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Cahiers Voltaire
Revue annuelle de la
so c i été voltaire
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Ferney-Voltaire
2007
Publié avec le concours du
c e n tre n ational du livr e
Nous remercions le Centre international d’étude du XVIIIe siècle
(Ferney-Voltaire) et le Centre de recherche sur les sciences de la
littérature française (Paris X-Nanterre) de leur soutien.
La préparation de ce numéro a été facilitée par
les services de la Bibliothèque de Genève
et de l’Institut et Musée Voltaire.
© Société Voltaire et Centre international d’étude du XVIIIe siècle 2007
Diffusé par Aux Amateurs de Livres International
62 avenue de Suffren, 75015 Paris, France,
pour le Centre international d’étude du XVIIIe siècle,
B. P. 44, 01212 Ferney-Voltaire cedex, France
ISBN 978-2-84559-051-9
ISSN 1637-4096
Imprimé en France
Études
& textes
Au recto : détail d’un portrait gravé de Voltaire, légendé « Brichet del. sculp a frenay 1778 ». Sous la plume
de Voltaire on distingue les mots « la tolérance ». L’artiste, Robert ou François-Robert Brichet ou Brise, est
connu pour avoir gravé les illustrations de Joseph Franz von Goez dans les Exercises d’imagination de différents caractères et formes humaines, Augsburg, 1784-1785. Il a également travaillé à une édition néerlandaise
de Lavater, Over de physiognomie, Amsterdam, 1781-1784. Vers 1790 il se trouvait à Pétersbourg où il a gravé
des portraits de Catherine II, d’Alexandre Ier Pavlovitch et de Grigori Aleksandrovitch Potemkine. L’erreur
dans le nom de Ferney et l’exceptionnelle fraîcheur physique du personnage pourraient indiquer que Brichet
ne s’est pas déplacé pour exécuter ce portrait de Voltaire au travail, mais dans Les Graveurs du dix-huitième
siècle, Paris, 1880-1882, t. I, p. 257, Roger Portalis et Henri Béraldi lui attribuent « un très-rare petit portrait
spirituellement esquissé à l’eau-forte : De Voltaire, dessiné d’aprest nature par Brichet an 1778 à Ferney. » Marcel
Roux par contre, dans Bibliothèque nationale. Département des estampes. Inventaire du fonds français. Graveurs
du dix-huitième siècle, Paris, 1930-, t. III, p.369, décrit la gravure que nous reproduisons ici. Voir aussi Ulrich
Thieme et Felix Becker, Allgemeines lexikon der bildenden Künstler, Leipzig, 1907-1950, t. V, p. 8. Collection
particulière.
moulay-badreddine jaouik
La part de l’islam dans l’élaboration
du théisme voltairien
En écrivant Le Fanatisme, ou Mahomet le prophète, Voltaire ravivait, pour toute
la suite du siècle, l’intérêt que l’islam et Mahomet1 avaient suscité depuis la fin du
XVIIe siècle en France et en Europe2. En fait, la curiosité de Voltaire pour l’Orient
en général, et pour l’Orient musulman en particulier, fut précoce3. Qu’il s’agisse
des Maures, des Perses ou des Égyptiens, des Turcs ou des Arabes, de leurs mœurs,
de leur histoire ou de leur religion, on voit son étude des peuples orientaux s’élargir et s’approfondir à mesure que son œuvre se développe. Cette évolution fut le
fruit d’un long travail qui lui permit de découvrir, de constituer puis de diffuser un
savoir solide sur Mahomet, l’islam et l’histoire de la civilisation musulmane. Dès
les années 1730, il en esquisse quelques traits. Plus tard, disposant de connaissances suffisantes, il fera de l’islam une arme redoutable dans la campagne qu’il ouvre
et soutient contre l’infâme.
Mais il faut aller au-delà de ces vues communes, et c’est notre propos. En tant
que philosophe, Voltaire est persuadé que la religion prêchée par Mahomet offre
une résonance avec le déisme ou théisme comme il dit4, plus simplement avec la
1. Je désigne ainsi le prophète, conformément à l’usage – y compris des érudits arabisants du temps
et des auteurs attachés à une présentation objective de l’islam –, malgré l’origine polémique de cette
graphie à valeur dénigrante apparue au bas Moyen Âge.
2. Il s’inscrit dans le droit fil des travaux d’arabisants comme d’Herbelot, Adrien Reland ou Richard Simon, du lumineux article « Mahomet » du Dictionnaire historique et critique de Bayle, et des
relations de voyageurs, comme Thévenot, ou d’« envoyés extraordinaires » du roi comme Pitton de
Tournefort, Saint-Olon ou Maillet. Ces divers textes offraient au public européen une image réellement
intelligente de l’islam, en recourant notamment aux sources arabes, grande nouveauté par rapport aux
travaux d’une tradition dévote qui s’appuyait exclusivement sur des traductions et des commentaires
surannés du Coran, fondés pour la plupart sur le corpus dit de Ketton qui remonte à l’époque des Croisades (1142), et dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils étaient franchement partiaux.
3. De nombreuses études ont été consacrées aux rapports de Voltaire avec l’islam. Nous nous référons surtout à Magdy Gabriel Badir, Voltaire et l’Islam, SVEC 125, 1974 ; Ğavād Hadidi, Voltaire et
l’Islam, Paris, Publications orientalistes de France, « Langues et civilisations. Littérature », 1974 ; Sadek
Neaimi, L’Islam au siècle des Lumières : image de la civilisation islamique chez les philosophes français du XVIIIe
siècle, Paris, L’Harmattan, « Histoire et perspectives méditerranéennes », 2003.
4. Rappelons la mise au point de René Pomeau : « Sous la plume de Voltaire, déisme et théisme sont
synonymes. Il est cependant curieux de constater sur cet exemple le prestige dans la langue française
de l’étymologie grecque. Voltaire préfère comme plus noble, et moins galvaudé, le mot de formation
plus savante, à partir de l’époque où il s’engage dans une action de propagande » (La Religion de Voltaire,
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« religion naturelle » dont il s’efforce de reformer, en toute occasion, l’ordre et le
plan. Du point de vue de l’histoire religieuse, il accorde aux Arabes, en matière de
foi, l’antériorité qu’il retire aux Hébreux. Si cela ne constitue pas une nouveauté5,
on doit plus spécifiquement à Voltaire d’avoir multiplié les rapprochements explicites entre l’islam et le théisme. Il s’agit d’autre chose que d’un simple montage
philosophique destiné à saper les fondements du christianisme. Lisant le Coran,
Voltaire adhère à nombre des propositions qu’il renferme. L’islam lui fournit en
outre, par la médiation du Coran, qui en assure les enseignements, divers éléments
pour concevoir le prototype d’un nouveau croyant : il se souvient avec précision,
dans sa définition du théiste, de formulations générales et abstraites qu’il contient.
La comparaison que nous proposons d’établir entre l’article « Théiste » du Dictionnaire philosophique, l’un de ses textes les plus aboutis sur la question, et le Coran6 se
révèle particulièrement probante à cet égard.
Notre étude s’articulera donc autour de ces quatre temps de l’approche voltairienne de l’islam : l’intérêt précoce, l’assimilation de la religion originelle à l’islam,
le rapprochement de l’islam avec le théisme, et enfin la confrontation du théiste,
du croyant voltairien, avec le croyant musulman, tel que la figure en découle de la
lecture du Coran.
Une approche précoce du monde de l’islam
Dès les années 1730, dans la vingt-cinquième des Lettres philosophiques portant
sur les Pensées de Pascal, Voltaire marquait l’intérêt de connaître les autres religions, ne serait-ce que pour s’assurer du caractère véritable de la seule religion
chrétienne. Il écrivait :
Il ne s’agit pas de savoir si Jésus-Christ doit l’emporter sur Aristote, il s’agit de
prouver que la religion de Jésus-Christ est la véritable, et que celles de Mahomet, des païens et toutes les autres sont fausses7.
Pour écrire l’Histoire de Charles XII, il a été conduit à se documenter sur l’histoire de l’empire ottoman, avec lequel le roi de Suède avait entretenu des rapports
étroits. Il y glisse quelques allusions aux musulmans, qu’on scrute avec intérêt.
Paris, Nizet, 1974, p. 476). Ce changement répondait également aux progrès de ses travaux d’historien.
5. Cette reconstruction était présente dans l’apologétique Vie de Mahomed de Boulainvilliers, parue
en 1730 avec l’adresse de Londres, et elle avait été reprise par George Sale dans un Preliminary discourse
à sa traduction du Coran, parue à Londres en 1734.
6. Nous nous référons dans la présente étude à la traduction française du Coran par Du Ryer, dont
la première édition remontait à 1647 (L’Alcoran de Mahomet, translaté d’arabe en français, par le sieur Du
Ryer), mais que nous citons d’après la réédition de 1770, publiée en deux tomes (Amsterdam ; Leipzig).
Cette version est précédée de la traduction du Preliminary discourse mis à la tête de la version anglaise du
Coran publiée par George Sale en 1734. La traduction de Du Ryer présentant l’inconvénient de ne pas
spécifier les versets de chaque surate ou chapitre, nous citerons par le numéro de la surate accompagné
de celui de la page, à défaut du numéro de verset comme le voudrait l’usage.
7. Lettres philosophiques, éd. Gerhardt Stenger, [Paris], Flammarion, 2006 (GF, 1224), p. 238.
La part de l’islam dans l’élaboration du théisme voltairien
Reprenant l’idée alors commune du « despotisme turc », il indique aussi que le
peuple en général retire de ce gouvernement la « sécurité », suivant en cela les
propos de Pitton de Tournefort :
La rapacité et la tyrannie du Grand Seigneur ne s’étendent presque jamais
que sur les officiers de l’empire, qui, quels qu’ils soient, sont esclaves domestiques du sultan ; mais le reste des musulmans vit dans une sécurité profonde,
sans craindre ni pour leurs vies, ni pour leurs fortunes, ni pour leur liberté8.
Ailleurs il retrouve des données de d’Argens et de Pitton de Tournefort, pour
souligner par exemple que la société musulmane ignore la distinction en ordres :
« On n’y connaît point la noblesse, soit celle à laquelle les emplois sont attachés,
soit celle qui ne consiste que dans des titres ; les services seuls sont censés tout
faire : c’est l’usage de presque tout l’Orient ; usage très naturel et très bon9. »
Mais c’est au théâtre, vers la même date, dans Zaïre, que l’auteur donne corps
à des idées qu’il mûrissait depuis longtemps : « J’ai enfin tâché de peindre ce que
j’avais depuis si longtemps dans la tête, les mœurs turques opposées aux mœurs
chrétiennes10. » À travers les personnages d’Orosmane et de Nérestan, il saisit l’occasion de placer Mahomet, indirectement, aux côtés de Jésus. Il explique dans
une lettre à Cideville, non sans enthousiasme, comment il s’est attaché à « unir
hardiment » le Coran et l’Évangile, démarche de poète avant tout, mais ouverte
et consciente11. Si la pièce demeure assez elliptique sur les mœurs musulmanes
comme telles, elle n’est cependant pas exempte de visées polémiques par implication. En cela, Voltaire est fidèle aux préoccupations de la tradition libertine : prétention universelle à la vertu et contingence historique des religions constituent
la toile de fond de cette tragédie, qui restera au répertoire. L’intérêt que Voltaire
porte à l’islam est bel et bien amorcé. La même année, dans l’Ode sur le fanatisme, il
s’interroge sur la « sagesse » et se demande si les dévots de l’Occident sont réellement plus raisonnables que ces « faux sages d’Orient » : en philosophe, il réaffirme
l’universalité de la morale.
Il faut attendre le début des années 1740 pour apprendre de Mme Du Châtelet que Voltaire « mahométise sans cesse12 » : le prophète va accéder à la scène,
directement incarné au théâtre. Voltaire se documente en effet et ne cesse de parfaire son imparfait Mahomet. Si le dramaturge reconnaît du génie au prophète13, il
n’hésite pas à relayer cependant les positions de la tradition dévote : l’ambition et
l’imposture seront mobilisées pour construire la figure, dans la droite ligne d’un
Grotius, d’un Pascal, d’un Rycaut, d’un Prideaux ou, plus relativement, d’un Gagnier. Mais il ne faut pas s’y méprendre, et René Pomeau l’a très bien montré, Vol8. Histoire de Charles XII, éd. Gunnar von Proschwitz, OC, t. IV, 1996, p. 370.
9. Histoire de Charles XII, p. 381.
10. À Jean-Baptiste-Nicolas Formont, 25 juin 1732, D497. Nous modernisons les citations.
11. 10 juillet 1732, D503.
12. À d’Argental, 8 janvier 1742, D2579.
13. Voir M. G. Badir, Voltaire et l’Islam, p. 73-146.
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taire s’est établi, en composant la pièce, « sur ce terrain commun aux défenseurs
et aux adversaires du christianisme » : « jouant sur les deux tableaux », il recueille
« les applaudissements des dévots peu avertis, tandis qu’il se fait entendre des
malins philosophes14 ». Car s’il s’oppose aux positions de Boulainvilliers dans la
lettre-préface adressée à Frédéric II, ce n’est que pour mieux s’y rallier par la suite.
Il nous semble que Voltaire se range déjà de ce côté, bien avant la parution de
la pièce. Plus tard, le philosophe reconnaîtra avoir fait Mahomet « un peu plus
méchant qu’il n’était15 ». En réalité, Le Fanatisme ou Mahomet le prophète va ranimer l’intérêt public pour l’islam et pour Mahomet. Mais Voltaire y vise aussi le
fanatisme européen. À ce titre, la pièce fonctionne, plus largement, comme une
mise en garde, avant la lettre, contre l’infâme. Elle prépare de surcroît à un travail
de réflexion sur les préjugés reçus à l’égard de l’islam, changement déjà initié en
France et en Angleterre. Voltaire s’est inscrit depuis longtemps dans cette évolution ; il va désormais se faire, comme philosophe, un puissant vulgarisateur de ces
idées nouvelles. En 1742 paraît son opuscule intitulé Du déisme : il y estime qu’« il
n’y a point de pays où il y ait plus de ces adeptes [du déisme] qu’en Angleterre ». Il
pense alors (ou laisse penser qu’il pense) que le déisme est le fait d’un cercle d’initiés européens, mais qu’il est en revanche « plus à découvert [...] à la Chine »16 :
c’est l’époque où l’on exalte Confucius et la Chine ; Voltaire, charmé, suit ; mais
cela ne durera guère.
L’islam et la religion naturelle
C’est à partir des travaux préparatoires de son Histoire universelle, au milieu
des années 1740, et probablement aussi à travers sa rencontre avec les écrits de la
libre pensée anglaise et française, notamment ceux de Sale et de Boulainvilliers,
que Voltaire va de plus en plus associer la religion musulmane à la religion naturelle. Philosophe et historien, indissociablement, il étendra et reprendra sans
cesse, jusqu’à la fin de sa vie, cette Histoire universelle, devenue l’Essai sur les mœurs :
pendant près d’une trentaine d’années, il aura trié, annoté, sélectionné ou éliminé
des faits et des données, repensé tout le cours de l’histoire du monde connu, en
s’opposant toujours plus farouchement au providentialisme et au christianocentrisme de l’histoire officielle et orthodoxe :
On ne parle point d’eux [des Arabes] dans nos histoires universelles fabriquées dans notre Occident ; je le crois bien : ils n’ont aucun rapport avec la petite nation juive, qui est devenue l’objet et le fondement de nos histoires prétendues universelles, dans lesquelles un certain genre d’auteurs, se copiant les
uns les autres, oublie les trois quarts de la terre17.
14. La Religion de Voltaire, p. 151.
15. À Mme Denis, 29 octobre 1751, D4597 ; cité par R. Pomeau, p. 156.
16. Le texte de 1742 est devenu l’article « Théisme » des Questions sur l’Encyclopédie.
17. La Philosophie de l’histoire (1765), devenue l’Introduction à l’Essai sur les mœurs, dans Essai sur les
mœurs, éd. R. Pomeau, Paris, Bordas, « Classiques Garnier », 1990, t. I, p. 55.
La part de l’islam dans l’élaboration du théisme voltairien
Contre la doxa traditionnelle, plusieurs chapitres seront donc consacrés à
l’Arabie, à Mahomet, à « l’Alcoran » et à la « Loi musulmane ». Au fil des développements, comme René Pomeau le remarque, Voltaire « tire encore un peu plus la
religion de Mahomet vers le déisme18 ». Avant l’avènement de Mahomet, les peuples de l’Arabie auraient déjà conçu et connu une véritable religion naturelle :
Leur religion était la plus naturelle et la plus simple de toutes ; c’était le culte
d’un Dieu et la vénération pour les étoiles, qui semblaient, sous un ciel si beau
et si pur, annoncer la grandeur de Dieu avec plus de magnificence que le reste
de la nature. Ils regardaient les planètes comme des médiatrices entre Dieu et
les hommes. Ils eurent cette religion jusqu’à Mahomet19.
Lorsque le prophète apparaît au VIIe siècle au milieu des Arabes, c’est pour leur
rappeler une religion immémoriale, et leur enseigner un culte simple ; le philosophe étaye même ici son argument en recourant à un verset du Coran :
Il [Mahomet] prétendait rétablir le culte simple d’Abraham ou Ibrahim, dont
il se disait descendu, et rappeler les hommes à l’unité d’un dieu, dogme qu’il
s’imaginait être défiguré dans toutes les religions. C’est en effet ce qu’il déclare expressément dans le troisième Sura ou chapitre de son Koran. « Dieu
connaît, et vous ne connaissez pas. Abraham n’était ni juif ni chrétien, mais
il était de la vraie religion. Son cœur était résigné à Dieu ; il n’était point du
nombre des idolâtres20. »
L’islam répond désormais au présupposé philosophique de certains auteurs
pour lesquels une religion naturelle et universelle a existé depuis toujours. S’agitil, dans le cas de Voltaire, d’un simple montage, d’une option abstraite sous-tendue
par des postulats d’ordre purement philosophique ? A-t-on affaire à une élaboration artificielle propre à alimenter la lutte contre l’infâme ? On serait enclin à l’affirmative si Voltaire n’y était pas revenu ailleurs et à de nombreuses reprises. On
remarque d’abord que contrairement à d’autres tenants de la libre pensée, comme
Toland, Du Marsais ou Maillet, qui accordaient le privilège déiste, si l’on peut dire,
aux anciens Égyptiens (sur fond d’opposition commune à l’orthodoxie privilégiant le judaïsme), Voltaire, à la suite de Boulainvilliers et de Sale, leur a substitué
le peuple arabe. Pour quelles raisons ? L’Égypte ne jouit plus alors de l’admiration
qu’elle avait suscitée par le passé ; elle a été remplacée, au début du XVIIIe siècle,
par la Chine. Les érudits lui ont contesté la haute antiquité : on considère désormais que le nombre des dynasties égyptiennes tient au fait qu’elles ont coexisté sur
un même territoire, et non plus à une succession de temps historiques. Voltaire
prend acte de cet état des connaissances, et s’éloigne de ses devanciers qui situaient
18. R. Pomeau, La Religion de Voltaire, p. 157.
19. Essai sur le mœurs, t. I, p. 54.
20. Essai sur le mœurs, chap. VI, « De l’Arabie, et de Mahomet », t. I, p. 256-257. Voltaire cite le verset
tel qu’il figure dans le Coran. Voir Du Ryer, surate 3, p. 430 : « Abraham n’était ni juif ni chrétien, il
professait l’unité de Dieu, il était vrai croyant, et n’était pas au nombre des infidèles. »
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l’Égypte dans l’orbite de la religion originelle, même s’il en retient la thèse d’une
religion primitive altérée depuis. Citant, au chapitre XIX de l’Introduction de son
Essai sur les mœurs, l’Arabie, l’Inde, puis la Chine, dans cet ordre précis, il en vient
à l’Égypte :
Il me paraît sensible que les Égyptiens, tout antiques qu’ils sont, ne purent
être rassemblés en corps, civilisés, policés, industrieux, puissants, que très
longtemps après tous les peuples que je viens de passer en revue. La raison en
est évidente. L’Égypte, jusqu’au Delta, est resserrée par deux chaînes de rochers, entre lesquels le Nil se précipite, en descendant l’Éthiopie, du midi au
septentrion. Il n’y a, des cataractes du Nil à ses embouchures, en ligne droite,
que cent soixante lieues de trois mille pas géométriques ; et la largeur n’est que
de dix à quinze et vingt lieues jusqu’au Delta, partie basse de l’Égypte, qui
embrasse une étendue de cinquante lieues, d’orient en occident. À la droite du
Nil sont les déserts de la Thébaïde ; et à la gauche, les sables inhabitables de la
Libye, jusqu’au petit pays où fut bâti le temple d’Ammon21.
Un autre élément de poids tient pour lui à l’insoumission attestée des Arabes
à l’égard de tout autre peuple, à leur passion pour la liberté, soulignée par les
auteurs antiques et reprise par le voyageur La Roque, puis par Sale :
Les Arabes, défendus par leurs déserts et par leur courage, n’ont jamais subi
le joug étranger ; Trajan ne conquit qu’un peu de l’Arabie Pétrée : aujourd’hui
même ils bravent la puissance du Turc. Ce grand peuple a toujours été aussi
libre que les Scythes, et plus civilisé qu’eux22.
On sait l’importance que confère Voltaire à cette notion de civilisation – le terme
lui manque, mais l’idée est au cœur de sa réflexion historique –, comme marque
insigne de supériorité autant que d’antiquité. Nous ne pouvons qu’invoquer ici les
ouvrages de Boulainvilliers, de Sale et surtout d’Isaac de Beausobre23 que Voltaire
a lus de près. Il se souviendra de Beausobre, chaque fois qu’il aura à écrire sur les
Arabes. Ses propres conceptions se trouveront synthétisées dans l’article « Arabes,
et par occasion, du livre de Job », paru en 1770, dans la seconde partie des Questions
sur l’Encyclopédie. Il ne suffit pas d’accorder à une nation le privilège de l’antiquité
en matière religieuse, il faut prouver. Voltaire travaillera donc sur un personnage
dont l’attache religieuse est connue de tous : Job. Le philosophe procède, autour
de cette figure, à une arabisation systématique du cadre primitif de la religion
21. Essai sur les mœurs, t. I, p. 72.
22. Essai sur les mœurs, t. I, p. 54.
23. « Quant à la religion des Arabes, elle s’est conservée aussi longtemps, et peut-être plus longtemps parmi eux dans sa première pureté, que parmi les autres nations. Les Israélites avaient corrompu
la leur en Égypte, lorsqu’elle se maintenait encore en Arabie. C’est dans ce pays-là que l’illustre et l’incorruptible Job faisait briller à la fois, les lumières d’une foi pure, et d’une éminente vertu. C’est dans
ce même pays, que Jethro, beau-père de Moïse, n’offrait des sacrifices qu’au vrai Dieu », Isaac de Beausobre, Histoire critique de Manichée et du manichéisme, Amsterdam, J.-F. Bernard, 1734-1739, t. I, p. 22.
Cet ouvrage se trouve dans la bibliothèque de Voltaire (BV 310) et porte des traces de lecture. Dans une
lettre datée du 2 janvier 1752, Voltaire dit l’avoir « lu toute la nuit » (D4756).
La part de l’islam dans l’élaboration du théisme voltairien
originelle. Pour Voltaire, ces Arabes indépendants des autres peuples ont nécessairement conservé « leurs mœurs et leur langage ». Il en déduit que la langue arabe
doit être « la langue mère de toute l’Asie, jusqu’à l’Inde, et jusqu’au pays habité par
les Scythes24 ». Il relève aussi que le génie des Arabes n’a pas changé :
Ils font encore des Mille et une nuits, comme ils en faisaient du temps qu’ils
imaginaient un Bach ou Bacchus, qui traversait la mer Rouge avec trois millions d’hommes, de femmes et d’enfants ; qui arrêtait le soleil et la lune ; qui
faisait jaillir des fontaines de vin avec une baguette, laquelle il changeait en
serpent quand il voulait25.
On note au passage l’allusion à Moïse, prophète des Hébreux. Moïse est sous
la plume de Voltaire un personnage issu d’un récit arabe, et on devine où il veut
en venir, quand on sait que la loi mosaïque constitue le fondement de la croyance
judéo-chrétienne : les Juifs n’auraient rien fait d’autre que plagier une nation arabe
plus anciennement attachée à la religion primitive. Revenant à ces Arabes dont le
génie de la langue s’étend également à leur caractère, il reconnaît, idée commune
à son époque, que les Arabes des déserts « ont toujours été un peu voleurs », mais
il affirme qu’en revanche, ceux des villes « ont toujours aimé les fables, la poésie et
l’astronomie ». La poésie, notamment, joue ici un rôle essentiel : on fait des vers en
Arabie, on en faisait longtemps avant Mahomet ; une place nommée « Ocad » est
même dédiée à la récitation des meilleurs vers. On affiche les plus beaux sur le mur
du temple de La Mecque, et le Coran même doit son triomphe parmi les Arabes
à cet amour pour la poésie. Voltaire rapporte à ce propos une anecdote qu’il tire
d’Herbelot et que rapportent d’ailleurs plusieurs auteurs arabes :
Labid, fils de Rabia, passait pour l’Homère des Mecquois ; mais ayant vu le
second chapitre de l’Alcoran que Mahomet avait affiché, il se jeta à ses genoux,
et lui dit : « Ô Mohammed, fils d’Abdallah, fils de Motaleb, fils d’Achem,
vous êtes un plus grand poète que moi ; vous êtes sans doute le prophète de
Dieu »26.
Amateurs de cette poésie qui est une « preuve infaillible de la supériorité d’une
nation dans les arts de l’esprit27 », les Arabes cultivent aussi l’art de l’amitié28. Vol24. Voltaire rappelle l’antiquité de la langue arabe dans le long article « Langues » des Questions sur
l’Encyclopédie : « La plus ancienne langue connue doit être celle de la nation rassemblée le plus anciennement en corps de peuple. Elle doit être encore celle du peuple qui a été le moins subjugué, ou qui,
l’ayant été, a policé ses conquérants. Et à cet égard, il est constant que le chinois et l’arabe sont les plus
anciennes langues de toutes celles qu’on parle aujourd’hui. » (Moland, t. XIX, p. 565).
25. Questions sur l’Encyclopédie, art. « Arabes, et, par occasion, du livre de Job », Moland, t. XVII,
p. 340.
26. Art. « Arabes, et, par occasion, du livre de Job », Moland, t. XVII, p. 341.
27. Nous tirons l’expression de l’article « Mahométisme » de l’Encyclopédie, dans lequel le chevalier
de Jaucourt reprend le développement sur les Arabes de l’Essai sur les mœurs.
28. Évoquant des contes sur l’amitié qui se trouvent dans un recueil de vers intitulé Tograïd, Voltaire
rapporte que dans les pays « de Maden, de Naïd et de Sanaa », un ami était « déshonoré quand il avait
refusé des secours à un ami » : les « nations occidentales » n’offrent rien de tel dans leur littérature, alors
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taire conduit son lecteur à reconnaître en eux des « idées nobles et élevées ». Ayant
ainsi montré que la nation arabe est antique et civilisée, Voltaire en vient au plus
ancien livre de religion connu dans le monde chrétien, celui de Job. Il pose la thèse
selon laquelle Job, auteur du livre religieux de « la plus haute antiquité », serait
« un Arabe de l’Idumée ». Il invoque le témoignage des hommes « les plus savants
dans les langues orientales ». On comprend alors pourquoi il s’est attaché à faire
remarquer que la langue arabe était « la langue mère de toute l’Asie » : il vise en
fait à transférer de la nation juive à la nation arabe le principe d’antériorité dans
l’histoire religieuse. Si Job est un Arabe, le plus ancien testament de foi n’est plus
l’Ancien Testament des Juifs et des chrétiens. L’insistance et l’intensité de ce discours de légitimité ont ici plus d’importance qu’il n’y paraît :
La preuve la plus claire et la plus indubitable, c’est que le traducteur hébreu
a laissé dans sa traduction plus de cent mots arabes qu’apparemment il n’entendait pas. Job, le héros de la pièce, ne peut avoir été un Hébreu ; car il dit,
dans le quarante-deuxième chapitre, qu’ayant recouvré son premier état, il
partagea ses biens également à ses fils et à ses filles ; ce qui est directement
contraire à la loi hébraïque. Il est très vraisemblable que, si ce livre avait été
composé après le temps où l’on place l’époque de Moïse, l’auteur qui parle de
tant de choses, et qui n’épargne pas les exemples, aurait parlé de quelques-uns
des étonnants prodiges opérés par Moïse, et connus sans doute de toutes les
nations de l’Asie29.
Relevant la présence de termes qui, comme « Satan », ne figurent pas dans
le Pentateuque et dont l’étymologie est chaldéenne, Voltaire en déduit que Job,
auteur arabe, vivait non loin de la Chaldée. Il renchérit, cherche et trouve des éléments de preuve qu’il estime imparables :
Une preuve plus forte encore, et à laquelle on ne peut rien répliquer, c’est la
connaissance de l’astronomie, qui éclate dans le livre de Job. Il est parlé des
constellations que nous nommons l’Arcture, l’Orion, les Hyades, et même de
celles du Midi qui sont cachées. Or les Hébreux n’avaient aucune connaissance
de la sphère, n’avaient pas même de terme pour exprimer l’astronomie ; et
les Arabes ont toujours été renommés pour cette science, ainsi que les Chaldéens30.
Dans l’article « Job » du Dictionnaire philosophique, le philosophe avait déjà accumulé des preuves de toutes sortes :
que ces contrées arabes connaissent depuis longtemps l’amitié (Moland, t. XVII, p. 341-342). L’idée est
reprise à l’article « Amitié » du Dictionnaire philosophique : « L’enthousiasme de l’amitié a été plus fort
chez les Grecs et chez les Arabes, que chez nous. Les contes que ces peuples ont imaginés sur l’amitié
sont admirables ; nous n’en avons point de pareils, nous sommes un peu secs en tout », sous la dir. de
Christiane Mervaud, OC, t. XXXV, 1994, p. 321-322.
29. Questions sur l’Encyclopédie, Art. « Arabes, et, par occasion, du livre de Job », Moland, t. XVII,
p. 342.
30. Moland, t. XVII, p. 342.
La part de l’islam dans l’élaboration du théisme voltairien
Au reste, le livre de Job est un des plus précieux de toute l’antiquité. Il est
évident que ce livre est d’un Arabe qui vivait avant le temps où nous plaçons
Moïse. Il dit qu’Éliphaz l’un des interlocuteurs est de Théman ; c’est une ancienne ville d’Arabie. Baldad était de Sué, autre ville d’Arabie. Sophar était
de Naamath, contrée d’Arabie encore plus orientale.
Mais ce qui est bien plus remarquable, et ce qui démontre que cette fable
ne peut être d’un Juif, c’est qu’il y est parlé des trois constellations que nous
nommons aujourd’hui l’Ourse, l’Orion, et les Hyades. Les Hébreux n’ont
jamais eu la moindre connaissance de l’astronomie, ils n’avaient pas même de
mot pour exprimer cette science ; tout ce qui regarde les arts de l’esprit leur
était inconnu, jusqu’au terme de géométrie.
Les Arabes au contraire habitant sous des tentes, étant continuellement à
portée d’observer les astres, furent peut-être les premiers qui réglèrent leurs
années par l’inspection du ciel31.
Tous ces éléments sont de nature à mener enfin le lecteur au but, ainsi reformulé :
Il paraît donc très bien prouvé que le livre de Job ne peut être d’un Juif, et
est antérieur à tous les livres juifs. Philon et Josèphe sont trop avisés pour le
compter dans le canon hébreu : c’est incontestablement une parabole, une
allégorie arabe32.
Il reste à faire appel à l’autorité exégétique de Calmet, qui interprète les versets 25 et suivants du chapitre XIX du Livre de Job33 comme une profession de
« l’immortalité de l’âme et la résurrection du corps ». Voltaire, malicieux, conduit
le lecteur à une thèse répétée dans toute son œuvre : la nation juive ne saurait se
prévaloir d’une autorité fondatrice en matière religieuse. La fin de l’article « Arabes » l’exprime sur le mode ironique :
L’immortalité de l’âme et la résurrection des corps au dernier jour sont des vérités si indubitablement annoncées dans le Nouveau Testament, si clairement
prouvées par les Pères et par les conciles, qu’il n’est pas besoin d’en attribuer
la première connaissance à un Arabe. Ces grands mystères ne sont expliqués
dans aucun endroit du Pentateuque hébreu ; comment le seraient-ils dans ce
seul verset de Job, et encore d’une manière si obscure34 ?
Résumons ce point. Selon l’interprétation même du Commentaire littéral de dom
Calmet35, le premier témoin du dogme de l’immortalité de l’âme et de la résurrection des corps fut un Arabe de l’Idumée nommé Job, après quoi le livre de
31. Dictionnaire philosophique, OC, t. XXXVI, p. 249-250.
32. Art. « Arabes, et, par occasion, du livre de Job », Moland, t. XVII, p. 343.
33. Voltaire cite dans l’article ces versets du livre de Job : « Je sais que Dieu, qui est vivant, aura pitié
de moi, que je me relèverai un jour de mon fumier, que ma peau reviendra, que je reverrai Dieu dans ma
chair. Pourquoi donc dites-vous à présent : Persécutons-le, cherchons des paroles contre lui ? Je serai
puissant à mon tour, craignez mon épée, craignez que je ne me venge, sachez qu’il y a une justice »
(Moland, t. XVII, p. 343).
34. Moland, t. XVII, p. 343.
35. Mais quant à l’interprétation des versets 25 et suivants attribués à Job, Voltaire se dit d’un autre
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Job, composé en langue arabe, « langue mère de toute l’Asie », aura été traduit en
hébreu par un interprète qui y a laissé plusieurs mots arabes qu’il ne comprenait
pas : ainsi parle « le monument le plus précieux et le plus ancien des livres qui aient
été écrits en deçà de l’Euphrate ». La tradition judéo-chrétienne qui fait de Job un
prophète hébreu est ruinée, la donne changée. La religion des premiers temps est
le théisme, et Mahomet, en prêchant l’islam aux Arabes, n’aurait fait que rappeler
et ranimer cette religion ancienne, naturelle et vraie.
L’islam prêché par Mahomet, simple rappel du théisme ?
De fait, la parenté entre islam et théisme va se préciser de plus en plus : loin du
fanatisme et de l’intolérance encore présents dans la tragédie dont le prophète était
le héros, et à l’instar de Richard Simon, Bayle, Collins, Toland, Tournefort, Boulainvilliers et Boyer d’Argens, qui l’avaient fait avant lui, Voltaire vante en 1761,
dans le Sermon du rabbin Akib et donc par la voix de ce « rabbin », une tolérance
musulmane historiquement prouvée :
Vous savez que quand les musulmans eurent conquis toute l’Espagne par leur
cimeterre, ils ne molestèrent personne, ne contraignirent personne à changer
de religion, et qu’ils traitèrent les vaincus avec humanité aussi bien que nous
autres israélites. Vos yeux sont témoins avec quelle bonté les Turcs en usent
avec les chrétiens grecs, les chrétiens nestoriens, les chrétiens papistes, les
disciples de Jean, les anciens parsis ignicoles, et nous humbles serviteurs de
Moïse36.
Au fil des entrées de son Dictionnaire philosophique, il poursuit dans cette voie,
dès la première édition de 176437. Mais pour soutenir explicitement l’idée d’une
affinité de l’islam et du théisme, il y emploiera une œuvre plus ample et un nom
fictif qu’impose la prudence : ce sera, en 1766, l’Examen important de milord Bolingbroke. Pour ce philosophe radical, la religion musulmane, plus fidèle à la raison,
vaut mieux que le christianisme :
Le mahométisme était sans doute plus sensé que le christianisme. On n’y adorait point un Juif en abhorrant les Juifs ; on n’y appelait point une Juive mère
de Dieu ; on n’y tombait point dans le blasphème extravagant de dire que trois
dieux font un dieu ; enfin on n’y mangeait pas ce dieu qu’on adorait, et on n’allait pas rendre à la selle son créateur. Croire un seul Dieu tout-puissant était le
seul dogme ; et si on n’y avait pas ajouté que Mahomet est son prophète, c’eût
été une religion aussi pure, aussi belle que celle des lettrés chinois. C’était
le simple théisme, la religion naturelle, et par conséquent la seule véritable.
Mais on peut dire que les musulmans étaient en quelque sorte excusables
avis que dom Calmet : plutôt que l’annonce du dogme de l’immortalité de l’âme et de la résurrection des
corps, on peut y entendre, plus simplement, « l’espérance de la guérison ».
36. Moland, t. XXIV, p. 280.
37. Voir notamment les articles « Abraham », « Amitié » et « Joseph ».
La part de l’islam dans l’élaboration du théisme voltairien
d’appeler Mahomet l’organe de Dieu, puisque en effet il avait enseigné aux
Arabes qu’il n’y a qu’un Dieu38.
La religion musulmane apporte aussi au philosophe, comme nous l’avons vu,
une justification historique de son système : Mahomet et l’islam bénéficient désormais d’un statut à part qui renforce la thèse d’une religion naturelle depuis longtemps avancée par la tradition libertine. Ce ne sont plus simplement des présupposés philosophiques ou des propositions issues d’auteurs antiques qui fondent
la possibilité du théisme, c’est l’histoire de la civilisation islamique, condensée
dans un discours désormais accessible et diffusé : une synthèse des pages de l’Essai
sera intégrée par le chevalier de Jaucourt à l’article « Mahométisme » du tome IX
de l’Encyclopédie (1765)39. Voltaire le redira dans un texte cette fois expressément
consacré au théisme : La Profession de foi des théistes de 176840. Dans un paragraphe
intitulé « Des persécutions chrétiennes », Voltaire rappelle solennellement l’exception historique d’une tolérance musulmane :
On a tant prouvé que la secte des chrétiens est la seule qui ait jamais voulu
forcer les hommes, le fer et la flamme dans les mains, à penser comme elle, que
ce n’est plus la peine de le redire. On nous objecte en vain que les mahométans
ont imité les chrétiens ; cela n’est pas vrai41.
Plus frappante encore est la conclusion de l’opuscule, imprimée en capitales :
« Résignation, et non gloire, à Dieu ; il est trop au dessus de la gloire42. »
S’il est vrai que l’expression « Gloire à Dieu » est chrétienne, celle de « Résignation
à Dieu » connote en revanche plus spécifiquement l’islam, puisqu’elle transpose le
sens même du terme « islamisme », définition rappelée par Voltaire lui-même dans
l’Essai : « Cette religion s’appela l’Islamisme, c’est-à-dire résignation à la volonté
de Dieu ; et ce seul mot devait faire beaucoup de prosélytes43. » Si Voltaire est si
sensible à une telle définition du rapport de l’homme à Dieu, c’est qu’il voit dans
l’homme fini (et plus qu’un autre il se ressent comme tel) un être sans autre alternative que celle de se résigner devant un Dieu infini.
L’auteur de l’Essai sur les mœurs se déclare par ailleurs attaché au dogme de
l’unité de Dieu, qui faisait l’admiration d’un Leibniz ou d’un unitarien comme
Samuel Clarke, et qui entraîna tant de conversions :
Le dogme surtout de l’unité d’un Dieu, présenté sans mystère, et proportion38. Éd. Roland Mortier, OC, t. LXII, 1987, p. 338.
39. Jaucourt écrit au début de cet article « Mahométisme » : « L’historien philosophe de nos jours
en a peint si parfaitement le tableau, que ce serait s’y mal connaître que d’en présenter un autre aux
lecteurs » (t. IX, p. 864).
40. La même année, de nombreux textes de l’Irlandais John Toland, parus au début du XVIIIe
siècle, avaient été traduits en français par le baron d’Holbach, et notamment Le Nazaréen, texte dans
lequel l’islam était présenté comme la seule religion véritable.
41. Moland, t. XXVII, p. 64.
42. Moland, t. XXVII, p. 74.
43. Essai sur les mœurs, chap. VII, « De l’Alcoran, et de la loi musulmane », t. I, p. 275.
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né à l’intelligence humaine, rangea sous sa loi une foule de nations et, jusqu’à
des nègres dans l’Afrique, et à des insulaires dans l’Océan indien44.
En examinant l’islam pour lui-même, il y trouve une religion conforme à ses
aspirations majeures : la possibilité d’une révolution dans les consciences, l’idée
du grand homme éclairé, la nécessité de la tolérance. La religion musulmane offre
à Voltaire ce qu’au fond de lui-même il espère ; elle répond autant à l’attente intellectuelle de l’homme qu’à son sentiment personnel du divin. Au poète qu’il est, le
Coran apporte encore ce qu’il cherche dans une langue qui lui est chère, celle de la
poésie45. Le Dieu de Mahomet n’est pas non plus cruel ni terrible, comme le Dieu
de l’Ancien Testament qui répugne depuis longtemps à son cœur. La définition du
Dieu clément et miséricordieux que donne Mahomet, Voltaire l’accepte d’un double point de vue esthétique et intellectuel, parce que, « véritablement sublime »,
elle parle davantage à la raison qu’à la foi :
On lui demandait [à Mahomet] quel était cet Allah qu’il annonçait : « C’est
celui, répondit-il, qui tient l’être de soi-même, et de qui les autres le tiennent ;
qui n’engendre point et qui n’est point engendré, et à qui rien n’est semblable
dans toute l’étendue des êtres46. »
L’islam, aux yeux de Voltaire, fut beaucoup plus qu’une arme au service de la
lutte contre l’infâme. Tout indique que ce Coran, « le livre ou la lecture » comme
il le rappelle47, ailleurs « le grand livre arabe48 », le philosophe l’a lu et relu. Ainsi
recommande-t-il à ses lecteurs la traduction anglaise du Coran de George Sale,
présente dans la bibliothèque de Ferney, qu’il préfère à la version française de Du
Ryer. C’est une main respectueuse et circonspecte qui a annoté cette traduction du
Coran qui lui avait été remise en 1738 par un dénommé Turner. Lorsqu’on compare
les annotations que Voltaire a mises au texte coranique avec celles des différentes
Bibles49, on est surpris d’une différence. On n’y trouve ni raillerie, ni ironie, ni extrapolations, ni transformations. Contrairement à ceux des Bibles, les marginalia
du Coran ne sont pas le fruit d’un travail collectif : seule la main de Voltaire y est
présente50.
Le Coran est utilisé comme un document où sont puisés rigoureusement les
éléments propres à éclairer les enseignements bibliques, pour les infirmer le cas
44. Essai sur les mœurs, t. I, p. 275.
45. Voir De l’Alcoran et de Mahomet, éd. Ahmad Gunny, OC, t. XXB, 2002, p. 333-342. Voltaire y
note que le Coran comprend 6000 vers, information qu’il tient de l’article « Alcoran » de la Bibliothèque
orientale d’Herbelot. En fait, le Coran contient environ 6536 versets.
46. Essai sur les mœurs, t. I, p. 271.
47. Essai sur les mœurs, t. I, p. 270.
48. La Défense de mon oncle, chap. III, OC, t. LXIV, p. 201.
49. Voir François Bessire, « Les marges des Bibles de Voltaire », Revue Voltaire 3, 2003, p. 45-57.
50. Voir CN, t. IV, p. 654-664 : The Koran, commonly called the Alcoran of Mohammed. Translated into
English immediatly from the original Arabic ; with explanatory notes, taken from the most approved commentators. To which is prefixed a preliminary discourse. By George Sale, gent., London, printed by C. Ackers for
J. Wilcox, 1734.
La part de l’islam dans l’élaboration du théisme voltairien
échéant. La plupart des notes sont des notes « repères », c’est-à-dire qu’elles reprennent de façon neutre les termes du texte signalé51. Par exemple, en marge
des versets de la surate 2 ayant trait à la personne du Christ, Voltaire note « Jésu
fils de Marie cher à Dieu ». Ailleurs, il retient le fait que certains Juifs auraient été
« changés en singes » ou relève le régime juridique du divorce des musulmanes.
Lorsqu’il découvre, dans la surate 3, les circonstances de la naissance de Jésus, Voltaire utilise une note de « rapprochement », caractérisant la conception chrétienne
de « l’immaculée conception ». Dans la même surate, c’est l’interdiction du suicide
qui retient son attention : « Défense de se tuer. Suicide ». Devant l’assertion « Ne
dites point il y a trois Dieux » contenue dans le Coran, Voltaire marque son accord :
« Jésu n’a pa eu l’insolence de se faire Dieu ». Ceci nous renseigne sur le vif intérêt
qu’il porte à ce Coran dont les considérations, à cet endroit, abondent décidément
dans son sens. Jésus n’est ni dieu ni le fils de Dieu, et Voltaire note, en anglais cette
fois : « God hath no children ». Il s’agit évidemment d’écarter toute référence à des
éléments irrationnels ou dont la valeur historique pose problème. Plus loin, c’est la
conception coranique de l’âme qui l’intéresse, théorie qu’il fera d’ailleurs sienne52 :
« The spirit was created at the command of my Lord : by the word Kun, i.e. Be ;
consisting of an immaterial substance, and not generated, like the body. But according to a different opinion, this passage should be translated, The spirit is of
those things, the knowledge of wich thy Lord hath reserved to himself. » Surate
19, c’est encore l’histoire de Jésus et de sa mère qui ont retenu son attention de lecteur : « history of Mary and Jesu ». Surate 113, il s’intéresse à des éléments d’ordre
culturel : « Mahomet freed from the knots of a jew chapter on magick. » Signalons
au passage que ces notes anglaises peuvent correspondre à des époques de lecture
différentes. D’autres chapitres encore portent des traces de lecture : des pages sont
cornées dans les surates 11 et 12. Dans la surate 26, Voltaire a repéré la mention des
« poètes » ; dans la 15e celle des houris ; et dans la 112e cette définition : « Dieu est
l’être éternel, il n’a ni fils ni père, rien n’est semblable à lui. »
Bref, le philosophe ne s’est pas cantonné à retracer l’islam à travers son histoire ;
ses travaux ont porté aussi, sinon sur l’exégèse, du moins sur la méditation du texte
coranique. Il défendit l’islam contre le prétendu caractère relâché de ses mœurs,
en soulignant au contraire sa rigueur morale, avant de conclure : « C’était donc la
religion juive qui était voluptueuse, et celle de Mahomet qui était sévère. » En 1767,
dans La Défense de mon oncle, il écrit encore avec énergie :
Nos moines ignorants n’ont cessé de le calomnier [Mahomet]. Ils appellent
toujours sa religion sensuelle ; il n’y en a point qui mortifie plus les sens. Une
religion qui ordonne cinq prières par jour, l’abstinence du vin, le jeûne le plus
51. Je reprends la terminologie de François Bessire, p. 47.
52. Elle est présente dans de nombreux textes, par exemple dans l’article « Catéchisme chinois » du
Dictionnaire philosophique. Voltaire reprend la théorie de l’Essai sur l’entendement de Locke, suivie par
Newton, sur la propriété de penser affectée par Dieu à la matière, à laquelle il adhère au moins depuis
la rédaction de la Métaphysique de Newton en 1740. Le Coran est également sur cette matière une de ses
sources.
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rigoureux ; qui défend tous les jeux de hasard ; qui ordonne, sous peine de
damnation, de donner deux et demi pour cent de son revenu aux pauvres n’est
certainement pas une religion voluptueuse et ne flatte pas, comme on l’a tant
dit, la cupidité et la mollesse53.
Touchant la place des femmes en islam, et dans le même esprit de rectification, il
composa aussi, en 1767, un opuscule en forme de dialogue des morts dont le titre
reprenait ironiquement le mot de saint Paul : Femmes, soyez soumises à vos maris54.
On voit que la relation de Voltaire à l’islam fut éminemment personnelle, et
que ses positions, tout en alimentant ses polémiques ordinaires, en ont largement
dépassé le cadre. Le théisme voltairien, différent en cela du déisme de certains Anglais55, entretient de nombreuses affinités avec la religion musulmane. La confirmation la plus éclatante en est apportée par les nombreux rapprochements qu’on
peut établir entre les textes de Voltaire sur le théisme et le Coran. Nous illustrerons
cette comparaison en confrontant aux versets coraniques les propositions et définitions de l’article « Théiste », paru dans l’édition « Varberg » de 1765 du Dictionnaire philosophique : cet exemple nous semble particulièrement éloquent.
Le croyant de Voltaire et le musulman du Coran
Pour faciliter la compréhension, nous reproduisons cet article « Théiste » dans
son intégralité :
Le théiste est un homme fermement persuadé de l’existence d’un Être suprême aussi bon que puissant, qui a formé tous les êtres étendus, végétants,
sentants, et réfléchissants ; qui perpétue leur espèce, qui punit sans cruauté
les crimes, et récompense avec bonté les actions vertueuses.
Le théiste ne sait pas comment Dieu punit, comment il favorise, comment
il pardonne ; car il n’est pas assez téméraire pour se flatter de connaître comment Dieu agit, mais il sait que Dieu agit, et qu’il est juste. Les difficultés
contre la Providence ne l’ébranlent point dans sa foi, parce qu’elles ne sont
que de grandes difficultés, et non pas des preuves ; il est soumis à cette Providence, quoiqu’il n’en aperçoive que quelques effets et quelques dehors, et
jugeant des choses qu’il ne voit pas par les choses qu’il voit, il pense que cette
Providence s’étend dans tous les lieux et dans tous les siècles.
Réuni dans ce principe avec le reste de l’univers, il n’embrasse aucune des
sectes qui toutes se contredisent ; sa religion est la plus ancienne et la plus
étendue ; car l’adoration simple d’un Dieu a précédé tous les systèmes du
monde. Il parle une langue que tous les peuples entendent, pendant qu’ils ne
s’entendent pas entre eux. Il a des frères depuis Pékin jusqu’à la Cayenne, et
53. Voir De l’Alcoran et de Mahomet, OC, t. XXB ; Essai, chap. VI, t. I, p. 269 ; La Défense de mon oncle,
chap. III, OC, t. LXIV, p. 202.
54. Moland, t. XXVI, p. 563-566. Dans cet ouvrage, l’abbé de Chateauneuf (qui fut le parrain de
Voltaire) apprend à la maréchale de Grancey qu’il faut se défier des préjugés concernant la place de la
femme en islam.
55. Voir R. Pomeau, La Religion de Voltaire, p. 463.
La part de l’islam dans l’élaboration du théisme voltairien
il compte tous les sages pour ses frères. Il croit que la religion ne consiste ni
dans les opinions d’une métaphysique inintelligible, ni dans de vains appareils, mais dans l’adoration et dans la justice. Faire le bien, voilà son culte ; être
soumis à Dieu, voilà sa doctrine. Le mahométan lui crie, Prends garde à toi
si tu ne fais pas le pèlerinage de la Mecque. Malheur à toi, lui dit un récollet,
si tu ne fais pas un voyage à Notre-Dame de Lorette. Il rit de Lorette et de la
Mecque ; mais il secourt l’indigent et il défend l’opprimé56.
La définition première du théiste retient d’abord l’attention : « un homme fermement persuadé de l’existence d’un Être suprême ». Comme dans l’islam, il s’agit
de croire fermement en un Dieu unique : monothéisme pur, exclusif. Le théiste
voltairien est avant toute chose unitarien ; il rejette par conséquent toute notion
de trinité. Ainsi le musulman professe-t-il l’unicité divine : « Votre Dieu est un seul
Dieu, il n’y a point de Dieu que Dieu57. » La profession de l’unicité de Dieu est fondamentale dans la religion musulmane, elle est présente à peu près dans l’ensemble
des surates du Coran.
L’Être suprême auquel croit le théiste est « aussi bon que puissant », attributs
de la divinité que le musulman partage : « Ne savez vous pas que Dieu est tout
puissant58 ? » ou encore, quelques versets plus loin : « Il est tout puissant ». Puissant, Dieu n’en est pas moins bon, sage : « Il [Dieu] est tout puissant et sage59 » ; ou
encore : « Dieu est bénin et miséricordieux60. »
Dieu, poursuit Voltaire, a formé « tous les êtres étendus, végétants, sentants, et
réfléchissants » ; il est le créateur universel de toute chose. De même peut-on lire
dans le Coran : « Ô peuple, adorez votre Seigneur qui vous a créés et tous ceux qui
ont été avant vous, peut-être que vous craindrez celui qui a étendu la Terre, qui a
élevé le Ciel61. »
Nonobstant cette puissance, explique Voltaire, Dieu « punit sans cruauté les
crimes, et récompense avec bonté les actions vertueuses » ; on lit de même dans le
Coran : « Dieu récompensera et châtiera chacun selon ses œuvres, et augmentera
sa grâce sur les bons62. » Dieu est donc, pour le théiste comme pour le musulman,
le juge par excellence, doué seul de la prérogative de justice véritable. Dans le
Coran, si Dieu punit : « Je donnerai ma malédiction à ceux qui cèleront mes commandements63 », il récompense également : « Dieu récompense ceux qui font les
œuvres bonnes, et sait tout64. » Toujours à la surate 2, Dieu est présenté comme le
rémunérateur, attribut fondamental du Dieu des théistes : « Il est très grand rému-
56. OC, t. XXXVI, p. 545-548.
57. Surate 2, verset 163, t. I, p. 399.
58. Surate 2, verset 106, t. I, p. 393.
59. Surate 2, verset 129, t. I, p. 395
60. Surate 2, verset 173, t. I, p. 401.
61. Surate 2, versets 28-29, t. I, p. 381.
62. Surate 24, verset 38, t. II, p. 229.
63. Surate 2, verset 158, t. I, p. 399.
64. Surate 2, verset 159, t. I, p. 399.
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nérateur » ; ou plus loin : « Dieu est exact à faire compte65 » ; ou encore : « Dieu est
grand rémunérateur des justes66. »
Le théiste (comme le musulman) doit donc être soumis à la puissance ainsi qu’à
la bonté d’un Être suprême unique. Le théiste, être à la fois fini et faible, ne saurait
se prévaloir d’une certitude quant à ce qui regarde Dieu, entité aussi puissante
qu’infinie. D’où une humilité nécessaire chez le théiste qui « ne sait pas comment
Dieu punit, comment il favorise, comment il pardonne ; car il n’est pas assez téméraire pour se flatter de connaître comment Dieu agit ; mais il sait que Dieu agit, et
qu’il est juste ». C’est dans les Lettres philosophiques que Voltaire avait inscrit pour
la première fois une telle déclaration : « Adorons Dieu sans vouloir percer dans
l’obscurité de ses mystères67. » Le musulman partage cette idée avec le théiste : certain, comme lui, du fait que Dieu est bon et agissant, il avoue néanmoins ignorer
tout de Dieu. Après tout, rappelle le Coran, rien n’empêche Dieu de faire ce qu’il
lui plaît, ne serait-ce que parce qu’« Il pardonne et châtie qui bon lui semble68 » ;
ou encore : « le Levant et le Ponant sont à Dieu, Il conduit au droit chemin qui
bon lui semble69. » La science de Dieu ne saurait donc parfaitement atteindre le
croyant : présent, Dieu n’en demeure pas moins inaccessible, c’est son mystère. Les
regards des hommes ne l’atteignent pas : « Il [Dieu] n’est vu de personne et voit
toute chose70. » Le Dieu du théiste, comme le Dieu des musulmans, est ainsi un
dieu impénétrable, c’est comme si Dieu était à la fois présent et absent. Il n’y a là
pourtant rien de contradictoire, la « présence-distance » du Dieu de Voltaire vient
de la nature de ses attributs : elle est la conséquence d’une perfection unique et
sans égale. Sûr de cet état de fait, le théiste ne saurait être ébranlé dans sa foi, ainsi
que l’écrit Voltaire : « Les difficultés contre la Providence ne l’ébranlent point dans
sa foi, parce qu’elles ne sont que de grandes difficultés, et non pas des preuves. »
Puisque nulle difficulté, la question du mal par exemple, ne saurait ébranler ni la
foi du théiste, ni celle du musulman, la réponse valable reste la résignation : « Disleur [Mahomet], je me suis entièrement résigné à la volonté de Dieu, avec tous
ceux qui m’ont suivi71 » ; puis au même verset : « Demande [Mahomet] à ceux qui
savent la Loi écrite, et ceux qui ne la savent pas, s’ils sont résignés en Dieu, et s’ils
s’y résignent ils suivront le droit chemin. »
Le théiste, poursuit Voltaire, est en mesure de juger qu’il y a toujours eu un dieu
en tout lieu et de tout temps parce que « jugeant des choses qu’il ne voit pas par les
choses qu’il voit, il pense que cette Providence s’étend dans tous les lieux et dans
tous les siècles ». Autre vue partagée avec le musulman qui sait que « le Levant et
le Ponant sont à Dieu, de quels côtés que les hommes se tournent, la face de Dieu
65. Surate 2, verset 202, t. I, p. 406.
66. Surate 3, verset 140, t. I, p. 446.
67. Lettres philosophiques, éd. G. Stenger, p. 247.
68. Surate 2, verset 284, t. I, p. 421.
69. Surate 2, verset 142, t. I, p. 397.
70. Surate 6, verset 103, t. II, p. 34.
71. Surate 3, verset 20, t. I, p. 424.
La part de l’islam dans l’élaboration du théisme voltairien
s’y rencontre, Sa Divinité s’étend sur toute la terre72 ». Omniprésent, Dieu est aussi
éternel ; il a toujours été. Aussi, sa parole doit-elle être immuable, comme l’assure
le Coran : « Dieu l’a ainsi ordonné à ceux qui t’ont précédé [Mahomet], tu ne trouveras point de changement dans la Loi de Dieu73. »
Le théiste, dit encore Voltaire, est « réuni dans ce principe avec le reste de l’univers ». L’homme est en effet une créature appartenant à l’empire de la création :
« Tout ce qui est au Ciel et en la Terre est à sa divine Majesté74. » C’est également
Dieu qui créa les cieux et la terre, et d’ailleurs rien n’est plus aisé pour Dieu que le
fait de créer, seul effet de sa volonté : « Il [Dieu] a créé le Ciel et la Terre, et lorsqu’il
veut quelque chose, Il dit, Sois et elle est75 » ; ou ailleurs : « Dieu fait ce que bon lui
semble, lorsqu’il crée quelque chose, Il dit, Sois, et elle est76. »
De plus, poursuit Voltaire, le théiste « n’embrasse aucune des sectes, qui toutes se contredisent » ; la religion du théiste est aussi « la plus ancienne et la plus
étendue ». Sur ce point de l’ancienneté de la croyance, le message coranique se
veut simplement le rappel de ce qui fut dit auparavant, parce que dans l’esprit des
hommes, la parole de Dieu ne saurait changer :
Il n’y a qu’un seul Dieu vivant et éternel. Il t’a envoyé [Mahomet] le livre qui
contient la vérité, et confirme les Écritures qui ont été envoyées avant lui. Il a
envoyé l’Ancien Testament et l’Évangile qui servaient auparavant de guide au
peuple, il a envoyé l’Alcoran, qui distingue le bien d’avec le mal77.
Aussi le Coran invite-t-il l’humanité entière à croire dans la parole qu’il contient,
parole qui n’est autre que celle qui lui a toujours été adressée : « Ô vous qui avez la
connaissance des Écritures, croyez en l’Alcoran qui confirme l’Ancien et le Nouveau Testament78. » Le Coran consiste dans le rappel d’un même message délivré à
Jésus, Moïse, Noé, Jacob, Job, Abraham, entre autres prophètes. Parole sacrée, le
Coran est la confirmation des livres antérieurs, et le Dieu de Mahomet n’est autre
que le Dieu des anciens, que le Dieu de toujours :
Nous avons donné à Abraham, Isaac et Jacob ses enfants, nous avons auparavant enseigné le droit chemin à Noé et à sa lignée, nous l’avons enseigné à
David, Salomon, à Job, à Joseph, à Moïse, à Aaron, à Zacharie, à saint Jean, à
Jésus Fils de Marie, à Élie, à Ismaël, à Josué, à Jonas, et à Loth79.
Cette religion simple a pour corollaire une adoration simple, parce que, selon
Voltaire, « l’adoration simple d’un Dieu a précédé tous les systèmes du monde ».
Le Coran établit également l’antériorité d’une seule et même religion : « Le monde
72. Surate 2, verset 115, t. I, p. 394.
73. Surate 33, verset 38, t. II, p. 293.
74. Surate 4, verset 131, t. I, p. 465.
75. Surate 2, verset 117, t. I, p. 394.
76. Surate 3, verset 47, t. I, p. 429.
77. Surate 3, versets 2-4, t. I, p. 422.
78. Surate 4, t. I, p. 454.
79. Surate 6, versets 84-86, t. II, p. 31.
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était tout d’une Religion avant que l’impiété eût lieu80. » Le théiste ne peut être
qu’un humaniste, poursuit Voltaire : « Il a des frères depuis Pékin jusqu’à la Cayenne, et il compte tous les sages pour ses frères ». Naturellement, pour le théiste et le
musulman, Dieu s’adresse d’une même voix à l’humanité entière ; aussi le Coran
exhorte-t-il les musulmans à proclamer leur adhésion à l’humanité tout entière :
Dites ; nous croyons en Dieu, en ce qu’il a inspiré à Abraham, Ismaël, Isaac,
Jacob, et aux Tribus, en ce qui a été enseigné à Moïse, à Jésus, et à tous les
Prophètes, nous sommes résignés en Dieu81.
L’assertion est réitérée, et les musulmans qui ne la suivraient pas sont déclarés
impies :
Ceux qui veulent faire distinction des commandements de sa divine Majesté,
et des préceptes des Prophètes, ceux qui disent qu’ils croient en quelques
Prophètes, et ne croient pas en tous, et veulent prendre un milieu entre la foi
et l’impiété, sont véritablement impies82.
De même, la religion, d’après Voltaire, doit être épurée, sans sophistication ;
aussi le théiste doit-il croire que « la religion ne consiste ni dans des opinions d’une
métaphysique inintelligible, ni dans de vains appareils ». Le Coran revendique pareillement cette purification de la religion, purification qu’il tient de Dieu même :
« Il a purifié sa Loi et quelle meilleure purification y a-t-il que celle de sa divine
Majesté83 ? » Le Coran insiste sur l’intelligibilité et la clarté de sa parole, gages de
sa compréhension : « Nous t’avons envoyé [Mahomet] des préceptes clairs et intelligibles84 » ; on apprend de surcroît que les préceptes du Coran sont « semblables
en pureté les uns aux autres, et sans contradiction85 ». De même encore, le refus
exprimé par Voltaire de « vains appareils » et des dogmes inintelligibles destinés
à égarer le fidèle, se retrouve-t-il dans le Coran : « Il n’y a point de bien en la multiplicité de leurs secrets ni de leurs discours, excepté en ceux qui commandent les
aumônes, l’honnêteté, et la paix entre les peuples86. » Aux hommes est en outre
rappelée l’inutilité des systèmes : « Ô vous qui croyez, ne demandez pas d’avoir
la connaissance de toute chose, vous vous ferez tort à vous-mêmes87. » Pour Voltaire, comme pour le Coran, la résignation, c’est-à-dire la soumission, que Du Ryer
traduit par l’expression « Loi de Salut », et l’accomplissement des bonnes œuvres
sont les prérogatives essentielles et fondamentales du croyant.
80. Surate 2, verset 213, t. I, p. 407.
81. Surate 2, verset 136, t. I, p. 396. Le verset est répété à l’identique à la surate 3, verset 84, p. 432.
82. Surate 4, versets 150-151, t. I, p. 468.
83. Surate 2, t. I, p. 396.
84. Surate 2, verset 2, t. I, p. 379.
85. Surate 3, verset 7, t. I, p. 424.
86. Surate 4, verset 114, t. I, p. 463.
87. Surate 5, verset 101, t. II, p. 17. La traduction donnée de ce verset par Denise Masson est plus
explicite : « Ô vous qui croyez ! / Ne posez pas de questions / sur des choses qui vous nuiraient, / si elles
vous étaient montrées », Le Coran, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1967, p. 145.
La part de l’islam dans l’élaboration du théisme voltairien
Enfin, la péroraison de l’article « Théiste » tient en ces paroles remarquables :
« Faire le bien, voilà son culte ; être soumis à Dieu, voilà sa doctrine. » Or la soumission, on l’a déjà indiqué, est un élément fondamental dans la religion musulmane :
« La Loi de Salut est la Loi agréable à sa divine Majesté88 » et c’est d’autant plus
vrai que sans la soumission, tout culte doit être rejeté : « Les sacrifices de ceux qui
désireront suivre une autre Loi que la Loi de Salut, ne seront pas agréés, ils seront
en l’autre monde au nombre des gens perdus89. » Enfin l’occurrence coranique la
plus proche de l’affirmation voltairienne : « Faire le bien, voilà son culte ; être soumis à Dieu, voilà sa doctrine » se situe à la page 465, au verset 125 de la surate 4 ; elle
consiste en ces paroles : « Quelle meilleure Loi y a-t-il que de se résigner en Dieu,
et être homme de bien90 ? »
On voit, au terme de ce parcours, que l’islam de Voltaire, après avoir été un islam d’étude, devint un islam de spéculations religieuses, historiques et philosophiques. Les longues années d’étude finirent par induire une véritable vision voltairienne de l’islam. Sans doute cette vision fut-elle inspirée, dans un premier temps,
par l’érudition, tant anglaise que française, et par la libre pensée, mais elle devint
par la suite autonome et, investie dans de nombreux écrits, elle connut une diffusion sans précédent. Voltaire a bénéficié en effet, par rapport à ses prédécesseurs,
d’un contexte et d’un statut différents, et d’une audience immense à l’époque : on
peut dire qu’il est, pour la pensée philosophique inspirée d’une connaissance de
l’islam présente dans les textes de Richard Simon, de Bayle, de Reland, de Samuel
Clarke, de Tournefort, de Toland ou de Collins par exemple, l’équivalent de ce que
le baron d’Holbach a été pour les idées matérialistes. En même temps qu’à l’étude
historique de la civilisation musulmane, le philosophe s’attacha sérieusement à
celle du Coran, texte fondateur, indissociable de l’esprit de cette civilisation. De
cette rencontre, celle d’un auteur, d’un siècle et d’un « nouveau monde91 », est
né, pensons-nous, un déisme nouveau, devenu « théisme ». La connaissance de
l’islam a soutenu le philosophe dans ses recherches intimes, elle l’a également assisté dans son enquête sur le fonds religieux judéo-chrétien. Ce fut pour lui une
manière de documenter et d’instruire le « grand procès92 » qu’il avait intenté à un
88. Surate 3, verset 19, t. I, p. 423. Traduction de Denise Masson : « La Religion, aux yeux de Dieu, /
est vraiment la Soumission », p. 62.
89. Surate 3, verset 85, t. I, p. 432. Traduction de Denise Masson : « Le culte de celui qui recherche
une religion / en dehors de la Soumission / n’est pas accepté. / Cet homme sera, dans la vie future, / au
nombre de ceux qui ont tout perdu », p. 73.
90. Denise Masson traduit ce verset 4, 125 : « Qui donc professe une meilleure Religion / que celui
qui se soumet à Dieu, / celui qui fait le bien », p. 114, traduction plus proche de la formulation voltairienne.
91. Expression de Voltaire (D2515, déjà citée).
92. « Personne ne convient donc chez les sociétés chrétiennes de ce que c’est que la superstition. La
secte qui semble le moins attaquée de cette maladie de l’esprit est celle qui a le moins de rites. Mais si
avec peu de cérémonies elle est fortement attachée à une croyance absurde, cette croyance absurde équivaut, elle seule, à toutes les pratiques superstitieuses observées depuis Simon le magicien jusqu’au curé
Gauffrédi. / Il est donc évident que c’est le fond de la religion d’une secte qui passe pour superstition
chez une autre secte. / Les musulmans en accusent toutes les sociétés chrétiennes, et en sont accusés.
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certain christianisme répugnant à son cœur. Il a fait siens certains éléments de la
christologie musulmane, éléments partagés, il est vrai, par certaines branches du
christianisme comme les sociniens ou les ariens, avant de chercher à les répandre.
Son unitarisme intransigeant, ou du moins son refus catégorique du dieu incarné,
nous rappelle également le monothéisme coranique exclusif.
Mais le plus vif intérêt d’une telle interprétation de la croyance voltairienne
réside, à notre sens, dans le fait qu’elle assure un pont entre deux rives de l’humanité que l’histoire avait opposées. Voltaire a su réunir deux religions que l’histoire avait marquée du sceau de l’antagonisme : à ce titre, la « religion de Voltaire »
est aussi une religion de la réconciliation, mais qui devait nécessairement passer,
dans le contexte du temps, par une confrontation, paradoxe qu’on ne comprend
pas toujours bien. Voltaire en effet n’opère pas de discrimination entre les diverses croyances, il cherche simplement à les réduire à un minimum, auquel l’islam
semble répondre. Le patriarche s’était donné pour tâche, tâche intellectuellement
fascinante, de recouvrer une religion épurée, antique, naturelle et vraie, comme
l’avaient fait avant lui Toland ou Boulainvilliers. De son enquête religieuse allait
sortir une profession de foi voltairienne en un sens équivoque, car aussi éminemment religieuse qu’irréligieuse : « Presque tout ce qui va au delà de l’adoration
d’un Être suprême, et de la soumission du cœur à ses ordres éternels, est superstition93 ». Plus qu’un autre, Voltaire aura su montrer que la croyance appartient
avant tout à l’intime. Dans l’expression de cette croyance voltairienne, le lecteur
est tenté de percevoir quelque chose de l’ordre de la création artistique.
Qui jugera ce grand procès ? Sera-ce la raison ? Mais chaque secte prétend avoir la raison de son côté.
Ce sera donc la force qui jugera, en attendant que la raison pénètre dans un assez grand nombre de têtes
pour désarmer la force » (art.« Superstition », Dictionnaire philosophique, OC, t. XXXVI, p. 541-542).
93. OC, t. XXXVI, p. 536.
Contributeurs
Jean-François Baillon, professeur de civilisation britannique, Université Michel de
Montaigne-Bordeaux III
Roger Bergeret, des Amis du vieux Saint-Claude, historien et chercheur comtois
François Bessire, professeur de littérature française, Université de Rouen
Andrew Brown, directeur, Centre international d’étude du XVIIIe siècle, Ferney-Voltaire,
secrétaire de la Société Voltaire
Jean-Daniel Candaux, chargé de recherches, Bibliothèque de Genève
Muriel Cattoor, docteur ès lettres, Université du Littoral-Côte d’Opale
Lucien Choudin, voltairien et historien de Ferney, président du Centre international d’étude du
XVIIIe siècle, Ferney-Voltaire
Daniel Droixhe, professeur de littérature wallonne, co-directeur du Groupe d’étude du dixhuitième siècle, Université de Liège
Pierre Frantz, professeur de littérature française, Université de Paris IV-Sorbonne
Gérard Gengembre, professeur de littérature française, Université de Caen
Jan Herman, professeur de littérature française, Katholieke Universiteit Leuven
Moulay-Badreddine Jaouik, doctorant, Centre d’étude et de recherche éditer-interpréter
(CÉRÉDI), Université de Rouen
Ulla Kölving, directeur de recherche, Centre international d’étude du XVIIIe siècle, FerneyVoltaire, rédacteur des Cahiers Voltaire
Mladen Kozul, professeur de français, Université du Montana
Hugues Laroche, chargé de cours à l’Université du Sud Toulon-Var
André Magnan, professeur émérite, Université de Paris X-Nanterre, président de la Société
Voltaire
Benoît Melançon, professeur de littérature française, Université de Montréal
Jean-Noël Pascal, professeur de littérature française, Université de Toulouse-Le Mirail
Paul Pelckmans, professeur de littérature française et générale à l’Université d’Anvers
290
c on tri b uteurs
Martial Poirson, maître de conférences de l’Université Stendhal-Grenoble III, chercheur de
l’UMR LIRE-CNRS
Alain Sager, professeur de philosophie, Lycée Marie Curie, Nogent-sur-Oise
Alain Sandrier, maître de conférences, Université de Paris X-Nanterre
Jürgen Siess, professeur à la retraite, Université de Caen, ADARR Research Group Tel Aviv
Charlotte Simonin, doctorante, Université de Nantes, enseignante au Collège Stendhal, Fosses
David Smith, professeur émérite, Université de Toronto
Kees van Strien, ancien professeur d’anglais au lycée Vlietland, Leyde
Alexandre Stroev, professeur de littérature comparée, Université de Paris III-Sorbonne
Nouvelle
Nadine Vanwelkenhuyzen, maître de conférences, Université de Liège
Table des matières
é t u d e s et te x te s
Kees van Strien, « Il n’est rien tel que l’à-propos... » L’accueil fait en Hollande aux
Vers à Guillaume van Haren (1743)
7
Andrew Brown et Ulla Kölving, Un manuscrit retrouvé de l’Essai sur les mœurs
27
David Smith, avec la collaboration de Andrew Brown, Daniel Droixhe
et Nadine Vanwelkenhuyzen, Robert Machuel, imprimeur-libraire à Rouen,
et ses éditions des œuvres de Voltaire
35
Moulay-Badreddine Jaouik, La part de l’islam dans l’élaboration du théisme voltairien
59
François Bessire, « Cédez aux lumières des ombres » : Charles-Louis Richard persécuteur
de Voltaire
79
Andrew Brown, Le Discours à l’Académie française de 1778 et les derniers écrits de Voltaire
89
Lucien Choudin, Ils ne voulaient pas l’enterrer... Grands émois à Ferney en juin 1778
97
Gérard Gengembre, Était-ce la faute à Voltaire ? L’anti-voltairianisme de Bonald
113
d é ba t s
Jouer Voltaire aujourd’hui ? (V)
Coordonné par Pierre Frantz. Martial Poirson, Inquiétante étrangeté : le théâtre de
Voltaire (131) ; La « Voltaire attitude » : éloge de la vitesse. Entretien avec Vincent
Colin, metteur en scène ou le retour du refoulé textuel (140) ; « Une impression
de déjà connu ». Entretien avec Maria Morales, chargée de communication (150) ;
« Irrévérencieuse mais néanmoins fidèle ». Entretien avec Isabelle Kérisit, comédienne
(153)
131
Voltaire croyant ? (III)
Coordonné par Jan Herman et André Magnan. Jan Herman, « Dieu merci » (157) ;
Mladen Kozul, Faut-il prendre un parti ? Peut-on prendre un parti ? (162) ; Paul
Pelckmans, Une âme naturellement chrétienne ? à propos de l’article « Providence »
(165)
155
e n q u ê t es
Sur la réception de Candide (IV)
Coordonnée par André Magnan, contributions de Jean-François Baillon, André
Magnan, Alain Sager, Alain Sandrier, Jürgen Siess et Charlotte Simonin
175
292
ta b l e d es ma ti ères
Sur les voltairiens et les anti-voltairiens (VI)
Coordonnée par Gérard Gengembre, contributions de Gérard Gengembre,
Hugues Laroche et Benoît Melançon
202
actualités
Éphémérides pour 2007 (Roger Bergeret, Lucien Choudin, André Magnan
et Alexandre Stroev)
219
Relectures (Jean-Noël Pascal)
238
Pot-pourri. Barney’s version (Benoît Melançon)
243
Recherches bibliographiques en cours. Une édition inconnue des œuvres de Voltaire
(Andrew Brown) ; Pour une bibliographie des éditions collectives de Voltaire
(David Smith et Andrew Brown)
245
Manuscrits en vente en 2006 (Jean-Daniel Candaux)
250
Bibliographie voltairienne 2006 (Ulla Kölving)
257
Thèses (Muriel Cattoor)
279
Comptes rendus (François Bessire et Jean-Noël Pascal)
283
Contributeurs
289
c a h i e rs volta i re
Les Cahiers Voltaire, revue annuelle de la Société Voltaire,
sont publiés par le Centre international d’étude du XVIIIe siècle
Rédacteur
Ulla Kölving
Comité de rédaction
Andrew Brown, Roland Desné, Ulla Kölving,
André Magnan, Jean-Noël Pascal, Jean-Michel Raynaud
Correspondance, manuscrits, ouvrages pour compte rendu
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Conseil d’administration
Président André Magnan
Vice-présidents Lucien Choudin, Roland Desné
Secrétaire Andrew Brown
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Rédacteur des Cahiers Voltaire Ulla Kölving
Responsable du Bulletin Françoise Tilkin
Membres François Bessire, Theodore E. D. Braun
Jean-Michel Raynaud, Alain Sager, Jacques Wagner
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Belgique Françoise Tilkin, Département de langues et de littératures romanes,
3 place Cockerill, B-4000 Liège (f.tilkin@ulg.ac.be)
Canada David W. Smith, 161 Colin Avenue, Toronto,
Ontario M5P 2C5, Canada (dwsmith@chass.utoronto.ca)
Grande-Bretagne Richard E. A. Waller, Department of French, University of Liverpool,
P. O. Box 147, Liverpool L69 3BX, G. B. (reawall@liv.ac.uk)
Grèce Anna Tabaki, Département d’études théâtrales, Centre de recherches néohelléniques,
48 avenue Vas. Constantinou, 11635 Athènes, Grèce (antabaki@eie.gr)
Italie Lorenzo Bianchi, Via Cesare da Sesto 18, I-20123 Milano (lorenzo.bianchi@unimi.it)
Suède Sigun Dafgård, Hornsgatan 72, S-11821 Stockholm (s.dafgard@glocalnet.net)
New York Jean-Pierre Bugada, 253 West 53rd Street, Apt 5H, New York,
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Nous lançons un appel à toutes les personnes, institutions et sociétés
qui s’intéressent à la littérature et aux idées du XVIIIe siècle,
donc aux Lumières et particulièrement à Voltaire et à ses écrits,
y compris dans leur portée actuelle et contemporaine.
Cet appel concerne un édifice patrimonial public
auquel le nom et l’action de Voltaire ont été à jamais attachés :
il s’agit de l’ancienne église paroissiale du village de Ferney-Voltaire,
aujourd’hui sécularisée, que Voltaire avait fait bâtir au bord de son domaine
et qu’il dota d’une dédicace universelle restée fameuse
DEO EREXIT VOLTAIRE
dans le sens évident d’un dépassement des divisions de foi
entre hommes de conscience et de liberté.
Au moment où ce bâtiment dit « chapelle de Voltaire » a besoin d’une réfection,
nous soutenons et appelons à soutenir, au-delà d’une simple intervention conservatoire,
l’option historique d’une véritable restauration de l’édifice dans son état d’origine,
afin de mieux attester sa visée première, toujours actuelle,
d’une paix fraternelle entre croyances égales et libres.
Nous pensons même qu’avec le temps, cet idéal voltairien
peut réunir ceux qui diversement croient au ciel
et ceux qui n’y croient pas.
On voit aujourd’hui encore, au fronton du monument devenu symbole,
la plaque et sa dédicace. S’il est vrai que les valeurs de tolérance et d’humanité
tiennent à l’idée même de civilisation, sans axes, ni fronts, ni guerres,
nous espérons que cet appel pourra être entendu hors de Ferney,
loin du Pays de Gex et même loin de France,
partout en Europe et partout au-delà.
Nous remercions chaleureusement les personnes, sociétés et institutions
qui voudront bien nous exprimer leur intérêt et leur soutien en nous
envoyant ce texte, daté et signé, par la poste, par fax ou par courriel :
« Nous exprimons notre soutien à la Fondation Voltaire à Ferney
pour son projet de restauration de la chapelle de Voltaire. »
Association Voltaire à Ferney
26 Grand’rue, F-01210 Ferney-Voltaire
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Voltaire, ses livres & ses lectures
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Version 1, juillet 2007, ISBN 978-2-84559-049-6
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