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2013
Marc Olivier Baruch, directeur d’etudesPerrine Simon-Nahum, directrice de recherche au CNRS Histoire et ecritures de fiction : la Deuxieme Guerre mondiale Autour de quatre approches – l’engagement, l’allegorie, l’ambivalence, le temoignage – via vingt-trois oeuvres (Marc Bloch, L’etrange defaite ; Claude Simon, La route des Flandres ; Jean Cassou, 33 sonnets rediges au secret ; Rene Char, Les feuillets d’Hypnos ; Paul Eluard, Au rendez-vous allemand ; Pierre Seghers, La Resistance et ses poet...
Bantigny Ludivineet al., « Entretien avec Christophe Charle » Autour de Discordance des temps : une brève histoire de la modernité, Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2013/1 N° 117, p. 231-246. Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays.
Vie Des Arts, 1986
La grande rétrospective Boucher, tant attendue, qui regroupe une centaine de toiies, en pius de tapisseries et de céramiques, se déroulera, jusqu'au 4 mai prochain, au Metropolitan Museum of Art, de New-York. Elle permet de faire le point sur l'un des artistes les plus industrieux et les plus versatiles de son époque.
« Longueurs du XXe siècle. Du “ roman-fleuve ” au roman contemporain » (avec Tiphaine Samoyault) in La Taille des romans, Paris, Classiques Garnier, coll. « Théorie littéraire », 2013.
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2020
L'histoire […] s'est toujours écrite du point de vue de l'avenir. C'est en fonction de l'idée […] de ce que devrait être ou serait cet avenir que s'opérait […] la récollection de ce que la collectivité avait besoin de sauver d'elle-même pour affronter ce qui l'attendait […]. Pierre Nora, Les Lieux de mémoire 1. Qu'est-ce que le XIX e siècle ? Dans les Histoires de la littérature russe, le XIX e siècle est généralement identifié comme ce moment de cristallisation des mythes nationaux et de normalisation des textes et de la langue nationale que connaissent la plupart des cultures écrites sous diverses appellations : « siècle d'or », « grand siècle », « siècle classique », « siècle de renaissance nationale », etc. Cette terminologie, dont nous usons souvent sans trop l'interroger, soulève cependant toute une série de questions dont la première concerne, justement, nos habitudes (récentes au regard de l'histoire culturelle) de périodisation en « siècles ». Comme l'ont bien montré Blaise Wilfert et Martine Jey, qui ont étudié les fonctions sociales et intellectuelles du classement en siècles dans les discours littéraires, et plus largement dans l'imaginaire national, les « grands siècles » sont des « artefacts constitutifs de la représentation historiciste du cours du temps 2 » qui prévaut généralement dans notre appréhension des phénomènes littéraires ; une appréhension qui témoigne d'une découpe arbitraire et d'une confiscation de la temporalité par l'Europe de l'Ouest, pour reprendre cette fois l'historien israélien Shlomo Sand 3. On peut dans la même perspective interroger le concept d'« époque » (la façon dont on les définit et dont on les dénomme) comme l'un des 1
2001
Routhier, Gilles (2001). «La rupture des années 1960» dans Serge Courville et Normand Séguin (dir.), La paroisse. Québec: Les Presses de l'Université Laval (coll. «Atlas historique du Québec»). [En ligne]: https://atlas.cieq.ca/la-paroisse/la-rupture-des-annees-1960.pdf Tous droits réservés. Centre interuniversitaire d'études québécoises (CIEQ) Dépôt légal (Québec et Canada), 2001. ISBN 2-7637-7818-6 Par Gilles Routhier plan de l'église saint-denis (sainte-foy) Archives paroissiales. plan de l'église saint-louisde-franCe (sainte-foy) Archives paroissiales. * * * Bibliographie complète de l'ouvrage La paroisse
Transatlantica, 2021
Est-on vraiment sérieux quand on a vingt ans ? Rédactrice et rédacteur en chef de Transatlantica en 2021, il nous incombe la lourde, mais plaisante, responsabilité de célébrer cet important anniversaire de la revue dont on nous a confié les rênes il y a quelques années. Pour l'avoir vue prendre son essor à mesure que nous-mêmes entrions dans la profession d'enseignant•e-chercheur•se en études américaines, nous répondons d'abord par un immense « oui » ! De revue « junior » et expérimentale publiée sous les auspices de l'Association Française d'Etudes Américaines, Transatlantica s'est vite imposée, aux côtés de sa grande soeur imprimée, la Revue Française d'Études Américaines, de 25 ans son aînée, comme l'un des repères majeurs du champ des études américaines en France. Et c'est donc pour nous une grande fierté de saluer le rôle qu'elle joue auprès de la communauté des chercheurs et chercheuses américanistes, en France et au-delà. Car s'il est un atout de la publication en ligne dont Transatlantica a su se saisir, c'est bien de se rire des frontières, comme des contraintes que sont le nombre de pages, de mots, de signes. Son lectorat parcourt ses pages depuis la France, les États-Unis, mais aussi l'Allemagne ou l'Inde. L'origine de ses contributions s'est également diversifiée au fil du temps, avec de plus en plus d'auteurs et d'autrices établi•es en Amérique du Nord et dans d'autres pays d'Europe, à mesure que sa fréquentation a crû de manière importante-de presque 260 000 visites depuis 140 000 ordinateurs différents en 2015 à plus de 370 000 depuis quelque 292 000 ordinateurs différents en 2020, 3 à 4 % des visites durant plus d'une demi-heure. À mesure aussi que l'anglais y a pris une part aujourd'hui prépondérante-sans être toutefois exclusive, car le comité de rédaction tient à ce que la revue reste aussi un vecteur francophone de la recherche en études américaines.
Ninja Tune est défini par ses fondateurs comme: «un énorme collectif d'auditeurs et de collectionneurs passionnés de musique qui publient ce qui leur semble bien sonner» 1 . Chez Ninja Tune, l'artiste est avant tout un collectionneur, un consommateur compulsif de musiques de toutes sortes qu'il manipule, mélange et assemble. Ainsi, même si certains d'entre eux jouent avec des instruments, l'artiste ici est un DJ par définition dans sa façon de travailler et d'approcher la musique comme un vaste domaine dans lequel il peut cueillir ce qu'il lui plaît d'exploiter.
On peut trouver un point d'aboutissement à cette conception de la production musicale par agencement d'échantillons et par hybridation dans le travail de DJ Shadow (Joshua Paul Davis), exemple de virtuosité et de précision dans cette pratique. Il est consacré comme un compositeur hors pair dès la sortie de son premier album, Endtroducing . . . . . (Mo'Wax-1996), qui présente treize titres composés exclusivement de samples, certains en contenant plus d'une dizaine. En ne faisant tourner que des boucles pour créer de la musique, sans l'ajout de boîtes à rythmes ou d'autres machines électroniques, il propose une forme d'aboutissement métaphorique de la pratique du DJ qui fait tourner des disques sur ses platines. À cette qualité de compositeur s'ajoute une recherche obsessionnelle de l'échantillon rare à exploiter. Une activité que Joshua Paul Davis nomme lui-même le digging, un terme que l'on pourrait traduire par forage ou excavation, l'art de fouiller les bacs de disques. Il est en effet connu pour passer des journées entières dans les caves des magasins de disques de San Francisco à la recherche de morceaux inconnus à partir desquels prélever des échantillons nécessaires à ses créations.
Mais, bien avant de participer à l'émergence d'un courant musical, Ninja Tune commence son activité commerciale avec les sorties consécutives des trois premiers volumes des Jazz Brakes de DJ Food. Les titres réunis sur cette série, qui comptera cinq parutions, sont faits de boucles de funk extrêmement répétitives. Ils ne sont pas faits pour l'écoute. En revanche, ils sont idéals pour les DJs qui peuvent les mixer avec d'autres morceaux ou les sampler dans de nouvelles productions. Comme le nom de ce projet l'indique, ces disques sont véritablement de la nourriture pour les DJs. Et, en fait de projet, DJ Food n'est pas une personne mais un collectif à dimension variable. Créé par les deux Coldcut, Matt Black et Jonathan More, ils seront rejoints par Patrick Carpenter puis par Strictly Kev (Kevin Foakes) qui finalement les remplaceront jusqu'au départ de Carpenter. C'est alors Strictly Kev seul qui assurera les productions de DJ Food. C'est toujours le cas aujourd'hui.
Kevin Foakes. Photo: Steve Cook C'est donc Strictly Kev, sous le nom de DJ Food, qui diffuse sur les ondes de la radio XFM, le 18 janvier 2004, une première version de Raiding the 20th Century. Il s'agit d'un mix de trente-neuf minutes qui se veut une tentative de tracer l'histoire du cut-up dans la musique, depuis les avant-gardes jusqu'à aujourd'hui. Le premier extrait sonore qu'il diffuse est «I am Sitting in a Room», une oeuvre de 1969 du compositeur de musique expérimentale américain Alvin Lucier. Il est suivi par des enchaînements rapides de morceaux de registres extrêmement diversifiés, des classiques de hip-hop à des tubes de RnB en passant par Frank Sinatra, auxquels s'ajoutent paroles et discours tels que ceux d'Howard Zinn par exemple. Bref, différents enregistrements associés qui formulent un propos sur cette pratique.
Peu de temps après, Kevin Foakes découvre le livre Words and Music du critique musical Paul Morley 2 . Ouvrage assez indescriptible, c'est une sorte d'odyssée dans l'histoire de la musique. Il commence, lui aussi, par la phrase «I am sitting in a room» en référence à la pièce d'Alvin Lucier. Elle est directement suivie par «I can't get you out of my head», refrain d'un tube de la chanteuse australienne Kylie Minogue. Tout le livre se passe d'ailleurs dans la voiture qu'elle conduit dans le clip de cette chanson. Dans ce véhicule apparaissent successivement des personnages de l'histoire de la musique tels que Brian Eno, John Cage, La Monte Young ou Kraftwerk, entre autres. Chacun à leur tour ils engagent la discussion avec la chauffeuse. Paul Morley compose ainsi des dialogues aussi improbables qu'ils proposent une véritable théorie de la musique pop. Écrit dans un style nerveux, laudatif et emphatique, Words and Music est un délire de critique musical interrompu par une chronologie de la musique, de la préhistoire à aujourd'hui, et des extraits des propres textes de Paul Morley qui tente ainsi de prouver à Kylie Minogue qu'il est un grand auteur pour qu'elle l'autorise à écrire sa biographie, avec une fin qui se perd dans des notes de bas de page. Dans son propos comme dans sa forme, Paul Morley postule un brassage des registres et des périodes musicales, se faisant ainsi le prescripteur de ce que l'on nomme le bootleg 3 .
Ce terme qui peut être traduit par contrebande est utilisé dans un premier temps pour qualifier les enregistrements sur cassette de performances de musiciens qui circulent sans le consentement de ceux-ci, des enregistrements non officiels. Mais, à partir du début des années 2000, c'est surtout la notion de version qui sera attachée à ce terme car il qualifie une pratique consistant à superposer des morceaux pour en faire des versions hybrides mais largement reconnaissables, comme par exemple «A Stroke of Genius» (diffusé sans label-2001) de The Freelance Hellraiser, fait de la partie instrumentale de «Hard to Explain» du groupe de rock The Strokes à laquelle est superposé le chant de Christina Aguilera sur «Genie in a Bottle». Cette revendication de la musique comme production par le mélange ne pouvait pas déplaire à Strictly Kev qui avait mis les mêmes objectifs dans son projet Raiding the 20th Century. Il contacte alors Paul Morley pour qu'il lise certains extraits de son livre et les intègre à une deuxième version de Raiding the 20th Century. D'une durée d'une heure et contenant cent soixante-sept titres, dont un bon nombre sont eux-mêmes composés de nombreux extraits, cette version est accessible et diffusée uniquement sur internet 4 .
Ainsi, après avoir nourri la pratique des DJs pendant des années, DJ Food propose avec ce nouveau projet un autre type de nourriture: historique et théorique. En cela, il n'est pas le premier. Le DJ a, depuis les années 1990, été l'objet de préparations intellectuelles plus ou moins heureuses allant d'une mauvaise digestion des Mille Plateaux de Gilles Deleuze et Félix Guattari à une forme mal cuisinée d'illustration de la pratique curatoriale. Mais Raiding the 20th Century n'est pas un texte. C'est un assemblage d'échantillons sonores qui compose un discours à propos de cette façon d'envisager la création musicale. Les cinq minutes et dix premières secondes sont d'ailleurs une introduction exemplaire dès lors qu'on ne les écoute pas uniquement comme une suite rapide de morceaux et d'enregistrements divers extrêmement bien enchaînés, mais qu'on les entend aussi comme une suite de références. Les premières notes [0:00] sont celles du thème de la société de production de films 20th Century Fox, l'une des plus importantes de l'histoire du cinéma 5 . Cet air a introduit tous les films produits par l'entreprise depuis sa création en 1935 jusqu'à aujourd'hui, il est d'autant plus connu qu'il fut repris par George Lucas pour son film Star Wars. Il marque pourtant les oeuvres qu'il introduit du sceau de l'interdiction de leur réutilisation, les sociétés de ce type étant particulièrement protectrices en ce qui concerne les droits des oeuvres qu'elles exploitent. Le titre Raiding the 20th Century prend alors tout son sens. Raiding (dévaliser) c'est ce que font les DJs quand ils ride (chevauchent) les pistes sonores ou qu'ils explorent les bacs à disques. La question des droits d'auteur est donc déjà ouverte lorsque se fait entendre «Downloading» (extrait de l'album No Business: Seeland-2005) de Negativland [0:10], un collectif de musiciens activistes qui, depuis 1980, détourne des productions appartenant à d'importantes entreprises du divertissement pour leur faire dire autre chose que leurs intentions originales. Les membres de Negativland ont, pour cela, été deux fois assignés en justice pour enfreinte au copyright. «Downloading» est composé d'une succession de discours aux provenances diverses, allant de déclarations politiques à des slogans commerciaux en passant par des chansons diverses. Cet assemblage compose plusieurs réponses à la question posée par la voix d'une femme demandant «Can you do that?» [0:11] juste après qu'une autre ait dit «Downloading» [0:10]. Les réponses sont d'autant plus explicites en tant que paroles et en tant que matériaux qu'elles formulent un propos sur le libre accès aux enregistrements en étant identifiable comme prélèvement d'un contexte particulier. Citons par exemple «It's easy, it's exciting and it's free» [1:04], clair dans ce qu'il signifie ici et que l'on imagine provenant d'une publicité plus que du débat dont doit probablement provenir un autre extrait diffusé quelques secondes plus tôt, au cours duquel un homme explique que le virus du XX e siècle est le piratage sur internet [0:25]. Puis, au moment où un hard-rocker crie «Take me!» [1:17], comme si la musique invitait elle-même à sa propre prise en main par son auditeur, commence véritablement la mise en application de cet appel à vandaliser le droit d'auteur avec «Franzie Boys» de McSleazy (Half Inch Recordings-2004) Celui-ci était paru l'année précédente et, en parallèle à sa distribution, des versions a cappella avaient été mises sur le marché pour favoriser les remixes. L'exercice de Danger Mouse consistant à mélanger le noir et le blanc pour faire du gris est surtout signifiant si l'on considère que chacune de ces couleurs renvoie à des courants musicaux a priori inconciliables. Il lui a en tout cas valu une reconnaissance paradoxale. Produit sans avoir obtenu les droits des Beatles, Danger Mouse n'en pressa qu'un nombre limité, 3000 exemplaires destinés à être diffusés à des DJs mais pas au grand public. Mais, internet en fit un hit circulant autour du monde à la vitesse d'un téléchargement. À tel point qu'il se vit gratifié d'une chronique élogieuse dans The New Yorker du 9 février 2004, qu'il fut nommé meilleur album de l'année par Entertainment Weekly et dixième par The Village Voice. Par ailleurs, Danger Mouse fut attaqué en justice par EMI qui détient les droits des Beatles.
Ainsi, en quatre minutes et quelques secondes remplies de morceaux bien choisis, Raiding the 20th Century pose son contexte et son sujet, celui du débat qui a commencé à secouer l'industrie musicale au moment où elle découvre l'existence de la musique hip-hop faite d'enregistrements préexistants. En effet, tant que les DJs et les rappeurs faisaient une musique qui n'intéressait que quelques fans, la question du droit d'exploitation des samples ne semblait poser de problème à personne. Ce n'est qu'au début des années 1990 que s'ouvre une série de procès qui annonce que la pratique du sample non autorisée était arrivée à son terme et que désormais les majors détentrices des droits feraient le nécessaire pour faire fructifier leurs biens. Des artistes comme De La Soul qui, sur l'interlude «Transmitting Live from Mars» de l'album 3 Feet High and Rising (Tommy Boy-1989), utilisent un extrait d'un titre du groupe The Turtles, ou Biz Markie qui pour «Alone Again», paru sur l'album I Need a Haircut (Cold Chillin'-1991), sample «Alone Again (Naturally)» de Gilbert O'Sullivan, se retrouvent empêtrés dans des procès dévastateurs dont la conséquence la plus tangible pour la production musicale sera de donner naissance à une activité que l'on nomme le sample clearance 6 . Les labels de hip-hop se trouvent obligés d'engager des personnes capables de retrouver et de démarcher les compagnies ou personnes détentrices des droits pour les leur acheter ou, le cas échéant, d'indiquer quels sont les musiciens qu'il ne faut pas sampler.
La question que pose DJ Food est ainsi celle du statut de la musique faite d'enregistrements préexistants. Mais elle se trouve adjointe d'un autre niveau d'interrogation dans la fin de ce que nous identifions ici comme l'introduction de Raiding the 20th Century, un questionnement qui va au-delà du seul droit à créer sans contrainte à partir d'un matériau préexistant pour ouvrir une réflexion sur la pratique du DJ et la façon dont son histoire peut être construite. Elle est exprimée par la diffusion d'un court extrait de «I am Sitting in a Room» d'Alvin Lucier [4:35] et d'une interview de John Lennon [4:48]. Pour réaliser «I am Sitting in a Room», Alvin Lucier s'est enregistré décrivant oralement la pièce dans laquelle il se trouve. Enregistrement qu'il rediffuse dans la pièce en question pour réenregistrer cette diffusion. Répétant plusieurs fois ce protocole, ses paroles deviennent inintelligibles, déformées par l'écho sonore que produisent les caractéristiques acoustiques de la pièce. À son sujet, Paul Morley dans Words and Music, explique que chaque chambre produirait un type de filtre différent et qu'ainsi la musique ne peut jamais être deux fois la même selon l'endroit où elle est jouée. De fait, toute rediffusion implique un renouvellement que produit le contexte de diffusion, la chambre. John Lennon,lui,dit [4:45]: «If people need The Beatles so much, all they have to do is to buy each album and make a track out of it instead of having the White Album or Abbey Road. We make an album by having to fit it into some kind of format. Put it on tape track by track, you know, and it's far better music. And that's why it causes trouble because otherwise the music is the same only on separate albums.» 7
Que cela pose des problèmes, de droit et d'argent, nous l'avons vu. Mais pourquoi cela en fait une bien meilleure musique, question bien plus cruciale, reste celle à laquelle DJ Food va s'employer à répondre dans les cinquante-cinq minutes qui suivent. Pour cela il construit au fil de son mix une sorte d'histoire de la musique créée par agencement d'enregistrements. La décrire ici par le menu serait fastidieux autant qu'inutile étant donné son accessibilité. Nous nous contenterons donc de souligner quelques éléments extraits de cette avalanche de rythmes et de mélodies qui composent un discours fragmenté.
L'histoire que construit DJ Food n'est pas celle d'un courant musical mais celle d'une technique, le montage. Les premières manifestations dont il fait mention ont lieu dans les années 1940 alors qu'apparaissent les enregistrements sur bandes dont vont s'emparer les artistes affiliés à la musique concrète [19:00]. Il est néanmoins précisé qu'il s'agit tout simplement d'une extension de ce que Brion Gysin appelait le cut-up lorsqu'il découpait des phrases dans des journaux pour les ré-agencer [19:55]. En explorant cette technique, Brion Gysin se rendit compte que certains cut-up semblaient se référer, non pas au passé de leur impression mais à des événements futurs. Puis c'est «It's Gonna Rain» de Steve Reich qui est diffusé et commenté [22:00]. Pour faire ce morceau le compositeur utilise lui aussi des bandes. Celles d'enregistrements du prêche d'un certain Brother Walter qu'il fait passer en boucles. Certaines d'entres elles, identiques, sont superposées. En diffusant en même temps le même échantillon sur deux pistes différentes, le son gagne une sorte de profondeur spatiale qui d'une certaine manière rappelle l'effet de «I am Sitting in a Room», mais qui annonce surtout une technique indispensable aux DJs pour qui la diffusion simultanée sur deux pistes d'un même morceau sera le franchissement d'une étape cruciale pour la naissance de la musique samplée. Mais avant cela, DJ Food continue son exploration de l'expérimentation sonore en nous proposant une petite histoire du Radiophonic Workshop [24:55] installé en 1958 dans les studios de la BBC pour la création expérimentale de sons électroniques. On croise ensuite, entre autres, des jingles publicitaires et des génériques de télévision [25:15] proches de ces expérimentations et dont il faut comprendre que l'une a produit l'autre. Dans l'entrelacement de ces sons émerge la voix qui répète «Number 9» [25:30] sur le titre éponyme des Beatles. Rare morceau explicitement expérimental du groupe de pop, les explications qui l'accompagnent réitèrent cette fascination pour le caractère manipulable que présente la bande magnétique et précisent que la voix en question provient de la BBC [25:55].
La succession de ces diverses expérimentations avec des sources enregistrées permet à DJ Food de placer l'apparition du hip-hop dans un contexte historique qui n'est pas uniquement celui du Bronx de la fin des années 1970. Parce qu'on parle ici de technique, la naissance du hip-hop est déplacée de l'endroit où les historiens l'avaient rangée. Ainsi c'est presque sans surprise que l'explication à propos de la composition de «Revolution 9», par succession de bandes enchaînées les unes aux autres, est comparée à la pratique des DJs [27:05], ce morceau ayant été mixé pour ainsi dire en direct, en mêlant des sons provenants de la radio à d'autres sources. Puis, lorsque finalement un DJ s'exprime, en l'occurrence Grandwizard Theodore [28:25], c'est pour décrire comment il a inventé le scratch. Dans ses explications résonnent les expérimentations qui l'ont précédée. Son invention eut lieu dans sa chambre où il s'entraînait avec ses disques. Lorsque sa mère lui demande de baisser le volume, il le fait tout en continuant à manipuler son disque d'avant en arrière. Il réalise alors qu'en synchronisant ces deux mouvements, celui de faire revenir le disque et celui de couper le son, il peut produire des sonorités inédites.
C'est ensuite Grandmaster Flash qui s'exprime [29:13] pour expliquer son invention qui permet de répéter indéfiniment une partie musicale. Dans la pop music de façon générale, la composition habituelle d'un morceau inclut ce que l'on nomme un pont. C'est un moment de transition qui permet de passer d'une phase à une autre en faisant une digression musicale. Dans le funk, cette partie est souvent la plus rythmique et, de fait, la plus dansante. En utilisant deux copies du même disque, Grandmaster Flash peut, à la fin de cette partie, couper le son pour l'enchaîner à son début, joué sur l'autre platine. Il peut étendre les ponts aussi longtemps qu'il le veut et maintenir la transe des danseurs. Cette technique, sorte de sampling fait main, ouvre la possibilité aux DJs de considérer leurs disques non dans leur entièreté mais pour les seules parties qui les intéressent. Cette façon de voir la musique sera portée à son plus haut niveau par la série des «Lessons» de Double Dee et Steinski. Véritable pierre de touche de l'art du DJ, ces leçons seront essentielles pour des artistes comme DJ Shadow et Coldcut qui leur rendront hommage 8 . Leur importance tient dans le fait qu'elles poussent à son paroxysme l'art de l'enchaînement. Aucune des «Lessons» ne dure plus de six minutes mais toutes font se succéder un grand nombre de morceaux préexistants dont la partie diffusée est minutieusement choisie et mixée. Ainsi, c'est la transition qui devient le coeur du morceau, ou pour utiliser un terme probablement plus approprié, de la composition.
L'extrait d'entretien radiophonique avec Steinsky [33:25] diffusé par DJ Food finit d'ailleurs de régler la question du droit d'auteur posée au début de Raiding the 20th Century. Il y explique qu'il a rencontré des gens de chez CBS qui évidemment lui ont ri au nez en lui disant qu'il n'aurait jamais la permission d'éditer son travail. Mais, contre toute attente, il précise qu'il les comprend. Si lui-même possédait de tels droits, il ferait de même. Son interlocuteur lui demande alors comment il justifie une telle position. Il ne la justifie pas. Il dit simplement qu'il est là pour faire ces disques et qu'il va les faire. Le reste n'a pas d'importance. Cette réponse a le mérite de mettre en avant une définition de la pratique du DJ qui s'appuie sur le fait qu'elle est tout simplement possible. S'il fait ce qu'il fait c'est parce que la technique le lui permet. Ici, à la définition donnée par les membres de Ninja Tune du DJ comme collectionneur s'ajoute celle du DJ comme technicien. Évidemment, cela ne remet aucunement en cause la part créative d'un tel travail, mais il s'agit fondamentalement d'une évolution liée aux possibilités technologiques. Il suffit pour s'en convaincre de refaire défiler l'histoire que nous venons de dérouler, des bandes magnétiques aux platines reliées par une table de mixage, jusqu'aux perfectionnements des samplers. Par ailleurs cette définition du DJ en tant que technicien correspond également à sa façon de jouer. Paul Morley en fait un des fils rouges de son livre qui part de la pièce dans laquelle Alvin Lucier est assis pour aller dans la chambre des adolescents qui pratiquent le bootleg. La pièce dans laquelle la voix d'Alvin Lucier se transforme à chaque diffusion est la même que la chambre dans laquelle s'entraîne Grandwizard Theodore, ou la cuisine de Grandmaster Flash, une pièce qui devient plus tard un home-studio grâce à la démocratisation des outils de production. «It's from ‹the home›, which is nowhere in sight, unless it's your own, that the art of the bootleg mix appears.» 9 [12:40] Et, même sur scène, c'est comme si le DJ avait apporté sa chambre avec lui, bloqué derrière ses platines et éventuellement ses machines, il est rare d'en voir «tenir» une scène. Si ce n'est pour des prouesses, justement, techniques, leurs performances scéniques n'ont rien de véritablement divertissantes. Personne n'espère être époustouflé par le spectacle d'un technicien au travail. C'est bien plus ce qu'il produit qui doit être considéré. Car en effet, avant même d'être tel ou tel morceau de musique, ce qu'il manipule est un matériau, de la bande magnétique, des disques ou des ondes sur les écrans des samplers. Approchée de cette façon purement technique, toute musique peut être considérée de façon identique, simplement comme des enregistrements. Une fois gravées sur un support quel qu'il soit, les différences sont strictement celles de qualités techniques, de définition et de fréquence sonore. Paul Morley l'affirme ainsi dans Words and Music: «À partir du moment où l'électronique a été impliquée dans l'enregistrement et le stockage puis dans le fait même de faire de la musique, dans le son de la musique, contrairement à la structure de sa composition, c'est devenu la chose la plus importante.» 10 On peut ainsi comprendre les dialogues qu'il imagine dans son livre non pas uniquement comme les frasques d'un critique musical cultivé mais comme des allégories de ce que produit la musique samplée. En effet, dès lors qu'on les considère comme du son enregistré sur un support, il n'y a aucune véritable différence entre l'oeuvre d'un compositeur de musique expérimentale et le tube d'une chanteuse australienne. Par contre, ce qui change à chaque fois c'est ce que fait subir à ces enregistrements la chambre dans laquelle ils sont diffusés. L'original et la version «officielle» n'existent pas puisque toujours ils sont modifiés par leur diffusion. Il faut ainsi entendre l'histoire que raconte DJ Food dans son propos comme dans sa forme. Faite de fragments agencés, elle postule que ceux-ci peuvent inlassablement être remontés. On comprend aussi que cette histoire de la musique ne puisse pas être celle de tel ou tel courant mais celle d'une technique qui rassemble la production de jingles, la musique expérimentale, la pop anglaise et le hip-hop de New York. C'est en fait cette capacité d'assemblage qui rend la musique meilleure à chaque passage. Car ce que lui garanti la technique c'est d'être toujours mise à jour, toujours améliorée par son métissage. The Strokes as a comedy group, and I very much like The Strokes when their music is mixed, in a bootleg sens, with the music of pole-dancing pop fiasco Christina Aguilera: ‹A Stroke of Genius›-a blasting together of one Strokes thing, ‹Hard to Explain›, and one Aguilera song, ‹Genie in a Bottle›-conjures up the reality-bending shock of the new The Strokes lack.» 12 C'est donc cela que la technique apporte, «le choc du nouveau» car son refus de voir la musique autrement que comme des signaux lui permet de l'améliorer dans chaque chambre et lors de chaque diffusion. C'est probablement ce choc du nouveau que Brion Gysin voyait dans ses montages. C'est en tout cas sur ces considérations que s'achève cette descente dans le siècle de l'enregistrement, avec une séquence composée d'enchaînements de tubes améliorés évidemment introduite par une succession de voix [47:25] parlant de séquences temporelles qui finissent là où elles devraient commencer, de voyages dans le futur, de machines à remonter dans le temps et de trous spatio-temporels. Mais cette séquence d'une efficacité redoutable, parce que faite exclusivement de tubes superposés, est interrompue par une sorte de sursaut de conscience de la part du DJ qui s'exprime par la voix d'Eminem répétant en boucle «I've created a monster» à différentes vitesses sur un étrange déluge de beats puis un piano de saloon [54:45].
Extrait sonore vu sur l'écran d'un sampler Évidemment, le bootleg est une forme d'aboutissement de tout ce que le rapiècement de la pratique du DJ avait mis en place. C'est une aberration en terme de droit d'auteur qui se pratique presque toujours dans l'illégalité et l'anonymat, depuis une chambre-home-studio ou, plus logiquement, en live sur scène ou sur les ondes de radio 13 . Faisant fi de toute différence de registres et ayant réussi l'hybridation de tout ce que chaque pratique musicale a produit de meilleur, le bootleg casse toutes les barrières construites par les classements stylistiques et historiques. Mais cela se fait au prix d'une recherche unique d'efficacité. Le bootleg apparaît alors comme une sorte de Frankenstein du sample qui ne se soucie plus de la recherche, du digging, ni de l'art de l'enchaînement et de l'agencement, les titres sont là pour eux-mêmes, des réanimations de tubes monstrueusement efficaces. Le technicien a tué le collectionneur et ne préconise pas la transformation par le mix mais produit des mutants prêts à envahir les dance-floors. Le bootleg se présente finalement comme un étrange retournement de l'art du sample et du DJ qui, après avoir été poussé à son paroxysme vers une pratique subtile du montage et de l'agencement portés par une recherche méticuleuse, devient l'outil d'un présent permanent au service de la seule amélioration. En cela Raiding the 20th Century est un objet paradoxal, un manifeste testamentaire qui écrit une histoire et une théorie de la pratique d'une génération de DJs et le fait si bien qu'il engendre le monstre qui viendra lui donner la mort. «Si les gens veulent tellement les Beatles, ils n'ont qu'à acheter chaque album pour en faire une piste, à la place d'avoir le White Album ou Abbey Road. Quand nous faisons un album, nous devons rentrer dans un type de format. Mettez-le sur une cassette, morceau après morceau, vous verrez, ça fait une bien meilleure musique et c'est pour ça que ça pose des problèmes. Parce qu'autrement la musique est la même sur chaque album séparément.»
Chacun en effet proposera la même démarche consistant à solliciter Steinski pour compiler les trois premières «Lessons» et à inviter d'autres artistes à ajouter de nouveaux morceaux construits sur le même principe. Coldcut le fera avec No Rights Given or Implied: The Original Samplers (Bond St.-1993), DJ Shadow et Cut Chemist le feront avec The Ultimate Lessons (Starchild Recordings-2002) qui sera suivi de deux autres volumes. Chacune de ces compilations, pour des raisons de droits, est plus ou moins illégale.
«C'est depuis ‹la maison›, loin des regards, à moins que ce ne soit la vôtre, qu'est apparu l'art du bootleg.» 09.
«Once electronics were involved in the recording and storage and then the actual making of music, the sound of music, as opposed to its compositional structure, became the most important thing.»: Paul Morley, op. cit., p. 65.
«Actually, with The Strokes, it's like a comedian post-Milligan/Cook/Monty Python/Reeves and Mortimer coming along with an act exactly like Charlie Chaplin. You'd laugh if you were 11. young enough not to remember the original, but at a certain age you would think, ‹Those trousers look really stupid.›»: ibid., p. 49. «J'aime bien The Strokes comme groupe de comiques et j'aime beaucoup The Strokes quand leur musique est mixée dans un bootleg avec le fiasco pop de musique de pole dance de Christina Aguilera: ‹A Stroke of Genius›-l'explosion simultanée d'une chose de The Strokes, ‹Hard to Explain›, avec une chanson d'Aguilera, ‹Genie in a Bottle›-fait apparaître le choc du nouveau qui déforme le réel et qui manque à The Strokes.»
Les artistes qui portèrent la reconnaissance publique du bootleg sont 2 Many DJ's avec leur album mixé As Heard on Radio Soulwax Pt. 2 (PIAS-2003). Il s'agit de la continuation de leur travail de DJs sur différentes radios. Ils réussirent à obtenir tous les droits des morceaux utilisés. Ironie du sort, c'est face à un photographe, l'auteur de l'image utilisée pour la couverture, qu'ils se retrouvèrent au tribunal. Il existe par ailleurs onze autres volumes de As Heard on Radio Soulwax qui sont tous non officiels.
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The Anthropocene Review, 2019
Frontiers in Heat and Mass Transfer, 2023
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Tourism Management, 2013
American Behavioral Scientist, 2019
MultiScience - XXXIII. microCAD International Multidisciplinary Scientific Conference, 2019
Journal of Open Innovation: Technology, Market, and Complexity
Revue européenne des sciences sociales, 2002
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L' abbazia di Matilde. Arte e storia in un grande monastero dell'Europa benedettina. San Benedetto Po (1007-2007), 2008
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IJESA, Vol (3), No (12),December 2024, 2024
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