Le projet : lieu et objet d’interdisciplinarité
Marie-Claude Plourde33
Université du Québec à Montréal
Résumé
Les enjeux contemporains liés aux changements climatiques incitent de plus en plus à envisager
une architecture en tant que construction écologique; le secteur de la construction constitue un
des principaux producteurs de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère, et ce, mondialement.
Cet article propose une réflexion sur les processus communicationnels favorisant une approche
interdisciplinaire de l’architecture, la prémisse étant que cette dernière participe favorablement à
la mise en place de pratiques durables et écologiques dans le domaine de la construction. Nous
suggérons que le « projet » d’architecture, vu comme un lieu et un objet de communication, offre
un cadre favorable à la collaboration entre des spécialistes provenant de diverses disciplines. Pour
mettre à l’épreuve ces propositions conceptuelles, nous nous basons sur l’étude de cas d’un
concours étudiant sur la construction en bois, concours adressé à des diplômés d’architecture et
d’ingénierie. Les résultats de la recherche montrent la pertinence de nos suppositions et révèlent
le rôle de l’action dans l’effacement des frontières disciplinaires.
Mots clés : projet, espace vécu, interdisciplinarité, architecture, organizing.
Abstract
The purpose of this research is to understand and deepen the reflexion about the role of
communication in interdisciplinary collaboration processes which aim to achieve sustainable
architectural projects. Contemporary issues related to climate change bring professionals to now
consider an architectural construction as a green building, the construction sector being an
important producer of greenhouse gases in the atmosphere, and this worldwide. This research
endorses an interdisciplinary approach to architecture, based on collaborative practices,
promoting the development of sustainable and green practices in the construction sector. From
this premise, we consider the architectural “project” as a place and an object of communication
enabling collaboration between specialists from various disciplines. To test this conceptual
proposition, we based our arguments on the case study of a student competition, a competition on
wood construction addressed to architecture and engineering graduates. The research results
reflect the relevance of our assumptions and especially the role of action in the dissolution of
disciplinary boundaries.
Keywords: project, lived space, interdisciplinarity, architecture, organizing
33
Je tiens à remercier très spécialement ma directrice de recherche, Consuelo Vásquez, professeure au Département
de communication sociale et publique de l’UQAM, qui fut d’un support inconditionnel. L’achèvement de mon
mémoire est redevable à ses encouragements, à sa disponibilité, à son écoute, à sa patience, à son précieux savoir et à
son jugement. Merci infiniment pour ta présence qui n’a jamais failli au cours des deux dernières années, vivement la
continuation de cette collaboration. De même, un énorme merci aux évaluateurs et aux correcteurs de la revue
Communication, lettres et sciences du langage. Ils ont grandement contribué à fluidifier ce condensé de mon
mémoire et à en perfectionner la présentation.
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1. Introduction
Un rapport réalisé par le United Nations Environment Programme (UNEP) et adressé aux
décideurs révèle que les bâtiments sont responsables de plus de 40 % de la consommation
d’énergie mondiale et produisent plus du tiers des émissions de gaz à effet de serre (GES)
(United Nations Environment Programme, 2009). Dans cette perspective, nous avons la
conviction qu’une architecture34 durable, c’est-à-dire une construction qui répond à des critères
de développement durable et qui s’imbrique dans une dimension urbanistique, économique,
environnementale et sociale, exige la mise en commun de plusieurs savoirs pour sa réalisation
(Genest, 2008). C’est pourquoi ce type de construction aux multiples dimensions demande une
approche interdisciplinaire qui prend racine dès les premières esquisses conceptuelles d’un projet
(Commission mondiale de l’environnement et du développement, 1987).
Or, l’expérience nous montre que cette collaboration est actuellement dysfonctionnelle, ce qui
empêche l’architecture durable d’atteindre son plein potentiel. Plusieurs facteurs contextuels
permettent d’expliquer cette situation : la faible reconnaissance de l’apport architectural par les
Québécois en général (Col·legi d’Arquitectes de Catalunya Internacional, 2005; Dufaux, 2011);
l’état actuel de la législation dans le domaine, qui freine l’avancement des pratiques
collaboratives et intégrées (Lucuik, 2005; Chadoin et Evette, 2010; Hamel, 2008), et la
dominance d’une vision instrumentale des communications en gestion de projets (Yates, Hudon
et Poirier, 2013) d’architecture. Parallèlement à cela, la littérature sur le travail collaboratif dans
le milieu de la santé35 dit qu’à ce jour, il n’y a pas de méthode prouvée pour mettre en place des
groupes interdisciplinaires efficaces (Corbin et Strauss, 1993; D’Amours, 1997; Fourez, 1993).
L’objectif de cet article, eu égard à nos constatations, est de présenter certains résultats de
recherche de type ethnographique, menée dans le cadre de notre maîtrise, visant à interroger le
rôle du projet architectural comme objet-frontière (Star et Griesemer, 1989). En nous basant sur
une dimension clé du travail entrepris, nous proposons ici de nous attarder sur le projet comme
lieu et objet favorisant la collaboration interdisciplinaire. Plus spécifiquement, nous souhaitons
répondre à la question suivante : comment favoriser la collaboration interdisciplinaire en
architecture à l’aide de la notion de projet?
2. Les Défis du bois, un concours
Pour aborder cette question, nous avons réalisé une ethnographie organisationnelle (Ybema,
Yanow, Wels et Kamsteeg, 2009) lors d’un événement universitaire, les Défis du bois,
édition 2014. Ce concours, présenté annuellement par l’École nationale supérieure des
34
Tout au long de cet article, l’emploi du terme architecture prendra l’un des deux sens suivants : (1) une
architecture comme un « bâtiment », quelque chose de construit; (2) pour qualifier la discipline qui se définit comme
l’art de construire.
35
Les recherches sur la collaboration interprofessionnelle dans le domaine de la santé se sont vues progresser
considérablement durant la dernière décennie. Aujourd’hui, nous parlons même d’une approche patient-partenaire,
laquelle se veut le tournant d’un changement de paradigme dans le secteur des soins aux patients dans nos hôpitaux
(Direction collaboration et partenariat patient, s.d.). En comparaison, le développement des recherches sur les
processus d’élaboration de projet d’architecture, selon une approche interdisciplinaire, tarde. En fait, les recherches
sur le design et ses processus de conception se multiplient, mais de manière totalement fragmentée (Buchanan,
2001).
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technologies et industries du bois (ENSTIB)36, vise à promouvoir les qualités écologiques du bois
et la nécessité d’un travail concerté entre les disciplines de l’architecture et de l’ingénierie pour
réaliser des constructions écologiques. Tous les ans, cette compétition permet à des étudiants du
monde entier, issus de formation de l’architecture et de l’ingénierie, d’expérimenter les obstacles
et les bénéfices du travail collaboratif, et de découvrir la construction par l’utilisation de la
matière bois.
Concrètement, un total de cinquante étudiants de l’ENSTIB et de l’international, rassemblés en
10 équipes bidisciplinaires et multiculturelles, ont participé au concours et vécu sur le site
pendant une semaine complète. Ce site se trouvait dans un parc public à Épinal. En son sein
reposait une grande tente pouvant accueillir une centaine de personnes et auprès de laquelle ont
été construites les installations architecturales des étudiants. Cette tente était dédiée au travail
ainsi qu’à d’autres activités socialisantes. Les équipes, formées au hasard et sur place le premier
jour, ont entamé la semaine des Défis du bois par une phase d’idéation autour de la thématique
proposée par les organisateurs. Au jour trois, chacune d’elles a entrepris la construction — à
échelle réelle — de leur concept retenu de la phrase d’idéation. En tant que chercheuseparticipante, nous étions intégrée à l’une des équipes tout en observant une deuxième équipe à
distance. Au terme de cette observation participante, nous avons procédé à des entretiens semidirigés auprès de neuf participants37.
Tout au long de ce rassemblement, les organisateurs ont proposé le « faire ensemble » comme
cadre d’action aux participants. Il s’agit d’un modus operandi pour assurer la cohérence et la
progression de ce concours, et pour outrepasser les diverses allégeances disciplinaires des
participants. Ces mots se retrouvent un peu partout : dans les brochures de présentation38 des
Défis du bois, sur le site Web (http://www.defisbois.fr/), dans les discours des organisateurs et
même dans les conversations des participants :
C’est marrant, les Défis du bois en fait c’est de valoriser le fait qu’on travaille
ensemble, ingénieurs et architectes, et ça marche parce qu’au final on oublie
qu’on est ingénieur ou architecte. On discute tous, on pond des idées et c’est
comme si c’était un gros travail ensemble et puis après on oublie complètement
le reste quoi. Donc ça c’était déjà pas mal, ça efface les frontières. (Monique39,
architecte et participante aux Défis du bois)
C’est pourquoi, dans cet article, nous réutiliserons ponctuellement l’expression « faire
ensemble » comme synonyme d’interdisciplinarité.
36
L’ENSTIB est une école publique d’ingénieurs née en 1985 et associée à l’Université de Lorraine, en France.
Depuis près de 35 ans maintenant, l’ENSTIB opère dans cet environnement propice au développement novateur de
cette ressource écologique, ce qui lui a permis d’acquérir une notoriété en France et à l’étranger. L’École vise,
évidemment, à former des professionnels de la construction valorisant le recours au bois, mais aussi au
développement des énergies renouvelables lui étant associées.
37
Des neuf interviewés, trois étaient des participants d’éditions précédentes, sur place en tant que bénévole ou pour
une deuxième participation, soit Christian, Louis et Monique.
38
Chaque année, le comité organisateur produit une brochure rétrospective du concours. Selon l’année, celle-ci
comprend un mot de la marraine ou du parrain, la présentation du sujet, le discours environnemental que soustendent les Défis du bois et la présentation de tous les projets réalisés.
39
Les citations tirées des entrevues sont référencées par le nom fictif des participants interviewés, mais il
s’accompagne de leur véritable attache disciplinaire.
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Ainsi, dans ce qui suit, nous proposons la notion de projet, suivant la proposition de Boutinet
(2005), comme un cadre permettant l’accomplissement de ce « faire ensemble » pour construire
durablement. Pour en faire la démonstration, nous débuterons par l’introduction de la notion
d’organizing et de projet pour ensuite, à l’aide des données du terrain, explorer comment le projet
peut revêtir la forme d’un lieu et d’un objet de communication. Nous terminerons par
d’éventuelles pistes de recherches de cette première étude exploratoire sur le projet comme un
objet et lieu de communication.
3. Le projet « organisant » : un échafaudage conceptuel
3.1 La communication « organisante »
Weick, un théoricien des organisations, présente l’organisation comme étant bien plus qu’une
volonté institutionnelle (entreprise, famille, équipe de sport, etc.). Pour lui, une organisation est la
réunion d’acteurs participant à un processus d’organizing qui repose essentiellement sur la
communication (Weick, 1995). Le phénomène organisationnel de Weick résulte d’un processus
interactionnel (conversation, négociation, consensus, narration, etc.) par lequel les membres d’un
groupe coordonnent leurs activités à un niveau allant au-delà des cadres sociaux conventionnels,
c’est-à-dire une organisation s’organisant sans l'appui de politiques, de chartes, d’ordres
professionnels, de communautés de pratique, d’équipes sportives officielles, etc. (Giroux, 2006)
Un processus d’organisation entièrement centré sur la construction de sens collective n’est pas
sans intérêt dans cette recherche : une œuvre architecturale étant justement l’achèvement d’un
processus de création de sens de ses concepteurs par rapport à diverses contraintes contextuelles.
Selon l’auteur, la communication au sein d’un groupe peut être comprise comme une action
collective, soit la création d’une perception sensée (ordonnée) et commune à tous les participants
de l’action en train de se faire par l’interaction, la négociation et le consensus in situ. Ces
échanges, nés d’une praxis située, feront émerger une réalité commune à ce groupe, c’est-à-dire
une communication constitutive d’une réalité sociale (Quéré, 1991, p. 77).
3.2 La communication dans l’espace du projet
Boutinet (2005) a consacré ses recherches à déchiffrer le projet en tant que mode d’existence. Par
une approche anthropologique, il a exploré les différentes formes qu’a prises le concept de projet
à travers le temps, l’espace et les cultures. Nous nous appuyons sur l’un de ses livres,
l’Anthropologie du projet (2005), pour comprendre le projet (une réalité sociale contextualisée)
comme mode d’organisation — ou plutôt d’organizing — d’un groupe.
Boutinet explique que le projet naît d’une intention idéelle des acteurs ou, en d’autres termes,
d’une projection dans l’espace et le temps, qui s’opère dans un maintenant et qui disparaîtra lors
de l’achèvement de l’intention. Dans les mots de Boutinet, « la pratique architecturale consiste
dans le passage de l’espace du projet à l’espace de l’objet » (2005, p. 175). Lui sont préalables
des individus, des idées, des techniques et des savoirs qui s'incarneront en un résultat symbolique
ou matériel (l’intention concrétisée), mais le projet lui-même reste un espace totalement
éphémère. Dans le monde contemporain, à l’ère de l’avènement des technologies de
l’information, les temporalités sont complètement brouillées (Boutinet, 2005), le présent ne
s’exprime plus par l’immédiat, mais par l’ « hypermédiat » pourrions-nous dire. Cette idée du
projet comme advenant dans un présent accéléré et confronté à maintes perturbations suppose des
réajustements constants en cours de réalisation qui empêchent d’en prédire le résultat final. C’est
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pourquoi nous lui associons le processus organisant de Weick (1995). Le projet est une démarche
collective qui s’orchestre dans l’action en train de se faire, dont la finalité sera représentative de
cette réalité commune s’étant constituée selon différents facteurs d’influences et d’imprévus. Le
mode « concours » des Défis du bois nous a offert, dans un état d’urgence, une complexité
constructive et collaborative qui nous a permis de tester cet échafaudage conceptuel.
Dans la perspective du projet comme étant générateur d’un processus organisant, il convient de
lui attribuer la caractéristique d’espace vécu : « La finalité de l’espace architectural [et tout le
processus qu’il engendre] consistera à susciter, à rendre possible un espace vécu. » (Boutinet,
2005, p.165.) Cette fonction participative de l’espace vécu dans le processus de communication
est extrêmement intéressante. Le groupe de travail interdisciplinaire lié à la réalisation d’un projet
architectural est, par définition, toujours temporaire et se voit reconstitué à chaque nouveau
projet. De fait, le groupe ne possède pas d’espace fixe rendant compte de son identité ou d’un
historique de travail en commun dans les termes de Corbin et Strauss (1993). Pourtant, ces
repères sont nécessaires à la formation de liens de confiance (Corbin et Strauss, 1993). Toutefois,
en répertoriant les marqueurs symboliques et matériels liés à l’espace vécu du projet, il pourrait
en émerger un lieu métaphorique rassembleur et remédiant à ce problème de non-lieu identitaire.
Le projet comme un espace vécu conduit à la concrétisation d’un objet architectural. Néanmoins,
tout au long du projet prend place une tension entre l’objet mental, soit l’intention motivant une
construction architecturale, et l’objet réel caractérisant l’achèvement d’un projet. Boutinet
exprime cette tension par la relation dialectique qui unit ces deux objets de différentes natures.
C’est-à-dire que la démarche de réalisation est empreinte d’aller et retour entre l’idée
conceptuelle et l’objet réel, des aléas grandement associés au processus artistique que requiert
une construction (Boutinet, 2005). En effet, les créatifs ont des traits de personnalité freinant le
développement linéaire d’un concept (Dubois, 2013, p.18). De fait, nous pouvons « convenir que
l’élaboration du projet, au même titre que sa réalisation, répond à une continuelle dialectique du
flou [l’intention artistique] et du précis [l’objet] pour gérer la suite des essais et erreurs qui
caractérisent tout processus » (Boutinet, 2005, p. 173.).
Grâce à la proposition de Boutinet, nous avons démontré que le projet peut revêtir la forme d’un
lieu, soit l’espace vécu qui caractérise l’évolution de l’intention projetée, et de l’objet qui est, lui,
l’intention concrétisée. De même, Boutinet fait la démonstration que le projet doit s’inscrire dans
un processus itératif dû à son déploiement non linéaire. Il se doit d’être un concept adaptable et
flexible de manière à répondre aux imprévus, et ainsi permettre l’organizing.
3.3 Les éléments du projet qui organisent la communication
Pour récapituler, la définition du projet comme lieu et objet de communication se justifie par la
porosité de ses frontières, c’est-à-dire par sa double temporalité, mais aussi par l’élasticité du
concept. Comme nous l’avons préalablement expliqué, le projet n’opère pas sous une méthode
clairement définie et institutionnalisée : c’est un concept large et contextualisé, qui requiert
chaque fois qu’il est mis en œuvre une concertation sur l’identification de ses repères. En ce sens,
ce besoin de définition initiale des modalités d’un projet peut représenter une première dimension
de concertation entre les acteurs : ils tissent alors des liens qui devront les unir pour toute la durée
du projet (Corbin et Strauss, 1993, p.82).
À l’issue de ce besoin de définition, mais aussi tout au long du projet, des objets symboliques
(textes, contrats, agendas, etc.) naîtront. Ces outils matériels (et marginaux, car ils sont établis in
situ, selon le contexte à l’origine de la mise en place d’un projet) que le projet génère constituent
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une voie à la mise en place d’une infrastructure et d’un langage commun aux acteurs de
disciplines diverses. Le projet permet la création d’objets symboliques liés à l’organisation,
d’autant plus que, dans le cas d’un projet architectural, cette matérialité ne se limite pas à des
textes et à des contrats, mais aussi à une dimension beaucoup plus artistique par le besoin
d’illustrer ses idées par des dessins et maquettes.
4. Le projet : un lieu et un objet de communication
Dans cette section, à l’aide des résultats issus du terrain de recherche, nous mettrons à l’épreuve
les prémisses avancées dans les points précédents. Ces prémisses se résument ainsi : le projet
devient le cadre des processus communicationnels permettant la mise en œuvre d’une
collaboration interdisciplinaire pour le développement d’une construction durable. Nous
soutiendrons également que les objets matériels du projet possèdent un rôle communicationnel.
Nous déterminerons et analyserons d’abord l’espace vécu du projet pour ensuite établir quels
objets de communication ont contribué aux interactions lors des Défis du bois 2014.
4.1 Le lieu du projet et le projet comme lieu
4.1.1 Le lieu du projet
Au cours de la semaine des Défis du bois, les rassemblements en équipe se sont toujours déroulés
dans une atmosphère calme et unie. Au-delà du défi de construire un objet architectural de taille à
partir du seul matériau bois, le tout a été ponctué d’heures de lunchs, de parties de foot, de pauses
cigarette, de courtes formations offertes par le comité organisateur (sensibilisation à la gestion
environnementale du site, sécurité au travail, utilisation de la machinerie et montage
d’échafaudage), de barbecues, d’une soirée dansante… (les figures 4.1 et 4.2 représentent les
aires de vie) tout cela partagé par 50 participants, mais aussi une douzaine d’autres personnes du
comité organisateur. L’ambiance générale de l’événement correspond aux valeurs des Défis du
bois mises de l’avant pendant ses dix années d’existence, c’est-à-dire un climat de coopération
qui permet un travail « tous ensemble » pour innover écologiquement en construction.
Figure 4.1 – Le dortoir
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Figure 4.2 – Esprit de détente
Cet espace vécu sans qu’aucune frontière ne se dessine entre les équipes, alors qu’un contexte
habituel de compétition en favorise plutôt le traçage, a grandement joué en faveur de la
solidification des liens de confiance entre les participants. Une réalité sociale (Quéré, 1991) s’est
construite très rapidement par ce partage des routines « forcées ». Cela illustre les propos
d’Ashcraft, Kuhn et Cooren selon lesquels un lieu de communication peut être un cadre physique
déterminé, non pas par des frontières, mais comme étant le point de rencontre entre plusieurs
contextes. Ce croisement d’activités définit le lieu de communication et contribue aux
interactions entre les acteurs, un croisement qui favorise la multiplication des échanges,
permettant ainsi de renforcer la consolidation identitaire et le sentiment d’appartenance à une
communauté (Ashcraft, Kuhn et Cooren, 2009).
En effet, cette proximité et cette intensité créées par le contexte de compétition in situ ont pris
énormément d’importance pour les participants. Par exemple, lors d’une conversation avec l’une
des participantes, celle-ci a affirmé avoir distingué le contexte des Défis du bois de celui du
monde « réel » (journal de bord, 19 mai 2014). Ou encore, une autre participante nous a confié, la
première journée, anticiper ces huit journées en « huis clos », espérant bien pouvoir s’échapper de
temps à autre pour rejoindre des amis. Lors d’une des dernières journées, elle nous a avoué que,
tout bien considéré, ça n’avait pas été si pénible de vivre de façon rapprochée avec plus de 50
individus, la plupart inconnus. Finalement, nous ne l’avons vue se « sauver » que quelques heures
lors d’une soirée; même que, lors de la dernière journée de célébration (le 20 mai), elle a invité
ses amis à se joindre à nous (journal de bord, 20 mai 2014).
Nous avons déterminé que le contexte de vie des dix équipes pendant les Défis du bois était
générateur d’un lieu de communication, mais, comme Boutinet le mentionne, le lieu du projet se
définit aussi dans sa dimension temporelle (2005, p. 49). Il émerge du croisement des trajectoires
de l’espace-temps du projet. C’est-à-dire que la période pendant laquelle se déroule un projet est
métaphoriquement tout aussi rassembleuse qu’un lieu physique. Relativement à ce terrain, cet
espace-temps du projet fut sans aucun doute ces huit journées de concours.
4.1.2 Le projet comme lieu
Maintenant que nous avons défini les lieux liés au projet, qu’en est-il du projet comme lieu
organisant? Comment le projet d’architecture durable peut-il revêtir la forme d’un lieu — et d’un
objet, ce que nous approfondirons au prochain point — de communication participant à la
collaboration interdisciplinaire, autrement dit, au « faire ensemble »?
Sous la grande tente (voir figures 4.3 et 4.4), la seule délimitation, ou plutôt le centre rassembleur
de chacune des équipes, sont les tables sur lesquelles naissent dessins et maquettes exploratoires,
et autour desquelles les membres d’équipe se réunissent. Par la suite, lorsqu’il est temps de se
mettre à réaliser l’objet architectural, chacun des groupes dispose d’une petite tente devant son lot
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d’implantation. Ces espaces, au fil de la semaine, ne sont finalement utilisés que pour
l’entreposage des matériaux et outils. L’espace de travail pendant les Défis du bois se situe sur
tout le site du Parc des cours (voir figures 4.5, 4.6 et 4.7) : au temps de la conceptualisation,
l’espace de la table est privilégié pour le « faire ensemble », alors qu’au moment de la réalisation,
l’espace d’ancrage au sol de l’objet architectural constitue le principal point rassembleur des
groupes. De surcroît, nous pouvons dire que le projet architectural dans son ensemble concrétise
des lieux physiques de communications, des lieux mobiles et aux frontières malléables facilitant
les interactions et la création de liens entre les participants.
Figure 4.3 – Espace de travail sous la tente, perspective 1
Figure 4.4 – Espace de travail sous la tente, perspective 2
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Figure 4.5 – Aire de travail extérieur, perspective 1
Figure 4.6 – Aire de travail extérieur, perspective 2
Figure 4.7 – Aire de travail extérieur, perspective 3
Plus encore, cette concertation pour mettre en œuvre un objet architectural — et un espace-temps
propre à ce projet — provoque chez certaines équipes une disparition des rôles et des tâches
conventionnellement liées à leur discipline : c’est-à-dire la conceptualisation d’une forme
architecturale à l’aide de dessins et de maquettes pour les architectes, et les calculs de structure et
la détermination des séquences de montage pour les ingénieurs. Selon l’expression, « ils étaient
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tous dans le même bateau », ils ne pouvaient compter que les uns sur les autres pour mettre au
monde un objet architectural répondant à des conditions et des critères imposés.
Au commencement du concours, certains ont eu le réflexe d’associer certaines phases du projet à
l’une ou l’autre des disciplines :
Quand il fallait prendre une décision architecturale, Michel, Gregory et Arielle
se tournaient vers nous [Étienne et Ana, tous deux diplômés en architecture] en
nous rappelant « Hey, c’est vous les architectes! Prenez des décisions » et c’est
ce qu’on faisait et ça se faisait très bien ça. À l’inverse, à un moment il faut
construire, alors qu’est-ce qu’on utilise comme matériau? Alors là on [Étienne
et Ana] se tournait vers Gregory, Michel et Arielle. Ça, ça s’est fait
naturellement. Il n’y a pas eu de problème. (Étienne, architecte et participant
aux Défis du bois)
Malgré la conception, fortement ancrée chez les participants de chaque discipline, que le projet
architectural s’effectue en deux temps (une phase conceptuelle puis de réalisation), ils en sont
tout de même arrivés au constat que c’est en groupe qu’ils réussiraient. Par exemple :
Chacun participait autant finalement, tu donnes des idées, tu donnes au
maximum pour que ça aille dans le sens du projet, ce n’est plus une conscience
individuelle au final. C’était ce qui était dur au début, parce que chacun pensait
assez individuellement, mais après on a mis nos égos de côté et on a pensé
collectivement, pour le projet. Et du coup ça s’est mieux passé. (Monique,
architecte et participante aux Défis du bois)
Le projet comme lieu leur a offert un espace pour la création des liens de confiance nécessaires à
une réorganisation entre les membres selon les besoins de ce projet.
De fait, les frontières entre les disciplines, ou plutôt les différentes tâches disciplinaires, ont
disparu en cours de projet en raison de la prépondérance du « faire ensemble », mais aussi du
cadre structurant qu’offre le projet, issu d’un processus communicationnel. Ce processus
communicationnel, nécessaire à l’organisation entre les membres des groupes, a tout d’abord
suscité l’incompréhension : comment se concerter sur un objectif commun si nous n’arrivons pas
à comprendre le langage d’un collègue à l’identité disciplinaire différente? C’est ce que nous
explorerons au prochain point : quels furent les outils communicationnels exploités pour en
arriver à développer un langage commun et ainsi faciliter le travail interdisciplinaire?
Mais avant, pour conclure ce point, le projet comme lieu est l’élément qui a permis la réunion
interdisciplinaire et, au fil du temps et de l’action, qui a amené les participants à laisser tomber
leurs préjugés disciplinaires. Cela, entre autres exemples, a passé par une cohabitation multipliant
les interactions et permettant la création de liens de confiance nécessaires à la collaboration
(Strauss, 1993), de même que par des contraintes de temps qui, en tant qu’obstacles, forcent la
collaboration malgré les différences pour atteindre l’objectif commun préétabli (Monique,
architecte, mai 2014). Le projet est d’abord le principe incitateur d’une réunion interdisciplinaire
dans un lieu et un temps, tout en servant de cadre régulateur (Boutinet, 2005).
4.2 Les objets de la collaboration
Les médiateurs matériels sont toujours très présents dans les différentes phases nécessaires à la
réalisation d’architecture, du dessin à l’objet architectural lui-même. Ici, nous verrons quels outils
ont été mobilisés en soutien à la collaboration lors des Défis du bois, de même que leur
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importance et l’attachement des participants pour ces objets tangibles. D’abord, visitons le
discours officiel du concours quant à cet aspect.
4.2.1 La vision matérielle des organisateurs
De manière générale, dans le discours des Défis du bois, il y a cette idée du concret comme un
intermédiaire (voire un facilitateur) au sein des échanges et de la collaboration, une matérialité
entièrement dédiée au matériau bois. Fait intéressant, lorsque le cahier de la première édition
décrit les méthodes conventionnelles du projet dans le monde professionnel, il y est regretté que
« l’approche [physique] des matériaux et de leur mise en œuvre y [soit] abordée tardivement »
(Les Défis du bois, 2005, section : Le bilan). Dans l’optique d’amener les étudiants d’architecture
à imaginer un concept architectural à partir de la physique de la matière (ici, le bois), le second
défi du concours est d’amener les ingénieurs à considérer « le bois en tant que matériau de
construction, mais aussi en tant que matériau d’expression » (Les Défis du bois, 2005, section : À
l’origine). De cette façon, nous pouvons en arriver à brouiller la séquence architecteingénieur
et le travail en silo des disciplines profondément ancrés dans les processus du milieu
professionnel.
Ainsi, l’une des missions que se donnent l’ENSTIB et les Défis du bois, tout en appréciant la
noblesse associée à ce matériau et à l’esprit de tradition qui l’entoure40, c’est de lui tailler une
place dans le monde d’aujourd’hui pour les raisons suivantes (Les Défis du bois, 2005, section :
À l’origine) : d’abord en réponse aux enjeux écologiques, en la conviction que la place du
matériau bois dans notre réalité contemporaine réside dans ses qualités renouvelables, mais aussi,
pour reprendre les mots de Lorenzo Diez, directeur de l’ENSA-Nancy, le bois est « plus qu’un
matériau d’ingénierie, plus qu’un matériau “vert”, il acquiert du sens, celui qui sert à faire
ensemble ». (Les Défis du bois, 2012, p. 4; nous soulignons)
4.2.2 Le rôle du bois
Nous avons exposé la présence du matériau bois dans le discours des Défis du bois, mais qu’estce qui a poussé les étudiants à se rassembler autour de cette ressource? Différentes raisons ont
motivé les participants à s’intéresser à la matière bois. Pour certains, construire en bois n’est
qu’une voie vers la construction écologique et c’est pourquoi ils ont choisi d’étudier à l’ENSTIB.
Toutefois, son utilisation relève plutôt de son caractère noble et traditionnel que de ses vertus
écologiques. Souvent, les participants interviewés répètent qu’ils aiment le bois sans être
capables de donner une explication rationnelle justifiant ce penchant. Par exemple, l’un des
concurrents nous a raconté que cette appréciation découle de ses souvenirs d’enfance, le fait
d’avoir grandi dans une maison en bois, alors qu’un autre nous a expliqué que sa passion s’est
révélée lors d’une expérience professionnelle dans le domaine de la construction (journal de bord,
mai 2014).
Ces exemples illustrent ce qu’avancent Ashcraft, Kuhn et Cooren, à savoir que l’émotion a la
capacité d’articuler la matérialité aux modes d’organisation (2009, p. 28). En résumé, ce que nous
souhaitons exprimer dans cette section, c’est que l’attachement au matériau bois et à ses qualités
a une fonction de liaison entre les participants.
40
Le bois est une matière première des Vosges et de la Lorraine et, nécessairement, un matériau de construction
ancestral faisant partie de la tradition du bâti de la région (http://www.vosges.fr).
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4.2.3 Le rôle des maquettes
La maquette est l’élément qui a été le plus (et le mieux) mobilisé pour outrepasser les
incompréhensions du langage. Voici une mise en situation accompagnée d’un extrait d’entrevue
démontrant les stratégies employées par les ingénieurs pour en arriver à se faire comprendre.
Encadré 1 : La maquette qui rassemble!
Angélique (architecte et participante aux Défis du bois), Lucie (architecte et participante aux
Défis du bois) et nous-même, Marie-Claude (l’auteure, architecte) sommes arrivées avec une idée
d’objet architectural qui comprenait une paroi double autoportante. Immédiatement, Frank
(ingénieur et participant aux Défis du bois) a été séduit par cette idée de structure apparente et a
tenté de nous expliquer comment il interprétait notre proposition. Confronté à nos airs dubitatifs
devant ses explications, il est immédiatement allé se réfugier dans l’atelier de machinerie pour y
produire un prototype d’assemblage qui pourrait permettre la réalisation de ce mur portant.
Figure 4.8 – Maquette d'assemblage réalisée par Frank (ingénieur)
La réalisation de maquette et de détail d’assemblage est chose courante dans la formation en
architecture, alors que ça ne semble pas du tout le cas du côté de l’ingénierie :
Frank:
On ne fait jamais de maquette de principe ou de conception pour montrer
un petit truc, jamais. C’est des choses à mon avis qui sont super utiles. Puis
Sketch-up, c’est utile aussi si c’est juste pour de la visualisation 3D.
M-C:
Mais tu as quand même un bon instinct. Tu es celui qui est allé faire
justement le premier « tecton » de l’assemblage, une maquette de détail,
pour vraiment montrer comment les choses allaient se faire. T’es d’accord?
Tu n’avais jamais fait ça avant?
Frank:
Des choses comme ça?
M-C:
Oui, des petites maquettes pour exprimer ta pensée
Frank:
Des fois pour moi, enfin quand je bricole ou machin, je me dis « ah je
pourrais peut-être essayer de faire ça c’est rigolo ». Mais tout seul pour moi
sans aucune autre arrière-pensée quoi. Mais là, pour convaincre les gens
qu’un assemblage marchait et pouvait se faire vite, en série et tout, non
c’était la première fois.
M-C:
C’est bien. Je crois que ça a convaincu tout le monde.
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En empruntant des méthodes de développement d’idées propres aux architectes lors de la phase
conceptuelle du projet, Frank (ingénieur) a créé un principe structurel générateur de l’objet
architectural de son équipe. Cette simple maquette d’un détail constructif a, d’une part, permis
aux membres de l’équipe d’entrevoir la faisabilité du concept qu’ils avaient en tête, créant de ce
fait un pont entre cette étape de conception et celle de réalisation à venir. En d’autres mots, cela a
donné les moyens à tous, peu importe leur discipline, de penser et de mettre en œuvre toutes les
étapes du projet. D’autre part, cette intrusion (sous forme de maquette) de Frank, tout en créant
un langage matériel compréhensible pour tous, a légitimé l’apport du savoir de l’ingénieur
pendant la phase conceptuelle, concrétisant ainsi la collaboration interdisciplinaire. À partir de ce
moment, le développement de leur objet final était entièrement dépendant de cette intervention,
c’est-à-dire de l’expertise de l’ingénieur qui s’insère dans la phase conceptuelle,
traditionnellement associée à l’architecte, à l’aide d’un objet de communication.
De la même manière, Michel (ingénieur et participant aux Défis du bois) s’est lui aussi replié sur
des maquettes pour exprimer ses idées :
On a tenté d’établir une certaine cohésion au sein de l’équipe, ç’a bien été, la
première journée, faire des maquettes je suis un peu moins habitué. Dans un
certain sens, non, je n’ai jamais vraiment utilisé les maquettes. Même en
compétition, une règle ça fait très bien pour expliquer les principes de base
d’une poutre et les éléments. [mais] oui je l’ai utilisée aussi. C’est sûr qu’avec
des maquettes c’est plus facile d’exprimer le sens de ce que je veux dire. Même
si je parlais français, j’ai eu beaucoup de difficulté à me faire comprendre.
Ce qui a été confirmé en entrevue par son coéquipier :
Il devait nous expliquer pourquoi ça allait marcher et nous il fallait qu’on
comprenne. Au début, il ne comprenait pas que nous on ne comprenait pas et
plutôt que de parler et de nous expliquer il allait faire un prototype, donc au
début on pensait qu’il était vexé et là on le voyait revenir avec un prototype et
nous réexpliquant comment ça se passe. […] Mais disons qu’il nous prenait un
peu de haut au début, et une fois qu’il a compris que c’était une question de
langage, de communication, là l’équipe a pris une tout autre tournure et là ça
s’est mieux passé. (Étienne, architecte)
L’utilisation des maquettes a vraiment été un outil révélateur, voici une autre citation de Frank
qui démontre le pouvoir des maquettes de rendre plus limpide le dialogue interdisciplinaire :
Il n’y a pas à dire, les maquettes et les modèles numériques, ça facilite
énormément le dialogue. Ensuite le fait de partager une vraie expérience
concrète sur le terrain, a posteriori ça pourrait encore plus faciliter le travail.
On crée des maquettes et des modèles, c’est chouette. Du coup, on a une
monnaie d’échange, des fichiers d’échanges, des images et voilà, mais ensuite
si on le fait en vrai, sur le chantier ensemble, eh bien le coup d’après, on est
capable de dire « tu te souviens là on avait pensé ça, ça n’avait pas bien
marché, du coup on va faire comme ça et ça va mieux marcher ». Et donc
vraiment la réalisation commune, s’il fallait le refaire tu vois, ça se passerait
encore mieux à mon avis. (Frank, ingénieur)
Ce qui est intéressant, et ce que révèlent les citations précédentes, c’est que la maquette peut
prendre différentes formes. Elle n’a pas besoin d’être réfléchie longuement, elle peut consister en
une feuille de papier pliée ou être sous forme numérique, ou encore représenter un fragment de
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l’idée architecturale comme l’exemple de l’encadré 1. Son objectif est de permettre à tous la
visualisation simplifiée des idées.
Le bois et la maquette sont des éléments matériels qui ont occupé une grande place dans
l’interaction entre les membres des équipes. Ci-dessous, nous soulignerons quelques autres
éléments d’importance ayant contribué au dialogue interdisciplinaire pendant les Défis du bois.
4.2.4 Et encore…
Il y a d’autres objets qui ont participé au dialogue entre disciplines pendant les Défis du bois,
moins utilisés dans ce contexte, mais qui auraient pu se révéler essentiels dans d’autres situations
de projet. Voici respectivement répertoriés le dessin, les outils et la cheville, dernier élément qui
fut extrêmement important dans les dynamiques de notre équipe.
D’abord, le dessin. Cet élément a été spécifiquement reconnu par Étienne et Christian (ce dernier,
un ancien participant aux Défis du bois), tous deux architectes. Aux yeux d’Étienne, c’est le
dessin qui a permis à son équipe de surmonter la difficulté que représentait le langage. La
figure 4.9 représente un exemple de croquis réalisés par l’une des équipes, où l’idée
architecturale est représentée en plan, en élévation et en axonométrie. Ceci a permis à tous les
membres du groupe de visualiser la première étape d’une idée qui a mené à l’objet architectural
final (journal de bord, 15 mai 2014). Voici l’argumentaire d’Étienne à ce sujet :
C’est évident que d’abord la communication se fait surtout par le dessin, audelà des paroles. Ça se fait surtout par le dessin, par le dessin on comprend
énormément de choses, comme [on] dit nous c’est un peu particulier parce
qu’on avait Ana qui est Espagnole et donc qui n’avait pas nécessairement un
vocabulaire pour dialoguer. Michel du Québec, bon il parle français, mais
disons qu’il utilise des mots que... tu sais quand il dit « passes-moi la drill »,
heureusement que je sais qu’est-ce que c’est en anglais tu vois, mais on ne
dirait jamais ça en France. Il y a eu des moments où on ne parlait pas de la
même chose, des mêmes éléments dans le projet avec Michel. Alors pour
arriver à expliquer comment on allait le mettre en œuvre, vu qu’on ne parlait
pas de la même pièce, on ne se comprenait vraiment pas. Disons que le langage
c’était vraiment parfois un piège. Alors que quand on se mettait à dessiner, à
faire des schémas, on regardait tous le dessin et on arrivait beaucoup mieux à
comprendre. Ce qui était bien aussi c’est qu’on a fait des prototypes et des
maquettes. Alors ça, ça venait plus après le dessin, mais c’était plus pour
confirmer où on en était, pour que tout le monde puisse avoir en tête ce qu’il y
avait à faire et comment on allait le faire. Donc, ça c’était super important.
(Étienne, architecte)
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Figure 4.9 – Croquis conceptuels
Un autre élément intéressant a été souligné par un ancien participant : les outils. Louis (ingénieur
et ancien participant aux Défis du bois) a donné l’exemple des outils et des machineries (la figure
4.10 permet de visualiser l’entraide qui s’opère dans l’espace de machineries) pour souligner le
rôle rassembleur des objets :
Déjà les outils, tout le monde ne savait pas se servir des outils et chacun
propose en fait. Quand on est tous devant un objet dont on ne connait pas
l’utilité, mais qu’il y a quelqu’un qui en connait l’utilité. Bien à ce moment-là
on va avoir tendance à vouloir communiquer comment on s’en sert. Devant un
obstacle, un objet qui est un obstacle, quel qu’il soit, ça peut être... dans le cas
des Défis du bois c’est vraiment des outils bois, déjà travaillés autour de ça, il y
a un véritable échange. Il y a là des gens qui sont là pour écouter, une ou deux
personnes qui sont là pour conseiller. Après c’est de l’entraide c’est de
l’échange quoi.
Figure 4.10 – Salle de machineries
Le dessin sert à surmonter les difficultés du langage, alors que les outils sont comme un obstacle
qui pousse les membres d’un groupe à échanger des connaissances et à créer des liens de
confiance par l’entraide. Cela nous amène à l’objet qui a vraiment marqué tous les membres de
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l’équipe dans laquelle nous nous sommes intégrée, à savoir la cheville41 (figures A.4 et A.5). Ce
petit objet est devenu l’esprit même de l’équipe et de son concept architectural. Effectivement,
toute la notion du « faire » de l’installation (sa concrétisation) dépendait des chevilles, puisque ce
sont les pièces qui allaient permettre de solidifier les assemblages de la construction. De plus,
cela a représenté un obstacle de taille par la quantité de chevilles qu’il a fallu tailler nous-mêmes
et insérer pour terminer l’objet architectural : « Mais tu sais, on a fait 328 nœuds avec 1400
chevilles » (Angélique, architecte). Angélique, en entrevue, a relevé souvent cet aspect du projet,
cette citation en est une parmi plusieurs autres. L’équipe était très fière d’avoir réussi cet exploit,
car tout le corps professoral doutait de la réussite du projet, mais aussi parce que les chevilles ont
été l’objet d’attention et le fruit de leurs efforts dès le jour où a débuté la phase de réalisation. La
cheville a représenté la plus grande partie du « faire ensemble ».
5. Synthèse
Au point 4, nous avons articulé la notion de projet de Boutinet (2005) aux lieux et objets de
communication. Nous avons montré que les lieux et les activités liées de près ou de loin à la
réalisation du projet architectural favorisent les interactions entre les participants, donc favorisent
la création des liens de confiance qui, eux, sont nécessaires au travail collaboratif (Corbin et
Strauss, 1993). Puis, nous avons démontré que le projet, qui nécessite le rassemblement des
participants pour se concrétiser, marque à son tour des espaces physiques (des repères)
spécifiques pour la réalisation de certaines tâches du projet.
Enfin, au dernier sous-point, nous avons mis en valeur la capacité du projet d’architecture
d’engendrer la création d’objets, par exemple les maquettes. Ces dernières s’intègrent dans les
processus communicationnels entre les corps disciplinaires, ainsi que d’innombrables éléments
associés à ce type de contexte (bois, maquettes, dessins, outils, etc.). Effectivement, ces éléments
matériels de communication ont ouvert un espace de dialogue — création d’un langage (sens)
commun et compréhensible pour tous — entre les disciplines. Par cette recherche exploratoire,
nous avons relevé la capacité d’agentivité et le rôle bénéfique des objets dans les processus
communicationnels, particulièrement liés aux projets architecturaux.
Alors, comment favoriser la collaboration interdisciplinaire en architecture à l’aide de la notion
de projet? Nous croyons que la collaboration interdisciplinaire peut être facilitée par un
attachement aux éléments matériels et symboliques du projet, par la construction d’un sens
commun que leur idéation exige et par l’action collective que demande leur matérialisation —
l’organizing de Weick. Nous avons démontré que la communication ne doit plus être vue que
comme un moyen de transmission des informations dans la gestion de projet. La communication,
autant le langage, les symboles et les objets qui la constituent, dans toute sa dimension
interprétative, participe entièrement aux interactions « organisantes » du groupe et à la création
d’un sens commun. La communication et ce qui la compose sont constitutifs et indissociables des
modes d’organizing entre toutes les personnes d’un projet. C’est pourquoi nous proposons un
élargissement de la notion de projet.
De plus, cette analyse nous a permis d’aller au-delà des prémisses concernant le projet comme
étant un lieu et un objet de communication : l’espace du projet lié aux Défis du bois a perturbé la
41
Une cheville est un élément de fixation (en bois, dans le cas de l’équipe A à l’occasion des Défis du bois), que l’on
enfonce dans une perforation pour maintenir un assemblage de menuiserie (Cheville, Dictionnaire Larousse en ligne,
s.d.).
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séquence traditionnelle de travail entre architecte et ingénieur. Ainsi, rapidement, tous se sont
impliqués dans toutes les phases du projet. Le projet leur a donné un espace pour dialoguer,
échanger des connaissances et se créer un langage commun. Les participants ont ainsi illustré la
capacité du projet à cadrer une démarche de création itérative, démontrant ainsi les qualités de
flexibilité et d’adaptation du projet. Le projet comme lieu de communication est totalement
garant de sa capacité d’être un espace vécu, c’est-à-dire de permettre la démarche de « faire
ensemble ». Ses attributions spatio-temporelles engagent à l’interaction entre de multiples acteurs
issus de milieux et de disciplines différents pour répondre à un but et à des idéaux partagés, tout
en permettant aux membres de l’équipe de développer des outils matériels de communication qui
leur sont propres. Les repères communicationnels sont inhérents à tous projets, et nous soutenons
qu’il faut désormais comprendre comment tirer avantage du potentiel de la notion de projet.
6. Conclusion
Bien que nous ayons présenté les notions de lieu et d’objet, nombre d’observations issues de
notre mémoire de maîtrise n’ont pu être abordées dans cette courte présentation. Néanmoins,
nous tenons à souligner, en conclusion, que c’est « l’action », cette dimension du « faire » de
notre « faire ensemble », qui fut un élément décisif dans l’effacement des frontières
disciplinaires. Ce contexte de concours universitaire montre que la notion de projet possède des
qualités pour favoriser les processus communicationnels et le « faire ensemble » que nous nous
devons d’exploiter davantage. En effet, considérant que construire écologiquement et
durablement n’adviendra que par une collaboration interdisciplinaire, nous croyons essentiel de
continuer à explorer le potentiel communicationnel sous-jacent à la notion de projet. Ainsi, cet
article se voulait la prémisse de recherches plus poussées sur la constitution communicationnelle
des interactions sur le développement d’architecture durable.
De plus, apprendre de la bouche des participants que cet événement était pour eux leur premier
travail d’équipe nous a grandement interpelée. Alors qu’un cheminement scolaire, de manière
générale, est parsemé de travaux à réaliser en équipe (de tailles multiples selon les exigences),
comment se fait-il que ces finissants universitaires soient habités par cette impression de n’avoir
jamais collaboré? Comment imaginer mettre en place des processus de collaboration
interdisciplinaire dans le milieu du travail si nos futurs professionnels ne sont pas initiés au
travail d’équipe pendant leur formation? C’est ce que nous comptons approfondir dans un avenir
rapproché : comment enseigner le travail collaboratif aux étudiants en architecture à l’aide du
projet, tout en considérant la proéminence de l’action dans l’effacement des frontières
disciplinaires? Ainsi, nous souhaitons comprendre davantage quelle est la nature de cette
communication qui émerge de l’action concertée et, surtout, comment inculquer cet agir.
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Annexes
Les Défis du bois en données et en images
Équipe A42 – Objets conceptuels
Figure A.1 – Maquette d’assemblage réalisée par Frank (ingénieur).
42
L’auteure était participante au sein de l’équipe A.
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Figure A.2 – Maquette conceptuelle
Figure A.3 – Maquette conceptuelle
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100
Équipe A – La cheville
Figure A.4 – Assemblage 2D avec les chevilles
Figure A.5 – Assemblage 2D avec les chevilles
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Équipe A – Objet architectural
Figure A.6 – Objet architectural – perspective intérieure
Figure A.7 – Objet architectural final
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102
Équipe B – Croquis
Figure A.8 – Croquis de la trame structurale
Figure A.9 – Croquis conceptuels
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103
Équipe B – Maquettes
Figure A.10 – Première maquette conceptuelle
Figure A.11 – Maquette finale
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Équipe B – Objet architectural
Figure A.12 : Objet architectural final
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