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Faire la Ville

Lecture croisée des méthodes et outils de l'urbanisme en France et au Viêt-Nam Capitalisation des expériences de la coopération décentralisée

FAIRE LA VILLE Lecture croisée des méthodes et outils de l’urbanisme en France et au Viêt-Nam Capitalisation des expériences de la coopération décentralisée Région Île-de-France/Hanoi Région Rhône-Alpes/Grand Lyon/Hô Chi Minh-Ville Editeù par le Centre de Prospective et d’Etudes Urbaines (PADDI) et l’Institut des Meùtiers de la Ville (IMV) FAIRE LA VILLE Lecture croisée des méthodes et outils de l’urbanisme en France et au Viêt-Nam Capitalisation des expériences de la coopération décentralisée Région Île-de-France/Hanoi Région Rhône-Alpes/Grand Lyon/Hô Chi Minh-Ville Contributeurs Contributeurs Faire la ville Lecture croisée des méthodes et outils de l’urbanisme en France et au Viêt-Nam Capitalisation des expériences de la coopération décentralisée Région Île-de-France/Hanoi Région Rhône-Alpes/Grand Lyon/Hô Chi Minh-Ville Édition française Auteurs et coordination éditoriale Fanny Quertamp, co-directrice, PADDI Laurent Pandolfi, chargé de mission Asie-Océan Indien, Région Île-de-France Emmanuel Cerise, co-directeur, IMV Laura Petibon, PADDI/IMV Relectures Patrice Berger/Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise ; Jean-Charles Castel/CERTU ; Gilles Antier/IAU-IdF ; Jean-Claude Gaillot/Région Île-de-France ; Pierre Peillon/Union Sociale pour l’Habitat ; Yann Maublanc/IMV ; Patrick Brenner/ Région Île-de-France ; Nguyen Trong Hoa/Directeur de l’Institut de Recherche et de Développement de HCMV ; Vo Kim Cuong/Ex-directeur adjoint du Département de la Planification Urbaine et de l’Architecture de HCMV ; Nguyen Thi Cam Van/ Département des Ressources Naturelles et de l’Environnement de HCMV ; Truong Trung Kien/Responsable du bureau de planification du centre-ville au Département de la Planification Urbaine et de l’Architecture de HCMV ; Nguyen Thi Xuan Ha/ Département de la Planification Urbaine et de l’Architecture de HCMV ; Ly Khanh Tam Thao/ Département de la Planification Urbaine et de l’Architecture de HCMV ; Do Nguyen Phong/Institut d’urbanisme de HCMV Traduction Huynh Hong Duc Édition Iconographie Laura Petibon, PADDI-IMV Relecture typographique Catherine Weyl Agathe Ramsamy Conception et mise en page Nguyen Nguyet, avec un grand merci à Bernard Favre pour ses précieux conseils MAISON D’EDITION LAO DONG – XA HOI Ruelle Hoa Binh 4, Minh Khai – Hai Ba Trung – Hanoi Tél : 04.036246913 / 04.36246917 – Fax : 04.36246915 Responsable de la publication Nguyen Hoang Cam Imprimé à 1000 exemplaires, au format 18x24, par la société TNHH MTV ITAXA Numéro d’enregistrement : 336-2014/04-23/LĐXH Décision de publication n° : 65/QĐ-NXBLĐXH. ISBN : 978-604-65-1615-7 Achevé d’imprimer et depôt légal au 3ème trimestre 2014 2| Sommaire INTRODUCTION 06 CHAPITRE 1 LA PLANIFICATION URBAINE 17 CHAPITRE 2 LE FONCIER URBAIN 41 CHAPITRE 3 LES TRANSPORTS COLLECTIFS URBAINS 63 CHAPITRE 4 LE LOGEMENT 83 CHAPITRE 5 LE PATRIMOINE 103 Faire la ville |3 Preface Réalisé par la région Rhône-Alpes et le Grand Lyon, la région Île-de-France avec le soutien de l’Agence Française de Développement 4| Avant-propos e livre est né de notre souhait de répondre, par un ouvrage synthétique et volontairement orienté vers l’action, aux questions que nous adressent régulièrement nos collègues urbanistes vietnamiens et français sur l’histoire, l’organisation administrative, les méthodes et les outils de planification ou encore les mécanismes socio-économiques des grandes aires urbaines dont nous animons le partenariat : Hanoi, Hô Chi Minh-Ville, la région Île-de-France, la région Rhône-Alpes et le Grand Lyon1. Le lecteur trouvera ainsi de nombreuses informations sur l’organisation de ces métropoles et les moyens techniques et juridiques dont disposent leurs urbanistes pour en améliorer le fonctionnement et le développement. C Nous souhaitions également pouvoir rendre compte de la richesse des échanges entre professionnels des deux pays, que ce soit à l’occasion d’ateliers de formation ou de missions d’expertise, et les faire partager au plus grand nombre au-delà des livrets et des rapports auxquels ils donnent habituellement lieu. On retrouvera la teneur de ces échanges et débats dans le regard qui est porté sur le mouvement d’urbanisation en cours au Viêt-Nam, mais aussi dans la recherche commune de solutions qui ne soient pas la simple réplication d’un modèle mais plutôt une démarche qui place l’intérêt public et les biens communs au cœur de la construction de la ville et de ses réseaux. Cet ouvrage vise ainsi à capitaliser les échanges menés dans le cadre de la coopération décentralisée à Hô Chi Minh-Ville et à Hanoi. La sélection des thèmes a été guidée par leur forte récurrence dans les besoins de formation et d’expertise exprimés par les partenaires vietnamiens. Ainsi, la planification urbaine et régionale, la thématique foncière et celle de la mobilité et des transports ont naturellement émergé. Les autorités publiques de Hanoi et Hô Chi Minh-Ville doivent faire face à d’importants défis liés à l’urbanisation accélérée. Les réponses à apporter necessitent de s’appuyer sur des méthodes et outils éprouvés en matière de planification et de gestion urbaine. Le logement et le patrimoine correspondent à des préoccupations plus récentes. Ils illustrent en creux les lacunes d’un mode de construction de la ville déséquilibré au profit d’opérateurs fonciers et immobiliers peu soucieux de proposer des logements à la population la moins aisée et encore moins de préserver le patrimoine architectural et urbain des centres anciens. Chaque chapitre suit la même structure et débute par une présentation de la situation et des grands enjeux actuels de la thématique au Viêt-Nam. Une deuxième partie est consacrée aux concepts, aux outils et aux méthodes utilisés en France pour répondre à des problématiques similaires. Enfin, la dernière partie revient sur les débats qui ont animé les ateliers de formation et sur les études et travaux réalisés souvent à titre expérimental et pilote. De nombreuses illustrations permettent aux lecteurs des deux pays de mieux cerner la réalité urbaine et les techniques utilisées. Une rubrique « pour aller plus loin » présente tout au long de l’ouvrage des références bibliographiques sur les différents sujets abordés. Laurent Pandolfi et Fanny Quertamp L’Institut des Métiers de la Ville (IMV) et le Centre de prospective et d’études urbaines (PADDI) ont été créés respectivement en 2001 et 2006 dans le cadre des accords de coopération décentralisée entre la région Île-de-France et le Comité populaire de Hanoi et entre la région Rhône-Alpes et le Comité populaire de Hô Chi Minh-Ville. Les ateliers, contextualisés à partir de cas d’études vietnamiens, sont animés par des experts de la région Île-de-France et de la région Rhône-Alpes et débouchent sur la formulation de recommandations ou de pistes de réflexion (techniques, juridiques, etc.) qui sont restituées sous forme de livrets dans le cas du PADDI. Par ailleurs, l’IMV et le PADDI soutiennent des projets d’assistance technique (études de faisabilité, expertise, etc.) et, pour l’IMV, des projets pilotes de réalisation d’infrastructures. 1 Bien qu’il se concentre sur Hanoi et Hô Chi Minh-Ville, cet ouvrage propose des outils et des méthodes à tous les praticiens des villes vietnamiennes pour guider leurs actions et améliorer leurs compétences dans les études et la gestion urbaine, tout comme il permet aux observateurs étrangers de mieux cerner les enjeux de l’urbanisme contemporain au Viêt-Nam. Faire la ville |5 Introduction Introduction n 1986, le Viêt-Nam initie le Doi Moi, une politique d’ouverture économique progressive afin de moderniser le pays via le passage d’une économie centralisée à une « économie de marché à orientation socialiste». Depuis, le pays s’est considérablement développé : durant deux décennies, et malgré un ralentissement à 6,7% en 2011, le taux de croissance de son PIB a atteint 7,5% par an. La croissance urbaine se concentre majoritairement sur les deux métropoles de Hanoi et de Hô Chi Minh-ville (HCMV) et, dans une moindre mesure, sur les villes de taille moyenne. Cette dynamique entraîne de profondes recompositions territoriales à l’échelle nationale et locale, qui se traduisent par la densification des centres historiques, l’extension des villes sur les espaces périurbains et la construction massive d’infrastructures et d’équipements publics. E HCMV et Hanoi ont ainsi changé d’échelle en moins de dix ans. Moteurs de la croissance économique du pays avec 27% des IDE et 33% du PIB national, ces deux villes constituent des territoires privilégiés pour expérimenter de nouvelles politiques publiques et mesurer les effets de la politique de transition. Le Plan de développement socio-économique pour 2011-2020, document stratégique qui oriente la politique nationale sur les dix années à venir, réaffirme le rôle indispensable de l’urbanisation dans la modernisation et l’industrialisation du pays. La diffusion des différents modèles de développement des villes asiatiques et la diversification des bailleurs de fonds désormais internationaux jouent un rôle important dans le processus de métropolisation des deux villes, de plus en plus intégrées dans la compétition économique mondiale. Mais la croissance économique et démographique a pour revers une urbanisation accélérée sur les espaces périphériques. L’attractivité économique des villes a renforcé les concentrations des populations migrantes tant dans les centres historiques que sur les franges urbaines transformant la structure et la morphologie des villes. Cela se traduit par le développement des constructions illégales sur les terrains agricoles et sur les berges des canaux, empiétant par ailleurs sur les réserves foncières. Le rythme du développement oblige les pouvoirs publics comme les professionnels de l’urbain à travailler dans l’urgence et malgré les mesures prises, les autorités publiques ne parviennent pas à maîtriser l’étalement urbain. Des défis importants sont à relever pour restructurer la ville et orienter son developpement afin d’offrir un environnement favorable au développement socio-économique et améliorer la qualité de vie des habitants. Par ailleurs, la gouvernance et le développement durable constituent aujourd’hui deux grands enjeux transversaux dans la fabrication de la ville vietnamienne. Passant d’un système centralisé où l’État contrôlait le processus d’urbanisation à une diversification des acteurs (État, provinces et districts, bureaux d’études privés, grandes entreprises de construction vietnamiennes, consultants et bailleurs de fonds internationaux), les autorités publiques s’efforcent 6| de clarifier les rôles de chacun et de coordonner leurs plans et leurs actions, qui s’inscrivent encore largement dans une logique sectorielle. De plus, le pays, considéré comme l’un des plus vulnérables au changement climatique, s’industrialise et voit les inégalités sociales augmenter, malgré une réduction globale de la pauvreté, ce qui rend la question de la durabilité écologique, économique et sociale des politiques urbaines de plus en plus pressante. L’urbanisme vietnamien, en pleine effervescence, est en quête de méthodes et d’outils nouveaux. Malgré les réformes législatives majeures de ces dernières années - loi sur la planification urbaine en 2009 et révision de la Constitution et de la loi foncière en 2013 - le cadre règlementaire et opérationnel de la planification et de la gestion urbaine est en décalage avec les réalités du terrain - notamment avec la demande foncière et immobilière - et devient rapidement obsolète. Au Viêt-Nam, la planification urbaine constitue l’une des étapes stratégiques dans le processus de développement urbain. Sous la direction du Comité central du Parti elle vise à définir le périmètre, la nature, les fonctions et les orientations de développement urbain. Aujourd’hui, les autorités locales cherchent à rendre la planification urbaine plus efficace. Plus stratégique et plus flexible, celle-ci aurait pour enjeux de fixer de grandes priorités, de coordonner les actions entre les différents départements ou encore de renforcer la maîtrise d’ouvrage publique. Le foncier constitue une autre variable stratégique de l’action des pouvoirs publics : il s’agit de constituer des réserves foncières, de garantir les droits fonciers et de financer les équipements et les infrastructures. La construction et l’intégration des futurs réseaux de transports urbains collectifs des deux métropoles (métro, lignes de BRT, etc.), réponses au défi de la mobilité dans les villes vietnamiennes, joueront également un rôle structurant majeur dans le développement urbain de ces dix prochaines années. Par ailleurs, pour suivre le rythme de la croissance urbaine, les autorités sont confrontées à la nécessité de diversifier l’offre de logements, notamment le parc de logements abordables. L’urbanisation insuffisament maîtrisée constitue également un facteur de destruction des espaces culturels et historiques. Les experts et gestionnaires doivent répondre aux enjeux de conservation et de restauration du patrimoine architectural et urbain, notamment dans les villes riches en identités culturelles, sans pour autant freiner leur développement. Face à l’urbanisation des grandes métropoles au Viêt-Nam depuis le Doi Moi, en se basant sur les expériences, les méthodes et les outils de développement urbain de la région Île-de-France, de la région Rhône-Alpes et du Grand Lyon, plusieurs solutions et recommandations sont formulées par les experts nationaux et internationaux. La démarche de cet ouvrage est donc de proposer des outils opérationnels et des pistes de réflexions à travers une vision transversale des enjeux de l’urbanisme dans les domaines de la planification urbaine, du foncier, des transports collectifs, du logement et du patrimoine. Faire la ville |7 Introduction Le Viêt-Nam et la France en quelques chiffres République socialiste du Viêt-Nam République française Population : 89 710 000 (1) Superficie : 331 698 km2 IDH : 0,617 ; 127ème rang mondial (2) Densité moyenne : 268 hab/km2 (3) Part de la population urbaine : 32,36 % (1) Population : 66 000 000 habitants (1) Superficie : 632 734,9 km² (2) IDH : 0,893 ; 20ème rang mondial (3) Densité moyenne : 102 hab/km2 (2) Part de la population urbaine : 77,5% (4) Démographie Taux de croissance annuel (2000-2013) : 1,2% (1) Structure par âge : 25% de 0-14 ans / 68,4% de 15-64 ans / 6,6% de plus de 65 ans (4) Âge médian : 27,4 ans (4) Espérance de vie : 75,4 (2) Taux de fécondité : 2,1 enfants par femme (1) Démographie Taux de croissance annuel (1999-2010) : 0,7% (2) Structure par âge : 22% de 0-17 ans / 61% de 18-64 ans / 17% de 65 ans et plus (2) Âge médian : 38,8 (2) Espérance de vie : 83 ans (5) Taux de fécondité : 2,01 enfants par femme (6) Économie PIB (en milliards de dollars) : 156 (2) PIB par habitant en dollars : 1 755 (2) Taux de croissance du PIB 2012-2013 : 4,2% (1) Taux de chômage au sens du BIT : 2,9% (1) Taux de pauvreté (% de population en dessous du seuil de pauvreté national) : 9,9 % (1) Inflation (en % annuel) : 9% en 2012 (1) Emploi selon les secteurs de l’économie : primaire : 46,9% / secondaire : 21,1% / tertiaire : 32% (1) Économie PIB (en milliards de dollars) : 2 611 (8) PIB par habitant en dollars : 39 746 (8) Taux de croissance du PIB : +0,3% en 2012 (7) Taux de chômage au sens du BIT : 10,1% (9) Taux de pauvreté (% de population en dessous du seuil de pauvreté national, seuil à 50% du revenu médian) : 7,9% (10) Inflation (en % annuel) : 1,5 % (11) Emploi selon les secteurs de l’économie : primaire : 3% / secondaire : 21% / tertiaire : 74,2% (11) Culture et environnement Utilisateurs d’internet (16-74 ans) : 39,49% (2) Accès à une source d’eau améliorée : 95% (2) Accès aux équipements sanitaires : 75% (2) Émissions de CO2, en tonne métrique par hab. : 1,73 tonne (2) Culture et environnement Utilisateurs d’internet (16-74 ans) : 71,5% (3) Émissions de CO2, en tonne métrique par habitant : 6,02 tonnes (3) Sources : (1) : GSO, 2013 (2) : ONU - Banque Mondiale, Rapport sur le développement humain, 2013 (3) : GSO, 2012 (4) : GSO, 2009 8| Sources : (1) : INSEE, estimation janvier 2014 (2) : INSEE, RGP 2010 (3) : ONU - Banque Mondiale, Rapport sur le développement humain, 2013 (4) : INSEE-INED, 2007 (5) : Banque Mondiale, 2012 (6) : INSEE, 2011 (7) : INSEE - comptes nationaux, 2013 (8) : Banque Mondiale, 2013 (9) : INSEE, 2014 (10) : INSEE-DGI, 2011 (11) : INSEE - tableau de l’économie française, 2014 L’organisation administrative du ViêtNam : un pays centralisé Le Viêt-Nam est une République socialiste centralisée, de régime parlementaire. Selon la Constitution de 1992, qui organise les institutions et la répartition du pouvoir, le Parti communiste vietnamien constitue la force « qui dirige l’État et la société ». La structure territoriale se décline sur quatre niveaux : l’État, la province, le district (urbain ou rural) et le quartier (urbain) ou la commune (rurale). La structure administrative et territoriale est fortement hiérarchisée, le contrôle des administrations centrales est important et les prises de décisions finales reviennent fréquemment aux ministères. Les pouvoirs locaux bénéficient pourtant dans les faits de prérogatives plus importantes et d’une certaine autonomie vis-à-vis de l’État. Ce dernier reconnaît implicitement que le niveau local est mieux placé pour prendre certaines décisions : une pression centrale s’exerce donc sur les pouvoirs locaux qui doivent assurer des services publics performants ou conduire de grands projets d’aménagement. des infrastructures, la santé et l’éducation, la distribution de l’eau, l’assainissement et la gestion des déchets. Les échelons inférieurs voient souvent leur rôle limité à des interventions de proximité. Ainsi, dans les districts ruraux et urbains, le Comité populaire du district délivre les petits permis de construire, le certificat d’usage du terrain et le certificat de propriété du logement pour les particuliers. Il collecte des impôts sur le transfert du droit d’usage du terrain lors des transactions entre deux particuliers. Dans le domaine de l’éducation, il est compétent pour l’enseignement primaire et secondaire du premier cycle. Entre ces différents acteurs, les compétences s’articulent suivant un principe de délégation partielle des autorités supérieures aux inférieures. La province est chargée d’assurer la majorité des services publics locaux comme les transports publics, la construction et l’entretien Le classement des villes Les villes vietnamiennes sont classées par l’administration centrale en six catégories, dont dépendent leurs prérogatives, leur autonomie et le niveau des investissements de l’État (décret n°42/2009/ND-CP). Ce classement s’appuie sur six critères principaux : la « fonction urbaine » (plateforme internationale ; centre administratif, économique et culturel ou simple chef-lieu) ; la population (4 000 hab. minimum) ; la densité de population ; la part de l’emploi non agricole dans la zone urbaine (65% minimum) ; le système des infrastructures (niveau de cohérence et d’achèvement) et l’« architecture et le paysage urbain » : respect des règlements d’urbanisme, aménagement des espaces publics et intégration des problématiques environnementales. Source : décret n°42/2009/ND-CP Niveau étatique Niveau provincial • AFD, Agence Française de Développement, Albrecht D., Hocquard H. Papin P., oct. 2010, Les acteurs publics locaux au cœur du développement urbain vietnamien. Moyens, limites et évolution de l’action publique locale, Focale n°5, 90 p. http://www. afd.fr/webdav/ site/afd/shared/ PUBLICATIONS/ RECHERCHE/ Scientifiques/ Focales/05-Focales. pdf Les quartiers et les communes assurent des services de proximité dans le domaine du droit et de la construction (déclaration de réparation de logement, vérification de la conformité des constructions aux permis de construire). Ils collectent les impôts fonciers payés par les particuliers et assurent la gestion des collecteurs privés de déchets. « Les compétences des provinces, districts et quartiers Pour aller plus loin : État Villes-provinces (5) - Thanh Pho Provinces (58) - Tinh Niveau du district Districts urbains Quan Districts ruraux Huyen Capitales provinciales et villes Thanh Pho Districts ruraux - Huyen Niveau communal Quartiers urbains Phuong Communes rurales et bourgs - Xa Quartiers urbains et communes Communes rurales et rurales - Phuong et Xa bourgs - Xa Faire la ville |9 Introduction La France : une administration territoriale décentralisée et déconcentrée « La France est une République de régime semi-présidentiel. La Constitution de 1958 fonde la Vème République et régit ses institutions. Le Parlement est composé de deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat. Le Président de la République est élu au suffrage universel direct, il nomme un Premier ministre et forme un gouvernement en fonction de la couleur politique majoritaire du Parlement. La structure territoriale française se décline principalement en quatre niveaux : l’État, la région, le département et la commune. On évoque cependant un « millefeuille territorial », de nombreux échelons intermédiaires se superposant à ces quatre derniers. Les régions, les départements et les communes sont à la fois des circonscriptions administratives, relais de l’État au niveau local (avec des directions locales déconcentrées des différents ministères), et des collectivités locales, entités juridiques autonomes de l’État, légitimées par des assemblées locales élues (respectivement le Conseil régional, le Conseil général et le conseil municipal) et disposant de compétences propres. Communes, départements et régions : des compétences complémentaires Les collectivités territoriales ont des compétences précises et bénéficient d’une clause générale de compétence qui leur permet d’intervenir sur les objets d’intérêt local. Leurs attributions peuvent être complémentaires, par exemple en matière d’éducation, les régions sont en charge des lycées, les départements des collèges et les communes des écoles. Une réforme des collectivités territoriales est en discussion actuellement afin de clarifier ce qui est du ressort de chacune et d’améliorer l’efficacité de leurs actions. 10 | Le processus de déconcentration et de décentralisation en France La déconcentration est le transfert du pouvoir de décision des services administratifs centraux de l’État vers leurs relais locaux. Le préfet de région ou le sous-préfet du département sont les représentants de l’État sur ces territoires. La France, État très centralisé, a amorcé « l’acte I » de sa décentralisation en 1982-1983 : les régions sont devenues des collectivités territoriales et leurs exécutifs sont désormais élus. La tutelle administrative et financière exercée par le préfet a été supprimée et de nombreuses compétences ont été transférées. En 2003-2004, de nouveaux transferts ont été opérés de l’État aux collectivités, même si le volet financier n’a pas toujours suivi le transfert des compétences. Désormais, l’article 1 de la Constitution déclare que « l’organisation [de la France] est décentralisée ». Le principe de libre administration des collectivités territoriales est garanti par l’article 34. Les relations entre ces dernières ne sont pas hiérarchiques, bien que leurs actions doivent être compatibles. Les régions sont principalement chargées d’élaborer un schéma régional de développement économique, soutenu par des aides. Elles conçoivent également des schémas régionaux pour l’aménagement et le développement du territoire intégrant le schéma régional des transports. Pour les grands projets (infrastructures, aménagement), des contrats de plan entre l’État et les régions (CPER) sont établis. Enfin, ces dernières assurent le fonctionnement des musées régionaux et sont responsables de l’inventaire général du patrimoine culturel. Les départements s’occupent essentiellement de l’action sociale et sanitaire. En matière d’aménagement du territoire, ils sont responsables de la voirie, des transports publics non urbains ou encore des politiques de protection de l’environnement. Quant aux communes, on distingue les compétences traditionnelles du maire comme représentant de l’État (état civil, voirie, etc.) des compétences décentralisées. La commune délivre les permis de construire et rédige son plan local d’urbanisme (PLU). Elle s’associe à d’autres communes pour rédiger le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT). Le renforcement des structures intercommunales 27 Régions Les communes françaises, au nombre de 36 682, peuvent se regrouper en Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) afin de mutualiser leurs moyens et d’améliorer la cohérence de leurs stratégies territoriales. En effet, les limites administratives traditionnelles de la commune, du département et de la région peuvent difficilement intégrer les logiques et les dynamiques d’une agglomération urbaine. Les communes peuvent donc, selon leur poids démographique, coopérer au sein de trois types de communautés, chacune étant dotée d’un régime fiscal et de compétences obligatoires et facultatives spécifiques. 1 2 1. Région Île-de-France 2. Région Rhône-Alpes 95 Départements Les communautés de communes correspondent à des territoires ruraux ou faiblement urbanisés. L’aménagement de l’espace et le développement économique constituent leurs deux compétences obligatoires. Les communautés d’agglomération doivent compter plus de 50 000 habitants dont 15 000 agglomérés au chef-lieu. Elles exercent des compétences obligatoires supplémentaires : les transports, les équipements sociaux, l’habitat et la politique de la ville. Les communautés urbaines comportent quant à elles plus de 500 000 habitants et sont en charge, en plus des compétences déjà évoquées, de l’organisation des services d’intérêt collectif (eau, déchets, etc.…) et de la valorisation de l’environnement et du cadre de vie. « Déconcentraon Administraon Centrale et Ministères L’action internationale des collectivités françaises Les collectivités françaises peuvent mener des actions de solidarité internationale, par le biais de soutiens aux projets de la société civile. Elles peuvent également développer des partenariats d’expertise avec des collectivités étrangères dans le cadre de la coopération décentralisée, définis par les lois Oudin-Santini (2005) et Thiollière (2007). C’est dans ce cadre que travaillent les structures de l’Institut des Métiers de la Ville (IMV) à Hanoi et du PADDI à HCMV. Services déconcentrés dans les Régions et Départements (Préfectures, DREAL, DDT1) Foncon Publique d’Etat Etat Régions Collecvités Territoriales Foncon Publique Territoriale Départements Communes Regroupement de communes Décentralisaon 1 Les DREAL (Direcons Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) et DDT (Direcons Départementales des Territoires) sont des services de l’Etat sous la tutelle respecve du préfet de région et du préfet de département. Elles parcipent à l’élaboraon des poliques de l’Etat en maère de développement durable, de logement et d’aménagement du territoire et peuvent intervenir en tant qu'assistantes à la maîtrise d’ouvrage auprès des collecvités territoriales. Faire la ville | 11 Introduction Ville de Hanoi Population : 6,7 M d’habitants soit 6,9% de la population du pays, 43% d’urbains, croissance démographique de 1,7% par an Superficie : 3 329 km², 28 districts dont 18 ruraux Contribution au PIB national : 12% L’ambition d’une métropole internationale En 2008, l’absorption par Hanoi de l’ancienne province de Ha Tay lui a permis de renforcer, grâce au triplement de sa superficie et au doublement de sa population, son statut de région-capitale. L’ambition de Hanoi est de devenir une métropole régionale et internationale, en développant à la fois l’attractivité économique pour les investissements étrangers et les entreprises de haute valeur ajoutée, et l’accueil de conférences ou de sommets internationaux (Apec en 2006, Asean en 2010). La ville souhaite à cet effet mettre en valeur son patrimoine urbain et naturel, tels son vieux quartier, ses lacs, les villages des métiers ou les montagnes de Ba Vi. L’agglomération devrait atteindre dix millions d’habitants en 2030. Cette nouvelle dimension métropolitaine s’exprime déjà au travers des défis auxquels elle fait face. Les taux de croissance économique et démographique ont pour conséquence un développement urbain peu contrôlé, la saturation des infrastructures dans le domaine des transports (congestion et pollution), de l’énergie, de l’eau et des équipements publics. Par ailleurs, le risque d’inondation est accru par l’imperméabilisation des sols et une trop faible prise en compte de ce risque dans l’implantation des constructions. Le développement de villes satellites Le nouveau schéma directeur pour 2030 à vision 2050, dont la devise est « une ville verte, culturelle et moderne » a été approuvé en 2011. La croissance urbaine, qui s’est principalement effectuée ces dernières années vers l’ouest et le long des axes de communication, 12 | devrait être canalisée par le développement de cinq villes satellites et de trois « éco-cités ». L’établissement d’un « corridor vert » entre la ville-centre et les nouveaux pôles devrait permettre de maîtriser l’urbanisation, de préserver l’agriculture périurbaine et de limiter les inondations. Des voies rapides et idéalement des lignes de transport en commun relieront ces nouveaux pôles urbains « mixtes » (logements, commerces, industrie et tertiaire) à la ville centre. Quatre des huit lignes de métro inscrites dans le schéma sont financées et deux sont actuellement en travaux. Par ailleurs, la création de zones industrielles et d’équipements publics (hôpitaux, écoles, parcs, etc.) est planifiée afin de soulager les infrastructures existantes. Le schéma intègre également l’élaboration et la mise en œuvre de règlementations spécifiques pour la préservation des quartiers historiques de Hanoi, des monuments et des villages de métiers des alentours. L’extension urbaine de l’agglomération hanoienne en 1870, 1940, 2000 et 2011 Hô Chi Minh-ville Population : 7,94 M d’habitants soit 8,9% de la population vietnamienne ; 81% d’urbains ; croissance démographique de 3% par an entre 2005 et 2013 (GSO, 2013) Superficie : 2 096 km², 24 districts, dont 5 ruraux Contribution au PIB national : 21,3% Densité du centre-ville (districts 1 et 3 ) : 32 405 hab./ km2 (2013) Revenu mensuel moyen : 3,4 M de VND (2013) Croissance économique sur la période 1996-2010 : 10,8% 13 zones industrielles Un changement d’échelle radical Depuis le début des années 1990, parallèlement à la politique d’ouverture économique (Doi Moi) et en partie grâce à elle, la métropole sud-vietnamienne a changé d’échelle. Elle est désormais en quête de nouveaux modèles urbains, qu’elle puise essentiellement en Asie. HCMV ambitionne ainsi de devenir l’une des principales métropoles d’Asie du Sud-Est. Sa très forte croissance urbaine (3,2% par an), sa vitalité économique, ses grands projets en cours et son urbanisme opérationnel très actif s’accompagnent de nombreux défis à relever. Il s’agit notamment d’améliorer les réseaux urbains, d’étendre le parc de logements, d’appliquer l’urbanisme règlementaire ou encore de protéger l’environnement. Les politiques de développement urbain doivent également s’adapter pour tenter de réduire l’impact du changement climatique dans une ville qui subit des inondations périodiques et dont 65% du territoire est situé à une altitude inférieure à 1,50 mètre au-dessus du niveau de la mer. Les principales orientations du schéma directeur Le schéma directeur à l’horizon 2025, approuvé en 2010, projette une population de 10 millions d’habitants sur un périmètre élargi intégrant les provinces limitrophes de HCMV. Ce schéma, plus stratégique que les précédents, propose un modèle de ville polycentrique dans un rayon de 15 km autour du centre (centre historique et future ville nouvelle de Thu Thiêm). Les quatre pôles de développement se répartiront selon deux axes principaux (vers la route de Hanoi à l’est et vers le sud) et deux axes secondaires (vers le projet de nouvel aéroport international et vers le sud-ouest, le long du boulevard Vo Van Kiet). L’urbanisation de 90 000 à 100 000 hectares de terre est prévue, dont 49 000 hectares situés dans le centre de l’agglomération. De grands projets urbains, dans le centre-ville, à Thu Thiêm (657 hectares), Cu Chi ou sur les berges de la rivière Saigon, devraient attirer les investisseurs et structurer le développement urbain, ainsi que les pôles scientifiques et technologiques projetés dans le district 9 et à Thu Duc. Ces nouvelles centralités urbaines seront reliées grâce à la création d’un réseau de huit lignes de métro, dont une est actuellement en chantier, et à la construction de quatre périphériques autoroutiers ainsi que de voies radiales et de voies rapides surélevées. Dans le domaine des grandes infrastructures, le port de HCMV sera transferé à Hiep Phuoc et à Cat Lai, et un nouvel aéroport international devrait voir le jour. Par ailleurs, les espaces verts feront l’objet d’une attention particulière avec la création de ceintures et de trames vertes le long des rivières Saigon, Nha Be et Dong Nai ou encore avec la préservation des mangroves de Can Gio. La gestion des inondations constitue un enjeu d’aménagement majeur pour un territoire plus résilient. L’extension urbaine de l’agglomération saigonnaise en 1900, 1965, 2000 et 2007 Faire la ville | 13 Introduction Région Île-de-France Population : 11,6 M d’habitants soit 19% de la population française Superficie : 12 000 km2 Contribution au PIB national : 29% La région, qui comprend 1 281 communes et huit départements, possède des compétences particulières en raison de sa forte urbanisation et de son poids démographique. Elle est par exemple responsable de la gestion des transports collectifs et son schéma directeur régional s’impose aux documents locaux de planification. Une métropole internationale La région francilienne est une métropole au rayonnement économique et culturel international. Deuxième région au monde par le nombre d’organisations internationales et de sièges sociaux de grandes entreprises, elle accueille aussi un des premiers quartiers d’affaires européens, la Défense. Les activités et l’emploi y sont essentiellement tertiaires (83%). Elle héberge également sept pôles de compétitivité dans les domaines des logiciels et des systèmes complexes, de la santé, de l’automobile, de l’image et du multimédia ainsi que du développement durable. Son patrimoine architectural, urbain et culturel en fait par ailleurs la région la plus visitée au monde. Pour l’Île-de-France, les grands défis à relever sont de contrôler la croissance urbaine et l’utilisation du territoire, tout en préservant les espaces ruraux et naturels, de corriger les disparités spatiales, sociales et économiques de la région, et d’améliorer l’offre de mobilité (transports en commun). Les perspectives de développement Le schéma directeur de 1965 a fortement structuré l’aménagement de la région dans un contexte de forte croissance démographique et économique. Il offrait une vision métropolitaine et polycentrique inédite avec la création de villes satellites et le renforcement de centralités urbaines de banlieue. L’attention s’est ensuite déplacée vers la maîtrise de l’ur- 14 | banisation sur des zones limitées. Le nouveau schéma directeur, intitulé « Objectif : Île-deFrance 2030 », a été approuvé en 2012 à la suite d’une large concertation entre région, État, collectivités, acteurs clés du territoire et habitants. L’accent y est mis sur le contenu, mais aussi sur le processus d’élaboration et de réalisation du document. Ce schéma entend répondre à des objectifs ambitieux dans différents domaines : construire 70000 logements par an pendant vingt-cinq ans avec à terme 30% d’habitat social ; créer 28000 emplois, améliorer les transports en commun par le renforcement des services existants et la création de nouveaux réseaux (tel le métro automatique Grand Paris Express) ; valoriser les espaces agricoles pour assurer la sécurité alimentaire. Ces objectifs s’accompagnent d’orientations fortes en matière d’aménagement du territoire : maîtrise du foncier et de l’étalement urbain, densification autour des gares et des pôles de centralité, valorisation des réseaux et des circuits courts pour améliorer la résilience du territoire et la gestion de proximité. L’extension urbaine de l’agglomération parisienne en 1900, 1960, 1994 et 2003 Région Rhône-Alpes et Grand Lyon Région Rhône-Alpes Population : 6,3 M d’habitants soit 9,8% de la population française (INSEE, 2012) Superficie : 43 698 km2 Contribution au PIB national : 9,8% (INSEE, 2012) La configuration géographique de la région s’appuie sur le triangle Lyon-Grenoble-SaintÉtienne et sur le Sillon alpin, qui s’étend de Genève à Valence. La région Rhône-Alpes est la deuxième région de France en termes de population et de production de richesses. La région, industrialisée depuis le 19ème siècle, bénéficie d’un tissu d’entreprises dynamiques et accueille des activités de haute valeur ajoutée dans le domaine de l’énergie, de l’électronique ou du numérique, des nouveaux matériaux, des industries liées à la santé ou utilisatrices des biotechnologies. Dotée de structures d’excellence dans l’enseignement supérieur et la recherche, elle est reconnue comme un territoire porteur d’innovations. Grand Lyon Population : 1,3 M d’habitants (INSEE, 2012) Superficie : 58 communes, 520 km² La communauté urbaine de Lyon, appelée Grand Lyon, est la deuxième agglomération française par sa population et son pouvoir économique. Le territoire du Grand Lyon est un bassin de vie et d’emploi attractif, traditionnellement tourné vers l’industrie et qui évolue vers les nouvelles technologies. Le Grand Lyon ambitionne de devenir une métropole européenne majeure. Le développement d’une métropole polycentrique Avec son schéma directeur « Lyon 2010 », approuvé en 1992, le Grand Lyon a participé à la création d’une nouvelle manière de planifier la ville, plus partagée, stratégique et transversale (déplacements urbains, plan universitaire, gouvernance économique, etc.). De grands projets urbains emblématiques, comme le quartier de Lyon Confluence, ont ainsi permis de structurer le développement de la ville, une réussite, selon les acteurs lo- L’extension urbaine de l’agglomération lyonnaise en 1955, 1975 et 1999 caux. Cependant, la limitation de l’étalement urbain et le renforcement des centralités secondaires, la diversification de l’habitat et le développement des activités économiques demeurent des préoccupations majeures. Afin d’accroître le rayonnement de la métropole, le « SCoT 2030 », nouveau schéma directeur approuvé en 2010, propose des actions visant à améliorer la qualité de vie (équipements, logements, etc.), l’accessibilité (interconnexions trains à grande vitesse/ aéroport, nouvelles lignes de métro et de bus), l’offre en immobilier tertiaire supérieur ou encore l’excellence des pôles universitaires et de recherche. Ce schéma directeur met l’accent sur l’articulation entre le développement urbain et le réseau de transports en commun par la promotion de quartiers de logements denses à proximité des stations de métro et de tramway. Afin de loger les 150 000 habitants supplémentaires attendus d’ici 2030, l’objectif est de construire 7 500 logements par an et d’atteindre le taux de 30% de logements sociaux sur l’agglomération. Par ailleurs, les espaces urbanisés ne devraient pas représenter plus de 50% du territoire. Enfin, en novembre 2011, le Grand Lyon, les communautés d’agglomération de SaintÉtienne métropole, de Vienne et de la porte de l’Isère ont créé une structure de coopération intercommunale afin de coordonner, pour l’ensemble de leurs deux millions d’habitants, les politiques en matière d’économie, d’enseignement supérieur, de recherche, de culture, de mobilité et d’aménagement des territoires. Faire la ville | 15 Introduction IMV, Institut des métiers de la ville L’IMV a été créé en mars 2001 par le Comité populaire de Hanoi et la Région Île-de-France dans le cadre de leur accord de coopération internationale. Il a pour vocation d’améliorer les compétences de la maîtrise d’ouvrage municipale dans le domaine de l’urbanisme (planification, règlementation, méthodologie de projet) et de la gestion des services urbains (régulation, contractualisation avec des délégataires, qualité de services, information aux usagers…). L’action de l’IMV est fondée sur le partage d’expériences et de savoir-faire entre professionnels des deux collectivités. L’IMV organise des séminaires pour les décideurs ou pour les cadres techniques, réalise des études sur des problématiques nouvelles au Viêt-Nam et mène des projets pilotes d’infrastructures. Par le biais des expertises et des projets pilotes, l’IMV promeut un urbanisme responsable fondé sur de bonnes pratiques. Par ailleurs, il assure une importante mission de diffusion des savoirs grâce à son centre de documentation et en traduisant puis publiant des ouvrages professionnels français ainsi que des travaux de recherches urbaines menés au Viêt-Nam. Les actions de l’IMV concernent principalement l’urbanisme et l’aménagement régional, les transports en commun (bus, métro, train régional), l’accès à l’eau et l’assainissement en zone périurbaine ainsi que le traitement et la valorisation des déchets, et enfin la protection du patrimoine bâti et sa valorisation touristique. PADDI, Centre de Prospective et d’Études Urbaines Le PADDI a été créé en 2006 dans le cadre de la coopération décentralisée entre la Région Rhône-Alpes, Hô Chi Minh-ville et le Grand Lyon. Son objectif est de renforcer les capacités techniques et institutionnelles des services du Comité populaire dans les champs de l’urbain. Bénéficiant d’un statut juridique vietnamien, le PADDI est placé directement sous l’autorité du Comité populaire. Le PADDI a pour principales activités la formation continue, l’assistance technique ainsi que l’appui à la recherche dans les domaines de l’urbanisme. Il a organisé une cinquantaine de sessions de formation sur des sujets définis par les services vietnamiens en fonction de leurs priorités. Les thématiques principales sont les 16 | transports, la planification urbaine, les services urbains, le foncier et la construction durable. L’angle d’approche peut être technique, institutionnel, opérationnel ou scientifique. La méthode repose sur le principe de la capitalisation d’expérience : il s’agit de transfert de connaissances, mais surtout d’adapter au contexte institutionnel, technique et économique vietnamien des méthodes et des outils tirés d’expériences françaises. Une assistance technique peut intervenir dans un second temps. La diffusion de ressources documentaires et l’appui à la recherche font également partie intégrante des missions du PADDI à travers son centre de ressources, la diffusion de ses productions (livrets de capitalisation des ateliers, ouvrages scientifiques et de vulgarisation), la réalisation et la diffusion d’études ou encore l’aide à la publication en français et en vietnamien. AFD, Agence Française de Développement Établissement public, l’Agence Française de Développement (AFD) agit depuis soixante-dix ans pour combattre la pauvreté et favoriser le développement dans les pays du Sud et dans l’Outre-mer. Elle met en œuvre la politique définie par le Gouvernement français. Présente sur quatre continents où elle dispose d’un réseau de 70 agences et bureaux de représentation dans le monde, l’AFD finance et accompagne des projets qui améliorent les conditions de vie des populations, soutiennent la croissance économique et protègent la planète : scolarisation, santé maternelle, appui aux agriculteurs et aux petites entreprises, adduction d’eau, préservation de la forêt tropicale, lutte contre le réchauffement climatique… Les financements de l’AFD au Viêt-Nam se sont élevés à 785 millions d’euros au cours de la période 2006-2012 et ont bénéficié à plusieurs millions de personnes. Le Viêt-Nam est l’un des premiers bénéficiaires des financements de l’AFD dans le monde. Dans le cadre de sa stratégie sur la période 2013-2015, l’AFD articulera son action autour de trois objectifs : promouvoir des villes performantes, équipées pour répondre durablement à leur inéluctable développement ; accompagner une croissance non seulement créatrice d’emplois, mais aussi intensive, équitable et économe en ressources naturelles ; et poursuivre l’appui à la stratégie vietnamienne de lutte contre le changement climatique. Pour aller plus loin : • www.imv-hanoi.com • www.paddi.vn • www.paddiexpositions.org • www.afd.fr LA PLANIFICATION URBAINE A u Viêt-Nam, les villes sont devenues le moteur de la croissance économique, contribuant pour une part majeure au revenu national. Le développement du secteur industriel et des services, des activités scientifiques et techniques a attiré de nombreux migrants. Cependant, la croissance démographique a conduit à la création de quartiers informels et souséquipés entraînant un étalement urbain qui pose de nombreux problèmes de gestion urbaine. De plus, la croissance économique a stimulé les marchés fonciers et immobiliers, et a entraîné la mutation des espaces centraux et périurbains. Les autorités publiques, avec des moyens humains et financiers limités, doivent ainsi relever de nouveaux défis pour répondre aux besoins croissants en matière de logement, d’emploi, de services urbains, etc. Leurs schémas directeurs proposent de nombreux projets de rénovation urbaine, de villes nouvelles, d’infrastructures ou de réseaux de transports en commun. Cependant, leur difficile mise en oeuvre réinterroge les espaces, les échelles et les modes de planification tout en questionnant les rôles des différents acteurs. Par conséquent, pour mieux s’adapter aux réalités socio-économiques et parer à l’urbanisation spontanée, dans un contexte où les effets du changement climatique sont de plus en plus significatifs, Hanoi et Hô Chi Minh-ville cherchent à rendre leur mode de planification plus stratégique, plus flexible et efficient. Le schéma directeur de HCMV à horizon 2025 Chapitre 1 : La planification urbaine LES DÉFIS DE LA PLANIFICATION AU VIÊT-NAM Comment rendre la planification plus efficiente ? fin de mener à bien une planification plus stratégique, les autorités publiques sont amenées à coordonner les politiques sectorielles et à coopérer avec les provinces environnantes. A « Principales dates de la planification urbaine de HCMV : - 1993 : Décision 20/1993/QĐ-TTg du Premier Ministre approuvant le Schéma directeur de HCMV. Les défis à relever concernent l’amélioration des infrastructures lourdes (voirie, drainage, égouts, digues), des services urbains et des équipements sociaux, ainsi que leur développement en périphérie : raccorder la population aux réseaux d’approvisionnement en eau ; construire des systèmes de traitement des eaux usées ; organiser celui des déchets ou encore accroître l’offre en écoles, hôpitaux et espaces verts. pour constituer des réserves foncières, ont entraîné un important mitage urbain et la formation de conurbations autour des deux villes. L’amélioration des réseaux de transports collectifs et leur articulation avec le développement urbain constituent un autre enjeu majeur de la planification pour les deux métropoles. La motorisation croissante des ménages, un urbanisme opérationnel très actif combiné aux difficultés rencontrées par les autorités publiques Dans cette perspective, des politiques de résorption de l’habitat insalubre et de construction de logements abordables sont nécessaires pour limiter l’urbanisation spontanée. Par ailleurs, la préservation du patrimoine exceptionnel du centre-ville de Hanoi, la protection de l’environnement, notamment des zones 18 | - 1998 : Décision 123/1998/QĐ-TTg du Premier Ministre approuvant la révision du Schéma directeur de HCMV à l’horizon de 2020. - 2010 : Décision 24/2010/QĐ-TTg du Premier Ministre approuvant la révision du Schéma directeur de HCMV à l’horizon de 2025. Pour aller plus loin : • Banque asiatique de développement, 2010, « Hô Chi Minh City Adaptation to Climate Change », 36 p. http://www.adb.org/ publications/ho-chiminh-city-adaptationclimate-changesummary-report • PADDI, 2012, Livret « Approche intégrée des risques d’inondation : vers une planification d’éléments systémiques », http://www.paddi.vn/ • Projet de recherche Megacity, Brandenburg University of Technology, Cottbus http://www.megacityhcmc.org/ de mangroves à HCMV, passent par leur intégration dans la planification urbaine. Enfin, la vulnérabilité aux inondations des deux métropoles impose également une planification urbaine plus intégrée, se traduisant par des mesures strictes de protection des terres inondables, en particulier des berges des cours d’eau. La transition vers une planification plus stratégique La planification a suivi jusqu’à présent une approche très normative et arithmétique (ratios) : ses objectifs techniques, fixés au niveau politique, étaient peu réalisables et hiérarchisés, ils ne tenaient pas assez compte des besoins et des réalités socio-économiques. Ces ratios, applicables sur l’ensemble du pays, ne sont pas compatibles avec les particularités des collectivités locales, en particulier à Hanoi et HCMV. Pourtant, depuis une dizaine d’années, les schémas directeurs proposent une vision plus stratégique du territoire, dans la mesure où leur méthode d’élaboration et la conception même de la planification ont évolué au contact des acteurs internationaux (bailleurs de fonds, entreprises, coopération décentralisée, consultants). Structuration territoriale de HCMV par Nikken Sekkei Le schéma directeur de Nikken Sekkei pour le centre-ville de HCMV « Une planification en décalage avec la réalité Ces écarts concernent entre autres : - la différence entre le poids de population attendu dans les districts et son importance réelle ; - la différence entre les équipements planifiés et ceux effectivement construits ; - l’urbanisation de zones agricoles, naturelles ou inondables dites non constructibles ; - le dépassement des hauteurs autorisées des bâtiments ; - l’absence de respect des plans initiaux (grands projets) et la non réalisation des équipements publics programmés ; - la destruction du patrimoine ordinaire à protéger. Ainsi l’organisation de consultations et de concours internationaux a entraîné une professionnalisation des services municipaux qui sont désormais mieux armés pour réaliser des diagnostics, élaborer des scénarios et les traduire dans des plans. Malgré ces progrès, la planification reste encore déclinée en normes techniques trop précises, notamment quant à l’usage des sols à l’échelle du grand territoire. Il en ressort que la « vision » du territoire proposée n’est pas suffisamment claire et partagée. A HCMV, le DUPA, les Comités populaires des districts et les consultants travaillent de façon concertée dès le La planification par ratios dans quelques districts de HCMV Raos Terrains résidenels (m2/hab) Equipements publics (m2/hab) Espaces verts (m2/hab) Transports (m2/hab) Réglementaon 22-23 1,5-2 2-2,5 5 District 4 6,97 3,14 2,3 3,04 District 6 13,41 1,77 1,88 5,2 District 8 14,5 3 5,2 6,8 Binh Tan Binh Chanh 38,02 52 2,99 4,2 5,18 9,1 16,48 14,5 Faire la ville | 19 Chapitre 1 : La planification urbaine début du processus d’élaboration des plans de secteur. Grâce à cette collaboration, tous les plans de secteur a l’échelle 1/2000 de HCMV ont fait l’objet d’une expertise. Mettre en œuvre la planification La planification reste difficile à mettre en oeuvre. Ainsi l’urbanisme règlementaire, parce qu’il peine à suivre les évolutions rapides du marché immobilier, est de fait peu appliqué. En outre, la méthode des ratios semble peu adaptée : grâce à eux, les plans détaillés fixent, à l’échelle des districts, les droits des sols, l’emprise des infrastructures, les objectifs de poids de population et les niveaux de couverture en réseaux urbains et en équipements publics. Mais ces ratios sont fondés sur des statistiques qui ne prennent pas en compte les populations flottantes, ce qui conduit à une sous-estimation chronique des besoins en équipement. « Principaux lois et règlements - 2003 : Loi sur la construction, définit le cadre de la planification des constructions pour les trois échelles régionale, urbaine et rurale. - 2005 : Décret 08/2005/ND-CP du Gouvernement sur la planification des constructions. - 2008 : Décision 03/2008/QD-BXD du Ministère de la Construction, définit le contenu des documents d’urbanisme dont les documents graphiques (entrée en vigueur en avril 2008). - 2009 : Loi sur la planification urbaine, définit le cadre juridique de la planification: planification régionale, planification générale (schéma directeur) des villes/provinces, planification thématique, planification de secteur et planification détaillée (entrée en vigueur en janvier 2010). - 2010 : Décret 37/2010/ND-CP du Gouvernement sur l’élaboration, l’expertise, l’approbation et la gestion des plans d’aménagement urbain (entrée en vigueur en mai 2010). - 2010 : Circulaire 10 du ministère de la Construction sur la constitution du dossier d’aménagement (entrée en vigueur en septembre 2010). De même, la réalité du développement urbain ne suit pas forcément les grands objectifs définis par le plan. Ainsi, le schéma directeur de 1998 prévoyait pour Hanoi une expansion vers le nord et l’ouest ; or la ville a connu, durant sa période d’application, une croissance urbaine uniquement concentrée à 20 | l’ouest de l’agglomération, les ponts enjambant le Fleuve rouge au nord n’ayant pas été construits. La même situation s’observe à HCMV : le développement des logements et des activités prévu au nord de l’agglomération, où les prix des terrains sont les plus élevés, s’est effectué dans le sud où le foncier était moins onéreux. L’absence de maîtrise foncière publique rend donc peu probable l’orientation du développement urbain dans le sens des schémas directeurs. Seuls les très grands projets dépendant de l’autorité publique sont en général réalisés : grandes zones d’activité, délocalisation des ports, grandes infrastructures par exemple. Ces opérations se caractérisent par leur lenteur, un manque de directivité face aux investisseurs et d’anticipation, notamment foncière. Néanmoins, certains projets privés se révèlent de vraies réussites, comme le quartier de Phu My Hung à Saigon South, HCMV. À ces différents obstacles s’ajoute un contexte où la règle est mal acceptée et où les moyens Le grand projet de Thu Thiêm et la vue satellite du district 1 de HCMV, 2011 L’urbanisation des périphéries dans le quartier de Ha Dong, Hanoi, 2012 le développement urbain à travers une planification centralisée1. Elles sont cependant aujourd’hui confrontées à une diversification des acteurs et une fragmentation des responsabilités dans ce domaine. Le schéma du district 9 d’HCMV de la faire appliquer restent faibles. Ainsi promoteurs et particuliers ont tendance à peu respecter les règles d’usage du sol, même lorsque des plans de détails ont été réalisés, et les contrôles en la matière sont insuffisants. De même, les nombreuses opérations privées (lotissements, immeubles de grande hauteur) manquent de cadrage de la part des autorités et ne font pas l’objet de participations financières pour contribuer à la mise en place des réseaux techniques. La distinction des métiers d’aménageur et de promoteur ainsi que la définition précise des cahiers des charges permettra de proposer des programmes et des plannings réalistes. La mise en place de structures de gestion de projets opérationnels, dotées d’une capacité d’emprunt réelle, d’un pouvoir décisionnel et de compétences bien ciblées devrait à l’avenir permettre de faire face à la complexité technique et financière croissante des opérations (décret 11/2013/NĐ-CP). Des compétences et des responsabilités très fragmentées Historiquement, les institutions vietnamiennes se sont structurées de manière à gérer un système où seul l’État construisait la ville et où il pouvait tenter de maîtriser D’une part, les collectivités locales ont vu leurs prérogatives se renforcer progressivement en matière d’urbanisme, comme en attestent les orientations de la nouvelle loi sur la planification urbaine de 2009. Ce processus de décentralisation, s’il permet une gestion plus proche des réalités du terrain, exige également une coordination accrue entre les différents acteurs et échelons de la planification. Les provinces ont délégué certaines compétences d’urbanisme aux districts (plans détaillés, délivrance de petits permis de construire). Ceci a entraîné des effets de compétition pour l’aménagement de zones résidentielles et économiques, qui permettent de développer le territoire et d’accroître dans le même temps le poids démographique d’un district, dont dépend une partie de son budget. Ce phénomène de concurrence entre le pouvoir central et les autorités locales se révèle particulièrement à HCMV. D’autre part, les acteurs de l’urbanisme (promoteurs privés, entreprises publiques, entreprises étrangères, joint-venture et habitants) se sont multipliés au cours de la période de « transition » qui a suivi le Doi Moi. Les politiques de « socialisation », terme utilisé au Viêt-Nam pour qualifier les privatisations des années 1990, ont impliqué la sollicitation directe des acteurs privés pour le financement et la construction des infrastructures, des zones industrielles, des centres commerciaux, de services ainsi que des équipements (éducation/santé). Des entreprises de construction ont été privatisées, les joint-ventures et les partenariats public-privé se sont développés. Les investisseurs élaborent les plans détaillés de leurs projets d’aménagement conformément aux plans des échelons supérieurs approuvés par les autorités compétentes. Les projets stratégiques font l’objet de précédures spécifiques, où les plans détaillés doivent être approuvés par l’Etat. Pour aller plus loin : • Banque mondiale, 2011, « Viêt-Nam urbanization review, technical assistance », 238 p. http://documents. worldbank.org/ urated/11/15817674/ vietnam-urbanizationreview-technicalassistance-report • Banque mondiale, 2006, « Urban development strategy; Meeting the challenges of rapid urbanization and the transition to a market oriented economy », 73 p. http://siteresources. worldbank.org/ INTEAPINFRASTRUCT/ Resources/Urban.pdf • Patrick Gubry, « L’urbanisation au Viêt-Nam, que sait-on de la population flottante ? », http://rechercheiedes.univ-paris1.fr/ IMG/pdf/201101Gub ryLeThiHuongNguye nThiThiengUrbanisat ionViet-namPopulati onFlottantePresentat ion.pdf • PADDI, Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise, 2012, « Comment rendre la planification urbaine au Viêt-Nam plus efficace ? », http://www.paddi.vn/ La répartition des compétences entre collectivités locales et échelons déconcentrés de l’État relève au Viêt-Nam d’un système hybride entre déconcentration et décentralisation. 1 A cela s’ajoutent des responsabilités institutionnelles très fragmentées, en matière de planification urbaine entre les différents Faire la ville | 21 Chapitre 1 : La planification urbaine Workshop organisé par le PADDI sur l’implantation d’une ligne de BRT sur le boulevard Vo Van Kiet (HCMV) réunissant le DoT, le DUPA, l’Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise et la Banque mondiale ministères et les échelons administratifs. En effet, le développement urbain est encadré par trois types de plans. Le Plan de développement socio-économique, dirigé par le ministère du Plan et de l’Investissement, fixe pour quatre ans les orientations des politiques publiques à l’échelle nationale. Il est décliné localement par les provinces, les villes et les districts. Les schémas directeurs, appelés également plans des constructions, doivent être compatibles avec ce dernier. Ils sont , quant à eux, élaborés sous la responsabilité du ministère de la Construction (MoC). Enfin, les différents plans sectoriels (foncier, transport, réseaux, etc.), placés sous la responsabilité de leurs ministères respectifs, sont tenus d’être compatibles avec les plans précédents. Cette hiérarchie n’est pourtant pas systématiquement respectée, ce qui réduit considérablement la cohérence de la planification urbaine. La majorité de ces plans sont élaborés au niveau central par le Viêt-Nam Institute of Architecture and Urban Planning (VIAP) et par le Southern Institute for Spatial Planning (SISP) dans le sud du Viêt-Nam. Les villes dotées des ressources financières et humaines suffisantes peuvent élaborer leur propre schéma directeur, même si, exception due à son intérêt stratégique, celui de Hanoi a été financé par l’État. Le DUPA (département d’Urbanisme et d’Architecture) de Hanoi a été associé à son élaboration, dirigée par le VIAP, alors que le schéma directeur de HCMV en 2010 a quant à lui été entièrement dirigé par le DUPA de la ville. Les DUPA sont également responsables de la mise en œuvre des schémas directeurs, tandis que les instituts d’urbanisme locaux sont chargés de 22 | leur élaboration et des études prospectives préalables. À HCMV, le Hô Chi Minh City Institute for Development Studies (HIDS) regroupe les instituts d’urbanisme, d’économie et de sciences sociales. Il élabore le Plan de développement socio-économique de la ville, réalise des études sur les mécanismes institutionnels et financiers et prodigue des recommandations techniques. Ce contexte institutionnel explique que la concertation entre les acteurs publics - État, ministères, organisations déconcentrées de l’État, pouvoirs locaux - soit longue et complexe, et qu’elle reste trop faible avec les acteurs privés. Les habitants sont consultés par le biais d’expositions où leurs commentaires sont recueillis, mais leur participation demeure encore minime. Le manque de structures de discussion entre les différents départements et l’insuffisance de « management urbain » au sein des Comités populaires rendent plus difficile la formation d’un consensus sur les politiques à mettre en œuvre. Le même problème de gouvernance se pose lorsque les limites administratives se trouvent dépassées par le développement urbain. Un premier pas a été effectué vers la planification régionale pour HCMV et ses sept provinces limitrophes, ainsi que pour Hanoi et ses huit provinces, en se limitant toutefois à une planification spatiale indicative et sans structure institutionnelle spécifique de mise en œuvre. La maîtrise de l’urbanisation de Hanoi et d’HCMV, métropoles d’un pays en développement, est complexe, ce qui invite à privilégier une planification stratégique. Sa mise en œuvre effective passera essentiellement par l’amélioration de la gouvernance urbaine. Pour aller plus loin : • CEFURDS, LPED, AFD, PADDI, IMV, Région Rhône-Alpes, 2012, Trends of urbanization and suburbanization in Southeast Asia, 324 p. • UN Habitat, 2012, « Urban planning for city leaders », 176 p. http://www. unhabitat.org/pmss/li stItemDetails.x?public ationID=3385 • ISET, 2012, « Changing Cities and Changing Climate: Insights from shared Learning dialogues in Thailand and ViêtNam », 33 p. http://www.i-s-e-t. org/images/pdfs/ isetinternational_ sandchangingclimate_ nistpassandtei_2012. pdf Multiples plans, quelle hiérarchie ? Organisme Organisme responsable d’évaluation de l’élaboration Niveau de planification Couverture territoriale Plan de développement socioéconomique Pays/ région/ province/ ville/district Objectifs et moyens de croissance, réduction de la pauvreté… Planification régionale Inter provinces MoC MoC sous Grandes orientations d’aménagement : zones pilotage du urbaines, industrielles, Premier ministre réserves foncières Contenu Définition de la structure du développement Schéma spatial de la ville-centre directeur/plan et de l’agglomération ; d’aménagement orientations des réseaux général d’infrastructures Ville nouvelle techniques et sociales située sur deux majeures ; programmes provinces d’investissements priori(1/10 000e ou taires et ressources pour e 1/25 000 ) leur mise en oeuvre ; évaluation stratégique de l’environnement Province, ville (1/25 000e ou 1/50 000e) MPI /DPI Ministères/Comités populaires de province, villes, districts Organisme d’approbation Premier ministre/ Conseils populaires des villes/provinces Premier ministre Comité populaire MoC de province, ville Premier ministre MoC MoC et Comités populaires des provinces et villes concernées Premier ministre Planification thématique (transports, réseaux) Pays/ province/ ville/district Objectifs, orientations, projets et règlements des politiques foncières, des transports, des réseaux, du logement, etc. Schéma de district District (1/10 000e ou 1/25 000e) Définition des fonctions Comité populaire DUPA/DoC et des droits des sols, du district des orientations paysagères et architecturales pour chaque zone ; ratios des catégories de terrains et d’infrastructures techniques pour chaque îlot ; évaluation stragégique de l’environnement Comité populaire du district Schéma de secteur Zones interdistricts ou à l’intérieur d’un district (1/2 000 ou 1/5 000) Comité populaire DUPA Définition des périmède province, ville tres, des fonctions et ou de district des droits des sols, de la taille de population ; ratios des catégories de terrains et d’infrastructures techniques ; principes de la planification de secteurs Comité populaire de province, ville Détail des constructions, des infrastructures techniques à réaliser ; droit des sols pour chaque parcelle ; règlement du design urbain Bureau de gestion urbaine du district Comité populaire du district ou de la ville DUPA ou Bureau de gestion urbaine du district Comité populaire du district ou de la ville Plan d’aménage- Quartier, commune, ment détaillé interquartier, au 1/500 intercommune Composition urbaine/ design urbain Ministères et départements techniques Comité populaire du district Ministères/Services Premier ministre/ techniques des villes Comités populaires ou des provinces de provinces/villes/ districts Faire la ville | 23 Chapitre 1 : La planification urbaine LA PLANIFICATION URBAINE EN FRANCE Une approche flexible et de puissants outils opérationnels a France est marquée par une forte tradition planificatrice, qui s’est essentiellement manifestée à l’issue de la Seconde Guerre mondiale avec l’effort de reconstruction. La planification des années 1960-1970 était rigide, fondée sur des prévisions démographiques et économiques qui se sont révélées surestimées. Une démographie en forte croissance impliquait des politiques d’aménagement du territoire expansives et volontaristes. Aujourd’hui, l’État n’intervient plus que rarement dans la gestion urbaine, désormais confiée aux collectivités locales et à leurs groupements dans le cadre de la décentralisation. La faible croissance actuelle explique en partie la différence des problématiques de planification et d’outils entre le Viêt-Nam et la France. L La combinaison des politiques publiques et du marché La France et les pays occidentaux en général considèrent le développement urbain comme une combinaison de décisions publiques (infrastructures, grands projets) et de lois du marché sur lesquelles la puissance publique influe de façon variable et parfois limitée, suivant qu’il s’agit de règles d’autorisation ou d’interdiction, de mécanismes d’orientation ou d’incitation. La planification urbaine et les outils d’aménagement dont disposent les collectivités publiques ont pour rôle de réguler le développement urbain. Tantôt ils servent à corriger les déséquilibres et les ségrégations produits par le marché, tantôt ils soutiennent des dynamiques d’expansion pour les favoriser et en tirer parti. La planification française propose une vision à long terme qui se traduit par le SCoT (Schéma de cohérence territoriale) ainsi qu’un projet territorial qui s’exprime via le SCoT d’une part, le PADD (Projet d’Aménagement et de Développement Durable) des PLU d’autre part (Plan local d’urbanisme qui détermine les règles d’urbanisme au niveau des propriétés). Il s’agit soit d’orientations qui constituent un cadre de coordination et de référence pour l’action, soit de règles précises pour l’instruction des permis de construire. La planification qualifiée de stratégique fait appel à une méthode plus visionnaire et plus interactive. En Europe, la planification fonctionne mieux lorsqu’elle vise à protéger 24 | Le nouveau schéma directeur du Grand Lyon et sa vision de la « cohérence territoriale » plutôt qu’à inciter. Les règlements et les outils de protection concernent entre autres l’environnement, le patrimoine et la séparation des activités industrielles lourdes du tissu urbain normal. Les mécanismes d’incitation, eux, sont essentiellement fiscaux ; ils dépendent en grande partie des marchés et sont plus difficiles à mettre en oeuvre, ce qui explique qu’ils soient moins efficaces que les précédents. L’État peut parfois intervenir par le biais de structures opérationnelles telles que les Établissements Publics d’Aménagement (EPA) pour des projets considérés comme stratégiques. Concertation et ajustement permanent, des pratiques en développement Dans l’approche « bottom up » de la planification, la ville est conçue comme la somme des actions collectives. Cette approche engage les élus et les techniciens des collectivités locales à prendre en compte les réalités du terrain et les demandes des habitants. Elle se développe peu à peu en France, mais coexiste avec l’approche classique dominante dite « top-down » ou descendante, qui privilégie le poids de l’action publique et de la planification dans la construction de la ville. En Europe, les ratios servent d’indicateurs, d’outils d’aide à la décision, et non d’objectifs à atteindre, et la planification est ajustée en permanence. En France, la mise en œuvre des Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) fait désormais l’objet d’un suivi continu et d’une évaluation six ans après l’élaboration du document, qui peut mener à sa révision. Les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) sont modifiés environ tous les six mois et révisés tous les cinq ans. Ces plans sont fermes sur les interdits, mais plus souples sur les préconisations de développement. actions à mettre en oeuvre pour la réaliser. Aujourd’hui, les politiques publiques tentent généralement de favoriser la construction de nouveaux quartiers plus denses, d’urbaniser les terrains vacants en zone dense et de structurer l’urbanisation autour des axes et des stations de transport en commun afin de diminuer la part des déplacements individuels motorisés. La préservation des espaces verts et agricoles des agglomérations, la valorisation des cours d’eau (la trame verte et bleue) et l’aménagement d’espaces publics sont autant d’objectifs qui sont largement partagés par les services d’urbanisme des collectivités françaises. La planification se veut elle aussi durable, tant dans le processus, via la mise en place d’une concertation avec les différents acteurs et la participation des habitants, que dans le contenu. Un diagnostic environnemental est intégré au PLU et à chaque projet urbain. Les plans sectoriels comme le Plan de Déplacement Urbain (PDU) et le Programme Local de l’Habitat (PLH) visent par exemple à réduire la pollution atmosphérique en préférant le fret au transport routier de marchandises ou en créant des mesures favorables à la mixité sociale. Pour aller plus loin : • Éco-quartier de la caserne de Bonne à Grenoble, premier éco-quartier français, http://www.debonnegrenoble.fr/ Des appels à projets publics incitent les collectivités à construire des quartiers plus écologiques et durables Les différents plans/acteurs : à la recherche d’une échelle métropolitaine à Lyon et à Paris Le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie comprend les directions de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme. Celles-ci produisent des études, lancent des appels à projet (éco-quartier, grand territoire, aménagement numérique). Sur le terrain, seuls les grands projets des Directives Territoriales d’Aménagement, des Opérations d’Intérêt National ou des Établissements Publics d’Aménagement sont pilotés par l’État. Les plans d’aménagement Une préoccupation nouvelle : le développement durable La ville doit désormais essayer d’être « durable », dans les trois dimensions (écologique, économique et sociale) du terme. Les définitions de la « ville durable » sont nombreuses et ne font pas toujours consensus, pas plus que les L’élaboration d’un schéma directeur demande la consultation et la coordination des acteurs institutionnels, économiques et des habitants Faire la ville | 25 Chapitre 1 : La planification urbaine aux différentes échelles sont liés par le principe de compatibilité. Les directions régionales et départementales de l’aménagement, les services techniques de l’urbanisme des intercommunalités et des communes, et les agences d’urbanisme sont chargés d’élaborer les documents d’orientation et de planification. Les collectivités peuvent par ailleurs faire appel à des bureaux d’études privés pour réaliser ces documents. La planification à l’échelle régionale et le défi de la gouvernance métropolitaine en Île-de-France Quelques unes des structures qui composent le millefeuille de la gouvernance francilienne Le schéma directeur de la région Île-deFrance (SDRIF) est un document d’urbanisme à l’échelle de la région qui vise à contrôler la croissance urbaine et l’utilisation du territoire, tout en garantissant la préservation des espaces ruraux et naturels. Dans la hiérarchie des normes d’urbanisme, il se situe à un niveau intermédiaire, entre les lois qui s’imposent à lui (Loi du Grand Paris) et les documents locaux d’urbanisme tels les SCoT ou les PLU. L’Île-de-France, région capitale, est aussi la seule région française à disposer d’un « quasi pouvoir règlementaire ». Elle élabore, en association avec l’État, les orientations règlementaires du SDRIF. Mais 26 | Enfin, un syndicat mixte d’études, nommé « Paris Métropole », a été créé en 2009 pour favoriser les échanges et les études communes entre les collectivités franciliennes. Il repose sur une coopération volontaire entre plus d’une centaine de collectivités d’Île-deFrance de différents échelons (communes, intercommunalités, départements, région). Paris Métropole associe à ses travaux, au sein d’un Comité des partenaires, les grands syndicats techniques, les chambres consulaires, les représentants des milieux socio-économiques et universitaires, les dix équipes de la consultation internationale sur le « Grand Pari de l’agglomération parisienne » et des acteurs de la société civile. Des démarches de planification et de gouvernance innovantes dans la métropole lyonnaise La généralisation de l’intercommunalité est un enjeu majeur pour l’Île-de-France. De nombreux projets d’extension et de création d’intercommunalités sont en cours (en orange les communautés de communes existantes, en rose les communautés d’agglomération et en vert les Syndicats d’agglomération nouvelle) Rencontre des présidents des syndicats mixtes porteurs de SCoT de l’agglomération lyonnaise elle est forcée de se soumettre à la volonté de l’État, dans la mesure où c’est le gouvernement qui fixe, en général, les grandes orientations en matière d’aménagement du territoire (Pôles de compétitivité économique, Lignes à Grande Vitesse, etc.). Dans ce cadre, la Société du Grand Paris, créée par la loi du 3 juin 2010, a pour mission principale de concevoir et de réaliser de grandes infrastructures de transport, en particulier le réseau de métro automatique du « Grand Paris Express », long de 130 km, qui reliera notamment les aéroports de Roissy CDG, d’Orly et du Bourget, en passant par la Défense, le plateau de Saclay, la grande banlieue Est et le centre de Paris. Pionnière, l’agglomération de Lyon s’engage dans un nouveau type de planification au cours des années 1980, peu après les grandes lois de décentralisation. Auparavant descendante, rigide et essentiellement spatiale, cette planification nouvelle prend en compte désormais la dimension métropolitaine de l’agglomération de Lyon et propose une vision plus partenariale et prospective, fondée sur de grands projets d’agglomération et sur l’inté- gration, entre autres, des enjeux de développement économique et universitaire. Le schéma directeur « Lyon 2010 » est approuvé en 1992 à la suite d’un processus novateur de concertation entre les acteurs publics, privés et la société civile, au moyen de nombreuses auditions et groupes de travail. Ce schéma se distingue par sa souplesse et sa déclinaison en secteurs, échelons territoriaux informels qui détaillent ses orientations stratégiques. Ce document a donc eu une grande influence sur la création d’une « culture d’agglomération », et sa vision prospective de la métropole a été considérée comme une référence par les acteurs aussi bien publics que privés. La structure institutionnelle de la planification est aujourd’hui particulière dans l’agglomération de Lyon. Son territoire, en raison de son intérêt stratégique, est couvert par une Directive Territoriale d’Aménagement d’encadrement étatique. Le SCoT du Grand Lyon touche en pratique un périmètre plus large que celui de l’intercommunalité. Il est élaboré par le Syndicat mixte d’Études et de Programmation de l’Agglomération Lyonnaise, le SEPAL. Une démarche dénommée inter-SCoT rassemblant treize SCoT de l’aire métropolitaine lyonnaise a été conçue afin de raisonner à l’échelle de la « grande région » formée par les agglomérations fortement liées de Lyon, Grenoble, Saint-Étienne, Vienne, Villefranche, Bourgoin... Un « chapitre commun métropolitain » tient ainsi lieu de préambule pour chacun de ces SCoT. Le « SCoT 2030 » de l’agglomération lyonnaise qui a été approuvé en 2010 insiste entre autres sur la densification autour des axes de transport en commun et sur la valorisation des bassins de vie. en 2000 dans la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (trois volets : urbanisme, habitat et transport) et renforcé par les lois Grenelle. Les PLU doivent comporter un Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD). Les documents règlementaires ne se contentent plus d’édicter des normes et des Les orientations stratégiques du schéma directeur Lyon 2010 La carte de synthèse des orientations majeures du schéma directeur de la région Île-de-France La combinaison de la planification, de la « stratégie » et des grands projets Afin de rendre sa mise en œuvre plus aisée, la planification règlementaire peut s’articuler avec le développement de grands projets et des stratégies globales et sectorielles (économie, foncier, logement, transport, environnement...). Pour renforcer les liens entre l’urbanisme règlementaire et les pratiques opérationnelles réelles (urbanisation diffuse, incohérence des fonctionnalités, rigidité du zonage), l’« urbanisme de projet » a été inscrit Faire la ville | 27 Chapitre 1 : La planification urbaine interdits, puisque les collectivités y exposent désormais au préalable des orientations d’aménagement et de programmation. Les grands projets ne dérogent pas aux règles et peuvent les alimenter : le PLU peut être modifié lors du développement d’un projet de Zone d’Aménagement Concerté (ZAC). « Développer des outils opérationnels en complémentarité des plans d’urbanisme Si les orientations majeures sont du ressort du schéma directeur, et la gestion quotidienne de l’urbanisme du ressort des documents locaux (plans détaillés), il est intéressant de développer une batterie d’outils adaptés à des problématiques spécifiques. En France, les AVAP (Aires de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine) et les « secteurs sauvegardés » permettent une politique de protection et de valorisation du patrimoine bâti urbain. Les OPAH (Opérations Publiques d’Amélioration de l’Habitat) permettent de réhabiliter les logements dégradés, les PLH (Programmes Locaux de l’Habitat) de fonder une politique territoriale de logement social, les PDU (Plans de Déplacements Urbains) et les PLD (Plans Locaux de Déplacements) d’organiser les déplacements, les PNR (Parcs Naturels Régionaux) ou les zones « Natura 2000 » de protéger des zones naturelles. La définition de la stratégie Les orientations stratégiques définies par la collectivité s’expriment par des plans sectoriels et par le SCoT, qui constitue une synthèse territoriale de ces objectifs. Celui-ci repose sur une vision générale, sur une sélecUn exemple de vision stratégique : la charpente du réseau de transport en commun à HCMV tion d’actions en fonction de leur faisabilité, et sur un partenariat entre l’autorité publique et les autres acteurs clés de l’agglomération (développeurs, promoteurs, entreprises du bâtiment et des travaux publics, grandes entreprises, associations importantes, etc.). Ce schéma dessine le « squelette » de la ville future. Ce squelette environnemental (protection de la trame verte, zones naturelles non constructibles) et structurel (centres, centres secondaires reliés par la charpente de transports en commun) définit les orientations de développement pour le long terme. Dans le reste du tissu urbain, le SCot privilégie en général une mixité de fonctions, sauf dans les zones d’activités industrielles et de logistique. Une planification règlementaire claire Le PLU précise les grandes orientations définies dans le schéma directeur. Il fait l’objet d’une concertation entre les acteurs clés, publics et privés, du territoire ainsi que d’une enquête publique. Le document final est rendu public, consultable en mairie et souvent publié sur internet. Le droit des sols, qui peut être connu de tous, est accepté et les interdits sont largement respectés. Le document est composé de quatre volets : le diagnostic, le projet de la collectivité (PADD), le règlement et enfin les documents graphiques (zonage). Ce zonage définit les catégories d’usage du sol : zones naturelles (N), agricoles (A), urbanisées (U) et à urbaniser (AU). Combiné avec le règlement du PLU, il définit l’attribution des permis de construire. Ces plans détaillés se limitent à l’essentiel : indication et réservation des emprises de projet urbain, voirie, transports, réseaux et équipements ; prescriptions relatives aux constructions, aménagements et activités économiques (localisation, implantation) ; terrains à protéger (trame verte et bleue, risques naturels ou industriels). Les grands projets urbains structurants Trame verte TCSP Corridors Aérorpot Port Sites de développement stratégiques 28 | Inscrits au schéma directeur, ils bénéficient d’un encadrement et d’un financement public, et servent de catalyseurs pour attirer les investissements privés. Le développement du projet s’effectue en général en partena- Des catégories de zonage simples et claires : zone agricole, à urbaniser, naturelle et urbanisée « L’élaboration de la stratégie et du schéma directeur 2 La première étape Information Durabilité a pour objectif d’esFaisabilité quisser une vision DIAGNOSTIC du territoire, qui sera FACTEURS DE EVALUATION détaillée par la suite CHANGEMENT dans les cartes et IDENTIFICATION les documents de VARIABLES planification. STRATEGIQUES Incertitude Une évaluation de IDENTIFICATION la mise en œuvre CONFLITS & du précédent schéOPPORTUNITES ma directeur est CONSTRUCTION menée avant de déSCENARIOS buter l’élaboration VALIDATION du nouveau, en colCHOIX laboration avec les acteurs institutionnels et économiques du territoire. Ces scénarios sont traduits en grandes orientations Le diagnostic critique - atouts et faiblesses - com- territoriales. Le passage du croquis à la carte s’effecprend notamment une évaluation environne- tue progressivement, avec l’identification de zones mentale et doit reposer sur des données fiables, prioritaires d’un point de vue économique, environqui pourront par la suite faire l’objet de mises à nemental ou d’urbanisation préférentielle. jour pour le suivi du document. Ce diagnostic est ensuite croisé avec les facteurs de changement La carte de synthèse finale résulte de la superpo(démographie, croissance économique, chan- sition des cartes des différents thèmes du schéma gement climatique) pour identifier les grandes directeur : zones d’urbanisation et de densification, variables stratégiques. zones de développement urbain contrôlé, infrasUn schéma qui synthétise les forces, les fai- tructures routières et de transport en commun, blesses, les opportunités et les risques, (analyse pôles d’excellence. Il s’agit, à cette échelle, d’indi« SWOT » - strenghs, weaknesses, opportunities quer des zones de développement préférentiel et and threats) permet d’identifier les scénarios de non des localisations précises. développement. Le nouveau quartier de la ZAC Lyon Confluence, 2011 riat avec des acteurs privés, à travers des Sociétés d’Économie Mixte (SEM), ou des partenariats public-privé. Les grands projets urbains peuvent être un moyen de revaloriser une zone, en créant ou rénovant un quartier, de créer de nouvelles dynamiques économiques, comme le rapprochement des pôles universitaires et des entreprises de nouvelles technologies. Ils peuvent être développés à l’occasion de grands événements, tels les projets de Barcelone, Beijing ou Londres en vue de l’accueil des Jeux olympiques. Leur succès dépend fortement de la volonté politique et du suivi des réalisations. A cette fin, la Zone d’Aménagement Concerté offre un encadrement juridique, technique et financier public, et permet l’instauration d’un régime de participation spécifique pour le financement des équipements et des infrastructures publiques. Pour aller plus loin : • Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise, « La planification stratégique, de Lyon 2010 aux métropoles d’aujourd’hui », 47 p. http://www. urbalyon.org/ Document/Colloque_ la_planification_ strategique_-_de_ Lyon_2010_aux_ metropoles_daujourd-hui_-_19_ mai_-_Les_actes-2912 • Schéma Directeur de la Région Île-deFrance, www.sdrif.com/ • SCOT de l’agglomération lyonnaise, http://www.scotagglolyon.fr/ • ISTED, AFD, MAE, MEDAD, Ville en devenir, 2007, 79 p. http://www.isted. com/villesendevenir/ html/accueil_html/ index.html • PADDI, 2006, Livret « Planification et gestion des ressources foncières » Atelier IMV sur les « Stratégies des grandes métropoles », animé par Gilles Antier, mars 2011 2 Les initiateurs publics (État, Établissements publics, collectivités) réalisent des études Faire la ville | 29 Chapitre 1 : La planification urbaine pour définir le projet et son bilan financier. La maîtrise d’ouvrage est confiée à un aménageur qui peut être un établissement public (10% des cas), une Société d’Économie Mixte (80%) ou une compagnie privée (10%). L’aménageur et l’initiateur public définissent leur participation financière au potentiel déficit de l’opération. L’aménageur acquiert une partie ou la totalité du foncier du périmètre par des acquisitions à l’amiable, par droit de préemption et parfois par expropriation. Il réorganise le parcellaire, viabilise les terrains 1 et supervise la construction des équipements publics. Les autres terrains sont cédés par vente, location ou concession d’usage. Des orientations architecturales et paysagères précises sont imposées aux constructeurs. Pour aller plus loin : La mise en œuvre de la planification stratégique • FNAU, Fédération Nationale des Agences d’urbanisme, 2010, « La planification stratégique au service du développement durable ; l’expérience des agences françaises d’urbanisme », http://www.fnau.org/ index.asp Les objectifs du schéma directeur doivent être clairs et faciles à lire par tous les acteurs publics et par les partenaires privés. Le long processus de dialogue métropolitain, de l’élaboration en concertation à la mise en œuvre (projet partagé, ajustements), est aussi important que le document du schéma directeur en lui-même. Ses objectifs doivent faire l’objet d’une campagne de communication auprès de ceux qui vont l’appliquer. Les grands investissements publics d’infrastructures et d’équipements et les opérations stratégiques d’aménagement (par exemple les ZAC) demandent une maîtrise d’ouvrage forte pour coordonner l’investissement public et cadrer l’investissement privé. 2 Urbanisme règlementaire et de projets se combinent dans les documents de planification, ici dans le PLU de Lyon. Les zones UA concernent le centre-ville et les quartiers centraux. Les zones UC1 concernent les zones mixtes à dominante d’habitat collectif (1). Le périmètre de projet, en jaune, se superpose aux zones règlementaires du PLU (2). 30 | Afin de faciliter la mise en œuvre, la structure administrative et technique peut se caler sur les plans d’action proposés dans le schéma directeur : chaque stratégie est conduite par un pilote technique sous l’autorité d’un pilote politique, chaque grand projet bénéficie de la même organisation (autorité de gestion, ZAC…). Au Grand Lyon, les communes ont été regroupées en cinq grands secteurs géographiques. Ces échelons intermédiaires de travail ont permis de préciser les orientations du SCoT dans des plans de secteurs. Plus généralement, l’organisme responsable du SCoT associe les communes à son élaboration et peut les conseiller lors de la conception des PLU. Une évaluation doit être menée six ans au plus tard après l’approbation du schéma directeur. Les outils d’évaluation peuvent être décidés dès l’approbation (indicateurs sur l’occupation des sols, sur les pratiques de déplacement des habitants, sur le tissu économique de l’agglomération ou encore sur la production de logements). • CERTU, Guide « Outil de l’aménagement », http://www. outil2amenagement. certu.developpementdurable.gouv.fr/ Les principales caractéristiques des systèmes de planification vietnamien et français Mise en perspective Planification vietnamienne Orientation générale Règlementée de manière précise par les lois et les textes Définie par le Code de l'urbanisme, le contenu est déterminé règlementaires (loi foncière, loi sur la construction et sur la par les collectivités locales. planification urbaine). Planification socio-économique au niveau régional, provincial. Planification foncière au niveau national, provincial, du district, communal par le MoNRE et le DoNRE. Les différents documents Planification des constuctions : quatre plans (régional, général, zonage, détaillé) par le VIAP (MoC), les instituts d’urbanisme (Hanoi et HCMV) en concertation avec les différents départements techniques (DUPA, DoT, etc.). Planification thématique : logement, transports, santé, etc. Planification française Aménagement du territoire, documents ou démarches élaborés par l’État : la Directive Territoriale d'Aménagement (DTA), l’Opération d'Intérêt National (OIN) et l'Établissement Public d'Aménagement (EPA). Aménagement et planification urbaine : le SRADT élaboré par les régions, le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT), élaboré à l'échelle du groupement intercommunal qui couvre une agglomération ou un bassin de vie et le Plan Local d'Urbanisme (PLU) qui couvre généralement une commune (création récente des PLU intercommunaux). Planification par thème : élaboration à l'échelle régionale (économie), départementale (affaires sociales) et concertée avec le SCoT et le PLU articulé avec le Programme Local de l'Habitat (PLH), le Plan de Déplacement Urbain (PDU), etc. Type de relation entre les documents Contenu de la planification Hiérarchique, conformité avec le document supérieur Indépendance mais obligation de compatibilité avec le document supérieur Repose sur des objectifs des collectivités locales, des orientations des plans de l’échelon supérieur, des ratios et normes techniques (taille de population, etc). Les objectifs chiffrés à atteindre ont un caractère impératif. La loi donne les grands principes généraux à respecter. Certaines contraintes peuvent être imposées par l’État, à propos des ouvrages nationaux notamment (passage d’une autoroute par exemple). Les prévisions démographiques ont un caractère indicatif. Schémas régionaux : orientation de développement socio-économique, liens régionaux, mise en cohérence des infrastructures (transports, réseaux, éducation, etc.), valorisation des potentialités économiques de chaque territoire dans la région. Schéma directeur (Master plan) : concrétisation des orientations du schéma régional, zoning fonctionnel, définition de la surface à urbaniser. Plans de secteur : concrétisation du schéma directeur et définition des droits des sols pour chaque «unité d’habitation». SRADT au niveau régional : prospective à moyen terme, charte d'aménagement et de développement durable. Non prescriptif. SCoT : mise en cohérence des politiques publiques en matière d’urbanisme, d’habitat, de développement économique et de déplacements. Contient un rapport de présentation (diagnostic, notamment environnemental), un projet d'aménagement et de développement durable (PADD), des documents graphiques. Evaluation tous les six ans et possibilité de révision avant-terme (normalement entre dix et quinze ans). Plans détaillés : définition des constructions urbaines, des travaux d’infrastructures techniques à réaliser et des normes de construction, ainsi que du droit des sols pour chaque parcelle. PLU : contient un rapport de présentation et un PADD, un règlement et des documents graphiques qui fixent les droits des sols et les droits à construire de chaque parcelle, zone par zone. C’est sur cette base que sont délivrés les permis de construire. Pas de plan détaillé, sauf dans les projets publics pilotés par la collectivité (par ex. les ZAC). Pour le reste, ce sont les investisseurs qui font des propositions de plans d’aménagement. Plan détaillé des districts PLU Elaboration des plans d’urbanisme en 2 étapes : définition des termes de la planification et plan de planification. La procédure est la même pour chaque étape : les collectivités font appel à des consultants pour l’élaboration du plan en tenant compte de l’avis de la population concernée. Le plan est ensuite présenté aux organismes compétents (MoC, DUPA, etc.) pour expertise et approbation (Premier ministre, Comité populaire de ville/province ou district). Élaboration du PLU et du SCoT par les services d'urbanisme en concertation avec la société civile et le public. Pour le PLU, le projet est voté par le conseil municipal. Les personnes publiques donnent leur avis (Conseil Général, Chambre de commerce...). Un commissaire indépendant mène une enquête publique. Après avis de la commission d'enquête, certaines modifications peuvent être apportées au document, soumis à l'approbation du conseil municipal. Révision du PLU tous les six ans, modifications légères tous les ans. La procédure d’enquête publique pour le SCoT est moins contraignante. Urbanisation rapide engendrant de nombreux problèmes sociaux, de logement et environnementaux. Rigidité d’une planification trop normative, nombreux règlements à appliquer, gestion foncière à améliorer, compétences des autorités locales à renforcer. Forte croissance des prix fonciers et immobiliers, production de logements sociaux ou abordables, mouvement NIMBY (« Not in my backyard », soit le refus de logements sociaux ou d’infrastructures à proximité de chez soi ou dans sa commune), difficile maîtrise de l’étalement. Planification intégrée et transversale, coordination des Principales nouvelles planifications hiérarchisées, prise en compte de la composition urbaine et des problèmes environnementaux. orientations Tentative de mise en cohérence des politiques sectorielles dans les SCoT, concertation (conseil de développement), démocratie participative, « gouvernance », simplification du code de l’urbanisme, urbanisme de projet, gouvernance métropolitaine, pôle métropolitain. Outil contraignant Les étapes de la planification Principales difficultés Faire la ville | 31 Chapitre 1 : La planification urbaine LES RÉFLEXIONS ET PROJETS DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE La planification interdistrict à HCMV 3 Les interrogations sur la définition du « secteur » Le schéma directeur d’HCMV approuvé en janvier 2010 propose une vision pour 2025. Ses grandes orientations consistent en l’élargissement du centre-ville qui sera alors composé du centre-ville actuel et du nouveau quartier de Thu Thiêm, projet urbain phare sur l’autre berge de la rivière Saigon ; le développement de polarités secondaires (Saigon South, Cu Chi) ; le renforcement du réseau de transports collectifs (sept lignes de métros, Bus Rapid Transit, amélioration des lignes de bus existantes) ou encore la protection des zones naturelles telles que les mangroves de Can Gio. Or, la loi sur la planification urbaine de 2009 et le décret d’application (n°37/2010/ NĐ-CP) ne précisent pas si les secteurs sont définis selon des critères géographiques, fonctionnels, La vision stratégique, qui devrait se décliner dans les schémas de district approuvés en décembre 2012, s’y retrouve pourtant difficilement. Ceux-ci forment à HCMV un « patchwork » qui se traduit par des différences dans la qualité du rendu, dans les règlements ou par la compétition entre les districts pour attirer les investissements. Les projets (immobiliers, zones industrielles) se multiplient au détriment des orientations du schéma directeur. Les récentes dispositions de la loi sur l’urbanisme de 2009 imposent l’élaboration de plans par secteurs afin de concrétiser les orientations du schéma directeur. Ceux-ci ne correspondent pas forcément aux limites administratives du district, ce qui invite à repenser les relations des districts entre eux, mais aussi avec la ville et les quartiers, échelons administratifs inférieurs. Ainsi les plans de secteurs pourraient faciliter la mise en œuvre du schéma directeur, à condition de définir précisement la notion de secteur. ou les deux, ni quelle est l’étendue de leur périmètre. Ils sont définis comme « des territoires qui peuvent comporter plusieurs districts mitoyens qui ont les mêmes problèmes et orientations de développement ». Les plans de secteur sont élaborés à l’échelle 1/2 000eou 1/5 000e. Les périmètres peuvent également être définis en fonction des axes de transport ou selon les caractéristiques principales de la zone (à vocation écologique, industrielle, etc.). Le plan de secteur se compose des unités d’habitation urbaine et des zones fonctionnelles. Les ratios pour chaque unité d’habitation sont définis par les normes techniques au niveau national et comprennent : des ratios sur l’usage des sols (terrain résidentiel, terrain « La planification interdistrict de l’axe du boulevard Vo Van Kiet, HCMV Ateliers du PADDI sur la planification urbaine de juin 2010 et 2011, animés par Patrice Berger, Gauthier Rouhet et Xavier Laurent 3 La loi sur la planification urbaine de 2009 et les secteurs (article 29. Plans de secteurs) 1. Les plans de secteurs doivent définir l’usage attribué à chaque zone de terrain, le principe d’organisation de l’espace, de l’architecture et du paysage urbains de la zone à planifier ; les normes de population, de droits des sols, d’infrastructures techniques pour chaque îlot. Ces plans doivent aussi disposer les ouvrages d’infrastructures sociales de façon adéquate par rapport à leur usage ; orienter le réseau d’infrastructures techniques vers les axes principaux, en synchronisation avec les étapes du développement urbain ; inclure une évaluation stratégique de l’environnement. 2. Les plans de secteurs sont réalisés à l’échelle 1/5 000e ou 1/2 000e. 3. La visée d’une planification par secteurs dépend de celle du schéma directeur dont elle relève, ainsi que des exigences de la gestion et du développement urbains. 4. Les plans de secteurs, une fois approuvés, servent de base à l’élaboration du projet d’investissement ainsi qu’aux planifications détaillées. Source : loi sur la planification urbaine janvier 2010, Viêt-Nam 32 | pour les équipements publics, terrain pour les espaces verts) et des ratios sur les infrastructures techniques (cote remblai, évacuation des eaux, électricité). De plus, le design urbain et les orientations stratégiques en matière environnementale sont aussi deux éléments importants du plan de secteur. Le règlement de gestion fait partie intégrante du plan approuvé selon la loi de 2009. Les limites de la planification à l’echelle des districts Afin de répondre aux objectifs économiques fixés par les autorités provinciales, chaque district cherche à favoriser le développement économique de son territoire et tente d’attirer davantage de population (le budget attribué par le Comité Populaire étant fonction des effectifs démographiques). Cela peut conduire à des inégalités entre les districts qui bénéficient d’une forte attractivité et dotés d’un potentiel de développement et ceux qui doivent conjuguer développement territorial et protection de leur milieu naturel. Suite à la répartition des projets à l’échelle de l’agglomération, des conflits pourraient voir le jour entre la ville et les districts. En effet, ces derniers sont aujourd’hui compétents pour développer des projets sur leur territoire. Dans cette optique, réaliser une planification par secteur pourrait porter atteinte à leurs prérogatives et à leur budget, mais aussi les conduire à modifier leurs habitudes pour travailler davantage entre eux et avec le comité populaire de HCMV. Une déclinaison plus efficace des orientations de la planification stratégique La planification par secteur peut être l’occasion de décliner le schéma directeur de manière plus précise et de développer la cohérence interdistrict, ainsi que le travail partenarial entre le système central et les districts. Les schémas des districts sont actuellement établis selon leur effectif démographique qui définit les ratios en termes d’équipement ou de voirie. Il serait possible de partager ces équipements entre districts proches : par exemple les habitants du district 3 pourraient profiter des espaces verts du district 1 qui est limitrophe. Les bénéfices de la présence d’une zone industrielle ou commerciale pourraient également faire l’objet d’une péréquation. La répartition des équipements, de la population ou des activités serait ainsi mutualisée. Les schémas de districts ne se concurrenceraient plus ni entre eux, ni avec le schéma directeur, dont les orientations se déclineraient plus facilement sur chaque grand secteur. Pour aller plus loin : • PADDI, 2010, Livret « Mise en œuvre de la planification urbaine à HCMC » • PADDI, 2011, Livret « Planification urbaine, urbanisme règlementaire et opérationnel, enjeux fonciers et intégration de l’économie dans la planification urbaine » Consultants internationaux sur ces plans : Nikken Seikkei et Sasaki 4 La planification par secteur au Grand Lyon Les communes sont regroupées par aire géographique : tous les maires d’un secteur se réunissent en appui à l’élaboration du schéma directeur et discutent ensemble au sein de « conférences de maires », sans autorité ni budget. Cette démarche permet une mise en commun des compétences, une optimisation des moyens et des ressources, et évite le gaspillage : il n’est pas nécessaire par exemple que chaque commune possède sa piscine ou son parc. Une planification interdistrict est déjà appliquée pour l’élaboration des plans d’axes routiers, les grands projets ou le schéma d’aménagement du centre-ville 4 . Ces plans, présidés par le DUPA, sont approuvés par le Comité populaire et les districts n’interviennent pas dans le processus de validation. Une des solutions pour l’amélioration de la planification interdistrict pourrait être l’octroi de compétences élargies à l’organisme qui présiderait ces plans, comme le DUPA pour le projet d’aménagement du centre-ville. Les secteurs du schéma directeur Lyon 2010 Faire la ville | 33 Chapitre 1 : La planification urbaine Vers une meilleure cohérence interdistrict à HCMV ? Pour les experts du Grand Lyon, les périmètres des secteurs devraient être établis selon des critères géographiques et non thématiques, comme évoqué plus haut. L’échelle administrative des districts est à conserver car ils permettent une gestion urbaine générale en relation avec la province et une gestion de proximité pour les habitants. La création d’une structure informelle de réunion par secteur pourrait améliorer la cohérence hiérarchique et interdistrict entre le schéma directeur et les plans de districts. Il serait enfin intéressant de créer la possibilité d’une péréquation financière et d’une mutualisation des équipements entre districts. À l’échelle provinciale, il manque peut-être à HCMV et à Hanoi une sorte de « chef d’orchestre technique » sous la tutelle du Comité populaire, afin de relayer les informations et d’effectuer la liaison entre ce dernier et les différents départements et districts. Prospective pour une planification par secteur à HCMV, 2010 La contre-expertise du schéma directeur de Hanoi, 2010 5 et du schéma directeur régional en 2005 6 Longtemps contenue dans ses arrondissements centraux, la ville de Hanoi connaît depuis les années 1990 une forte croissance urbaine. Les projets urbains et industriels se sont multipliés, contribuant à une importante extension aux dépens des marges rurales densément peuplées. La fusion en 2008 des provinces de Hanoi et de Ha Tay avait ainsi pour objectif de mieux contrô- 34 | ler le développement urbain et de servir les ambitions métropolitaines de la capitale. Le nouveau schéma directeur, rédigé suite à la fusion entre les deux provinces et approuvé en 2011, prévoit entre autres le développement de cinq villes satellites, situées dans un rayon de 40 km autour de Hanoi. La planification urbaine de la capitale passera par son intégration régionale, son réseau de transport collectif et la valorisation de ses espaces ouverts. Le lien entre transport et urbanisme dans l’agglomération de Hanoi Dans cette agglomération qui s’étend et dont le parti-pris d’aménagement est une structure polycentrique, il est important de pratiquer un urbanisme dense, bien limité et s’appuyant sur un réseau de transports en commun performant. Le développement de ce dernier constitue une priorité pour relier les nouvelles aires urbaines entre elles ainsi qu’au centre de l’agglomération. Les plans des villes nouvelles peuvent suivre les prin- Le schéma directeur de Hanoi, 2011 5 IMV, missions de contreexpertise du schéma directeur de Hanoi de janvier à septembre 2010 par les experts de la région Île-de-France : J-C. Gaillot, V. Mancret-Taylor, V. Fouchier, A. Rossi et N. Rolland. 6 IMV, missions d’assistance pour l’élaboration du schéma régional de Hanoi en trois volets : « Études de projet général du schéma directeur » par F. Damette et H. Leroux, 2004-2005, « Stratégie de développement des transports » par R. Maubois , 2005, et « Analyse cartographique et statistique » par F. Quertamp et Mai Linh Cam, 2005. cipes du « Transit Oriented Development », en favorisant l’urbanisation autour des stations. Ainsi, le dessin du plan de la ville nouvelle de Hoa Lac pourrait rayonner autour de sa gare. Le choix de la localisation des stations est stratégique dans la mesure où elles constituent un moteur du développement urbain. Les équipements majeurs (université, hôpital, mairie) pourraient se situer à proximité de ces stations. Cette articulation du transport et de l’urbanisme serait également l’occasion de poser des limites physiques claires à l’urbanisation, en utilisant par exemple le 4ème périphérique et la ligne de chemin de fer qui le longe comme front d’urbanisation. Les villes satellites : une politique ambitieuse Le développement de villes satellites suppose une lourde stratégie d’aménagement reposant sur la coordination des politiques dans différents domaines : maîtrise du foncier, programmation et planification du réseau routier et des transports collectifs. Il est important que ces villes ne soient pas monofonctionnelles, qu’elles ne soient pas réservées à l’habitat ou à une activité économique particulière. Y développer des emplois, des commerces et des équipements est une condition de leur réussite. La qualité de la liaison entre les villes satellites et l’agglomération centre est également déterminante, tant en matière d’infrastructures routières que de réseau rapide de transport en commun. Ainsi, par exemple, l’ouverture d’une ligne de métro entre Beijing et la ville satellite de Yi Zhuang, initialement mal desservie par les transports en commun, a permis d’y attirer de nouvelles populations et entreprises. En effet, des villes trop lointaines ou mal reliées freinent l’attractivité et le développement de ces nouvelles zones urbaines, comme ce fut le cas des villes nouvelles du Caire dans les années 1970. À l’inverse, des villes trop proches provoquent la création d’un continuum urbain et le mitage des espaces naturels et agricoles. « Le Schéma Directeur de la Région Île-de-France (SDRIF) Le SDRIF a été adopté par la région en 2008 et devrait être approuvé sous une forme révisée en 2013. Le SDRIF constitue à la fois un projet d’aménagement et un document d’urbanisme. Il comprend à ce titre une carte indiquant la destination générale des différentes parties du territoire. Les enjeux sont, entre autres, la réduction des inégalités socio-spatiales et le rééquilibrage territorial du développement économique, actuellement très concentré à l’ouest ; la limitation de l’étalement urbain, l’affirmation du polycentrisme et la création d’axes de transports en commun structurants. De grands objectifs pour le développement durable de la région ont été fixés en matière de construction de logements, d’accueil de nouveaux emplois, de préservation et de valorisation de l’environnement, ainsi que d’intégration des politiques d’urbanisme et de transport. Ainsi, la densification préférentielle autour des stations de transport en commun est favorisée. La nouvelle ligne de métro en rocade améliorera les liaisons de banlieue à banlieue. Les « espaces ouverts » de la région devraient être préservés et de nouveaux espaces verts créés. La mise en œuvre des orientations du SDRIF passe par l’obligation juridique de compatibilité pour les SCoT et les PLU et la coordination avec les différents acteurs publics (contrats de plan État-Région, Établissements Publics d’Aménagement, Établissements Publics Fonciers, syndicat des transports de la région, etc.). Le relatif succès des villes nouvelles franciliennes Le schéma stratégique de Hanoi et son principe de villes satellites et de corridor vert Planifiées par le schéma directeur de 1965 dans un contexte de forte croissance démographique et économique, ces villes nouvelles avaient pour objectifs de décongestionner l’agglomération parisienne (logements et activités), d’orienter la croissance urbaine qui s’effectuait jusque-là en « tache d’huile » et de structurer un espace régional polycentrique. Situées dans un rayon de quinze à quarante kilomètres autour de la capitale, elles y sont reliées par des trains express régionaux (RER), construits à la même époque (années 1970-80). Il s’agissait de créer des pôles relativement indépendants de l’agglomération et de tenter de préserver une ceinture verte, tout en assurant la possibilité de liaisons rapides avec l’agglomération centre. Dans chaque ville nouvelle, une structure étatique, l’Établissement Public d’Aménagement, dirigeait les opérations d’urbanisation et une autre était en charge de la gestion administrative. Faire la ville | 35 Chapitre 1 : La planification urbaine Ces objectifs initiaux très ambitieux ont été revus en cours de projet, avec le passage de huit à cinq villes et la réduction de leur dimensionnement. Ces villes nouvelles deviennent aujourd’hui progressivement des intercommunalités classiques. Totalisant 900 000 habitants sur 11 millions de Franciliens en 2010, elles sont devenues des pôles d’emploi et ont contribué au desserrement des activités économiques de l’agglomération parisienne. Par exemple, 50% des habitants des villes nouvelles y travaillent, contre 20% seulement dans l’agglomération centrale. Le statut de centralité urbaine de certaines de ces villes (Marnela-Vallée, Cergy-Pontoise) s’est affirmé, grâce notamment aux universités, aux préfectures ou aux activités tertiaires de pointe. Le réseau de transport, qui sera complété par la ligne régionale en rocade du Grand Paris Express, est efficace, bien que saturé. Une politique trop ambitieuse à Hanoi ? Au regard de l’expérience française, des nuances peuvent être apportées aux orientations pour l’aménagement des cinq villes satellites autour de l’agglomération de Hanoi. Leur nombre est peut-être trop important, ainsi que celui de la population attendue, au regard des prévisions de croissance de l’agglomération et des ressources financières mobilisables. Si un dimensionnement flexible et un phasage des opérations sont rendus nécessaires par l’importance du projet, l’acquisition rapide de foncier par les autorités publiques pourrait permettre de le lancer et de rassurer les investisseurs. L’attention des aménageurs peut également se porter sur la Le principe de répartition des terres agricoles et urbaines à Hanoi selon le schéma directeur 36 | structuration de l’actuel développement urbain en continuité de la ville centre, notamment entre le 3ème et le 4ème périphérique à l’ouest, afin de promouvoir une urbanisation compacte (proximité, efficacité des transports publics, mixité fonctionnelle). Protéger le corridor vert Le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région de Paris en 1965 proposait la création de huit villes nouvelles afin de déconcentrer la ville centre et de maîtriser l’étalement urbain. Des hachures représentent les zones d’urbanisation nouvelle et les zones de transition à organiser Le corridor vert inscrit dans le schéma directeur de 2011, à l’ouest de Hanoi, a pour ambition de limiter le développement urbain en tache d’huile de l’agglomération. Il devrait assurer la préservation de l’agriculture (péri) urbaine, des couloirs d’évacuation des crues de la rivière Nhué et des tissus urbains fragiles des villages de métiers. Ces derniers et « Protéger et développer les zones rurales fragiles La France compte quarante-six Parc Naturels Régionaux (PNR), dont quatre situés en Île-de-France. L’objectif du PNR est d’allier sur des territoires ruraux habités des actions d’aménagement, de développement et de protection des espaces naturels jugés sensibles. Le PNR est géré par un syndicat mixte au sein duquel toutes les collectivités du territoire du parc s’engagent à respecter pendant douze ans une charte élaborée collectivement. Le PNR met en œuvre les objectifs définis dans la charte par la concertation entre les partenaires (commune, intercommunalité, département, région, etc.). Bien que cette charte n’ait pas de valeur juridique, les SCoT et les PLU doivent être compatibles avec les orientations et les zonages du parc. Les modifications de ces documents doivent être obligatoirement soumises pour avis au PNR. Un premier volet des actions d’un PNR concerne la valorisation du patrimoine naturel et culturel et le développement économique, avec la promotion de l’agriculture durable, des produits agricoles et artisanaux locaux ou la prise en compte des enjeux environnementaux par les entreprises du territoire. Dans un deuxième volet, un PNR doit favoriser la découverte du territoire et sensibiliser la population aux enjeux environnementaux par le biais d’activités éducatives ou en développant une filière de tourisme vert. Les quatre parcs franciliens ont ainsi permis de préserver des espaces naturels remarquables situés aux franges de l’agglomération. les espaces ouverts sont appelés à devenir, à terme, des « parcs urbains » destinés aux loisirs des citadins et des touristes. La mise en œuvre de ce concept de corridor vert appelle pourtant certaines interrogations. L’absence de règlementation particulière à cette zone rend difficile la préservation des espaces naturels et risque de ne pas limiter l’étalement urbain. Il est également probable que cet environnement privilégié fasse l’objet d’une forte pression foncière (habitations pour classes aisées ou résidences secondaires). Un plan spécifique pour ce territoire, à intégrer au schéma directeur, pourrait clairement différencier les zones urbanisables de celles strictement interdites à toute construction. En effet, le risque est de voir se développer de nombreux pôles urbains (villes satellites, cluster, etc.) et des voies routières au sein du corridor qui favoriseraient l’émergence d’un continuum urbain. Une solution serait de limiter, dans la zone du corridor vert, les intersections entres les voies rapides, les routes locales et les arrêts des lignes de transport en commun, afin de prévenir la construction autour de ces nœuds. Un autre type d’outil, le « Parc Naturel Régional », permettrait de protéger et de valoriser des espaces naturels fragiles, sans pour autant geler tout développement. L’intégration régionale de l’agglomération de Hanoi L’aménagement, la gestion et la compétitivité des grandes métropoles sont liés à la capacité des acteurs du territoire métropolitain à travailler ensemble. La combinaison des pouvoirs étatiques, locaux et métropolitains sur des territoires plus ou moins étendus est très variée dans les grandes métropoles du monde. L’imbrication des échelles de la planification est également complexe à Hanoi. La province de Hanoi s’insère plus largement dans le bassin de développement économique du nord du Viêt-Nam. Débutée en 2004 pour Hanoi et sept provinces alentour, la réflexion sur l’aménagement a abouti en 2008 à l’approbation du schéma directeur de la région de Hanoi. En 2013 débutera la révision du Schéma directeur régional en vue de mieux intégrer les orientations du nouveau schéma directeur de Hanoi, approuvé en 2011. Il faudra également mettre en place une structure de gouvernance pour sa mise en oeuvre et son suivi. Donnée nouvelle, le périmètre d’étude devrait inclure les provinces de Quang Ninh et de Hai Phong. Certaines problématiques mériteraient d’être particulièrement prises en compte lors du futur exercice de planification régionale. L’effort de planification, reporté vers l’ouest de l’agglomération, a entraîné l’oubli du lien avec la façade maritime située à l’est (port de Hai Phong, Ha Long). Cette région deltaïque requiert l’intégration des risques liés au changement climatique et le renforcement des aménagements hydrauliques pour gérer le risque d’inondation. Les constructions en zones hautes seraient à privilégier. L’amélioration de la liaison par transport ferré, routier et fluvial entre Hanoi, le littoral et ses ports, mérite également des études approfondies. Les routes entre Hanoi, Ha Long et Hai Phong sont saturées, sujettes à d’importants encombrements (flux locaux et de transits mélangés, passage par les agglomérations, desserte de nombreuses zones industrielles, diversité des modes de transport présents sur la voirie). Le chemin de fer, sous-utilisé dans ce corridor, serait alors à valoriser, notamment pour le fret. L’identification d’un niveau régional de réseau ferroviaire, jusque-là manquant entre le réseau ferré national existant et le futur réseau métropolitain de Hanoi, est largement L’urbanisation grignote le « corridor vert » de Hanoi Faire la ville | 37 Chapitre 1 : La planification urbaine justifiée. La densité démographique et le développement polycentrique de la région entraînent l’intensification des échanges et des déplacements intrarégionaux 7 . A l’heure actuelle, un important déséquilibre existe entre la route et le rail, au plan régional avec une offre minimale de transport par train, et ce malgré un linéaire de voies relativement important. La desserte des villes intermédiaires, des ports et du futur aéroport international par un réseau régional pourrait s’appuyer sur la rocade ferroviaire autour de Hanoi et sur les voies radiales existantes. L’efficacité de ces trois réseaux hiérarchisés pourrait être optimale avec l’intégration physique multimodale à des nœuds stratégiques tels que la gare centrale de Hanoi, les stations de rocade ferroviaires et les villes intermédiaires. « La diversité des types de gouvernance métropolitaine dans le monde Du point de vue institutionnel, l’État est souvent très présent dans les métropoles, en raison de leur importance stratégique. Il administre alors directement le territoire ou nomme le maire. Des coopérations peuvent voir le jour entre les autorités locales et l’État, mais il est rare que les pouvoirs de gestion soient entièrement délégués à un élu. La gouvernance peut enfin être fragmentée entre une multitude de pouvoirs locaux. L’étendue territoriale de l’exercice de ces pouvoirs dans les grandes métropoles est également très variable. Une autorité métropolitaine peut ainsi s’exercer sur l’ensemble de la métropole. Ou bien le territoire métropolitain peut être reconnu, avec des politiques publiques menées à cette échelle, sans qu’il existe pour autant à son niveau de structure institutionnelle. Une troisième possibilité consiste à créer une autorité métropolitaine sur un territoire plus restreint que toute la métropole (ville centre, part plus ou moins importante du périurbain, parfois un peu d’arrière-pays). Enfin, dans le cas de pouvoirs locaux fragmentés, il n’existe aucune structure de gouvernance métropolitaine. 38 | Pour aller plus loin : • IMV, Maubois R., 2005, « Schéma directeur de la région de Hanoi ; stratégie de développement des transports », 24 p. http://www.imvhanoi.com/Uploads/ Documents/05CE%20 rapport%20 Raymond%20 MAUBOIS%2007.pdf Le schéma régional de Hanoi en 2008, vers un bassin intégré ? L’intégration de l’économie dans la planification urbaine 8 L’intégration de ce domaine à la planification est récente. Les collectivités territoriales tentent de développer les activités économiques sur leur territoire afin d’encourager l’emploi, de bénéficier de revenus ou d’attirer de la population. Leurs services économiques contribuent à l’élaboration d’une stratégie pour l’agglomération, qui est par la suite intégrée aux documents de planification urbaine. Au Viêt-Nam, cette intégration au schéma directeur demeure encore théorique. En effet, la planification économique des villes vietnamiennes est conçue comme la réalisation des objectifs de croissance prédéfinis dans le plan décliné à chacun des échelons de l’administration territoriale. Elle est marquée par les ratios et ne prend pas vraiment en compte les enquêtes socio-économiques ni les besoins des investisseurs. C’est pourquoi les axes d’implantation préférentielle des entreprises inscrits dans les schémas directeurs sont régulièrement contredits par la réalité de l’essor économique et urbain. Le rôle des services économiques des collectivités territoriales en France Ces services assurent la veille et les diagnostics, la coordination entre les acteurs économiques privés ou encore la prospective et l’accueil pour l’installation d’entreprises. • IMV, Damette F., Leroux H., 2005, « Présentation générale du schéma directeur de la région de Hanoi », 39 p. http://www. imv-hanoi.com/ fr-FR/Home/ mentdehanoi-137/88/ Etude-de-projetgeneral-de-schemadirecteur-de-la-region. aspx • IAU-IdF, Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France, Dossier sur les villes nouvelles, http://www.iau-idf.fr/ nos-etudes/theme/ villes-nouvelles.html • Établissement Public d’Aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-vallée, http://www.epamarnelavallee.fr 7 Cette analyse reprend le diagnostic et les recommandations de R. Maubois formulés en 2005 pour l’expertise du Schéma directeur de la région de Hanoi par l’IMV pour le VIAP (volet transport ) : « Stratégie de développement des transports ». 8 Atelier PADDI sur la « Planification urbaine, urbanisme règlementaire et opérationnel, enjeux fonciers et intégration de l’économie dans la planification urbaine », co-animé par Xavier Laurent, juin 2010 L’Observatoire Partenarial Lyonnais en Économie (OPALE) fédère l’ensemble des producteurs de données socio-économiques (Institut de la statistique, Chambres de commerce, représentants d’université, agence pour l’emploi, etc.). Son rôle est d’observer les problématiques socio-économiques sur l’agglomération afin de contribuer à la planification et au développement de projets. L’équipe « économie » au sein de l’Agence d’urbanisme du Grand Lyon assure des activités de diagnostic et de veille : diagnostics économiques sectoriels ou territoriaux sur les volets économiques, veille économique conjoncturelle, études sur l’emploi, observation des zones d’activités, benchmarks (positionner l’attractivité de l’agglomération lyonnaise à l’échelle européenne et internationale). Elle organise aussi des rencontres avec les partenaires économiques. « Les critères d’attractivité d’une ville L’observatoire économique du Grand Lyon se fonde sur un sondage réalisé à l’échelle internationale concernant les critères d’attractivité des villes auprès des entreprises (classement non officiel) : - Facilité d’accès du marché au client ; - Qualité de main d’œuvre ; - Accessibilité externe en transport (aéroport, grande gare) ; - Qualité des transports en commun ; - Coût de la main d’œuvre ; - Environnement des affaires ; - Coût de l’immobilier ; - Pratique des langues étrangères ; - Accessibilité des locaux ; - Accessibilité interne en transport (desserte, réseau de transport en commun) ; - Qualité de vie ; - Critère environnemental. Le logo « ONLYLYON » représente le territoire pour attirer habitants, touristes et investisseurs Site économique métropolitain existant Site économique métropolitain projeté Espace métropolitain d’interface Polarité urbaine Les services d’urbanisme de la ville proposent des orientations sur les sites de développement économique métropolitains, Grand Lyon Le marketing territorial L’objectif de l’agglomération lyonnaise est de se situer parmi les métropoles européennes les plus attractives. Les études de « benchmarking » participent à l’élaboration d’une stratégie de différenciation par la qualité du service, afin d’attirer durablement les entreprises. Une offre globale d’accueil est proposée : sites d’implantation, amélioration de la desserte par les transports en commun, guichet unique. L’OPALE intervient dans l’identification des grandes sociétés par une veille active, en prospectant les investisseurs et en suivant les stratégies d’entreprises - notamment par la presse et par les remontées d’informations fournies émanant des développeurs territoriaux du Grand Lyon. Les stratégies économiques dans l’espace Différentes stratégies spatiales peuvent permettre la valorisation des activités économiques. Les pépinières d’entreprises mettent à disposition leurs locaux pour de jeunes structures innovantes. La politique des pôles de compétitivité ou « clusters » vise à intensifier, grâce à une proximité physique et un soutien financier public, les relations entre universités, laboratoires de recherche et entreprises. Les différents pôles du Grand Lyon sont spécialisés en recherche et developpement en chimie/pharmacie, systèmes de transport, loisirs numériques, image et multimédia, ou encore textiles nouvelle génération. Les autorités locales peuvent y encourager certaines activités ou en interdire d’autres. Dans certains quartiers en difficulté sociale et économique, des « Zones Franches Urbaines » offrent aux entreprises qui s’y implantent une fiscalité favorable à la condition qu’elles recrutent de la main d’oeuvre locale. Dans les villes européennes, la tendance actuelle est de mélanger, à l’échelle de l’agglomération, les zones résidentielles et les Cartographie des entreprises selon leur activité et leur effectif dans le quartier d’affaires de la Part Dieu à Lyon , réalisée par l’observatoire OPALE Secteur d’activités Industrie, énergie, environnement BTP Commerce de gros et de détail Transports - logistique Services aux entreprises, finance, immobilier Autres services Effectif salarié 0 salarié ou inconnu De 1 à 9 salariés De 10 à 99 salariés De 100 à 249 salariés 250 salariés ou plus Faire la ville | 39 Chapitre 1 : La planification urbaine activités économiques, à l’exception de celles qui, présentant des nuisances, ont des sites propres. Ainsi, le SCoT 2030 de l’agglomération lyonnaise établit des orientations spécifiques par secteurs d’activités, en privilégiant celles de dimension internationale sur neuf sites, les activités de dimension métropolitaine sur vingt-et-un sites et l’offre de proximité sur tout le reste du territoire. Pour autant, les orientations développées par la collectivité ne demeurent que des incitations pour les investisseurs. C’est le marché qui oriente l’implantation des entreprises sur les différents sites. des PLU. La priorité est donnée à l’exploitation de l’existant, à la densification des zones d’activité et à leur desserte par les transports en commun ; - la localisation des pôles de développement préférentiel ; - un raisonnement par bassin de vie afin de tendre vers un équilibre habitat/emploi à l’échelle de la métropole ; - des schémas sectoriels d’aide à la décision, sans valeur juridique, dans les domaines du commerce, du tourisme ou de l’hôtellerie. Le PLU localise les différentes aires d’activité et différencie les commerces que l’on souhaite ou non accueillir. Ces documents sont flexibles et résultent d’un compromis entre les attentes de la collectivité et le marché. Les documents d’urbanisme peuvent être révisés si un grand projet est développé, en suivant une procédure d’enquête publique. Ces modifications sont assez rapides pour un projet de taille modeste. Les pôles de compétitivité constituent à la fois une politique industrielle et d’aménagement du territoire, Grand Lyon L’intégration des problématiques économiques dans les documents de planification Les stratégies économiques ont un impact sur l’organisation du territoire. Elles doivent donc être en cohérence avec la planification urbaine et ses différents documents, à la fois en termes de réservation d’espaces pour des infrastructures ou des zones d’activité, d’insertion d’activités dans les tissus urbains résidentiels ou dans les campus universitaires, comme de prévention des nuisances et de gestion des risques technologiques. Le réseau de transport en commun doit également intégrer la desserte des pôles d’emplois majeurs. Le schéma directeur du Grand Lyon comprend notamment : - une évaluation pour 2025 de la capacité de l’agglomération lyonnaise à accueillir de nouvelles activités. Ce programme d’immobilier d’entreprise est élaboré grâce à l’évaluation des besoins des entreprises (surface à urbaniser) et à partir des données et prévisions 40 | Hanoi et HCMV, futures métropoles à l’échelle de l’Asie du Sud-Est ? Les plans de développement socio-économiques pourraient être rendus plus opérationnels si le dialogue avec les représentants des acteurs économiques et les chambres de commerce et d’industrie était renforcé. Un observatoire partenarial, comprenant des services de l’État, des services des villes de Hanoi et de HCMV (économie, urbanisme), l’Institut des statistiques, des représentants des chambres de commerce et d’autres institutions à caractère économique pourrait être créé dans chacune des villes. Un accompagnement de la planification par l’étude de marché permettrait de programmer l’immobilier d’entreprise afin d’être plus en phase avec les investisseurs qui souhaitent s’installer sur le territoire. Le suivi des filières économiques d’excellence (ou à enjeu) dans l’élaboration des plans de développement socio-économiques, avec des documents sectoriels sans valeur juridique, alimenterait par la suite les documents officiels de planification. La poursuite du « benchmarking » dégagerait la spécificité des territoires de Hanoi et de HCMV par rapport aux autres métropoles du Sud-Est asiatique. Pour aller plus loin : • PADDI, 2011, Livret « Planification urbaine, urbanisme règlementaire et opérationnel, enjeux fonciers et intégration de l’économie dans la planification urbaine » • OPALE, Observatoire partenarial de l’agglomération lyonnaise en économie, http://www.opalelyon.com/site/ • Antier G., Les stratégies des grandes métropoles. Enjeux, pouvoirs et aménagement, Paris, Armand Colin, 2005, 253 p. • Maurice Goze (coord) Schéma et règlement d’urbanisme de la ville de Sapa, Lao Cai VIETNAM, Coopération décentralisée IATU -Province de Lao Cai-Région Aquitaine, 02/2011, 5 tomes : 1- Projet d’aménagement et de développement durable, 2- Règles générales, règles particulières par zones, 3- Charte de qualité architecturale et paysagère, 4- Plan d’embellissement et de sauvegarde du centre-ville, 5-Schéma directeur des réseaux. Versions française et vietnamienne. LE FONCIER URBAIN L ’ État vietnamien, depuis la Constitution de 1959, est propriétaire de l’ensemble des terres au nom du peuple. À la fin des années 1970, les faibles rendements des coopératives agricoles et l’insécurité foncière ont engendré une crise du monde rural. L’État s’est alors engagé dans une réforme foncière rurale, puis urbaine, constituant l’un des piliers de la politique de transition du Viêt-Nam, où le foncier est considéré comme un outil de développement économique et urbain majeur. Cependant, les grands projets d’aménagement et d’infrastructures s’inscrivent dans un système complexe : planification cloisonnée du foncier et des constructions ; double système de prix ; lourdes procédures de récupération des terrains, d’indemnisation et de relogement des populations. Dans ce contexte, comment constituer les réserves foncières nécessaires aux grands projets ? Comment garantir les droits fonciers et une utilisation efficace des terrains ? Comment mettre également cette dernière au service du financement des infrastructures et de l’aménagement urbain ? Le quartier de An Phu à HCMV, 2012 Faire la ville | 41 Chapitre 2 : Le foncier urbain LE FONCIER URBAIN AU VIÊT-NAM Un outil de développement inscrit dans un système complexe e foncier a constitué, dans les premières années du Doi Moi, un des principaux domaines d’investissement pour de nombreux ménages et entreprises. Des certificats de droit d’usage ont été remis à partir de la loi foncière de 1988 mais c’est celle de 1993 qui reconnaît explicitement aux individus le droit d’usage des terres et de ses dérivés, les droits de cession, de location, de succession ou d’hypothèque. Cette réforme, en sécurisant les investissements des particuliers et des entreprises sur leurs terrains, a permis l’émergence d’un marché des droits d’usage du foncier dans les villes. L Une deuxième phase de la réforme est intervenue avec la loi foncière de 2003 afin de pallier, entre autres, le déficit de logements. Celle-ci facilite les investissements industriels et commerciaux des entreprises privées ainsi que le développement du marché immobilier et des droits d’usage fonciers. Le foncier est aujourd’hui classé selon de grandes catégories d’usage, notamment agricole, non-agri- cole, non-utilisé. Le droit d’usage acquis pour un terrain résidentiel est définitif, il reste limité à cinquante et soixante dix ans pour les autres types de terrains (industriel et commercial). Le foncier est désormais considéré par l’État et les autorités locales comme un outil de développement au service de l’industrialisation et de l’urbanisation du pays. Depuis le Doi Moi, la demande croissante et l’ouverture aux investisseurs étrangers ont contribué à l’augmentation de la construction et des prix du foncier, notamment à Hanoi où l’offre était plus réduite. La terre est ainsi devenue l’un des investissements les plus convoités et rentables, générant de multiples stratégies spéculatives. Si le sol demeure la propriété collective de l’État, les cessions des droits d’usage des sols représentent une source substantielle de revenus pour les collectivités locales. La maîtrise du foncier, la fiscalité qui y est attachée et le financement des équipements constituent dans ce domaine les grands défis à relever par les autorités publiques. Le quartier de My Dinh à Hanoi, vu de la tour Keangnam, 2012 42 | La forte pression foncière et l’étalement urbain Foncier et construction, deux planifications différentes Les villes de Hanoi et de HCMV présentent des densités urbaines parmi les plus fortes au monde, qui atteignent 840 hab./ha dans le vieux quartier de Hanoi et 500 hab./ha dans le quartier de Cholon à HCMV. Depuis le milieu des années 1990, la ville de Hanoi, longtemps contenue dans des limites administratives, connaît une forte extension urbaine. De son côté, l’agglomération de HCMV se caractérise par un important étalement urbain, qui s’étend sur les provinces voisines du Dong Nai et de Long An, et par un développement sur des territoires marécageux au sud. Les planifications foncière et urbaine sont dissociées à la fois dans l’exercice et dans le temps. Le plan foncier élaboré par le département des Ressources Naturelles et de l’Environnement (DoNRE) établit l’usage des sols pour dix ans et doit être compatible avec le schéma directeur des constructions établi par d’autres organismes. Il est ensuite décliné en plans de détail par les districts. Or la mobilisation des ressources foncières par la puissance publique pour la réalisation d’équipements ou d’infrastructures suit des procédures complexes qui allongent la durée des opérations et augmentent leur coût. Par ailleurs, les outils et le budget manquent pour conduire les grands projets prévus (infrastructures, zones industrielles, etc.). Ces différents obstacles créent un décalage temporel entre les planifications foncière et urbaine, sans compter que, dans l’attente de l’aboutissement de ce long processus de planification, les transactions se déroulent à leur propre rythme, suivant les opportunités et les cycles immobiliers. Ces densités urbaines élevées et cette croissance s’inscrivent dans un environnement rural également densément peuplé : les densités des deltas du Fleuve rouge peuvent atteindre jusqu’à 1 120 hab./km² et celles du delta du Mékong 1 000 hab./km². Pourtant, entre 2001 et 2010, près d’un million d’hectares de terres agricoles (4% de celles-ci en 2000) ont été convertis pour un usage résidentiel ou commercial. La pression sur ces terres et le mitage urbain sont si étendus qu’en 2008 le gouvernement a décidé de geler plus d’un million d’hectares de rizières et de limiter la superficie des terrains agricoles attribués gratuitement. Si la superficie des terrains dépasse le seuil fixé, l’acquéreur doit alors le louer à l’Etat pour éviter la spéculation. « Pour aller plus loin : • PANDOLFI, L., Une terre sans prix, thèse de doctorat, Paris : Université de Paris 8, Institut Français d’Urbanisme, 2001, 567 p. Carte foncière de la province de HCMV, 2005 Les réformes foncières ͳ 1981 et 1986 : Libéralisation du secteur agricole et attribution de baux limités dans le temps. ͳ 1988 : Loi foncière, première reconnaissance limitée des droits d’usage des sols. ͳ 1992 : Constitution, réaffirmation que la terre appartient au Peuple sous gestion de l’État mais reconnaissance des droits d’usage du sol. ͳ 1993 : Loi foncière, libéralisation du marché foncier et immobilier, cession onéreuse des droits d’usage du sol pour 20 à 50 ans (transformation, transfert, bail, héritage, hypothèque et droit à des compensations en cas d’expropriation). ͳ 2003 : Loi foncière, création des centres de développement foncier, règlementation des indemnisations et de la procédure de relogement. ͳ 2013 : Révision de la loi foncière. Faire la ville | 43 Chapitre 2 : Le foncier urbain La cohabitation d’une grille officielle des prix et de ceux du marché Les procédures foncières (acquisition, compensation, etc.) entre l’État et la population sont fondées sur une grille officielle des prix établie dans l’objectif de les réguler. Définis par les services du ministère des Finances au niveau national et par les départements des Finances (DoF) au niveau provincial, ils tendent pourtant à se rapprocher progressivement des prix du marché. Les autres transactions foncières, entre particuliers, suivent ces derniers. Les prix du marché sont déjà utilisés par les autorités locales pour calculer le « tiền sử dụng đất », « l’argent de l’usage du sol», c’est-à-dire la somme - payable en une fois - que les usagers doivent verser à l’État en contrepartie de l’attribution d’un terrain. Les filiales immobilières des banques ou encore des cabinets de consultants commencent à renseigner des bases de données sur les prix réellement pratiqués. La cohabitation de la grille officielle avec les règles du marché génère un flou qui crée des problèmes d’équité et de la spéculation. Depuis décembre 2009, un décret permet aux autorités de HCMV de fixer les prix fonciers en se fondant sur ceux du marché. Elles font appel à des cabinets de consultants pour évaluer le montant à payer lors du changement de droits d’usage du sol ainsi que le montant du prix plancher pour les terrains mis en vente par la ville par adjudication. Les prix officiels des terrains sont fixés par tronçons de rues, ici dans le district 2 de HCMV « L’expertise des consultants et des banques : Les consultants spécialisés dans l’évaluation foncière Les entreprises de conseil se multiplient au Viêt-Nam et se sont fédérées en association. Elles doivent être accréditées par le ministère du Plan et de l’Investissement. Des branches de groupes multinationaux, tels DTZ Real Estate, Savills ou CB Richard Ellis publient des analyses sur le marché foncier et immobilier, entretiennent des bases de données, conseillent les investisseurs et mettent en vente ou en location des biens. Les banques Une base de données de la branche immobilière de la banque Sacom, Sacom Real, recense les transactions au prix du marché. L’agence prend en compte le prix annoncé par le vendeur pour élaborer ses statistiques. Un marché marqué par des prix élevés et par la spéculation Un mètre carré de terrain vacant en périphérie coûte environ 500 USD à Hanoi et à HCMV, mais, dans les centres-villes, les prix peuvent atteindre jusqu’à 4 000 (HCMC) voire 7 000 USD le mètre carré (Hanoi), la capitale étant plus touchée par la hausse des prix. En effet, les autorités y gardent une meilleure maîtrise de l’offre foncière qu’à HCMV, ouverte depuis plus longtemps à d’autres types d’acteurs. Les centres-villes, les quartiers de logements précaires bien situés dont la probabilité de destruction est importante, ou encore les terrains situés le long des grands projets d’infrastructures souffrent de prix BẢNG GIÁ ĐẤT ĐÔ THỊ Ở QUẬN 2 (Ban hành kèm Quyết định ssos 89/2008/QĐ-UBND ngày 20 tháng 2 năm 2008 của UBND thành phố Hồ Chí Minh) STT 1 Tên đường (Rue) 2 Đoạn đường (Tronçon) Từ Đến 3 4 Giá (Prix) 5 1 An Phú, phường An Phú Xa lộ Hà Nội Cuối đường 4,600 2 Bình Trưng, phường Bình Trưng Đông Lê Văn Thịnh Bến đường Trâu 1,800 3 Đặng Hữu Phó, phường Thảo Điền Đường 39 Thảo Điền 3,900 4 Đặng Tiến Đông, phường An Phú Đoàn Hữu Trung Cuối đường 3,300 44 | Pour aller plus loin : • Banque mondiale, Ambassades du Danemark et de Suède, 2011, « Recognizing and reducing corruption risks in land management in ViêtNam (Reference book) », Hanoi, 75 p. http://www. worldbank.org/en/ country/vietnam • Consultant immobilier DTZ, http://www.dtz.com/ Vietnam • Consultant immobilier Savills, http://www.savills. com.vn/ • Association des entreprises d’évaluation des prix fonciers, http://www.vvfc.vn/ • Musil C., Labbé M., 2011, « L’extension des limites administratives de Hanoi : un exercice de recomposition territoriale en tension », Cybergéo, http://cybergeo. revues.org/24179 • AFD, MAEE, Mellac M., Fortunel F. et Tran Dac Dan, juin 2010, « La réforme foncière au Viêt-Nam ; Analyse des jeux d’acteurs et du processus de transformation des institutions aux échelons central et provincial », 195 p. http://www.foncierdeveloppement.fr/ travaux-recherche/ la-reforme-fonciereau-viet-nam-analysedes-jeux-dacteurset-du-processusde-transformationdes-institutions-auxechelons-central-etprovincial/ • Foncier & Développement, http://www.foncierdeveloppement.org • Lincoln institute of land policy, http://www. lincolninst.edu fonciers et immobiliers élevés qui entravent l’accès au logement des classes moyennes et populaires. En effet, au Viêt-Nam, le foncier représente une valeur refuge pour les investissements car il offre des placements plus fiables que la monnaie, par exemple, et qu’il n’est pas soumis à une taxation des plus-values. Aussi les terres agricoles des franges urbaines fontelles l’objet de spéculation en attendant de devenir urbanisables. Quant à celles qui le sont déjà, elles sont souvent rachetées par des individus ou des groupes bien informés qui les revendent lorsque les projets d’aménagement sont rendus publics. Les annonces concernant la construction de nouveaux axes, le tracé des lignes de métro ou les élargissements de voirie entraînent une augmentation progressive du prix de ces terrains à mesure de l’avancée des travaux. Enfin, la complexité des procédures administratives foncières favorise la corruption. L’amélioration de la sécurité foncière et du respect des plans De fait, les processus d’attribution des droits d’usage du sol et des permis de construire sont complexes, ce qui entraîne une série d’insécurités juridiques pour les habitants. À HCMV, on estime que la quasi totalité des certificats d’usage des sols est enregistrée. Cela renforce la sécurisation des droits fonciers des habitants face à l’administration lorsque celle-ci veut les reprendre. Les procédures de récupération restent assez confidentielles et le montant des indemnisations diffère fortement selon qu’elles sont versées par le public ou le privé, bien que la loi foncière de 2003 et son décret d’application de 2009 en améliorent l’encadrement. Ces récupérations de terrain sont particulièrement problématiques lorsqu’elles touchent des populations rurales qui perdent leur outil de travail et leurs sources de revenus. De plus, ces terres sont indemnisées en tant que terres agricoles puis couramment revendues plusieurs fois le montant des indemnisations, après une viabilisation souvent sommaire et leur qualification en terrain urbain constructible. En 2009, les conflits liés au foncier ont ainsi représenté 70% des plaintes portées au Le quartier de Trung Hoa, à la périphérie Sud-Ouest de Hanoi, est appelé à devenir une polarité urbaine importante tribunal. Ils n’opposent pourtant pas toujours l’administration aux habitants. A l’inverse, les conflits naissent parfois de la volonté de certains propriétaires de spéculer, par exemple, sur des terrains connus pour être sur le tracé d’une future route. Par ailleurs, les constructions d’édifices sans permis de construire, ainsi que les dérogations aux droits d’usage inscrits dans les documents de planification, notamment dans les zones périurbaines, sont courantes. L’amélioration de la sécurité foncière reposera donc sur une meilleure identification des usagers des parcelles, sur le renforcement de la solidité juridique des droits attachés aux actes de transactions et enfin sur l’existence Ce certificat (livret rose) confère des droits immobiliers et garantit, avec le livret rouge, une meilleure sécurité foncière Pour aller plus loin : • Banque mondiale, « Land administration project », http://www. worldbank.org/ projects/P096418/ land-administrationproject?lang=en • Banque mondiale, 2012, « Revising the land law to enable sustainable development in Viêt-Nam : summary of priority policy recommendations drawn from World Bank studies », 26p. http://documents. worldbank.org/ curated/9/16890215/ revising-land-lawenable-sustainabledevelopmentvietnam-summarypriority-policyrecommendationsdrawn-world-bankstudies Faire la ville | 45 Chapitre 2 : Le foncier urbain d’un registre comprenant l’ensemble des actes juridiques pour tous les biens et pour tous les propriétaires. L’émergence d’acteurs privés aux côtés des départements des Ressources Naturelles et de la Construction Les pouvoirs publics jouent un rôle central en fixant les usages des sols. Les terrains sont attribués par l’État dans le cas d’équipements publics, ou loués par le biais d’un bail de cinquante à soixante dix ans dans le cas des entreprises commerciales. Le ministère des Ressources Naturelles et de l’Environnement (MoNRE) rédige le plan foncier à l’échelle nationale. Le DoNRE gère les hypothèques et le plan cadastral. Il s’occupe des transactions officielles réalisées par les personnes morales, de l’attribution ou de la location de terrains aux projets d’investissement et de la réalisation du plan foncier. Le DoNRE délivre aussi le certificat qui confère les droits d’usage des sols (livret rouge). Le département de la Construction (DoC), lui, délivre les permis de construire des grands projets. Les districts délivrent les permis de construire pour les constructions des particuliers. Les services techniques des districts instruisent les procédures de récupération des terrains, d’indemnisation et de relogement pour les particuliers et les services techniques 46 | Plan du droit d’usage des sols du centre-ville d’HCMV, mêlant usages existants et futurs, 2005 Informations figurant dans le plan foncier du district 4 de HCMV : - Population actuelle et prévue à 2015 et 2020 - Limites des quartiers (phuong) ; - Infrastructures (routes existantes, routes à élargir ou nouvelles, nouveaux ponts, principaux carrefours, transports en commun) ; - Secteur résidentiel à développer ou renouveler (indications des hauteurs de bâtiments minimum et maximum, immeubles de grande hauteur), liste des projets en cours ; - Secteur de mixité des fonctions ; de la Ville, pour les terrains des organismes. Un plan foncier est élaboré à cet échelon et à celui du quartier mais, en pratique, c’est le plan détaillé des constructions qui s’applique le plus souvent. La libéralisation des transactions foncières a permis l’émergence de nouveaux acteurs privés ou semi-publics : promoteurs immobiliers, filiales immobilières de banques, entreprises de consultants en évaluation foncière et entreprises semi-publiques. La séparation entre les sphères publique et privée demeure pourtant floue au Viêt-Nam : les grandes entreprises financiarisées peuvent avoir des origines publiques. Dans le même temps, l’intégration du Viêt-Nam dans l’économie mondiale renforce le rôle d’acteurs internationaux telle la Banque mondiale, porteuse de propositions sur la gestion et l’administration du foncier. L’institution a lancé en 2008 le « Land administration project » afin d’améliorer le fonctionnement de l’administration foncière à travers, entre autres, la modernisation du système d’enregistrement des actes et de délivrance des titres d’usage. - Zone industrielle ; - Industrie légère et zone artisanale ; - Commerce et services ; - Équipements publics : établissements scolaires et crèches ; centres sanitaires et hôpitaux ; sport ; culture, patrimoine, tourisme ; services municipaux, administration ; centres religieux ; armée ; espaces verts existants ou à développer (2015, 2020), espaces publics. LE FONCIER EN FRANCE Des dispositifs règlementaires, opérationnels et fiscaux au service de l’action foncière publique n France, le droit de propriété est inscrit dans la Constitution, l’intérêt public est défini par la loi et présente les mêmes critères sur tout le territoire. Trois types de leviers d’action sont combinés par les autorités publiques dans le domaine du foncier : règlementaire, opérationnel et fiscal. E Les collectivités territoriales élaborent une politique d’acquisition ou de vente du foncier et mettent en œuvre les documents de planification. Afin de disposer d’un impact significatif sur le marché foncier, il est nécessaire pour les autorités publiques de posséder une part majoritaire de l’offre des terrains à bâtir, comme c’est le cas aux Pays-Bas. Or telle n’est pas toujours la situation en France. L’agglomération de Lyon, par exemple, ne maîtrise que 15% du foncier sur son territoire. C’est pourquoi les autorités publiques procèdent à des acquisitions foncières. Celles-ci se font de manière discrète, à l’amiable, sans affichage public, ce qui donne plus de liberté à la collectivité et évite de donner un signal aux spéculateurs. La transparence exigerait que l’affichage du projet urbain précède la politique foncière. Il est pourtant fréquemment nécessaire de conduire les acquisitions foncières stratégiques avant de dévoiler les projets urbains afin de rester maître du prix des terrains. La segmentation des marchés foncier et immobilier A la différence de ce qui se pratique au ViêtNam, les marchés foncier et immobilier sont segmentés, par exemple entre les terres agricoles, les nouveaux terrains à bâtir ou ceux situés en milieu déjà urbanisé. Les cadastres recensent toutes les propriétés immobilières dans chaque commune grâce à une carte et des informations sur chacune des parcelles (date d’acquisition, propriétaire, etc.) Parcelle : données générales Commune 69266 Parcelle CII90 Données générales Appartenance à PDL Adresse parcelle 24 Rue Emile Decorps Surface parcelle Préfixe de section 2187 m2 Préfixe de la parcelle de référence Lettre de série rôle A A Section de la parcelle de référence Numéro de plan de la référence Numéro de parcelle primitive Code du CDIF 1 Code du CDIF Date de l’acte 23/07/2003 Caractère urbain de la parcelle Indicateur d’arpentage Parcelle non figurée au plan 0 0128 4121 4121 Propriétaire principal Nom Sa Centre Europeen Cinématographique Rhône-Alpes Adresse 24 rue Emile Decorps 69100 Villeurbanne Faire la ville | 47 Chapitre 2 : Le foncier urbain Les différents marchés fonciers sont constitués par : 1. l’espace naturel comme bien de production ; 2. l’espace naturel comme bien de consommation (résidences secondaires, loisirs…) ; 3. l’espace naturel comme matière première ; 4. le marché des terrains neufs (à bâtir en périphérie) ; 5. le marché des terrains d’occasion (renouvellement urbain) ; 6. le marché des droits à bâtir (marché urbain classique), qui varie selon le marquage social (50 % de l’explication du prix), l’accessibilité en transport et les aménités urbaines. Il n’existe pas de méthode scientifique ni de démarche absolue pour estimer la valeur d’un bien foncier ou immobilier. Différentes méthodes peuvent être croisées. La méthode de comparaison directe avec le marché détermine le prix de vente selon les possibilités règlementaires de construction et les caractéristiques physiques du sol. La valeur des biens est estimée par référence au marché et par comparaison avec les prix pratiqués pour des biens similaires. Les termes de comparaison sont collectés (prix global, surface, descriptif, règles d’urbanisme, proximité des équipements et des infrastructures de transport). Le prix obtenu par m² est appliqué au terrain à évaluer. « Les principaux dispositifs de l’action publique dans le domaine foncier Dispositifs règlementaires : - Plan Local d’Urbanisme (PLU), document contraignant qui identifie les zones agricoles, naturelles, urbanisées et à urbaniser ; - Lois sur des espaces particuliers : loi Montagne, loi Littoral, loi sur les Installations à risque. Dispositifs opérationnels : - La Déclaration d’Utilité Publique (DUP) et la préemption facilitent les acquisitions foncières des collectivités ; - Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) et Zone d’Aménagement Différé (ZAD) constituent des périmètres d’intervention ; - Établissements Publics Fonciers (Locaux) (EPF ou EPFL) et Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural (Safer), conduisent sur le terrain les politiques d’acquisition foncière pour le compte de leurs collectivités locales. Dispositifs financiers et fiscaux : taxes foncières, sur la plus-value, mécanismes de financement des équipements, etc. 48 | Secteur prioritaire pour le développement urbain et la réalisation d’équipements (polarités) Réseau de transports collectifs : Secteur prioritaire bien desservi (gares du réseau express, corridors urbains ) réseau express de l’aire métropolitaine Secteur prioritaire pour la réalisation de grandes opérations d’aménagement mixte (sites de projet) réseau d’agglomération gare de niveau euro-régional autre gare La méthode par le revenu est essentiellement applicable aux exploitations agricoles. Elle conduit à une évaluation en valeur « occupée » et permet de recouper une valeur obtenue par d’autres méthodes d’estimation. Le revenu brut du bien est retenu et un taux de capitalisation y est appliqué. La capitalisation est un calcul qui permet notamment de connaître la valeur future d’une somme placée à un taux d’intérêt connu dès le départ. La méthode dite du compte à rebours est utilisée par les professionnels de l’immobilier. Elle permet d’évaluer les terrains à bâtir en milieu urbain. Elle établit à partir du prix potentiel de commercialisation d’un bien immobilier neuf le bilan économique de l’opération de construction projetée. Toutes les dépenses relatives à cette construction doivent être prises en compte. Elle suppose de connaître : - la constructibilité du terrain en fonction des règlements d’urbanisme ; - les contraintes liées à la qualité du sol et du sous-sol ; - l’état de la demande (logements de luxe, accession sociale, bureaux, locaux d’activité) et de la solvabilité de la clientèle potentielle (réalités économiques, possibilités de financement). Les évaluations par comparaison et par le revenu peuvent être appliquées aux biens immobiliers. Les secteurs d’intervention foncière et d’urbanisation préférentielle dans l’agglomération de Lyon se situent à proximité des axes de transport en commun Mener des politiques volontaristes : quels sont les outils opérationnels à la disposition des autorités publiques? L’achat à l’amiable est la procédure majoritairement privilégiée et employée par la collectivité pour acquérir des terrains. Dans le Grand Lyon, cette procédure représente 75% des transactions réalisées. Le droit de préemption urbain Le droit de préemption urbain est une procédure qui permet à une organisation publique d’acquérir en priorité, dans certaines zones définies par les documents d’urbanisme, des biens fonciers ou immobiliers afin de réaliser une opération d’aménagement. L’autorité compétente en urbanisme (commune, intercommunalité, institution étatique) définit un périmètre, dans les zones urbanisées ou à urbaniser, sur lequel elle est titulaire du droit de préemption. Ce droit peut être délégué à un établissement public ou à une Société d’Économie Mixte (SEM). « L’acte de vente et le notariat L’acte de vente est un document obligatoire pour devenir propriétaire d’un bien foncier ou immobilier. Il peut comporter quelques dizaines de pages et doit être rédigé par un notaire. Quant à l’administration, elle peut, si elle le souhaite, rédiger des actes administratifs pour acheter ou vendre ses biens. Une collectivité vendeuse d’un terrain et désireuse que la construction respecte certaines règles les inscrit dans l’acte. Des sanctions peuvent être appliquées en cas de non-respect de ces règles. Le notariat est une profession libérale privée avec un rôle de service public. Le notaire est agrémenté par l’État, son rôle est de sécuriser la transaction, notamment en s’assurant que le vendeur est en droit de vendre. L’acte de vente est rédigé par le notaire, qui engage sa responsabilité, puis signé par le vendeur et l’acquéreur. Chacun peut être représenté par son propre notaire. L’acte signé est envoyé à la conservation des hypothèques pour publication, puis au cadastre et enfin au centre des impôts fonciers de chaque partie pour s’assurer qu’elles n’ont pas de dettes vis-à-vis de l’État en matière de fiscalité. proposition du détenteur du droit ou par fixation judiciaire par le juge de l’expropriation. Le vendeur qui refuse la contre-proposition peut renoncer à vendre (le bien reste soumis au droit de préemption en cas de nouvelle aliénation) ou demander la fixation judiciaire du prix. Si le bien préempté n’est pas utilisé dans le cadre de l’opération ayant motivé sa préemption, le vendeur ou l’acquéreur évincé peuvent user de leur droit de rétrocession. Toute la commune d’Évry (Île-de-France) est couverte par un droit de « préemption simple » (en vert), qui concerne tous les types de biens (logements, terrains, locaux professionnels…) à l’exception des immeubles de moins de dix ans et des immeubles isolés en copropriété. Le droit de préemption renforcé touche les secteurs que les autorités locales souhaitent requalifier, il concerne tous les types de biens (périmètre jaune). Un droit de préemption sur les fonds et baux commerciaux (périmètre rouge) a pour objectif de favoriser la présence et la diversité des commerces. Lorsqu’un propriétaire souhaite vendre un bien immobilier situé dans un périmètre où s’exerce un droit de préemption, il doit notifier au titulaire de ce droit son intention de vendre ainsi que le prix de son bien par une « déclaration d’intention d’aliéner ». Celle-ci doit être rédigée par un notaire et l’acte de vente ne peut être signé avant que la déclaration ne soit déposée à la mairie et que le titulaire du droit de préemption ait renoncé à exercer ce droit. Le titulaire peut donc acquérir prioritairement des biens immobiliers et fonciers lors de leur mise en vente, à condition de faire connaître son intention de préempter dans un délai de deux mois. La collectivité n’a pas l’obligation de communiquer ses intentions lors de transactions amiables, mais les projets d’opérations ou de réserves foncières doivent répondre aux critères d’intérêt général. Le titulaire du droit motive formellement sa décision de préemption sous peine de recours en justice. L’achat peut être règlé au prix déclaré par le vendeur, au prix de la contre- Le droit de préemption en Zone d’Aménagement Différé Dans les Zones d’Aménagement Différé, l’autorité publique dispose d’un droit de préemption sur toutes les ventes et cessions à titre onéreux de biens immobiliers ou fonciers. Celui-ci s’exerce durant quatorze ans. Faire la ville | 49 Chapitre 2 : Le foncier urbain Sa création relève de la compétence de l’État et nécessite l’accord de la commune ou de l’intercommunalité. L’expropriation Cette procédure est rare (moins de 5% des transactions réalisées par le Grand Lyon), relativement violente, mais se révèle parfois utile. Elle nécessite beaucoup de rigueur et de volonté politique. Si le droit de propriété est considéré comme sacré en France, la procédure d’expropriation indique que l’on peut être contraint de céder son bien « pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ». Les projets d’infrastructures, d’espaces publics ou encore de Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) sont en général considérés comme d’utilité publique. Les organismes habilités à exproprier sont l’État, les collectivités, les établissements de coopération intercommunale tels que le Grand Lyon, les concessionnaires de ZAC et les concessionnaires d’opération d’aménagement. Tous les actes sont pris au nom de l’État, seule autorité habilitée à déclarer un projet d’utilité publique. La phase administrative comprend deux enquêtes. Dans un premier temps, l’enquête publique s’appuie sur une étude d’impact et recueille l’avis de toutes les personnes concernées par le projet. Un commissaire enquêteur examine les avis et formule des conclusions favorables ou non au projet. Lorsque l’avis est favorable, les autorités prononcent par décret ou arrêté ministériel (ou préfectoral si le projet est moins important), la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) qui permet de procéder aux expropriations. Par la suite, l’enquête parcellaire permet d’identifier les biens et les propriétaires à exproprier. Elle débouche, après avis du commissaire enquêteur, sur l’arrêté de cessibilité pris par le préfet. Lors de la phase judiciaire, le juge, saisi par le préfet, prononce l’ordonnance d’expropriation. Il constate alors les accords amiables intervenus durant la procédure ou fixe les indemnités, suivant le prix du marché et en fonction de la nature du bien, de sa qualité et de ce qu’autorise ou non le Plan Local d’Urbanisme (PLU). Un terrain acheté bon 50 | marché, parce qu’inconstructible, ne peut être revendu très cher et devenir constructible sans qu’au préalable les travaux de viabilisation nécessaires n’aient été réalisés. Les expropriés peuvent attaquer la décision en demandant un recours auprès de l’organisme décideur. Des leviers fiscaux qui freinent la spéculation Les taxes foncières sur la propriété bâtie et sur la propriété non bâtie sont prélevées une fois par an sur les propriétaires. La somme récoltée est partagée entre les communes, les intercommunalités, les départements et les régions. La fiscalité des mutations comporte les droits d’enregistrement, les frais de notaire et la taxation de la plus-value. Celleci concerne les résidences secondaires et les investissements locatifs et non les résidences principales. En 2012, son montant était de 32,5% de la plus-value pour une période de détention du bien de moins de six ans. Une décote de 2% est appliquée à partir de la sixième jusqu’à la dix-septième année, puis de 6%, pour atteindre 8% entre la vingtcinquième et la trentième année. Ce n’est qu’après trente ans de détention du bien que les propriétaires sont finalement exonérés de l’acquittement de cette taxe. Certaines taxes permettent de financer la construction et l’entretien d’équipements publics lors d’opérations d’aménagement. Pour aller plus loin : • ADEF, Association Des Études Foncières, http://www.adef.org/ site/ • CERTU, Actions foncières et projets d’aménagement, http://www.certu. fr/fr/Urbanisme_et_ habitat-n24/Action_ fonci%C3%A8re_et_ amenagement-n36-s_ thematique.html • CERF, Centre d’Échanges et de Ressources Foncières Rhône-Alpes, Fiches techniques sur les Établissements Publics Fonciers, la méthode du compte à rebours de l’aménagement et de l’immobilier, et sur le levier foncier dans les Plans Locaux d’Urbanisme, http://www.cerfra. org/ http://www.paddi.vn/ (en vietnamien) Sur le périmètre déclaré d’utilité publique (DUP) pour ce projet urbain à Annemasse (Rhône-Alpes), il reste encore des parcelles à acquérir par les autorités locales Les outils fonciers vietnamien et français à disposition des collectivités locales (HCMV et Grand Lyon) Grand Lyon HCMV Statut de propriété Droit de propriété du foncier et de l’immobilier, défini f et transmissible. Propriété du sol au peuple, ges on par l’État. Droit d’usage du terrain cessible à tre onéreux, gratuit ou sous forme d’hypothèque. Cession défini ve pour le terrain résiden el ou avec délai (maximum 50 ans) pour le terrain d’ac vités. Ac on foncière objec f principal Favoriser le développement de l’aggloméra on (économie, habitat) dans le respect du droit et des règles d’urbanisme. Générer des rece„es pour le budget public. Ges on des terrains conformément à la planifica on. Élabora on du programme d'acquisi ons foncières Programma on budgétaire présentée aux élus qui l’approuvent ou demandent des ajustements, votent le budget nécessaire pour la réalisa on du programme d'inves ssement dans le cadre du budget du Grand Lyon. Par le Centre de Développement Foncier, pour des terrains qui ne sont pas encore a„ribués aux projets d’inves ssement. Le Comité populaire de la ville prend les décisions de récupéra on de terrains, en fonc on de ses capacités financières. Phasage Les sites stratégiques sont acquis en priorité. Les acquisi ons et les ventes se font par phasage. Les sites à récupérer sont iden fiés par le Comité populaire de la ville. Mise à disposi on des terrains acquis Terrains des nés aux projets d’intérêt général. La collec vité peut me„re en vente ces terrains pour des projets non-conformes à l’intérêt général à l’issue d'un délai de cinq ans. Si la vente intervient pendant ce délai, les anciens propriétaires peuvent demander la rétrocession. Terrains mis en vente aux enchères conformément au plan d’urbanisme ou des nés aux projets d’u lité publique. Modes d'acquisi on Acquisi ons amiables pour tous les projets. du foncier par la puissance publique Acquisi ons amiables pour les projets purement économiques. Droit de préemp on Dans les zones urbanisées et à urbaniser pour les projets d’intérêt général. Pas de droit de préemp on. Expropria on / Récupéra on Pour les projets d’intérêt général déclarés d’u lité publique. Récupéra on du terrain avec indemnité pour les projets d’intérêt général. Indemnités Fixées par le juge au prix du marché au moment de l’acquisi on Fixées soit par le district, soit par le Comité populaire de la ville sur la base des évalua ons des valeurs immobilières effectuées par des consultants avec examen des services techniques (dont le montant est souvent inférieur aux prix du marché). Modes de cession des terrains publics De gré à gré : priorité aux occupants puis aux propriétaires voisins. À l’acquéreur désigné au cas où il n’y ait pas de candidat à l’adjudica on, dans le cadre d’un échange contre des équipements, ou dans celui du programme de déplacement des usines polluantes. Concurrence Par mise en concurrence. La concurrence s’exerce sur le prix des droits d’usage mais pas encore sur le programme. Bail / Adjudicaon Par bail à construcon. Par bail sur le long terme. Ges on fréquence des révisions PLU révisé tous les 6 ans (mandat d’un maire) ou modifié pour apporter des retouches ne portant pas a€einte à l’esprit du document. Modificaon tous les 5 ans, élaboraon de nouveaux plans tous les 10 ans. Informaons cadastrales et conservaon des hypothèques Fichier des hypothèques mis à jour dès qu’il y a un transfert de propriété. Les documents graphiques du cadastre peuvent être consultés sur internet. Le cadastre et les informaons cadastrales ne sont pas à jour de manière complète. Enregistrement des actes de vente et mise à jour des fiches hypothèques Par le service fiscal de l’État. Par le bureau d’enregistrement du droit d’usage du terrain du DoNRE des provinces (grands projets) ou par le bureau des Ressources Naturelles et de l’Environnement des districts (parculiers). Instuon responsable de la geson du foncier La direcon Foncier et Immobilier assure les acquisions du foncier par négociaon amiable, expropriaon ou préempon. Le foncier acquis constue le patrimoine privé du Grand Lyon en a€ente de l’affectaon à un projet d’intérêt général. Les opéraons se clôturent avec l’acte de vente chez le notaire. Le DoNRE assure la geson administrave : formalités administraves pour les opéraons d’a€ribuon, récupéraon, mise en locaon, changement d’affectaon du terrain et délivrance des cerficats d’usage pour les professionnels. Les districts réalisent ces tâches pour les parculiers. Observatoires immobiliers Missions : veille et étude des prix du marché (foncier et immobilier) mais aussi connaissance des volumes de transacons par catégorie de biens. Les citoyens peuvent s’adresser aux notaires ou à des experts immobiliers pour connaître la valeur de leur patrimoine. Pas d’observatoire des transacons foncières et immobilières. Ouls mis en œuvre bien définis, clairs et stables. Transparence. Plusieurs modes d’acquision, les propriétaires sont peu nombreux à se plaindre en jusce. Réserves foncières prêtes à être mises à disposion pour les projets d’intérêt général. La propriété privée du terrain peut rendre les négociaons plus longues. Le prix d’achat dépend des règles d’urbanisme et du marché. L’État est le propriétaire du terrain, ce principe facilite sa récupéraon. Le calcul des indemnités ne ent pas compte de la planificaon dans le futur. Bases de données Avantages du système Inconvénients du système Pas de bases de données fiables, d’où l’émergence de spécialistes de l'immobilier. Les ouls efficaces et les plannings à long terme font défaut. Les formalités ne sont pas encore transparentes. Les indemnités sont plus basses que le prix du marché, les détenteurs de droits sont nombreux à se plaindre en jusce. Il n’y a pas suffisamment de réserve foncière pour des projets d’ulité publique. Faire la ville | 51 Chapitre 2 : Le foncier urbain LES RÉFLEXIONS ET PROJETS DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE La création de référentiels et d’observatoires fonciers1 Les bases de données, qu’elles se présentent sous la forme d’un cadastre mis à jour, d’un référentiel foncier ou d’un observatoire immobilier, permettent de faciliter l’élaboration des politiques foncières et des plans d’usage des sols. Les observatoires des prix fonciers et immobiliers et les référentiels fonciers offrent aux autorités locales une connaissance fine de leur territoire. Ces outils techniques de compréhension et d’aide à la décision peuvent aussi jouer le rôle de plans d’action foncière admis et partagés. « La cartographie des transactions et des prix Les observatoires fonciers et immobiliers Un observatoire est un outil d’aide à la décision permettant de suivre l’évolution du foncier, notamment les prix pratiqués, les volumes des transactions et la typologie des biens échangés. Les observatoires contribuent à la réalisation de diagnostics et émettent des hypothèses sur l’évolution du marché, en vue de la réalisation et de la gestion d’aménagements publics. Le Grand Lyon dispose d’un Observatoire de l’Immobilier d’Entreprise (OIE), d’un Observatoire des Transactions Immobilières et Foncières (OTIF) et d’un inventaire historique urbain. L’Observatoire de l’Immobilier d’Entreprise Le Grand Lyon travaille en partenariat avec le Cecim, une association créée à l’initiative de professionnels de l’immobilier désireux de connaître de manière fiable le marché et ses acteurs. L’Observatoire des Transactions Immobilières et Foncières est couplé à un Système d’Information Géographique (SIG) permettant de localiser les transactions sur le plan cadastral (base Access des professionnels de l’immobilier) et de les croiser avec d’autres couches d’information telles que celles du PLU. La carte ci-dessus indique la répartition des prix des maisons dans le Grand Lyon en 2003. Les quartiers situés à l’ouest sont plus chers (bleu foncé) que les quartiers à l’est (bleu clair). Ces informations peuvent également être cartographiées à l’échelle de la parcelle cadastrale. 52 | Le Cecim gère l’OIE, un observatoire chargé du suivi du stock existant et de la commercialisation des bureaux, des locaux d’activité, de la logistique et du foncier en zone d’activité. Les objectifs de l’observatoire sont de permettre la localisation à la parcelle et la description du foncier (échéance de disponibilité, constructibilité). Il permet d’anticiper les tendances du marché notamment en assurant une surveillance de la consommation foncière annuelle et du montant des transactions lors des ventes ou des mises en location. Cet observatoire a par exemple permis de dresser une cartographie de tous les terrains situés en zone d’activité et non utilisés. Les sources sont fournies par les professionnels de l’immobilier, dans le cadre d’un partenariat fondé sur la confiance. La base de données prend en compte la valeur des 1 Atelier du PADDI, sur les « Observatoires fonciers et immobiliers », animé par Robert Wacheux, mai 2010 loyers, des prix de vente et la grandeur des volumes. Cette dernière valeur est la plus importante car le volume de biens achetés (quantité des ventes en nombre et en m²) permet de mesurer l’activité et d’estimer les besoins dans toutes les zones urbaines réservées aux activités économiques ou dans les zones à urbaniser du PLU. L’Observatoire des Transactions Immobilières et Foncières Suite à une crise immobilière, la collectivité lyonnaise a créé en 1989 l’OTIF afin de disposer d’outils de suivi des flux immobiliers et fonciers, voire d’anticipation des grandes tendances. Les objectifs de l’observatoire sont de présenter des informations précises et aussi exhaustives que possible, quel que soit le type de bien et d’acteur en présence ; de disposer rapidement de prix de référence ; enfin, de mettre ces informations à la disposition des opérateurs fonciers du Grand Lyon et des services œuvrant dans le domaine du développement urbain. Cet observatoire est couplé à un Système d’Information Géographique (SIG) permettant de localiser les transactions sur le plan cadastral et de les croiser avec d’autres couches d’informations comme le PLU par exemple. L’observatoire permet un travail en partenariat avec les professionnels de l’immobilier (les notaires, les associations : la Cecim locale et la FNAIM nationale, qui rassemblent tous les professionnels de l’immobilier), les observatoires d’autres agglomérations, l’Association Des Études Foncières et les universitaires. Les données sont achetées à la Chambre des notaires dans le cadre d’une relation partenariale ou à des professionnels de l’immobilier. L’inventaire historique urbain L’inventaire historique urbain est un outil de connaissance des utilisations industrielles ou artisanales des sols de 1850 à aujourd’hui. Le recensement des activités potentiellement polluantes est une préoccupation récente, liée aux impératifs sanitaires et à la législation qui impose différents niveaux de dépollution des sols selon l’usage futur. En effet, selon le Code de l’Environnement, le vendeur doit effectuer une déclaration des activités polluantes qui ont eu lieu sur le terrain qu’il vend. Une négociation a lieu afin de déterminer qui prendra en charge le coût de la dépollution. Les activités et les produits utilisés sur ces terrains sont recensés à partir des archives départementales ; ces données sont ensuite enregistrées dans un SIG et cartographiées. Quelques pistes d’action pour la création d’un observatoire Pour créer un observatoire durable, il est déterminant d’agir sur le long terme et à l’échelle de l’agglomération plutôt qu’à celle de l’îlot ou du quartier. Il est préférable que les collectivités entretiennent de bonnes relations avec les différents professionnels du foncier et de l’immobilier, notamment, au Viêt-Nam, avec des structures comme les Établissements Publics Fonciers locaux ou les Centres de Développement Foncier. Ces professionnels peuvent également se regrouper au sein d’une association. Le DoNRE pourrait, par exemple, rassembler les données sur les transactions, en se fondant à la fois sur la grille officielle et sur les prix du marché. Des partenariats pourraient être engagés à cette fin avec les agences privées de conseil et d’immobilier (Sacom Bank, DTZ, CB Richard Ellis) et avec les consultants d’évaluation des prix agréés par le ministère des Finances. Les référentiels fonciers Dans le cadre d’un projet d’urbanisme dont les autorités publiques veulent garder la maîtrise, ils permettent d’identifier les parcelles jugées stratégiques. Leur cadre est élaboré de manière transversale par les services concernés (urbanisme, économie), ce qui requiert une validation politique et la mise en place de moyens financiers spécifiques. Le référentiel est valable dans les zones urbanisées, les zones d’urbanisation future ou les zones rurales en frange des agglomérations ; étant un outil de travail, il n’est pas consultable par le public. Le référentiel foncier de Lyon comprend ainsi le constat de l’existant, des propositions d’action et de gestion et un contrat (accord, convention) entre les acteurs. Faire la ville | 53 Chapitre 2 : Le foncier urbain Le constat de l’existant comporte : ͳ la position du site dans l’agglomération, dans la commune ; ͳ la maîtrise foncière privée et publique, l’identité des propriétaires ; ͳ l’occupation du site, l’identité des occupants et le type d’occupation (logement, activité) ; ͳ la nature et la qualité du bâti, sa valeur architecturale ; ͳ les règles d’urbanisme applicables, les servitudes d’utilité publique et les servitudes privées ; ͳ la présence d’installations classées, de patrimoine historique ou de mesures pour la protection de l’environnement ; ͳ l’historique des mutations foncières survenues depuis cinq à dix ans ; ͳ la mutabilité potentielle des biens. d’uniformisation. Cependant, aucune province ne dispose encore d’une base complète et les autorités manquent toujours d’informations sur les transactions foncières. À HCMV, entre 50 et 70% des districts ont une base de données papier et numérique à jour. Les référentiels fonciers permettent d’identifier les potentiels de mutation des terrains pour des projets urbains ou d’implantation d’activités économiques, Grand Lyon Les référentiels fonciers comportent des propositions d’action et de gestion foncière conformes au PLU. Certaines zones peuvent être gelées le temps de réaliser la maîtrise foncière afin d’éviter toute spéculation qui rendrait le projet irréalisable financièrement. Les propositions d’achats volontaires, à court, moyen ou long terme, réalisés à l’amiable ou par préemption, sont également inscrites dans le document et un plan financier est établi. Le référentiel prévoit aussi éventuellement la surveillance des déclarations d’intention d’aliéner et de leur opportunité. La gestion d’un projet en cours peut être renseignée par des informations concernant : la démolition ou la conservation des bâtiments, la dépollution des sols, le pré-verdissement ou la préparation environnementale du site, ou encore la mise à disposition temporaire du terrain. Unifier et actualiser les bases de données à HCMV et à Hanoi Pour Hanoi et HCMV, les bénéfices d’un tel outil seraient d’établir clairement la légalité des parcelles et des propriétaires, de simplifier le traitement des dossiers fonciers et leur intégration aux SIG. En 2004, un plan national de numérisation des bases de données a été lancé au ViêtNam. L’utilisation des SIG s’est rapidement répandue et elle est aujourd’hui en cours 54 | Légende Parcelle Bâment cadastral Secon cadastrale Propriété Grand Lyon Potenel de mutaon élevé pour acvité économique Potenel de mutaon élevé pour projet urbain E Cible stratégique pour acvité économique (évaluée) P Cible stratégique pour projet urbain La ville de HCMV met actuellement en place une base de données foncière numérique dont les objectifs principaux sont d’établir la légalité de chaque parcelle et du titulaire du droit d’usage, ainsi que d’unifier les données cadastrales à l’échelle de la ville, en adéquation avec le système national. Celle-ci devrait devenir la référence en matière de gestion et de politique foncières. Depuis 1975 en effet, plusieurs fonds cadastraux différents ont servi de base à la délivrance des certificats à HCMV (cartes de titres de propriété, cartes de bandes et parcelles 299/ TTg, cartes cadastrales 02/CT-UB, plans de fonds, etc.). De cette cohabitation résulte aujourd’hui une certaine confusion : ainsi, les adresses inscrites sur les certificats délivrés ne correspondent plus toujours aux cartes cadastrales officielles numérisées, qui ont été récemment dressées et mises à la disposition des services fonciers. Ces dernières ne sont pas encore systématiquement utilisées : certains districts ont encore recours à des bases de données papier et les données cadastrales qui y sont attachées sont très dispersées. De la même manière, les logiciels de traitement des données ne sont pas encore uniformisés. Le délai de délivrance des certificats étant long, les changements de droit d’usage, de propriétaire ou de division des parcelles ne sont pas intégrés en temps réel dans la base. Les cartes cadastrales sont rapidement obsolètes, particulièrement dans les districts périurbains, et ne permettent pas de représenter les nouvelles zones résidentielles planifiées. Une base de données pilote a été réalisée dans le district 6 de HCMV en 2009 : fonds et dossiers cartographiques ont été fusionnés et 256 champs sont à renseigner. Dans ce cadre, le logiciel Vilis est utilisé pour vérifier les relevés de terrain, actualiser les changements fonciers et obtenir des références directes aux textes légaux. « Exemple des champs à renseigner pour un référentiel foncier en France Date : année, mois ; Vendeur et acquéreur : typologie – non nominatif (promoteur, particulier, investisseur, marchand de biens, collectivité territoriale, État), origine (lieu de résidence, nationalité), année de naissance ou date de la création de la société ; Commune et cadastre : code de la commune (code postal), section du cadastre, numéro de la parcelle ; Caractéristiques du bien vendu : - nature : terrain nu ou encombré ; - usage : terrain à bâtir, terrain urbain remis à neuf, etc. ; - surface en m² ; - destination (prévue par l’acquéreur) : à bâtir, à urbaniser ; - projet : logement, industrie, commerce ; - capacité Surface hors-œuvre nette (SHON) en m² (surface sans les murs, les combles, etc.) ; - code du zonage d’urbanisme du PLU ; - occupation du terrain : libre, occupé avec titre, occupé sans titre ; Logement : nombre d’étages, de logements, confort, capacité de m² SDPHO (Surface Développée Pondérée Hors Œuvre, indice où les surfaces des différentes pièces sont pondérées selon leur usage, par exemple le salon et une terrasse n’auront pas le même coefficient), surface plancher. Montant de la vente : fiscalité (TVA, droits de mutation), prix toutes taxes comprises, prix hors taxe, prix du m² de terrain (toutes taxes comprises), prix/m² SHON (toutes taxes comprises), prix/m² SDPHO s’il s’agit d’un logement. Les structures spécifiques de gestion : les Centres de développement foncier (CDF) et les Établissements Publics Fonciers Locaux (EPFL) français 2 La volonté politique doit être extrêmement forte pour mener une action foncière ayant un impact sur le développement urbain. En France, les collectivités peuvent acquérir directement des terrains en se finançant par l’impôt ou par des emprunts. Cette solution est efficace, bien qu’elle soit coûteuse pour la collectivité et que la gestion foncière représente un risque financier. Les services fonciers et immobiliers des collectivités territoriales peuvent alors s’appuyer sur de puissants Pour aller plus loin : • PADDI, 2010, Livret « Observatoires fonciers et immobiliers », http://www.paddi. vn/fr/centre-deressources/livretsdes-ateliers-deformation • Fnaim, http://www.fnaim.fr/ • Cecim, http://www.cecimobs. net/ • ORF, Observatoire régional du foncier en Île-de-France, http://www.orf.asso. fr/ 2 Atelier du PADDI sur les « Outils et dispositifs fonciers et immobiliers », animé par Robert Wacheux, mars 2009 Faire la ville | 55 Chapitre 2 : Le foncier urbain organismes opérationnels : les Établissements Publics Fonciers Locaux (EPFL). Un outil semblable, le Centre de Développement Foncier, émerge actuellement au ViêtNam. Si les deux institutions sont chargées d’acquérir des terrains, la finalité peut différer. En France, les terrains acquis ne peuvent être utilisés que dans le cadre de projets d’« intérêt général ». Au Viêt-Nam, ils sont destinés aussi bien à la réalisation d’infrastructures et d’équipements publics qu’à la revente à des investisseurs privés après leur viabilisation. Les EPFL français sont des établissements publics à caractère industriel et commercial créés par des collectivités territoriales (régions, départements, intercommunalités). Leurs salariés sont des experts en finance, prospective, acquisition et gestion foncière. Ils sont financés par diverses taxes sur les constructions et les équipements, par des contributions émanant de l’État et des collectivités membres, par des emprunts et par les produits de leur activité. Une structure étatique avec des missions similaires, l’Établissement Public Foncier, peut être créée pour travailler en contractualisation avec les collectivités locales (au nombre de treize en 2010). Les EPLF - 15 en 2010 - se substituent aux collectivités en se voyant déléguer la négociation ou les droits de préemption. Ce ne sont ni des aménageurs ni des promoteurs : leur rôle est de développer la maîtrise foncière en fonction des objectifs prédéfinis par les collectivités, en matière d’habitat, de transport et d’environnement. Les EPFL acquièrent des terrains ou des immeubles pour constituer des réserves foncières et des opérations d’aménagement. Ils gèrent ensuite les biens acquis sur une durée prédéterminée avant de les rétrocéder aux collectivités. Les différents membres de l’EPFL doivent donc réussir à ordonner leurs projets urbains selon leur degré de priorité et à les coordonner. Les Centres de Développement Foncier (CDF) vietnamiens Les CDF sont des établissements publics à caractère industriel et commercial ou des entreprises publiques. Leur mission est de récupérer 56 | des terrains et de constituer des réserves foncières pour le compte des autorités publiques ou d’investisseurs privés. L’objectif de ces centres est d’offrir un « guichet unique » pour les démarches d’obtention de terrain et d’autorisation d’investissement, qui concernaient auparavant les départements des Ressources Naturelles et de l’Environnement (DoNRE), de la Construction (DoC) et du Plan et de l’Investissement (DPI). Ils ont été créés par la loi foncière de 2003 et assurent un service d’intérêt public. Le statut d’établissement public facilite les relations avec les différents organismes publics, tandis que le statut d’entreprise publique offre d’avantage d’autonomie de financement et de fonctionnement. Les CDF sont placés sous la tutelle des DoNRE et peuvent être administrés à l’échelle des districts ou de la ville. Des plans annuels et quinquennaux sont établis par les CDF, à la fois pour les terrains à acquérir et pour les terrains à revendre par adjudication. Au CDF de HCMC, qui dépend du DoNRE, ces derniers sont choisis de deux manières différentes. Dans le premier cas, l’initiative revient au Centre qui définit un périmètre de récupération en fonction du plan d’usage des sols et le soumet pour approbation au DoNRE puis au Comité populaire. Le budget de l’achat provient du fond général de HCMV et les transactions dépassant un certain montant nécessitent la validation du ministère du Plan et de l’Investissement. Afin de fixer le montant de la mise en vente d’un terrain par adjudication, des consultants immobiliers privés évaluent sa valeur au prix du marché, ensuite le service des finances donne son accord, puis la ville valide cette valeur plancher. Le Centre de Développement Foncier élabore les propositions d’indemnisation des habitants et assure la maîtrise d’ouvrage des projets de relogement. Ces indemnisations suivent en théorie les prix du marché mais la lourdeur des procédures administratives les rendent souvent caduques au moment du règlement. Dans le second cas, la récupération d’un terrain peut faire suite à la proposition d’un investisseur privé, vietnamien ou étranger. Cette seconde situation est la plus courante Des terres agricoles ou des terrains de quartiers d’habitat insalubre sont récupérés pour accueillir le développement de quartiers résidentiels modernes ou de grandes infrastructures, HCMV Les aires violettes signalent les terrains industriels vacants qui présentent un potentiel de mutation sur le boulevard Vo Van Kiet, HCMV en raison du faible budget des collectivités pour l’achat, comme c’est le cas à HCMV. Un cadre d’intervention limité La lourdeur des procédures administratives et son budget limité entravent la réactivité du CDF de HCMV pour mener les acquisitions et les reventes de terrain, alors que celui-ci évolue dans un contexte d’économie de marché. Les délais entre l’achat du terrain, sa viabilisation et sa commercialisation sont longs et les retours sur investissement sont donc tardifs. La dispersion des compétences de planification et la superposition des plans émanant du DoC, du DoNRE et du DUPA rendent également difficile la gestion foncière de la ville. Ainsi, le CDF peine à rassembler des informations concernant la planification urbaine, gérée par le DUPA. L’ensemble du territoire n’est pas couvert par un plan d’aménagement, et une même zone peut l’être en revanche par des plans fonciers et des constructions dont les orientations ne sont pas similaires. Le CDF doit alors éclaircir quels sont les droits qui s’appliquent sur cette zone avec les différents services et le Comité populaire afin de pouvoir réaliser le projet. Une fois les projets arrêtés, les procédures manquent de souplesse pour faire face à d’éventuels imprévus. Dans le cas où les investisseurs se retirent de la procédure de récupération de terrains, la ville refuse de redécouper le parcellaire en de plus petits lots qui pourraient trouver des acheteurs plus facilement. Les terrains sont alors gelés dans l’attente d’autres investisseurs. Un règlement récent permet aux habitants des périmètres bloqués de continuer à construire ou améliorer leur logement, évitant ainsi une dégrada- Les réserves foncières du district 8 de HCMV : en vert les terrains agricoles et naturels, en marron les terrains viabilisés non bâtis tion de la situation sociale et de l’état du bâti. Le Comité populaire récupére sur proposition du DoNRE, des terrains attribués à des investisseurs si les travaux n’ont pas commencé ou sont suspendus. Diversifier les outils opérationnels et encadrer les projets d’aménagement La faible maîtrise publique du foncier fragilise la mise en œuvre des orientations urbaines définies dans les schémas directeurs. La récupération de terrains apparaît comme le seul levier des collectivités locales pour mener des actions foncières, et celles-ci semblent y voir davantage une source de recettes qu’un outil au service du développement urbain de l’agglomération. C’est pourquoi le DoNRE de HCMV conduit actuellement une réflexion sur l’opportunité de mettre en œuvre des outils semblables au droit de préemption français, en les adaptant au contexte règlementaire vietnamien. Pour aller plus loin : • PADDI, 2006, Livret « Planification et gestion des ressources foncières », http://www.paddi. vn/fr/centre-deressources/livretsdes-ateliers-deformation • PADDI, 2009, Livret « Outils et dispositifs d’une politique foncière et immobilière » • EPF Île-de-France http://www.epfif.fr/ • Agence d’urbanisme de la région grenobloise, exemple de statut d’un EPLF, http://www.aurg.org/ ressource/activites/ foncanex.pdf Le « circuit court » des opérations d’aménagement Si l’État vietnamien a conservé depuis le Doi Moi ses prérogatives en matière de fixation des droits d’usage du sol, il ne parvient plus aujourd’hui à financer les différents projets d’infrastructures et d’aménagement. Ainsi, ce sont des emprunts souscrits auprès des bailleurs de fonds internationaux qui permettent notamment de financer la construction de routes et des réseaux de métro de Hanoi et de HCMV. Par ailleurs, l’aménagement de nouvelles aires urbaines se fait en général selon un « circuit court », par désignation des investisseurs. La collectivité cède par grands lots des terrains urbanisables aux investisseurs (entreprises publiques, investisseurs privés et étrangers) qui vont ensuite diviser les lots et les aménager ou céder certains lots viabilisés à d’autres promoteurs immobiliers. De nouvelles formes de partenariat publicprivé ont ainsi vu le jour pour assurer la construction des nouveaux quartiers urbains : Faire la ville | 57 Chapitre 2 : Le foncier urbain dans le système dit « terre contre infrastructure », les droits d’usage du sol sont cédés à des investisseurs privés en échange de la construction d’équipements et d’infrastructures publiques, qui sont rétrocédés aux collectivités. Ce système permet aux autorités publiques d’aménager et de développer leur territoire en n’apportant que très peu de capital. Les négociations se font au cas par cas entre les investisseurs et les autorités dans un cadre légal qui reste encore flou, malgré la promulgation en 2010 de la décision du Premier ministre 71/2010/QD-TTG relative à la clarification de l’organisation des partenariats public-privé au Viêt-Nam. Des projets au coup par coup et une réalisation des équipements problématique Ce système favorise une diffusion de l’urbanisation et une réalisation des projets d’aménagement au coup par coup, en dehors d’une vision cohérente véhiculée par un schéma directeur. La qualité des infrastructures réalisées est variable. Par exemple, certaines des infrastructures confiées à l’investisseur ne se situent pas dans le même périmètre que l’opération immobilière, et celui-ci n’a alors plus d’intérêt direct à livrer une construction de qualité. Plus généralement, les terrains revendus par les collectivités aux investisseurs ne sont pas soumis à un cahier des charges précis défini par celles-ci. En théorie, pour que le permis de construire soit délivré, l’investisseur doit accepter de construire certains équipements publics et les transférer aux autorités locales. En pratique, l’investisseur se contente souvent de vendre les logements et ne réalise pas les équipements prévus dans les délais. Ces nouveaux quartiers souffrent alors d’un déficit d’équipements publics, tels des parcs, ou sont desservis par une voirie en mauvais état. Quelques pistes pour financer la réalisation des équipements La réalisation d’infrastructures et d’équipements publics (écoles, parcs) est problématique au Viêt-Nam car il n’existe pas de mécanismes suffisants pour mettre à contri- 58 | « Les freins à l’investissement dans le foncier et l’immobilier D’après le consultant immobilier Savills, les freins particuliers dans les domaines foncier et immobilier sont : ͳ Les difficultés pour accéder au foncier ; ͳ Le temps nécessaire pour s’acquitter de la récupération, des indemnisations et du relogement qui est trop long et ne permet pas d’anticiper les mouvements du marché ; ͳ Le décret 69/2009/ND-CP qui indexe les montants d’indemnisation et d’achat des droits du sol sur les prix du marché et qui crée une incertitude, le niveau du montant étant connu tard dans le processus d’acquisition ; ͳ L’environnement institutionnel et légal qui est instable et confus ; ͳ Les disparités entre les prix du foncier et les attentes de retour sur investissement ; ͳ La faible attractivité des baux de cinquante ans en comparaison avec d’autres pays ; ͳ Le manque d’un statut de copropriété. bution les investisseurs. En effet, leur participation aux équipements est calculée selon la superficie du terrain et non les m² de plancher, ce qui entraîne un manque de recettes. En France, en revanche, les communes dotées d’un PLU, les intercommunalités ou les départements peuvent bénéficier de la taxe d’aménagement qui est prélevée lors des opérations d’aménagement, de construction, Différents modes de développement urbain à HCMV vus à travers leur parcellaire : un quartier central de ruelles denses dans le district 3 (1) ; un quartier périphérique au développement moins organisé à Tan Binh (2), un développement urbain greffé au tissu villageois à Thu Thiêm (3) et un quartier périphérique planifié à Binh Tan (4) L’opération intégrée de Phu My Hung (HCMV) a été financée par un consortium d’investisseurs privés étrangers et vietnamiens 1 2 3 4 sur le financement par ces derniers d’une partie des équipements publics nécessaires aux futurs habitants et usagers de l’opération. Les équipements sont alors réalisés par les autorités publiques. Dans la procédure de ZAC, les équipements sont réalisés par l’aménageur et leur coût est répercuté lors de la vente des bâtiments. de reconstruction ou d’agrandissement de bâtiments qui font l’objet d’une autorisation d’urbanisme. Elle finance les dépenses pour les équipements liés à l’urbanisation. Par ailleurs, les différentes procédures de division et d’aménagement foncier impliquent plus ou moins les collectivités publiques dans le financement des équipements et ne requièrent pas toujours de faire appel à la puissance publique pour obtenir des terrains, ce qui permet de limiter les coûts. La simple division d’un terrain sans réalisation d’équipements est une procédure de droit commun qui ne nécessite pas de demande d’autorisation, une simple déclaration suffisant. La division d’un terrain avec aménagement (routes et réseaux, même s’ils sont privés) est appelée lotissement. Les terrains ont été acquis à l’amiable ou par succession et les équipements sont à la charge de l’aménageur. Cette procédure nécessite une autorisation, la collectivité impose alors un cahier des charges de normes techniques pour la réalisation des équipements, car même s’ils peuvent être privés dans un premier temps, il est fréquent que la collectivité les reprenne à sa charge. Cette procédure peut être réalisée aussi bien par une organisation privée que publique, pour des terrains destinés au logement ou à des activités économiques. Il existe d’autres manières de financer la réalisation des équipements, par exemple en taxant la plus-value réalisée lors de la revente d’un bien immobilier. Plus spécifiquement, les riverains d’un nouvel équipement peuvent être mis à contribution en fonction du coût des travaux. Cela engendre toutefois des problèmes d’équité, dans la mesure où d’autres habitants peuvent également profiter de ces équipements. Pour la Banque mondiale, les systèmes de financement des infrastructures par le foncier constituent des pistes intéressantes et actuellement privilégiées par de nombreuses collectivités dans le monde, à la fois dans les pays en développement (Inde, Colombie) et dans les pays développés (États-Unis, etc.). La part de l’investissement privé pour la réalisation des équipements varie selon les différentes procédures d’aménagement (lotissement en haut et ZAC en bas), Îlede-France Pour aller plus loin : • Banque mondiale - PPIAF, Peterson G. E., 2009, « Unlocking land values / Exploiter la valeur du foncier pour financer les infrastructures urbaines », 139 p. http://www. worldbank.org/en/ country/vietnam • IAU-IdF, 2009, « Valorisation foncière et financement des infrastructures de transport », Note rapide Mobilité, n° 477, 4 p. http://www.iau-idf. fr/detail/etude/ valorisation-fonciereet-financement-desinfrastructures-detransport.html • PADDI, 2012, Livret « Les mesures d’acquisitions et de réserves foncières dans le cadre de projets de réaménagement urbain à composante transport » • PADDI, 2012, Livret « Montage d’une opération d’aménagement » • PADDI, 2012, Livret « Les Partenariats public-privé » Dans le Projet Urbain Partenarial, la collectivité conclut avec des propriétaires, des aménageurs ou des constructeurs une convention Faire la ville | 59 Chapitre 2 : Le foncier urbain Ces montages public-privé se font essentiellement selon trois formes de partenariat : - Le don de terrains publics au promoteur privé en contrepartie d’investissements dans les infrastructures publiques se rapproche du montage « terre contre infrastructure » vietnamien. - Dans la vente de terrains publics à des promoteurs privés, la recette est affectée au financement d’infrastructures publiques. - Enfin, le partage des plus-values foncières engendrées par les investissements en infrastructures publiques (par exemple la valorisation immobilière due à la construction d’une nouvelle station de métro) se fait par le biais de taxations, comme vu plus haut. La Banque mondiale souligne cependant que ces montages engendrent des recettes considérables, favorisant les risques de corruption et d’abus de pouvoir. Ces recettes sont donc à affecter de manière privilégiée à un budget d’investissement pour les équipements et non au budget général des collectivités. Lors de « cessions par bail à construction », le bail à long terme (de 18 à 99 ans) comporte l’obligation de construire et d’entretenir un immeuble dont les caractéristiques sont connues à la date de signature du bail. La durée du bail est calculée en fonction du temps nécessaire à un retour sur investissement. Au terme du bail, la collectivité récupère son terrain et devient propriétaire des constructions, sans reverser d’indemnités au preneur du bail. Cette dernière procédure est utilisée dans l’agglomération lyonnaise où le foncier est cher et parfois difficile d’accès pour les organismes de logement social. Le Grand Lyon peut céder un terrain « par bail à construction » à un investisseur, qui se consacre à la construction du bâtiment sans être freiné par le prix du foncier et peut par la suite pratiquer des loyers plus accessibles pour les ménages. Les SIG offrent des domaines d’utilisation très variés, de la planification à la gestion des permis de construire, du foncier et de l’immobilier, en passant par l’assainissement La vente ou la location des biens immobiliers et fonciers de la collectivité en France Les applications des systèmes d’information géographique dans la gestion urbaine 3 En France, les collectivités locales sont libres de vendre leur patrimoine privé. Ces ventes constituent également au Viêt-Nam une importante source de revenus. Certaines procédures de cession permettent aux autorités françaises d’orienter le développement des terrains vendus. Les SIG sont des outils informatiques qui organisent la correspondance entre différentes données numériques spatialement référencées. Ce sont des outils de connaissance et de gestion des caractéristiques d’un territoire, qui facilitent le partage des données et la communication entre ses différents acteurs. Enfin, ils constituent des outils d’aide à la décision et de prospective. Les « cessions de gré à gré » se font à l’amiable, entre la collectivité et le citoyen, et le bien est vendu à l’occupant au prix du marché. Le projet doit être intéressant économiquement pour la ville, conforme à sa politique urbaine et aux dispositions du PLU. Lors des « cessions par mise en concurrence », un appel d’offre est lancé sur la base d’un cahier des charges rédigé par la collectivité. Celui-ci précise la programmation, la conformité aux règles d’urbanisme, la qualité architecturale, la qualité environnementale. 60 | Le périmètre d’utilisation des outils SIG dans la gestion urbaine est large et recouvre : l’élaboration de la planification (aide à la conception intellectuelle de la planification et fabrication du document papier, seul document juridique opposable) ; l’information sur la planification (renseignement sur le droit à construire et diffusion du document sur internet) et enfin le contrôle du respect des règles lors des demandes d’autorisation de construire. 3 Atelier du PADDI sur les « Applications SIG dans la gestion urbaine », animé par Anne Lesvignes, janvier 2010 Outil de Communication Outil de Gestion Outil d’Analyse Le SIG, un outil d’analyse, de gestion et de communication Une utilisation étendue des SIG au Grand Lyon Le SIG du Grand Lyon a été créé en 1985 pour faire face à l’éparpillement des données entre les différents services. Il implique trois grands groupes d’acteurs. Le service de l’information géographique saisit, met à jour et diffuse les données de référence communes et accessibles à tous les autres services (géologie, cadastre, population) et forme les utilisateurs. Les objectifs du centre de SIG de HCMV En 2004, un centre de SIG a été créé à HCMV par le département des Sciences et Technologies (DoSTE). Sa vocation est aujourd’hui d’assembler les données sur HCMV, ainsi que de former les cadres des services techniques aux outils SIG. Des applications sont déjà utilisées avec succès, dans les domaines de l’eau et de l’assainissement ou encore de la gestion des bornes à incendie. La volonté de la ville est entre autres de développer des applications pour la gestion des infrastructures souterraines et la gestion urbaine. Le centre SIG collabore avec le DoNRE, le DUPA et le DoC pour constituer les bases de données au service de l’élaboration des plans d’aménagement sur le territoire d’HCMV. Pour aller plus loin : • PADDI, 2010, Livret « Applications SIG dans la gestion urbaine », http://www.paddi. vn/fr/centre-deressources/livretsdes-ateliers-deformation • Portail SIG d’HCMV, www.hcmSIGportal.vn Données des services Système de Coordonnées : - Système LAMBERT 2 Le service informatique développe les applications spécifiques à chaque service, gère la maintenance technique des données et des réseaux. Ces applications peuvent également être développées par un prestataire externe. Fonds de plan : - Cadastre - Fond de plan PLU - Cartes IGN - Orthophoto - Plans topos Enfin, les utilisateurs principaux du SIG et des applications développées sont les services de l’urbanisme, de l’eau et de l’assainissement, de la voirie, de la propreté et du foncier. Ces services renseignent et mettent à jour les données spécifiques à leur champ de métier (comme l’usage des sols pour le service d’urbanisme) et décident de les diffuser ou non. Références localisantes : - Voies et adresses - Lieux et édifices Un plan SIG des hauteurs dans le Grand Lyon renseigne sur les hauteurs des îlots et des voies (vert : inférieur à 20 m ; bleu : 20-22 m ; violet : 22-25 m, rose : supérieur à 25 m) Données de base La base du système : un seul et unique référentiel de localisation Les perspectives de développement d’un SIG La constitution d’un SIG à l’échelle de la ville se heurte à l’émiettement des compétences, des données et des applications utilisées. Les données sont sectorisées selon les différents départements et districts et il n’existe donc pas de données de référence communes. Le centre de SIG ne pouvant pas imposer l’usage des mêmes applications à l’ensemble des districts, ceux-ci, tout comme les départements Faire la ville | 61 Chapitre 2 : Le foncier urbain techniques, font souvent appel à des logiciels différents développés par des prestataires extérieurs. La centralisation et la coordination des informations s’en trouvent compliquées. Afin que les applications développées soient vraiment efficaces, la prise en compte de leurs utilisateurs est nécessaire : elles ne doivent pas s’adresser à des spécialistes mais être accessibles, dans le cas d’un service d’urbanisme, aussi bien aux agents de saisie qu’aux ingénieurs et urbanistes. Il s’agit dans un premier temps de démontrer l’utilité des SIG avec des applications simples et réutilisables d’un district à l’autre puis de les enrichir progressivement. Les techniciens du centre de SIG de HCMV pourraient accompagner les services dans le développement et l’utilisation des bases de données thématiques. L’allocation de moyens financiers spécifiques, ainsi que le recrutement ou la formation de personnel qualifié assureraient la qualité et la maîtrise technique de l’outil. Une structure de pilotage associant les « services techniques SIG » aux services utilisateurs des différents départements et districts (urbanisme, construction, foncier, transport) pourrait avoir pour mission de diffuser l’usage des SIG au sein de ces derniers. Cette structure de pilotage permettrait ainsi de fédérer les différents acteurs et de favoriser des accords sur le partage des données et des applications ainsi que la standardisation des procédures d’échange de données. La ville d’HCMV possède un portail SIG sur internet ainsi qu’un WebSIG administratif 62 | « Quelques suggestions pour la création d’un SIG dans un district L’approfondissement de l’état des lieux - identifier les missions/les activités des districts ; - identifier les moyens matériels et humains en présence (compétences, taux de renouvellement et stabilité de la compétence), pour savoir si les districts peuvent supporter l’implantation d’un SIG ; - recueillir les attentes des utilisateurs ; - recenser et analyser les données dont les districts disposent (numériques ou non, modalités de collecte, de saisie et de mise à jour des données) et celles dont ils ont besoin ; - décrire les processus et les méthodes de travail : l’objectif est de bien connaître les processus de travail d’un district (même non informatisé) et de les « confronter » à ceux d’autres districts afin de tester la standardisation des procédures et donc des applications SIG. Les propositions d’organisation Il serait possible de proposer un plan de développement du SIG fondé sur des phases courtes et opérationnelles. Il s’agirait alors d’étudier les conditions d’informatisation pour un SIG en identifiant : - les compléments d’analyse nécessaires : articulation des outils en présence ou choix de logiciels ; - les applications à mettre en œuvre en priorité, définition des fonctionnalités, de la structuration des données et des formats d’échange ; - les données à saisir et les méthodologies de saisie à mettre en œuvre. Un phasage réaliste pourrait ensuite être proposé et une évaluation des moyens nécessaires, financiers et humains, serait menée. À l’issue de ces deux premières étapes, si les conditions favorables au développement du SIG sont réunies - volonté politique et technique, moyens financiers -, la réalisation de ces opérations pourrait débuter par : - des études détaillées des fonctionnalités d’une application pilote d’intérêt général ; - un développement informatique (structuration des données, outils nécessaires à la solution, saisie des données et mise en œuvre des traitements) ; - un test de l’application par les utilisateurs pour vérifier l’adéquation des fonctionnalités à leur besoin-métier et le bon fonctionnement ; - une formation des utilisateurs ; - un accompagnement au-delà de la formation ; - et un déploiement de la solution. LES TRANSPORTS COLLECTIFS URBAINS L a croissance urbaine de HCMV et de Hanoi s’est accompagnée d’une augmentation des déplacements par des moyens de transports individuels. Ainsi, plus de 80% des déplacements s’y effectuent à moto, ce qui a longtemps permis une bonne fluidité du trafic. Pourtant, les très fortes densités urbaines, la faiblesse de l’offre en transport en commun et un usage croissant de la voiture (plus 400% de véhicules enregistrés à Hanoi entre 2005 et 2010) entraînent aujourd’hui une congestion problématique pour la mobilité urbaine et la qualité de l’environnement. Les autorités publiques ont donc initié des plans ambitieux de développement des transports collectifs. Des réseaux de métro complétés par des lignes de bus à haut niveau de service (BRT) et des lignes de tramways devraient d’ici une décennie desservir les deux métropoles. Plusieurs projets sont d’ores et déjà en phase de construction et les premières lignes devraient ouvrir en 2017-2018. L’intégration physique (création de pôles d’échanges) et technique (notamment billettique) de ces futurs réseaux sera une condition nécessaire à leur efficacité et donc à leur succès. La mise en place de réseaux de transport collectifs unifiés et complémentaires devra passer par une réorganisation institutionnelle du secteur avec pour objectif la création d’autorités organisatrices. L’articulation urbanisme-transport sera également indispensable pour assurer une fréquentation optimum des transports en commun. Le pôle d’échanges de bus de Long Bien à Hanoi Chapitre 3 : Les transports collectifs urbains LES TRANSPORTS COLLECTIFS URBAINS AU VIÊT-NAM Lutter contre la congestion et développer un réseau attractif et diversifié de transport collectif es niveaux de pollution atmosphérique et sonore importants dans les villes vietnamiennes, s’ils n’atteignent pas ceux de Bangkok ou de Manille, tendent à s’en rapprocher. Les effets conjugués du fort accroissement démographique, de l’augmentation du pouvoir d’achat et de la rapide motorisation des ménages entraînent un phénomène de congestion préoccupant pour la mobilité urbaine. Le report modal du vélo vers la moto initié dans les années 1990 a été rapide. La part du transport en deux-roues motorisé est écrasante et représente environ 80% des déplacements à Hanoi et à HCMV, tandis que celle des déplacements en voiture individuelle, estimée à 8%, croît rapidement. Totalisant moins de 5% des déplacements à HCMV et 11% à Hanoi, les bus sont actuellement le seul moyen de transport public existant. L’importante flotte de taxis - plus de trente-quatre compagnies à HCMV - et les nombreux motostaxis - un pour soixante-dix habitants - ne pallient que partiellement cette carence. L 64 | Répartition modale 1995 - 2008 en % 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1995 L’évolution de la répartition modale à Hanoi entre 1995 et 2008 Le partage de la voirie est particulièrement conflictuel aux heures de pointe, ici vu d’un bus à HCMV 2003 1999 Transport Public Voitures Motos 2004 Bicyclettes 2008 Autres Enfin, le nombre d’accidents de la route est élevé. On recense en 2009 trente à trente-cinq tués par jour dans tout le pays (contre douze en France) et environ trois tués par jour à HCMV en 2010. Autant de paramètres qui plaident en faveur d’un essor des transports en commun. L’extension urbaine et le développement de la motorisation sont étroitement corrélés. L’existence de modes de transport rapides permet la réalisation de projets urbains de plus en plus éloignés du centre, qui favorisent à leur tour la motorisation des habitants. Dans les quartiers centraux, les infrastructures routières ne suivent pas cette mobilité croissante. L’espace destiné à la voirie est faible, ainsi 70% des rues mesurent moins de onze mètres de large à Hanoi et à HCMV la voirie ne représente que 5,8% de la surface de l’agglomération. Cette étroitesse entraîne des conflits de partage de plus en plus importants entre piétons, motos, voitures, bus et parkings. Les possibilités de stationnement restent également très faibles, surtout pour le parc automobile, malgré le fort accroissement des surfaces dédiées. Le renouveau du transport en commun à Hanoi et son essor à HCMV Au milieu des années 1990, la société des transports publics de Hanoi, Transerco, a été créée à partir des cinq anciennes régies de transport de la ville, y compris celle du tramway datant de l’époque coloniale. Le service chargé de la gestion des réseaux de bus, le « Transport Management and Operation Center » (Tramoc), a été créé en 1998. À partir du milieu des années 2000, de nouvelles lignes ont été octroyées à d’autres exploitants, publics ou privés, afin d’introduire de la concurrence dans l’attribution des contrats d’exploitation. Durant cette période, le transport public à Hanoi s’est modernisé, notamment grâce aux projets de coopération qui comprenaient la création de pôles d’échanges, d’un dépôt de maintenance, l’extension du réseau (70 lignes de bus en 2012) ou encore la formation d’experts en transport en commun. Ainsi le nombre de voyageurs est passé de 10 millions en 2001 à 413 en 2009, pour une population de six millions d’habitants. À HCMV, depuis l’amélioration de l’offre (nombre de lignes, régularité, accessibilité), les bus connaissent aussi une fréquentation accrue, passant de 36,2 millions en 2002 à 342 en 2008, soit un taux de croissance de 800% en six ans, pour une population de sept millions d’habitants. Cette progression peut s’expliquer par l’extension de la couverture à l’ensemble du territoire de la ville (146 lignes de bus en 2012) ainsi que par un service de meilleure qualité : prolongation des plages horaires de fonctionnement, hausse de la fréquence, politique tarifaire abordable ou encore climatisation. Malgré ces progrès manifestes, la multitude des petits opérateurs rend la gestion difficile en matière de qualité des véhicules ou de formation du personnel. Par ailleurs le manque de réserves foncières freine encore la construction ou la modernisation des pôles d’échanges et des voies réservées aux bus. Ainsi, améliorer la qualité du service et l’accessibilité constitue un défi à relever. Des politiques de transport en commun ambitieuses Le plan directeur des transports de Hanoi prévoit que 50% des déplacements s’effectueront par les transports collectifs en 2030. Huit lignes de métro, dont quatre actuellement financées, sont inscrites dans les plans des transports et le schéma directeur. L’aide publique au développement japonaise (JICA) finance par prêts concessionnels la ligne n°1 (Yen Vien/Ngoc Hoi) pour 1,5 milliard de dollars et la ligne n°2 (Nam Thang Long/Tran Hung Dao/Thuong Dinh) à hauteur de 1,9 milliard de dollars. De leur côté, l’aide publique au développement française, la Banque Européenne d´Investissement, la Banque Asiatique de Développement et le gouvernement vietnamien financent la ligne n°3 (Nhon/Gare de Hanoi/Hoang Mai) pour un coût estimé à environ 1,1 milliard d’euros. La Chine finance via un prêt à taux préférentiel de 500 millions de dollars la construction de la ligne n°2a (Cat Linh/Ha Dong). Une étude pour un financement en partenariat publicprivé de la ligne n°5 est en cours. Seules les lignes n°4, 6, 7 et 8 ne sont pas financées. La Banque mondiale soutient un projet de ligne de BRT (Bus Rapid Transit) et l’IMV travaille également sur deux projets de lignes de bus en site propre. À HCMV, l’objectif fixé par le schéma directeur des transports modifié en 2013 est d’atteindre entre 20% et 25% de déplacements en transport public en 2020. Il propose la Le bus est un moyen de transport très utilisé par les lycéens et les étudiants qui n’ont pas encore de permis moto ni de budget suffisant, HCMV Faire la ville | 65 Chapitre 3 : Les transports collectifs urbains création de six lignes de métro, dont trois sont actuellement financées par des bailleurs de fonds. La ligne n°1 (Ben Tanh/Suôi Tiên), d’un coût attendu de 2,5 milliards de dollars, est financée par la JICA et HCMV (11%). Le tronçon aérien de cette ligne, long de 17 km, a été mis en chantier en août 2012. La ligne devrait être achevée en 2017. La ligne n°2 (Thu Thiêm/Tây Ninh), d’un coût de 1,38 milliard de dollars, est financée par des prêts de la Banque Asiatique de Développement, de la Banque Européenne d’Investissement, de la Banque allemande de développement et de reconstruction (GTZ) et par des fonds municipaux. Les travaux du tronçon Ben Thanh/ Tham Luong devraient commencer courant 2014. Le financement de la ligne n°5, pont de Saigon/Can Giuôc, demeure incertain (500 millions d’euros d’aide publique au développement espagnole, 166 millions d’euros de financement municipal et des fonds supplémentaires sont prévus). La Banque mondiale porte un projet de ligne de BRT sur le boulevard Vo Van Kiet. Deux projets plus légers de monorails sont développés en parallèle par des groupes privés malaisiens. Les bus de l’opérateur hanoien Transerco contribuent à l’identité urbaine de Hanoi Le défi de la mobilité durable Le défi consiste aujourd’hui à offrir des alternatives à une population fortement motorisée en deux roues afin de favoriser un report modal vers le transport en commun et non vers la voiture. L’enjeu est de taille : en effet, la construction d’infrastructures routières de grande capacité afin de résoudre les problèmes de congestion entraîne dans les faits une motorisation et un usage encore plus important des véhicules individuels, comme cela a été observé à Pékin, Shanghai ou Bangkok. Il est souvent plus efficace de se tourner vers 66 | À Bangkok, la construction de voies rapides surélevées n’a pas réussi à réduire significativement les embouteillages les transports collectifs pour désengorger les villes. Les mesures incitant à leur usage au détriment du transport individuel sont très variées et peuvent passer par la création de péages urbains, de zones à vitesse réduite, par le rééquilibrage de l’usage de l’espace public ou par des campagnes de communication visant à donner une image positive du transport collectif. On peut également créer des couloirs réservés pour les bus offrant aux usagers des trajets plus rapides que ceux des utilisateurs de véhicules particuliers. Enfin, rendre le stationnement moins accessible et plus cher pour ceux qui viennent travailler en véhicule individuel constitue un bon moyen de favoriser le recours au transport public. Le parc relais, site sur lequel on gare son véhicule personnel avant d’emprunter un moyen de transport en commun, est alors une bonne solution alternative. Les modalités du développement urbain et la morphologie des nouveaux quartiers jouent aussi un rôle dans la transition des deux métropoles vietnamiennes vers une mobilité plus durable. Dans cette optique, le lien entre la planification urbaine et celle des réseaux de transport mérite d’être approfondi. Les quartiers des gares des futures lignes de métro et les alentours des stations de BRT pourraient faire l’objet d’aménagements particuliers (équipements, espaces publics), avec une grande attention portée aux flux de piétons et à la construction de parcs relais. La création de ce nouveau réseau performant et rapide exige une grande coordination des systèmes (information aux voyageurs, tarification et billettique) et des multiples opérateurs, ainsi que l’aménagement d’interconnexions. Sa réussite dépendra également de la coordination des différents bailleurs de fonds internationaux qui financent les futures lignes de métro et de BRT. C’est pourquoi il paraît indispensable de créer une Autorité Organisatrice des Transports (AOT) pilotant dans le même temps les réseaux de bus existants et les nouveaux réseaux de BRT et de métro. Une compétence essentiellement provinciale Le ministère des Transports élabore le plan national des transports et peut être maître d’ouvrage pour des projets de grandes infrastructures urbaines. Les départements des Transports (DoT) de Hanoi et de HCMV sont quant à eux responsables de l’investissement et de la gestion des transports urbains, de la maintenance et des investissements pour le réseau routier, en dehors des réseaux de desserte locale, sous administration des Comités populaires de districts. Celui de HCMV gère également les infrastructures techniques urbaines (eau potable, espaces verts, éclairage, stationnement). nets d’études extérieurs. Elles sont responsables de la maîtrise d’ouvrage des projets de construction et de la maintenance des infrastructures consacrées aux bus (arrêts de bus, signalisation…). Une multitude d’opérateurs à HCMV, un réseau unifié à Hanoi Les opérateurs de transport peuvent être publics, privés, mixtes ou organisés en coopératives. HCMV est, contrairement à Hanoi, propriétaire des infrastructures (hangars, terminus) qu’elle met à disposition des opérateurs. Les compagnies sont quant à elles propriétaires du matériel roulant et la ville leur propose des bonifications de taux d’intérêt pour le renouvellement de leur flotte. Le nombre important d’opérateurs et de coopératives, même s’il est passé de plus de trente en 2007 à quinze en 2010, engendre des problèmes d’organisation du réseau, en termes de hiérarchisation, de qualité du matériel et du service. L’encombrement des trottoirs rend la circulation piétonne difficile à Hanoi Les missions des autorités de régulation En pratique, ce sont ces autorités qui, placées sous le contrôle du DoT, se chargent de réguler le transport public. Le Tramoc à Hanoi et le « Centre de Gestion des Bus » (CGB, MOCPT en anglais) à HCMV élaborent la planification du réseau (lignes, horaires) qui est ensuite validée par le DoT et le Comité populaire. Les opérateurs vendent les différents titres de transport (tickets, carnets, abonnements) puis en reversent les recettes aux autorités de régulation. Celles-ci organisent aussi des appels d’offres pour la délégation des nouvelles lignes. Les contrats de délégation de services sont passés annuellement avec les opérateurs, hormis pour quelques lignes qui bénéficient de contrats d’exploitation de trois ou quatre ans. Les autorités de régulation contrôlent le respect de leurs clauses par les opérateurs. Ainsi, le CGB de HCMV vérifie les cahiers journaliers des horaires de chaque ligne de bus. Parallèlement à cela, les deux autorités mènent des études d’évaluation du réseau ainsi que des études prospectives sur l’évolution de la demande de transport, en collaboration avec des cabi- Financement : un système largement subventionné Les réseaux de bus étant déficitaires, ceuxci nécessitent une subvention d’équilibre importante de la part des villes de Hanoi et HCMV. Elle représente environ 40% des coûts de fonctionnement. Ainsi, à HCMV, en 2008, les subventions ont couvert 50% des coûts d’exploitation des 115 lignes. Le prix des billets est décidé par le Comité populaire, sur proposition du Tramoc ou du CGB. Le montant de la rémunération des opérateurs par kilo- Une voie réservée aux bus devrait prochainement voir le jour sur le boulevard Yen Phu à Hanoi. Ce projet est soutenu par l’IMV et Tramoc. Faire la ville | 67 Chapitre 3 : Les transports collectifs urbains mètre parcouru est défini par Tramoc à Hanoi ou par les départements des Transports, des Finances, du Plan et de l’Investissement à HCMV, puis validé par le Comité populaire. Ces montants peuvent être réactualisés en cours de contrat selon l’évolution des paramètres (prix de l’essence notamment), après validation par les directions concernées et par le Comité populaire, et incluent l’amortissement du matériel roulant. Ce mode de fonctionnement est actuellement problématique en raison de l’augmentation importante du nombre de passagers et de la décision des Comités populaires des deux villes, pour des raisons politiques, de n’accroître ni le montant des subventions ni le prix du billet. À HCMV, ce système, qui repose sur les subventions et la courte durée des contrats d’exploitation (de une à quatre années), décourage les investissements et n’est que faiblement attractif pour les entreprises. Quant aux projets de métro, ils requièrent des investissements très lourds, jusqu’à plu- sieurs milliards de dollars pour les lignes les plus onéreuses. Les solutions de financement proposées par les bailleurs de fonds, multilatéraux ou bilatéraux, et les constructeurs varient fortement : consortium privé, partenariats public-privé et financement public. En attendant le bus à HCMV Pour aller plus loin : • IMV, 2008, « Les défis pour le développement des transports à Hanoi » (document en anglais, titre original « The Nine Challenges for the Development of Transport in the Fast Growing Capital of Viêt-Nam : Hanoi »), 11 p. http://imv-hanoi. com/Uploaded/ Documents/TC%20 Challenges%20of%20 Transport%20in%20 Hanoi%20-%20 Molt%202008.pdf • AFD, « Qui paie quoi en matière de transports urbains ? Guide de bonnes pratiques ; Étude de cas sur HCMV », http://www. afd.fr/webdav/ site/afd/shared/ PUBLICATIONS/ THEMATIQUES/ autres-publications/ Bonnes-pratiquesfinancementtransports-urbains.pdf • IMV, 2005, « Schéma directeur de la région de Hanoi : stratégie de développement des transports », 24 p. http://imv-hanoi. com/fr-FR/Home/ hargeables-142/1790/ Documents-produitspar-lIMV.aspx À HCMV, le Centre de Gestion des Bus travaille avec quinze opérateurs qui gèrent au total 146 lignes de bus 68 | LES TRANSPORTS COLLECTIFS URBAINS EN FRANCE L’enjeu de l’intégration du transport et de l’urbanisme à toutes les échelles es politiques en faveur d’une mobilité en accord avec le « développement durable » sont récentes. Favoriser l’utilisation des transports en commun et lier les opérations d’urbanisme aux politiques de transport sont aujourd’hui des orientations largement partagées en France. Si l’intégration des politiques de transport et de l’urbanisme est complexe, elle peut être facilitée par des schémas directeurs volontaires et par la prise en compte de cette problématique dans les schémas sectoriels. Des Autorités Organisatrices des Transports (AOT) sont chargées du fonctionnement et de l’intégration des réseaux à l’échelle de l’agglomération, du département et de la région. L ont également mis en place des lignes de bus en « site propre » avec des voies dédiées. Et c’est dans les années 1980 que le tramway a connu un nouvel essor avec les premières lignes construites à Nantes et à Grenoble. Aujourd’hui, la majorité des grandes villes et des villes moyennes en sont équipées et étendent leur réseau (Lyon, Strasbourg, Bordeaux, agglomération parisienne, etc.). L’inter modalité est organisée par l’AOT, ici à Lyon entre une station de tramway et une station de vélo en libre-service (Velo’v) Du tout automobile à la promotion des transports en commun Lors de la période de forte croissance économique et démographique de l’après Seconde Guerre mondiale, la motorisation des ménages a fortement progressé. L’accélération de la vitesse des déplacements a permis d’implanter de plus en plus loin logements et activités. L’attention des pouvoirs publics s’est alors portée sur l’adaptation des centres anciens à la voiture et sur la construction de voies rapides pour relier les nouveaux quartiers périphériques et les aires périurbaines. Il a fallu attendre les années 1970 et un contexte de crise pétrolière pour que les transports en commun connaissent un regain d’intérêt, né de la volonté de désengorger les villes et de mieux desservir leur population. Il s’agissait plus alors d’offrir une alternative à la voiture individuelle que de décourager son utilisation. La construction du métro de Lyon et du Réseau Express Régional francilien (RER) a débuté à cette époque. Les villes françaises S’adapter aux nouvelles pratiques de mobilité Outre l’augmentation massive des déplacements, les systèmes de transport sont mis au défi de s’adapter au desserrement de la population et des activités dans la périphérie des agglomérations. En Île-de-France, les distances parcourues et l’usage de l’automobile sont bien plus importants en grande banlieue qu’en proche banlieue et à Paris, qui bénéficient d’un réseau de transport en commun très dense. 13% des trajets sont effectués en transport en commun en grande banlieue, contre 23% pour la proche banlieue et 34% pour Paris intra-muros. À titre d’exemple, on constate que la marche à pied représente 47% des déplacements internes parisiens. Faire la ville | 69 Chapitre 3 : Les transports collectifs urbains Dans le Grand Lyon, 48% des déplacements s’effectuent en voiture particulière, 16% en transport en commun, 2% en vélo et 33% à pied. Les déplacements de plus en plus nombreux en dehors des heures de pointe et le week-end appellent les autorités à réfléchir à une modification de la gestion du réseau en termes d’offre et d’horaires. En effet, les motifs de déplacement se sont diversifiés et ceux-ci ne sont plus majoritairement liés au travail, une part croissante étant désormais liée aux loisirs. « Les « modes doux » que sont le vélo et la marche à pied bénéficient d’aménagements de voirie particuliers, Lyon ͳ 1999 : la loi Chevènement confère aux collectivités la responsabilité d’organiser les transports collectifs urbains. ͳ 2000 : la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbains (loi SRU) renforce la cohérence entre urbanisme, habitat et déplacements. Elle étend les objectifs assignés aux plans de déplacements urbains (sécurité, stationnement et livraison de marchandises) et établit des réductions tarifaires d’au moins 50 % pour les personnes les plus démunies. Une campagne de communication du SYTRAL souligne la densité et l’accessibilité du réseau de transport en commun dans l’agglomération lyonnaise ressources à atteindre (emploi, loisirs, famille) est une condition essentielle pour que les habitants utilisent les transports en commun et non leur véhicule individuel. Il s’agit donc, d’une part, de proposer un service de transport collectif adapté à l’urbanisation existante, et, d’autre part, d’intervenir sur les formes urbaines pour qu’elles deviennent plus faciles à desservir. A cela s’ajoute une dimension sociale : offrir aux ménages à faibles revenus ou aux habitants de communes isolées une mobilité à l’échelle métropolitaine. Enfin, l’enjeu est environnemental avec la réduction sur le long terme des gaz à effet de serre et la limitation de l’étalement urbain. « 70 | ͳ 1971 : instauration, sur la masse salariale des entreprises de plus de neuf salariés, de l’impôt du « Versement Transport » destiné au financement du transport public. ͳ 1982 : la loi d’Orientation des Transports Intérieurs (LOTI) opère un partage des compétences « Transport » entre les communes ou leurs groupements, le département et la région. Contribuer au développement d’une ville plus durable Les projets de transport en commun occupent une place majeure dans les politiques d’aménagement des grandes métropoles. Ils représentent ainsi le premier poste budgétaire du Conseil régional d’Île-de-France. En effet, l’efficacité du réseau contribue dans une certaine mesure à l’attractivité économique des métropoles et à la qualité de vie de leurs habitants (réduction de la pollution, des temps de trajet, etc.). Rendre le réseau de transport accessible à tous, notamment aux personnes à mobilité réduite, implique de revoir le dimensionnement de la voirie et d’adapter le véhicule (planchers bas de bus). Au delà des normes techniques, cela suppose la mise au point d’un dispositif de communication efficace (diffusion de plans, signalisation, etc.). Mais la question de l’accessibilité, qui requiert une approche transversale entre urbanistes et professionnels du transport, concerne également la plus ou moins grande facilité à atteindre en transport collectif un lieu par rapport à l’endroit où l’on se trouve. La bonne adéquation entre le réseau et les Le cadre législatif Les véhicules motorisés doivent ralentir dans des rues qui sont « partagées » avec les vélos et les piétons Capacité des modes de transport par heure en région parisienne RER (train de banlieue) : 70 000 passagers/h/sens Métro : 30 000 passagers/h/sens BRT : 12 000 passagers/h/sens, selon le nombre de voies réservées Tramway : 5 à 6 000 passagers/h/sens Autobus en site propre : 2 500 passagers/h/sens Autobus : 1 200 passagers/h/sens Voie routière pour véhicule privé : 2 000 passagers/h/sens Articuler transport et urbanisme La morphologie urbaine étalée et peu dense de la « ville de l’automobile » n’est pas adaptée aux axes linéaires et aux pôles d’échanges qui caractérisent les réseaux de transport en commun. Le développement de quartiers denses, en fonction des corridors de desserte, permettrait de limiter l’urbanisation et d’accroître dans le même temps l’efficacité des transports. Ce système a par exemple été déployé en Amérique latine et particulièrement à Curitiba (Brésil), où la ville s’est développée le long des cinq corridors majeurs de circulation des BRT. En France, les documents de planification de l’Île-de-France et du Grand Lyon privilégient l’urbanisation des zones aux alentours des axes et des stations de transport en commun. Cette politique se heurte pourtant à l’envie de la majorité des Français de posséder une maison individuelle. C’est ce qui pousse actuellement les urbanistes à réfléchir à de nouvelles formes urbaines, à la fois denses et répondant aux attentes des habitants. De grands projets sont actuellement lancés dans ce sens en Île-de-France, afin de structurer une urbanisation de faible densité en périphérie et de répondre au déficit d’accessibilité en transports en commun de la deuxième couronne ainsi qu’à la saturation des réseaux. Un métro en rocade (le Grand Paris Express), à une distance moyenne de dix kilomètres du périphérique de Paris, connecté aux lignes radiales du RER et aux lignes de tramway existantes, devrait desservir l’agglomération en 2025. Le concept de densification préférentielle autour des gares est inscrit dans le Schéma Directeur de l’Île-de-France (SDRIF). Ce document impose des planchers de densité supérieurs à ceux qui existaient auparavant dans un rayon de mille mètres autour d’une station de métro ou d’une gare ferroviaire et de cinq cent mètres autour d’une station de transport collectif en site propre. Les secteurs de densification préférentielle, majoritairement situés près des gares et des lignes de transport en commun (en rose), sont représentés par des pastilles rouges dans le SDRIF, Île-de-France 1 2 3 Pour l’urbaniste D.Mangin, l’urbanisme du réel (1) est marqué par la voiture, l’étalement urbain et des territoires enclavés. L’urbanisme du fantasme (2) est écologique et favorise une urbanisation linéaire en fonction des transports en commun et des corridors verts, mais il est difficilement réalisable. L’urbanisme du possible (3) consisterait en des formes urbaines moins dépendantes de la voiture et fondées sur la diversité des usages Une architecture institutionnelle au service de l’intégration des réseaux Cette intégration doit être à la fois physique, par le biais de pôles d’échanges et de parkings relais, et organisationnelle avec une billettique commune et des plans unifiés. Au niveau institutionnel, une même organisation, l’Autorité Organisatrice de Transports (AOT), est chargée de coordonner les politiques sur un périmètre défini. Cette AOT a pour vocation d’inciter à l’utilisation de modes alternatifs à la voiture individuelle et de développer un réseau performant. L’organisation se décline en plusieurs niveaux de compétence. L’État est responsable de la réalisation des voies de chemin de fer à grande vitesse ainsi que des autoroutes et des transports d’intérêt national. Les régions, les départements, les syndicats mixtes, les groupements de communes, les communes ou les Établissements Publics d’Aménagement sont des AOT responsables de l’élaboration de la politique de transport sur leur territoire. Ainsi, les régions gèrent les Trains Express Régionaux et quelques lignes routières, les départements sont en charge des transports interurbains en autocar et les communes ou intercommunalités gèrent les transports urbains. À Curitiba, au Brésil, la densité urbaine est maximale le long des voies et des stations du BRT et décroît progressivement avec l’éloignement du réseau de transport Les AOT urbaines (AOTU) sont en général des communes (20% des cas), des intercommunalités (60%) ou des syndicats (20%). Elles élaborent et pilotent la mise en œuvre d’un Plan de Déplacement Urbain (PDU) pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Ce PDU définit les principes de l’organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement Faire la ville | 71 Chapitre 3 : Les transports collectifs urbains « Organiser les déplacements urbains avec un Plan de Déplacement Urbain (PDU) Le PDU se construit sur une perspective de dix ans. L’AOT institue un comité de pilotage composé des élus du Périmètre de Transports Urbains et de représentants de l’État. Ce comité oriente les études et définit les grands objectifs ainsi que les principes d’action du PDU. Un comité technique est chargé du diagnostic, des propositions d’action et de l’élaboration du projet. Il est composé de techniciens de l’urbanisme des différentes collectivités, de l’AOT, de l’État et d’autres acteurs tels que les exploitants de transports publics. Cette organisation permet la concertation à la fois politique et technique de l’ensemble des acteurs. La phase de diagnostic du PDU est l’occasion de recueillir des données sur tous les modes de déplacement par le biais du comptage des automobiles, des deux-roues et des piétons, ou par des enquêtes menées auprès des ménages (origine/destination sur le réseau de transport, déplacements). Les données des statistiques nationales sont ensuite intégrées au diagnostic. Toutes ces informations constituent un « état de référence » qui permet de mesurer les évolutions passées et futures et qui sert d’outil de décision et d’évaluation pour les collectivités locales. Une fois les grands enjeux de mobilité identifiés, les objectifs sont formalisés par le comité de pilotage. Le comité technique propose alors des scénarii alternatifs à un développement « au fil de l’eau ». Lorsqu’un des scénarii est adopté par le comité de pilotage après concertation de l’ensemble des acteurs, un projet précis est établi, qui comprend des propositions sur les infrastructures, l’organisation du réseau, la tarification, ainsi qu’un calendrier des décisions et des réalisations. Une évaluation environnementale accompagne le PDU afin de mesurer son impact et de prendre des mesures de protection et ou de compensation. Enfin, celui-ci est adopté après une enquête publique. Ses actions doivent être concrètes et compatibles avec les orientations du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) : par exemple, étendre des lignes de bus ou de tramway, redessiner la voirie, accorder une place plus importante aux modes doux (marche et vélo) et aux transports en commun, créer une agence de mobilité ou encore encourager les entreprises et collectivités à établir des plans de mobilité pour leur personnel. Le contenu du PDU du Grand Lyon Le PDU, élaboré par le SYTRAL, a pour maîtres d’ouvrage le Grand Lyon, le département du Rhône, la Région Rhône-Alpes, l’État et les communes. Élaboré en 2007, le plan a depuis fait l’objet d’un suivi annuel. Il identifie quatre orientations principales : la cohabitation des différents modes de transport, une mobilité accessible à tous, une agglomération moins polluée avec une sécurité routière renforcée, et enfin une élaboration et une mise en œuvre par- 72 | tagée. Ces orientations se déclinent en deux cents actions. Par exemple, dans le volet « cohabitation des modes de transport dans l’agglomération », le PDU tente de valoriser les modes doux, avec l’offre de vélos en libre-service et le prolongement des pistes cyclables. En termes d’infrastructures, le PDU prévoit le prolongement de trois lignes de tramway, deux lignes de trolleybus et une ligne de métro. De grandes infrastructures routières telles que le périphérique et des voies de contournement devraient être achevées, tandis que la régularité des lignes de bus devrait faire l’objet d’améliorations. Par ailleurs, le plan accorde de l’importance aux taxis comme moyen de transport public et propose l’établissement d’une convention avec les compagnies afin de leur octroyer de nouveaux droits (circulation dans les couloirs de bus). Parallèlement à cela, une stratégie de dissuasion devrait voir le jour. La capacité des grands axes traversant l’agglomération devrait être gelée afin de réduire le nombre d’automobiles en circulation. Des plans de circulation par secteurs sont recommandés afin de mieux hiérarchiser la voirie (du réseau d’agglomération aux déplacements inter-quartiers, jusqu’à la desserte locale) et de la partager entre les différents modes : des « zones 30 » peuvent ainsi être établies pour la voirie de desserte locale. Une offre de stationnement plus réduite et payante, excepté pour les riverains, et à proximité des stations de transport en commun (parc relais) devrait dissuader les automobilistes d’utiliser leur voiture. Le PDU réduit ainsi le nombre de places de parking obligatoires par logement ou bureau lors de la construction de nouveaux bâtiments (une place de parking pour 120 m² de surface habitable dans le centre historique). Il détaille également les actions à mener sur le réseau pour en améliorer l’accessibilité physique (adaptation aux personnes à mobilité réduite) et financière (tarification sociale). Le PDU présente les projets d’extension de lignes de tram, de métro et de trolleybus dans l’agglomération lyonnaise sur le territoire et il s’intègre dans une logique de planification plus globale. C’est ainsi que les Plans Locaux d’Urbanisme doivent être compatibles avec les PDU, qui doivent eux-mêmes être compatibles avec les SCoT. En France, l’AOT est responsable du développement et de la gestion de l’offre de services. C’est elle qui détermine les itinéraires et la fréquence des lignes, le type de matériel roulant (modèles de bus...) et l’implantation des arrêts. Elle programme également les nouvelles infrastructures, le partage de la voirie, le renforcement de l’offre de transport sur les lignes existantes ou la création de nouvelles dessertes. L’AOT œuvre pour l’intégration des modes de transport collectif et la qualité du service (développement de pôles d’échanges, aménagements facilitant l’accès des transports publics aux piétons et aux personnes à mobilité réduite). Elle définit les indicateurs et les modalités de contrôle de la qualité du service, tels que la régularité, la propreté et la disponibilité des équipements. Elle facilite également l’utilisation du réseau en élaborant les outils de communication à destination des voyageurs (plans, informations en temps réel) et en menant des campagnes d’information destinées aux habitants, aux employeurs et aux pouvoirs publics pour promouvoir l’usage des transports en commun. Deux modes de gestion du service peuvent être choisis par l’AOT : la régie directe et la délégation (en affermage ou concession). En « régie directe », la collectivité prend en charge au sein de ses services la gestion du réseau de transport en commun. La « délégation de service public » est la forme de gestion la plus courante en France (92% des réseaux). Dans ce cas de figure, le service est délégué à un exploitant suivant des conditions indiquées par un cahier des charges. Ce dernier assume alors une part plus ou moins importante du risque d’exploitation selon que le service soit délégué en affermage ou en concession. La rémunération est assurée en partie par le résultat d’exploitation du service. Avec l’affermage, la collectivité publique finance les investissements et l’opérateur Les passagers peuvent être informés des temps d’attente réels aux arrêts de transport en commun, sur internet ou sur leur téléphone portable et des temps de parcours à bord des véhicules, ici dans le métro parisien exploite le réseau. L’opérateur reverse à la collectivité une redevance pour contribuer à l’amortissement des investissements réalisés et une « surtaxe » en contrepartie du droit d’utilisation des infrastructures. Dans la concession, l’opérateur prend en charge les investissements, les frais d’exploitation et ceux liés à l’entretien courant. La durée du contrat, qui peut aller jusqu’à dix ans, est plus longue que dans le cas de l’affermage. L’opérateur peut-être une entreprise publique, privée ou une Société d’Économie Mixte. La billettique et l’intégration tarifaire pour faciliter la lecture et l’usage du réseau La mise en place d’une tarification et d’une billettique unifiées est un élément majeur de l’intégration du système de transport. Le réseau semble plus facile d’accès à l’usager lorsque les billets et les abonnements sont identiques quel que soit le mode de transport et la ligne empruntés. Ce système simplifie les correspondances entre lignes de même L’AOT du STIF (Syndicat des Transports d’Île-de-France) coordonne les différents services et réseaux dans la région : métro, RER, bus, bus de nuit, pass Navigo, etc. Les AOT coordonnent la réalisation des pôles d’échanges, ici le pôle de Gare du Nord à Paris qui connecte trains internationaux, nationaux, RER, métro et bus Faire la ville | 73 Chapitre 3 : Les transports collectifs urbains mode ou de modes différents. Un gestionnaire unique, l’AOT, pilote l’ensemble du système, de la définition des niveaux tarifaires, l’impression et la distribution des titres de transport à la répartition des recettes entre les multiples exploitants. La gamme de titres de transport doit donc s’appuyer sur une technologie commune à tous les modes. Les billets papier sont en général remplacés par des supports technologiques avancés comme les cartes à puce ou magnétiques, et il est parfois possible d’acheter ou de recharger sa carte d’abonnement par internet ou via son téléphone. Le pass Navigo, une carte à puce sans contact, se recharge à la semaine, au mois ou à l’année. La validation du pass aux portillons du métro et à l’entrée des bus permet de connaître la fréquentation des lignes Ces titres de transport unifiés présentent en général des systèmes d’abonnement avantageux afin de fidéliser les usagers. En Île-de-France, le « pass Navigo » donne accès aux réseaux métropolitain et francilien exploités par la RATP et la SNCF, ainsi qu’aux bus des compagnies privées réunies dans un réseau dénommé « Optile ». De la même manière, dans l’agglomération lyonnaise, les abonnements représentent 75% des titres de transport. Par ailleurs, dans les deux agglomérations, des réductions de tarifs sont consenties à certaines catégories de personnes telles que les étudiants, les seniors, les chômeurs et les familles nombreuses. On distingue les tarifs uniques et la tarification à la distance ou zonale. En France, la tarification zonale concentrique ou « alvéolaire » est peu pratiquée pour les transports urbains, excepté en Île-de-France. La tarification unique peut s’effectuer au temps, en donnant par exemple accès à tout le réseau, avec la possibilité de faire des correspondances, pendant une heure. D’un point de vue pratique, les billets vendus à bord des bus sont plus chers que ceux délivrés aux guichets de vente, afin de décourager l’achat à bord pour améliorer la vitesse d’embarquement des passagers (gain de temps de parcours). 74 | Des sources de financement diversifiées Les recettes d’exploitation, le Versement Transport et les subventions constituent les trois sources principales de financement des transports publics collectifs. Les recettes d’exploitation des lignes représentent 33% du financement du transport public en Île-de-France et 31% au Grand Lyon. Le Versement Transport consiste en une taxe sur les salaires qui concerne les entreprises de plus de neuf salariés, dont le taux est voté par le conseil de l’AOTU. Les taux maximum imposables sont de 1% pour les agglomérations avec un réseau classique de lignes d’autobus et d’1,8 % pour un réseau de tramway ou de métro. Le Versement Transport représente 37% des recettes en Île-de-France et 43% au Grand Lyon. Le reste des recettes provient de la participation des collectivités locales à hauteur de 20% en Île-de-France et de 26% pour le Grand Lyon et d’autres sources de revenus, comme les subventions étatiques et les amendes (environ 10% des recettes). La capacité d’investissement des AOTU en France est limitée et la formule la plus courante est de recourir à des emprunts sur une vingtaine d’années ou à des partenariats public-privé. Le SYTRAL au Grand Lyon, l’AOTU d’un réseau en extension L’AOTU du Grand Lyon est le Syndicat Mixte des Transports pour le Rhône et l’Agglomération Lyonnaise (SYTRAL). Son conseil d’administration comprend seize élus du Grand Lyon et dix élus du département du Rhône. Ce syndicat coordonne le réseau « TCL » (Transports La ligne B du métro a été prolongée par le SYTRAL de 2 km, dont 300 m sous le Rhône, afin de desservir la commune d’Oullins et le sud-ouest de l’agglomération lyonnaise Pour aller plus loin : • Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise, « Corridor design in town planning sustainable planning for large cities in developed countries ; Challenges of implementation in booming cities in emerging and developing cities - » (CODATU XIII), 30 p. http://www.urbalyon. org/Document/_ Lurbanisme_de_ corridors__quelles_ difficultes_de_mise_ en_oeuvre_dans_ les_metropoles_des_ pays_en_voie_de_ developpement_-1721 • SYTRAL, Syndicat Mixte des Transports pour le Rhône et l’Agglomération Lyonnaise, http://www.sytral.fr/ • STIF, Syndicat des transports de la région Île-de-France, http://www.stif.info/ • GART, Groupement des Autorités Responsables de Transport, http://www.gart.org/ • IAU-IdF, Dossier Transports et mobilités, http://www.iau-idf.fr/ nos-etudes/theme/ transport-et-mobilite. html en Commun Lyonnais) et le réseau « Optibus », qui transporte à leur demande des personnes handicapées ou âgées. La durée du contrat de l’exploitant, sans mission de commercialisation, est de six ans. Ces dernières années ont été marquées par l’inauguration et le prolongement de plusieurs lignes de métro et de tramway, portant à quatre le nombre de lignes de chacun de ces moyens de transport. Le réseau de bus a connu une amélioration de l’offre avec la réorganisation des cent-vingt lignes, l’achat de nouveaux bus et le recrutement de nouveaux conducteurs. L’objectif était de faire progresser le nombre de déplacements en bus de 8 à 10%, soit d’atteindre 14 millions de voyages supplémentaires fin 2012. L’AOTU a également mis l’accent sur l’intermodalité entre bus, métro, tramway et modes individuels. Le réseau lyonnais est ainsi le plus fréquenté des villes de province avec 1,4 million de voyages quotidiens et 314 voyages par habitant et par an. Le STIF, une AOTU de niveau régional pour l’Île-de-France Le Syndicat des Transports d’Île-de-France (STIF) est l’autorité organisatrice des transports (AOT) de cette région. Il a pour mission de fixer les relations et les lignes de transport, de désigner les exploitants, de définir les modalités techniques ainsi que les conditions générales d’exploitation et de financement des services, sous réserve des compétences reconnues à Réseau Ferré de France (RFF) et à la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP). Ainsi, le STIF organise, coordonne et finance les transports publics de voyageurs qui peuvent être assurés par la RATP, la SNCF Île-de-France et les compagnies de bus du réseau Optile. Le STIF est aussi responsable de l’organisation et du fonctionnement des transports scolaires et des services fluviaux réguliers de voyageurs. Il est géré par un conseil d’administration présidé, depuis la réforme de 2006, par le Président du Conseil régional d’Île-de-France. Il est composé d’élus des collectivités territoriales (région, départements et Ville de Paris). mobilité à la fois fluides et respectueuses de l’environnement régional. Le PDU, révisable par le STIF, est au service de cette ambition. Il concerne à la fois le déplacement des voyageurs et des marchandises, la circulation et le stationnement. Ce plan intègre à la question du déplacement celle des aménagements et des équipements qui en sont indissociables. Même si l’usage des transports en commun s’est considérablement développé depuis le premier PDU (2000), celui de la voiture individuelle a encore progressé. Le PDU de l’Île-deFrance a donc été révisé de 2007 à 2011, afin de devenir un plan plus opérationnel d’ici 2020, avec, pour chaque action projetée, un responsable, un calendrier et des modalités financières clairement arrêtées. Le STIF communique sur l’achèvement des travaux du prolongement de la ligne de tramway T2 et sa connexion à la ligne T3, Île-de-France Le Grand Paris Express, métro automatique composé de quatre lignes, devrait être achevé en 2025 et offrira un nouveau réseau structurant pour le territoire francilien La région Île-de-France, qui compte 11 millions d’habitants dans un rayon de 50 km, doit pouvoir leur assurer des conditions de Faire la ville | 75 Chapitre 3 : Les transports collectifs urbains LES PROJETS ET RÉFLEXIONS DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE Pour les autorités vietnamiennes, confrontées à la multiplication des projets de transports collectifs à Hanoi et HCMV, le risque majeur réside dans le manque d’intégration des réseaux, qu’il soit physique ou institutionnel. L’attention portée à l’articulation urbanisme-transport, la connexion physique des réseaux ainsi que leur organisation institutionnelle et tarifaire seront déterminantes pour leur efficacité et leur attractivité. L’amélioration de l’organisation institutionnelle 1 Les nombreux projets en cours dans les deux métropoles vont remanier profondément le système de transport urbain. La multiplication des modes, l’extension de la couverture territoriale et le développement de ces projets sur un temps très court impliquent la mise en synergie en amont de l’ensemble des projets pour en réussir l’intégration. En effet, il est pour l’instant prévu que les réseaux de bus de Hanoi et de HCMV et les futurs réseaux de métro soient gérés par des entités différentes : Tramoc et CGB pour les bus, le bureau de projet MRB et la MAUR Les informations à destination des usagers, notamment la diffusion de la carte du réseau et des horaires, sont primordiales pour la fréquentation des transports en commun, ici à HCMV (Management Authority for Urban Railways ) pour les réseaux de métro. Les maîtrises d’ouvrage des lignes de métro sont prises en charge par différents acteurs et aucune instance de régulation opérationnelle n’a encore été créée pour la gestion de ces nouveaux projets. Cela confirme la nécessité d’une autorité organisatrice ayant rôle d’ensemblier sous l’égide d’un acteur institutionnel unique. Le principe de mise en place d’une AOT dans les principales villes du ViêtNam ayant été acté par le Premier ministre en 2008, c’est dans ce cadre législatif que s’inscriront les futures AOT vietnamiennes. Redéfinir les missions des autorités de régulation actuelles afin de créer des AOT La nouvelle AOT devra coordonner en amont de chaque projet la mise en œuvre du futur système en y impliquant les opérateurs actuels, les maîtres d’ouvrage de projets et leurs futurs exploitants. Pour des structures telles que le DoT ou le Tramoc à Hanoi, le CGB ou la MAUR à HCMV, l’enjeu sera désormais de fédérer le système de transport public, notamment en proposant une politique d’intégration (offre, qualité de service, tarification et billettique) et en étendant leur champ d’action à l’ensemble des modes de transport (politique de stationnement, etc.). À Hanoi, le Comité populaire, le Tramoc et plusieurs bailleurs de fonds mènent en parallèle des réflexions sur la structure des organigrammes. L’IMV soutient le renforcement des compétences et des financements du Tramoc, qui serait intégré dans la future AOT, placée sous la tutelle directe du Comité populaire. L’organigramme du Tramoc pourrait ainsi connaître des modifications afin de répondre plus efficacement aux différents objectifs de sa mission au sein de l’AOT. Il pourrait comporter un « bureau unique des contrats » couvrant les contrats avec les exploitants, les gestionnaires de sites (pôles d’échanges) et les gestionnaires d’infrastruc- 76 | 1 Atelier PADDI-IMV sur « les autorités organisatrices de transports et modèles de gestion des compagnies d’exploitation », animé par Maurice Lambert, décembre 2009 tures. Les outils de contrôle d’exécution des contrats seraient alors associés à ce bureau. La recomposition du territoire administratif de Hanoi devrait entraîner une extension des dessertes régionales et locales, articulées au sein de pôles d’échanges. Par ailleurs, une géographie administrative particulière pourrait être envisagée avec la création d’AOT de proximité pour les villes satellites sous l’égide de l’AOT principale de Hanoi. La desserte de ces territoires supposerait également la mise en place des systèmes intégrés (tarifs et informations auprès des voyageurs) dans les différentes zones de la métropole. Les trains locaux et nationaux, qui relèveront de deux AOT différentes (une provinciale et une nationale) emprunteront parfois la même voie (voie Nord-Sud qui traverse la ville), ce qui nécessitera l’intervention d’une autorité pour attribuer les sillons entre les deux AOT. laire et de membres des départements de la Planification Urbaine et de l’Architecture (DUPA), du Plan et de l’Investissement (DPI), des Ressources Naturelles et de l’Environnement (DONRE), des Finances (DoF) et du futur Bureau de gestion. Il serait responsable de l’approbation du plan d’aménagement et de la stratégie en matière de transport ainsi que des politiques de tarification et de développement. Le Bureau de gestion serait quant à lui chargé de l’élaboration de la stratégie, de l’administration, de la gestion et du phasage des projets de développement, de la coordination des opérateurs, de la gestion des recettes, de la communication sur le réseau ou encore de l’application d’une tarification commune. Ce bureau serait créé à partir de la fusion du Centre de gestion de bus et de la MAUR, et relèverait du Comité populaire. Par ailleurs, la MAUR est en train d’étudier la création d’une structure d’exploitation et de maintenance (O&M) pour la ligne « Comment se fera l’intégration des réseaux de bus et de métro dans la capitale vietnamienne ? Depuis quelques années, l’IHDS (HCMC Institute for Development Studies) réfléchit, en partenariat avec le DoT, à la création d’une AOT à HCMV. En 2012, suite aux échanges avec le PADDI et les bailleurs de fonds, notamment la Banque mondiale, l’HIDS a proposé un modèle de gestion des transports en commun composé de deux institutions : un Conseil des transports en commun et un Bureau de gestion des transports en commun. Le Conseil serait composé du Président du Comité populaire, du directeur du DoT, de représentants du Conseil popu- Le renforcement des compétences de Tramoc Avant 1998, date de création de Tramoc, le réseau de bus hanoien était exploité en régie directe par plusieurs opérateurs publics qui ont par la suite été regroupés au sein de la compagnie Hanoi Transerco. Entre 2002 et 2008, Tramoc a bénéficié de l’expertise de l’Île-deFrance dans le cadre des projets européens Asia Trans et EcoTrans. Ce dernier projet a bénéficié en complément de l’aide publique au développement allemande entre 2006 et 2008. Ces projets s’attachaient au renforcement des compétences de Tramoc en termes de planification et d’adaptation du service aux besoins des usagers. Ainsi les horaires de service ont été étendus et des cartes du réseau ont été établies et largement diffusées. De la même manière, l’emplacement et la signalisation des arrêts de bus ont été rationnalisés. Un système d’abonnement mensuel par carte à puce, la « Smart Card », rechargeable n’importe quel jour du mois, a été introduit sur la ligne 32. Enfin, la mise en place d’abonnements mensuels pour tout le réseau ou une ligne particulière, couplée à l’offre de tarifs spécifiques aux étudiants en 2002 a contribué à attirer de nouveaux passagers. Une carte d’abonnement traditionnelle et une Smart Card de la ligne 32, Hanoi Ces actions, combinées avec un effort budgétaire important de la municipalité de Hanoi sous forme de subventions aux opérateurs, ont eu un impact considérable sur la fréquentation du réseau. En effet, le nombre annuel d’usagers des transports en commun est passé de 10 millions à 300 millions entre 2001 et 2007. Dans le même temps, le nombre de lignes a été multiplié par deux et le nombre de bus par trois. Faire la ville | 77 Chapitre 3 : Les transports collectifs urbains de métro n°1. En effet, l’avancement des projets de métro soulève la question de l’intégration technique et physique des systèmes. La première porte sur le choix des équipements en matière de billettique et de normes techniques, ainsi que sur les choix tarifaires. La seconde concerne la maîtrise d’ouvrage pour l’acquisition du foncier et les pôles d’échanges. Toutes deux paraissent de plus en plus indissociables de l’intégration des différents acteurs institutionnels et techniques. Pour les deux métropoles, les relations avec les opérateurs seraient clarifiées par la généralisation progressive du régime des appels d’offres pour l’attribution des lignes de transport. L’IMV propose pour Hanoi la constitution d’un comité de coordination des projets en cours (harmonisation de l’accessibilité et des systèmes intégrés, billettique, information voyageurs) qui faciliterait la synergie des projets. Concernant les conditions de circulation des autobus, un renforcement des relations avec les partenaires institutionnels chargés de la gestion de la voirie pourrait faciliter l’aménagement de couloirs réservés et l’adoption de la priorité aux autobus sur les axes principaux. « Le renforcement des compétences L’amélioration de la gestion passe également par le renforcement des compétences et des capacités d’expertise des équipes par des formations et des recrutements. À Hanoi, le Tramoc peut recourir à des expertises externes, notamment de la région Île-deFrance, les capitaliser afin de développer des outils de diagnostic et de développement de projet. Le Sytral et d’autres établissements de la région Rhône-Alpes accueillent chaque année quatre à cinq stagiaires de la MAUR et du DoT de HCMV. Le PADDI a joué à cet égard un rôle important dans l’organisation de la Conférence internationale sur le développement durable des transports urbains dans Formation à la maintenance du matériel roulant et création d’un dépôt de bus Des spécialistes de la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP), l’opérateur des bus et métros à Paris, sont intervenus à Hanoi pour concevoir et superviser la rénovation et l’équipement du dépôt de maintenance de bus de Thuy Khuê avec du matériel neuf européen. A cette occasion, le projet s’est aussi intéressé à l’amélioration des compétences des cadres et des mécaniciens du dépôt. L’objectif global était de parvenir à un plan coordonné de maintenance des bus entre les différents dépôts. Ainsi, la RATP a mené une formation continue d’une vingtaine de conducteurs de bus, amenés eux-mêmes à devenir formateurs. Un règlement municipal a été rédigé afin de rendre obligatoire la formation initiale des chauffeurs à la conduite des bus, afin qu’ils s’adaptent à une circulation très dense. L’ensemble de ces actions a permis de renforcer la sécurité et la fiabilité des bus et a contribué à réduire, à une échelle modeste, la pollution atmosphérique. Le dépôt de bus de Thuy Khuê à Hanoi avant et après les travaux 78 | Pour aller plus loin : • Les présentations des intervenants de la conférence CODATU XIII sont téléchargeables en anglais et en français sur le site, http://www.codatu. org • PADDI, 2008, Livret « La gestion d’une ligne de bus », http://www.paddi. vn/fr/centre-deressources/livretsdes-ateliers-deformation • PADDI, 2012, Livret « Sécurité routière : enjeux et solutions » Quelques-uns des points noirs en termes d’accidents de la circulation saigonnaise. En 2012, à l’occasion de l’année de la sécurité routière, le PADDI a organisé avec le DoT un atelier et une mission d’assistance technique pour accompagner le travail de sensibilisation à la sécurité routière L’élargissement des sources de financement Les ressources financières dédiées à l’AOT pourraient être élargies (amendes de circulation, stationnement, etc.) afin de permettre le financement direct d’opérations d’intégration et de qualité de service. Cela lui assurerait un budget de fonctionnement indépendant et à la hauteur de ses obligations contractuelles vis-à-vis des opérateurs et de ses besoins propres. Une formation IMV-PADDI a permis le partage des expériences hanoiennes, saïgonnaises et françaises sur les AOT et de lancer des pistes de réflexion les pays en développement, CODATU XIII, qui a eu lieu en novembre 2008 à HCMV. Cette conférence s’est penchée sur les enjeux de la planification urbaine, du financement des transports, de l’intermodalité et de la mobilité propre, ainsi que sur les outils mobilisables à cette fin. L’intégration tarifaire du réseau de bus et du métro Le réseau bénéficie à Hanoi d’une gamme tarifaire associant des titres à l’unité et des titres d’abonnement vendus sous le contrôle de Tramoc, qui encaisse les recettes et assure leur répartition entre les opérateurs. Les cartes d’abonnement peuvent couvrir l’ensemble du réseau ou une ligne en particulier et l’achat mensuel d’un timbre permet de valider le titre de transport. Les billets et les abonnements sont vendus par les opérateurs aux principales gares d’autobus et aux pôles d’échanges. Le contrôle est effectué par un receveur à bord du bus. Les tarifs pratiqués sont peu élevés et cette gamme de prix pour l’offre « autobus » constitue un premier niveau d’intégration tarifaire. Les tarifs sont adaptés en fonction des distances : de 5 000 à 10 000 VND à HCMV et de 5 000 à 9 000 VND par trajet à Hanoi. À cette offre s’ajoutent des bus rapides qui comprennent moins d’arrêts mais coûtent plus chers. La mise en service des lignes de métro impliquera pour les AOT le passage du système tarifaire monomodal à un système tarifaire multimodal, avec une billettique intégrée. Les réflexions sur la création d’une AOT sont avancées dans les deux villes, grâce à de nombreux séminaires et à la production de propositions d’architectures institutionnelles par les différents services vietnamiens (DoT, centres de gestion, HIDS) et par des consultants internationaux. La création d’une AOT nécessite maintenant une impulsion politique pour se réaliser. Le défi de l’intégration technique Un autre enjeu majeur pour Hanoi et HCMV sera d’articuler physiquement les réseaux ferrés lourds, les BRT, les bus urbains et les bus régionaux. Ces réseaux, hiérarchisés, constitueront la charpente urbaine de chaque métropole. Ainsi une intégration réussie impliquerait d’une part un programme de modernisation et de mise à niveau du mode existant, c’est-à-dire du réseau de bus conventionnel, et d’autre part la mise en synergie en amont de l’ensemble des projets Pour aller plus loin : • PADDI-IMV, 2009, Livret « Les autorités organisatrices de transports et modèles de gestion des compagnies d’exploitation » • IMV, Maublanc Y., 2005, « Fonctionnement des autorités organisatrices des transports de la région Île-de-France au regard du contexte hanoien », 21 p. http://imv-hanoi. com/Uploaded/ Documents/ TC%20Rapport%20 Fonctionnement%20 du%20STIF%20-%20 Maublanc%202005. pdf • Tramoc, http://www.tramoc. com.vn/ • MAUR, http://hcmc-maur. vn/en/ • Centre de gestion des Bus, http://www. buyttphcm.com.vn/ Le pôle d’échanges de bus de Cholon, dictrict 5, HCMV Faire la ville | 79 Chapitre 3 : Les transports collectifs urbains (métro, BRT). Par ailleurs, l’extension du territoire administratif de la capitale a modifié le référentiel territorial de développement et d’exploitation du système de transport de Hanoi. Pour s’y adapter, la desserte du nouveau territoire devrait s’appuyer sur d’éventuelles extensions des projets en cours, des « dessertes de type RER et des dessertes fines locales. L’ensemble serait articulé via des pôles d’échanges intégrant les parcs de stationnement et les taxis. Ce nouveau découpage territorial implique également de réfléchir aux liaisons à assurer entre Hanoi et les provinces environnantes. Mise en place d’un péage urbain : interrogations en termes d’efficacité et de coûts Le péage urbain est censé réduire la congestion et apporter des financements pour le transport public et les infrastructures. Ces objectifs sont-ils réalisables ? Quel en serait l’impact socio-économique ? Le terme « péage urbain » englobe plusieurs types de péage : - les péages d’infrastructures (comme le tunnel de Thu Thiem, les nouveaux ponts sur le Mékong, les autoroutes françaises...) dont le but est de financer l’exploitation et tout ou partie de l’investissement de l’infrastructure, en général en contrat de concession (Built Operate Transfert) pour une certaine durée ; - les péages de zone et/ou cordon qui taxent les véhicules circulant dans une zone ou entrant/sortant de cette zone. C’est ce type de péage qui a été mis en place à Singapour depuis 1975 et plus récemment au sein des villes européennes de Londres, Milan, Stockholm ou Oslo. Son objectif principal est de limiter la congestion et les pollutions atmosphérique et sonore. Le péage peut aussi générer des rentrées financières (50 millions d’euros par an de recettes nettes après déduction des frais de fonctionnement à Stockholm, 140 millions d’euros à Londres) destinées à financer le développement de politiques de transport en commun, voire des investissements routiers. Néanmoins, les recettes générées sont rarement à la hauteur des montants d’investissements attendus pour financer les routes, les autoroutes, les métros ou les trams. Le péage ne constitue donc pas une solution financière suffisante pour les politiques de transport en commun des villes. Un péage de type environnemental, combiné ou indépendant, peut établir une taxation différenciée des véhicules selon leur degré d’émission de gaz à effet de serre. Ce type de péage est à l’étude en France, notamment à Lyon, avec les « ZAPA » (Zones d’Actions Prioritaires pour l’Air). Certains types de véhicules âgés de plus de dix ans pourraient même être un jour interdits dans ces zones. 80 | Quels sont les effets observés des péages ? Dans les différentes villes qui les appliquent, leurs effets sont la baisse du trafic automobile dans la zone concernée, l’étalement des heures de pointe de circulation et l’augmentation du nombre d’usagers des transports en commun et des modes doux. Néanmoins, dans la plupart des villes qui ont mis en place ce dispositif, de nombreuses autres mesures avaient déjà été mises en œuvre au préalable pour limiter l’usage de la voiture et favoriser les autres modes. Des contraintes sur le stationnement, la régulation de la circulation, le développement des transports en commun et des modes doux préexistaient. En revanche, les effets socio-spatiaux sont souvent considérés comme négatifs. Le péage crée une ségrégation sociale entre les usagers qui, dépendant de leur voiture pour aller travailler, se sentent comme « pris en otage » par l’obligation de payer. On constate également une hausse des prix immobiliers dans la zone intra cordon, une amélioration de la qualité de vie limitée aux seuls habitants de cette zone et le report de la circulation sur les autres zones. Cette mesure est également très impopulaire et rarement bien acceptée au préalable. À Singapour, des portiques électroniques vérifient que les automobilistes circulant dans la zone centrale se sont acquittés du droit d’entrée Organiser un pôle d’échanges, les projets du Pont Long Bien et de Câu Giây à Hanoi 3 Les pôles d’échanges sont des lieux articulant les différents modes de transports – collectifs ou individuels. Ils doivent permettre de réduire l’impact négatif des « ruptures de charge » ou correspondances et favoriser une plus grande accessibilité. Le pôle d’échanges permet l’interconnexion entre des lignes à forte capacité, qui desservent les centres villes, et des lignes de rabattement ou des rocades qui desservent la périphérie. Les pôles d’échanges structurent l’espace urbain en offrant des services, des commerces mais aussi des espaces publics. Ils assurent donc un rôle d’interface entre la ville et son réseau de transport. L’aménagement d’un pôle d’échanges est souvent l’occasion de rénover un quartier, d’en améliorer l’accessibilité, ou encore de renforcer des centralités urbaines secondaires. La méthode d’élaboration La création d’un pôle d’échanges se fait de façon concertée entre les différents acteurs : l’AOT et les autres acteurs institutionnels, les exploitants de chaque mode et le service d’urbanisme de la ville. Ils valident ensemble un programme qui définit les connexions offertes, le détail des besoins de chaque mode, l’implantation et l’insertion dans le tissu urbain. À Hanoi, l’analyse croisée de données fournies par Tramoc (quantité, fréquence de bus) et d’une enquête de comptage du nombre de passagers réalisée par l’IMV a permis de définir les lieux d’échanges « de fait » du réseau. La localisation du pôle doit répondre à des critères techniques et stratégiques. Ce site devrait être un lieu d’échanges existant ou potentiel entre de nombreuses lignes de bus. Dans un premier temps, le site de Câu Giây, peu exposé, a été choisi afin de convaincre plus facilement les autorités de cette réalisation nouvelle. Le pôle d’échanges de Long Bien, plus central, a pu être aménagé une fois le premier dispositif testé avec succès. Le dimensionnement du pôle consiste à estimer le nombre de points d’arrêt, la largeur des quais, le nombre de points de taxis/motos-taxis (voire de parkings) nécessaire en fonction du nombre de bus et de passagers attendus sur le site. Le design du pôle d’échanges peut fortement varier selon la morphologie du site : un quai central (Câu Giây), deux quais latéraux (Long Bien) ou des dispositifs à redents. Le caractère intermodal est assuré par la présence de places de stationnement avec un espace réservé pour les taxis et motos-taxis. Des traversées piétonnes et des espaces publics assurent la liaison avec le tissu urbain local. Les mouvements piétons entre les différents modes de déplacement sont analysés et anticipés afin de définir les cheminements liés à la localisation des fonctions, à la distribution des titres de transport et aux commerces. Ces déplacements doivent être minimisés et simplifiés au maximum. Les informations pour les passagers sont placées aux endroits où les flux se révèlent être les plus denses, ce qui permet au voyageur de prendre rapidement connaissance des modalités d’accès à son moyen de transport dès son entrée dans le pôle. Cette information est répétée et précisée sur le mode de transport en commun ciblé, par exemple sur le quai. Un architecte peut superviser le choix des matériaux, les finitions et le dessin des espaces publics afin de donner une identité forte et une visibilité au pôle au sein de l’espace urbain. 3 Projets menés par l’IMV entre 2005 et 2009 dans le cadre des programmes Asia Trans et Ecotrans La construction de deux pôles d’échanges à Hanoi Le principe d’aménagement du pôle d’échanges de Long Bien à Hanoi Jusqu’en 2005 il n’existait pas de stations de correspondance de bus aménagées en tant que telles à Hanoi, bien que certains arrêts à l’intersection de corridors majeurs fussent Faire la ville | 81 Chapitre 3 : Les transports collectifs urbains desservis par plus d’une douzaine de lignes. Montées, descentes et correspondances s’effectuaient alors au milieu de la circulation et les abribus étaient en nombre insuffisant pour accueillir tous les passagers. Le projet pilote de 2005, sur le site de Câu Giây, consistait à aménager un pôle d’échanges desservi par quinze lignes de bus, pour faciliter les correspondances en les rendant plus confortables et sécurisées. Changer de bus à Câu Giây, avant et après l’aménagement du pôle d’échanges, Hanoi Une plate-forme centrale abritée de cent mètres de long rassemble tous les arrêts et les guichets de vente (tickets et cartes d’abonnement). Son insertion a été précédée d’une modélisation des flux de passagers, des cadences de desserte des bus et des autres flux de circulation à l’aide de simulations dynamiques. En 2010, environ 40 000 passagers (montées et descentes) ont transité chaque jour par ce pôle et près de deux cents bus par heure se sont relayés en période de pointe. Cet aménagement est devenu une référence à Hanoi en matière de modernisation des transports publics. Ce pôle d’échanges est par ailleurs placé sur le tracé de la ligne de métro n°3 en cours de réalisation et a pour vocation de devenir multimodal. Le pôle d’échanges de Long Bien (mars 2009) a été réalisé dans le cadre du projet Ecotrans lancé en 2006 par le Comité populaire de Hanoi et la région Île-de-France. Ce projet, développé sur trois ans et cofinancé par la Commission européenne dans le cadre du programme Asia Pro Eco, visait à améliorer les transports collectifs de la capitale vietnamienne par le biais d’opérations d’expertise, de formations et de réalisations pilotes. Le pôle d’échanges de bus de Long Bien en est l’une des plus visibles. Dès le début, la conception de cette infrastructure s’est articulée autour de trois objectifs : réaliser un pôle d’échanges de bus, réduire les conflits de circulation et valoriser ce site au pied du pont Long Bien par une architecture et des espaces publics de qualité. Il est aujourd’hui considéré comme un des plus importants nœuds de transports publics de Hanoi avec dix-neuf lignes de bus et la gare ferroviaire interrégionale de Long Bien. Son dimensionnement a été conçu pour répondre à un flux important de bus. Il a été aménagé au centre d’un axe routier majeur afin de faciliter les correspondances. Le prin- 82 | cipe d’un pôle en « sens giratoire » a permis de réduire les conflits de circulation entre les multiples usagers de la chaussée (piétons, vélos, motos, voitures, bus, camions). Deux plateformes d’attente avec quatre zones d‘arrêt facilitent la redistribution des flux de passagers entre les quartiers centraux de la capitale et les zones suburbaines. La connexion avec la gare de Long Bien (qui assure déjà des liaisons ferroviaires interrégionales) est rapide et sécurisée. Le pôle offre également des guichets pour l’achat de tickets et d’abonnements, ainsi que l’accès aux toilettes, la proximité d’une station de taxis et d’un parking relais pour les motos. Le pôle accueille aujourd’hui près de 200 bus par heure en période de pointe. Son dimensionnement a été prévu pour supporter le passage de 300 bus par heure et une hausse du nombre de passagers. En effet, le premier pôle (Câu Giây) s’est rapidement avéré trop petit du fait d’une augmentation de l’offre non anticipée. « La ligne française de métro à Hanoi Dès 2001, la municipalité de Hanoi a envisagé la création d’un système de transport public de plus grande capacité que le bus. En 2002, l’IMV a réalisé une étude à la demande du Comité populaire et de la région Île-de France pour la mise en place d’une ligne expérimentale de tramway. Ce projet a été repris par la coopération étatique franco-vietnamienne qui a financé une étude FASEP approuvée en 2005 pour une ligne de métro. En 2010, l’État français, l’Agence Française de Développement, la Banque Asiatique de Développement et la Banque Européenne d’Investissement se sont engagés à financer la ligne à hauteur de 1,1 milliard d’euros. Les études techniques sont dirigées par le bureau d’études français Systra. La première phase de la ligne prévoit huit stations aériennes et quatre souterraines. La seconde phase du projet prévoit l’extension de la ligne vers le sud-est. L’AFD et l’IMV fournissent une assistance technique au Comité populaire de Hanoi pour favoriser sa mise en œuvre et son intégration physique, billettique et signalétique avec les lignes financées par des prêts chinois et japonais. La région Île-de-France, l’AFD et la BAD sont également associées dans les études sur l’intégration des stations dans leur environnement urbain et leur connexion avec le réseau de bus conventionnel. Le pôle d’échanges de bus du terminus métro de Nhon fait ainsi l’objet d’une étude préliminaire financée par l’IMV sur l’intégration physique de la station avec des lignes de bus urbains, des lignes interprovinciales, et un parc relais afin de créer un pôle intermodal de rabattement. • IMV, http://imv-hanoi. com/fr-FR/Home/ ecotrans2-139/1371/ Le-pole-dechangede-bus-de-LongBien-20062008.aspx • AFD, http://www.afd.fr/ webdav/site/afd/ shared/PORTAILS/ PAYS/VIETNAM/ fiches-projets/ Fiche%20-%20 m%C3%A9tro%20 de%20Hanoi.pdf 4 Atelier PADDI/Banque mondiale/DUPA/DoT/ Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise/DeSo/Dalkony, « Hô Chi Minh City, East-West boulevard BRT and Greenway concept workshop », juillet 2011 Le futur terminus de la ligne 3 à Hanoi devra assurer l’interconnexion entre métro, bus urbains, bus provinciaux, motos-taxis et taxis S’il n’a pas été possible de réaliser les constructions et les espaces publics suivant un design innovant et de qualité, avec le concours d’un architecte, des espaces ouverts et plantés signalent néanmoins le pôle et offrent un environnement d’attente préservé aux usagers. Le chantier a essentiellement été suivi par Tramoc avec l’appui des experts de la région Île-de-France. Pour aller plus loin : Ouest », le Comité populaire de HCMV a lancé une réflexion ainsi que des études pour y réaliser une ligne de BRT. Le périmètre du projet inclut des quartiers centraux, les quartiers le long du canal et des entrées de ville, HCMV Articuler urbanisme et transport, le projet de BRT du boulevard Vo Van Kiet à HCMV4 Ce projet s’inscrit dans une série d’études et de séminaires impliquant le Comité populaire de HCMV, le DoT, la Banque mondiale et le PADDI. En 2005, la Banque mondiale a proposé un projet de réseau de BRT et le PADDI la réalisation d’une ligne pilote, de Cholon à Binh Thanh. Suite à l’abandon du projet de tramway sur le boulevard Vo Van Kiet, dit « EstFaire la ville | 83 Chapitre 3 : Les transports collectifs urbains Une méthode inédite pour un atelier participatif Le projet d’aménagement d’une ligne de BRT sur le boulevard Vo Van Kiet intègre les problématiques de transport et d’urbanisme, ce qui est inédit au Viêt-Nam, à la fois pour les services techniques de la ville et pour les bailleurs de fonds internationaux. Le PADDI et la Banque mondiale ont organisé un atelier qui rassemblait la majorité des services impliqués dans les problématiques urbaines et de transport : le DoT, le DUPA, l’UCCI East West boulevard, la MAUR, le DPI, le DoC, le centre anti-inondation, l’HIDS et les districts concernés. Les deux principaux services intéressés, le DoT et le DUPA, ont contribué étroitement aux travaux du groupe de consultants français (Agence d’urbanisme de Lyon, DeSo architecture et Dalkony paysage) qui a dirigé les discussions et exposé des propositions d’aménagement. Leur proposition finale intègre les dimensions sociale, foncière et paysagère ainsi que la localisation des voies du BRT et des stations. Un axe routier structurant et un paysage urbain hérité des activités commerciales liées au fleuve Le boulevard Vo Van Kiet est une voie rapide récemment inaugurée à HCMV, dont la vocation est de constituer un axe traversant majeur de l’agglomération, du sud-ouest au nouveau quartier de Thu Thiem, en passant par les quartiers centraux (district 1). Les quartiers longés par le boulevard, essentiellement résidentiels et commerciaux, sont caractérisés par leur forte densité démographique (205 à 500 habitants par hectare) et la proximité des pôles commerciaux de Cholon et du marché Ben Thanh. Ce paysage de compartiments chinois et d’entrepôts, hérité des activités traditionnelles liées aux canaux, connaît un renouvellement rapide avec la construction d’immeubles de grande hauteur. Les compartiments chinois de Cholon, district 5, HCMV Améliorer l’accessibilité et la qualité de vie La réalisation d’une ligne de transport de masse devrait renforcer l’accessibilité de ces quartiers. Le projet qui entraînera la transformation des tissus urbains alentours constitue également une bonne opportunité pour l’amélioration de la qualité de vie autour du boulevard. Des espaces verts et des arbres d’alignement devraient transformer l’axe du BRT en « corridor vert ». Les stations se situeraient à proximité des ponts et des passerelles assureraient ainsi la connexion avec le réseau de bus existant et les futures lignes de métro. Autour des stations, une organisation spatiale favorable au report modal de la moto Les capacités de la voirie avec un BRT 84 | Les stations de BRT pourraient marquer le paysage urbain et offrir un accès sécurisé aux bus (HCMV) tionnement central est le plus avantageux, en termes de coûts de construction, de facilité d’accès aux stations pour les riverains et d’espaces publics dégagés le long du canal et sur les trottoirs. Cette configuration, avec le renforcement du nombre de passages piétons protégés, transformerait cet axe desservant les quartiers historiques de la ville en « boulevard urbain » et faciliterait son intégration. En revanche, des voies le long du canal, avec des stations accessibles au moyen de passerelles piétonnes, permettraient une gestion plus aisée du trafic, mais renforceraient dans le même temps le caractère autoroutier de l’axe. Cette question fera l’objet d’une étude de faisabilité. vers le transport collectif serait à promouvoir, avec des parkings relais et des espaces piétons sécurisés. Des espaces publics attractifs (terrains de sport, de jeux, espaces verts) et des équipements publics pourraient être aménagés à proximité des stations de BRT et former ainsi un réseau d’équipements reliés par la ligne de bus. La nature future de l’axe, boulevard urbain ou voie rapide, qui n’est pas encore déterminée, est liée au positionnement des voies du BRT. Trois possibilités se présentent : des voies le long des bâtiments, centrales ou bien le long du canal. Pour les experts français, le posi- Les espaces publics autour des futures stations de BRT devront faciliter les accès piétons, HCMV Pour aller plus loin : • Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise, PADDI, 2011, « Hô Chi Minh City, East-West boulevard BRT and Greenway concept workshop »,73 p. http://www.urbalyon. org/Document/ Ho_Chi_Minh_City_Vietnam-_-_East_ West_BRT_and_ Greenway__Concept_ Workshop_-_4_th_ to_8_july_2011-3230 • PADDI, 2010, Livret « Réaménagement urbain autour de nouveaux axes à HCMV », http://www.paddi. vn/fr/centre-deressources/livretsdes-ateliers-deformation • Triangle Génération Humanitaire, PADDI, 2012, « Étude sur la pauvreté urbaine ; réflexion sur les politiques publiques de réduction de la pauvreté à partir du cas d’étude du District 8, HCMV », 164 p., http://www.paddi. vn/fr Le boulevard Vo Van Kiet vu de la tour Bitexco, HCMV Faire la ville | 85 Chapitre 3 : Les transports collectifs urbains L’aménagement d’une « vallée verte » en conservant des hauteurs limitées pour les districts 4 et 8 Ce projet est l’occasion d’orienter le développement urbain de l’axe sur les neuf kilomètres longeant le canal. Il s’agit ici de permettre aux classes populaires habitant les districts 4 et 8 d’y rester tout en améliorant leurs conditions de vie. Il n’existe que peu de marge de manœuvre pour une maîtrise publique de l’aménagement, les plans des districts ayant déjà été approuvés et la majorité des terrains mutables déjà alloués à des projets d’investissements privés. La construction d’immeubles de grande hauteur pourrait pourtant se concentrer sur les rives nord et sud du canal et les hauteurs se limiter à quatre ou cinq étages pour les districts 4 et 8, dessinant ainsi une vallée. Ces quartiers denses (280 habitants par hectare), qui souffrent d’un déficit d’espaces verts et d’équipements publics, pourraient accueillir des centres culturels et sportifs et des squares. 86 | Les stations du BRT et les connexions avec les autres modes de transport en commun (HCMV) Le principe de la « vallée verte » : de faibles hauteurs pour les districts 4 et 8 (HCMV), des espaces publics valorisés sur les berges des canaux, des hauteurs libres sur les autres berges LE LOGEMENT u cours de la décennie 1999-2009, la population de Hanoi et de HCMV s’est accrue de 3% par an en moyenne, ce qui a entraîné la densification des espaces centraux et périurbains ainsi qu’un étalement urbain important. Le logement est ainsi devenu un sujet de préoccupations majeures pour les habitants, les investisseurs et les autorités. De nouvelles zones urbaines ont vu le développement de tours d’appartements aux côtés des maisons individuelles. La qualité des logements s’est globalement améliorée grâce à des politiques de résorption de l’habitat insalubre, notamment le long des canaux. Cependant, malgré un marché de la construction immobilière privée dynamique, l’offre de logements reste très inférieure aux besoins réels, notamment pour les classes populaires et moyennes. Le nouveau parc immobilier est massivement dominé par des logements en accession à la propriété, même si les autorités publiques cherchent actuellement à développer un habitat locatif et abordable. Les opérations de logements aidés sont encore étroitement liées aux expropriations de terrains suite à la construction d’infrastructures ou de projets immobiliers. Malgré l’amélioration des procédures d’indemnisation et de relogement, ces opérations demeurent d’importantes sources de tensions entre les habitants, les investisseurs et les autorités publiques. A Les compartiments du quartier de Binh Thanh, HCMV Chapitre 4 : Le logement LE LOGEMENT AU VIÊT-NAM Loger les ménages à bas revenus et reloger les habitants touchés par des récupérations foncières usque dans les années 1980, la construction et la gestion des logements étaient essentiellement financées par l’État. Les montants des loyers étaient extrêmement bas, le sol et les logements attribués gratuitement et la mobilité résidentielle quasiment inexistante. À la fin des années 1980, les fonds publics disponibles devenant très limités, l’État décida de « socialiser » le logement, c’est-à-dire d’encourager les habitants à construire leur propre habitation. Les sociétés de construction purent alors se financer auprès des banques. Et les autorités locales accordèrent aux ménages, sur certains terrains, de construire, rénover ou étendre leur maison, voire d’acheter le logement qu’ils occupaient. Dans un deuxième temps, des compagnies d’État et des entreprises privées saisirent largement les nouvelles opportunités offertes par la loi foncière de 2003 pour développer des projets d’immeubles de logements destinés aux classes moyennes et surtout supérieures. J Une stratégie nationale du logement inédite depuis 2011 Le logement est un sujet majeur ayant un impact direct sur la vie des populations. Si l’offre ne répond pas encore aux besoins considérables des habitants, le logement constitue un axe de politique publique essentiel. Disposant d’un département de gestion du logement et du marché immobilier, le Ministère de la construction a élaboré et fait approuver en 2011 la Stratégie nationale en faveur du développement du logement pour 2020 à horizon 2030. Ce plan met l’accent sur les programmes d’habitation destinés aux ouvriers et aux étudiants et sur la construction de logements locatifs pour les ménages urbains à bas revenus, avec le soutien de 88 | fonds publics et privés. De manière plus générale, il soutient l’agrandissement du parc de logement locatif par rapport à la construction individuelle privée. À HCMV, le département de la Construction (DoC) comprend un bureau de développement du logement et un bureau de gestion, qui examine les dossiers de candidatures au logement public. Le logement est géré au niveau du district et du quartier par le bureau ou l’équipe de gestion urbaine. Un Comité de gestion des projets d’investissement, en charge du parc de relogement, opère à l’échelle du district. Des sociétés publiques telles la Société générale du développement de l’immobilier ou la Société de gestion du logement participent, à côté des sociétés privées, à la production de logements. Le logement à Hanoi et à HCMV aujourd’hui Au Viêt-Nam, l’espace habitable moyen par personne est passé, selon les statistiques, de 9,7 m²/hab. en 1999 à 18,6 m² en 2009. Pourtant, en 2004, 30% de la population vivait avec moins de 3 m² de surface disponible par personne, chiffre qui pouvait descendre « Le contexte législatif - 2003 : Loi foncière qui favorise l’investissement privé et le développement d’opérations de promotion immobilière. - 2005 : Loi sur le logement (56/2005/QH11) qui reconnaît la propriété du logement et les droits de cession, encadre les programmes de construction, offre la possibilité de créer un Fonds du logement social et définit les critères d’éligibilité à l’achat (au moins 20% d’apport initial de la part des ménages). - 2009 : Décret 69/2009/ND-CP sur la planification foncière, le prix du terrain et sa récupération, qui améliore l’encadrement des procédures d’indemnisation et de relogement. - 2009 : Arrêté 90/2009 ND-CP sur le logement social. - 2011 : Stratégie nationale de développement du logement pour 2020 à horizon 2030, décision 2127/QD-TTg. - 2013: Décret 188/2013/NĐ-CP du 20/11/2013 du Gouvernement sur le developpement et la gestion du logement social; Décret 11/NĐ-CP du 14/11/2013 du Gouvernement sur la gestion du developpement urbain. - 2014: Circulaire 08/2014/TT-BXD du MoC guidant l’application du Décret 188/2013/NĐ-CP. jusqu’à 2,2 m² dans le vieux quartier de Hanoi. Environ 25% du parc de logement est considéré par le gouvernement comme inférieur aux standards de confort ou pouvant seulement intégrer la catégorie des logements temporaires. Cette précarité de l’habitat est liée à l’auto-construction mais aussi à des régimes d’occupation fragiles (migrants illégaux à HCMV, absence de certificats de propriété foncière et/ou immobilière) ou encore au manque d’infrastructures urbaines de base (assainissement, etc.). Malgré la volonté politique de répondre à la demande croissante des classes moyennes et des plus défavorisés en octroyant des conditions favorables aux investisseurs privés, l’offre de logement reste aujourd’hui très inférieure aux besoins réels. Le parc de logement est essentiellement privé et se caractérise notamment par une part importante de constructions individuelles (plus de 80% de la construction avant la loi foncière de 2003). Le compartiment ou « maison tube », maison individuelle d’un à quatre étages en moyenne, abritant une famille élargie et souvent un commerce au rez-de-chaussée, domine le paysage urbain. En 2012, les immeubles collectifs forment 16,6% du parc de logement à Hanoi et 6% à HCMV. Le secteur locatif, majoritairement privé, n’en représente que 11% à Hanoi et 16% à HCMV. La part des opérations de logements collectifs (condominiums ou tours plus modestes) est toutefois en augmentation régulière. Le parc de relogement, destiné aux habitants touchés par une procédure de récupération de leur terrain, est considéré comme privé. En effet, ils deviennent propriétaires de leur résidence, que celle-ci soit directement financée par les autorités publiques ou par des investisseurs privés qui construisent puis revendent les logements à la collectivité. Le parc de logement « social », qui sera appelé ici public, est réservé aux fonctionnaires, aux policiers et aux militaires. Les loyers y sont faibles, ils sont calculés en fonction des revenus du ménage selon un barème du Ministère de la construction. Les logements purement locatifs ne représentent qu’environ 10% de ce parc, le reste étant destiné à l’accession à la propriété suivant un système où les ménages versent des loyers pendant dix ans puis se portent acquéreurs à condition de posséder au moins 20% d’apport personnel au moment de l’achat. Dans les appartements en « location-accession », les loyers sont plus importants que dans une location standard du parc de logement public. Cette configuration du logement public ne permet pas d’atteindre les ménages les plus modestes. En effet, selon la règlementation en vigueur, les appartements doivent être compris entre 30 et 70 m², surfaces qui excèdent les capacités de financement des ménages pauvres. Ainsi, la superficie minimale des logements publics récemment construits à Hanoi était de 60 m², ce qui rend leur acquisition trop onéreuse (630 M de VND Pour aller plus loin : • ONU Habitat ; conférences, publications, actualités sur le ViêtNam, http://www.fukuoka. unhabitat.org/ projects/voices/ vietnam/index_ en.html • PADDI, 2009, Livret « Développement du logement social à HCMV », http://www.paddi.vn/ IMG/pdf/finale.pdf PADDI, 2007, Livret « Le logement social », http://www.paddi.vn/ IMG/pdf/qlclxh.pdf • Parenteau R. (dir), Habitat et Environnement urbain au Viêt-Nam, 1997, 335 p. Khartala, http://books.google. com.vn/books?id=QE8 lzVMep9kC&printsec= frontcover&hl=fr&sou rce=gbs_ge_summary _r&cad=0#v=onepage &q&f=false • Cerise E., thèse de doctorat, Fabrication de la ville de Hanoi, entre planification et pratiques habitantes - Conception, production et réception des formes bâties, 2009. La mixité de l’habitat dans le district de Binh Thanh à HCMV : habitat précaire sur le bord du canal, compartiments, immeubles de logements collectifs et immeubles haut de gamme Faire la ville | 89 Chapitre 4 : Le logement en moyenne) pour les ménages modestes. Une réorientation de la production vers des logements plus petits serait donc nécessaire. Par ailleurs, de nouveaux programmes publics ont été lancés en 2009 à destination des ouvriers et des étudiants, qui jusque là avaient recours au parc privé, faute de places suffisantes dans les résidences universitaires ou dans les logements fournis par les employeurs. L’enjeu serait d’ouvrir la location de ces logements ou leur accession à la propriété à d’autres catégories de populations, notamment des populations modestes et pauvres, dans le souci de préserver la cohésion sociale, d’éradiquer l’habitat insalubre et de fluidifier le marché du logement. Tarif de location, locationaccession Location Locationaccession 90 | Revenus du foyer (VND/foyer/mois) ayant droit à la location/ à la location-accession Min. Max. 900 000 1 800 000 4 500 000 1 260 000 1 680 000 3 360 000 8 400 000 18 000 81 000 1 080 000 2 160 000 5 400 000 30 000 1 350 000 1 800 000 3 600 000 9 000 000 VND/m2/ mois 30 m2 45 m2 60 m2 Loyer min. 15 000 15 000 675 000 Loyer max. 28 000 28 000 Loyer min. 18 000 Loyer max. 30 000 Source : Ministère de la Construction Le barème des loyers des appartements en location ou location-accession, 2010 La recherche de terrains disponibles et les mécanismes de financement pour leur acquisition Le développement du logement social doit respecter les orientations fixées dans les documents d’urbanisme. Pourtant, actuellement, trouver des terrains pour la construction de logements publics et mobiliser les financements nécessaires à leur acquisition constituent deux difficultés majeures pour les autorités publiques. Une série de montages permet pourtant de mettre à contribution les investisseurs privés. Ainsi, les projets immobiliers commerciaux et les nouveaux quartiers urbains (des villes de catégorie 3 et plus) doivent céder 20% des terrains pour le logement social et les viabiliser. La ville peut également réserver un terrain pour un promoteur qui, en contrepartie, s’engage à Loyer à payer chaque mois Les habitants des KTT ont largement transformé leurs logements (ajout de terrasses, de magasins au rez-de-chaussée) afin de les adapter à leurs modes de vie, ici les KTT de Giang Vo à Hanoi construire un immeuble de logement social sur un autre site. De même, un investisseur qui achète un terrain peut bénéficier de conditions fiscales favorables s’il développe des logements revendus à des prix encadrés par les autorités publiques. Les investisseurs qui réalisent des opérations sur de très grandes parcelles peuvent également être contraints à construire un immeuble de logement social sur leur terrain. Enfin, des droits à construire, comme des étages supplémentaires, peuvent n’être accordés qu’à la condition qu’une part de ces logements soit réservée aux autorités publiques. Du fait de ces procédures, les sites de relogement ou de logement public se situent souvent en périphérie, sont faiblement équipés et mal desservis en transport en commun. Une partie de ces immeubles qui comprennent à la fois des habitations vendues au prix du marché et d’autres gérées par des sociétés publiques connaît des problèmes de copropriété en raison des statuts mixtes d’occupation. Le financement du logement public est également assuré par les banques privées et le « Fond de développement des logements » qui investit dans plusieurs secteurs et accorde sur ses bénéfices des crédits aux fonctionnaires à bas revenus. Ces sources de financement se révèlent pourtant insuffisantes car les investissements dans le logement public, et particulièrement dans le locatif, sont jugés peu attractifs par les entreprises en raison de la faible solvabilité des ménages, de l’insuffisance des crédits immobiliers aux particuliers et de la longueur du retour sur investissement. Les crédits disponibles de la Banque de développement du Viêt-Nam, qui pratique des taux préférentiels pour le logement public, sont modestes au regard du nombre de projets, tandis que les taux d’intérêt des banques commerciales restent élevés pour ce type de construction. Enfin, les collectivités locales elles-mêmes peuvent être réticentes à encourager des projets de logement public dans la mesure où les produits des cessions de terrains et des taxes récoltées à l’occasion d’opérations immobilières, qui représentent une part importante de leurs ressources financières, sont moindres pour ce type de projet que pour des immeubles haut de gamme ou de bureaux. La rénovation des logements et des quartiers dégradés La rénovation urbaine est devenue ces dernières années un enjeu important, du fait du vieillissement du parc de logements construits dans les années 1970-1980. Par exemple, le parc locatif des Khu Tap Thê (KTT), au loyer très bas destiné aux fonctionnaires, a été construit par l’État dans le nord du Viêt-Nam entre 1960 et 1980 et constitué dans le sud à partir de 1975. Ces barres de deux à cinq étages de logements collectifs étaient inspirées de l’habitat collectif soviétique et leur construction suivait une méthode de préfabrication souvent sur site. Suite au Doi Moi et au désengagement de l’État de la gestion de ces logements, les ventes entre particuliers ont été autorisées dans les années 1990 et la revente par l’État aux occupants s’est aujourd’hui généralisée. Ces immeubles, devenus des copropriétés, ont été mal entretenus et présentent aujourd’hui d’importantes dégradations. Les mieux situés font parfois l’objet de destruction et de reconstruction, les habitants étant relogés sur place ou indemnisés. lesquels les autorités prennent en charge la création et la rénovation des infrastructures et les habitants financent l’amélioration de leur logement. Des projets d’amélioration de l’habitat précaire sont également soutenus par des bailleurs de fonds internationaux. Le programme « Viêt-Nam Urban Upgrading » de la Banque mondiale, lancé en 2004, prévoit par exemple l’implantation dans les quartiers d’habitat insalubre d’équipements publics (écoles, dispensaires), d’infrastructures urbaines de base (eau, assainissement, etc.), l’octroi de prêts pour améliorer les logements ou encore un soutien aux ménages dans leurs démarches d’obtention des certificats d’usage des sols. Les récupérations de terrains : indemniser et reloger 1 1 Atelier PADDI sur « L’indemnisation et le relogement des populations lors de réaménagements urbains », intervention de C. Musil, mars 2010 A mesure qu’augmente le nombre des projets de promotion immobilière de grande ampleur, les enjeux du relogement et de l’indemnisation des ménages, suite à la récupération de leurs terres, gagnent en importance. En 2010, la ville de HCMV comptait ainsi sur son territoire Les terrains de 6 790 foyers ont été récupérés lors de la construction du boulevard Vo Van Kiet (HCMV) (ici en 2005 et en 2011). Parmi eux, 34% ont été indemnisés par un appartement ou un terrain dans les districts alentours. Les autres ont été indemnisés financièrement à hauteur de 20% de la valeur initiale du foncier Par ailleurs, à partir des années 1990, les autorités locales ont engagé des actions de démolition des quartiers de logements insalubres, notamment le long des canaux à HCMV. Les périmètres pour de tels projets sont définis par les autorités publiques sur des sites stratégiques qui pourraient intéresser des investisseurs. Les sites moins stratégiques ou moins attractifs font l’objet de programmes d’amélioration sur place, pour Faire la ville | 91 Chapitre 4 : Le logement 450 projets de quartiers résidentiels et de villes nouvelles qui nécessitaient d’importantes acquisitions de terrains. 498 projets d’utilité publique impliquant indemnisation et relogement seront en outre planifiés entre 2010 et 2015. Environ 30 000 familles vivant dans des quartiers insalubres et/ou sur les berges de canaux ont été ou seront relogées entre 2006 et 2015 et 44 000 appartements ou parcelles ont été mis à disposition ou le seront pour le relogement. À Hanoi, un projet de rénovation et d’embellissement du vieux quartier dans le centre-ville prévoit le relogement de 30 000 personnes, dont des familles volontaires et six cents foyers qui occupent illégalement des édifices religieux et historiques appartenant à la ville. Cette opération devrait permettre de dédensifier un quartier qui compte environ 84 000 hab./km² (à titre de comparaison, l’arrondissement parisien le plus peuplé, le 11ème, compte 41 000 hab./ blic ou privé), des statuts d’occupation des habitants ou de leur degré d’opposition. Trois types de solutions peuvent être proposés : le relogement sur le site, sur des parcelles plus éloignées ou l’indemnisation financière. Les autorités publiques ont l’obligation d’indemniser et/ou de reloger les familles lorsqu’il s’agit de projets administrés par elles. Ces missions sont alors assurées par les districts ou les autorités de gestion, en collaboration avec le Centre de Développement Foncier, s’il existe, et le Comité populaire. En revanche, les ménages sont indemnisés en fonction des prix du marché lorsque les projets sont directement gérés par des investisseurs privés ou des bailleurs de fonds internationaux. Ces différences de traitement engendrent des tensions entre la population et les autorités. Par ailleurs, les changements de propriétaires et le manque de traçabilité des documents rendent certaines situations juridiquement Construction et commercialisation des terrains lotis (25 m de large) Emprise de la voirie existante Réfection et élargissement de la chaussée 38 m de large Emprises foncières à acquérir Construction et commercialisation des terrains lotis (25 m de large) km²). La mise en œuvre du plan du Comité populaire a débuté en décembre 2009 et des sites ont déjà été récupérés. Toutefois, l’administration peine à négocier avec les habitants en raison de la grande valeur - notamment commerciale - des terrains, du retard pris dans la construction des sites de relogement et de leur distance par rapport au lieu de résidence d’origine. Cette opération est freinée par un manque de diagnostic initial à l’échelle du vieux quartier (recensement des habitants, de la propriété immobilière et des droits d’usage fonciers) et elle souffre d’un vide juridique en matière de dédensification. Elle est également difficile à justifier car elle n’est pas considérée comme une opération de renouvellement urbain dans la législation vietnamienne. Le décret 69/2009/ND-CP et la décision 108/2009/QD-UBND encadrent les procédures d’indemnisation et de relogement. Les indemnisations peuvent cependant être modulées en fonction du type de projet (pu- 92 | très complexes et ne facilitent pas le calcul des indemnités. Une même maison peut par exemple être partagée entre cinq familles propriétaires ; à l’inverse, plusieurs petites maisons appartenant à des familles différentes peuvent être implantées sur une parcelle dont le droit d’usage est détenu par une seule personne. Face aux récupérations, les habitants concernés élaborent des stratégies diverses. Lors des projets d’élargissement d’axes, certains achètent et vendent des terrains suivant une logique spéculative afin de se placer sur le tracé du projet. D’autres construisent un étage supplémentaire pour obtenir une meilleure indemnisation ou déménagent, tout en conservant leur terrain pour le mettre en location. Ceux-ci, ainsi que les occupants des parcelles donnant sur la rue, qui tirent leur revenu d’une activité commerciale, sont en général responsables de retards importants dans les procédures de libération des terrains et donc dans la réalisation des infrastructures. Pour aller plus loin : • Cerise E., Kelly S., 2010, « KTT transformation in Hanoi ; Informalization of formal housing, formalization of informal housing », 8 p. www.cades.be/ attachments/ download/98 • Banque mondiale, « Viêt-Nam Urban Upgrading Project », http://www. worldbank.org/ projects/P070197/ urban-upgradingproject?lang=en Les emprises foncières à acquérir par les autorités publiques lors du percement de l’axe Kim Lien à Hanoi La diffusion de l’information Le relogement La diffusion de l’information concernant les projets d’aménagement et la récupération des terrains constitue un autre problème. Officiellement, les autorités doivent faire connaître le titre du projet, les taux de compensation, les prix de vente des appartements ou des parcelles de relogement et la date butoir à laquelle les terrains doivent être libérés. Dans les faits, les critères d’éligibilité à d’éventuelles compensations ne sont pas clairement énoncés. Les informations sont transmises par le biais de réunions publiques, de haut-parleurs, de notes affichées dans les Comités populaires, de distributions de documents et de visites officielles de membres des organisations de masse locales foyer par foyer. D’autres vecteurs, comme les discussions de voisinage ou les relations personnelles, permettent de diffuser l’information. Pourtant, le manque de transparence sur les projets et les modalités d’indemnisation et de relogement entraînent fréquemment la propagation de rumeurs. Des aides pour le déménagement, le relogement et la reconversion professionnelle sont mobilisées suite à une enquête sociale et juridique menée par les districts sur le statut d’occupation du logement des ménages. Des indemnités variables Les habitants souhaitent en général être relogés à proximité de leur ancien quartier, or les sites prévus à cet effet sont majoritairement situés dans les périphéries de Hanoi et de HCMV. On estime que le déménagement engendre souvent une perte de repères pour les ménages avec la rupture de liens familiaux, de relations de voisinage et des pratiques traditionnelles liées au culte des ancêtres. Les habitants déplacés perdent également l’accès aux biens et aux services communautaires (écoles, dispensaires...) et parfois leurs sources de revenus. Inadaptées aux modes de vie de la population, de nombreuses habitations restent donc vacantes dans les zones de relogement. La hausse des charges locatives et des coûts de transport entraîne fréquemment un phénomène d’appauvrissement et la revente du logement. Ces appartements subventionnés concédés Pour aller plus loin : • Musil C., thèse de doctorat en cours, Aide Publique au Développement et Coopération Urbaine à Hanoi : un appui à la fabrication du réseau de transport métropolitain. Les compartiments du vieux quartier de Hanoi, rue Hang Dao Le montant des indemnités est fixé selon des dates-repères, notamment celle du premier recensement des occupants en phase préliminaire de projet ou la date de son annonce officielle. La législation qui s’applique pour l’indemnisation est celle correspondant à l’année de validation du projet. Or, la libération des terres s’effectuant plusieurs années après la validation, les biens connaissent entre temps une augmentation de leur valeur due à l’inflation. Les habitants réclament souvent l’application des lois les plus récentes, comme le « décret 69 » de 2009, impliquant des méthodes supplémentaires d’évaluation et de compensation, en général plus favorables aux habitants. Le montant des indemnisations pour les projets publics est calculé sur la base du prix officiel des terrains, compris entre 40 et 70% du prix du marché. La compensation totale prend également en compte le prix des biens immobiliers, les subventions et l’aide au relogement. Il existe donc une certaine flexibilité dans le calcul du montant des indemnisations car les négociations portent souvent sur ces deux derniers éléments. par les autorités tendent à être rapidement revendus par les bénéficiaires à une population plus aisée, bien que le propriétaire relogé ne soit légalement autorisé à revendre son bien qu’après dix ans d’occupation. Un marché de sous-location informel peut parfois voir le jour dans ces quartiers. Faire la ville | 93 Chapitre 4 : Le logement LE LOGEMENT EN FRANCE Des politiques publiques de régulation à la fois du parc privé et du parc social ’État français est fortement interventionniste en matière de logement. Les politiques publiques visent différentes catégories de bénéficiaires (accédants à la propriété, bailleurs privés, bailleurs sociaux) et prennent des formes variées. On distingue les aides à la pierre, destinées aux maîtres d’ouvrage publics ou privés et aux investisseurs pour la réalisation de logements (locatifs, en accession), des aides à la personne sous forme de subventions permettant de réduire le loyer ou les charges de remboursement des ménages à bas revenus. À cela s’ajoutent des aides fiscales. En outre, l’aide publique au logement est complétée par d’autres institutions, ainsi que par des circuits de financement adaptés. Cette diversité des modalités d’aides et des sources de financement est une spécificité française et constitue, pour l’aide publique au logement, un gage de permanence, quelles que soient les conjonctures économiques et politiques. L et en urbanisme, qui prônait la séparation des fonctions résidentielle, commerciale, de travail et de loisirs. Plus de 8,7 millions de logements ont ainsi été construits en vingt ans (1958-1977). Ce système de production de masse, bien qu’il ait permis l’éradication des bidonvilles, a montré ses limites au milieu des années 1970 en raison de la qualité médiocre des constructions et du manque d’intégration de ces quartiers dans la ville. Depuis les années 1990, la France produit entre 300 000 et 400 000 logements par an. En 2011, le logement locatif privé représentait 22% du parc des résidences principales, le logement locatif social 17% et 58% des logements étaient occupés par leur propriétaire. 56% des résidences principales sont des logements collectifs. Des barres de plus de 1 000 logements ont été construites dans les années 1960. La Duchère, Lyon, 2010 Une construction massive de logements dans les années 1960, plus modeste aujourd’hui À la fin de la Seconde Guerre mondiale, un cinquième des logements était détruit et très peu offraient un confort moderne (en 1954, seuls 10% étaient équipés en sanitaires). La forte croissance démographique et l’exode rural ont aggravé le déficit de logement, estimé à quatre millions en 1958. L’État a alors lancé une politique volontariste de construction. Celle-ci reposait sur la rationalisation et la standardisation de la production d’immeubles collectifs, en utilisant des méthodes de préfabrication. Les quartiers construits durant cette période, appelés « grands ensembles », étaient inspirés du mouvement moderne en architecture 94 | « Un bien atypique Le logement est considéré comme un bien atypique, car il est à la fois durable et nécessaire à l’épanouissement de l’individu et de la famille, contrairement à d’autres biens de consommation. Des droits particuliers lui sont attachés, tels que le droit au logement, qui a fait l’objet d’une loi en France et de dispositions dans les textes européens. La « crise du logement » La pénurie de logements à un prix abordable, l’envolée des prix fonciers et immobiliers et la ségrégation sociale constituent des problèmes importants en France. On parle de plus en plus d’une « crise du logement » qui, dans les plus grandes agglomérations, affecte même une partie des classes moyennes. La situation est particulièrement critique en Îlede-France, où la production a diminué et où le parc de logements ne correspond pas aux besoins des ménages. Cette crise peut s’expliquer par des causes diverses : une croissance démographique soutenue, la disparition d’un parc de logements privés de faible qualité et peu onéreux et son remplacement par des logements plus modernes et plus chers, les modifications de la géographie humaine du pays consécutives aux migrations internes (croissance du sud et de l’ouest au détriment du nord et de l’est), la déconnexion croissante des prix de l’immobilier et des revenus des ménages, ou encore le vieillissement de la population, l’augmentation des familles monoparentales et des personnes habitant seules. On peut également évoquer un manque de coordination des politiques du logement à l’échelle locale, ainsi que des Plans Locaux d’Urbanisme restrictifs du fait de la politique égoïste de certains maires, qui, souhaitant conserver l’homogénéité de population de leur commune, empêchent parfois la construction de logements sociaux à bas prix pourtant nécessaires. L’offre de logements abordables est limitée en Île-de-France Le mécanisme de production du logement social aujourd’hui La France possède une conception généraliste du logement social, tournée vers l’ensemble des ménages se situant en dessous d’un certain plafond de ressources : un peu moins des deux tiers de la population est en théorie éligible au locatif social (même si, dans la réalité, le peuplement est globalement assez modeste). Les politiques publiques sont essentiellement pilotées par l’État, mais les collectivités locales prennent de plus en plus le relais. Le ministère de l’Égalité des territoires et du logement fixe, globalement et par territoire, des objectifs annuels de production de logements. En parallèle, les collectivités locales (Communautés urbaines ou d’agglomération) élaborent des programmes locaux de l’habitat (PLH), apportent des financements et peuvent, quand ils existent, s’appuyer sur les Établissements Publics Fonciers Locaux. Par ailleurs, l’État utilise, pour des politiques spécifiques, le relais d’établissements publics spécialisés dans le domaine de l’amélioration de l’habitat ancien ou de la rénovation urbaine. Les aides à la personne sont versées par les Caisses d’allocations familiales à partir du budget de l’État et d’une partie de la collecte de l’« Action logement ». Cette crise du logement est particulièrement sévère dans les grandes villes et en Île-de-France, où les demandeurs de logements sociaux sont nombreux dans le centre de l’agglomération (zones en rouge foncé) Une nouvelle approche du logement social et de la mixité dans les villes a été initiée depuis 2000 avec la mise en œuvre de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain qui oblige les communes de plus de 3 500 habitants, incluses dans des agglomérations de plus de 50 000 habitants, à posséder au Faire la ville | 95 Chapitre 4 : Le logement moins 25% de logements locatifs sociaux sur leur territoire (20 % pour les zones où la demande en logement est faible). L’objectif est de favoriser la mixité sociale et d’ouvrir de nouveaux espaces à la construction de logement social. Si les grandes villes, dans leur majorité, développent les efforts nécessaires pour atteindre cet objectif, un certain nombre de communes « résidentielles » s’y refusent et préfèrent payer des pénalités, utilisées pour alimenter un fonds destiné à la construction de logements sociaux, plutôt que d’en réaliser sur leur territoire. « Le dispositif « Action logement » Anciennement dénommé « 1% logement », ce dispositif est financé à hauteur de 0,45% de la masse salariale par les entreprises de plus de vingt salariés. Les fonds sont collectés par des organismes spécialisés, publics ou associatifs. Ceux-ci soutiennent la construction et la réhabilitation de logements locatifs sociaux, versent des aides aux ménages (accession à la propriété, accès au logement locatif, réhabilitation de logement) et financent le développement d’une offre de logements neufs destinés aux salariés des entreprises. Ces fonds sont de plus en plus utilisés par l’État pour financer des politiques publiques (ANRU, ANAH). et font appel à des entreprises pour la mise en œuvre. Aujourd’hui les immeubles de logement social ne se différencient plus des autres immeubles par leur forme ou leur qualité, ils sont même souvent plus performants, notamment en matière de qualité énergétique. On tente, dans la mesure du possible, de les intégrer à des opérations de logement classique. Le bailleur social est responsable de la gestion des locataires, notamment des attributions, de l’entrée dans les lieux, des résiliations de bail, des réclamations et du paiement des loyers. Il gère également les relations entre les locataires (conflits de voisinage, etc.). Enfin, le bailleur est responsable de son patrimoine et entretient les parties communes, les équipements (chaudières, ascenseurs, etc.) et éventuellement les parties privées. Il assure l’amélioration de son parc et son adaptation aux nouveaux besoins (par exemple le vieillissement de la population). Un « plan de patrimoine » pluriannuel prévoit les interventions et les dépenses. Pour aller plus loin : • ANIL, Agence nationale pour l’information sur le logement, http://www.anil.org/ • CDC, Caisse des Dépôts et Consignations, www.caissedesdepots. fr/ • ANRU, Agence Nationale de Rénovation Urbaine, www.anru.fr/ • Action Logement, http://www. actionlogement.fr/ • Union sociale pour l’habitat, http://www.unionhabitat.org/ 1 Les bailleurs sociaux, maîtres d’ouvrage et gestionnaires du parc de logement social La maîtrise d’ouvrage et la gestion du parc de logement locatif social sont assurées par de nombreux organismes spécialisés, dénommés bailleurs sociaux, qui travaillent en étroite relation avec les autorités et divers organismes publics. Il existe deux grand types de bailleurs sociaux : les Offices Publics de l’Habitat, qui sont créés par les collectivités territoriales, et les Entreprises Sociales pour l’Habitat qui sont des entreprises privées à but non lucratif, dont le capital est détenu par des personnes privées ou publiques, notamment les collecteurs d’« Action logement ». Certaines de ces structures réalisent également des logements en accession sociale à la propriété. Ces bailleurs sociaux rédigent, généralement avec l’appui d‘architectes, des cahiers des charges détaillés pour la construction des habitations ou pour leur réhabilitation 96 | 2 3 La morphologie des logements sociaux est très diverse, ici dans le centre de Paris (1), dans une commune de proche banlieue (2) et dans le périurbain (3) Depuis plusieurs années, l’État tend à diminuer ses aides directes, son intervention se limitant de plus en plus aux avantages fiscaux consentis. A l’inverse, les collectivités locales assurent une part croissante des financements à mesure que le rythme des constructions sociales se redresse. Elles peuvent aussi vendre aux bailleurs sociaux leurs terrains à un prix inférieur à celui du marché. Réduire la ségrégation sociale : la politique de la ville Le Contrat Urbain de Cohésion Sociale est un partenariat entre l’État et les collectivités territoriales afin d’améliorer l’accès à l’emploi, le développement économique, l’habitat et le cadre de vie, l’éducation, la sécurité ou encore la santé dans les quartiers en difficulté (Lyon). Le financement du logement social La construction de logements à loyer modéré nécessite un apport de fonds gratuits ou à faible coût. La majeure partie du financement est assurée par la Caisse des Dépôts et Consignations, un organisme qui réalise des investissements en fonds propres dans le logement et le foncier et qui accorde aux bailleurs sociaux des prêts à long terme à des taux d’intérêt inférieurs à ceux du marché, à partir des fonds collectés par des livrets d’épargne populaire (livret A). Ces emprunts sont garantis par les collectivités locales, en échange de quoi elles bénéficient de logements réservés dans ces opérations. Les fonds de l’Action logement sont eux aussi alloués sous forme de prêts. Plus généralement, l’État, les collectivités territoriales et les établissements de coopération intercommunale, les établissements publics, les employeurs, les organismes collecteurs du fond de l’Action logement, les chambres de commerce et les organismes à caractère désintéressé peuvent réserver des logements sociaux en contrepartie d’une garantie financière, d’un apport de terrain ou de financements 2 . Afin d’améliorer les conditions de vie des habitants dans les quartiers en difficulté, différents programmes, regroupés sous le terme de « politique de la ville », ont été mis en œuvre depuis une trentaine d’années. Ces dispositifs ciblent en majorité les quartiers de « grands-ensembles » construits dans les années 1950-1960, qui sont souvent éloignés des centres villes, peu dotés en équipements publics, en commerces et en emplois. Certains de ces bâtiments, construits rapidement avec des matériaux de faible qualité, se sont dégradés puis sont devenus obsolètes, notamment en termes d’isolation thermique et acoustique. Les classes moyennes ont quitté ces quartiers dans les années 1970 pour accéder à la propriété ailleurs et ont été remplacées par une population plus pauvre, moins bien intégrée économiquement et socialement. Les programmes de la politique de la ville combinent en général l’amélioration du bâti à des actions sociales et parfois économiques. Si ces politiques ont permis d’améliorer les conditions de vie d’une partie des habitants de ces quartiers et d’éviter des dérives plus graves, ces territoires demeurent néanmoins globalement marginaux. 2 Ces logements sont ensuite attribués à des locataires selon des critères économiques et sociaux en fonction de leur patrimoine, de la composition du ménage, du niveau de ressources et des conditions de logement actuelles, de l’éloignement des lieux de travail et de la proximité des équipements répondant aux besoins des demandeurs. Le programme de rénovation urbaine 2004-2014 L’objectif du Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU) est de restructurer les quartiers des zones urbaines sensibles pour y favoriser la mixité sociale et y encourager le développement durable. Les grands-ensembles du quartier de la Duchère à Lyon, début 2010 Ceci passe par l’amélioration du bâti (démolitions plus ou moins importantes de barres et de tours, travaux dans les logements), de Faire la ville | 97 Chapitre 4 : Le logement l’accessibilité du quartier (voirie, desserte en transport en commun), des équipements (publics, implantation de commerces et de services) et du paysage urbain (alignement sur la rue, immeubles de taille moyenne, espaces publics, etc.). Les logements sociaux démolis doivent être remplacés par un nombre identique de logements neufs, construits sur place ou à l’extérieur du quartier. Près de cinq cent quartiers où vivent plus de 3,8 millions d’habitants sont concernés par cet ambitieux programme national. Parce qu’il englobe tous les aspects de la vie sociale et urbaine, ce dernier nécessite une étroite coordination entre les différents acteurs. L’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU), un Établissement public, a été créée à cet effet en 2003. Elle concentre les financements et assure la mise en œuvre du PNRU. L’initiative des programmes locaux revient aux collectivités territoriales. Des conventions d’une durée de cinq ans sont signées entre l’ANRU, l’État, les collectivités concernées, les bailleurs sociaux et d’autres investisseurs éventuels. Le budget de l’ANRU - près de 12,5 milliards d’euros - devrait générer 50 à 55 milliards d’euros de travaux. Le PNRU est financé à 27% par l’ANRU (essentiellement sur le fond de l’Action logement) à 43% par les bailleurs sociaux et à 23% par les collectivités locales. Les résultats de cette politique sont encore difficiles à évaluer. Le grand nombre de projets et leur contenu attestent de la volonté des autorités publiques d’améliorer l’intégration de ces quartiers dans la ville. Les transformations physiques sont parfois spectaculaires, les ambiances urbaines se sont améliorées Le dynamitage de la barre 220 en mai 2010 dans le quartier de la Duchère, Lyon 98 | Le programme de reconstruction dans le quartier de la Duchère à Lyon comprend des logements sociaux, des résidences étudiantes, de l’accession sociale à la propriété mais aussi des logements en accession, comme cette résidence, afin de diversifier l’habitat et la population dans ce quartier qui comprenait 80% de logements sociaux avant le projet et de nombreux efforts sont visibles pour ce qui est de la qualité et de l’innovation architecturale. La maîtrise d’ouvrage s’est investie d’une responsabilité majeure en développant une politique incitative en matière de construction durable. Globalement, le taux de satisfaction des habitants paraît assez élevé. Le nombre de logements reconstruits n’atteint pourtant pas celui des logements détruits, dans un contexte où la construction locative sociale est difficile. En Île-de-France, beaucoup sont reconstruits dans le même quartier, ce qui en réduit l’effet en terme de mixité sociale. Les relogements permettent souvent aux catégories les mieux intégrées de quitter le quartier tandis que les populations les plus marginalisées, peu autonomes et pour lesquelles les solidarités locales sont essentielles, restent sur place. La réalisation des programmes de diversification de l’offre de logement connaissant des retards, l’objectif initial, faire venir des ménages qui ne soient pas en situation d’exclusion, est plus long à atteindre que prévu. La dimension temporelle est donc essentielle dans ces opérations d’aménagement. Parallèlement aux moyens mis en œuvre pour améliorer la qualité du logement social, l’État a créé des institutions permettant de promouvoir la qualité architecturale et la construction durable. Ces institutions, telles que l’ANAH (1971) ou le PUCA (1998), financent des recherches incitatives, des actions d’expérimentation et apportent un soutien à l’innovation et à la valorisation scientifique et technique dans le domaine de l’aménagement des territoires, de l’habitat, de la construction et de la conception architecturale et urbaine. Une mission d’évaluation et de médiatisation des réalisations de nouveaux logements est également soutenue via des programmes spécifiques comme celui de CQFD. Pour aller plus loin : • PADDI, 2011, Livret « Architecture verte : concepts et pratiques » • PADDI, 2011, Livret « Appui à la maîtrise d’ouvrage publique dans le cadre de bâtiments verts/constructions durables face au changement climatique » • PUCA, Plan/ Urbanisme/ Construction/ Architecture, http://rp.urbanisme. equipement.gouv.fr/ puca/ • Programme CQFD, permettant d’accélérer le processus de construction de logements et de promouvoir un habitat diversifié, soucieux de la qualité architecturale, urbaine et environnementale, http://www.chantier. net • ANAH, Agence Nationale de l’Habitat, http://www.anah.fr/ • VGBC, Vietnam Green Building Council, www.vgbc.org.vn/ PROJETS ET RÉFLEXIONS DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE Pour aller plus loin : Récupérations, indemnisations Encadrer publiquement les et relogement : le cas du projet opérations d’aménagement de Thu Thiêm 3 Le quartier de Thu Thiêm (district 2), futur centre financier, commercial et résidentiel, constitue un projet d’aménagement phare visant à donner une image moderne d’HCMV et à renforcer son statut métropolitain. Il est considéré à ce titre comme un projet « d’intérêt public », bien qu’il n’existe pas encore de procédures permettant de formaliser ce statut. Le processus d’indemnisation et de relogement est donc organisé par les autorités publiques et notamment l’ICA, l’autorité de gestion de Thu Thiêm qui est le maître d’ouvrage. Ainsi, 97 des 720 hectares du projet formeront les quartiers de relogement sur site, ainsi que 68 hectares en dehors de la zone. 12 500 appartements et 2 037 parcelles, répartis sur trois sites, sont prévus. Les récupérations ont concerné au total plus de 14 000 maisons et 58 000 personnes. En 2010, 70% des dossiers d’indemnisation avaient déjà été traités et 8 000 milliards de VND décaissés. Dans le volet logement, les principales difficultés rencontrées tiennent au montage de l’opération et à la répartition des rôles entre autorités publiques et investisseurs privés, notamment au sujet de la responsabilité des indemnisations. Le montant de ces dernières, réalisées à 40 % du prix du marché, a été contesté par 80% des habitants, qui les jugeaient dérisoires et se sentaient lésés par rapport aux futurs prix de revente des terres et aux bénéfices réalisés par les investisseurs. Afin de bien encadrer les démarches sociales et économiques que suppose une opération d’aménagement et de sécuriser les conditions de relogement, il est stratégique pour une ville de conserver la maîtrise d’ouvrage de son projet. • Wust S. et al., « Métropolisation et développement durable ; les enjeux du relogement des zones d’habitat précaire à HCMV : entre grands programmes et microprojets », PRUD, http://www.gemdev. org/prud/rapports/ rapport17.pdf Ainsi, celui-ci doit être défini sur un périmètre précis pour lequel un cahier des charges détaillé, spécifique à chaque opération, et une convention ayant valeur juridique fixent les rôles de chacun. Ensuite, le phasage du projet présente les étapes opérationnelles et un bilan financier dépenses/recettes, qui comprend le détail des différents postes (foncier, logements, relogements, infrastructures, équipements, commerces, etc.). Ce bilan est à distinguer du budget général de la ville. Enfin, une évaluation des opérations en cours ou à réaliser (objectifs, programme, budget) est menée tout au long du projet. Cette méthode d’encadrement rend possible par la suite la délégation de la maîtrise d’ouvrage à un acteur privé ou public tout en conservant le contrôle du projet. En termes de gouvernance, une équipe inter-services peut constituer un référent unique pour les investisseurs. 3 Les récupérations et les indemnisations de terrains à Thu Thiêm (HCMV) Atelier PADDI sur « L’indemnisation et le relogement des populations lors de réaménagements urbains », animé par Pascale Bonnard, mars 2010 Faire la ville | 99 Chapitre 4 : Le logement Vers des indemnisations plus justes Pour proposer des indemnisations plus proches de la valeur réelle du marché avant l’implantation du projet, les autorités locales peuvent évaluer la valeur des biens immobiliers à l’aide d’un observatoire du marché immobilier et des transactions. On peut aussi essayer de simplifier les règles et les démarches administratives afin de prendre en compte l’étalement dans le temps des procédures et de rendre possible l’augmentation de l’indemnisation si elle devient trop éloignée des prix du marché. Dans la même optique, les procédures, barèmes et critères d’indemnisation peuvent être homogénéisés, quel que soit le maître d’ouvrage. Rendre public le montant des compensations fixées en fonction d’un relevé socio-économique des ménages et prendre en compte les foyers installés de manière illégale assurent dans une certaine mesure la transparence et l’équité entre les ménages concernés. Les autorités publiques peuvent également s’interroger sur les limites de l’intervention quand elle rencontre trop d’obstacles, tels la surenchère dans les indemnisations ou le refus catégorique des habitants d’être relogés. Il peut en ce cas paraître opportun de mettre en veille une opération ou de ne pas l’engager. Un montage opérationnel et financier à effectuer en amont Il est primordial que la question de la libération des terrains et du relogement émerge en amont du projet. En effet, une vision claire des coûts de l’aménagement et des investissements en début de projet permet d’aboutir à un équilibre financier entre l’indemnisation de relogement et le montant des bénéfices établis par l’investisseur. Afin de financer les relogements, il semble pertinent de faire appel aux ressources du projet en lui-même : les bénéfices réalisés par la ville devraient être réinjectés au sein du projet et non intégrer le budget général. Une gestion plus flexible du parc de relogement permettrait de mutualiser les appartements neufs disponibles, d’en constituer un stock tout en assurant un prix identique entre les différents projets. 100 | À ce titre, les investisseurs peuvent être mis à contribution via l’obligation d’intégrer le programme de relogement dans leur projet ou via un prix d’achat des terrains plus élevé, ce qui permet à la collectivité de financer le relogement. D’un point de vue règlementaire, l’instauration d’un droit de préemption rend beaucoup plus facile la constitution de réserves foncières et par conséquent la création d’un parc destiné au relogement (à vendre, à louer ou en location/accession). Enfin, diversifier les sources de financement des logements en mobilisant par exemple les produits d’épargne et la participation des entreprises peut constituer une perspective intéressante pour les autorités publiques et les investisseurs. La recherche de la transparence Une fois le montage financier terminé, il peut être utile d’informer clairement les habitants de la nature du projet d’ensemble, en particulier du coût des opérations et de l’utilisation prévue des plus-values de la vente des terrains acquis. Les habitants sont encore peu sollicités dans les démarches publiques. Pourtant, introduire la consultation du public et la concertation au cours de l’étude de préfaisabilité du projet permet en général de mieux appréhender les opérations urbaines et de relogement. Au Viêt-Nam, un règlement encadrant les possibilités de participation, de consultation et de concertation des habitants pourrait être mis en place, ainsi que d’autres formes de médiation, en faisant par exemple appel à des consultants indépendants. Un habitant a créé une petite épicerie dans son appartement de relogement, HCMV Un immeuble de relogement dans la périphérie de HCMV Un parc de logement adapté aux besoins Mener au préalable une enquête sociale et économique approfondie aide à proposer un logement adapté au mode de vie des relogés. De même, accorder un soin particulier au choix du site éviterait qu’il soit considéré dès le début comme un lieu de relégation. En outre, y introduire de petites activités permettrait de maintenir le petit commerce et les services de proximité. Dans l’idéal, il serait préférable que le type de logement proposé soit en adéquation avec le profil du ménage : une parcelle individuelle pour un agriculteur ou un logement qui donne sur la rue pour un commerçant. En effet, la tour d’habitation ne constitue pas un modèle unique pour les quartiers de relogement et d’autres formes urbaines de densité égale existent. Il est important d’adapter les logements aux bas revenus de certains ménages, en offrant par exemple des surfaces et des charges limitées (bâtiments bas sans ascenseur) pour éviter les phénomènes d’appauvrissement, de revente, de spéculation et l’apparition de nouvelles poches de pauvreté. Des outils d’évaluation du relogement peuvent être développés à l’échelle de la ville afin d’étudier et de prévenir la formation de ces dernières. C’est par une coordination étroite entre la commission de relogement initiale, les services sociaux et les comités de quartier des districts d’accueil qu’un bon suivi de ces familles contraintes de changer radicalement de mode de vie peut être assuré. À cette fin, des partenariats peuvent être instaurés avec les entreprises locales et les bénéficiaires du projet, pour recruter les populations relogées, « Le cadre règlementaire de la copropriété ͳ 2008 : Décision 08/2008/QĐ-BXD du ministère de la Construction sur la promulgation du Règlement de gestion des immeubles collectifs. ͳ 2009 : Circulaire 01/2009/TT-BXD sur la délivrance du certificat de propriété de logement et le contrat type pour les transactions des appartements. ͳ 2009 : Circulaire 37/2009/TT-BXD du ministère de la Construction (MoC) sur la méthode d’évaluation et de gestion des charges dans les immeubles collectifs. ͳ 2009 : Texte 144/BXD-QLN du ministère de la Construction sur la définition des parties communes et parties privatives dans les immeubles. particulièrement les commerçants, les artisans et les agriculteurs qui ont perdu leur source de revenus suite à leur déménagement. La copropriété 4 : un cadre de gestion insuffisant pour l’habitat collectif vertical On compte à HCMV 570 immeubles de taille moyenne (5-6 étages) construits avant 1975 et 432 immeubles plus hauts postérieurs à cette date. En 2009, 55 projets de tours ont été approuvés pour un total de 19 500 logements. Les parties communes des immeubles collectifs sont parfois dégradées et occupées illégalement. Historiquement gérées par les autorités publiques, elles relèvent, depuis la loi sur le logement de 2005, de la responsabilité des copropriétaires et sont administrées par un comité de gestion et le maître d’ouvrage. Les copropriétaires se sentent pourtant peu concernés par la gestion et la maintenance de ces parties communes. La définition des parties communes et privatives est souvent floue et peut faire l’objet de contradictions à la fois au sein des règlements (entre la circulaire de 2009 et la loi sur le logement de 2005) et entre l’acte de vente et le règlement de la copropriété. Le statut des places de stationnement et des magasins, comme partie commune ou comme propriété du maître d’ouvrage, fait souvent l’objet de conflits entre ce dernier et les copropriétaires. Selon la circulaire 16/2010, la surface de l’appartement comprenait les locaux techniques, les murs porteurs et les colonnes. Cette méthode de calcul a entraîné de nombreuses difficultés pour les acquéreurs. Depuis, la circulaire 03/2014/ TT-BXD a permis de résoudre ce problème, tout comme les conflits entre promoteurs et coproprietaires concernant les parking et les commerce via « l’Acte de vente » qui indique la surface de la propriété privée et celle des parties communes. Pour couvrir les frais de gestion et de maintenance sur une durée indéfinie, un montant de 2% du prix de l’appartement est provisionné au moment de la vente. Ces modalités de financement ne sont donc absolument pas liées aux coûts réels et ne permettent pas la mobilisation des habitants en cas de gros travaux. Le Comité populaire doit encore souvent intervenir pour financer les travaux de Pour aller plus loin : • PADDI, 2010, Livret « La copropriété et la propriété privée dans le logement », http://www.paddi. vn/IMG/pdf/201007_Copropriete_et_ propriete_privee_ dans_le_logement_a_ HCMV.pdf Les règlements des immeubles et le statut des espaces communs sont souvent flous dans les copropriétés, ce qui entraîne des litiges 4 Atelier PADDI sur la « La copropriété et la propriété privée dans le logement », animé par Jean-Charles Castel, 2010 Faire la ville | 101 Chapitre 4 : Le logement maintenance, trancher des litiges liés aux décisions prises par le comité de gestion ou les assemblées générales, jouer le rôle d’assureur en cas de dégât, les propriétaires n’étant pas tenus de contracter une assurance. Or, la gestion et le paiement des charges collectives sont amenés à devenir des questions cruciales, car les autorités publiques, confrontées à l’accroissement progressif de l’habitat collectif, ne pourront plus assurer leur rôle actuel à une si large échelle. Vers une professionnalisation de la gestion et la responsabilisation des copropriétaires « Dans les immeubles collectifs, le contrat de vente pourrait comporter le règlement de copropriété, la description précise des parties privatives et communes, la liste et le pourcentage des charges à acquitter, les droits d’usage et les interdictions en vigueur dans les parties communes. Les habitants pourraient être tenus de contracter une assurance incendie et dégât des eaux, et les charges devraient être payées régulièrement par les copropriétaires et dépendre des dépenses réelles. Le syndicat des copropriétaires Dans l’immeuble, tous les propriétaires d’un lot sont membres d’office du syndicat. Son objet est la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes. L’assemblée générale des copropriétaires, qui se réunit une fois par an, désigne le conseil syndical, un petit groupe composé de copropriétaires volontaires et bénévoles qui les représenteront et qui géreront dans l’année les affaires courantes en lien avec le syndic. Les décisions de l’assemblée générale sont votées à la majorité simple pour les travaux d’entretien et au 2/3 quand les travaux entraînent des modifications importantes. Les copropriétaires présents ou représentés ne peuvent contester les décisions de l’assemblée générale. Les autres disposent d’un délai de deux mois pour les contester devant la justice. Les charges dans les immeubles de grande hauteur sont très élevées et peu adaptées aux populations aux revenus modestes. Il pourrait être intéressant de développer des modèles d’habitat plus économiques, tels que de petits immeubles collectifs de cinq à six étages, sans ascenseur. Une autre solution serait que la collectivité cède ou vende à prix modéré des parcelles afin que les ménages construisent leur propre maison individuelle, modèle de construction qui semble être le plus économe actuellement au Viêt-Nam. Il serait intéressant que le rôle du syndic en tant que profession soit reconnu et bénéficie d’une formation attestée par l’État. La nomination d’office par la puissance publique d’un syndic dans les copropriétés dégradées pourrait être inscrite dans la loi afin que ces situations difficiles soient gérées par un professionnel de l’immobilier et non par le Comité populaire, qui n’est pas spécialiste de ces questions. « Le rôle du syndic en France Il est désigné par le promoteur à la fin des travaux. La structure peut être professionnelle ou bénévole, elle est responsable juridiquement. Les copropriétaires reconduisent le syndic ou en choisissent un autre lors de la première assemblée générale. Le promoteur n’a plus aucun rôle à jouer après, sauf en tant que copropriétaire s’il conserve des locaux dans l’immeuble. Le syndic exécute les décisions de l’assemblée générale et les fait respecter par les copropriétaires. Il organise les assemblées générales, établit le budget prévisionnel, recouvre les charges, passe les contrats d’assurance et de maintenance et couvre les dépenses courantes. Il tient un carnet d’entretien de l’immeuble. La gestion des immeubles collectifs devient une question cruciale avec l’émergence de véritables quartiers d’habitat collectif, ici à Hanoi 102 | LE PATRIMOINE URBAIN epuis une trentaine d’années, les villes vietnamiennes se sont modernisées au détriment de la protection et de la valorisation du patrimoine, qui voient leur champ d’application s’élargir depuis peu, en lien avec les destructions et dégradations observées. Outre les monuments historiques qui bénéficient d’une procédure de classement, la notion de valorisation du patrimoine concerne désormais les quartiers urbains, notamment les espaces publics et les ensembles remarquables et elle commence à s’étendre au patrimoine industriel, végétal et aux villages de métiers. Hanoi et Hô Chi Minh-ville recèlent de nombreux bâtiments anciens et d’importants quartiers historiques qui ont souvent été démolis dans les autres métropoles asiatiques. De l’enchevêtrement de ruelles du vieux quartier au plan en damier du quartier français de Hanoi ou du centre de HCMV, des venelles construites dans les années 1980 aux tours récentes des grands hôtels internationaux, la ville vietnamienne n’a cessé de se transformer dans une double dynamique d’extension et de reconstruction. Son extension agrégative a permis la conservation des structures héritées, alors que la reconstruction de la ville sur elle-même les met souvent en péril. L’enjeu est donc de valoriser le patrimoine des deux villes sans pour autant freiner leur développement. D La citadelle de Hanoi Chapitre 5 : Le patrimoine urbain LE PATRIMOINE AU VIÊT-NAM Des villes en mouvement, des identités à valoriser a conservation et la valorisation de bâtiments et de quartiers anciens emblématiques constituent des enjeux majeurs pour l’histoire et l’identité culturelle vietnamiennes. Elles posent également la question de l’identité urbaine des deux villes comme un atout de leur développement économique. En effet, le patrimoine urbain contribue fortement à façonner l’image que renvoie une ville et chaque métropole peut ainsi faire valoir ses spécificités territoriales dans la compétition internationale. Valoriser ce patrimoine pourrait permettre à Hanoi et HCMV de se positionner par rapport aux autres grandes métropoles asiatiques comme Bangkok ou Singapour. L’objectif n’est pas de muséifier une ville vietnamienne d’un âge d’or révolu, mais d’offrir aux habitants, aux investisseurs et aux visiteurs une ville diversifiée, à la fois singulière et moderne. L’enjeu pour les autorités publiques est donc de se doter d’outils règlementaires et financiers adaptés pour valoriser le patrimoine, afin d’affirmer l’identité urbaine de chaque ville sans entraver son développement économique. L La richesse du patrimoine hanoïen Hanoi est une des rares villes du sud-est asiatique à posséder un patrimoine historique, culturel et urbain vieux de plus de mille ans. Les alentours de Hanoi comptent plus de cinq cents villages de métiers spécialisés dans la fabrication d’objets d’art, de textiles ou encore de vanneries, typiques de la culture du delta du Fleuve rouge. La ville comprend quant à elle trois ensembles patrimoniaux majeurs : le quartier des trente-six rues et corporations ou vieux quartier (Pho co), l’ancien quartier colonial français et l’ensemble de la citadelle. Le tissu urbain du vieux quartier reflète l’ancienne organisation en hameaux de corporations (rue de la soie, 104 | du coton, du sucre, etc.). Il se caractérise par sa densité humaine et bâtie, son intense activité commerciale et artisanale et son important patrimoine architectural (maisons d’habitation, maisons communales, temples, pagodes de style traditionnel vietnamien et chinois). Le quartier français, « ville-jardin » à trame orthogonale du début du 20ème siècle, est constitué de monuments publics coloniaux « Les compartiments de la rue Ma May à Hanoi La notion de patrimoine pour l’UNESCO et pour les Vietnamiens L’UNESCO définit le patrimoine comme l’héritage du passé dont nous profitons aujourd’hui et que nous transmettons aux générations à venir. Le patrimoine urbain, composé des rues, des bâtiments, de monuments et de paysages particuliers, peut être considéré, par son originalité, son caractère symbolique ou son histoire, comme un héritage du passé qui est à préserver dans l’intérêt des contemporains et des générations futures. En ce sens, le patrimoine relève du bien commun et de l’intérêt général. La conception vietnamienne du patrimoine - et celle du monde sinisé en général - attachée au respect des valeurs spirituelles, à des représentations et à une culture immatérielles, diffère de celle du monde occidental, plus attaché aux traces matérielles (objet, bâtiment, tracé des rues). Dans le monde sinisé, les valeurs patrimoniales tiennent aux lieux plus qu’aux bâtiments, aux savoir-faire et aux pratiques plus qu’aux matériaux. Cependant, la période de la colonisation française semble avoir influencé la conception vietnamienne du patrimoine. La communauté scientifique vietnamienne des architectes et des universitaires est très active sur ce sujet et mène de nombreuses réflexions. Les préoccupations des gestionnaires de la ville se portent quant à elles sur les outils opérationnels, les actions prioritaires à mener et l’adaptation des règlements au contexte actuel de forte spéculation. et de villas (de style régionaliste, néo-classique, art-déco ou moderniste). L’ancienne citadelle de Hanoi, où siégeaient les souverains vietnamiens depuis le 11ème siècle, comprend, entre autres, un site archéologique de grande valeur historique. Ce site est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2010. Un patrimoine varié pour une ville moderne à HCMV Le patrimoine urbain de HCMV se caractérise par la diversité des monuments historiques, des bâtiments et des ensembles urbains remarquables qui, dans le centre-ville, ont contribué à construire l’identité de la ville à travers le temps. Les bâtiments majeurs du district 1 tels que le siège du Comité populaire, l’Opéra ou la Poste ont été restaurés, mis en lumière par la ville de Lyon et sont classés monuments historiques. Ce même district comprend aussi des ensembles comme le marché Ben Thanh ou l’ancien port de Ba son. On trouve, dans le disctrict 3, de nombreuses villas coloniales françaises. Quant au district 5, l’ancienne ville chinoise de Cholon, il est riche en temples et pagodes, et présente des ensembles urbains (marché Binh Tay, compartiments chinois) et des entrepôts anciens le long des canaux. La métropole du sud est aujourd’hui tournée vers une Les tours du district 1, nouveau visage de HCMV « culture de la modernité » : l’architecture contemporaine vietnamienne et l’émergence d’immeubles de grande hauteur et de tours symboliques comme celle de Bitexco renouvellent le paysage urbain et interrogent à leur manière la notion de patrimoine. « Les bâtiments coloniaux remarquables à HCMV au sein du périmètre de l’étude sur le centre ville Les compartiments À Hanoi, il s’agit d’unités individuelles constituant l’habitat traditionnel du vieux quartier. Les « maisons-tubes » présentent des façades étroites (de deux à quatre mètres) et sont très profondes, entre vingt et soixante mètres, voire quatre-vingts dix mètres. Les anciens compartiments comportent un seul niveau ou plus rarement un étage. La mixité fonctionnelle habitat/commerce est l’élément fondateur du compartiment. Largement ouvert sur la rue, le rez-de-chaussée, alternant bâtiments et cours, est destiné au commerce et/ou à une activité artisanale, le logement se situant en fond de parcelle ou à l’étage. Avec la surpopulation du quartier, les cours ont disparu, les bâtiments se sont verticalisés et les parcelles se sont considérablement densifiées. À HCMV, les compartiments sont pour beaucoup situés dans l’ancienne ville chinoise de Cholon. Le même phénomène de densification qu’à Hanoi a modifié ces maisons datant pour la plupart du 19ème et du 20ème siècles. Une pression foncière qui menace le patrimoine La pression et la spéculation immobilières, auxquelles s’ajoute la nécessité de moderniser la ville en élargissant les axes et en éradiquant l’habitat insalubre, rendent difficile sur le court terme la conservation de ces bâtiments. Les terrains des villas de l’ancien Faire la ville | 105 Chapitre 5 : Le patrimoine urbain quartier français de Hanoi et des districts 1 et 3 de HCMV, « quartiers d’or du foncier », offrent d’excellentes opportunités pour le développement de tours grâce à leur localisation centrale, leurs larges emprises foncières (500 à 1 000 m²) et leur bonne accessibilité. Dans le vieux quartier de Hanoi, la forte hausse des valeurs foncières a conduit à une densification du bâti par ajout d’étages et par la construction d’édifices beaucoup plus élevés que les maisons traditionnelles. Des bâtiments et des conditions de vie dégradés La volonté de préserver et de valoriser le patrimoine urbain vietnamien se trouve aussi confrontée à la dégradation du bâti, à la paupérisation et à la surpopulation dans les villas et les compartiments anciens. Les compartiments traditionnels du vieux quartier et de Cholon peuvent héberger plusieurs familles : des parcelles de 240 m² peuvent parfois accueillir jusqu’à une centaine d’habitants à Hanoi 1 . Cette situation de surpopulation et de dégradation touche également les villas qui appartiennent aux autorités publiques et ont été attribuées à certaines familles. La faiblesse Les quartiers de compartiments se densifient par surélévation, ici dans le quartier français de Hanoi des loyers versés ne leur permet pas d’investir dans la rénovation de ces bâtiments et la situation locative précaire des habitants ne les incite pas à assurer les travaux de maintenance. Les villas sont parfois détenues par plusieurs propriétaires, ce qui engendre des subdivisions physiques de la parcelle et du bâtiment ainsi que de grandes difficultés dans la gestion et lors des transactions. Cependant, certaines villas, transformées en locaux administratifs ou commerciaux, ont bénéficié de restaurations plus ou moins bien encadrées. À Hanoi, les mieux conservées et entretenues sont celles attribuées aux représentations diplomatiques étrangères. Des extensions, de nouvelles constructions sur la parcelle ou de grandes devantures commerciales masquent fréquemment les façades des villas et des compartiments. Une règlementation plus protectrice à l’échelle du quartier Les projets concernant le patrimoine culturel de niveau « national et extraordinaire » sont soumis à l’approbation du bureau du Premier ministre. Les actions de protection et de gestion des monuments historiques sont placées sous la tutelle du ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme. Le ministère de la Construction est responsable du classement et de la gestion des villas. Les bâtiments historiques et culturels font l’objet d’une politique de rénovation encadrée par le décret du 31 mars 1984 sur la « conservation des vestiges historiques et culturels des beaux sites ». Ce décret a permis d’identifier des sites d’intérêt national, comme la vieille ville de Hoi An, classée en 1985. Les premières rénovations de pagodes, temples et maisons communales eurent lieu dans les années 1990. De nombreux édifices furent par la suite classés par le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme. La loi sur le patrimoine culturel de 2001 s’attache quant à elle au patrimoine immatériel et aux monuments, sites, paysages et objets reconnus pour leur beauté, leur valeur historique et leur singularité. Elle instaure un cadre pour l’inventaire des monuments 106 | Pour aller plus loin : • Banque Asiatique de Développement, Steinberg F., 2008, « Revitalization of inner-city areas in Asia, The potential for Urban renewal in Hanoi, Jakarta and Manila », 220 p. • Actions et documentation de la coopération ToulouseHanoi, http://www.toulousehanoi.org • Urban solutions, 2010, Urban heritage management in Viêt-Nam; an introduction manual for planners, Institute of conservation for monuments, 83 p. http://www.urbansolutions.nl/en/ home/ • DCU, 2011, étude « Conservation and development, Cholon, Hô Chi Minh City », 223 p. www.lopezmarzo. com/proyectos/ hdmc_final.pdf • Fanchette S., Stedman N., À la découverte des villages de métier au Viêt-Nam ; Dix itinéraires autour de Hanoi, IRD, 2009, 322 p. • Tùng Nguyên et Krowolski Nelly, « Hôi An, de l’éveil à la résurrection du patrimoine », Autrepart, n° 33, 2005/1, p. 141155. DOI : 10.3917/ autr.033.0141 1 La densité du vieux quartier de Hanoi s’élève à 84 000 hab./km2. historiques et identifie notamment ceux qui sont en danger ou nécessitent des restaurations. Cette loi crée des outils de protection des alentours des sites protégés. La loi sur l’urbanisme de 2009 prévoit l’inscription des sites historiques dans les documents d’urbanisme. Le patrimoine végétal fait par ailleurs l’objet d’un inventaire et de mesures de préservation à HCMV au sein du service espaces verts du département des Transports. Les villes vietnamiennes se sont saisies de ces évolutions législatives et ont commencé à étudier des périmètres de protection à l’échelle urbaine dès les années 1990. Les villes de Hoi An et de Hué, classées site d’intérêt national, ont mis en œuvre des règlements de protection et de mise en valeur de leurs quartiers historiques. L’ensemble des monuments de Hué et la vieille ville de Hoi An ont ensuite été classés au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1993 et 1999, puis soumis à une nouvelle règlementation. Il est ainsi interdit de construire des bâtiments modernes au centre de Hoi An et les autres constructions dans un périmètre proche nécessitent l’autorisation du Comité de gestion du patrimoine. Le renouveau du patrimoine à Hanoi À Hanoi et à HCMV, les autorités locales et notamment les départements d’Urbanisme (DUPA) s’attachent de plus en plus à la protection du patrimoine urbain. À Hanoi, la mutation urbaine dans les années 1990 s’est accompagnée d’une prise de conscience de la nécessité de préserver son patrimoine architectural et urbain. En 1995, une décision municipale de protection a été prise et en 1996 un plan de sauvegarde et d’aménagement autour du lac Hoan Kiêm a été adopté. Il a notamment permis d’annuler deux projets de tour qui auraient eu un impact significatif sur le paysage urbain de ce lac emblématique de Hanoi. En 1998 a été créé, sous l’autorité du district de Hoan Kiêm, un Bureau de gestion du vieux quartier chargé de contrôler les constructions et le respect des règles de protection. Le vieux quartier a été classé site historique national en 2004 par le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme. Par ailleurs, la ville de Toulouse a aidé Hanoi à rénover plusieurs maisons typiques de ce quartier « Le cadre règlementaire pour la valorisation du patrimoine ͳ 1984 : Décret du 31 mars 1984 sur la « conservation des vestiges historiques et culturels des beaux sites ». ͳ 2001 : Loi sur le patrimoine culturel (art 54 à 56) du 29 juin 2001, indique que les secteurs sauvegardés doivent être inscrits dans les documents d’urbanisme en cours de réalisation (décret d’application 92/2002/ND-CP novembre 2002). ͳ 2003 : Décision 05/2003/QD-BVHTT (février 2003) du ministère de la Culture sur la préservation et la restauration du patrimoine culturel, bâti et paysager. ͳ 2010 : Loi sur l’urbanisme, inscription des sites historiques dans les documents d’urbanisme. et œuvre à sa valorisation touristique. Enfin, grâce à l’assistance technique de la région Île-de-France, le secteur de la citadelle a été reconnu patrimoine mondial de l’UNESCO en 2010 et un règlement de protection est en cours d’approbation pour le quartier français. La problématique du patrimoine est prise en compte dans le schéma directeur, notamment en ce qui concerne la préservation du vieux quartier et du réseau de villages de métiers. Les opérations d’urbanisme dans le Une villa hanoienne en bon état, 2012 Le patrimoine hanoien est extrêmement divers, ici une villa de style moderniste du quartier français Faire la ville | 107 Chapitre 5 : Le patrimoine urbain quartier français se fondent sur le règlement encore non officiel proposé par l’étude IMVInterscène, et le DUPA est en train d’étudier une extension de ce périmètre. Une notion du patrimoine élargie aux espaces publics à HCMV Réalisé en 1996 à l’échelle de la ville à partir des travaux de la coopération décentralisée avec la Communauté urbaine de Lyon2, un inventaire du patrimoine (circulaire 46/TB UB QLDT) a permis d’établir la liste des ouvrages (dont les villas) nécessitant une étude en vue de leur conservation, ainsi que de déterminer la responsabilité de chaque organisme dans cette dernière. Depuis, HCMV réfléchit à un plan de valorisation. Une circulaire de 2009 (38-2009-TT-BXD) classe les villas en trois catégories de niveau de protection impliquant une gestion plus ou moins contraignante. Par ailleurs, toute démolition est soumise à l’approbation du Comité populaire de la Ville. Il n’existe pas pour l’instant de règlementation globale et précise quant à la gestion du patrimoine ordinaire, mais l’attention portée à ces questions, encore faible, commence à prendre forme, notamment pour le patrimoine végétal, industriel et pour les espaces publics. Ainsi, les bâtiments de l’ancien port de Ba son, dans le district 1, ont fait l’objet de débats quant à leur conservation, dans un contexte de forte pression foncière, de spéculation immobilière et de projets de valorisation des berges. Par ailleurs, des projets de réhabilitation des canaux prévoient leur dragage, le nettoiement des berges et l’aménagement de nouveaux espaces publics de promenade. Le tissu des compartiments et des pagodes du quartier très animé de Cholon à HCMV est confronté à des destructions et des reconstructions peu respectueuses de l’environnement urbain. Un projet de réhabilitation du bâti et des espaces publics pourrait voir le jour Les alignements d’arbres, éléments caractéristiques de HCMV, font l’objet d’un inventaire susceptible de conduire à des mesures de protection 2 L’inventaire se fonde sur les études réalisées par la Communauté urbaine de Lyon en collaboration avec le département de la Construction de HCMV, notamment les deux études d’H. Desbenoit : « Patrimoine architectural de HCMV, éléments de repérage, les bâtiments publics », 83 p. et « Patrimoine architectural de HCMV, éléments de repérage, les bâtiments résidentiels », 173 p. 108 | LE PATRIMOINE EN FRANCE Connaître, protéger, valoriser et développer le territoire 3 n France, la notion de protection du patrimoine apparaît pendant la Révolution française, à la fin du 18ème siècle. À cette époque, de nombreux édifices, alors considérés comme des symboles de la royauté, furent détruits ou vendus à des particuliers. Trente ans plus tard, l’État organisa un inventaire du patrimoine architectural du pays et de son état de destruction, puis une première liste des bâtiments à protéger fut dressée en 1840. Les monuments publics (1887) et privés (1920-1930) classés ou inscrits à l’inventaire général du patrimoine deviennent officiellement des monuments historiques. Toute transformation extérieure, intérieure ou des abords immédiats du bâtiment est soumise à approbation sur la base d’un règlement particulier. Le niveau de protection s’élargit en 1962 avec la loi Malraux sur les « secteurs sauvegardés », qui permettait de prendre en compte un quartier dans son ensemble. Il s’agissait à cette époque d’éviter la destruction systématique des quartiers anciens, alors vétustes, pour reconstruire des quartiers plus modernes E Le centre-ville de Lyon a été classé patrimoine mondial de l’UNESCO en 1998 en raison de son site exceptionnel, son mode de vie particulier et un patrimoine urbain bien préservé, témoin de l’évolution de la ville. Une zone « tampon » (en rouge) a été établie afin de mieux valoriser les abords du site protégé et son interaction avec le reste du territoire. ou de grands axes routiers. Le Vieux Lyon, datant du Moyen-âge, dont le bâti était en mauvais état, se trouvait ainsi sous la menace de projets autoroutiers. Il devint en 1964 le premier secteur sauvegardé de France, notamment grâce à la mobilisation des associations d’habitants. Dans les années 1990, des bâtiments appréciés pour leur valeur symbolique ou immatérielle, témoins d’une certaine époque (bâtiments industriels, résidences de personnages historiques...) furent également reconnus comme patrimoniaux. Pour aller plus loin : • DRAC Île-de-France, http://www.ile-defrance.culture.gouv.fr/ page-les-monuments. htm • Ministère de la culture, http://www.culture. gouv.fr/culture/ organisation/dapa/ publications.html • Association nationale des Architectes des Bâtiments de France, http://anabf.archi.fr/ • Quartier du Vieux Lyon, www.vieux-lyon.org/ Le Vieux Lyon, considéré comme un quartier insalubre avant son classement en secteur sauvegardé en 1964, a fait depuis l’objet d’une vaste politique de rénovation L’intérêt et les enjeux de la valorisation du patrimoine urbain Ce type de patrimoine fait partie de l’identité culturelle des habitants. Sa rénovation, plutôt que sa destruction, améliore leur qualité de vie et permet à la ville de conserver une dimension humaine. De plus, les travaux de restauration et de valorisation culturelle, touristique ou pour d’autres usages contemporains, dynamisent la création d’emplois et l’économie locale. 3 Atelier PADDI, « La protection du patrimoine architectural et urbain et les perspectives de gestion du patrimoine sur le centre historique de HCMV », animé par Brunos Delas, janvier 2010 Cependant, si les générations actuelles se doivent de préserver pour le futur les traces du passé, les villes sont également des objets en perpétuel renouvellement. La conserFaire la ville | 109 Chapitre 5 : Le patrimoine urbain les villas du 19ème siècle...) ou suite à la demande d’un propriétaire d’immeuble, d’une collectivité locale ou d’une association. L’opéra de Lyon a fait l’objet d’une modernisation radicale dans les années 2000 vation et la valorisation du patrimoine entraînent aujourd’hui certains effets pervers, comme la multiplication des mesures de protection. Les bâtiments et quartiers protégés sont parfois « muséifiés » : la population n’a alors plus accès à ce patrimoine, ou très occasionnellement. Dans d’autres circonstances, le patrimoine peut être « commercialisé » : il change d’usage, mais l’on ne considère plus que sa valeur esthétique. L’enjeu majeur est donc que la valorisation du patrimoine s’accompagne du maintien de la mixité fonctionnelle (logements, commerces, services urbains, etc.) et sociale caractéristique des quartiers historiques des villes occidentales. Les outils règlementaires 4 : le classement des monuments historiques La loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques et les procédures règlementaires de protection d’édifices concerne les immeubles dont la conservation présente, du point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public. Ils sont alors classés « monuments historiques » en totalité ou en partie par les soins du ministère de la Culture. Les immeubles qui, sans justifier une demande de classement immédiat, présentent un intérêt historique ou artistique suffisant peuvent être inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. La procédure de protection est initiée par les services de l’État (Direction Régionale des Affaires Culturelles), suite à un recensement sur une zone géographique donnée, selon une typologie particulière (par exemple le patrimoine industriel, 110 | Le dossier de protection comprend des renseignements détaillés sur l’immeuble (historique, descriptif, situation au regard de l’urbanisme, situation juridique, etc.) et des documents d’identification (photographies, plans, croquis, pièces cadastrales et foncières). L’immeuble classé ou inscrit ne peut subir de modification, être cédé ou vendu sans l’accord des services de l’État. Les travaux de restauration sont supervisés par l’Architecte des Bâtiments de France 5 et peuvent être financés à hauteur de 40% par l’État. Toute construction, restauration ou destruction projetée dans un périmètre de 500 mètres doit obtenir l’accord préalable de l’Architecte des Bâtiments de France. Les Grands moulins de Paris, construits au début du 20ème siècle et désaffectés en 1996, accueillent aujourd’hui le campus de l’Université Paris VII Le secteur sauvegardé Son objectif est à la fois de conserver le cadre urbain et l’architecture ancienne, et de permettre une évolution en accord avec les exigences fonctionnelles contemporaines et avec le reste de la ville. Un Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur, qui comprend un règlement et des documents graphiques, est établi par une commission locale réunissant l’État et la collectivité territoriale concernée. Ce plan peut interdire la démolition et préconiser la conservation d’immeubles d’intérêt patrimonial ou, à l’opposé, imposer la démolition de tout ou partie d’immeubles de médiocre qualité à l’occasion d’une opération d’aménagement. Il prescrit également des règles sur l’implantation, les dimensions des constructions, l’architecture (caractéristiques géométriques, matériaux). Il peut imposer des normes sur la voirie, les réseaux, le station- 4 Formation IMV sur l’« Inventaire du patrimoine », animée par Arlette Auduc , mars 2009 5 Fonctionnaire d’État qui garantit le respect et la valorisation du patrimoine. nement et la densité de construction. Soumis à une enquête publique, il est par la suite approuvé par la collectivité et l’État. Ce Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur s’impose alors au Plan Local d’Urbanisme (PLU). Il est mis en oeuvre et suivi par l’Architecte des Bâtiments de France. Les projets de travaux extérieurs ou intérieurs sont soumis à ce dernier et doivent recueillir son avis conforme. Il confronte les propositions de travaux avec les dispositions du plan de sauvegarde et de mise en valeur et peut guider le propriétaire dans son intervention. Pour aller plus loin : • PADDI, 2010, Livret « La protection du patrimoine architectural et urbain et les perspectives de gestion du patrimoine sur le centre historique d’HCMV » • Choay F., L’allégorie du patrimoine, Seuil, 1996, 271 p. • OPAH, www.lesopah.fr/ • IAU-IdF, Dossier sur le patrimoine, http://www.iau-idf.fr/ nos-etudes/theme/ patrimoine.html Le dispositif des Aires de Mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP ou AMVAP) Depuis 2011, les nouvelles Aires de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP) remplacent les anciennes Zones de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP). L’objectif est d’étendre la gestion des espaces patrimoniaux aux nombreux défis de la ville durable. Ce dispositif est initié par une collectivité locale en partenariat avec l’État. Les principes généraux sont les mêmes que ceux du secteur sauvegardé mais sont moins stricts. L’AVAP vient en complément des outils règlementaires de droit commun tels que le PLU. Le dossier de l’AVAP comprend un rapport de présentation mentionnant les motifs qui ont conduit à sa création, un diagnostic architectural, patrimonial et environnemental fondé sur le Projet d’Aménagement et de Développement Durable du PLU, les mesures prévues pour la préservation et la mise en valeur, un règlement (limitation des droits d’usage des sols, prescriptions sur les matériaux, traitement des espaces publics, mobilier urbain) et un document graphique. Celui-ci délimite le périmètre de l’AVAP qui peut comprendre plusieurs zones géographiquement séparées. Les dispositions de la zone de protection sont annexées au PLU. L’Architecte des Bâtiments de France est le garant de la conformité des travaux effectués dans la zone de protection. L’AVAP offre, comme pour les monuments historiques inscrits ou classés et les secteurs sauvegardés, des avantages fiscaux pour inciter les parti- Les bâtiments et espaces libres d’un secteur sauvegardé sont classés dans différentes catégories (monument historique, protection au titre du plan de sauvegarde et de mise en valeur, prescriptions particulières, etc.). La création en 1964 du secteur sauvegardé du Marais, quartier au cœur de Paris, a permis sa restauration immobilière. Il a été révisé récemment afin de mieux intégrer les nouvelles orientations en termes de logement et de développement durable et de promouvoir une vision patrimoniale plus dynamique. culiers à investir dans les quartiers anciens dégradés. En résumé, les procédures d’inscription ou de classement se décident immeuble par immeuble alors que les procédures de secteur sauvegardé ou d’AVAP concernent des quartiers. Il n’y a pas de hiérarchie dans le niveau de protection entre ces deux dernières procédures, la première relève de l’initiative de l’État, tandis que la seconde est d’initiative locale. Très peu de nouvelles créations de secteurs sauvegardés ont eu lieu depuis les lois de décentralisation tandis que se créent de nombreuses AVAP (610 AVAP, alors appelées ZPPAUP en 2010). Le PLU peut aussi protéger le patrimoine, mais il n’entre en compte qu’au moment de l’attribution des permis de construire de bâtiments. Le secteur sauvegardé ou l’AVAP peuvent quant à eux règlementer tous les objets, même ceux qui ne sont pas soumis à permis de construire tels que les espaces publics, les publicités ou les enseignes. En outre, ils offrent dans la pratique une plus grande stabilité que le PLU qui est fréquemment modifié. Faire la ville | 111 Chapitre 5 : Le patrimoine urbain Le montage opérationnel des réhabilitations immobilières En France, les quartiers anciens sont généralement revitalisés selon trois mécanismes. L’initiative privée est un premier levier de réhabilitation, lorsqu’un ou plusieurs investisseurs financent l’acquisition et la réhabilitation de leur propre logement ou d’un logement destiné à la location ou la revente. Certaines opérations publiques ou parapubliques consistent à acquérir et restaurer des immeubles entiers au titre de la lutte contre l’habitat insalubre. Dans le cadre des Opérations de Restauration Immobilière (ORI), suite à une enquête publique, les travaux sont déclarés d’utilité publique et notifiés aux propriétaires. Ceux-ci doivent s’engager à les effectuer sous peine d’expropriation. Ce dispositif peut s’appliquer dans des périmètres protégés au titre du patrimoine. Enfin, la volonté publique de changer l’image et la vocation de certains quartiers peut être mise en œuvre grâce à une coordination des acteurs publics et privés. L’action publique (les collectivités ou l’Etat) peut créer des conditions favorables au changement en améliorant les équipements, les services publics, ou la communication et la concertation avec les habitants et usagers. L’initiative privée est alors encouragée par des actions d’accompagnement et d’assistance technique dans le cadre de dispositifs opérationnels tels que les Zones d’Aménagement Concertées ou les Opérations Programmées d’Amélioration de l’Habitat (OPAH). Lors d’une OPAH, une agence nationale alloue des subventions directes aux particuliers pour entreprendre des travaux dans leur immeuble et leur logement. Des aides peuvent également être accordées aux propriétaires qui louent des logements, en contrepartie desquelles ils s’engagent à ne pas augmenter les loyers pendant une période donnée. Ces procédures ne sont pas uniquement réservées aux quartiers patrimoniaux. Mener à bien ce type d’opérations rencontre des difficultés : on se heurte d’une part à la division des immeubles en copropriété ; de l’autre, il faut parvenir à maîtriser les phénomènes spéculatifs et éviter la gentrification, c’est-à-dire le départ des classes populaires et moyennes, remplacées par les catégories sociales plus aisées. Un travail de valorisation et de promotion du patrimoine à destination des investisseurs permet de démontrer qu’il existe des avantages financiers à conserver ces bâtiments (prestige et plus-value immobilière, tourisme, etc.). Ainsi, les offices du tourisme qui travaillent en coordination avec les acteurs privés et publics valorisent l’image de leurs villes. Le mariage de l’approche culturelle et des approches fondées sur les ingénieries techniques et financières permet d’argumenter de manière forte et crédible en faveur de projets de mise en valeur du patrimoine. La création d’une voie verte le long des berges du Rhône à Lyon a permis de redécouvrir le patrimoine fluvial et d’offrir un lieu de promenade agréable aux habitants et aux touristes L’Opération de Restauration Immobilière du passage Thiaffait à Lyon dans les années 1990 a permis de rénover les logements (sociaux et privés) et les rez-de-chaussée (installation d’une pépinière d’entreprises). Le passage a fait l’objet d’illuminations lors de la Fête des Lumières 112 | LES PROJETS ET RÉFLEXIONS DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE Quelques éléments stratégiques pour une mise en œuvre efficace de la protection du patrimoine 6 La problématique du patrimoine pourrait être intégrée à l’échelle de la planification et des schémas directeurs. En effet, appréhender les enjeux patrimoniaux à la même échelle que celle du schéma directeur permet de se poser des questions pertinentes en termes de déplacements (décongestionner les axes centraux), de densité du centre ou de développement du territoire. L’élaboration du schéma directeur pour le centre-ville de HCMV et la perspective du développement de la ville moderne de Thu Thiêm constituent un moment opportun pour concevoir le projet patrimonial du site historique au regard du développement de l’ensemble de la ville. Mener des diagnostics, des inventaires et des études des pratiques urbaines La connaissance du patrimoine passe par des diagnostics approfondis et des inventaires, qui permettent d’identifier les zones concentrant des éléments patrimoniaux, mais aussi les éléments remarquables isolés. Le diagnostic architectural et paysager identifie les caractéristiques du paysage : la proportion de pleins et de vides, la rue, l’alignement des villas, la partie jardin à l’arrière ou encore les alignements d’arbres. L’enquête bâtiment par bâtiment identifie leur structure, leur bâti, leur statut foncier, leur occupation sociale, leur fonction. On peut commencer à associer les habitants et les usagers à la démarche de sauvegarde du patrimoine dès cette étape, notamment en leur demandant comment ils souhaitent voir évoluer leur quartier. A partir de là, des scénarii contrastés sont élaborés, en tenant compte des paramètres techniques, financiers et humains, qui abou- tissent à un arbitrage politique. Celui-ci pourra être à l’origine d’une règlementation détaillée. L’étude des pratiques urbaines peut conduire à des aménagements spécifiques : des cheminements piétons facilités dans certaines zones, une meilleure gestion des flux touristiques grâce à des places de stationnement pour les autocars ou une signalétique particulière afin de faciliter la découverte de la ville. Cette phase de diagnostic et d’étude peut s’appuyer sur l’analyse de données centralisées dans des logiciels de Système d’Information Géographique (SIG), qui permettent de croiser des applications thématiques utilisées par différents services. La ville vietnamienne se renouvelle sur elle-même... qu’est-il en train de se construire derrière cette palissade (HCMV) ? La conduite de projet Un comité de pilotage restreint associant les services techniques, les districts et un ou plusieurs experts reconnus par la communauté scientifique peut être chargé de la gestion des projets qui doit être guidée par une volonté politique forte. En août 2010, un Comité de pilotage pour la préservation du patrimoine architectural a été créé à HCMV au sein de l’HIDS, qui a été mandaté pour réaliser une étude sur le patrimoine. Les missions du Comité comprennent la programmation des plans d’action, la coordination des services concernés, l’identification des secteurs à protéger et l’élaboration des règlements pour la préservation. 6 Atelier PADDI sur « La protection du patrimoine architectural et urbain et les perspectives de gestion du patrimoine sur le centre historique d’HCMV », animé par Bruno Delas, janvier 2010 Faire la ville | 113 Chapitre 5 : Le patrimoine urbain Un moratoire possible à HCMV Pour réaliser des opérations pilotes (par exemple les secteurs de la rue Tu Xuong, du marché Ben Thanh et du quartier Cho Lon), il conviendrait, face à la forte pression immobilière, d’appliquer un moratoire des autorisations de permis de construire, afin de disposer de suffisamment de temps pour réaliser les études et mener les réflexions nécessaires. Les mutations urbaines, soumises à un règlement d’urbanisme spécifique, seraient alors gelées avec l’interdiction de construire ou de démolir, sans que les transactions soient interdites. Une opération pilote permettrait de tester la coordination des acteurs et de créer une vitrine à l’adresse des élus et des usagers. Dans cette perspective, un projet urbain de valorisation du patrimoine et de développement du quartier de Cholon pourrait être lancé prochainement à partir d’une étude réalisée en 2011 pour le DUPA par le bureau d’étude DCU sur financement du gouvernement espagnol. Cette dernière propose un cadre opérationnel pour la réhabilitation des bâtiments anciens et des espaces publics, ainsi que pour le développement du tourisme. Favoriser une culture du patrimoine Pour faciliter la mise en œuvre des projets et des règlementations, il est intéressant d’affirmer la place du patrimoine au sein de la culture urbaine et d’y sensibiliser les différents services techniques. En effet, il existe souvent une coupure nette entre les acteurs chargés de la conservation du patrimoine et les acteurs du développement urbain. Une collaboration entre les différents services concernés peut par exemple éviter des conflits d’usage de l’espace entre les commerçants, les riverains, les touristes et le trafic. Des actions de sensibilisation et d’éducation au patrimoine peuvent être engagées au sein des écoles et auprès du grand public, afin d’en faciliter l’appropriation. À Lyon, des balades urbaines thématiques sont organisées pour que les habitants, accompagnés d’un médiateur, découvrent la ville. Des « journées européennes du patrimoine » ont également lieu, en France et en Europe, 114 | Des balades thématiques sont organisées par le musée de l’histoire de Lyon (musée Gadagne) chaque troisième week-end de septembre et permettent de visiter de nombreux édifices et d’autres lieux habituellement fermés au public, ou d’avoir accès gratuitement ou à prix réduit à des musées. Une fiche d’identification des bâtiments de l’étude IMV-Interscène sur le quartier français (Hanoi) Une visite au musée de l’histoire de Lyon permet de découvrir l’évolution et les multiples facettes de la ville L’étude pour la protection et le développement de l’ancien quartier français de Hanoi 7 En raison d’un grand nombre d’opérations immobilières d’envergure réalisées ou projetées, ce quartier central, situé au sud du lac Hoan Kiêm, connaît d’importantes transformations. Certaines anciennes villas coloniales ont été détruites ou sont très délabrées, tandis que des immeubles destinés à accueillir de nouvelles fonctions tertiaires supérieures - sièges de sociétés, banques, commerces de luxe… - sont érigés sans tenir compte du patrimoine environnant et des caractéristiques du quartier. C’est pourquoi le Comité populaire de Hanoi a demandé à l’IMV de réaliser une étude de protection sur ce quartier. Débutée en 2007, elle a été copilotée par l’IMV et le DUPA de Hanoi, et réalisée par l’agence française d’urbanisme-paysagisme Interscène. Sur la base du diagnostic territorial et de l’inventaire du patrimoine réalisés, l’étude propose un règlement d’urbanisme. Les objectifs sont notamment de trouver un équilibre entre la protection du patrimoine et un développement urbain maîtrisé. La préservation de l’identité du quartier par la mise en valeur des ensembles urbains remarquables, du patrimoine végétal et des espaces publics pourrait s’effectuer tout en maintenant la diversité des fonctions (logement, commerce…) et en autorisant les changements d’usage des villas. L’inventaire du patrimoine Un inventaire systématique du patrimoine colonial (bâtiments publics et privés) et vietnamien, notamment des édifices religieux, a permis de classer plus de quatre cents bâtiments. Les éléments patrimoniaux visibles depuis l’espace public sont classés en trois catégories, outre les édifices monumentaux : les éléments « exceptionnels », au nombre de 71, les éléments « remarquables » (252) et les éléments « secondaires » (112). Chacun de ces éléments a fait l’objet d’une fiche qui présente les « généralités », l’évaluation menée par les experts vietnamiens et français et le classement de l’élément. Les données générales indiquent l’architecte, la date de construction, la taille de la parcelle, le propriétaire, la fonction du bâtiment « La citadelle, patrimoine mondial de l’UNESCO La citadelle de Hanoi, édifiée au 11ème siècle sous la dynastie des Ly a été le siège du pouvoir impérial jusqu’au 19ème siècle. Aujourd’hui demeurent le plan de l’ancienne cité impériale, des vestiges archéologiques qui font l’objet de fouilles, et des édifices, modifiés et restaurés au cours du temps (portes monumentales Doan Mon et Bac Mon, palais Hau Lau, etc.). Cet ensemble a été classé patrimoine mondial par l’UNESCO en 2010 car il témoigne de la culture originale de la basse vallée du Fleuve Rouge et est associé à des événements culturels et historiques importants. Le site est géré par le Centre de préservation et de gestion des citadelles de Thang Long et Co Loa. Un plan de préservation et de gestion particulier est en cours d’élaboration. L’IMV et la région Île-de-France ont apporté leur soutien dans la constitution du dossier de candidature au classement. Le Comité Régional du Tourisme d’Île-de-France a participé en 2008 à la rédaction du plan de gestion général et touristique du dossier Unesco avec le Centre de préservation de la citadelle Thang Long. Une étude complémentaire a été réalisée afin de proposer un plan de rénovation et d’aménagement des espaces publics de la citadelle lors de sa future ouverture aux touristes. Ses propositions concernent également la « zone tampon » de ce quartier caractérisé par de larges avenues arborées, l’ensemble du mausolée de Hô Chi Minh et de nombreuses villas coloniales en bon état, occupées par des administrations. (monument, bâtiment civil ou culturel remarquable, bâtiment religieux, commerce, résidence), son style architectural (style colonial classique, régionaliste, art-déco, moderniste, etc.). D’autres éléments patrimoniaux qui participent à la valeur de ce quartier peuvent être recensés tels les clôtures, les espaces ouverts ou le patrimoine végétal. Quatre critères principaux de sélection ont été retenus pour classer les bâtiments. L’« exemplarité » correspond au caractère remarquable de l’élément patrimonial étudié, essentiellement à ses qualités architecturales. La « cohérence au regard d’un ensemble patrimonial » correspond à la valeur supplémentaire lorsqu’il s’inscrit dans une série par exemple des constructions accompagnant un monument, plusieurs villas qui se succèdent ou qui marquent les angles d’un carrefour. La « cohérence au regard d’un ensemble urbain » désigne la valeur supplémentaire d’un élément patrimonial lorsqu’il entre dans une composition urbaine, c’est-à-dire qu’il occupe une position clé dans un espace ouvert (front de lac, carrefour, place, square..) et/ou qu’il s’inscrit dans une perspective, un ensemble urbain particulier. Ce dernier peut être composé d’éléments qui, en soi, ne présentent pas de caractère remarquable, mais qui participent à une entité urbaine remarquable. 7 Étude IMV-Interscène, « Étude pour le développement et la protection de l’ancien quartier français de Hanoi », 2007-2010 Enfin, la « valeur culturelle » correspond à la valeur symbolique attribuée à un lieu ou à un Faire la ville | 115 Chapitre 5 : Le patrimoine urbain édifice, indépendamment de son aspect et de sa valeur architecturale. L’évaluation de cette valeur symbolique, étroitement liée à la culture et à l’histoire du Viêt-Nam, a été laissée au soin des experts vietnamiens. Deux critères complémentaires, concernant l’état général du bâti et ses transformations, ont également été pris en compte. Puis les différentes notes de classement d’un même élément ont été synthétisées pour en proposer une évaluation globale. Enfin, une cartographie par secteur et par îlot a permis la localisation de chaque construction relevée, identifiée par une couleur correspondant à son évaluation (jaune pour «secondaire», orange pour « remarquable » et rouge pour « exceptionnel »). Ce plan a fait apparaître des ensembles patrimoniaux à valoriser en priorité. Selon ce plan, la protection des éléments patrimoniaux se ferait en fonction de leur classement. Les parcelles des éléments classés comme « monumentaux » deviendraient inconstructibles, ce qui garantirait contre leur éventuelle destruction. Des constructions pourraient être autorisées à l’arrière des parcelles des éléments « exceptionnels et remarquables ». Un principe de gradation dans les hauteurs des bâtiments nouveaux et des implantations en recul de la rue en fonction de sa largeur sont proposés. Enfin, Les propositions du plan d’aménagement : une liaison verte et des possibilités de renouvellement urbain modulables en fonction des secteurs Le plan d’aménagement propose la création d’un parcours piéton, favorisant les ruelles, les jardins et les berges des lacs, et qui constituerait un lien entre les différents quartiers patrimoniaux. Pour aller plus loin : • Service de l’Inventaire général du patrimoine culturel de la Région Île-deFrance, IMV, Hanoi, rêves d’Occident en Extrême-Orient, Éditions Sogomy, Images du patrimoine • Clément P., Lancret N. (dir.), Hanoi ; le cycle des métamorphoses, Éditions Recherches/ IPRAUS, 2001, Paris, 351 p. La liaison verte, une boucle de mise en valeur paysagère afin de relier le lac de l’Ouest et le lac Hoan Kiêm (Hanoi), et d’offrir des lieux et des itinéraires piétons agréables aux habitants et aux touristes les constructions d’ordre « secondaire » pourraient être démolies, bien que la préservation de leurs façades soit recommandée. De manière générale, la restauration des édifices selon un cahier des charges précis et la démolition des ajouts entre les constructions et l’alignement de la rue sont conseillées. Le diagnostic patrimonial et urbain effectué sur le quartier français de Hanoi offre une vision des ensembles patrimoniaux à valoriser 116 | Le périmètre de protection stricte comprendrait les quartiers de l’Opéra, de la cathédrale, du lac Thiên Quang et le quartier politique de Ba Dinh. En effet, un enjeu patrimonial majeur est d’appréhender et de gérer de manière coordonnée les trois quartiers historiques de la citadelle, du vieux quartier et du quartier français. Un projet de règlement d’urbanisme spécifique à ce quartier Le règlement qui accompagne le plan pourrait permettre aux services techniques municipaux et aux districts de Hoan Kiêm et de Ba Dinh de mettre en œuvre aisément les mesures proposées. Ce plan, quoique non encore officiellement approuvé par les autorités en 2012, constitue désormais pour le DUPA une référence pour la délivrance des permis de construire et la gestion de l’urbanisme. Six cents villas sont donc protégées dans les faits. Protection et valorisation touristique du patrimoine dans l’ancien village de Duong Lâm 8 Le règlement propose un classement du patrimoine à valoriser et des zones où les nouvelles constructions seraient plus ou moins en retrait de la rue en fonction de sa largeur (Hanoi) bué à mettre en évidence le patrimoine bâti de cette ancienne province, notamment les villages anciens, les pagodes et les temples. Mieux protéger et valoriser le patrimoine de la culture Doai, spécifique des villages situés à l’ouest du fleuve Rouge, est donc devenu une des priorités des autorités locales. Ainsi le village de Duong Lâm a été classé vestige historique national en 2005 en raison du cachet de son architecture faite de maisons traditionnelles préservées - la plus vieille maison du village a quatre cents ans - et de la présence de hauts lieux culturels. Ce village affiche une activité touristique croissante (plus de 70 000 visiteurs en 2010, 150 000 prévus en 2015) et souhaite l’intégrer à son développement économique. C’est pourquoi son centre de gestion du patrimoine a sollicité l’appui de la Région Île-deFrance pour une mise en valeur touristique respectueuse du site. Le projet pilote de patrimonialisation propose d’intervenir sur le tronçon de voie reliant la porte du village à la place principale, afin de valoriser sa Maison communale et son atmosphère, dénaturée par des transformations récentes. Une ruelle du village de Duong Lâm (Hanoi) 8 Étude IMV en cours. L’extension du territoire de Hanoi à l’ancienne province de Ha Tây en 2008 a contriFaire la ville | 117 Lexique Lexique NB : Compte tenu de l’utilisation plus étendue de certains sigles en anglais, nous avons conservé l’appellation anglophone. Ainsi, le département de la Planification Urbaine et de l’Architecture est le DUPA et le département des Transports et des Communications, le DoT. AFD : Agence Française de Développement ANAH : Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat ANRU : Agence Nationale de Rénovation Urbaine AOT(U) : Autorité Organisatrice des Transports (Urbains) AVAP : Aire de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine BAD : Banque Asiatique de Développement BRT : Bus Rapid Transit – Bus à Haut Niveau de Service CDF : Centre de Développement Foncier CGB ou MOCPT : Centre de Gestion des Bus de HCMV DoC : Département de la Construction DoF : Département des Finances DoNRE : Département des Ressources Naturelles et de l’Environnement DoSTE : Département des Sciences et Technologies DoT(C): Département des Transports (et des Communications à HCMV) DPI : Département du Plan et de l’Investissement DTA : Directive Territoriale d’Aménagement DUP : Déclaration d’Utilité Publique DUPA : Département de la Planification Urbaine et de l’Architecture EPA : Établissement Public d’Aménagement EPF (L) : Établissement Public Foncier (Local) HCMV : Hô Chi Minh-ville HIDS : HCMC Institute for Development Studies ICA : Autorité de Gestion de Thu Thiêm IMV : Institut des Métiers de la Ville JICA : Japan International Cooperation Agency KTT : Khu Tap The, ensembles de logements sociaux des années 1960-70 LOTI : Loi d’Orientation des Transports Intérieurs MAUR : Management Authority for Urban Railways MoC : Ministère de la Construction MoF : Ministère des Finances MoNRE : Ministère des Ressources Naturelles et de l’Environnement OIE : Observatoire de l’Immobilier d’Entreprise OPAH : Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat 118 | OPALE : Observatoire Partenarial Lyonnais en Économie OTIF : Observatoire des Transactions Immobilières et Financières PADD : Projet d’Aménagement et de Développement Durable PADDI : Centre de Prospective et d’Etudes Urbaines PDU : Plan de Déplacements Urbains PLD : Plan Local de Déplacements PLH : Programme Local de l’Habitat PLU : Plan Local d’Urbanisme PNR : Parc Naturel Régional PNRU : Programme National de Renouvellement Urbain PTU : Périmètre de Transport Urbain RATP : Régie Autonome des Transports Parisiens RER : Réseau Express Régional SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale SDPHO : Surface Développée Pondérée Hors Oeuvre SDRIF : Schéma Directeur de la Région Île-deFrance SEM : Société d’Économie Mixte SEPAL : Syndicat mixte d’Études et de Programmation de l’Agglomération Lyonnaise SHON : Surface Hors Oeuvre Nette SIG : Système d’Information Géographique SIUP : Southern Sub-Institute of Urban Planning SNCF : Société Nationale des Chemins de Fer SRADT : Schéma Régional d’Aménagement du Territoire SRU : Loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain STIF : Syndicat des Transports d’Île-de-France SWOT : Strenghs, Weaknesses, Opportunities and Threats SYTRAL : Syndicat Mixte des Transports pour le Rhône et l’Agglomération Lyonnaise TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée VIAP : Viêt-Nam Institute of Architecture and Urban and Rural Planning ZAC : Zone d’Aménagement Concerté ZAD : Zone d’Aménagement Différé ZAPA : Zone d’Actions Prioritaires pour l’Air ZPPAUP : Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager Remerciements Nous souhaitons remercier tout particulièrement Laura Petibon qui a eu la lourde tâche de synthétiser la somme considérable d’informations contenues dans les documents de travail de l’IMV et du PADDI. Cet ouvrage étant réalisé à partir des résultats des études et des ateliers menés par le PADDI et l’IMV, il n’aurait pu voir le jour sans le soutien permanent de nos partenaires vietnamiens. Le PADDI tient donc à remercier les directeurs ainsi que les équipes des départements techniques de HCMV : le département de la Planification Urbaine et de l’Architecture, l’Institut de Recherche et de Développement de HCMV (HIDS), le département des Transports et des Communications et le Centre de gestion des bus, le département des Ressources Naturelles et de l’Environnement, le département de la Construction, le Centre de conservation de l’énergie, le Comité de gestion des transports ferrés, le Comité de gestion du projet de Thu Thiem et le Centre de lutte contre les inondations. La qualité des échanges menés avec eux, la pertinence de leurs questionnements et leur volonté d’appropriation d’outils témoignent d’un partenariat actif. Les remerciements du PADDI vont également aux experts du Grand Lyon, de l’Agence d’urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise, du Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise (SYTRAL), du CERTU et des autres collectivités, notamment de Saint-Étienne et de Grenoble pour leur expertise de grande qualité et leur implication. Enfin, le PADDI remercie Madame Nguyen Hong Van, sa co-directrice, Jean-Charles Castel, son conseiller scientifique, Huynh Hong Duc son traducteur ainsi que l’équipe du PADDI. L’IMV remercie son co-directeur, M. Ha Van Quê, directeur du service des affaires extérieures du comité populaire de Hanoi, pour le soutien qu’il apporte à la coopération en urbanisme avec la région Île-de-France depuis son origine. Les remerciements de l’IMV s’adressent également aux services du comité populaire de Hanoi (département des Transports, département d’Architecture et d’Urbanisme, l’Institut de planification urbaine de Hanoi, département de la Culture, des Sports et du Tourisme, Service des relations internationales, TRAMOC, Centre de la citadelle, Bureau de gestion de l’ancien village de Duong Lâm), ainsi qu’au Ministère de la Construction et à l’Institut de recherche en architecture et de planification rurale et urbaine du Viêt-Nam pour la qualité du partenariat noué dans la réalisation des études et projets de l’IMV. Les interventions de l’IMV n’auraient pas été possibles sans l’appui précieux des experts de la région Île-de-France, notamment de l’Unité aménagement durable, du Comité Régional du Tourisme, de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la région Île-de-France, de l’agence régionale des espaces verts, du service de l’inventaire général du patrimoine culturel, de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et du Syndicat des Transports d’Île-deFrance (STIF). Qu’ils en soient remerciés. Crédits photographiques Couverture : Sandrine Llouquet, www.tumtumtree.asia Introduction : HCMV © DUPA HCMV — Expansion urbaine HCMV © PADDI — Région Rhône-Alpes - Grand Lyon © Grand Lyon — Expansion urbaine agglomération lyonnaise © Grand Lyon — Hanoi © DUPA Hanoi— Expansion urbaine Hanoi © IMV d’après le Bureau de gestion du vieux quartier de Hanoi — Région Île-de-France © Région Île-de-France — Expansion urbaine Paris © IMV d’après IAU-IdF Chapitre Planification urbaine : Schéma directeur de HCMV © DUPA HCMV — Inondations à HCMV © PADDI — Périphérie de HCMV © PADDI — Schéma directeur du centre ville © Nikken Sekkei — Schéma directeur du centre ville © Nikken Sekkei — Planification par ratios © PADDI d’après DUPA HCMV — Projet de Thu Thiêm © Sasaki — Ha Dong © C.Musil — Schéma directeur district 4 © DUPA HCMV — Workshop © PADDI — SCoT 2030 © Agence d’urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise (AUAL)— Label éco-quartier © Ministère du développement durable — Concertation © PADDI — Logo Île-de-France © Région Île-de- Faire la ville | 119 Credits photographiques France — Logo Paris métropole © Paris métropole — Logo Société du Grand Paris © Société du Grand Paris — Intercommunalité © IAU-IdF — Réunion des syndicats mixtes © Grand Lyon — Orientations stratégiques © AUAL — Schéma directeur de la Région Île-de-France © IAU-IdF — Charpente urbaine de HCMV © AUAL/P. Berger — Les quatre types de zones © AUAL — ZAC Lyon Confluence © Flickr, Calystee — Méthode d’élaboration d’un schéma directeur © PADDI d’après G.Antier — PLU de Lyon © AUAL — Planification interdistrict © DUPA HCMV — Secteurs, Lyon 2010 © AUAL — Secteurs à HCMV © AUAL/P.Berger — Schéma directeur de Hanoi © VIAP — Villes satellites à Hanoi © VIAP — SDAURP 1965 © IAU-IdF — Répartition des terres à Hanoi © VIAP — Corridor vert © IMV — Schéma régional de Hanoi © VIAP — Carte du développement économique © AUAL — Onlylyon © Flickr F.Virone — Carte des entreprises © OPALE — Carte des pôles de compétitivité © AUAL Chapitre Foncier urbain : An Phu © C.Musil — My Dinh © C.Musil — Plan foncier HCMV © DoNRE HCMV — Prix officiels© PADDI d’après DoNRE HCMV — Trung Hoa © C.Musil — Livret rose © PADDI — Plan foncier districts 1 et 2 © DoNRE HCMV — Plan foncier district 4 © DoNRE HCMV — Cadastre © Grand Lyon — Carte des secteurs d’intervention foncière © AUAL — Carte des droits de préemption © Maire d’Évry — Déclaration d’Utilité Publique © CERF — Carte des prix immobiliers © OTIF — Référentiel foncier © Grand Lyon — Terrains vacants district 8 © DUPA HCMV — Récupérations © DoC HCMV — Terrains mutables © PADDI/TGH — Phu My Hung © C.Musil — Vignettes de parcellaire © Nikken Sekkei — Lotissement © PADDI — ZAC © PADDI — Vignettes SIG © Grand Lyon — SIG outil d’analyse © Grand Lyon — SIG hauteurs © Grand Lyon — SIG référentiel © Grand Lyon — WebSIG © DoSTE HCMV Chapitre Transports urbains : Pôle d’échanges de Long Bien © C.Musil — Partage de la voirie © C.Musil — Répartition modale Hanoi © IMV — Intérieur de bus © C.Musil — Bus Transerco © IMV — Embouteillages à Bangkok © Flickr Misterfred — Encombrement des trottoirs © IMV/Interscène — Couloirs de bus © IMV — Attente du bus © C.Musil — Plan du réseau de bus © DoT HCMV/CGB HCMV — Intermodalité © Flickr J-L Zimmermann — Modes doux © SYTRAL — Communication sur l’accessibilité © SYTRAL — Rue partagée © PADDI — Urbanisme du réel/rêvé/possible © D.Mangin — Urbanisme de corridor © IPPUC — Densification préférentielle © IAU-IdF — PDU Grand Lyon © SYTRAL — Pôle d’échanges Gare du Nord © CC C.Shoshany — Informations voyageurs à Paris © Flickr J-L.Zimmerman — Coordination des réseaux © STIF — Validation Navigo © STIF — Automate Navigo © CC Greenski — Creusement du tunnel © SYTRAL — Prolongement du tramway © STIF — Grand Paris Express © STIF — Informations voyageurs à HCMV © PADDI — Intégration des réseaux à Hanoi © IMV — Cartes d’abonnement bus © IMV — Points noirs des accidents © DoT HCMV — Dépôt de bus avant/après © IMV — Formation © PADDI — Pôle d’échanges de Cholon © C.Musil — Péage de Singapour © Flickr I.Tomoaki — Croquis du pôle de Long bien © IMV — Pôle de Câu Giây avant/après © IMV — Pôle d’échanges de Nhon © IMV — Métro ligne n°3 © Systra — Périmètre du projet BRT © AUAL - DeSo - PADDI - Banque mondiale (BM) — Capacités du BRT © PADDI d’après Y.Genevois — Stations de BRT © AUAL - DeSo - PADDI - BM — Compartiments chinois © AUAL - DeSo - PADDI - BM — Accessibilité piétonne © AUAL - DeSo PADDI - BM — Boulevard Vo Van Kiet © AUAL - DeSo - PADDI - BM — Connexion des stations BRT © AUAL - DeSo - PADDI - BM — Vallée verte © AUAL - DeSo - PADDI - BM Chapitre Logement : Binh Thanh © C.Musil — Habitat diversifié © C.Musil — Barème des loyers © MoC — KTT © IMV — Boulevard Vo Van Kiet en 2005 © C.Gallavardin — Boulevard Vo Van Kiet en 2012 © PADDI — Emprises à acquérir © PADDI d’après C.Musil — Compartiments du vieux quartier © IMV — Barres de logements © PADDI — Logements Île-de-France © B.Basset, IAU-IdF — Carte des demandeurs de logements sociaux © IAU-IdF — Différentes formes de logement social © Grand Lyon — Carte des Contrats Urbains de Cohésion sociale © Grand Lyon — Grands ensembles La Duchère © J.Léone — Dynamitage © Grand Lyon — Programme de reconstruction © Grand Lyon — Récupération à Thu Thiêm © PADDI — Indemnisation à Thu Thiêm © DoC — Épicerie et relogement © PADDI — Immeuble de relogement © PADDI — Boîtes aux lettres © PADDI — Règlement d’immeuble en copropriété © PADDI — Immeubles collectifs © C.Musil Chapitre Patrimoine : citadelle de Hanoi © IMV — Compartiments à Hanoi © IMV — Carte des bâtiments coloniaux © Nikken Sekkei - DUPA — Tours du district 1 © C.Musil — Surélévation des compartiments © IMV — Villa © IMV — Villa moderne © IMV-Interscène — Compartiments à Cholon © PADDI — Alignements d’arbres © PADDI — Périmètres Unesco © Grand Lyon — Vieux Lyon © Grand Lyon — Opéra © Flickr P.Guinoiseau — Grands moulins © CC PierRoman — Secteur sauvegardé © Mairie du 4ème, Paris — Opération du passage Thiaffait © Grand Lyon — Berges du Rhône © AUAL — Palissades de chantier © IMV — Fiche d’inventaire © IMV-Interscène — Balades urbaines © Musée Gadagne — Musée © Musée Gadagne — Liaison verte © IMVInterscène — Vue d’ensemble du patrimoine © IMV-Interscène — Règlement proposé © IMV-Interscène — Village © IMV 120 | FAIRE LA VILLE Comment rendre la planification urbaine plus effective au ViêtNam ? Comment développer l’offre de logements, de services urbains, d’infrastructures, dans un pays où l’on prévoit que la part de la population urbaine (un tiers aujourd’hui) dépassera celle de la population rurale en 2040 et qui connaît le rythme d'urbanisation le plus élevé de l'Asie du Sud-Est ? Cette croissance urbaine, concentrée sur les deux métropoles de Hanoi et de Hô Chi Minh-ville, entraîne de profondes recompositions territoriales aux échelles nationale et locale. Compte tenu de la forte croissance économique et démographique, les autorités publiques et les professionnels de l’urbain travaillent dans une certaine urgence pour relever les défis d’un développement urbain très dynamique. Il s’agit, entre autres, d’améliorer la qualité de vie des habitants et d’offrir un environnement favorable au développement économique. L’urbanisme vietnamien, en pleine effervescence, est donc en quête de nouveaux outils et méthodes. Cet ouvrage synthétique et largement illustré propose, à travers une vision transversale des enjeux de l’urbanisme au Viêt-Nam, des outils opérationnels et des pistes de réflexion sur cinq thèmes : la planification urbaine, le foncier, les transports collectifs, le logement et le patrimoine. Ces éléments de débat ont émergé à partir d’échanges d’expériences sur l’urbanisme entre professionnels vietnamiens et français, dans le cadre des projets de coopération décentralisée de l’Institut des Métiers de la Ville/IMV (Région Île-de-France - Comité populaire de Hanoi) et du Centre de prospective et d’études urbaines/PADDI (Région Rhône-Alpes Grand Lyon - Comité populaire de Hô Chi Minh-Ville).