Temples de Yoginîs en Inde
À la poursuite du mystère
Notes de Voyage
Stella Dupuis
1
Dans tout l'Orient, il existe encore le concept qu'un livre ne devrait pas révéler des
choses; un livre devrait simplement nous aider à les découvrir.
Jorge Luis Borges
Temple de Yoginîs de Mitaulî, (Gwalior), Madhya Pradesh
Introduction
La présente traduction en français des Notes de Voyage des Temples de Yoginîs en
Inde diffère des précédentes versions en anglais et en espagnol car pendant les dix
années qui séparent ces éditions j’ai continué à approfondir ce thème et à découvrir de
nouveaux sites.
Au printemps 2005, je visitai pour la première fois le temple des soixantequatre Yoginîs d'Hirapur. Je fus émerveillée par la sérénité des murs en pierre
dessinant un cercle sans toit. À l’intérieur je manquai presque de voir le grand autel
central car j’étais attirée par les déesses qui décoraient le long de la façade. Après
avoir contemplé une à une les sculptures des déesses, mon corps se replia en position
assise. Je fus transportée au-delà de l'expérience du bonheur des sens et de toute
connaissance. Le silence emplissait la coquille de la pierre du temple en dessous du
ciel ouvert. Au loin, de plus en plus loin, le monde continuait à tourner pendant que
mon âme se propageait dans les eaux primordiales de la dévotion. Une brise fraîche
2
m’enveloppa. Plusieurs libellules voletaient joyeusement autour de moi. Peut-être
traversaient-elles mon corps? Je devenais comme éthérée et la lumière du coucher de
soleil transformait leurs ailes en de vibrants filigranes irisés. Le soleil avait disparu
quand j’entendis la voix impatiente de mon amie et compagne de voyage répétant
mon nom. Elle était fatiguée et voulait partir. En nous éloignant du temple, mon âme
sereine souriait tandis que mon intellect commença à bouillonner en cherchant à
comprendre le mystère de ce temple si différent de tous les autres que j’avais eu
l’occasion de visiter en Inde. Le chauffeur de taxi qui m’y avait conduit avait juste
mentionné qu’il s’agissait d’un temple tantrique des Yoginîs. Mais l'absence de
figures érotiques à l'intérieur ou à l'extérieur du temple m'intrigua car je croyais que
les temples tantriques remplissaient forcément leurs murs de personnages copulant
dans toutes sortes de positions, comme ceux que j’avais vu à Khajurâho ou Konarak.
A cette époque les temples de Yoginîs étaient inexistants dans les informations
touristiques et les villageois des alentours ignoraient leurs mystères.
Qui étaient donc ces Yoginîs délicatement sculptées qui souriaient ou
affichaient des expressions agressives ou avec des têtes d’animaux à la place de leur
tête humaine? Pourquoi les appelait-on Yoginîs ? Etaient-elles des femmes devenues
déesses car elles avaient pratiqué le Yoga ? Comment avaient-elles été déifiées en tant
que groupe ? Quel était leur langage ésotérique? Qui avait construit ces temples ?
Quelles étaient donc les pratiques de ce culte oublié ?
Je voulais comprendre mais je ne savais par où commencer ma recherche.
Aussi bien que j’aimais depuis toujours l’expression religieuse en Inde et en Asie, je
n’étais pas un chercheur orientaliste. Alors j'invoquais les Yoginîs pour guider mes
pas et ouvrir la porte de l'intuition. Dans les jours qui suivirent, mon corps réagit
violemment comme si un grand nettoyage se réalisait dans chaque cellule de mon
être, me laissant presque déshydratée. J'étais incapable de garder ne serait-ce qu’une
petite gorgée d'eau, et la seule chose que je désirais était de laisser l'eau de la douche
glisser sur mon corps. Intuitivement je cherchais l’aliment de l’eau de coco. Dans les
nuits qui suivirent, je rêvai d’un énorme poisson rond qui m'avala et je nageai à
l'intérieur en observant ses veines et ses artères qui s'entrecroisaient et dans les parois
d'un globe qui semblait être son estomac. Ecoutant les rythmes distincts avec lesquels
le sang circule, j'appris à discerner et je reconnus le son qui transportait la source de
l’essence de la vie. Dans un autre rêve, quand je vins à placer une paille pour boire
dans le trou d'une noix de coco verte, j'étais entraînée à l'intérieur du fruit, quoique
mes mains continuaient à tenir la noix de coco – comme si j'étais en même temps à
l'intérieur et à l'extérieur de la noix de coco. Je sentis que tandis que j'étais à
l'extérieur, je secouais la noix de coco pour libérer la personne à l'intérieur – qui
n’était autre que moi – et qui ne désirait pas sortir, préférant rester à l'intérieur ; je me
laissais simplement prendre par les vagues du mouvement. Ces rêves s'insinuèrent
eux-mêmes dans mon esprit comme une sorte de rites d'initiation. Alors, il me revint
à l'esprit les écrits de Mircea Eliade sur les initiations, les rites et les symboles et sur
le Sacré et le Profane. Ces textes parlaient de l'homme religieux et "son désir de se
retrouver lui-même dans le centre" où il existerait la possibilité de communiquer avec
les Dieux. "L'initiation est la première étape vers une maturité spirituelle. Dans
l'histoire religieuse de l'humanité nous trouvons continuellement ce thème : l'initié,
celui qui connaît les mystères, est celui qui possède la sagesse." En effet, j'avais la
sensation d'avoir eu une révélation mais j'étais incapable de déchiffrer la connaissance
que je sentais vibrer en moi.
3
Ainsi commença mon pèlerinage vers les Yoginîs. Je trouvai l’étude réalisée
par le Dr. Vidya Dehejia, « Yoginî Cult and Temples, A Tantric Tradition », 1986. Ce
livre ainsi que celui de Marie Thérèse de Mallmann, « Les Enseignements
Iconographiques de l’Agni Purana », 1962 parlaient de l’emplacement des temples et
énonçaient des théories intéressantes. Plus qu’un voyage intellectuel, je voulais m’y
rendre pour y expérimenter la sacralité de ces centres de connaissance.
Alexandra David Neel, Giuseppe Tucci, Mircea Eliade, Pierre Loti ouvrirent la
route de l'Orient pour le voyageur occidental moderne. L'Inde et ses mystères attirent
des millions de touristes. L'aventure culturelle est révélée aux visiteurs. L'exotisme
polychromatique, la géographie, les plages, les océans et les rivières captivent les
appareils photos. Art, folklore et spiritualité se mêlent avec les noms des dieux
exotiques. Les définitions des nouveaux concepts sont ajoutées dans le guide du
voyageur. Dans ces dévoilés vertigineux, l'Inde ouvre ses portes et souhaite la
bienvenue au visiteur. Les hôtels cinq étoiles prolifèrent partout. Simultanément des
millions d'yeux admirent le Taj Mahal, les palais du Rajasthan et les plages ou les
centres Ayurvédiques du Sud de l’Inde. Le territoire est immense et rempli d’énormes
contrastes. Des millions de gens de diverses langues et cultures y vivent ensemble. Je
suis toujours amusée par la pointe d’arrogance cachée derrière l'expression « J'ai fait
l'Inde » avec laquelle certains voyageurs résument leurs vacances en Inde. Les
touristes ne "font" pas l'Inde. Au contraire, c'est l'Inde qui nous "fait". Elle nous
construit ; elle nous aide à découvrir les facettes inexplorées de notre personnalité en
nous confrontant à d'innombrables situations inattendues. Même pour les propres
habitants de l'Inde le pays est difficile à connaître, soit dû à sa taille, soit à cause de
cette créativité prolifique qui la caractérise toujours et dans tous les domaines : art,
folklore, langues, philosophie, spiritualité, etc.
Mais les temples de Yoginîs étaient peu connus vers la fin du XXème siècle,
enfouis sous un grand nombre de préjugés dus à leur appartenance à un des courants
spirituels du Tantra, assimilé à des rites sanglants ou sexuels. Selon Mircea Eliade,
entre le VIème et le XIIème siècle, le Tantra s’était répandu à tel point qu’il avait
pénétré toutes les religions vernaculaires en Inde. Ceci est devenu la grande victoire
des hors-castes et paysans animistes qui avaient préservé leurs croyances et leurs
mystères par la tradition orale. Le Tantra fut une révolution spirituelle ainsi qu’une
puissante réponse contre l’exclusivisme de la caste brahmanique qui n’acceptait dans
ses temples que sa propre caste, la caste de guerriers/rois et celle des marchands qui
incluent les riches propriétaires de terres.
Parmi le panthéon de Yoginîs on y trouve plusieurs déesses dont leurs noms
suggèrent une origine tribale. Il est important de remarquer que le Tantra fut une
fusion des connaissances philosophiques raffinées avec les connaissances populaires
ou animistes. Les patrons des temples de Yoginîs devaient appartenir à la royauté car
construire ces temples était une entreprise coûteuse. La plupart des courants tantriques
n’avait pas de restriction de caste ou de sexe.
Peut-être aussi parce que les traditions populaires avaient préservé le contact
avec les mystères de la Mère Nature, le rôle des femmes, divines ou humaines
(Yoginîs) fut primordial et contrasta avec la situation des femmes domestiqués
jusqu’au point de se voir nier la possibilité d’une vie spirituelle.
4
Si présenter l'origine et le culte d'une seule divinité de manière claire et
structurée, à l'intérieur d'un système religieux élaboré, complexe et variable des temps
médiévaux dans le subcontinent indien n'est pas une entreprise facile, la question
devient encore plus difficile quand il s’agit d’un courant spirituel ésotérique dédié à la
vénération d'un groupe de divinités féminines telles que les Yoginîs et dont les
frugales informations écrites furent transmises dans un langage ésotérique.
Parmi les différences entre les voies spirituelles traditionnelles et celles du
Tantra on trouve que les premiers encouragent le jeûne et l’abstinence pour arriver à
faire abstraction des sens ou des pensées tandis que selon les doctrines tantriques, le
corps et les sens servent de véhicules pour parvenir au dépassement de soi. Le but de
la « Non dualité » est commun aux différents chemins. Le Yoga et le Tantra ont en
commun plusieurs pratiques mais les interprétations varient.
Un jour en parlant avec mon guide spirituel j'essayai d'excuser ma paresse de
faire mes pratiques spirituelles revendiquant que j'avais une sensation déplaisante
dans mon corps. Alors mon Guru me dit simplement:
– Les Devîs sont jalouses de vous.
– Jalouses? – demandai-je en riant, puis intriguée, je continuai:
– De quoi seraient-elles jalouses? Les Devîs sont divines et je suis une simple
mortelle…
– Elles sont jalouses de votre système nerveux qui travaille avec les sens. Elles sont
jalouses de votre corps qui est le véhicule pour raffiner et surpasser la perception.
– Mais s’elles sont divines, n’ont-elles pas la perception divine ?
– Oui, mais elles n’ont pas un système nerveux comme le nôtre pour continuer leur
voyage vers l’Absolu. Avec vos pratiques spirituelles vous raffinez les sens et vous
arriverez à percevoir ce qu’il y a de plus raffiné dans la création… c’est-à-dire leur
divinité et même vous irez au-delà de leur l’état divin… vous pouvez donc, plonger
dans l’Absolu…
– Et les Devîs ne peuvent-elles pas elles aussi transcender leur état ?
– Hélas non, elles n'ont pas de corps… elles ne connaissent pas l’expérience des sens
et ne peuvent donc pas les transcender, elles ne peuvent aller au-delà, vers l'Absolu.
– Les Devîs sont jalouses de mon corps! – prononçai-je fascinée par ce que je
commençais à comprendre.
– Les anciens maîtres ou maîtresses aidaient leurs disciples à saisir les mystères de
l’expression de l’énergie divine à travers des sculptures en pierre dans des temples qui
représentaient le cosmos et ses cycles d’expansion et de contraction.
– Alors c’est pourquoi quand je médite dans un lieu sacré je me sens éveillée, comme
intégrée avec le tout. Pleine et vide simultanément… – comme dans un miroir je vis
mon guide spirituel qui me regardait en souriant, je savais déjà ce qu’il allait me dire:
– Le cosmos se trouve au sein de votre corps. Votre corps est le temple de toutes les
possibilités. Grâce à lui, vous découvrirez l'extrême subtilité des sens. Ses fonctions
contiennent les rythmes de la création. Le mouvement, le silence et les rythmes de la
respiration vous apprennent à connaître le temporel et comment le transcender pour y
devenir un avec le tout.
Aussi à travers nos dialogues je compris que les courants spirituels comme le
Yoga ou le Tantra ne sont pas des religions en soi. Ils n’appartiennent pas à ce que
l’on appelle le corps de l’Hindouisme (que l’on pourrait décrire comme le cumul de
5
différentes sectes qui auraient trouvé leur héritage dans les grandes traditions émanées
des livres sacrés des Vedas et d’autres sources vernaculaires). Les textes du Yoga ou
du Tantra ont souvent un langage symbolique similaire aux sectes Hindouistes car ils
évoluèrent localement autour des mêmes traditions. Pour le Tantra, les Agamas sont
des versets de connaissances révélés aux maîtres, tout comme les Vedas avaient été
révélés aux rishis une vingtaine de siècles auparavant.
Le courant spirituel de la tradition des temples de Yoginîs avait des liens avec
le Shivaïsme et le Yoga mais surtout il semblerait qu’il aurait trouvé l’inspiration dans
la tradition des Yoginîs du Kaula. Le livre du Kaulajñânanirnaya proclame à la fin de
chaque chapitre être l’essence de la connaissance des Yoginîs. Aussi il est dit dans cet
ouvrage ésotérique que cette connaissance aurait été révélée au maître spirituel
Matsyendranâtha qui avec l’aide des Yoginîs aurait incorporé ces connaissances à
travers les sens. En lisant attentivement ce texte on découvre que plusieurs versets
font le lien avec les temples et les sculptures des Yoginîs.
Le destin me fit le cadeau de pouvoir étudier le Kaulajñânanirnaya. J’eus la
chance de trouver le manuscrit original dans les Archives Nationales à Katmandou.
On m’autorisa à prendre des photos de chaque feuille de palmier du manuscrit. Puis je
trouvai, aussi par hasard, le savant érudit Pandit Satkari Mukhopadhyaya avec qui je
travaillai pendant dix ans à traduire le texte du Kaulajñânanirnaya à l’anglais et à
l’espagnol.
Le panthéon des Yoginîs à travers l'Inde est doté d’une iconographie
symbolique complexe qui diffère d'un groupe de Yoginîs à un autre. Les
caractéristiques et les noms des Yoginîs semblent être apparus comme l'expression
d'un espace-temps spécifique, comme une nécessité d'harmoniser le moi intérieur
avec l'environnement et l'univers entier.
Ce qui différencie le culte des Yoginîs du culte d'une déesse autonome
individuelle est le pouvoir de vibration du groupe. En visitant les temples et en
étudiant les différents textes associés aux Yoginîs je compris que les temples étaient
vus comme source d’énergies qui s'assemblent dans le but de synchroniser et de
renforcer les forces internes du corps humain et de l'Univers. Ceci aurait donné
naissance à un système global d'énergie: le Chakra Yoginîs. Les Yoginîs montraient
le chemin de la Non-dualité, de la Totalité. Probablement les outils utilisés dans le
processus de transformation nettoyaient premièrement le schéma d'idées préconçues
avec des pratiques spirituelles qui favorisent d'extraordinaires facultés (siddhis). Puis,
l’intériorisation et les siddhis aidaient l'adepte à acquérir des états de conscience
supérieurs, à profiter de la vie dans sa totalité, et enfin à atteindre l'état d'Unité.
Souvent le culte des Yoginîs était identifié comme le culte aux « soixantequatre » mais il existe aussi des temples dédiés à quarante-deux ou quatre-vingt-une
Yoginîs. Ces temples se trouvent dans les états de l'Orissa et du Madhya Pradesh. Un
grand nombre de sculptures de Yoginîs se trouvaient aussi en Uttar Pradesh et au
Tamil Nadu.
Les temples de Yoginîs seraient construits dans des endroits isolés. L'opinion
de la docteure Dehejia – qui fait autorité en la matière – dans son livre sur les Yoginîs
était que les temples auraient été construits loin des villes afin d'empêcher des intrus
6
d’assister aux pratiques rituelles parce qu'elles étaient de caractère sexuel ou
comportaient des sacrifices d’animaux. Personnellement, je pense que simplement les
dévots recherchaient le silence et la paix afin d'exercer leurs pratiques spirituelles. Je
peux même imaginer que ces mêmes adeptes diffusèrent les histoires du pouvoir
macabre des Yoginîs pour que les curieux et les non-initiés ne vinrent pas perturber
la sacralité de leurs pratiques.
La fascination des Yoginîs vit encore à l'intérieur des versets codés des textes
sacrés, cachés dans les légendes, dans les sculptures, les sites et les temples. Les
pèlerins tissent leur propre interprétation avec des fils invisibles qui flottent autour
des Yoginîs car elles se manifestent en tant que protectrices, guides spirituels et
complices de l'expérience de la vie.
Yoginîs du temple de Hirapur, à quelques kilomètres de Bubaneshwar
7
Orissa (Odisha)
Temple des Cinq Vârâhîs, Golfe de Bengale, Orissa
Depuis des temps immémoriaux on retrouve l'idée de la divinité créatrice associée à la
fertilité des terres. Selon des écrits d’Ashoka, existait déjà dans les forêts de l’Orissa
le culte du principe féminin sous la forme des arbres et les forêts, elles symbolisaient
la Mère Divine, mère Nature. Encore aujourd’hui, dans les zones tribales, on trouve
des offrandes suspendues aux branches des arbres. Ce sont des noix de coco
enveloppées par un tissu rouge. Partout ailleurs cette offrande est destinée à la déesse
mère, connue sous plusieurs noms mais le plus souvent appelée Devî.
La dynastie Kalinga qui régna au IIIème sicle A.C. dans le territoire de l’Orissa
était louée par son courage pendant qu'elle défendait son territoire contre la puissante
armée du roi Ashoka. Il est dit qu'Ashoka malgré son triomphe fut pris de remords au
regard du carnage qui en résulta. Il décida alors de ne plus continuer avec ses
entreprises belliqueuses et commença à étudier les enseignements du Bouddha pour
retrouver la paix dans son âme et régner selon l’éthique du bouddhisme.
La région d’Orissa a été depuis les premiers siècles de notre ère ouverte
à l’expression religieuse. On ne retrouve plus aucun témoignage des premiers
temples, probablement construits avec des matériaux périssables. Les vestiges les plus
anciens se trouvent dans des lieux sacrées, des grottes comme celles d’Udayagiri et
Khandagiri près de l’actuelle capitale de l’Orissa, Bhubaneshwar, construites par des
moines Jains vers le IIème siècle A.C.
Un grand nombre de temples de la tradition Shivaïte et des différentes sectes
Visnouites fut construit dans le territoire de l’Orissa entre le VIIIème siècle et le XIIème
siècle. Bien que les plus grandes tendances religieuses fussent accueillies en Orissa,
leurs pratiques différaient de celles des autres régions parce qu'elles se mélangeaient
avec les croyances existantes des différentes populations ethniques vernaculaires.
Encore aujourd’hui, de nombreuses de tribus ont réussi à préserver leur identité et
leurs coutumes.
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L’influence de la dévotion à la déesse mère (shaktisme), des croyances
animistes et tribales et le désir certain de contrebalancer le pouvoir de la caste
brahmanique furent un terrain fertile pour l’expansion des différents courants
spirituels sous les auspices du Tantra. On trouve encore à Ratnagiri (du Vème au
XIIIème siècles) des ruines de monastères bouddhistes du Vajrayana Tantra avec
d’innombrables images de Dâkinîs. (Les Dâkinîs aurait un rôle dans le Vajrayana
similaire à celui des Yoginîs dans les traditions Kaula-Tantra). Dans la ville de Jajpur
pas très loin de Ratnagiri on peut admirer d’énormes sculptures de Mâtrikâs1 (les
mères).
Une des cinq Vârâhîs du Temple de Satavaya
Comme partout ailleurs en Inde, les IXème Xème et XIème siècles atteignirent le
climax de l’expression artistique des courants spirituels influencés par le Tantra. Le
témoignage du rôle des femmes en tant que prêtresses ou gurus se trouve encore de
nos jours dans un temple dans la lointaine région tribale de Satavaya, sur les rives du
Golfe du Bengale. Pour y arriver il faut prendre la route depuis Bhubaneshwar
pendant plus de cinq heures, puis traverser une rivière sur un radeau de bambou et
1
Les sept Mâtrikâs sont: Brahmanî, Mâheshvarî, Kaumarî, Vaishnavî, Vârâhî, Indranî et Chamunda.
9
marcher quelques sept kilomètres. Un petit temple aux murs blancs se distingue parmi
les quelques huttes avec le toit de chaume où habite depuis des siècles une tribu de
pêcheurs.
La porte principale ouvre vers un petit vestibule. Les cinq grandes sculptures
de la mystérieuse déesse Vârâhî, datant du IXème ou Xème siècle se trouvent face au
mur qui donne en direction de la mer. Ces sculptures ont le visage du sanglier qui
caractérise cette déesse sur un corps de femme avec de gros seins et le ventre rond.
Elles sont assises dans la position d’enfantement. Entre leurs jambes on voit une
petite image de personnage en position royale ou de grand maître. Dans leurs mains
droites les déesses tiennent un poisson et dans la gauche, un crâne vide en tant que
récipient. On retrouve la déesse à tête de sanglier dans différentes traditions en Inde
(Bouddhisme, Vishnouisme, Shivaïte et Tantriques) et les attributs dans ses mains
varient. Le poisson et le crâne sont des symboles plutôt tantriques. Peut-être parce que
ce temple se trouve dans une région reculée, la tradition des femmes prêtresses qui
existait depuis l’ancienneté a pu survivre. Les hommes ne sont pas admis dans le
sanctus sanatorium car selon la prêtresse « ils n’ont pas la force de contempler les
cinq déesses en même temps ». Lorsque la prêtresse le permet, les hommes peuvent
parfois guigner une à une les sculptures à travers de petits trous dans le mur. Ce
temple est de grande valeur pour les chercheurs pour comprendre le rôle des femmes
dans les siècles de l’âge d’or du Tantra (entre le VIIIème et le XIIème siècles). La
tradition des temples de Yoginîs se développa aussi pendant cette période. Et il est
aussi intéressant de soulever que les enseignements des Yoginîs du Kaula qui se
trouvent dans le texte du Kaulajñananirnaya auraient été transmis à un maître de la
caste des pécheurs.
Vârâhî se trouve souvent dans les temples de Yoginîs et son iconographie
nous aide à commencer à comprendre le mystère des Yoginîs avec la tête d’un animal
à la place d’une tête humane. Vârâhî est la contrepartie féminine de Vârâha, la
troisième incarnation de Vishnou. Vârâha est représenté par un sanglier mais aussi en
tant qu’homme avec la tête d’un sanglier, pour conserver la caractéristique la plus
importante du sanglier qui est son odorat raffiné. Quand le déluge avait recouvert la
terre, guidé par son puissant odorat il retrouva la terre (Bhûdevî) et la ramena à la
superficie. La même histoire me fut contée par la prêtresse du temple des cinq
Vârâhîs. C’étaient précisément ces Vârâhîs qui aux débuts des temps, grâce à leur
odorat, auraient trouvé et récupéré la terre du fond des mers.
Des informations précises sur les cultes ésotériques comme celui des Mâtrikâs,
Vârâhî ou Yoginîs n'existent pas. On finit donc constamment par avoir recours à des
adverbes tels que probablement, éventuellement et peut-être. Usuellement en Inde, les
rois qui patronnaient les divers temples se faisaient un plaisir de graver leurs noms et
dates de construction (comme un témoignage de prestige) dans des stèles devant ou à
coté des temples. Cette pratique n’existe pas dans les temples Yoginîs qui ont survécu
en Orissa ou au Madhya Pradesh. Les historiens datent ces temples par rapport aux
sculptures. Ils comparent leur style avec celui des sculptures dans les temples de dates
connues des régions voisines. Le secret qui entourait les temples de Yoginîs continue
à nous fasciner. Probablement les sculptures de Yoginîs transmettaient des
enseignements ésotériques qui sont insinués dans plusieurs textes tantriques comme
les siddhis (techniques pour obtenir les pouvoirs qui nettoient les négativités – ce
qu’on appelle aujourd’hui le stress).
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L’importance de l’énergie qui génère le groupe des Yoginîs m’a aussi
intriguée. On voit partout en Inde la force des déesses comme Lakshmi qui donnerait
la prospérité, Kali et Châmundâ qui détruisent les démons. Mais d’où viennent les
groupes de divinités? On rencontre des groupes de dieux védiques comme les dieux
régents des points cardinaux, ou les dieux des planètes, puis on trouve aussi les
Mâtrikâs (mères) déjà énoncées dans le Mahabharata (XIIIème - IXème siècles ACE).
Les Mâtrikâs sont elles aussi difficiles à discerner. Elles sont très populaires dans des
temples du Madhya Pradesh et de l’Andra Pradesh, souvent accompagnant des
sculptures du groupe des planètes. En Orissa, les Mâtrikâs (hors Châmundâ) prennent
l’attitude maternelle avec un enfant à leur côté. Est-ce que les Mâtrikâs étaient des
mères protectrices? Ou la représentation de la source de l’énergie des mantras?
Mâtrikâ est aussi le nom des syllabes (lettres) dans l’alphabet sanskrit parce qu’elles
sont l’essence des mots et de la vibration du son des mantras. On voit que les groupes
de divinités ont en eux les énergies pour influencer les êtres humains (les directions,
les planètes, les sons, etc.). Cette influence est aussi présente dans les temples de
Yoginîs ou les énergies circulent par rapport aux conformations. Au Madhya Pradesh
nous trouvons trois différentes formes de temples: ronds, rectangulaires et en croix.
Les deux temples en Orissa, Hirapur et Ranipur Jharial sont ronds.
Dans la thèse pour le doctorat ès lettres présentée par Marie Thérèse de
Mallmann à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Paris
(1962) avec le titre : « Les Enseignements Iconographiques de l’Agni Purana2 », nous
trouvons un chapitre dédié aux soixante-quatre Yoginîs avec une énumération des
temples de Yoginîs en Orissa: Hirapur, Ranipur Jharial et Surâdâ. La description du
temple de Surâdâ semble être une erreur faite par Sir Walter Elliot en rapportant une
histoire racontée par le Général Cambell qui aurait eut lieu en 1853, mais qui décrit
plutôt le temple de Ranipur Jharial. Pour en avoir le cœur net, j’ai visité la région de
Surâdâ de haut en bas sans avoir rencontré aucun temple rond avec plusieurs déesses,
mais il existe un temple qui vénère la Devî sous la forme d’une grande Yoni qui
ressort verticalement d’un rochet. On retrouve dans l’étude du Dr de Mallmann
d’autres erreurs car elle n’a pas pu se rendre dans les lieux et corroborer les données
rapportées par les voyageurs anglais du XIXème siècle. Mais il faut reconnaître qu’elle
a été la première à imaginer une possible relation entre les Yoginîs et les planètes de
notre système solaire. Ceci a été repris par d’autres éminents historiens comme le
suggère l’Agni Purana en associant des cultes solaires et les Mâtrikâs. Le Dr de
Mallmann a écrit: … « mais l’architecture hypèthre est également et surtout en
rapport avec les cultes solaires et astraux… De plus, les Cauñsat3 Yoginî sont à
proprement parler des « haut-lieux », car ils sont toujours situés sur des éminences et
– dans certains d’entre eux – le pavillon central est encore surélevé par rapport au
cloître environnant. Le Sîva4 ou le Linga5, qui occupe le centre, est donc amené à
jouer symboliquement le rôle du Gnomon au centre su Cadran solaire. »6
2
Dans l’Agni Purana qui décrit la façon de construire correctement les temples traditionnels ainsi que la façon
dont doivent être sculptées les divinités. Dans ce texte les mystérieuses soixante-quatre Yoginîs figurent seulement
à deux reprises mais n’ayant pas plusieurs sources d’information, les historiens cherchent à faire correspondre ces
recherches avec le texte.
3
Soixante-quatre
4 Shiva
5
L’Agni Purana parle du Linga entouré par des Mâtrikâs.
6
Le Dr Heinrich von Stietencron reprend cette idée dans son papier Cosmographoic buildings of India, The circle
of the Yoginîs. Il élabore des théories très intéressantes mais semble aussi avoir quelques confusions par rapport
aux nombres de Yoginîs et Bhairavas dans le temple de Hirapur et il a aussi imaginé une quatrième tête pour le
11
Hirapur
Temple de soixante quatre Yoginîs
(Fin du IXème siècle)
Ce petit temple à quelques kilomètres de Bhubaneshwar recèle soixante-trois
magnifiques sculptures de Yoginîs, soixante au long du mur intérieur et trois dans les
niches de l’autel. Une niche est vide. Puis, il a quatre sculptures de Bhairava.
Les autres temples de Yoginîs à ciel ouvert (Ranipur Jharial, Mitauli, Dudhai,
Bheraghat, Khajuraho et Baratsaderi) n’ont pas de sculptures à l’extérieur mais à
Hirapur on retrouve neuf déesses protectrices. Aussi à l’entrée se tiennent deux
gardiens et dans le petit couloir qui donne accès au cercle du temple, on rencontre
deux vetâlas (des personnages masculins moitié mort - moitié vivants). Le temple de
Hirapur a la forme d’une Yoni, le symbole de la vulve divine. Peut-être ces images
protègent de cette Yoni sacrée, remplie du pouvoir secret des énergies des Yoginîs et
des quatre Bhairavas?
Bhairava accompagne souvent les temples dédiés à la Devî. Bhairava est
l’aspect redoutable de Shiva qui est déjà un dieu plutôt «sauvage », vêtu avec la peau
d’un tigre et armé d’un trident. Une des différences dans l’iconographie entre Shiva et
Shiva de Ranipur Jharial. Dans le temple de Hirapur il y a quatre Bhairavas (il n’y en a pas huit) et le Shiva de
Ranipur Jharial a seulement trois têtes et il n’y a pas des traces qu’il y en aurait eu une quatrième.
12
Bhairava est le bâton orné d’un crâne que ce dernier porte souvent dans l’une de ses
mains et son phallus, toujours en érection. En Orissa il est aussi représenté en étant
debout sur une seule jambe, pour indiquer sa faculté à tourner pour voir tout ce qui
l’entoure, sans jamais perdre son centre. Au Rajasthan et au Madhya Pradesh il est
souvent en compagnie de son chien, Ruru. Dans le temple de Hirapur, dans les niches
des quatre murs de l’autel il y a trois Bhairavas, assis en position confortable, comme
des rois (en lalita asana) sur un corps inerte (preta) qui représente la mort d’un démon
qu’il a annihilé. Le quatrième Bhairava est debout sur une seule jambe. Dans toutes
les quatre sculptures il apparait avec le phallus erectus. 7
Les sculptures sont petites (quelques 30 centimètres de hauteur) et raffinées
dans leurs détails. Elles n’ont pas de noms inscrits ce qui ouvre la porte à
d’innombrables spéculations. Une des Yoginîs semble être légèrement plus grande et
les brahmines du village qui se sont approprié le temple, l’appellent Mahâmâya. Il
semblerait que ces prêtres sachent seulement vénérer une seule divinité et sans
considération, laissent les déchets issus des cérémonies devant les autres sculptures de
Yoginîs. Quand on a l’opportunité de rester seul à l’intérieur et on se donne le temps
d’analyser l’iconographie des magnifiques Yoginîs, on découvre des informations
captivantes. Je vous encourage à découvrir sur youtube la vidéo d’un remarquable
exposé réalisé par le professeur Shaman Hatley, Mapping the Goddesses’ : Powers in
Text and Image. Parmi les nombreuses référencés à des textes, Dr. Hatley décrit les
Yoginîs comme des forces cosmogoniques, spécialistes pour donner la victoire dans
les guerres, protectrices et enseignantes des connaissances ésotériques du Tantra..
Mais les plus intéressantes références sont à l’égard de la possibilité d’un rapport
entre les iconographies des Yoginîs de Hirapur et le groupe des signes du zodiaque
ainsi que celui de planètes. Ceci serait une piste importante sur la création ou
l’évolution des groupes de Yoginîs. Comme signalé dans l’introduction, elles
pourraient provenir des groupes d’énergies connus depuis les temps védiques comme
celui des planètes ou du zodiaque. En Inde on tient comme un facteur crucial le transit
des planètes dans les signes du zodiaque car ceci forgerait le destin de humains. Mais
dans le texte du Kaulajñananirnaya (qui proclame être l’essence de la connaissance
des Yoginîs) il est dit que grâce aux techniques spéciales (siddhis) des Yoginîs, on
s’établit dans l’énergie divine pour ainsi transcender les calamités ou les influences
des conjonctions planétaires.8 En analysant les sculptures des Yoginîs en question, on
voit aussi qu’elles montrent un commandement certain sur les planètes ou sur les
signes du zodiaque. C’est-à-dire que si on réalise dans notre corps l’énergie des
Yoginîs on devient l’architecte de notre propre destin, du moins obtiendrait-on la
connaissance de la manière de gérer les inconvénients.
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8
Plusieurs clips ont été faits au temple de Hirapur. (Youtube: Yoginî temples of India)
Mukhopadhyaya, Dupuis, The Kaulajñananirnaya, chapitre XXIII.
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RANIPUR JHARIAL
(Fin IXème siècle)
Temple de Yoginîs de Ranipur Jharial
Le second temple dédié aux Yoginîs dans l'état de l'Orissa est situé à l'ouest, proche
de l'état du Chhattisgarh. Le site de Ranipur Jharial semble avoir été construit dans un
pays imaginaire, puis oublié.
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Dans des manuscrits anciens, Ranipur Jharial était connu sous le nom de "Soma Tirtha".
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Loin de toute zone urbaine, battu par les vents, le temple circulaire à ciel
ouvert, dédié aux Yoginîs, apparaît discrètement sur une élévation rocheuse ceinturée
par un étang naturel. Bien que ses dimensions soient presque deux fois celles du
temple d'Hirapur, sa structure s'intègre à la surface de la colline rocheuse en le
rendant presque invisible. Pas très loin du sanctuaire des Yoginîs se trouvent les
vestiges d’autres temples traditionnels.
Actuellement à Ranipur Jharial les esprits libres des Yoginîs, ces danseuses
éthérées, se trouvent protégées derrière les barreaux. Malgré cet obstacle visuel,
l’énergie du temple est magique et inspire tant le recueillement comme la danse et
l’expression de la joie. Les Yoginîs de Ranipur Jharial sont représentées dans la
position initiale de toutes les danses traditionnelles en Inde.
Les sculptures du temple de Ranipur Jharial peuvent nous amener à penser que
le temple est beaucoup plus ancien que celui d'Hirapur. Cependant, certains historiens
les datent de la même époque (fin du IXème siècle).
La décoloration de la pierre des sculptures et l’érosion sont attribuées à la
qualité de la pierre d’origine locale qui n’a pas bien résisté au passage du temps, des
vents, de la pluie des moussons et du brûlant soleil des mois de sècheresse.
Intérieur du Temple de Yoginîs de Ranipur Jharial
Dans le centre du temple circulaire se dresse un autel avec une sculpture de
Shiva à trois faces avec le phallus erectus. Ganesha (son fils à tête d’éléphant) et
Nandi (son véhicule) l'accompagnent à la base de la sculpture. Bien qu’il a une taille
plus importante que celle des Yoginîs, il est aussi en position d'engager la danse. Il
tient dans les airs la peau du démon éléphant qu’il vient de tuer. Shiva en tant que
tueur d’éléphant est connu sous le nom de Gajâsurasamhara.
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Cette représentation est symbole du
pouvoir effrayant de Shiva qui selon la
légende aurait tué le démon Gajasura
qui terrorisait les dévots du linga (le
symbole par excellence de Shiva).
Dans les images de Shiva en tant que
Gajâsurasamhara il apparaît engagé
dans une danse frénétique. Plusieurs
érudits appellent cette image centrale
du temple de Ranipur Jharial « ShivaBhairava » mais en réalité avec
Ganesha et Nandi à ses pieds et en
brandissant la peau du démon
Gajâsura,
il
est
bien
Shiva
Gajâsurasamhara.
Shiva Gajâsurasamhara
A l'origine, la porte d'entrée du temple était face au sud. Elle a été
soigneusement recouverte et remplacée par une ouverture face à l'est. A l'extérieur sur
le grand rocher on trouve divers petits temples construits face à face. Les premiers
d'entre eux à être construits étaient très probablement orientés dans une direction
Nord-Sud (relative à la première porte du temple) tandis que plus loin se trouvent les
autres orientés Est-Ouest, ce qui suggère que ces temples-niches avaient un rôle à
jouer avec les cérémonies de pré-initiation du culte.
Comme indiqué précédemment, sur l'immense roche et dans les environs du
temple de Ranipur Jharial, on trouve des ruines de sanctuaires de différentes sectes,
mais il ne reste pas de ruines des habitations. Tous les signes indiquent que ce site
serein et isolé a été pendant plusieurs siècles un important centre de pèlerinage
religieux. Une inscription dans le temple voisin Somesvar, situé au bord de l’eau,
déclare que quiconque se baigne dans les eaux sacrées de l’étang sera libre de tout
Karma.
D’un des côtés de la grande plateforme rocheuse se dresse sur une grande
pierre sur laquelle il y a d’un côté une sculpture de Châmundâ et, de l’autre, les
Mâtrikâs (Mères). Nous trouvons souvent les Mâtrikâs sculptées sur un panneau
rectangulaire précédées par Shiva jouant la Vînâ, mais dans le cas de cette
représentation, les Mâtrikâs sont précédées par un Bhairava se tenant sur une jambe
(Eka-Pada Bhairava). Tous ces détails nous indiquent que dans l’Orissa le culte aux
Mâtrikâs, Yoginîs, Bhairava ou Shiva étaient influencés par les croyances locales.
Le site solitaire de Ranipur Jharial vaut le détour. Chaque Yoginî, chaque
ruine nous rappelle qu’on se trouve dans un lieu sacré. A Ranipur Jharial on risque de
commencer à vibrer en harmonie avec toutes les énergies du micro cosmos (notre
corps) et celles du macro cosmos (l’Univers) et d’expérimenter la « connaissance
totale», la « non dualité ».
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Je reprends un commentaire de l’étude du Dr Marie Thérèse de Mallmann10
concernant les légendes sur les temples de Yoginîs: « on abandonne leurs temples
parce qu’on les redoute: mais si prenant refuge dans leur sanctuaire, on leur fait
confiance, elles manifestent généreusement leur satisfaction ».
Retrouvez plein d’infos pratiques sur les villes proches des temples, les différents
itinéraires possibles, les hôtels, les chauffeurs de taxi et bien plus sur le blog de mon
site internet www.stelladupuisbooks.com
Yoginî du Temple de Hirapur
10
Thèse pour le doctorat ès lettres présentée par Marie Thérèse de Mallmann à la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines de l’Université de Paris (1962) avec le titre : « Les Enseignements Iconographiques
de l’Agni Purana ».
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