Manuscrit auteur, publié dans "ISDA 2010, Montpellier : France (2010)"
Affronter le défi énergétique et alimentaire au Burkina Faso
Dabat M.-H., Blin J., Rivier M.
AFFRONTER LE DEFI ENERGETIQUE ET
hal-00525066, version 1 - 11 Oct 2010
ALIMENTAIRE AU BURKINA FASO
FACING THE CHALLENGE OF ENERGY AND
FOOD IN BURKINA FASO
Marie-Hélène DABAT *, Joël BLIN **, Michel RIVIER ***
* UPR Politiques et marchés
CIRAD
01 BP 596 Ouagadougou Burkina Faso
** UPR Biomasse énergie
CIRAD / 2iE
01 BP 596 Ouagadougou Burkina Faso
*** UMR Qualisud
CIRAD / TA B-95/15
34398 Montpellier Cedex 5 France
Abstract — Facing the challenge of energy and food in Burkina Faso. Burkina Faso is one of the
poorest countries in the world according to the classification by Human Development Index of
UNDP. It has few energy resources and its agriculture is not enough efficient and diversified to lead
definitively the country out of food insecurity. However the current global economic crisis urges
countries to focus on the exploitation of domestic resources to reduce their dependence to volatile
prices on the international market. Technico-organisational solutions exist to improve energy
efficiency of production processes in food chains or in the consumption patterns of households or to
produce energy from local resources. This paper explores how shifting the practises in processing
such as drying fish or the production of shea butter, or valorization of waste like the hulls and muds
of churning, or again new energy such as biofuels, may make improvements address both the
problem of access to energy and the issue of feeding the population. It promotes the interest of
multidisciplinarity work involving economists, energy specialists and technologists with a technicoeconomic and organisational approach of value chains in agro-food.
Key words : value chain, energy, food security, economic development, Burkina Faso
ISDA 2010, Montpellier, June 28-30, 2010
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Affronter le défi énergétique et alimentaire au Burkina Faso
Dabat M.-H., Blin J., Rivier M.
Résumé — Affronter le défi énergétique et alimentaire au Burkina Faso. Le Burkina Faso est l’un
des pays les plus pauvres du monde d’après le classement selon l’Indicateur de Développement
Humain du PNUD. Il dispose de peu de ressources énergétiques et son agriculture n’est pas
suffisamment performante et diversifiée pour sortir définitivement le pays de l’insécurité alimentaire.
Or la crise économique actuelle exhorte les pays à se recentrer sur l’exploitation des ressources
domestiques pour limiter leur dépendance à un marché international aux prix volatiles. Des
solutions technico-organisationnelles existent pour améliorer l’efficience énergétique des processus
de production dans les filières alimentaires ou dans les modes de consommation des ménages et
pour produire de l’énergie à partir des ressources locales. Cette communication explore comment
une modification des pratiques dans les processus de transformation comme le séchage du
poisson ou la production de beurre de karité, ou la valorisation des déchets comme les coques et
les boues de barattage, ou encore la production d’une nouvelle énergie telle que les agrocarburants peut apporter des améliorations face à la fois au problème de l’accès à l’énergie et à la
question de l’alimentation de la population. Elle promeut l’intérêt de travaux pluridisciplinaires
associant économistes, technologues et énergéticiens avec une approche technico-économique et
organisationnelle des chaînes de valeur dans les filières agro-alimentaires.
Mots clés : filière, énergie, sécurité alimentaire, développement économique, Burkina Faso
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INTRODUCTION
Le Burkina Faso est un pays pauvre. Très mal classé selon l’Indicateur de Développement
Humain (IDH) du PNUD, il n’a pas achevé sa transition démographique et sa population est
encore en situation d’insécurité alimentaire chronique. Focalisés sur la question agricole et
alimentaire, peu de travaux scientifiques ont porté sur l’un des blocages majeurs au
développement de ce pays enclavé du Sahel : l’accès à l’énergie (DFIF, 2002 ; de Janvry et
Sadoulet, 2000).
L’accès à l’énergie est l’une des sources d’inégalités les plus latentes au monde même si elle
est moins visible que d’autres (Leach, 1992, Bauby et Gerber, 1995 ; Clarck, 1991): un
consommateur burkinabé utilise 500 fois moins d’énergie qu’un Nord-Américain et la totalité
de la consommation énergétique de son pays est inférieure à celle d’une commune
américaine de 20.000 habitants (Minvielle, 1999). A cette inégalité Nord-Sud, se rajoute une
importante fracture énergétique entre milieu urbain et milieu rural au Burkina Faso.
La récente flambée des cours des matières premières agricoles et l’inéluctable augmentation
des prix des combustibles fossiles (Voituriez, 2009) ramènent au devant de la scène la
misère de pays importateurs doublement pauvres comme le Burkina Faso: d’une part, en
disponibilités alimentaires ; d’autre part, en énergie pour cultiver, transporter, transformer et
stocker1 les denrées agricoles (Hazell et Pachauri, 2006). Pourtant, la crise économique
mondiale remet en question l’ouverture non régulée des marchés et recentrent les stratégies
nationales sur une meilleure exploitation des ressources domestiques (Tangermann, 2007).
Dans cette optique, l’utilisation d’énergies renouvelables à partir de la biomasse locale, offre
des perspectives intéressantes pour une amélioration de la couverture énergétique et une
diversification des sources d’approvisionnement2, en particulier en milieu rural (Martinez-Alier,
1987 ; Munasinghe, 1992). Mais aussi la valorisation énergétique des déchets agricoles
1
Un pays tel que le Burkina Faso contraint par la possibilité d’avoir une seule saison agricole a besoin
d’énergie pour conditionner et conserver la production agricole (séchage, pasteurisation…) de façon à
étaler la consommation sur une année complète.
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L’énergie produite à partie de la biomasse présente l’avantage de pouvoir prendre plusieurs formes
qui facilitent son usage : liquide, solide et gaz.
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(coques de karité ou de sésame, noyaux de mangues, tiges de coton…), la mise au point de
techniques de transformation moins utilisatrices d’énergie et respectueuses des standards de
qualité (par exemple pour le séchage et le fumage de la viande ou du poisson), la diffusion de
méthodes de carbonisation économes en bois (Ouedraogo et al., 2009 ; Dallaire, 1993) ou
l’action collective pour l’accès à l’élecricité (Foley, 1992), sont autant d’axes de travail en
cours au Burkina Faso. L’exploration de ces pistes suppose la mobilisation de plusieurs
disciplines scientifiques et souvent la construction de nouveaux liens entre recherche et
société.
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Les questions de recherche qui sous-tendent ce travail pluridisciplinaire concernent aussi
bien l’élaboration de procédés techniques adaptés aux situations locales que l’analyse des
conditions dans lesquelles les populations rurales peuvent devenir à la fois actrices et
bénéficiaires des innovations proposées ou le rôle que peuvent jouer les institutions
publiques pour soutenir les changements de pratiques. Les modes et les échelles
d’intervention des chercheurs sont aussi en évolution face à une demande sociale qui se
diversifie : porteurs de micro-projets de mécanisation dans l’agriculture, groupements de
transformatrices de produits ou de sous-produits agricoles, communautés villageoises
bénéficiaires potentielles de l’énergie électrique décentralisée, groupe interministériel chargé
d’élaborer une stratégie nationale…
La communication n’a pas pour objectif de présenter les résultats de recherche en cours. Elle
se limite à explorer, à partir de quelques cas concrets, l’intérêt d’associer les sciences
techniques et les sciences sociales pour éclairer différents choix individuels, collectifs et
publics, autour du double défi de la sécurité alimentaire et de la réduction de la fracture
énergétique au Burkina Faso.
1. INSECURITE ALIMENTAIRE ET PAUVRETE ENERGETIQUE
1.1. Un équilibre alimentaire fragile
Petit pays d’Afrique de l’Ouest de près de 17 millions d’habitants en 2010, le Burkina Faso
situé dans une zone de transition entre le Sahel au Nord (pluviométrie moyenne de 350 mm
par an) et la région soudanienne au Sud (pluviométrie moyenne de 1100 mm par an), est
fortement dépendant de son agriculture (82% de la population, environ 40% du PIB, 80%
des recettes d’exportation). Classé 177ème sur 182 pays en 2009 selon l’Indicateur de
Développement Humain du PNUD, 46,4% des Burkinabé vivaient en 2007 en dessous du
seuil de pauvreté d’après l’Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD).
L’agriculture, essentiellement traditionnelle et vivrière, pluviale et extensive est le fait de
petites exploitations familiales. Elle repose sur deux grands systèmes de production : le
système agro-pastoral fondé sur l’élevage bovin et les céréales traditionnelles mil/sorgho
situé dans la zone sahélienne ; et le système coton-maïs/sorgho situé dans la zone
soudanienne. Ses performances sont dépendantes des variations climatiques. La croissance
du secteur agricole a été essentiellement tirée ces dernières années par le secteur cotonnier
et le maïs et, dans une moindre mesure, par les progrès réalisés en matière de
diversification, en particulier vers d’autres cultures vivrières comme le niébé ou des
productions de rente, notamment les oléagineux tels que le karité ou le sésame (FAO, 2008).
Entre 1994 et 2006, les bilans céréaliers montrent une évolution en dents de scie avec des
taux de couverture des besoins qui varient entre 74 et 131% d’après le ministère de
l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques (MAHRH). Ils ont été
excédentaire 10 années sur 12. La situation reste cependant précaire et cet équilibre relatif
cache d’importantes disparités régionales. Pour la saison 2005/06, juste avant la flambée
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des prix des produits agricoles, 15 provinces ont présenté un taux de couverture des besoins
inférieur à 90% avec des poches de déficits alimentaires parfois importantes.
1.2. Facture pétrolière et fracture énergétique
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La consommation énergétique du pays s’est établie pour 2007 à 3,2 millions de tonnes
équivalent pétrole (TEP), soit une consommation moyenne par habitant de 240 kilos
(ministère des Mines, des Carrières et de l’Energie, 2008). Cette-ci équivaut à 2,5 stères de
bois ou 275 litres de super, mettant clairement en exergue la pauvreté énergétique du pays.
Le bois garde une place privilégiée dans la balance énergétique avec 2,6 millions de TEP,
soit 83% de toutes les énergies primaires, suivi des importations d’hydrocarbures avec 16%
de la balance. Les importations d’électricité, l’hydroélectricité et les énergies renouvelables
restent marginales. Les produits pétroliers importés sont utilisés à 63% pour le transport et à
23% pour la production d’électricité. L’électricité est produite à 68% par les centrales
thermiques fonctionnant aux fuels lourds (DDO et gasoil), à 15% par les barrages
hydroélectriques de Bagré et de la Kompienga et à 17% par les importations de Côte
d’Ivoire. Les différents projets d’interconnexion avec les pays voisins devraient augmenter la
part des importations d’électricité dans les quinze années qui viennent, substituant une
forme de dépendance énergétique extérieure à une autre.
Le bois-énergie est pratiquement la seule énergie à disposition des populations en milieu
rural, en dehors des batteries sèches et du pétrole lampant pour l’éclairage. Le taux de
couverture électrique y est inférieur à 2% et le taux d’accès à l’électricité inférieur à 1%.
Contrastant avec cet état de pauvreté énergétique en milieu rural, la consommation totale
d’hydrocarbures pour le transport et la production d’électricité est en forte augmentation
essentiellement pour l’usage des citadins. Même si l’utilisation de gaz reste marginale, les
quantités consommées ont quintuplé entre 1993 et 2007. Avec le développement de la
demande en électricité urbaine et l’augmentation du parc automobile, celles de gasoil, DDO
et super ont respectivement été multipliées par 4, 3 et 2.
Le Burkina Faso étant un pays enclavé, la hausse des prix du baril de pétrole se répercute
doublement : sur le prix d’achat des matières premières mais aussi sur les frais de transport.
Les produits pétroliers à l’entrée au Burkina Faso subissent un surcoût de l’ordre de 45%
par rapport au prix CAF ports Afrique de l’Ouest dû au transport et au stockage. Entre 1995
et 2007, les prix à la pompe du super, du gasoil et du mélange, ont augmenté de plus de
60%. Pour un prix moyen du baril à 72 US$ en 2007, la valeur économique de la facture
pétrolière nationale était de 218 milliards de FCFA. Les importations de produits pétroliers
équivalaient alors 44% des exportations du pays et 67% des exportations de coton.
2.
DES SOLUTIONS TECHNICO-ORGANISATIONNELLES AU PROBLEME
ENERGETIQUE
La question de mieux utiliser l’énergie dans les processus de production et de la capacité du
pays à créer sa propre énergie à partir de ses ressources domestiques devient vitale. Celle
des relations entre accès à l’énergie et satisfaction des besoins alimentaires des populations
lui est sous-jacente. Plusieurs chercheurs sont localement investis dans l’appui à deux
dynamiques en cours: le développement des filières agro-carburant (soutenue par la
coopération allemande) et le développement des filières agro-sylvo-pastorales et
halieutiques créatrices de revenus (soutenue par la coopération danoise). Leurs travaux
portent sur l’élaboration de procédés techniques ou les améliorations organisationnelles qui
visent à faciliter l’insertion de ces filières sur les marchés ; et sur l’analyse des conditions de
leur mise en œuvre en forte interaction avec les populations bénéficiaires (choix des filières,
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expression des contraintes rencontrées, identification d’actions pilotes…). Ils ciblent l’appui
aux acteurs des filières et à la décision publique aux niveaux central (plusieurs ministères,
secrétariat permanent de la Coordination des Politiques Sectorielles Agricoles, Comité
Interministériel chargé de la Coordination des Activités de développement des Filières
Biocarburants) et régional (Services Techniques Déconcentrés, Chambres d’Agriculture…)3.
2.1. Mieux utiliser l’énergie
Des marges de progrès résident dans l’amélioration de l’existant, c'est-à-dire dans une
utilisation plus efficiente de l’énergie déjà disponible à l’aide de techniques de transformation
appropriées, mais aussi dans la valorisation des sous-produits non utilisés.
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2.1.1. Exemple du fumage du poisson dans la région Est
Le fumage du poisson est une technique de conservation très répandue dans les pays du
Sud depuis des générations. A l’origine, le fumage permettait d’acheminer loin des zones de
production (côtes, lacs, fleuves), sous une forme stabilisée, une source appréciable de
diversification en protéines. Avec le temps, malgré le développement de la chaîne du froid, il
existe toujours une demande traditionnelle très importante de poisson fumé, y compris dans
les zones de pêche. Ainsi, on trouve dans les pays où une activité halieutique s’est
développée, de nombreuses unités artisanales de fumage du poisson dont le produit est
commercialisé localement et/ou dans la région, voire à l’étranger.
Une part importante des captures du poisson capturé est transformée: au minimum 15-20%
des captures soit 1500-2000 tonnes de poisson sur une production nationale annuelle de
l’ordre de 10.000 tonnes d’après la Direction des Ressources Halieutiques.
Le site du « campement de pêcheurs de Tounga » rassemble les plus importantes
communautés de pêcheurs et de transformateurs de Kompienga, principale zone de pêche
de la région Est du pays. La pratique locale du fumage repose sur le professionnalisme des
opérateurs, qui pilotent au doigt, au nez et à l’œil, son bon déroulement. Les matériels
employés sont variés, mais dominent les fumoirs traditionnels constitués d’un support en
tôle, en banco ou en maçonnerie, qui permet de supporter une ou plusieurs claies
directement au-dessus d’un foyer. Leur configuration et leur utilisation ne sont pas
optimisées. Ces fumoirs ne comportent pas de fond spécifique, ils reposent sur le sol en
terre battue, ce qui pose un problème de nettoyage, de transfert thermique important du
foyer dans le sol donc d’impact sur le rendement énergétique du fumoir. Par ailleurs, ils ne
sont pas compartimentés pour s’adapter à la quantité de produit à traiter. Cela a une
incidence sur la qualité du produit fini et sur le rendement énergétique.
Or il y a un évident appauvrissement de la ressource aquacole à Kompienga comme dans
les principaux plans d’eau du pays à cause de la surpêche. Plusieurs unités de
transformation sont approvisionnées de quelques kilogrammes seulement de poisson par
jour. Même si les claies ne sont pas à pleine charge, les fumoirs sont malgré tout mis en
3
Etude pour le MAHRH financée par la KFW/GTZ Opportunités de développement des biocarburants
au Burkina Faso ; appui technique aux travaux de la CICAFIB pour l’élaboration d’une stratégie
nationale biocarburant ; études goulots d’étranglement et actions pilotes des filières agro-sylvopastorales et halieutiques dans les régions Centre-Est, Est et Sahel : niébé, poisson, bétail viande,
volaille, karité, gomme arabique, bois énergie, pilotées par le SP-CPSA, financées par DANIDA.
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route. Les quantités de biomasse brûlées par kilogramme de poisson transformé sont
importantes. Du « bois vert », contenant donc encore beaucoup d’eau est parfois utilisé dans
les séchoirs, ce qui entraîne une perte d’énergie disponible. Des améliorations sont
possibles, elles portent sur le dimensionnement et la fabrication des fumoirs, sur le mode de
pilotage par opération unitaire (séchage, cuisson et fumage) et sur l’utilisation de la
biomasse.
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Pour remédier à la surconsommation de bois, le fumoir amélioré communément appelé «
four ou fumoir Chorkor » est une solution intéressante. Il offre la possibilité de régler les flux
d’air dans le foyer et d’augmenter la quantité de poisson traitée par unité de surface tout en
réduisant la pénibilité du travail. Pour prolonger sa durée de vie, la brique réfractaire peut
être utilisée. En dehors de sa bonne tenue sous la pluie et à la température du foyer, elle a
une conductivité thermique plus faible et améliore les performances énergétiques. La
modification de la maçonnerie intérieure par arrondissement des coins intérieurs du fumoir
peut diminuer encore la consommation de bois et le temps de séchage-cuisson-fumage de
l’ordre de 25% par rapport à un fumoir Chorkor « classique » et de 50% par rapport à un
fumoir traditionnel (Fig.1).
Un meilleur pilotage du fumoir peut également améliorer à la fois la qualité des produits
fumés et le rendement énergétique en diversifiant les sources d’énergie. Il est recommandé
de réaliser la cuisson-séchage du poisson uniquement par apport de charbon de bois
comme source d’énergie, sans fumée, sans flamme, à température modérée (moins de
80°C) jusqu’à la perte de poids souhaitée (identique au procédé traditionnel soit environ la
perte des deux tiers du poids du poisson frais). Ensuite, le fumage peut profiter de la braise
restante, par ajout de poignées de sciure ou de copeaux légèrement humides.
Fig.1 : Fumoir Chorkor amélioré
filière poisson
Fig.2 : Meule casamançaise
filière bois-énergie
2.1.2. Exemple de la carbonisation dans la région Centre-Est
La consommation de charbon de bois augmente dans les ménages urbains burkinabé
incitant à la carbonisation légale ou illégale du bois, généralement pour la cuisson et la
production artisanale. Plusieurs régions du Burkina Faso exploitent le bois disponible pour
satisfaire les besoins de leur population et les exportations au delà de ses capacités de
renouvellement. Par exemple, la région du Centre Est, qui se situe dans l’emprise du bassin
d’approvisionnement de Ouagadougou, a un taux de surexploitation du bois de 58% contre
49% au niveau national en 2002 (Ouedraogo et al., 2009).
Les technologies de carbonisation traditionnellement utilisées dans cette région sont les
meules couvertes. De base circulaire ou rectangulaire, la meule traditionnelle est constituée
d’un tas de bois rangé verticalement ou horizontalement à même le sol, par couches
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successives, recouvert de matière végétale et de terre. Le volume peut varier de quelques
stères à une centaine de stères et la durée de carbonisation de 1 à 3 semaines. Ces
technologies ont un rendement très faible mais coûtent peu en investissement.
Il est possible d’augmenter ces rendements à l’aide de techniques améliorées telles que la
meule casamançaise qui permettent d’utiliser moins de bois de feu pour obtenir la même
quantité de charbon de bois. De forme circulaire, cette meule est pourvue d’une cheminée
composée de trois fûts métalliques. Elle dispose d’un plancher en bois et d’une couronne
périphérique permettant la circulation d’air. Le recouvrement est réalisé à l’aide de terre et de
matières végétales (Fig.2). Le volume varie de 20 stères à 150 stères et la durée de
carbonisation, à volume égal, est significativement réduite par rapport à la meule
traditionnelle. Le Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie recommande actuellement
l’utilisation de la meule casamançaise sur des sites de carbonisation officiels ouverts
annuellement.
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Alors que la meule traditionnelle a un rendement de 14% (1 stère de bois produit 33kg de
charbon de bois), la meule casamançaise a un rendement qui varie de 25% à 40% (1 stère
peut produire 99 kg de charbon de bois). Cependant, contrairement à la technique
traditionnelle, cette dernière est coûteuse en matériaux de construction.
2.2. Valoriser les déchets : exemple de la filière karité dans la région Est
Une autre façon d’apporter des solutions au cas par cas à la contrainte énergétique est la
valorisation des sous-produits ou des déchets obtenus dans les processus de
transformation, notamment en les utilisant comme consommables dans ces mêmes
processus.
La filière karité en fournit un bon exemple. Cette filière est importante pour l’économie
burkinabé: elle fournit des revenus complémentaires non négligeables pour des populations
en situation parfois précaire comme les femmes, le beurre est la principale source de
matière grasse végétale en milieu rural, les exportations d’amande et de beurre ont un effet
très positif sur la balance commerciale.
Le processus de transformation des fruits du karité en beurre ou en savon est très long et
suppose une succession d’opérations qui nécessitent beaucoup d’énergie et qui en même
temps génèrent des déchets organiques (coques, boues de barattage..) qui pourraient
potentiellement être utilisés comme combustible. Dans la région Est du Burkina Faso, la
transformation annuelle de 25.000 t de noix de karité vertes dépulpées occasionne la
production de 2.500 t de coques qui sont aujourd’hui peu utilisées. Ces résidus pourraient
alimenter en énergie les différents procédés mis en oeuvre pour la production de beurre.
D’autant que l'accès à l’énergie est un des verrous au développement de la filière : lors du
séchage des noix et des amandes afin de les stabiliser et d’avoir un produit de qualité ; lors
des étapes de torréfaction, de séchage et de clarification, qui utilisent beaucoup de bois pour
produire la chaleur nécessaire. L’énergie mécanique est également nécessaire pour les
étapes de broyage /concassage des amandes.
Les noix puis les amandes sont séchées au soleil pendant plusieurs semaines. La récolte
des fruits du karité coïncide avec la saison humide, période de faible ensoleillement. Après
dépulpage, les noix ont des difficultés à sécher. Dans les mois qui suivent la collecte, elles
sont décortiquées pour en extraire les amandes qui doivent aussi être séchées puis sont
transformées en beurre ou stockées avant d’être vendues. Alors qu’il est important de vite
sécher les noix et les amandes pour ne pas oxyder et acidifier le beurre, peu d’attention est
portée à cette opération, étant donné la concurrence avec les travaux pour les cultures
annuelles, ce qui influe sur la qualité du produit final et la rémunération des cueilleuses.
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Pour un traitement efficace des noix obtenues après dépulpage des fruits, il est préconisé de
les cuire rapidement dans l’eau bouillante avant de les sécher. Ce mode de cuisson par des
foyers « trois pierres » a un très mauvais rendement énergétique. La plus grande partie de
l’énergie dégagée est perdue par rayonnement, par les fumées ou à cause du vent et il ne
reste comme équivalent calorifique utilisé pour chauffer l’eau, qu’à peine 5% de l’énergie
initiale. Cette technologie rudimentaire consomme beaucoup de bois, alors qu’en utilisant
des foyers améliorés il est possible de réduire de 20 à 40% la quantité de bois consommée.
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Le séchage des noix cuites puis des amandes par combustion de biomasse est une option
intéressante, la puissance disponible permettant rapidement d’extraire l’eau. Les méthodes
traditionnelles de séchage directement au dessus du feu (par fumage) ne sont pas
recommandables. En effet, la contamination par les hydrocarbures et les composants
chimiques toxiques issus des fumés de combustion altère la qualité sanitaire du produit fini. Il
est préférable d’utiliser des séchoirs alimentés par une chaudière à l’aide d’un échangeur
thermique. Le décorticage fournissant de grandes quantités de coques (1/2 kg de coque par
kg d’amandes séchées) qui sont un très bon combustible, celles-ci pourraient être utilisées
pour alimenter ces séchoirs.
Mis a part le torréfacteur pour lequel le foyer de combustion est fermé, toutes les marmites
utilisées pour les séchages et clarifications reposent sur des foyers « trois pierres ».
L’utilisation de foyers améliorés permettrait un meilleur échange thermique et une diminution
rapide de la quantité de bois consommée. Le beurre ne représentant que 50% de la masse
des amandes séchées, les 50% de résidus organiques résiduels récupérés après le
barattage pourraient être essorés et séchés au soleil puis aussi utilisés comme combustible.
Sous forme de briquettes ou de boulets tassés à la main, ce combustible qui contient encore
un peu de corps gras, a un très bon pouvoir calorifique, supérieur à celui du bois.
2.3. Produire des agro-carburants
D’autres voies sont envisageables pour disposer de plus grandes quantités d’énergie sans
alourdir la facture pétrolière. Le Burkina Faso considère les agro-carburants comme une
source renouvelable d’énergie domestique susceptible de diversifier ses sources d’énergie.
Ils peuvent ainsi réduire sa pauvreté énergétique, entendue par le PNUD comme
« l’absence de choix qui donne au pays accès à des énergies adéquates, abordables,
efficaces et durables pour supporter le développement économique et humain ».
Différents types d’agro-carburants de « première génération »4 peuvent être produits dans le
pays :
- les huiles végétales brutes, obtenues à partir de plantes oléagineuses et de
technologies simples, destinées prioritairement aux moteurs diesels statiques
(groupes électrogènes, moulins, motopompes…) et accessibles de l’échelle
villageoise à industrielle ;
- le biodiesel, obtenu par estérification d’huile végétale à l’aide d’alcool, destiné aux
moteurs diesel à injection directe ou indirecte (transport), nécessitant obligatoirement
un procédé industriel pas toujours disponible ;
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Issus d’une partie de la plante riche en huile et en sucre par opposition aux agro-carburants de
« deuxième génération » qui eux valorisent toute la plante.
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le bioéthanol, obtenu à partir de plantes sucrières ou amylacées, destiné aux
moteurs à essence en mélange jusqu’à 10% dans des moteurs classiques ou à
100% dans des moteurs spécifiques (flex fuel), nécessitant également un procédé
industriel très énergétivore susceptible d’obérer le bilan carbone.
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Au Burkina Faso, les terres agricoles annuellement emblavées représentent environ 40% du
potentiel cultivable en 2007, laissant des superficies disponibles pour de nouvelles
productions notamment énergétiques. A des degrés divers, les plantes intéressantes pour la
production d’huile végétale, de biodiesel ou d’éthanol sont le jatropha, le coton, le tournesol,
l’arachide, le soja, la canne à sucre et le sorgho sucrier.
L’analyse pluridisciplinaire des risques et des impacts possibles du développement des agrocarburants a permis de préconiser certaines orientations plutôt que d’autres (Blin et al.,
2008). Trois scenarii de développement non exclusifs ont été élaborés et servi de support au
document de stratégie de développement des agro-carburants au Burkina Faso: un scénario
décentralisé de production de biomasse et d’huile végétale brute en zones rurales, un
scénario centralisé de substitution d’huile végétale brute aux hydrocarbures importés pour
produire de l’électricité dans les centrales thermiques, un scénario de substitution du
biodiesel au gaz oil ou d’incorporation d’éthanol dans l’essence des véhicules légers pour le
transport. Le scénario biodiesel/éthanol pourrait diminuer très significativement la facture
pétrolière du Burkina Faso (60% des produits pétroliers importés sont destinés au transport)
et à désenclaver le pays. Cependant il nécessite des investissements conséquents, une
solide organisation de filière et un cadre réglementaire (normalisation des produits,
restriction des exportations…) qui n’existent pas à l’heure actuelle. En outre, ses externalités
négatives sur l’environnement (déforestation, usure des sols…) nécessitent le temps de
mettre en place des gardes-fous. Le scénario centralisé est intéressant car il permet de
s’adapter à une production variable d’huile sans souci de rentabilisation d’équipements
sophistiqués. Il peut être mis en oeuvre assez rapidement et comporte des marges
d’expansion importantes (jusqu’à 90% de substitution au pétrole utilisé pour la production
d’électricité). A court terme, ce scénario permet d’assurer un marché pérenne pour les
plantations de jatropha réalisées ces deux dernières années. Bâti sur la production de cette
plante, il peut très rapidement s’élargir à l’utilisation de tout type d’oléagineux plus rentables
que le jatropha pour les producteurs, notamment grâce à la valorisation de sous-produits
comme le tourteau. Le scénario décentralisé présente lui potentiellement le plus d’impact en
matière de développement rural même si sa faisabilité se heurte à la faible capacité des
acteurs à se coordonner et à mener une action collective pour accéder à l’énergie.
3. MIEUX COMPRENDRE LES LIENS ENTRE SECURITE ALIMENTAIRE ET
ACCES A L’ENERGIE
L’énergie est une ressource rare et chère au Burkina Faso, ce qui entrave le développement
économique du pays et le bien-être des populations. Mieux allouer la ressource disponible
dans les processus de production et de transformation et surtout exploiter les potentialités
d’une production domestique sont des leviers pour réduire la pauvreté et améliorer la
sécurité alimentaire des populations.
Les mécanismes qui permettent potentiellement d’améliorer la sécurité alimentaire des
ménages avec un meilleur accès à l’énergie sont nombreux et constituent autant
d’hypothèses de recherche. Ils peuvent être directs, nous avons déjà évoqué les
perspectives de produire de plus grandes quantités ou de mieux répartir au cours de l’année
et sur le territoire ou de diversifier l’approvisionnement alimentaire. Pour cela, la motorisation
de l’agriculture, le transport des intrants et des céréales, la transformation et la conservation
des denrées alimentaires, peuvent être facilités avec l’apport d’une énergie nouvelle ou
d’une énergie supplémentaire pour accroître la force motrice ou la couverture électrique en
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particulier en milieu rural. Mais il est aussi des liens indirects entre accès à l’énergie et
sécurité alimentaire. L’amélioration du capital humain et social, que permet l’accès à
l’énergie, via la disponibilité des services de santé et d’éducation par exemple, ou
l’amélioration des revenus, via la valorisation et la diversification des productions agricoles et
agro-alimentaires, sont autant de processus qui améliorant les conditions de vie des
individus leur permettent d’acquérir les moyens de subvenir à leurs besoins alimentaires.
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L’enjeu de développement est aussi territorial. L’accès aux énergies modernes est très
inégalitaire, ce qui creuse l’écart en matière de développement et de conditions de vie des
ménages entre milieu urbain et milieu rural. Le prix de l’électricité a continuellement
augmenté ces vingt dernières années au Burkina Faso, et bien que subventionné, est encore
très élevé. L’accès à l’électricité est peu abordable pour la majorité de la population. Il est
difficile de développer l’électrification dans les communes rurales, faiblement solvables, car
les coûts d’investissement et d’exploitation sont élevés. Actuellement environ 15% des zone
urbaines et moins de 1% seulement des zones rurales sont couvertes (Mission économique,
2006). Il existe un besoin crucial d’énergie dans tout le pays et en particulier d’énergie
décentralisée.
Les agro-carburants peuvent contribuer à apporter une réponse raisonnée à ce besoin. On
oppose souvent leur développement à celui de la production agricole pour un usage
alimentaire. En effet, le risque est important. L’argument principal est que le pays n’a pas
atteint son autosuffisance alimentaire (importation de produits agricoles, nombre de sousalimentés…) donc il est impensable de transférer des ressources ou des produits de la
fonction alimentaire à la fonction énergétique. Pourtant si le Burkina Faso n’est pas
autosuffisant sur le plan alimentaire, les déterminants sont au moins autant à chercher dans
les mécanismes du fonctionnement des marchés, dans l’efficacité des politiques agricoles,
voire dans certains déterminants sociaux, plutôt que dans les disponibilités physiques et les
effets de substitution entre usages des produits. Il ne paraît pas impossible d’envisager un
accroissement de la production agricole qui satisfasse une partie des besoins énergétiques
sans dégrader la satisfaction des besoins alimentaires en céréales et oléagineux ou même
lui bénéficie (renforcement des capacités des agents, organisation des filières…). Pour cela,
une stratégie de développement des agro-carburants à l’échelle du pays doit découler d’une
concertation interministérielle (énergie, environnement…) et s’inscrire au sein et non à l’écart
ou en opposition à la politique agricole.
Les besoins en énergie sont immenses dans le pays et les opportunités techniques et
agronomiques pour développer une production d’agro-carburants sont réelles (Blin et al.,
2008). La production décentralisée d’huile végétale brute a la capacité de permettre un
accès aux services énergétiques aux populations rurales et de contribuer ainsi à
l’amélioration des conditions de vie des ménages (électricité, eau, santé, éducation, lien
social…) et au développement d’activités génératrices de revenus (intensification de
l’agriculture, transformation des produits agricoles, diversification des activités
économiques…) (Dabat et al., 2009). Cette énergie peut à la fois se substituer à des
utilisations locales de gazoil ou générer de nouveaux usages: groupes électrogènes,
plateformes multifonctionnelles, réseau électrique décentralisé, petits moteurs… Blin et al.
(2008) démontrent la faible mobilisation de surface villageoise nécessaire: il faut cultiver
entre 8 et 16 hectares de jatropha pour subvenir aux besoins énergétiques d’une commune
rurale de 3 à 5000 habitants. Cette culture peut aussi se faire sur des sols dégradés ou en
haies vives étant donné les faibles volumes concernés. Le scénario décentralisé paraît facile
à mettre en oeuvre sur le plan technique (technologie mature et disponible, transport limité
de biomasse…) et adapté aux conditions sociales des populations rurales (faible
mobilisation de foncier, investissement limité…). Néanmoins, il suppose de lever des
contraintes importantes liées à la capacité des acteurs à se prendre en charge et à
développer une action communautaire pérenne pour la gestion des plantations et des
équipements de presse et, de manière générale, l’organisation de filières depuis la
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plantation jusqu’à l’utilisation de l’énergie. Enfin, il est assujetti à l’amélioration des
connaissances agronomiques des cultures oléagineuses adaptées aux conditions agroclimatiques et sociales de l’Afrique de l’Ouest.
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Ce scénario pourrait prendre appui sur le Programme national pour le développement de
plateformes multifonctionnelles initié par le Gouvernement burkinabé et soutenu par le
Programme des Nations-Unis pour le Développement (PNUD) depuis 2005 (Weisman et al.,
soumis). Les plateformes multifonctionnelles, implantées en milieu rural, sont des systèmes
de production d’énergies mécanique et électrique qui permettent d’offrir des services
énergétiques décentralisés pour des usages productifs, sociaux, individuels et collectifs.
Aujourd’hui environ 150 plateformes installées dans les régions de la boucle du Mouhoun,
du Centre-Ouest, de l’Est, du Centre-Est et du Nord, fonctionnent au gasoil, et des tests sont
en cours pour évaluer la faisabilité de les alimenter avec des agro-carburants. Elles ont créé
environ 1000 emplois rémunérés et touchent une population d’environ 100.000 personnes.
Les exemples des filières poisson, karité et bois énergie révèlent d’autres opportunités et
suscitent d’autres questionnements pour les chercheurs. D’autres exemples auraient pu être
aussi développés comme celui de la mangue séchée pour laquelle des travaux en cours
visent à améliorer les séchoirs et à valoriser le potentiel énergétique des noyaux ainsi que
des co-produits comme le beurre de mangue. Pour ces différents produits, il est possible
d’utiliser l’énergie avec plus d’efficience. Les améliorations proposées passent par l’adoption
d’équipements innovants et de nouvelles pratiques assez simples (four amélioré, séchoir,
meule casamançaise, presse…). Il en est de même pour la motorisation ou l’intensification
de l’agriculture. Les processus de changement que ces propositions induisent ont souvent
besoin de temps pour être mises en œuvre et requièrent que certaines conditions préexistent. L’appropriation de ces innovations suppose qu’elles ne rentrent pas en conflit avec
les logiques traditionnelles des acteurs susceptibles de les utiliser. Le processus d’adoption
est complexe, mobilise de nombreux mécanismes d’interaction entre plusieurs dimensions :
spatiale, économique et sociale (Gastineau, 2006). L’inversion des stratégies de
minimisation du risque, qui sont souvent celles des petits opérateurs des filières agroalimentaires (producteurs agricoles ou transformateurs), et le positionnement sur des
trajectoires de sortie de pauvreté des adoptants potentiels des innovations, supposent des
techniques à la base suffisamment « adoptables » (conception avec les bénéficiaires, saut
technologique limité…). Elles supposent aussi une offre itérative et un accompagnement
faisant preuve de suffisamment de flexibilité pour générer un processus d’apprentissage
(nécessairement lent) à la fois des adoptants et des diffuseurs pour ajuster de façon très fine
la gamme des améliorations proposées à la diversité des situations socio-économiques
rencontrées (attentes, capacités et moyens des destinataires). Elles supposent enfin des
politiques publiques sécurisant l’environnement économique des adoptants.
Par exemple, la préconisation des séchoirs-fumoirs améliorés et des changements de
pratiques pour le séchage et le fumage du poisson dans la région Est suppose d’être attentif
à plusieurs contraintes: le charbon de bois et la sciure proposés comme alternative
énergétique au bois de feu doivent être disponibles et financièrement accessibles ; les
transformatrices de poisson doivent avoir la capacité d’investir dans les équipements,
sachant qu’il parait difficile de renchérir le prix de vente des produits finis face à la
concurrence des importations, et la capacité aussi de s’approprier les modes de pilotage des
nouveaux équipements (séparation des phases de cuisson-séchage et de fumage, contrôle
des températures d’attaque du produit…). Autre exemple, compte tenu de l’habitude d’usage
de la meule traditionnelle par les charbonniers aussi bien professionnels qu’occasionnels de
la région Centre Est, il se pourrait bien qu’il soit plus pertinent de chercher à améliorer cette
technologie et sa maîtrise plutôt que de promouvoir la seule meule casamançaise malgré
ses performances comme des travaux à Madagascar l’ont démontré (projet Caramcodec).
En effet, l’obtention d’un bon rendement en matière de carbonisation dépend fortement de la
qualification (savoir-faire) du charbonnier et pas seulement de la technologie utilisée.
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Enfin, les exemples proposés ont tous montré que l’un des leviers de l’augmentation des
revenus est l’amélioration de la qualité des produits, au moins autant que la compression
des coûts en énergie. L’utilisation à bon escient de l’énergie est un facteur important de
positionnement sur les marchés (urbains, à l’export, de substitution aux importations…).
L’amélioration des conditions de transformation peut permettre d’obtenir une meilleure
qualité du poisson fumé burkinabé et de mieux positionner celui-ci sur les marchés urbains
(Ouagadougou) et extérieurs (forte demande du Niger, flux vers le Mali également, forte
demande de la diaspora africaine en Europe). Il y a également un lien fort entre la maitrise
de l’énergie et la qualité des produits au sein de la filière karité. Tout au long de la filière, lors
des étapes de cuisson, séchage, torréfaction, et clarification, si l’apport en énergie n’est pas
suffisant le produit in fine n’est pas de qualité et ne se stabilise pas (développement de
moisissures, dégradation des corps gras…) ; à l’opposé trop d’énergie dégrade
thermiquement les produits (excès de triglycérides) qui sont dévalorisés à l’exportation.
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CONCLUSION
L’accès difficile et coûteux aux énergies traditionnelle et moderne figure en bonne place
parmi les différentes contraintes au développement de l’économie du Burkina Faso. Il
pénalise aussi bien les ménages que les différentes branches de l’économie et les services
publics. Le pays est aujourd’hui en mesure de produire une partie de l’énergie dont il a
besoin, en particulier pour générer des processus de développement locaux de façon à
réduire la fracture économique entre milieu urbain et milieu rural. Les effets à en attendre se
situent au niveau de l’agriculture et de la valorisation des produits agricoles mais aussi dans
les autres secteurs de l’économie et en particulier dans la production des services sociaux.
Le développement de la production oléagineuse au Burkina Faso peut profiter au secteur
énergétique et au marché alimentaire. Renforcer les compétences des acteurs dans ces
filières, appuyer leurs modes d’organisation, desserrer ce faisant le goulot d’étranglement de
l’alimentation animale, solliciter l’Etat pour la définition de politiques agricoles incluant la
production de biomasse, vont dans le sens de la recherche d’une complémentarité ou d’une
synergie entre sécurité alimentaire et réduction de la pauvreté énergétique. Il faut aller plus
loin dans l’analyse des conditions de cette synergie et rester vigilant au respect de celle-ci.
Proposer des solutions techniques pour produire de l’énergie à partir de ressources
domestiques ou pour gagner en efficience dans les procédés de façon pertinente et durable
suppose d’intervenir en forte interaction avec les bénéficiaires de ces techniques au plus
près de leurs besoins et de leurs possibilités. Cela suppose de mobiliser plusieurs types de
compétences scientifiques pour travailler aussi bien sur les techniques elles mêmes que sur
leurs conditions d’appropriation et construire de nouveaux liens entre sciences et sociétés.
Au-delà de ses liens multiformes avec la sécurité alimentaire, la question de l’énergie a à
voir avec des dimensions plus englobantes que sont l’amélioration des conditions de vie des
populations, la réduction de la pauvreté, la croissance économique ou le développement
humain.
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