CRAI 2016, I (janvier-mars), p. 9-32
NOTE D’INFORMATION
patrimoine de syrie : mosaïque d’église à sujet historié,
par mme widad khoury,
avec un appendice épigraphique,
par m. denis feissel, correspondant français de l’académie
1. Introduction
Signalée sur le site de la Direction générale des antiquités et des
musées de Syrie, qui a accordé à l’auteur le droit de publication scien
tifique, cette mosaïque présente un témoignage rare de la richesse du
patrimoine syrien1. En effet, ce pavement a été dégagé en 2013 lors
d’une fouille clandestine dans le Mohafazat d’Idlib. Le lieu de la
découverte n’a pas été identifié avec précision2, mais correspond de
toute façon à une localité antique du territoire d’Antioche (fig. 1).
Il s’agit d’une représentation du roi David inconnue jusqu’alors
dans les synagogues de tradition hellénistique et plus encore dans
les églises paléochrétiennes mises au jour au Proche-Orient3. De
façon générale, des représentations de personnages bibliques se
rencontrent dans les églises paléochrétiennes, mais en petit nombre4.
Ce sont les fresques de la synagogue de Doura-Europos, ville
située sur le cours moyen de l’Euphrate, qui présentent, de ce
1. L’auteur remercie la Direction générale des antiquités et des musées et son directeur général
le Dr Mamoum Abd el-Karim d’avoir encouragé la recherche en cours et accordé l’autorisation de
publication.
2. À notre avis, l’emplacement du tapis reste non identifié malgré les deux propositions émises.
Au début, on pensait à la plaine au nord d’Idlib qui s’étend jusqu’à Batabu, aire de circulation de
l’inspectrice qui a communiqué le document au Service des antiquités d’Idlib et qui est décédée de
mort violente. Plus tard, la photo réapparaît en tant que pavement repéré à Zarzour dans le Jebel
Wastani. Reconstituer les circonstances du dégagement et identifier précisément le lieu de la
découverte nous semble impossible.
3. Nos remerciements sincères s’adressent aussi aux professeurs Jean-Pierre Sodini, Catherine
Jolivet-Lévy, Dominique Briquel, ainsi qu’à Françoise Briquel Chatonnet et Arnaud Sérandour pour
m’avoir fait bénéficier de leurs conseils tout au long de ce travail. Je remercie Vincent Déroche et
Dominique Pieri de m’avoir accueillie dans l’équipe « Monde Byzantin » de l’UMR 8167 « Orient
& Méditerranée ».
4. Sur les pavements syriens, la figure la plus marquante est celle d’Adam évoquant le Christ en
majesté représentée sur une mosaïque à Huwarté et sur une mosaïque à Hama.
10 comptes rendus de l’académie des inscriptions
Fig. 1. – La Méditerranée orientale avec les principaux lieux cités.
point de vue, un exemple isolé et exceptionnel. Datées de 244-245
et conservées au musée national de Damas5, ces scènes multiples
représentent plusieurs personnages bibliques, exécutés avec une
méticulosité et un savoir-faire inédits. On y retrouve les scènes
bibliques les plus anciennes dont celle de l’onction de David, futur
jeune roi, par Samuel en présence de ses frères (fig. 2) et la bataille
entre les Hébreux et les Philistins (fig. 3). Mais, jusqu’à ce jour,
ce programme iconographique se limite à une tradition technique
locale, dont on ne retrouve pas d’autre exemple parmi les synagogues
connues.
Plus tard, au ve siècle, l’iconographie avec des personnages
bibliques réapparaît sur les pavements des synagogues des milieux
juifs hellénisés. Le personnage même de David y est peu représenté,
les deux exemples connus le figurent en poète, une lyre à la main
(1 Sam 16, 236) à l’exemple des pavements de Gaza (fig. 4) et
5. Reproduction des tableaux de la peinture murale de Doura (W. Khoury).
6. Bible hébraïque : Traduction œcuménique de la Bible (TOB), Paris, 2010, p. 352.
patrimoine de syrie : mosaïque d’église à sujet historié 11
Fig. 2. – Onction de David par Samuel, musée de Damas (adapté par Marsyas,
Gill/Gillerman slides collection [Yale], via Wikimedia Commons).
Fig. 3. – Bataille entre Hébreux et Philistins, musée de Damas (adapté par
Marsyas, Gill/Gillerman slides collection [Yale], via Wikimedia Commons).
de Marus-Meroth (fig. 5)7. Ils s’inscrivent à côté d’autres dont le
sacrifice d’Abraham (Gen 22, 1-18), déjà attesté sur les fresques
de la synagogue de Doura-Europos, et qui apparaît aussi sur les
7. R. Hachlili, Ancient Synagogues – Archaeology and Art: New Discoveries and Current
Research, Handbuch der Orientalistik 105, Leyde-Boston, 2013, fig. VIII-14-15, p. 417-418.
12
comptes rendus de l’académie des inscriptions
Fig. 4. – « David à la lyre » du pavement de Gaza. Fig. 5. – « David à la lyre » du pavement de Marus-Maroth.
patrimoine de syrie : mosaïque d’église à sujet historié 13
Fig. 6. – « Abraham » de la mosaïque de Beth Alpha.
Fig. 7. – « Samson » de la mosaïque de Huqoq.
mosaïques de Beth Alpha8 (fig. 6). Samson également est représenté
sur une mosaïque de Huqoq9 portant sur les épaules la porte de la
ville de Gaza (fig. 7), illustrant le récit du livre des Juges 16,1-3,
qui relate son exploit d’avoir détruit le temple de Dagon, dieu des
8. Ibid., p. 256-258.
9. Ibid., p. 411-412.
14 comptes rendus de l’académie des inscriptions
Philistins, et sa mort. Ce héros biblique devient ainsi le symbole
du triomphe de Dieu sur ses ennemis. Signalons en passant qu’en
plus des personnages bibliques apparaît Hélios entouré de figures de
tradition gréco-romaine occupant le registre central des pavements
des synagogues et de Beth Alpha10 (fig. 6) et de Hamat-Tibérias
(fig. 8)11. Ces représentations connues jusqu’à présent se bornent à
un épisode ou à un détail de récit biblique ou mythologique.
Le pavement que nous présentons ici (fig. 9) combine au contraire
plusieurs scènes qui illustrent le triomphe de David sur Goliath,
annonçant l’accession de David à la royauté.
Le texte biblique rapporte que lors d’une bataille contre les
Hébreux, les Philistins s’emparent de l’arche d’alliance de Yahvé,
le dieu des Hébreux (1 Sam 4)12. Entre-temps le dieu des Hébreux
retire à Saül son esprit et le reporte sur David qu’il fait oindre par
le prophète Samuel comme futur roi des Hébreux (1 Sam 16, 1-13).
David promet à Saül, roi des Hébreux, de tuer Goliath, le champion
philistin, en un combat singulier (1 Sam 17, 32-37). David lance
une pierre avec sa fronde, assomme son adversaire et le décapite
(1 Sam 17, 48-50). Il devient un héros, acclamé par les femmes des
villes et les Hébreux (1 Sam 18, 1-7). Plus tard, il ramènera l’arche
à Jérusalem (2 Sam 6).
2. Description
Cette nouvelle représentation de David, dans une église, est à
ce jour la seule narration complexe d’un événement biblique. Son
caractère unique, la diversité des scènes et le contexte où elle se
trouve justifient l’intérêt scientifique de la DGAM de Syrie et son
souhait de sauvegarder ce pavement à travers cette publication.
Inscrit dans un pavement de mosaïque d’environ 6 m sur 4, le
tableau doit mesurer à peu près 4,80 m de long sur 2,60 m de large13.
Les tesselles en calcaire sont de taille moyenne dans les tons de
rouge brique, de gris, de jaune et de vert.
10. Ibid., p. 271-275, fig. VII-7, VIII-1b.
11. Ibid., fig. IV-5, 5a, V-28, p. 350-352.
12. Bible hébraïque : TOB, op. cit. (n. 6), p. 338, 351, 353-354, 374-375.
13. En y ajoutant les surfaces encore couvertes de terre laissant toutefois visibles les surfaces de
la suite de l’inscription et du fond en tesselles claires autour de la bordure.
PAtRIMOINE DE SyRIE : MOSAïqUE D’éGLISE À SUJEt HIStORIé 15
Fig. 8. – « Hélios » de la mosaïque de Hamat-tibérias.
Fig. 9. – Ensemble du nouveau pavement dégagé.
16 COMPtES RENDUS DE L’ACADéMIE DES INSCRIPtIONS
Fig. 10. – Inscription grecque hors cadre du tableau (de David ?).
Le dégagement accompli n’offre pas d’indication sur le contexte
architectural auquel il appartient, ni sur l’orientation de la scène
principale. L’unique information assurée est donnée par une inscrip-
tion grecque hors champ, qui s’étend le long du cadre sur la partie
supérieure de l’espace dégagé (fig. 10). Cette inscription de dédi
cace, mutilée, se limite aux mots suivants14 : « sous théodore le
très dévot périodeute, au mois de Daisios » (c’est-à-dire au mois de
juin). Les chiffres de la date annuelle sont perdus, ce qui nous prive
d’une datation plus précise. Toutefois l’écriture soignée de la dédi
cace, avec notamment les formes ovales du thêta et de l’omicron,
ne saurait être antérieure au vie siècle et conviendrait tout aussi bien
aux premières décennies du viie siècle. D’autre part, la mention, en
tant que commanditaire du pavement, d’un périodeute (autrement dit
d’un visiteur ecclésiastique, dépendant en l’occurrence de l’évêque
d’Antioche) montre à n’en pas douter l’appartenance du pavement
à un édifice de culte. La largeur du tableau pourrait correspondre à
celle d’une nef centrale ou d’une chapelle.
La scène est ceinte d’une bordure de 40 cm de large où, sur un
fond rouge brique foncé, alternent motifs circulaires et carrés sur
la pointe, attestés dans la région au vie et au début du viie siècle.
Une file de fleurons trifides de tesselles blanches (évoquant des lys),
disposés de part et d’autre des carrés sur la pointe, convergent vers
les motifs circulaires.
De droite à gauche, on reconnaît le roi Saül, inquiet, puis Goliath
défié par David, enfin David vainqueur de Goliath. Deux autres
éléments du récit sont dépourvus de légendes inscrites : la représen-
tation de l’arche d’alliance, en bas à droite, les femmes acclamant
David, en haut à gauche.
14. Appendice, p. 31, texte 1.
PAtRIMOINE DE SyRIE : MOSAïqUE D’éGLISE À SUJEt HIStORIé 17
Fig. 11. – Saül et la muraille de Jérusalem.
Passons ces scènes en revue dans l’ordre chronologique. On
reconnaît, en haut à droite, une muraille de ville percée d’une porte
monumentale et dotée de plusieurs tours. En haut de la muraille
apparaît Saül (fig. 11). C’est un personnage majestueux, portant
une couronne et visible de face à micorps audessus de la muraille.
Il tend la main droite en s’adressant à deux personnages barbus
qui représentent les Hébreux. De part et d’autre de la tête du roi,
une inscription grecque explique la scène : « (voici) Saül disant :
qu’allons-nous faire ? »15.
Audessous de cette scène, dans l’angle inférieur droit du tableau,
se trouve un édicule dont la toiture est à double pente (fig. 12a),
image renvoyant à l’iconographie de l’arche d’alliance au sein d’un
temple16. En façade on distingue la porte avec rideau que l’on re
trouve sur d’autres représentations comme à Beth Shean (fig. 12b) et
Hamat-tibérias (fig. 12c). Il est posé sur un socle ou podium à trois
gradins élevés. Sa façade surmontée d’un fronton triangulaire est
percée d’une porte ouverte et partiellement protégée par un rideau
15. Appendice, p. 32, texte 2. Comparer 1 Sam 17, 26 ; pour la traduction française du texte
hébreu, voir TOB, op. cit. (n. 6), p. 353 ; voir aussi la traduction française de la version grecque
(LXX 1 Rg 17, 26), dans B. Grillet, M. Lestienne, Premier livre des Règnes, Bible d’Alexandrie 9.1,
Paris, 1997, p. 301.
16. R. Hachlili., « Shrine and Ark in Ancient Synagogues. A re-evaluation », Zeitschrift des
deutschen Palästina-Vereins 116, 2000, p. 146-183, notamment p. 182-183.
18 COMPtES RENDUS DE L’ACADéMIE DES INSCRIPtIONS
Fig. 12. – édicules a. de la mosaïque de David ; b. de celle de
Beth Shean (cliché fourni par lʼauteur) ; c. de celle de Hamat-tibérias.
central dont la partie inférieure est retenue par une embrasse. Le
long côté de l’édicule est percé d’une fenêtre arquée, ouverte, dans
laquelle apparaît l’extrémité du couvercle d’un coffre en forme de
sarcophage. Nous avons là une représentation architecturale du sanc-
tuaire de l’Arche, qui identifie la ville à Jérusalem, conformément au
texte de 1 Sam 17, 54 (en grec comme en hébreu) : « David prit la tête
du Philistin (LXX : de l’étranger) et l’apporta à Jérusalem. » Dans
le texte biblique comme dans la mosaïque, l’allusion à Jérusalem
évoque la future conquête de la ville par David, puis l’installation de
l’arche d’alliance auprès du palais royal (2 Sam 6)17.
La mosaïque représente Goliath à deux reprises, avant et après le
combat. Il est d’abord figuré debout dans son harnachement mili-
taire. Audessus du personnage, l’inscription grecque indique le titre
de l’épisode18 : « Goliath menacé » (fig. 13), autrement dit méprisant
les menaces de David. Sa tête est coiffée d’un casque métallique
pointu qui lui couvre la nuque et lui protège les oreilles. Il est revêtu
d’un habit de couleur rouge brique foncée aux manches brodées et
porte pardessus une cuirasse faite de lanières métalliques. Il porte
des jambières le protégeant jusqu’aux genoux. Sa main droite tient
une longue lance sous laquelle apparaît une grande épée. Sa main
gauche porte un bouclier rond. Ces détails correspondent au texte de
la Septante (1 Règnes 17, 45) : « tu viens vers moi avec une épée,
une lance et avec un bouclier19. » Ils diffèrent légèrement du texte de
la Bible hébraïque où un javelot est mentionné à la place du bouclier.
17. TOB, op. cit. (n. 6), p. 374-375.
18. Appendice, p. 32, texte 3.
19. B. Grillet, M. Lestienne, op. cit. (n. 15), p. 306-307.
PAtRIMOINE DE SyRIE : MOSAïqUE D’éGLISE À SUJEt HIStORIé 19
Fig. 13. – Goliath menace David Fig. 14. – David triomphant
(détail de la mosaïque). de Goliath (détail de la mosaïque).
Suit le triomphe de David. En tenue de berger, se tenant légère-
ment à la gauche de l’axe, il porte en trophée la tête de son ennemi
Goliath. Sa tête nue est nimbée, son visage est imberbe (fig. 14).
De part et d’autre de la tête nimbée, l’inscription grecque identifie
l’épisode : « David ayant vaincu20 ». Il porte un vêtement léger de
couleurs claires, orné de broderies circulaires. Un manteau foncé
est enroulé autour de son épaule gauche et une fronde suspendue
à sa taille. Sa main droite est tendue vers les femmes à gauche du
tableau alors que les deux épisodes se succèdent dans le temps. Sa
main gauche porte la lance où est fichée la tête tranchée de Goliath.
Ses pieds sont chaussés de sandales et semblent piétiner la dépouille
gigantesque de son ennemi.
Goliath est figuré une seconde fois à terre, décapité par David
après sa défaite (illustration de 1 Règnes 17, 46 LXX : « Je te frap-
perai et je te décapiterai21 »). La légende inscrite précise la situation :
« Goliath tombé22 ». Gisant de tout son long, en costume militaire, le
héros géant est d’une carrure impressionnante, qui souligne l’exploit
du jeune berger vainqueur d’un adversaire si redoutable (fig. 15).
20. Appendice, p. 32, texte 4.
21. B. Grillet, M. Lestienne, op. cit. (n. 15), p. 307.
22. Appendice, p. 32, texte 5.
20 COMPtES RENDUS DE L’ACADéMIE DES INSCRIPtIONS
Fig. 15. – Goliath à terre, décapité (détail de la mosaïque).
Fig. 16. – Oiseau de proie Fig. 17. – Femmes des villes
fondant sur la dépouille acclamant David
(détail de la mosaïque). (détail de la mosaïque).
Entre les deux personnages, debout, se trouve un motif de grand
rapace, probablement un vautour, qui fond sur la dépouille de
Goliath. Citons la Septante de 1 Règnes 17, 46 :
« Je te frapperai et je te décapiterai et je donnerai tes membres et les mem-
bres de l’armée des étrangers en ce jour aux oiseaux du ciel et aux bêtes
sauvages de la terre23. »
Enfin, à l’angle supérieur gauche du tableau, à la droite de David,
trois femmes parées de robes brodées, saluent le triomphe du jeune
héros du haut d’une muraille de ville (fig. 17). Derrière elles, appa
raît, portée sur une série des piliers en bois, une toiture à double
pente, couverte de tuiles rouges. La scène illustre à nouveau le texte
grec de la Septante de 1 Règnes, 18, 6-724 :
23. B. Grillet, M. Lestienne, op. cit. (n. 15), p. 307.
24. Ibid., p. 310311.
PAtRIMOINE DE SyRIE : MOSAïqUE D’éGLISE À SUJEt HIStORIé 21
« quand David revenait d’avoir frappé l’étranger, des chœurs de femmes
sortirent de toutes les villes des Hébreux à la rencontre de David avec des
tambourins, avec des cris de joie et avec des cymbales. Et les femmes
entonnaient un chant et elles disaient : “Saül a frappé ses mille et David,
ses dix mille”. »
3. taBleau et sources BiBliques
Le tableau lui-même se compose d’une série de scènes directe-
ment inspirées du récit biblique et accompagnées de plusieurs
légendes inscrites. Comme on le voit, cette iconographie est fidèle
dans de nombreux détails au texte de la Bible grecque.
quatre éléments du tableau montrent que ce dernier illustre le texte
grec de la Bible (la Septante = LXX) plutôt que le texte hébraïque.
1. La phrase « que ferons-nous ? » (en faveur de celui qui tuera
Goliath) est mise dans la bouche de Saül et des « Hébreux » dans la
LXX25, tandis que, dans le texte hébreu, cette phrase est mise dans
la bouche de David (« que feront-ils ? » = « que fera-t-on...? »)26.
2. L’oiseau qui fond sur le cadavre de Goliath : la version grecque
place cette menace de David avant le combat :
« Je te frapperai et je te décapiterai et je donnerai tes membres et les mem-
bres de l’armée des étrangers en ce jour aux oiseaux du ciel et aux bêtes
sauvages de la terre27. »
Le texte hébreu omet « je donnerai tes membres [...] aux oiseaux
du ciel » et dit :
« Je te frapperai et je te décapiterai. Aujourd’hui même, je donnerai les
cadavres de l’armée philistine aux oiseaux du ciel et aux bêtes sauvages de
la terre28. »
25. LXX 1 Rg 17 et 18, 6-7. Chaque fois, le texte hébreu présente des variantes. Seul le javelot
que l’on aperçoit derrière l’épaule droite de David correspond à un détail propre au récit hébraïque
(1 Sam 17, 6), à la place du bouclier, propre au grec. L’image, elle, ajoute au bouclier du texte grec
le javelot du récit hébraïque, une variante non attestée dans les manuscrits existants témoignant du
texte antiochien. Voir N. Fernandez-Marcos, J. R. Busto Saiz, El texto antioqueno de la Biblia
griega, I, 1-2 Samuel, Madrid, 1989, ad loc.
26. TOB, op. cit. (n. 6), p. 353.
27. B. Grillet, M. Lestienne, op. cit. (n. 15), p. 307.
28. TOB, op. cit. (n. 6), p. 353.
22 comptes rendus de l’académie des inscriptions
3. C’est David qui, conformément à LXX 1 Rg 18, 6, reçoit les
acclamations des femmes des villes, et non Saül comme le dit le
texte hébraïque (1 R 18, 6).
4. Enfin, David ramène la tête de Goliath à Jérusalem, comme le
disent à la fois l’hébreu (1 R 17, 54) et le grec (LXX 1 Rg 17, 54).
Cependant, dans les récits bibliques, aucune ville fortifiée n’est
citée, tandis que sur ce pavement, Saül et les Hébreux se tiennent en
haut d’un rempart. La présence de l’arche, qui symbolise les reliques
de la Croix, indique incontestablement qu’il s’agit de Jérusalem,
conformément au texte biblique29.
Nous avons une image de triomphe : David piétine le cadavre
de son ennemi, attitude étrangère aux récits bibliques. Le prototype
de cette image est celle du Christ qui piétine le lion et le serpent,
attestée dès le ve siècle et répandue au vie siècle30.
Cette image pourrait donc être transposée dans notre pavement, et
traduire autre chose qu’un simple récit biblique et faire allusion à des
événements historiques peut-être contemporains de la mosaïque :
l’empereur chrétien en la personne de David piétine Goliath, incar
nation des Perses qui ont attaqué Jérusalem31. Un détail confirmerait
ce fait : dans les récits bibliques aucune ville fortifiée n’est citée
alors que sur ce pavement, Saül et les Hébreux se tiennent en haut
d’un rempart qui ne peut être que celui de Jérusalem.
29. Le récit biblique du combat ne cite pas de ville mais évoque quelques lieux. D’abord, à
propos de Saül en 1 Sam 17, 2 « Saül et les Hébreux se rassemblèrent dans la vallée de Térébinthe
(Wadi es-Saut situé à 20 km environ de Bethléhem) », alors que ce nom n’est pas cité en 1 Rg : « Et
Saül et les Hébreux se réunissent et ils campent dans la vallée. » Ensuite, à propos de l’Arche, en
1 Sam 6, 18 : « et jusqu’à la prairie de la grosse pierre, où ils déposèrent l’arche de Yahwé.
Aujourd’hui encore, cette pierre, se trouve dans le champ de Josué de Beth Shemesh. » 1 Rg fait de
même : « et jusqu’à la grande pierre sur laquelle ils avaient posé le coffre de l’alliance du Seigneur,
qui était dans le champ de Josué de Beth-Shèmesh. » Enfin, un troisième lieu est cité en 1 Sam 7, 1 :
« Les gens de Qiryath-Yéarim vinrent donc et firent monter l’arche de Yahwé. Ils la conduisirent
dans la maison d’Avinadav, sur la colline, et ils consacrèrent son fils Éléazar pour garder l’arche de
Yahwé. » 1 Rg traduit le même texte : « Les hommes de Kiriathiarim viennent et ils font monter le
coffre de l’alliance du Seigneur et ils l’amènent dans la maison d’Aminadab, qui est sur la Colline,
et ils sanctifièrent son fils Éléazar pour garder le coffre de l’alliance du Seigneur. »
30. L’image du Christ triomphant piétinant le lion et le serpent s’inspire du psaume 90 LXX (91
hébreu), v. 13.
31. C. Zuckerman, « Heraclius and the Return of the Holy Cross », dans Constructing the
Seventh Century, C. Zuckerman éd., Travaux et mémoires 17, Paris, 2013, p. 197-218. Stratégios
raconte que lors du sac de Jérusalem, les Perses ont obligé les chrétiens à piétiner les reliques de la
Vraie Croix.
PAtRIMOINE DE SyRIE : MOSAïqUE D’éGLISE À SUJEt HIStORIé 23
Fig. 18. – Bordures de mosaïques de pavement :
a. Panagia Kanakaria à Lythrankomi (abside) ;
b. église de Samson à Mopsueste (Misis) ; c. église sud de Banassara.
4. indications chronologiques
L’étude a livré plusieurs indices en faveur d’une datation de la
mosaïque dans la deuxième moitié du vie et le début du viie siècle :
1. La forme des caractères de l’inscription hors champ32 ;
2. Le caractère fruste du style de cette époque tardive par rapport
aux mosaïques du ive et du ve siècle répandues en Syrie du Nord.
Malgré la richesse des motifs chargés de significations, leur facture
est moins soignée. Les dimensions importantes et les attitudes
rigides des personnages appartiennent à un style naïf qui diffère des
mosaïques raffinées de l’époque romaine et de l’époque romaine
tardive.
3. Les motifs de la bordure. Les deux scènes sont encadrées par des
bordures à motifs géométriques clairs sur fond sombre qui présentent
une certaine ressemblance entre elles. Trois autres bordures dans la
même tradition sont aussi à signaler : celle de la mosaïque murale de
l’église de Panagia Kanakaria à Lythrankomi (fig. 18a)33, celle de la
32. Appendice, p. 31, texte 1, et supra fig. 10.
33. A. H. S. Megaw, E. J. W. Hawkins, The Church of the Panagia Kanakaria at Lythrankomi
in Cyprus, Washington DC, 1977, p. 99-100, fig. 46, 47, 138.
24 comptes rendus de l’académie des inscriptions
mosaïque de pavement de Samson à Mopsueste-Misis (fig. 18b)34,
et celle du martyrium de saint Étienne de l’église sud de Banassara
(fig. 18c)35.
5. Essai d’interprétation
Cette fourchette chronologique nous permet de proposer, à titre
d’hypothèse, une interprétation mettant en relation l’iconographie et
le contexte historique.
C’est un épisode de la Bible qui ne figure sur aucune des représen
tations bibliques connues à ce jour dans les synagogues, malgré son
importante signification : David l’Élu assure le triomphe du dieu des
Hébreux, libère Jérusalem et accède à la royauté. La découverte dans
une église d’une telle représentation étrangère aux programmes des
pavements répandus dans la région de l’Antiochène doit renvoyer à
un événement important. La raison de sa présence sur le pavement
d’une église peut être mise en relation avec un contexte historique
particulier offrant des données qui le relient à ce combat unique où
la signification est claire : le juste triomphe.
Pour Eusèbe, dans la Vie de Constantin, la comparaison entre
Constantin et Moïse constitue, suivant la belle formule de C. Rapp,
un leitmotiv36. Mais dans les générations postérieures à Eusèbe, ce
modèle est peu à peu délaissé dans les comparaisons des panégyristes
pour celui de David. Ambroise de Milan en 388 invite Théodose Ier à
reconnaître ses torts dans le massacre de Thessalonique comme avait
su le faire en son temps le roi David, invoqué ici comme modèle dans
un cas particulier37. Vers le milieu du ve siècle, Sévère d’Antioche38
est le premier qui évoque la figure de David pour illustrer certains
actes de Constantin, Honorius et Gratien. Marcien, acclamé lors du
34. L. Budde, Antike Mosaiken in Kilikien, Recklinghausen, 1969, p. 57-71, fig. 143-157.
35. Pour la structure de l’ensemble des deux basiliques, cf. W. Khoury, « Banassara : un site de
pèlerinage dans le Massif Calcaire. Rapport sur les travaux menés en 2002-2004 », Syria 82, 2005,
p. 225-266. La figure 18c est inédite.
36. Nous suivons étroitement dans tout ce paragraphe les analyses de C. Rapp, « Comparison,
Paradigm and the case of Moses in Panegyric and Hagiography », dans The Propaganda of Power,
M. Whitby éd., Leyde-Boston-Cologne, 1998, p. 277-298, en particulier les p. 292-297.
37. P. Maraval, Théodose le Grand (379-395), Paris, 2009, p. 223-234.
38. E. W. Brooks, « James of Edessa. The Hymns of Severus of Antioch and others (II) »,
Patrologia Orientalis VII 5, Turnhout, 1971 : Hymne 200, p. 664 ; Hymne 201, p. 665 et suiv. ;
Hymne 202, p. 666 et suiv.
patrimoine de syrie : mosaïque d’église à sujet historié 25
concile de Chalcédoine (451), est le premier des empereurs qui soit
placé sur un pied d’égalité avec David39. Vers la fin de ce siècle, la
Vie de Pierre l’Ibère par Jean Rufus considère à son tour l’empereur
Constantin comme un nouveau David40. Ce rapprochement connaît
un usage croissant chez les panégyristes jusqu’au règne d’Héraclius
où il atteint son apogée41. Héraclius est celui qui incarne le mieux
deux aspects de David, le combattant et le souverain-prêtre. De fait,
la libération d’Antioche par Héraclius, en 628, suivie un an plus
tard du retour de la Sainte Croix à Jérusalem42 et l’attribution d’une
relique à Constantinople, fait de cet empereur le digne successeur de
David. Le poète Georges Pisidès, un proche du Patriarche Serge et
d’Héraclius lui-même, insiste sur ce rapprochement. Il chante la vic
toire de l’empereur et le retour à Jérusalem des reliques de la Croix,
maudissant les Perses, ennemis du Christ, comme jadis David avait
rapporté l’Arche à Jérusalem et maudit Babylone43. Par ailleurs, il ne
récuse pas complètement le personnage de Moïse comme prototype
du chef dominant à la fois la sphère religieuse et politique.
Dans le domaine de l’iconographie, André Grabar, en 1936, avait
établi le premier un parallèle entre l’illustration de l’histoire de
David et la lutte victorieuse des empereurs contre les Perses44. Steven
H. Wander, en 1973, a proposé plus précisément de mettre en relation
les plats de David du trésor d’argenterie de Lamboussa-Lapithos, à
Chypre (fig. 19)45, datés par leurs poinçons des années 613 à 630,
39. G. Dagron, Empereur et prêtre. Étude sur le « césaropapisme » byzantin, Paris, 1996,
p. 314.
40. C. Rapp, « Comparison », loc. cit. (n. 36), p. 295, n. 66 : elle renvoie à P. R. Raabe, Petrus
der Iberer. Ein Charakterbild zur Kirche- und Sittengeschichte des fünften Jahrhunderts, Leipzig,
1895, p. 40.
41. C. Rapp, « Comparison », loc. cit. (n. 36), p. 295-296.
42. C. Zuckerman, « Heraclius and the Return of the Holy Cross », loc. cit. (n. 31).
43. In restitutionem S. Crucis, v. 71-74, Pisidès fait une allusion à David dansant quand il
apporte l’arche à Jérusalem. David n’est certes pas nommé mais la Vraie Croix est appelée la
nouvelle arche et Héraclius danse avec les anges (J. Howard-Johnston, Witnesses to a World Crisis.
Historians and Histories of the Middle East in the Seventh Century, Oxford, 2010, p. 32 et n. 47) ;
autre allusion à David par Pisidès dans Expeditio Persica II, v. 113-115, où dans un discours à
l’armée, Héraclius paraphrase un psaume de David (136, 9) pour justifier la destruction des Perses
(ibid., p. 21).
44. A. Grabar, L’empereur dans l’art byzantin, Paris, 1936, p. 96-98 ; voir aussi S. S. Alexander,
« Heraclius, byzantine imperial ideology, and the David Plates », Speculum 52, 1977, p. 221-237 ;
J. Durand, D. Giovannoni, Chypre entre Byzance et l’Occident. iv e-xvi e siècle, Paris, 2012, n° 19,
p. 67-72.
45. St. H. Wander, « The Cyprus Plates: The Story of David and Goliath », Metropolitan
Museum Journal 8, 1973, p. 89-104 ; Id., « The Cyprus Plates and the Chronicle of Fredegar »,
26 comptes rendus de l’académie des inscriptions
Fig. 19. – a. David convoqué par un messager auprès de Saül ;
b. Combat entre David et Goliath ; c. David devant Saül en présence de Samuel.
avec la victoire d’Héraclius sur les Perses, en 627, qui conduit les
armées byzantines jusqu’à Ctésiphon et permet la reconquête de
Jérusalem.
6. Conclusion
Il est possible que ce thème n’ait pas simplement évoqué la Bible
comme nous l’avons déjà indiqué. La date probable de la mosaïque
correspond en effet aux tensions perso-byzantines consécutives à la
rupture de la longue trêve survenue en 502 sous l’empereur Anastase.
À partir de cette époque, guerres et paix avortées se succèdent,
avec des conséquences terribles sur les territoires micrasiatiques
et pontiques, syriens et palestiniens. Les événements les plus mar
quants furent la rupture de la paix par Khosro en 540, la conquête
d’Antioche et la paix de Dara en 561. Mais les guerres reprennent
en 578 sous la conduite du général Maurice qui devient empereur en
582 et aide Khosro à accéder au trône. Une nouvelle paix entre les
deux souverains est signée en 591. Après l’assassinat de Maurice
en 603, Khosro se lance à nouveau dans la guerre. Avec le règne
d’Héraclius, celle-ci redevient permanente. Les Perses s’emparent
de la Syrie et de Jérusalem. Leur armée sera finalement anéantie en
627 à Ninive et la paix signée en 62846.
Dans ce contexte historique, le combat de David et de Goliath peut
être un écho, au-delà de l’épisode biblique, des relations très tendues
Dumbarton Oaks Paper 29, 1975, p. 345-346 (dans cette chronique Héraclius est désigné comme un
second David).
46. G. Greatrex, N. C. Lieu, The Roman Eastern frontiers and the Persian Wars, II, AD 363-630,
Londres, 2002.
patrimoine de syrie : mosaïque d’église à sujet historié 27
entre les deux puissances. Les relations qui semblent exister entre
les représentations de David sur cette très intéressante mosaïque et
l’importance de David dans la propagande d’Héraclius qui appela
l’un de ses fils David47 sont fortes tout comme les ressemblances
avec la scène du combat de David et Goliath dans le Psautier de
Paris (Parisinus graec. 139, fol. 4v) ainsi que son encadrement géo
métrique, copie médiévale des manuscrits protobyzantins produits
à la cour impériale. Mais sans doute en raison des conditions de la
découverte, la preuve archéologique sera difficile à apporter.
*
* *
Le Secrétaire perpétuel Michel Zink, le Président Michel Bur,
le Vice-Président Christian Robin, MM. Nicolas Grimal,
Henri Lavagne, Jean-Pierre Sodini, ainsi que M. André Lemaire,
Mme Françoise Briquel Chatonnet et M. Denis Feissel, correspon
dants français de l’Académie, prennent la parole après cette note
d’information.
M. Henri Lavagne présente les observations suivantes :
Il faut remercier Mme Khoury de nous avoir informés de cette
découverte récente d’une mosaïque représentant un sujet si rare
ment représenté sur les pavements tardifs, le combat de David et
Goliath. J’ai eu la curiosité de vérifier sur les index des 23 volumes
parus du Bulletin de l’Association internationale pour l’étude de la
mosaïque antique et on peut constater qu’il n’y a aucune référence
concernant ce sujet biblique. Alors que le sujet de David jouant de la
lyre pour Saül a été plusieurs fois traité en mosaïque parce qu’il a été
« contaminé » par l’image antique d’Orphée charmant les animaux
(thème traité, en particulier, par Henri Stern, ici même il y a une
trentaine d’années), le combat du héros contre le géant philistin,
évoqué dans le livre des Règnes et dans le livre de Samuel, ne
semble pas avoir retenu l’attention d’un commanditaire chrétien ou
juif dans l’Antiquité tardive. Madame Khoury, avec prudence, n’a
47. G. Dagron, op. cit. (n. 39), p. 77, 97, 129.
28 comptes rendus de l’académie des inscriptions
pas voulu citer à titre de comparaison le pavement de la synagogue
de Marus, qu’elle connaît certainement. Sur ce site de Marus (nord
de la Galilée), on a découvert en 1984 une mosaïque fort mutilée sur
sa partie droite et qui a été considérée comme traitant ce sujet, mais
si certains éléments ont paru caractéristiques de la scène (importance
de l’épée du géant, du bouclier, présence d’un petit personnage qui
pourrait être David vainqueur), plusieurs spécialistes ont mis en
doute qu’il s’agissait bien de la scène du cycle davidique. De plus,
l’inscription en syriaque, à la différence de celle que Mme Khoury
a analysée sur la mosaïque syrienne qui reprend en grec le texte
biblique, est, ou bien une mention du donateur de la mosaïque ou
bien, moins probablement, le nom du mosaïste (sur ce pavement,
cf. P. Prigent, Le judaïsme et l’image, Tubingen, 1990). La rareté
exceptionnelle des représentations en mosaïque rend la découverte
syrienne encore plus remarquable. Mais il convient de souligner que
le sujet était déjà bien connu et que des « cartons » ou modèles
ont dû exister à une époque déjà nettement antérieure à la date du
vie-viie siècle que propose Mme Khoury pour le pavement syrien. Je
voudrais rappeler ici la peinture du baptistère de Doura Europos,
découverte en 1934 par Clarke Hopkins et étudiée par C. H. Kraeling
dans The excavations at Dura Europos, final report VIII, II, the
christian buildings, New York, 1967, p. 69-71, 188-190 et pl. XIX,
2, XLI. Malgré l’état désastreux de la peinture, les inscriptions
portant les noms de David et Goliath et les faibles restes de l’image
assurent que tel était bien le sujet représenté sur le mur sud, en face
de l’image d’Adam et Ève. La date de cette chapelle chrétienne est
de 235, donc une date très haute par rapport au pavement aujourd’hui
présenté. Ne disons pas qu’il y a eu une influence de cette peinture
de Doura sur l’iconographie tardive, car elle a probablement été
peu vue et rapidement détruite, mais au moins peut-on penser que
l’image de David et Goliath était déjà connue. Il faudra attendre
l’époque médiévale pour voir reparaître cette image, de cette scène,
même si elle reste également rare : par exemple, sur un pavement
de l’église (disparue aujourd’hui) de Santa Maria delle Stuoie à
Pavie (non loin d’une autre mosaïque représentant Thésée tuant le
Minotaure, image, mutatis mutandis, bâtie sur un thème analogue) et
surtout le pavement de la cathédrale Saint-Géréon à Cologne, qu’il
faut placer vers le milieu du xie siècle (cf. X. Barral i Altet, Le décor
patrimoine de syrie : mosaïque d’église à sujet historié 29
du pavement au Moyen Âge. Les mosaïques de France et d’Italie,
Rome [Collection de l’École française de Rome, 429], 2010, p. 66,
fig. 333-334, et p. 320, fig. 151).
appendice épigraphique
par m. denis feissel, correspondant français de l’académie
1. (fig. 10) La dédicace du pavement, inscrite au-dessus du cadre
de la scène biblique, n’est visible qu’en partie sur la photographie.
Seule y apparaît la dernière ligne, incomplètement dégagée au début
et à la fin, soulignée au-dessous par un trait de tesselles noires.
L’écriture est d’exécution soignée, dans le style allongé caractéris
tique du vie et du viie siècle : à côté de l’epsilon et du sigma carrés,
on relèvera notamment les formes ovales du thêta et de l’omicron, et
la boucle du phi également ovale.
[- -]η̣ ἐπὶ Θεοδώρου τοῦ θεοφιλ(εστάτου) περιοδ(ευτοῦ) ἐν μη(νὶ) Δεσίῳ [- -]
(…) sous Théodore le périodeute très cher à Dieu, au mois de Daisios (…)
L’état du texte ne permet pas de déterminer l’étendue des travaux
commémorés par la dédicace, qu’il s’agisse de l’ensemble de la
construction ou seulement de son pavement. L’inscription en tout
cas fait partie du même pavement que le tableau biblique, dont elle
est certainement contemporaine. La date finale est mutilée : après le
mois de Daisios, équivalent de juin dans le calendrier d’Antioche,
figurait probablement une date annuelle comptée selon l’ère
d’Antioche. Faute de cette indication précise, l’écriture ne permet
qu’une datation approximative. Le responsable de la dédicace exer
çait la fonction de périodeute, ou visiteur ecclésiastique, dépendant
de l’évêque d’Antioche.
2-5. Quatre légendes inscrites accompagnent les scènes du récit,
qui représentent successivement de droite à gauche l’inquiétude du
roi Saül (inscr. 2), Goliath menacé par David (inscr. 3), enfin David
vainqueur (inscr. 4 et 5). Deux autres éléments sont dépourvus de
légendes : la représentation de l’Arche en bas à droite, les femmes
acclamant David en haut à gauche. L’écriture de ces légendes est
plus fruste que celle de la dédicace, l’orthographe en est entachée de
confusions phonétiques.
32 comptes rendus de l’académie des inscriptions
2. (fig. 11) Sur trois lignes, de part et d’autre de la tête du roi Saül :
Σαοὺλ | λέγον·
τί π|υοῦμ-
εν;
(au lieu de λέγων, ποιοῦμεν)
Saül disant : qu’allons-nous faire ?
3. (fig. 13) Sur trois lignes, au-dessus de la tête de Goliath debout :
Γουλιὰδ ἀ-
πιλούμε-
νος
(au lieu de Γωλιὰδ ἀπειλούμενος)
Goliath menacé (par David).
4. (fig. 14) Sur une ligne, de part et d’autre du nimbe entourant la
tête de David :
Δαυ|εὶδ νικήσας
(au lieu de Δαυίδ)
David ayant vaincu.
5. (fig. 15) Au bas du tableau sur une ligne, sous le corps de
Goliath décapité :
Γουλιὰδ πεσόν
(au lieu de Γωλιὰδ πεσών)
Goliath tombé.