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Droit de l’environnement (entrée Dico PUF)

Entrée « Droit de l’environnement » publiée dans le Dictionnaire de la pensée écologique dirigé par Dominique Bourg (PUF, 2015, pp. 290-292).

Julien Bétaille, « Droit de l’environnement », in Dictionnaire de la pensée écologique, dir. Dominique Bourg, PUF, 2015, pp. 290-292. DROIT DE L’ENVIRONNEMENT Le droit de l’environnement est récent. Sa formation est globalement concomitante à la prise de conscience des enjeux écologiques. Aux préoccupations hygiénistes du 19e siècle a succédé, principalement à partir des années soixante-dix, l’idée que l’environnement doit être protégé parce qu’il est une condition de la vie de l’Homme sur terre. Définition Si le droit de l’environnement dispose d’un objet – l’environnement –, il poursuit surtout un objectif : la protection de l’environnement. Définition matérielle – Le droit de l’environnement est d’abord celui qui adopte l’environnement pour objet, c’est-à-dire, selon le dictionnaire Larousse, l’« ensemble des éléments objectifs (qualité de l'air, bruit, etc.) et subjectifs (beauté d'un paysage, qualité d'un site, etc.) constituant le cadre de vie d'un individu ». Ce type de définition, purement matériel, bute immédiatement sur une difficulté, celle de circonscrire avec précision l’environnement. Surtout, elle conduit à inclure des règles dont l’objectif n’est pas la protection de l’environnement. Définition finaliste – Est plus communément privilégiée une approche fondée sur l’objectif de ce droit, la protection de l’environnement. Il n’a pas seulement pour objet l’environnement, mais la protection de ce dernier. Michel Prieur considère ainsi qu’il s’agit du droit « qui par son contenu contribue à la santé publique et au maintien des équilibres écologiques, c’est un droit pour l’amélioration progressive de l’environnement ». L’ambition de cette finalité n’est rien de moins que de préserver l’existence de l’Humanité. Le droit de l’environnement peut ainsi être défini comme l’ensemble des règles juridiques qui ont pour finalité la protection de l’environnement et, par ce biais, celle de l’Humanité. Néanmoins, la définition finaliste ne peut pas totalement s’abstraire d’une définition de son objet, l’environnement. On s’accorde cependant pour considérer que le droit de l’environnement comporte, outre un corpus de règles générales découlant de ses principes généraux, le droit de la nature et de la biodiversité d’une part, et le droit des pollutions et des nuisances d’autre part. D’autres domaines tels que l’environnement urbain, rural ou culturel prêtent davantage à débats. Pour autant, même si certaines de ces règles ne figurent pas dans le code de l’environnement, elles peuvent avoir pour objectif la protection de l’environnement. Ainsi, le droit de l’environnement est, par nature, une matière transversale, guidée par le principe d’intégration de l’environnement dans l’ensemble des politiques publiques. Caractères Le droit de l’environnement est avant tout caractérisé par son imprégnation scientifique. A bien des égards, il est fondé sur l’écologie, s’appropriant bon nombre de notions qui, à l’origine, étaient purement scientifiques. L’expertise joue un rôle considérable dans la vie du droit de l’environnement, aussi bien au stade de son élaboration en ce qu’elle permet 1 l’identification des problèmes environnementaux, qu’à celui de son application en permettant l’évaluation de l’impact des décisions sur l’environnement ou celle des préjudices écologiques. Le droit de l’environnement est aussi un droit carrefour au sein des disciplines juridiques. Par nature, il est aussi bien global que local et mobilise des règles issues de tous les ordres juridiques, international, européens ou internes. En témoignent les innombrables traités internationaux et directives européennes régissant l’environnement. En outre, si la protection de l’environnement est d’intérêt général, ce qui a pour effet de rattacher principalement le droit de l’environnement au droit public, celui-ci a aussi largement recours aux droits pénal et civil. Le droit de l’environnement est ensuite un droit réactif. Les catastrophes écologiques qui se sont succédé ont été autant de coup d’accélérateurs donnés à la formation d’un corpus de règles protégeant l’environnement. Néanmoins, au caractère désordonné de réactions ponctuelles s’ajoutent des cadres plus généraux, notamment à travers l’édiction de principes généraux, la formalisation d’un code de l’environnement ou encore la constitutionnalisation de droits environnementaux. Ces derniers éléments en font un droit mature. Le droit de l’environnement est enfin un droit anthropocentré. L’environnement n’est pas juridiquement protégé pour lui-même, mais parce qu’il existe une interdépendance Homme/environnement. C’est du moins la direction donnée par la Charte constitutionnelle de l’environnement lorsque son préambule proclame que « l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ». Fondamentalisation A partir des années soixante-dix, l’émergence du droit de l’environnement s’opère autour de grands principes. Si la Déclaration de Stockholm de 1972 proclame un droit fondamental à l’environnement, vingt ans plus tard, celle de Rio énonce des principes voués à devenir l’ossature du droit de l’environnement. La même année, le traité de Maastricht consacre certains de ces principes. En France, la loi du 2 février 1995 énonce tout à la fois le droit à l’environnement et les principes de précaution, de prévention, du pollueur-payeur et de participation du public. Règne alors une hésitation entre principes généraux et droits fondamentaux. Le mouvement de fondamentalisation des principes du droit de l’environnement est principalement amorcé à partir des années quatre-vingt-dix sous l’impulsion de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH). En France, la Charte de l’environnement, intégrée à la Constitution en 2005, reconnaît clairement le droit fondamental à l’environnement. Placé en tête de la Charte, le droit à l’environnement devient la clef de voute du droit de l’environnement, à laquelle viennent s’arrimer un ensemble d’autres droits et devoirs reprenant les grands principes du droit de l’environnement. Volet substantiel du droit à l’environnement – Tel un jeu de miroirs, le droit à l’environnement implique d’abord un ensemble d’obligations de fond. Ce volet substantiel regroupe ainsi, à l’instar de la Charte de l’environnement, l’obligation pour chacun de protéger l’environnement – c’est la contrepartie du droit de vivre dans un environnement sain –, celles de prévenir et de réparer les atteintes à l’environnement, tout comme celle de prendre des mesures de précaution. Ce lien entre droit d’une part et devoirs/obligations d’autre part est fréquemment mis à profit par la Cour EDH (v. 27 janv. 2009, Tatar c. Roumanie) 2 Volet procédural du droit à l’environnement – L’article 1er de la Convention d’Aarhus de 1998 énonce qu’« afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bienêtre, chaque Partie garantit les droits d'accès à l'information sur l'environnement, de participation du public au processus décisionnel et d'accès à la justice en matière d'environnement ». Ces droits procéduraux sont donc des conditions de la jouissance d’un droit à un environnement sain. En effet, sans le droit d’obtenir des informations relatives à l’environnement, il est vain d’envisager de le protéger effectivement. De même, le droit de participer à l’élaboration des décisions environnementales permet à chacun d’œuvrer en faveur de la protection de l’environnement et le droit d’accéder à la justice permet de faire respecter le droit de l’environnement. Instruments Le droit de l’environnement mobilise une grande variété d’instruments juridiques. Outre l’utilisation du contrat – dont l’objectif est de recueillir l’adhésion des destinataires de la règle – il a pu être opposé les instruments marqués par l’unilatéralité qui visent à imposer (command and control) et ceux qui s’inspirent du marché, soit pour reproduire son fonctionnement, soit dans le but de l’influencer (market based approach). Command and control – Le droit de l’environnement est formé de polices administratives. Il s’agit, préalablement à l’exercice de telle ou telle activité pouvant avoir des conséquences sur l’environnement, d’imposer l’obtention d’une autorisation administrative. Celle-ci détermine des seuils et objectifs de qualité (command) et s’accompagne de sanctions en cas de nonrespect (control). L’utilisation de ce type d’instrument fait partie de l’ADN du droit de l’environnement, principalement depuis le décret impérial du 15 octobre 1810 relatif aux manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode. Deux autres types d’instruments relèvent également d’une logique d’unilatéralité : la planification, envisagée comme un moyen de prévention des atteintes à l’environnement, et l’appropriation publique à des fins environnementales (droit de préemption et expropriation), par exemple par l’intermédiaire du conservatoire du littoral. Market based approach – Les instruments inspirés du marché visent à inciter à la protection de l’environnement en limitant les externalités négatives des activités économiques. S’inspirant respectivement des théories économiques de Pigou et de Coase, il est possible de distinguer d’une part les instruments qui agissent sur les prix et ceux régulant les quantités d’autre part. Concernant les premiers, le droit organise des aides publiques – tel l’obligation de rachat de l’électricité d’origine renouvelable à un prix supérieur à celui du marché – et des instruments fiscaux, par exemple la taxe générale sur les activités polluantes. Les seconds, traditionnellement moins répandus en France qu’aux Etats-Unis, sont venus sur le devant de la scène avec la mise en place, dans le sillage du Protocole de Kyoto, d’un marché d’échange de quotas d’émission de CO2. Application L’application du droit de l’environnement est souvent jugée insuffisante. Pour autant, il comporte un large éventail de sanctions, directes ou indirectes. Les sanctions pénales et administratives pullulent et la réparation civile fait aussi office de sanction pécuniaire, d’autant plus que le préjudice écologique pur est désormais indemnisé par le juge civil. Néanmoins, non seulement la volonté politique manque souvent pour faire jouer à plein le 3 dispositif répressif, mais l’effectivité du droit de l’environnement est aussi pénalisée par d’autres facteurs. Non régression Le droit de l’environnement est parfois le théâtre de retours en arrière, notamment lorsque l’écologie est perçue comme un obstacle au développement. Les intérêts économiques immédiats priment alors la perspective de long terme dont est porteur le droit de l’environnement. Face à cette situation, Michel Prieur propose de reconnaître le principe de non régression du droit de l’environnement. Il s’agit de faire perdurer l’idée d’une progression continuelle de la protection et de contraindre le législateur à ne pas l’affaiblir. Cette idée peut apparaître contraire au principe issu du préambule de la Constitution de 1793 selon lequel « une génération ne peut assujettir à ses lois une génération suivante ». Il n’en est rien. Le droit de l’environnement est en effet porteur d’une équité intergénérationnelle. C’est l’absence de protection de l’environnement qui est susceptible de réduire les choix offerts aux générations suivantes, induisant ainsi un assujettissement. Ainsi est-il possible d’affirmer, avec Michel Prieur, que « sauvegarder les acquis du droit de l’environnement, ce n’est pas un repli sur le passé, c’est au contraire une assurance sur l’avenir ». BIBLIOGRAPHIE Droit et environnement, Pouvoirs, n° 127, Seuil, 2008. – DESPAX M., Droit de l’environnement, Litec, 1980. – NAIM GESBERT E. Droit général de l’environnement, 2ème éd., LexisNexis, Paris, 2014. – OST F., La nature hors la loi, La Découverte, Paris, 1995. – PRIEUR M., Droit de l’environnement, 6ème éd., Dalloz, 2011. – VAN LANG A., Droit de l’environnement, 3ème éd., PUF, 2011. Julien BÉTAILLE, Maître de conférences à l’Université Toulouse 1 Capitole. Charte de l’environnement – Droit à un environnement sain – Droits fondamentaux et environnement – Etude d’impact – Nature (Sujet de droit) – Principe de précaution (droit) – Principes du droit de l’environnement 4