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« Au commencement fut le verbe… »

2019

“ Au commencement fut le verbe… ” Juan Salvador Velecela To cite this version: Juan Salvador Velecela. “ Au commencement fut le verbe… ”. Ludions, 2019, 18, pp. 121-128. �hal-04434980� HAL Id: hal-04434980 https://hal.science/hal-04434980 Submitted on 2 Feb 2024 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. « Au commencement fut le verbe… » … Puys furent servies… … Des happelourdes, des badigonyeuses, des étangourres, des aucbares de mer, des godiveaulx de lévrier, biens bons, des bourbelettes, Primeronges, des bregizollons, des frelinginigues, des starabillatz, des cornicabotz, des cornemeuz revestuz de bize, des jerangoys, de la mopsopige, des chinfreneaulx, des volepupinges, des ondrespondredetz, de la friande vestanpenarderie, des bandyelivages, viande rare, des notrodilles, des spopondrilloches, des ancrastabotz, des croquinpedaignes, des gruinguenauldes à la joncade… (Rabelais. Le cinquiesme livre, chapitre XXXII bis1.) Dès l’exergue même de Haute Solitude – recueil bien plus original que ceux qui l’ont précédé dans l’œuvre poétique de Fargue –, le poète se place sous le signe de l’illisibilité. Une illisibilité qui a partie liée, certes, avec l’invention lexicale, mais qui ne saurait se réduire à ce seul aspect de son écriture. Ce livre, comme l’a parfois remarqué la critique, « a tendance à écraser le lecteur sous une invention langagière sans limites, faite d’énumérations et de néologismes2. » Consolidant, en effet, un penchant stylistique déjà esquissé dans Vulturne et Épaisseurs, Fargue fait preuve ici d’une rupture définitive avec l’œuvre de ses premières années. Non seulement le lexique devient étrange, empêchant au lecteur l’accès à la signification première du texte poétique, mais aussi la syntaxe de la phrase tend à se compliquer en s’élargissant, rendant difficile la rétention des groupes syntagmatiques par la mémoire. Les images poétiques, d’autre part, surabondantes dans l’ensemble du texte et véhiculées par une langue de surcroît difficile, loin de maintenir l’effet incantatoire des premiers instants de lecture, égarent le lecteur au milieu d’une figuralité effrénée. C’est ainsi que, si l’on revient à la mise en garde formulée par Aristote contre l’abus de « termes étranges » pour construire une expression noble – « Par "terme étrange", j’entends, dit l’auteur de la Poétique, un nom 1 Cité en exergue dans Léon-Paul Fargue Haute Solitude, Paris, Gallimard, « L’imaginaire », 1999, p. 7. Anne Reverseau, « Pépites de Fargue : de l’importance de la citation » in Ludions, nº15, Presses de Paris-Ouest, 2015, p. 82. 2 rare, une métaphore, un allongement et tout ce qui s’écarte de l’usage courant 3 » – l’on pourrait qualifier, malicieusement, avec lui la prose du dernier Fargue d’énigme ou de galimatias : « énigme, [parce qu’elle] est composée de métaphores, galimatias [parce qu’elle] l’est de noms rares4 ». Or, ne pourrions-nous voir là, précisément dans l’emploi de ce lexique et de cette syntaxe particuliers autour de l’image farguienne, l’instauration d’un dispositif figural qui permet au sujet lyrique d’exprimer l’état de déchirement qui est le sien dans Haute Solitude ? Pour Fargue, on le sait, l’écriture poétique est le moyen privilégié de ramener à la mémoire un état idéal de l’existence où la vie puisse, sinon naviguer, du moins jeter l’ancre. Ce qui est à l’œuvre dans ce mouvement, ce sont les rouages de la nostalgie, dont le sens étymologique ne saurait laisser indifférent quiconque s’intéresse à cette poésie, étroitement liée aux notions de « retour » et de « souffrance ». Ne se demande-til pas, à un moment donné : « Peut-être ne suis-je poète que par le drame de voir mourir autour de moi des physionomies et des façades5 » ? C’est à travers l’écriture, en effet, que Fargue s’insurge contre une réalité désolante où l’a abandonné, comme il le dit luimême, « la longue file des morts6 ». Mais l’obstacle auquel il se heurte dans Haute Solitude – peut-être davantage que dans quelconque autre recueil – est la fracassante impossibilité de déloger le présent au profit des années de jeunesse, moins malheureuses que celles qui ont amené la mort du père, laissant en lui un sentiment d’être arraché au monde. Il s’y emploie, cependant, et le résultat, en terme de qualité littéraire, est loin d’être des moindres. Or le rétablissement de ce passé – mythique à plusieurs égards – requiert un grand effort de recatégorisation de la réalité présente qui passe principalement par les images. Elles forment, en ce sens, la pierre de touche de ce monde qui ne tient, inévitablement, qu’à elles, et qui, comme un instant de rêverie, s’écroule à la moindre approche du réel. Disons, tout d’abord, qu’il y a dans la prose poétique du dernier Fargue une forte prédominance de métaphores verbales qui suscitent l’animation des objets du monde. Elles se présentent souvent en bloc, de telle sorte que le sujet lyrique apparaît comme le spectateur d’une réalité devenue étrange, voire par instants merveilleuse : 3 Aristote, Poétique, traduction, présentation et notes de Michel Magnien, Le livre de Poche, Paris, 2016, livre XXII, p. 120. 4 Ibidem. 5 Léon-Paul Fargue, « Azazel », Haute Solitude, Op. cit., p. 171. 6 « Haute Solitude », Haute Solitude, Op. cit., p. 129. On m’enchaîne doucement, tandis que le matin parisien me murmure des horreurs d’une voix de bec de lièvre. Un mariage repose sur mon ventre comme un presse-papier. La note du tailleur m’enfonce un grand pieu dans le genou droit7. De même, l’usage des métaphores adjectives – où la caractérisation inattendue joue un rôle essentiel (« les larmes d’un jour cholémique8 ») – n’est en rien négligeable, d’autant qu’il s’inscrit dans un mouvement plus large de construction d’images par caractérisation hétéroclite : elles sont formées tantôt par des syntagmes binominaux, transformables en constructions attributives (« le ciel gris des draps sans sommeil et bousculés de fièvres9 »), tantôt par l’adjonction au nom d’un à de caractérisation (« C’est œil, c’est un hameçon à monocle que j’ai lancé hors du lit10 »). Elles proposent, dans leur ensemble, une unité sous la diversité des termes de l’image pouvant être reconstituée – nous y reviendrons plus tard – par l’analyse des motifs qui relient en elles comparant et comparé. Moins fréquentes, mais certainement plus savoureuses, sont les métaphores à motif non exprimé qui, à défaut d’une délimitation stable dans les rapports comparé/comparant, y instaurent une virtualité pleine de sens (« un œil blond comme l’étonnement de Vénus, et vêtu d’eau propre11 », « un pauvre célibataire […], sorte de limaçon à borborygmes12 »). Riches de ces différences, les images occupent donc une place centrale dans Haute Solitude, au point que le réseau de figuralité qu’elles tissent dans le texte rend étrange l’expérience de lecture. Il faut dire, toutefois, que cette étrangeté passe aussi par la syntaxe. Une syntaxe qui, chez Fargue, est moins au service de la langue – en termes de clarté expressive, du moins – qu’à celui des images qu’elle est amenée à accueillir dans chacun de ses prolongements : J’ai frôlé l’extrême pointe de quelque vie terrible, frai de vieil espadon cosmique, portée d’une vieille planète chatte, amoureuse de trop de maîtres, qui brasillait et miaulait doucement dans l’éther, comme une voix plaintive qui vacille dans une chambre de malade éclairée sourdement dans le houle des toits13. Cette longue phrase, pour donner un exemple, assortit le complément de nom du groupe nominal C.O.D. de deux appositions qui le recatégorisent différemment. Une troisième, rapportée à la précédente, relance le surgissement des images par une subordonnée 7 « Encore… », Haute Solitude, Op. cit., p. 205 (nous soulignons). « Haute Solitude », Haute Solitude, Op. cit., p. 127. 9 « Géographie secrète », Haute Solitude, Op. cit., p. 44. 10 « Au matin », Haute Solitude, Op. cit., p. 91. 11 Ibidem, p. 90. 12 « Géographie secrète », Haute Solitude, Op. cit., p. 43. 13 « Je rêvais », Haute Solitude, Op. cit., p. 13. 8 relative et le choix du verbe « brasiller », tout comme par la comparaison ultérieure, doublée à son tour par une hypallage (« éclairée sourdement »). De plus, comme on le voit déjà dans ce fragment, il arrive souvent que Fargue renforce des images pleinement construites par l’ajout de nouvelles associations, créant ainsi un dispositif imageant à deux étages : Un rogaton d’idée tronquée, comme l’avant-train d’une guêpe qu’on a guillotinée et qui continue de faire sa toilette et de se décaper frénétiquement les pattes, fredonnait à nouveau dans ma tête vitreuse14. Ce qui était image à part entière dans le premier (« Un rogaton d’idée tronquée » – Cé : « idée », Ca : « rogaton », motif : incomplétude) devient simple comparé d’une nouvelle image dans le second, où « l’avant-train d’une guêpe », et ce qui suit, fait office de comparant. Le motif, resté quant à lui intact, assure la continuité entre ces deux paliers de l’image. D’autre part, l’on voit bien ici que l’écart introduit par la nouvelle image entre le sujet et le verbe de la proposition principale vise à reproduire, au niveau syntaxique, le sémantisme d’incomplétude développé par l’énoncé. L’on pourrait donc s’interroger sur les raisons qui poussent Fargue à disposer d’un recours pareil. S’agit-il de contourner une impossibilité de la langue à exprimer le déchirement du sujet lyrique? Il semblerait, en effet, que faute de pouvoir le formuler, le poète entreprenait de l’exemplifier – pour lui-même comme pour le lecteur – sous le signe de l’indicible. Ce de quoi participe, par ailleurs, le procédé de la liste, fréquemment utilisé dans ce recueil15 et qui, malgré la cocasserie de quelques-unes de ses images, s’accorde avec l’atmosphère dysphorique d’ensemble : On voyait fuir et se diluer dans l’air, pareilles à des colonies d’argonautes, les chiffres de nos têtes, les règles grammaticales, les prénoms, les injures. Une sorte d’automne à griffes, scintillant d’animaux-soleils, arrachait tout, dénudait tout. Les aspirateurs de la Mythologie astrale engloutissaient la matière et l’esprit. Et nos yeux voyaient cela, nos oreilles entendaient cela16. Aidées, comme on le voit, par la syntaxe, les images entraînent le lecteur dans une langue vertigineuse et cadencée, se servant au même titre des mots rares – provenant généralement du vocabulaire scientifique, au sens large (« les mystiques font 14 Ibidem, p. 9. Et ceci non seulement pour les images. Nous pensons notamment à l’itinéraire farguien de la nostalgie que l’on trouve dans « Azazel », Haute Solitude, Op. cit., 175 : « J’ai quitté jadis, ou, pour mieux dire, nous avons quitté […] la rue du Géorama pour la Chapelle, celle-ci pour la rue du Colisée, cette dernière pour la rue de Dunkerque, la gare du Nord pour Passy, Passy pour le boulevard Magenta, celui-ci pour la rue Saint-Quentin, celle-ci pour le faubourg Saint-Martin, la garde de l’Est pour la rue ChâteauLandon. ». 16 « Danse mabraque », Haute Solitude, Op. cit.,, p. 191. 15 de la ptose », « traînées albugineuses », « Cascaphore, ce phanadorme des nuits vertes », « individualisme exophtalmique », « mystique endocrinienne », « vieilles maisons leucorrhéiques17 », etc.) –, et des néologismes faisant souvent irruption dans la page. Selon le degré de transparence de ces derniers, il se peut que le lecteur réussisse à reconstituer leur référent – l’on reconnaît ainsi dans « un rêveur un peu zénoneur18 » le nom du Grec célèbre par ses paradoxes –, et à partir de là un motif peut être établi entre le néologisme en question et ce à quoi il réfère, d’autant que son fonctionnement est semblable à celui des métaphores nominales et adjectives. Mais il arrive aussi que le référent ne puisse pas être trouvé, comme c’est le cas ici : Les receveurs d’autobus ont été, cette nuit, changés en œufs de Pâques ! Demain, ce sera le tour des pédicures, puis viendront les facteurs, les opticiens, les maroquiniers, les savants, les nobles, les ziblocousses, les cacotermes, les pantagouriches et les botonglouzes19. Et le lecteur est confronté, mutatis mutandis, à une situation analogue à celle des métaphores à motif non exprimé. Il y a, en effet, une virtualité imageante dans le néologisme farguien qui demande à être explorée, en fonction de son contexte, à un niveau aussi bien phonétique – le choix des phonèmes est extrêmement suggestif dans des mots comme ceux-ci : « un pauvre célibataire […] tortillard, viponneux, lifoibloque et regrattier20 », – que morphologique et lexicale. « Qu’un événement discursif, dans son trébuchement, dit Laurent Jenny dans La Parole singulière, ébranle les contours de nos représentations, et nous sommes reconduits à la fondation de la langue : dans le figural, nous en entendons comme l’écho atténué, nous retrouvons l’actualité qui a dû présider à son invention21. » Le néologisme farguien est, en effet, le lieu où les domaines du signifiant et du signifié cohabitent dans une tension qui remotive de plusieurs manières leurs rapports, et qui tend par là même à réduire l’arbitraire du signe. Par ailleurs, Léon-Paul Fargue lui-même ne manquait pas de souligner cet aspect du néologisme dans sa préface aux Sortilèges du verbe de Mathila C. Ghika : « Tout le monde sait aussi qu’il y a plus de force persuasive et de 17 « Je rêvais », p. 11 ; « Géographie secrète », p. 46 ; « Azazel », p. 197 ; « Encore », Haute Solitude, Op. cit., p. 207. 18 « Je rêvais », Haute Solitude, Op. cit., p. 9. 19 « Danse mabraque », Haute Solitude, Op. cit., p. 187. 20 « Géographie secrète », Haute Solitude, Op. cit., p. 43. 21 Laurent Jenny, La parole singulière, Paris, Belin, 1990, p. 106. piment dans certains divertissements sémantiques que dans l’emploi sec et traditionnel des mots et des formules22 » : Une infirmémière est plus juste qu’une infirmière. […] J’aime le diplotame, le dépotame, le dilépothèse, chers à Valéry Larbaud, le montsombron à roulisses, le télénophe, la démon midaine et la station de métro Lèvres se courbent… Mais il reste rugine, ville lombarde à mes oreilles, et cartilage, qui flambe au bord de la Méditerranée, et gréeur, vieux noble qui partit pour Jérusalem, et quiescent, amiral breton, et dédicace, plat cuisiné (une dédicace de riz à l’encre verte), et empire, petite baie des champs (de la confiture d’empires), et fraisil, une maladie de la gorge, et mille joyaux encore. Sans compter ceux qui n’ont pas été admis par mes concitoyens ou qui redoutent le dictionnaire23. Cela passe – on le voit très bien dans cet extrait –, par l’activation de certaines sonorités qui, sorties de leur contexte par des figures telles que la permutation, la troncation ou l’épenthèse (comme l’insertion de –mé entre les syllabes d’infirmière), sont élevées à un rang proche du morphème. C’est pourquoi le choix de certains néologismes est extrêmement suggestif dans certains passages : Un pauvre célibataire […] tortillard, viponneux, lifoibloque et regrattier, une sorte de limaçon à borborygmes dont je n’osais pas serrer la main24. La haine, toujours la première à porter feuilles et fruits, varambouille et fulmigote25. Il plut à trois cent soixante degrés sur des roches sentimentales, dont la douleur peut se mesurer, de nos piètres jours, aux convulsions de homards à l’américaine et de truites au bleue qu’elles ont gardées de cette cuisson tournafolbesque et filpitorve26. Ainsi viponneux, par exemple, semble résulter de l’assemblage de vipère et bouillonneux, ce qui va dans le même sens de cette qualification peu obligeante de « limaçon à borborygmes » à l’encontre de l’épicier dont parle Fargue dans « Géographie secrète ». On reconnaît, de même, dans varambouiller la réunion de varan et barbouiller qui, avec fulmigoter (sans doute issu de fulminer et ragoter), rendent bien compte des effets de la haine. Quant à tournafolbesque, il semble être composé de trois pièces : une première qui se rapporte clairement au verbe « tourner », et deux autres, qui évoquent autant la folie que des arabesques, toutes significatives de l’idée de cuisson que Fargue veut transmettre au lecteur dans sa description de l’origine du monde dans « Visitation préhistorique ». 22 Léon-Paul Fargue, préface aux Sortilèges du Verbe, Maila C. Ghyka, Paris, Gallimard, 1949, p. 7. Ibidem, p. 9 (nous soulignons). 24 « Géographie secrète », Haute Solitude, Op. cit., p. 43. 25 « Accoudé », Haute Solitude, Op. cit., p. 101. 26 « Visitation préhistorique », Haute Solitude, Op. cit., p. 21. 23 Mais dès lors qu’il n’est plus possible de reconnaître dans les néologismes la présence dissimulée d’autres mots, celui-ci demande au lecteur un examen phonétique qui fasse ressortir sa puissance imageante. Ainsi, par exemple, dans « Les dépliants de surtarbrandur qui marchent à clochepied le long de l’horizon 27 », c’est la sonorité du mot qui évoque au lecteur une apparence effrayante dans un contexte où toutes sortes de bêtes sont déployées par l’imagination apocalyptique du poète. Or il faut dire que surtarbrandur est un nom islandais signifiant lignite, employé certainement par Fargue en raison de ses particularités phonétiques : la présence constante du [r] se double d’une alternance [u]/[a] qui l’approche du chiasme, rendant ce terme suggestif dans un contexte d’étrangeté comme celui de « Je rêvais ». C’est, en effet, la place qu’occupe le néologisme dans la langue – rendue étrange, comme on l’a vu, par la syntaxe et le lexique – qui le fait adhérer à son contexte et produire du sens. De telle sorte que, au même titre que la syntaxe et les images – dont on dirait qu’il n’est qu’une nouvelle forme d’expression –, le néologisme farguien participe pleinement à l’instauration d’un dispositif figural qui permet à Fargue de revenir aux sources du langage pour s’approprier le réel et le renommer. Ne disait-il pas dans un article sur Joyce à la NRF : « Il faut que les mots dont nous avons besoin, notre verbe à nous, revivifié, soient les bons microbes, les phagocytes de ce microbe intellectuel28 » ? Aussi pouvons-nous conclure avec ses propres mots sur l’écriture du Fargue de Haute Solitude : Maître et fondé en tout dans la matière littéraire, maître de l’unité de temps, de la morphologie, de l’étymologie, de l’activité dans l’analogie, de la phonétique, capable de renouveler entièrement l’arsenal grammatical d’un idiome, il est le médecin, il est le dentiste du lexique, de la sémantique, de la syntaxe. Et il pratique, quand il lui plaît, la plus magique des langues vertes29. JUAN-SALVADOR VELECELA 27 « Je rêvais », Haute Solitude, Op. cit., p. 14. « L’Alchimiste », La Nouvelle Revue Française, CCLVII, 1934, p. 615-616. 29 Ibidem, p. 617 28