d’ozone (O3)
sont les plus élevées entre mai et août (valeur mesurée la plus élevée : 145 μg/m3) et les plus faibles pendant les
mois d’hiver (valeur mesurée la plus faible : 0,2 μg/m3).
Présentation 11
Michaela Florescu et al.
PAGE 116
Les niveaux de SO2 ont été faibles dans les deux villes sur la période considérée, avec néanmoins des moyennes
allant jusqu’à 2,9 μg/ m3 en période hivernale. De façon générale, au cours des trente dernières années, les niveaux de SO2 ont drastiquement diminué en raison des réglementations environnementales plus exigeantes, ainsi
que de l’utilisation accrue des transports publics et des vélos pour les déplacements urbains. Ce phénomène s’observe de façon répétée dans de nombreux pays d’Europe et d’Amérique du Nord et du Sud, où les niveaux de SO2
ont diminué de manière similaire depuis les années 1970 [8].
Qualité de l’air intérieur
En général, la qualité de l’air intérieur des deux musées au cours des périodes mesurées était bonne (Tableau 5).
Polluants
GBG
zone 1
GBG
zone 2
MM
zone 1
MM
zone 2
Seuils de pollution acceptables pour les collections sensibles [7]
Seuils de pollution acceptables pour les collections
peu sensibles [7]
SO2
HCOOH
CH3COOH
HCl
< LD
6.4
< LD
< LD
< LD
6.4
< LD
< LD
3.2
8.2
5.8
< LD
3.2
9.2
< LD
< LD
0.11 – 1.1
< 9.6
< 12.5
NA
1.1 – 5.3
9.6 – 38.2
99.6 – 697.2
NA
Tableau 5. Niveaux de polluants mesurés dans les deux musées — 9 septembre–7 octobre 2021
(toutes les valeurs sont en μg/m3).
Les données recueillies à partir des capteurs passifs IVL exposés pendant 4 semaines au Göteborgs konstmuseum
montrent que les concentrations intérieures de SO2, d’acide acétique et de HCl étaient inférieures aux limites de
détection de l’instrument. Lorsque les niveaux d’acide formique ont pu être détectés, ils sont restés inférieurs
aux fourchettes recommandées pour les collections patrimoniales dites sensibles, selon la terminologie de Grzywacz [7].
Les capteurs placés au Moderna Museet ont détecté du SO2, de l’acide formique et de l’acide acétique. Les concentrations des polluants sont similaires dans les zones choisies, à l’exception de l’acide acétique, qui est plus élevé dans la zone 1 (couloir) que dans la zone 2 (salle d’exposition). Les concentrations pour l’acide formique et
l’acide acétique sont inférieures aux concentrations recommandées pour les collections sensibles. Les concentrations pour le SO2 sont plus élevées que celles recommandées pour les collections sensibles, mais inférieures aux
concentrations acceptées pour les collections peu sensibles.
À titre de comparaison, Canosa et Norrehed [9] ont mesuré les niveaux de polluants dans l’air intérieur au Nationalmuseum, situé près du Moderna Museet. Ces mesures, effectuées pendant une période de rénovation (entre
le 18 janvier et le 15 février 2019), ont montré des valeurs moyennes < 0,2 μg/m3 pour le SO2, de 14,7 à 42,3 μg/
m3 pour l’acide acétique, de 28,4 à 36,2 μg/m3 pour l’acide formique et de < 1,0. –1,5 μg/m3 pour l’ozone. Ces
concentrations élevées au Nationalmuseum peuvent être liées au contexte de rénovation et à l’utilisation de matériaux de construction et de décoration émettant des composés organiques volatils (COV).
Fluorescence X
Les Figures 11 et 12 montrent des spectres représentatifs pour chaque œuvre. A l’exception de l’œuvre de Hanni
Kamali, toutes les œuvres sont des bronzes (présence de cuivre et de faibles quantités d’étain), contenant du zinc
et du fer. De plus, pour toutes les œuvres, des produits de corrosion ont pu être détectés en faible quantité, visibles à travers la présence de pics de soufre et de chlore. Des traces de chrome ont été détectées sur la sculpture
de Richier (MR), la sculpture de Fautrier (MF) et la sculpture de Picasso (MP) au Moderna Museet. Dans la sculpture de Marini (GM) au Göteborgs konstmuseum, un bronze au plomb, des traces de nickel, de silicium et potentiellement de titane ont été relevées (les pics non marqués sont liés à la cible de rhodium dans la XRF ou à l’argon
présent dans l’atmosphère environnante).
Présentation 11
Michaela Florescu et al.
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Dans les futures étapes du projet, ces résultats pourront être mis en relation avec les techniques de fabrication, et
notamment les patines, ou l’environnement.
Figure 11. Spectres XRF des sculptures analysées,
MR: Moderna Museet, Richier; MF: Moderna Museet, Fautrier; MP: Moderna Museet, Picasso; GP:
Göteborgs konstmuseum, Picasso; GM: Göteborgs konstmuseum, Marini.
Figure 12. Détails des pics observés dans les spectres XRF de la figure 8,
montrant à gauche les pics dans les gammes d'énergie 1,5-8 keV et le pic
d'étain Ka dans la gamme d'énergie 22-28 keV.
La Figure 13 montre les spectres obtenus à partir de trois points de mesure différents sur la sculpture de Marini
(GM). D’après ces résultats, les zones présentant des accrétions de surface de couleur blanche contiennent d’importantes quantités de zinc, d’étain et de fer, ce qui semble indiquer une corrosion sélective du zinc. Les spectres
obtenus pour la sculpture de Kamali au Moderna Museet ont montré la présence de deux alliages de fer différents : des tiges filetées en acier inoxydable galvanisé sont attachées à un corps en acier ordinaire (Figure 5).
Figure 13. Spectres XRF obtenus pour différentes zones du Cavalier de Marino Marini. A : hanche gauche du
cheval, patine vert foncé, B : côté gauche du torse du cavalier and C : côté droit du torse du cavalier, dans
une zone montrant d’importantes accrétions blanches.
Présentation 11
Michaela Florescu et al.
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Discussion
Différentes finitions de surface au cours de la fabrication d’une sculpture entraînent des niveaux de corrosion
différents. Chaque œuvre présente des patines différentes, allant de l’uniforme, très polie et homogène à des
surfaces plus hétérogènes et rugueuses, en partie en raison du mode de fabrication et de finition et en partie en
raison de la corrosion sélective qui s’est développée au cours de l’histoire matérielle de l’œuvre. Les traitements
de conservation peuvent également avoir un impact sur la corrosion, mais les informations concernant les traitements antérieurs des œuvres étudiées font défaut.
L’ampleur de la corrosion est souvent liée au type et à la quantité de polluants atmosphériques auxquels est exposée l’œuvre, ainsi qu’à la température et à l’humidité ambiantes. Les alliages à base de cuivre et de fer sont
sensibles à la corrosion dans des conditions similaires à celles que l’on trouve à la fois au Moderna Museet et au
Göteborgs konstmuseum. Les niveaux élevés et les grandes fluctuations de l’humidité relative, en combinaison
avec NO2, SO2, O3, HCl, Cl2, les composés soufrés et les acides organiques peuvent favoriser le développement de
corrosion [10].
Par conséquent, la surveillance des paramètres environnementaux, tels que ceux discutés ici, peut aider les restaurateurs à déterminer s’il convient de prendre des mesures préventives pour prévenir la corrosion. Le coût lié à
la mesure des polluants est inférieur à celui des traitements de conservation, et des mesures périodiques peuvent suffire. La conservation préventive prenant une place de plus en plus importante dans la gestion des collections, la surveillance des polluants atmosphériques et de leur influence dans les processus de corrosion pourrait
constituer un pas important dans cette direction. Comme le démontrent les sculptures incluses dans cette étude,
les bronzes au plomb tels que ceux utilisés dans la sculpture de Marino Marini peuvent se corroder en présence
de gaz acides organiques, parmi lesquels l’acide acétique et de l’acide formique [7, 11, 12]. Les alliages de cuivre
peuvent se corroder en présence de gaz atmosphériques courants, en particulier le dioxyde de soufre et les composés contenant du chlore (p. ex. HCl et Cl2) [13], composés dont les niveaux peuvent être élevés dans l’environnement immédiat des deux musées. Bien que les concentrations de polluants mesurées dans le cadre de cette
première campagne de surveillance aient été inférieures à celles recommandées pour les collections sensibles
(voir tableau 5), elles peuvent fluctuer, tant d’un point de vue saisonnier que sur le long terme. De plus, les données environnementales recueillies [5, 6] ont montré une diminution significative des niveaux de pollution atmosphérique pendant la pandémie. Par conséquent, de futures campagnes de mesure devront être effectuées sur
des périodes plus représentatives, notamment pendant les mois les plus chauds et sur des périodes plus longues.
La période de pandémie a réduit la validité de l’exposition des capteurs de qualité de l’air, car un certain nombre
de musées en Suède sont restés fermés pendant une période significative et, une fois ouverts, leur nombre de
visiteurs était beaucoup plus faible. Lorsque les musées sont revenus à une relative normalité les mesures effectuées étaient plus représentatives, avec les premiers capteurs exposés en septembre 2021, avant la levée des
restrictions imposées par le gouvernement en Suède (le 29 septembre). Lors des prochaines campagnes, les capteurs seront installés fin décembre (période de hausse de la fréquentation), au printemps et en été.
Dans les prochaines étapes du projet, des photographies haute définition des zones témoins sur les sculptures
sélectionnées seront réalisées dans des conditions d’éclairage uniformes. La Spectroscopie Infrarouge à Transformée de Fourier (FTIR) utilisant la réflexion non destructive sans contact sera utilisée in situ pour détecter les
traces de vernis ou de cire utilisées dans le passé. D’autres méthodes analytiques, telles que la spectroscopie Raman, pourront être utilisées pour déterminer la composition des produits de corrosion nouvellement formés.
Conclusion
Alors que les musées s’alignent sur des objectifs environnementaux plus larges et que les traitements de conservation ne sont pas toujours priorisés par les musées, les mesures visant à prévenir la corrosion deviennent des
outils essentiels dans la conservation des sculptures en métal. La surveillance des conditions environnementales,
et particulièrement le contrôle de l’humidité, de la température et des polluants atmosphériques, peut apporter
des informations essentielles sur l’évolution potentielle des processus de corrosion et d’autres formes de détério-
Présentation 11
Michaela Florescu et al.
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ration, par exemple la dégradation des revêtements de surface. Le contrôle de l’humidité relative et de la température sont des procédures de routine pour la plupart des musées, mais ce n’est pas le cas pour la mesure des niveaux de polluants atmosphériques. Le projet explore des méthodes pratiques ainsi que des outils simples et peu
coûteux, tels que les capteurs passifs, pour développer des protocoles de surveillance des œuvres vulnérables à la
corrosion et à d’autres formes de dégradations.
En association avec ces mesures, la recherche pourra développer des méthodes descriptives de l’évolution de la
corrosion basées sur l’imagerie haute définition.
Références
[1] Infrastruktur departementet - Ministère de l’Infrastructure suédois (2020). Sweden’s Integrated National Energy and Climate Plan. https://ec.europa.eu/energy/sites/ener/files/documents/se_final_necp_main_en.pdf
(accessed 15 October 2021).
[2] National Museum Directors’ Council (NMDC). 2014. Environmental sustainability – Reducing museums’ carbon
footprint. Bizot Green Protocol.
Available
at
www.nationalmuseums.org.uk/what-we-do/contributing-sector/environmental-conditions/
(accessed 10 October 2021).
[3] IIC and ICOM-CC. 2014. Environmental guidelines – IIC and ICOM-CC declaration. Available at
www.iiconservation.org/sites/default/files/static/6972-2014-iic-icom-cc-environmental-guidelines.pdf (accessed
10 October 2021).
[4] Kuhn, H. 1944. Vier ausländische Bildhauer im Basler Kunstmuseum. National-Zeitung 12, December 1944.
[5] Stockholms Luft- och Bulleranalys (SMB). 2021. www.slb.nu/slbanalys/
(accessed 1 October 2021).
[6] Swedish Meteorological and Hydrological Institute (SMHI). 2021.
Väder i Göteborg (smhi.se)
(accessed 1 October 2021).
[7] Grzywacz, C.M. 2006. Monitoring for gaseous pollutants in museum environments. Los Angeles, CA: Getty Publications.
[8] Klimont, Z., S.J. Smith, and J. Cofala. 2013. The last decade of global anthropogenic sulfur dioxide: 2000–2011
emissions. Environmental Research Letters 8(1): art. 014003. DOI: 10.1088/1748-9326/8/1/014003.
[9] Canosa, E. and S. Norrehed. 2019. Strategies for pollutant monitoring in museum environments. Project report.
Visby: Swedish National Heritage Board (Riksantikvarieämbetet). DOI: 10.13140/RG.2.2.24172.00640.
[10] Leygraf, C., I. Odnevall Wallinder, J. Tidblad, and T. Graedel. 2016. Atmospheric corrosion, 2nd ed. Hoboken,
NJ: John Wiley & Sons.
[11] Grzywacz., C.M. and N.H. Tennent. 1994. Pollution monitoring in storage and display cabinets: Carbonyl pollutant levels in relation to artifact deterioration. Studies in Conservation 39: 164–170.
[12] Tétreault, J., E. Cano, M. van Bommel, D.A. Scott, M. Dennis, M.-G. Barthés-Labrousse, L. Minel, and L. Robbiola. 2003. Corrosion of copper and lead by formaldehyde, formic and acetic acid vapours, Studies in Conservation
48(4): 237–50. https://doi.org/10.1179/sic.2003.48.4.237
[13] Rice, D.W., P. Peterson, E.B. Rigby, P.B.P. Phipps, R.J. Cappell, and R. Tremoureux. 1981. Atmospheric corrosion of copper and silver. Journal of The Electrochemical Society 128(2): 275–84.
PAGE 120
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Session Poster
Poster 1
Clémence Cauvin-Hardy et al.
PAGE 122
ÉTAT DES LIEUX DE LA PASSERELLE MÉTALLIQUE DE L’ANCIEN SITE
OUVRIER DE NOISIEL
Clémence Cauvin-Hardy*
Chargée de projet, Sherlock Patrimoine
clemence@sherlockpatrimoine.fr
Charlotte Trigance, Anna Solon, Sherlock Patrimoine
* Autrice correspondante
Résumé
Le diagnostic d’un ouvrage métallique a pour objectif de définir son état et d’en déduire un programme de restauration. L’objectif est de montrer dans un poster la démarche d’une étude de diagnostic en vue de programmer
sa restauration.
Dans un premier temps, une introduction est effectuée brièvement sur l’histoire de la construction de la cité ouvrière de Noisiel dont la construction de la passerelle. Dans un second temps, nous présentons les caractéristiques et particularités architecturales de la passerelle. Puis nous synthétisons l’ensemble des investigations menées qui nous ont permis de déduire nature du métal et de montrer l’état d’altération de l’ouvrage. Les altérations constatées permettent de montrer qu’elles peuvent provoquer une diminution de sa résistance mécanique.
Cet ensemble de données permet de proposer deux solutions de préconisations dont une de conservation.
Cette démarche de diagnostic initiée tardivement dans le cas de cette passerelle montre la complexité du diagnostic d’un ouvrage métallique et celle d’un programme de restauration.
Poster 1
Clémence Cauvin-Hardy et al.
PAGE 123
Poster 2
Marine Bayle et al.
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RE TERNISSEMENT DE L’ARGENT POST-NETTOYAGE : ETUDE DE DIFFÉRENTS
SYSTÈMES DE PROTECTION
Marine Bayle*
Ingénieure de Recherche, A-Corros
mbayle@a-corros.fr
Marie Fays, Philippe de Viviès, A-Corros
* Autrice correspondante
Résumé
L’expérience de conservation-restauration d’une croix de procession composite de la fin du XIVe siècle provenant
de la commune de Marie (Alpes Maritimes) a donné lieu à une étude visant la protection de la surface d’argent et
d’alliage cuivreux doré à la suite de l’opération de nettoyage. En pratique, la surface de la croix complexe décorée
fragile et ternie, a été nettoyée (puis rincée) à l’aide de gels rigides chargés en complexant, donnant un résultat
très satisfaisant et homogène. La pose d’un revêtement de vernis à la suite du nettoyage n’a pas permis d’empêcher le re-ternissement de l’argent, quelques heures après son application. Cet évènement questionne l’efficacité
des revêtements pour limiter l’interaction de l’argent avec l’atmosphère. Afin d’apporter une réponse technique
à ce cas particulier, une étude a été menée sur des coupons d’argent exposés en atmosphère soufrée, nettoyés
par le même protocole que la croix et protégés par différents systèmes : vernis, cire, inhibiteur, systèmes mixtes.
Cette expérience réinterroge nos pratiques en termes de protection, et les confronte aux enjeux d’efficacité, réversibilité, intervention minimum et préoccupations environnementales.
Poster 2
Marine Bayle et al.
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Poster 3
Léa Freydefont et al.
PAGE 126
CONSERVATION-RESTAURATION D’UN BAISER DE PAIX EN ARGENT ET
VERMEIL - LE CYCLODODÉCANE COMME PROTECTION TEMPORAIRE
Léa Freydefont*
Conservatrice-restauratrice
lea.freydefont.crmetal@gmail.com
Marie-Anne Loeper-Attia, Barbara Laik, Stéphane Crevat
* Autrice correspondante
Résumé
Dans le cadre de mon mémoire de fin d’études à l’Institut national du patrimoine, j’ai étudié et restauré un baiser
de paix en argent et vermeil datant du XVe et du XIXe siècle, conservé au Musée du Louvre. Cette œuvre présente
une problématique de sulfuration de l’argent qui nuit à sa lisibilité et à la compréhension du relief central représentant la légende de saint Georges et le dragon. Les dimensions réduites de la pièce, le manque d’accessibilité
des éléments de la scène principale et la fragilité des décors ont orienté notre choix de nettoyage vers un traitement électrochimique en bain de l’argent. Toutefois, le baiser de paix est une œuvre composite, l’émail et les
perles qui ornent sa surface sont sensibles aux traitements en solution, c’est pourquoi un système de protection
temporaire a été mis en place à l’aide du cyclododécane afin de protéger ces matériaux durant la phase d’immersion de l’objet.
Poster 3
Léa Freydefont et al.
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Poster 4
Marie-Anne Loeper-Attia et al.
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ESSAIS COMPARATIFS DE PROTECTION DE L’ARGENT EN MILIEU MUSÉAL
Marie-Anne Loeper-Attia*
Conservatrice-restauratrice, Cité de la musique – Philharmonie de Paris, Centre de Recherche sur la Conservation
maloeperattia@cite-musique.fr
Laura Caru, Catherine Didelot, Léa Freydefont
* Autrice correspondante
Résumé
Depuis 2015, dans le cadre de la formation des élèves conservateur-restaurateur de l’Inp, spécialité arts du feu –
métal, un protocole de suivi d’objets en argent a été mis en place au MAD. De par sa localisation et la conception
de plusieurs espaces d’expositions, ce musée a des problèmes récurrents de conservation des argents, entre
autre à cause de la présence de nombreux polluants. Plusieurs couverts de la vitrine d’orfèvrerie du département
XVIIIe ont été vernis avec 3 produits différents ; chaque année une couverture photographique permettait de
suivre l’efficacité de la protection appliquée. Les premières conclusions ne montrèrent qu’aucun des protocoles
proposés n’était efficace tant au niveau de son pouvoir protecteur, de sa brillance ou de sa couleur. Il a donc été
décidé de mener une étude plus exhaustive sur différentes résines utilisées en conservation-restauration pour la
protection des argents. Plusieurs vernis et cires ont été appliqués sur des coupons d’argent ; ils ont ensuite été
mis dans un environnement pollué (sulfure d’hydrogène) puis en enceinte climatique et dans différents espaces
du musée. L’efficacité contre les polluants, la dureté, la modification de couleur et de brillance des protections
ont été évaluées, avant, pendant et après tests. Seront présentés ici les différents protocoles testés, ainsi que les
méthodes d’évaluation et les premiers résultats.
Poster 4
Marie-Anne Loeper-Attia et al.
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Poster 5
Philippe Pagnon
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RESTAURATION DE LA STATUE ÉQUESTRE DE NAPOLÉON 1ER POUR LA VILLE
DE ROUEN
Philippe Pagnon
Responsable de l’atelier de restauration de Fonderie Coubertin
p.pagnon@coubertin.fr
Résumé
La statue équestre monumentale en bronze réalisée en 1865, œuvre du sculpteur Vital Gabriel Dubray 18131892, par le fondeur Thiebault frères (une des plus importantes fonderies d’art en France de la fin du XIX° au début du XX° siècle), est exposée en plein air devant l’hôtel de ville de Rouen. Elle a nécessité une restauration importante.
Elle repose sur trois points d’appuis, constitués des deux jambes arrière du cheval et de sa queue. L’étude du bureau Studiolo a montré que l’une des jambes est fragilisée par la présence d’une fissure, menaçant la stabilité du
cheval. La patine de la statue comporte beaucoup d’altérations, croûtes noires présentes sur le poitrail du cheval,
coulures d’oxydes de fer, coulures liées au ruissellement des eaux de pluie et dépôts divers. Ces diverses altérations perturbent la lecture visuelle de l’œuvre. Plusieurs zones du socle (dont des ornements en bronze) sont aussi altérées.
Les graves altérations structurelles imposaient dans ce cas une dépose en atelier pour pouvoir intervenir de façon circonstanciée à l’intérieur du bronze. Vu le poids et le volume de la statue équestre, cette dépose mobilisait
à elle seule une expertise et des moyens techniques importants. La découpe en atelier d’une trappe d’accès et les
nombreuses reprises locales par soudure ont engendré par ailleurs la nécessité de retouches de patine chimique
pour retrouver un aspect de surface relativement homogène.
Poster 5
Philippe Pagnon
PAGE 131
Poster 6
Aymeric Raimon et al.
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RECHERCHE APPLIQUÉE SUR LA CHALCONATRONITE : RÉFLEXIONS AUTOUR
DE LA PROTECTION D’UNE CORROSION MAL CONNUE.
Aymeric Raimon*
Conservateur-restaurateur, Arc’Antique
Aymeric.RAIMON@loire-atlantique.fr
Lara Bonnin, Charlène Pelé-Meziani, Arc’Antique
* Auteur correspondant
Résumé
Si certains processus de corrosion sont bien connus et aujourd’hui contrôlés (par exemple, la corrosion active des
objets en fer ), d’autres produits restent plus problématiques car sans doute plus rares dans les collections muséales. C’est ainsi le cas de la chalconatronite, carbonates mixtes de sodium et de cuivre, qui semble toucher de
manière cyclique les objets en alliages cuivreux issus des milieux désertiques, mais pas uniquement.
Dans le cadre de la réouverture du musée Dobrée, le laboratoire Arc’Antique a travaillé sur un projet de recherche appliquée sur la chalconatronite. Car si cette corrosion est référencée dans la bibliographie, aucune
source littéraire ne précise ni son mécanisme de réactivation ni même comment en protéger les artefacts touchés. Les seules interventions techniques connues semblent consister en un retrait mécanique des produits de
corrosion et en l’application d’une fine couche de vernis. Cependant, l’isolation de ces objets de l’atmosphère
extérieure ne semble pas suffisante pour empêcher la réactivation de la chalconatronite.
Notre projet d’étude a donc cherché à dépasser cette définition stricte de la protection pour tenter d’englober
tous les facteurs pouvant influencer nos choix techniques : nature de la corrosion, processus de réactivation,
techniques et efficacité de stabilisation, sélection d’une protection isolante en fonction des contraintes muséales
(esthétisme de la protection et humidité relative).
Notre intervention consistera en une présentation des tests de cette recherche appliquée en mettant en exergue
l’influence de ces différentes étapes de la protection les unes sur les autres. Les moyens de suivi et de contrôle
seront également commentés.
Poster 6
Aymeric Raimon et al.
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Contacts
Organisateurs
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JOURNEE METAL FRANCE 2023
Elodie GUILMINOT
GPLA - Arc’Antique
26 rue de la Haute Forêt
44300 NANTES
Jane ECHINARD
GPLA - Arc’Antique
26 rue de la Haute Forêt
44300 NANTES
Téléphone : 02 51 81 06 16
Messagerie : Elodie.GUILMINOT@Loire-atlantique.fr
Téléphone : 02 51 81 08 88
Messagerie : Jane.ECHINARD@Loire-atlantique.fr
Anne GENACHTE - LE BAIL
DRAC Occitanie -Service régional de l'archéologie
(SRA) - Régie des collections
Hôtel de Grave, 5 rue Salle-l'Évêque, CS 49020
34967 Montpellier Cedex 2
Luc ROBBIOLA
Laboratoire TRACES (CNRS)
Université Toulouse Jean Jaurès
5, allées Antonio MACHADO
31058 TOULOUSE Cedex 9
Téléphone : 04 67 02 35 17
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