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Rouch et l’École de Harvard / Rouch and the Harvard School

2017, Le Journal des Africanistes

En 1980, Jean Rouch est invité par Robert Gardner à l’émission de télévision « Screening Room », à Boston. Rouch a présenté ses films trois ans auparavant au premier Margaret Mead Film Festival de New York, mais c’est la première fois que les téléspectateurs améri- cains de cette chaîne locale de Boston peuvent découvrir son œuvre à la télévision. Cette même année, Rouch est à Harvard, dans le cadre d’une université d’été qui le verra revenir régulièrement à Cambridge jusqu’en 1986. À partir de ses archives personnelles, cet article tente de retracer sa rencontre et ses échanges avec les anthropologues et étu- diants de Harvard, et se penche sur l’héritage aussi bien artistique que pédagogique et institutionnel de Rouch dans le champ de l’anthropolo- gie visuelle à Harvard aujourd’hui, en particulier à travers les travaux du Sensory Ethnography Lab. In 1980, Robert Gardner invited Jean Rouch onto the set of the TV show « Screening Room », in Boston. For the first time, an American audience saw Rouch’s films on a local TV channel, although Rouch had already been introduced at New York’s first Margaret Mead Film Festival three years before. That same year, in 1980, Rouch went to Harvard’s Summer School, in the first of a series of visits which would continue until 1986. This article traces these various exchanges between Rouch and the anthropologists and students of Harvard. It also considers Rouch’s artistic, institutional and educational legacy for the field of visual anthropology at Harvard today, particularly through the example of the Sensory Ethnography Lab.

Tome 87 Fascicule 1-2 DIRECTEUR DE RÉDACTION Luc Pecquet COMITÉ DE RÉDACTION Catherine Baroin, Elara Bertho, Julien Bondaz, Jean Boutrais, Andrea Ceriana Meyneri, Christian Dupuy, Jean-Baptiste Eczet, Marie-Luce Gélard, Suzanne Lallemand, Olivier Langlois, Françoise Le Guennec-Coppens, Luc Pecquet, Claude-Hélène Perrot, Élodie Razy, Christian Seignobos, Maria Teixeira, Fabio Viti COMITÉ SCIENTIFIQUE Abdoulaye Bara Diop, Françoise Héritier, Lluis Mallart Guimera, Elikia M’Bokolo, David Parkin SECRÉTARIAT DE RÉDACTION Luc Pecquet RESPONSABLES DES COMPTES RENDUS Julien Bondaz, Luc Pecquet RELECTURE Anne-Laure Blusseau MISE EN PAGES Blandine Favier Journal des africanistes TOME 87 - FASCICULE 1-2 242 | 243 Résumé Rouch et l’École de Harvard En 1980, Jean Rouch est invité par Robert Gardner à l’émission de télévision « Screening Room », à Boston. Rouch a présenté ses films trois ans auparavant au premier Margaret Mead Film Festival de New York, mais c’est la première fois que les téléspectateurs américains de cette chaîne locale de Boston peuvent découvrir son œuvre à la télévision. Cette même année, Rouch est à Harvard, dans le cadre d’une université d’été qui le verra revenir régulièrement à Cambridge jusqu’en 1986. À partir de ses archives personnelles, cet article tente de retracer sa rencontre et ses échanges avec les anthropologues et étudiants de Harvard, et se penche sur l’héritage aussi bien artistique que pédagogique et institutionnel de Rouch dans le champ de l’anthropologie visuelle à Harvard aujourd’hui, en particulier à travers les travaux du Sensory Ethnography Lab. Mots-clés : Jean Rouch, Robert Gardner, Émilie de Brigard, Lucien Castaing-Taylor, Film Study Center, Comité du film ethnographique, Sensory Ethnography Lab. Abstract Rouch and the Harvard School In 1980, Robert Gardner invited Jean Rouch onto the set of the TV show « Screening Room », in Boston. For the first time, an American audience saw Rouch’s films on a local TV channel, although Rouch had already been introduced at New York’s first Margaret Mead Film Festival three years before. That same year, in 1980, Rouch went to Harvard’s Summer School, in the first of a series of visits which would continue until 1986. This article traces these various exchanges between Rouch and the anthropologists and students of Harvard. It also considers Rouch’s artistic, institutional and educational legacy for the field of visual anthropology at Harvard today, particularly through the example of the Sensory Ethnography Lab. Keywords : Jean Rouch, Robert Gardner, Émilie de Brigard, Lucien Castaing-Taylor, Film Study Center, Comité du film ethnographique, Sensory Ethnography Lab. ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD ALICE LEROY CENTRE DE RECHERCHES SUR LES ARTS ET LE LANGAGE (CRAL), EHESS / CNRS SCREENING ROOM Sur le plateau austère de « Screening Room », deux hommes sont confortablement assis dans des fauteuils de cuir : l’un est Robert Gardner, l’animateur et coproducteur de cette émission de télévision diffusée nuitamment sur une chaîne locale de la région de Boston depuis 1973. Le second est Jean Rouch. La première question que Gardner adresse à son invité pourrait tout aussi bien s’appliquer à lui-même : « Vous considérez-vous comme un cinéaste ou comme un anthropologue1 ? » Rouch répond sans hésitation : « Les anthropologues me considèrent comme un cinéaste et les cinéastes comme un anthropologue. Mais étant Gémeaux de naissance, je peux sans difficulté me tenir en deux endroits en même temps2. » Ethnologue et cinéaste, cinéaste et ethnologue, Rouch partage avec son hôte cette indécidable dualité, gémellité plutôt que contradiction. La caméra est leur outil de travail, la pellicule, leur carnet de notes. Plus que cela, le cinéma constitue simultanément à leurs yeux un moyen de susciter des interactions avec les membres d’un groupe humain et de rendre compte de la richesse et de la variété des expériences sensibles sur le terrain. Il engage ainsi les ethnologues à repenser les conditions épistémologiques de la production du savoir dans l’enquête ethnographique. Leur réunion sur ce plateau de « Screening Room », une émission où Gardner a entrepris de rendre visibles les cinématographies les moins diffusées sur les écrans commerciaux, aurait pu intervenir, comme il l’observe lui-même, dès 1973, quand Gardner inaugurait ce programme télévisé en présentant les documentaires de John Marshall sur la police de Pittsburgh ou les films peints sur pellicule de Stan Brakhage. L’alternance de projections et de discussions au cours de l’émission procède moins de l’improbable volonté de dupliquer l’expérience de visionnage des films en salle, que d’un effort pour conférer à cette expérience une autre dimension, en l’étendant à un public peu familier des formes documentaires et expérimentales du cinéma. Le format de l’émission comme la diversité de ses invités suggère aussi des affinités électives entre les champs de la recherche et de la création, puisque pour 1. « Do you think of yourself as a filmmaker or as an anthropologist ? » 2. « Well, you see anthropologist consider me as a filmmaker and filmmakers, they consider me as an anthropologist. But you see I am Gemini by birth which means I am in two places at the same time ». JOURNAL DES AFRICANISTES 87 (1-2), 2017 : 242-261 244 Gardner, comme pour Rouch, il n’y a pas de frontière étanche entre l’ethnographie et le cinéma, non plus qu’entre les sciences et les arts. Gardner a découvert le travail de Rouch en 1957 quand, jeune anthropologue de Harvard, il a vu pour la première fois Les Maîtres fous lors du VIe Colloque international sur le film ethnographique, à Prague. Celui-ci, alors secrétaire général du Comité international du film ethnographique (le CIFE), fondé un an plus tôt à l’occasion du Ve Congrès des sciences anthropologiques et ethnologiques de Philadelphie – sur le modèle du Comité du film ethnographique français créé, lui, dès 1952 par André LeroiGourhan, avec le concours de Rouch –, est retenu en Afrique et représenté par un jeune cinéaste belge formé auprès d’Henri Storck, Luc de Heusch3. Nul doute que Gardner et son collaborateur Marshall, qui termine à cette époque The Hunters, premier d’une longue série de films sur les Ju|’hoansi du désert de Kalahari, sont curieux de suivre les progrès du CIFE. Ils ont eux-mêmes entrepris la création d’un centre dédié à la pratique du cinéma en sciences humaines, le Film Study Center, à Harvard, dans un esprit proche de celui qui anime les chercheurs du musée de l’Homme. Dans un contexte où le film ethnographique fait encore l’objet d’une certaine défiance parmi les anthropologues, une telle structure se veut simultanément un lieu de production, diffusion et conservation des films de recherche et de création, et un espace propice à l’« élaboration des propriétés stylistiques du médium cinématographique proprement dit4 ». Ces espaces, à la lisière de plusieurs champs, favorisant les formes hybrides, poursuivent un double objectif : celui de fonder des communautés artistiques et scientifiques, en encourageant la pratique cinématographique sur les terrains de recherche des anthropologues et sociologues. S’il n’existe pas de liens formels entre le musée de l’Homme de Paris et le Film Study Center de Cambridge, les ethnologues et cinéastes de chacune de ces institutions se reconnaissent mutuellement, et lorsque Gardner termine son premier long métrage, en 1963, Dead Birds, sur les rituels guerriers des Dani en Nouvelle-Guinée, il confie à Rouch la traduction et l’enregistrement du commentaire français. Il faut dire que l’un et l’autre partagent la conviction que le cinéma recèle des puissances esthétiques et dramaturgiques incomparables avec les autres formes d’écriture – quelle que soit, par ailleurs, l’élaboration toute personnelle qu’ils font chacun de ces puissances, Gardner allant progressivement vers un style plus expérimental, dont le montage est l’opération essentielle, quand Rouch privilégie la poésie accidentelle du tournage comme rencontre et expérience de partage. 3. Gallois 2009. De Heusch, suivant les traces d’Henri Storck qui s’était embarqué avec Marcel Griaule pour filmer l’expédition Dakar-Djibouti en 1931, s’est tourné vers l’anthropologie au début des années 1950. 4. « [A]n investigation into stylistic consideration of the film medium itself ». Gardner 1957: 350. 245 ALICE LEROY JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD Mais revenons sur le plateau de « Screening Room » : Rouch commence, dans un anglais délicieux, à tisser le fil de sa propre légende, et raconte comment, jeune ingénieur des Ponts et Chaussées, il fit d’abord sauter des ponts à la fin de la guerre avant d’en construire de nouveaux après la libération. Pour lui, l’ethnologie et le cinéma ont toujours été de concert : quand il découvre, à cinq ans, Nanook de Robert Flaherty dans une salle brestoise, ou lorsque, jeune homme, il fait son éducation cinéphile auprès d’Henri Langlois à la Cinémathèque française avant de partir pour le Niger découvrir les rituels de possessions qui fourniront le sujet de ses premiers films. Gardner et lui ont préparé un certain nombre d’extraits de films pour l’émission. Curieusement, ce ne sont pas Moi, un noir ou Chronique d’un été, les films qui ont fait connaître Rouch en France, d’abord auprès des critiques des Cahiers du cinéma puis du public, qui ont été sélectionnés pour être diffusés ce soir-là, mais des films plus proches de la méthode d’observation privilégiée dans le champ de l’anthropologie depuis les travaux de Gregory Bateson et Margaret Mead à Bali. Gardner introduit ainsi, sous le titre Rhythm of Work, une séquence d’un film de recherche sur les gestes du travail quotidien5, dans laquelle la caméra mobile de Rouch s’approche d’un groupe de femmes qui chantent en pilant le mil au rythme du martèlement des pilons. Deux extraits du cycle de films sur le rituel du Sigui, réalisé avec Germaine Dieterlen entre 1967 et 1972, sont ensuite commentés en direct par Rouch qui décide de bouleverser la succession ordonnée des projections et des échanges pour improviser un commentaire en anglais et en direct sur les images du Sigui des Dogon. La parole de Rouch se superpose aux images filmées en son synchrone et adopte ce ton identifiable entre tous, cette voix qui improvise tout en ayant l’air de réciter, ou bien qui récite tout en ayant l’air d’improviser. « J’ai toujours improvisé les choses, explique-t-il à son hôte, comme nous le faisons en ce moment même, et cela me plaît parce qu’on ne sait jamais quelle en sera la conclusion6. » Ce commentaire improvisé sur le plateau de « Screening Room » offre peut-être une image plus juste de la personnalité et de la méthode de Rouch que le choix d’extraits de ses films ou les questions posées par Gardner. La forme même de cette improvisation est réminiscente des premières projections de ses films, comme Rouch se plaît à le rappeler lui-même à propos des Maîtres fous, diffusé en intégralité en dernière partie d’émission. Cette fois, c’est une version anglaise qui est présentée, avec un commentaire enregistré au préalable. Il est difficile d’imaginer quel public regarde ce programme à une heure aussi tardive de cette nuit du 9 juillet 1980, et Gardner ne peut s’empêcher, à la fin de l’émission, de 5. On retrouve cette séquence trois ans plus tard dans le montage de Dionysos. 6. « I’m always improvizing something, as we are doing now and I like it because we don’t know what could be the end of it ». JOURNAL DES AFRICANISTES 87 (1-2), 2017 : 242-261 246 se demander quelles seront les réactions des téléspectateurs et s’ils ne verront pas dans ces Maîtres fous une offense à ces hommes possédés par une transe violente, exposant sans pudeur face à la caméra leurs rictus déments, éructant des paroles délirantes et marchant comme des automates. Rouch lui rapporte la réaction bien connue de Marcel Griaule et de la plupart des spectateurs quand, en 1954, il projeta le film pour la première fois au musée de l’Homme, improvisant le commentaire depuis la cabine et sentant monter la colère de la salle, « comme une tempête en mer ». Parce qu’il croyait en la valeur de son travail, et peut-être aussi par goût de la polémique, Rouch n’écouta pas ceux qui, à l’instar de Griaule, lui enjoignaient de détruire sa copie, et le destin des Maîtres fous se joua dans les pages de France Observateur sous la plume d’André Bazin7, puis à Venise où le film obtint le grand prix de la Mostra en 1957. L’histoire des Maîtres fous a suffisamment été commentée pour qu’on ne s’y arrête pas une nouvelle fois, mais le souvenir des réactions très divergentes suscitées par le film présente Rouch sous un double éclairage, celui de l’anthropologie et celui du cinéma, l’une et l’autre ne s’accordant par toujours sur la portée de ses inventions stylistiques : si la plus grande part de la communauté scientifique autour de Rouch en 1954 ne peut admettre l’existence d’un film comme les Maîtres fous, c’est bien parce que celui-ci saisit la puissance dramaturgique de ce rituel où sont parodiées les figures du pouvoir colonial. Ce n’est pas par hasard que Jean Genet puis Peter Brook s’inspireront de ce petit théâtre de la cruauté pour y chercher, l’un, les personnages des Nègres, l’autre une méthode actorale pour Marat-Sade. En évoluant vers les formes expérimentales et ludiques de l’ethnofiction ou du cinéma-vérité, Rouch n’a cessé par la suite de creuser cette ambiguïté du film, préférant, à l’observation pseudoobjectivante, la performance collective. Dans le portrait esquissé au cours des 75 minutes de l’émission de juillet 1980, il apparaît clairement que deux des aspects fondamentaux de cette exploration du cinéma comme outil de terrain et forme de création appartiennent, d’une part, à l’usage de la parole (associée à l’hyper-mobilité de la caméra, c’est elle qui noue les registres du quotidien et du mythe, du prosaïque et de la transe, du document et du récit), et, d’autre part, à la réflexivité des savoirs, qui engage toujours une situation de partage et d’échange. Le film s’avère ainsi un matériau de travail pour l’ethnologue, principalement dans la mesure où il peut être débattu et critiqué par ceux qui l’ont conçu comme par ceux qui y ont pris part, et même par ceux qui n’ont de lien ni avec l’histoire des formes filmiques, ni avec celle de l’anthropologie mais qui partagent le goût de la conversation. 7. « Le film Maîtres fous n’est pas la survivance d’une pratique religieuse, mais la naissance d’un culte », écrit Bazin (1957). 247 ALICE LEROY JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD EXERCICE DE PÉDAGOGIE ROUCHIENNE En 1980, Rouch n’est pas seulement venu dans le Massachusetts parler de ses films sur un plateau de télévision, il est pour la première fois invité à Harvard, dans le cadre d’une « Summer School » qui le verra revenir chaque année, à l’exception d’une fois, jusqu’en 1986. Cela fait néanmoins trois ans déjà que ses films circulent dans les institutions et universités américaines, depuis qu’en septembre 1977, Émilie de Brigard l’a convié au premier Margaret Mead Film Festival à New York, où l’homme et son œuvre ont fait sensation. Il reste de cette rencontre fondatrice entre Rouch et le public américain un formidable petit témoignage : un ciné-portrait de Margaret Mead improvisé dans son bureau, avec Rouch à l’image et Marshall au son8. Émilie de Brigard est l’artisan de la révélation de Rouch sur la scène académique américaine et elle est naturellement associée, trois ans plus tard, au premier séminaire estival tenu par Rouch à Harvard. Elle en assure une forme d’introduction théorique et historique, à travers un cours qui précède la venue de Rouch et familiarise, durant trois semaines, les étudiants avec l’histoire et les enjeux du film ethnographique. Rouch n’arrive que mi-juillet, avec son aura de conteur et un nombre considérable de films dans ses valises. Il est difficile de reconstituer le programme exact de son enseignement à Harvard à partir des rares notes présentes dans ses archives : ce qu’il prépare néanmoins avec un luxe de détails, ainsi qu’en témoignent des listes interminables, rédigées à la main ou à la machine et constamment annotées, c’est le programme des films projetés. Leur étude révèle non seulement la cinéphilie de celui qui s’est formé entre deux institutions voisines, la Cinémathèque de Chaillot et le musée de l’Homme, mais elle témoigne surtout de la pédagogie rouchienne : on y trouve bien entendu des films « ethnographiques », à commencer par les siens, ceux de Marcel Griaule, Gregory Bateson et Margaret Mead, Timothy et Patsy Asch, David et Judith MacDougall, et bien sûr Marshall et Gardner. On y lit aussi en filigrane une certaine histoire du documentaire et du film ethnographique, qui invoque le Kinoglaz de Dziga Vertov, les symphonies urbaines du même Vertov et de Walter Ruttmann, les ethnofictions de Robert Flaherty et la poésie de Jean Vigo, aussi bien que Las Hurdes de Luis Buñuel ou Le Tempestaire de Jean Epstein. Figurent encore au programme les films d’amis : Ricky Leacock qui vient en voisin du MIT, Oumarou Ganda, le truculent « Edward G. Robinson » de Moi, un noir devenu cinéaste, et qui disparaît brutalement le 1er janvier 1981, Joris Ivens, Michel Brault, ou encore Johan van der Keuken. Enfin, des films plus inattendus trouvent place dans les marges de ces listes, suggérés peutêtre par les échanges avec ses homologues de Harvard : les films de Maya 8. Rouch et Marshall 1978. JOURNAL DES AFRICANISTES 87 (1-2), 2017 : 242-261 248 Deren, de Jim McBride, et même un film de Bruce Baillie, Castro Street, plus proche de la cinéphilie de Gardner que de celle de Rouch. Il est à noter que la méthode pédagogique de ces sessions estivales emprunte aux fameux cours de « cinéma et sciences humaines » de la Cinémathèque de Chaillot que Rouch tient depuis 1972 à destination des étudiants de Nanterre et de la Sorbonne, et de toute une population hétéroclite d’assidus, de nationalités et d’horizons divers. Lors de ces séances matinales du samedi, baptisées par leurs participants « la boucherie » tant la discussion et l’analyse critiques s’y exercent sans restriction aucune et aux dépens des réalisateurs qui acceptent de se prêter au jeu, le public se voit proposer un programme de films qui sont ensuite débattus. L’objectif pédagogique de Rouch est double, comme il l’explique dans une synthèse de 1992 destinée à la Cinémathèque : il s’agit non seulement « d’initier les étudiants au cinéma documentaire [...] [et plus largement à toutes les formes filmiques] en projetant des films en présence de leurs réalisateurs, mais également de les introduire à la réflexion sur le rôle du cinéma en sciences humaines9 ». C’est là, sans doute, le cœur de cette articulation si rouchienne entre théorie et pratique : pas de « reading-list », ni de cours articulé, mais une immersion intensive dans la matière des images, et des échanges à bâtons rompus. L’oralité est la condition de cet enseignement, la conversation son mode d’exercice. Cela explique notamment la diversité des profils de ceux qui prennent part à ces séminaires hors norme : étudiants, doctorants, chercheurs de diverses disciplines, mais aussi cinéastes et cinéphiles de tout crin. L’on voit ici combien cette méthode d’enseignement, élaborée depuis les années 1950, adapte les méthodes de travail de la pratique filmique de Rouch à un programme pédagogique : la parole et la réflexivité en constituent les modalités essentielles et l’interdisciplinarité, le cadre privilégié. Dès 1948, le Centre de formation à la recherche ethnologique (CFRE) dirigé par André Leroi-Gourhan a mis en œuvre des « cours d’initiation aux techniques de la photographie, du cinéma et de l’enregistrement sonore10 ». Le Comité du film ethnographique assume cet enseignement à partir de 1952, avec le concours de Roger Morillère, engagé comme « technicien de la prise de vues ». À compter du début des années 1960, ce programme de cours devient un laboratoire des nouvelles techniques d’enregistrement synchrone de l’image et du son et s’ouvre à d’autres disciplines de sciences humaines (la psychologie et la sociologie). Si cette formation rencontre un succès grandissant auprès des étudiants (91 étudiants de première année suivent ces cours en 1967-1968, et 150 en 1968-1969), son organisation reste assez expérimentale, comme 9. Rouch 1992, non paginé. 10. Fonds Jean Rouch, BnF, département des manuscrits, NAF 28464. 249 ALICE LEROY JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD en témoigne le compte rendu d’une réunion tenue le 15 janvier 196811, au cours de laquelle des étudiants sont invités à partager leurs impressions : la plupart d’entre eux n’avaient jusqu’alors « aucune habitude des documents audio-visuels », ainsi qu’ils l’expliquent, avant d’ajouter que les séances de projection et de débat devraient être plus systématiquement articulées avec les autres cours et avec l’étude des ouvrages d’anthropologie qui, notent-ils, sont « très différents » des films visionnés. Sur quoi fondent-ils cette distinction ? « Le propre du film, c’est de montrer ce qui n’est pas définissable. » C’est là une définition que Rouch lui-même aurait pu donner de sa pratique quand il se demandait quel autre outil que la caméra pouvait décrire le phénomène de la possession et « la métamorphose inquiétante d’une vieille femme fatiguée en un dieu véhément12 ». ÉVALUATION ET RÉFLEXIVITÉ Un aspect remarquable de ces enseignements relève de leur mode d’évaluation qui s’applique non seulement aux étudiants mais aussi aux enseignants, et peut être compris comme une extension du principe de réflexivité. Le contrôle continu n’est pas, dans l’esprit de Rouch, une sanction administrative mais une opportunité pour les étudiants d’exercer leur créativité et leur esprit critique. Les énoncés des sujets d’examens du cours de « cinéma et sciences humaines » sont symptomatiques de l’interdiscipliinterdisciplinarité effective de cet enseignement et de la réflexion avant-gardiste que mène Rouch sur l’articulation des rapports entre arts et savoirs. Les intitulés des sujets proposés aux étudiants encouragent non seulement la créativité et la réflexion personnelle de ces derniers, mais ils témoignent aussi de la tâche du cinéma dans le champ des sciences humaines selon Rouch : – À l’université McGill de Montréal, Henri Langlois a donné pendant trois ans des anti-cours de cinéma, sous forme de films présentés au premier trimestre. Que pensez-vous de tels cours ? Comparez-les aux cours classiques d’histoire du cinéma. – Quelle différence faites-vous entre le langage du cinéma muet et celui du cinéma parlant, tels qu’en rendent compte les films d’Epstein présentés au cours (La Glace à trois faces, Le Tempestaire, La Chute de la maison Usher, Six et demi, onze) ainsi que L’Atalante de Jean Vigo et Ménilmontant de Dimitri Kirsanoff ? – Peut-on parler, comme le faisait André Leroi-Gourhan, d’une ethnographie par le cinéma de fiction ? Traitez ce sujet en vous 11. Id. 12. Rouch 1995 : 38. JOURNAL DES AFRICANISTES 87 (1-2), 2017 : 242-261 250 appuyant sur les films suivants : Tenga d’Idrissa Ouédraogo, Mon oncle Antoine et Rouli-roulant de Claude Jutra, Folie ordinaire d’une fille de Cham de Jean Rouch, L’Autre de Mado Le Gall. – Quel rôle peut jouer à votre avis le cinéma comme outil de recherche en sciences humaines ? On notera que ces sujets offrent aux étudiants la possibilité de s’exprimer sur toutes les questions qui intéressent la conception d’un enseignement de cinéma en sciences humaines : les anti-cours de Langlois (une performance axée sur la découverte des films et sur la parole et la personnalité de Langlois lui-même) sont proposés comme des contre-modèles aux cours « classiques » d’histoire du cinéma ; les différences stylistiques liées aux usages des techniques du son et de l’image sont appréhendées à travers les expérimentations avant-gardistes des cinéastes français des années 1920 ; les frontières entre science et fiction se trouvent contredites par des formes qui ne renoncent pas à la scientificité en dénonçant la fausse objectivité du film dit « scientifique » ; le film est d’emblée envisagé comme un outil de recherche et non comme un outil de vulgarisation de la recherche. Le cinéma n’est dès lors pas enseigné pour lui-même, mais dans la perspective de produire de nouvelles formes de savoirs en sciences sociales, en proposant des modalités inédites d’expression des problèmes et des résultats scientifiques, par le truchement d’expérimentations techniques et stylistiques, au moyen d’outils audiovisuels. Un rapport de 1973 au conseil scientifique de l’université de Paris 10 Nanterre13 fait ainsi état de deux aspects de l’enseignement de la pratique au sein de cette « formation de recherches cinématographiques » de l’UER de sciences sociales : un aspect technologique vise à l’inventaire et à l’expérimentation « des possibilités d’ordre technique offertes par les appareils d’enregistrement et de lecture actuellement disponibles14 » ; et un aspect méthodologique est relatif au « parti que les sciences humaines peuvent tirer de ces possibilités ». Différents travaux de réalisation investissent ce volet méthodologique, à commencer par des projets envisageant « l’image animée comme moyen d’investigation permettant l’observation des activités sensibles non verbales ». On trouve ainsi un programme de « cinématographie de la vie matérielle » – avec des films privilégiant de longues séquences sur des activités familiales ou artisanales (La Petite Ménagère et La 13. Fonds Jean Rouch, BnF, département des manuscrits, NAF 28464. 14. On imagine à quel point la dimension technique d’une telle formation est importante ; durant cette même année 1973, la formation a d’ailleurs fait l’acquisition de matériel vidéo : une caméra Akai portative couleur, un moniteur couleur, un magnétoscope portatif 1/2 pouce Sony, mais aussi une caméra mixte optique 16 mm et vidéo Aaton, et un magnétophone portable professionnel. 251 ALICE LEROY JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD Toilette d’Annie Comolli ou Le Coiffeur itinérant et Laveuses de Claudine de France) ou des activités sportives (Le Judo français de Yasuhiro Ohmori et Musculation d’Annie Comolli et Claudine de France) – ; un programme de « Cinématographie des relations sociales », avec l’étude de la vie quotidienne dans le 15e arrondissement de Paris ou de « l’évolution des attitudes et des aspirations de petits exploitants de l’Hérault, confrontés aux transformations économiques et sociales ». Dans d’autres travaux, l’image animée est prise comme objet d’étude, « considérée en elle-même ou rapportée à l’évolution de l’instrumentation sensorielle » – ce qui donne lieu, par exemple, à la réalisation d’« un film expérimental consacré à la danse et dans lequel l’activité de l’opérateur constitue l’un des éléments de la chorégraphie ». Enfin, les outils d’enregistrement et de lecture d’images animées sont mobilisés dans le cadre d’un programme d’« épistémologie de l’observation cinématographique », qui n’est autre que la formalisation de la réflexivité qu’appelle tout dispositif filmique dans le cadre d’une recherche scientifique, selon Rouch. À ces questionnements épistémologiques sur les conditions de production d’un savoir par le truchement de technologies audiovisuelles tentent de répondre des films qui interrogent leur propre point de vue (réflexivité) et leur propre forme (expérimentation) : « C’est dans cet esprit qu’a été conçu le film de Jean-Christophe Rose, Le Corps blessé, réalisé à la suite d’une réflexion critique sur les catégories de la pensée du corps, et dans lequel l’auteur s’efforce de tirer parti du pouvoir synesthésique de l’image animée pour contrecarrer la domination de la vue. » Cet enseignement pratique, à la fois technique et méthodologique, se double d’un solide bagage théorique d’analyse des œuvres filmiques. À cette fin, la formation produit aussi des films didactiques « où alternent des extraits d’œuvres classiques et contemporaines et des entretiens critiques animés par Jean Douchet, Roger Mobilière et Éric Rohmer ». Pour l’année 1973-1974, le programme d’enseignement se distribue donc suivant une alternance de cours théoriques assurés par des personnalités comme Henri Langlois, Jean Douchet, Jean Rouch et Enrico Fulchignoni, et d’ateliers de pratique délivrés par Jean-Pierre Beauviala ou Gilles Marsolais, sans compter un cours facultatif de « gymnastique préparatoire au tournage ». La même combinaison de théorie et de pratique structure les Summer Schools de Rouch à Harvard, et, comme autrefois les étudiants de Nanterre, les participants de ces sessions estivales sont invités à exercer leur esprit critique et à réfléchir au rôle du cinéma dans le champ des sciences sociales. En 1981, l’« examination book » d’un étudiant venu de Belgique, Eric Pauwels, nous renseigne sur l’esprit de ces Summer Schools rouchiennes. Conformément aux consignes de la feuille d’examen, Pauwels a rédigé une lettre à un ami dans laquelle il donne sa définition du « film ethnographique ». JOURNAL DES AFRICANISTES 87 (1-2), 2017 : 242-261 252 Au terme de trois semaines de cours avec Émilie de Brigard (une histoire du film ethnographique qui nous a permis d’étudier les travaux les plus représentatifs de l’anthropologie, et en particulier un certain nombre de films [...]), Rouch est arrivé. Soudain – tandis qu’il nous présente son travail –, il devient évident que l’anthropologie est quelque chose « avec » et non « sur » des personnes. Bien entendu, science et savoir sont essentiels, mais prendre conscience que l’anthropologie est une expérience qui doit être partagée avec les personnes est d’une importance capitale. Le « cinéma », cet outil combinant l’image et le son, est en ce sens la technique la plus aboutie pour montrer son expérience et partager son analyse. À travers l’usage du film en anthropologie, il devient enfin possible de saisir la subtilité de la limite entre le réel et la fiction. Quand des anthropologues étudient et travaillent avec des personnes (des « primitifs ») qui conçoivent la réalité et l’imaginaire dans une relation si étroite, quand des scientifiques vivent avec des hommes qui comprennent le monde dans des termes mythologiques et une rationalité qui leur est propre, il est fondamental qu’ils sachent à quel point l’anthropologie est une question de sensibilité, de temps et d’amour15. Pauwels a obtenu la note « A- » lors des examens finaux de cette université d’été de 1981, nul doute que pour ses évaluateurs, il avait parfaitement saisi les enjeux d’une défense du cinéma dans le champ des sciences humaines en général, et de l’anthropologie en particulier. On ne saurait mieux exprimer l’alliance de l’ethnographie et du cinéma pour Rouch, le second offrant de saisir les termes de la première non plus dans un langage ethnocentré et nécessairement limité par quelque jargon académique mais dans celui, contrasté et sensible, des techniques combinées de l’image et du son. Sur un plan narratif et esthétique, le film démultiplie les possibilités d’expression des situations vécues par l’ethnographe et ses interlocuteurs, en instituant un partage de leurs expériences. Sur un plan épistémologique, l’usage des 15. La lettre est bien évidemment rédigée en anglais, la traduction est de mon fait. Je reproduis ci-après la citation telle quelle : « After a three weeks of class of Emilie de Brigard (history of anthropological film where we looked at some of the most representative anthropological works (films) [...]), Rouch arrived here. Suddenly – because he is showing his work – it is so clear that anthropology is something “with” people and not “about” people. Of course, science and knowledge are essential, but knowing that anthropology is an experience that you have to share with the people is capital. “Film”, the instrument of image and sound put together is, in that way, the best technic you can use to show your experience, to share your analysis. With the use of film in anthropology, you understand how subtle is the limit between reality and fiction. When anthropologists are studying and dealing with people (“primitives”) who think that reality and imaginary are so closed to each other, when scientists live with people who elucidate the world in mythological and irrational terms, they have to know how much anthropology is a question of sensibility, of time, of love ». 253 ALICE LEROY JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD outils audiovisuels dans le champ de l’anthropologie vise à contrecarrer une vision étroite du savoir, conditionnée par l’objectivité scientifique, dont Rouch montre dans ses propres films qu’elle n’est jamais qu’une fiction ou un arrangement avec les situations observées. Le savoir scientifique n’appartient pas au seul ethnologue étudiant d’autres modes d’existence, il est coconstruit dans des interactions sociales que la caméra peut contribuer à créer en favorisant des situations d’échange et de jeu. Peu importe que la frontière entre le réel et la fiction ne puisse plus être délimitée, elle ne l’est pas non plus dans l’existence quotidienne. L’anthropologie partagée s’entend dès lors comme une méthode d’enquête ethnographique et une communauté de pensée fondée par l’expérience du tournage. DES LABORATOIRES AU CARREFOUR DES MONDES DE LA SCIENCE ET DE L’ART À travers ces expérimentations pédagogiques, Rouch livre aussi une bataille institutionnelle, celle qui l’oppose à des traditions réticentes à voir les techniques audiovisuelles investir le champ des pratiques scientifiques, et plus encore à créer des ponts entre le monde de la recherche et celui de la création. C’est là, précisément, un axe sur lequel il rencontre le soutien plein et entier de ses collègues de Harvard : le Film Study Center est d’une certaine manière l’équivalent du laboratoire audiovisuel de la Ve section (« Sciences religieuses ») de l’École pratique des hautes études, créé en 1963 à l’initiative de Claude Lévi-Strauss et Dieterlen, et dirigé par Jean Rouch et Gilbert Rouget (qui laisse la direction en 1974). Ce laboratoire de l’EPHE vise à initier chaque année une vingtaine d’étudiants aux techniques audiovisuelles légères afin de favoriser leur emploi dans les études de terrain des phénomènes religieux. Il ne s’agit donc pas de former des professionnels du cinéma, mais des scientifiques capables d’être autonomes dans la réalisation de formes audiovisuelles, maîtrisant par conséquent les formats du 16 mm, du Super 8 et de la vidéo. Si le laboratoire encourage et soutient la production de films de recherche, cela tient pour une part à ce que les outils techniques d’enregistrement de l’image et du son offrent le moyen d’étudier des comportements rituels, des gestualités codifiées ou des formes de transe que l’observation directe ne permet pas d’analyser précisément : « ces aspects ne sont apparus qu’après examens répétés des comportements rituels enregistrés, en utilisant des changements de vitesse (accéléré, ralenti, arrêt sur l’image)16 », souligne Rouch avec Roger Morillère et Dominique François dans leur rapport d’activité en 1978. Il a, d’autre part, vocation à constituer une archive de films scientifiques, avec pour fin « l’établissement d’une cinémathèque des films intéressant 16. Rouch et al. 1978 : 435. JOURNAL DES AFRICANISTES 87 (1-2), 2017 : 242-261 254 les sciences religieuses17 ». Le laboratoire audiovisuel de l’EPHE se situe dès lors sur un terrain expérimental déjà exploré par le Comité du film ethnographique (CFE), celui d’un espace de recherche à la croisée des mondes de l’art et de la science. Les mêmes ambitions animent les fondateurs du Film Study Center de Harvard, consacré au soutien et à la promotion de « travaux qui enregistrent et interprètent le monde en images et en sons18 », dans une perspective qui vise cette fois non seulement à favoriser l’intégration des outils audiovisuels aux pratiques scientifiques et la production de films de recherche, mais aussi l’accueil, à travers un système de résidences, d’artistes et de créateurs travaillant dans le domaine du film, du son et bientôt des nouveaux médias. Ce dialogue entre recherche et création fait ainsi l’objet d’une articulation plus étroite outre-Atlantique, où l’influence du cinéma d’avant-garde (film expérimental, film d’animation et essai documentaire) détermine pour une part importante la réflexion esthétique qui accompagne la fondation de telles structures. L’une des spécificités propres au laboratoire Audiovisuel de l’EPHE relève de l’établissement de diplômes « comportant une partie filmée19 » : les étudiants peuvent valider leur diplôme, qu’il s’agisse de leur maîtrise, leur doctorat de troisième cycle ou leur doctorat d’État, avec un travail faisant un usage important des outils du cinéma et de la vidéo. Le format expérimental de ces thèses audiovisuelles est étendu, à partir de 1978, aux doctorats de cinématographie des universités de Paris 10 et Paris 1, sous la houlette de directeurs de thèse tels que Jean Rouch, Marc Ferro, Claudine de France, Enrico Fulchignoni ou Dominique Noguez. Cette fois, la thèse est principalement constituée par la réalisation d’un film documentaire de court ou moyen métrage, accompagné d’un mémoire de réflexion sur le travail de réalisation et de montage du film et sur les événements qu’il documente. Parmi les étudiants qui choisissent ce format inédit de doctorat, quelques cinéastes en devenir comme Idrissa Ouédraogo, Euzhan Palcy, Dai Sijie, Jean-Louis Le Tacon et Pauwels (qui aura suivi Rouch à Paris pour soutenir en 1984 une thèse intitulée Enthousiasme et simulation dans le jeu de l’acteur). De manière remarquable, un laboratoire fondé en 2006 à l’université Harvard par l’anthropologue et cinéaste Lucien Castaing-Taylor opère la synthèse idéale de ces différentes plateformes hybrides de recherche et création. Le Sensory Ethnography Lab (SEL) s’est progressivement fait connaître hors du champ académique, à travers des productions récompensées dans des festivals de cinéma et sélectionnées par des institutions 17. Ibid. : 436. 18. « Work that records and interprets the world in images and sounds ». Voir « About the FSC », URL : http://www.filmstudycenter.org/about.html (consulté le 15 août 2017). 19. Rouch et al. 1978 : 433. 255 ALICE LEROY JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD muséales pour être exposées dans le cadre de manifestations artistiques. Ses membres ont pourtant pour point commun d’appartenir en premier lieu au champ de l’anthropologie : s’ils s’aventurent dans les domaines de l’art contemporain et du cinéma, c’est que leurs réalisations portent une attention particulière à la dimension esthétique de leur recherche. On a donc là des scientifiques qui, à l’instar de ceux du laboratoire audiovisuel de l’EPHE voilà plus de cinquante ans, font usage des médiums analogiques et aujourd’hui numériques pour enregistrer et interpréter le monde en images et en sons, non seulement parce que ces outils sont les plus adéquats pour l’analyse des phénomènes qu’ils étudient, mais aussi parce que leur recherche articule simultanément un volet scientifique et un volet artistique. Cette association de l’esthétique et de l’ethnographie, les membres du SEL l’assument et la revendiquent : l’une et l’autre ne s’amoindrissent pas mais offrent au contraire de penser à nouveaux frais les méthodes et les enjeux de l’enquête ethnographique et de produire du savoir sous d’autres formes que celles des modalités discursives du monde académique. Sont ainsi investies « les multiples dimensions du monde, tant animé qu’inanimé, qui trouveraient difficilement à s’exprimer à travers une prose discursive », peut-on lire sur le site du laboratoire. De la sorte, « la plupart des travaux produits par le SEL prennent pour sujet la praxis corporelle et la fabrique affective de l’existence humaine et animale20 », accomplissant de façon assez exemplaire, en l’étendant aux formes de vie non humaines, le programme fixé par Edgar Morin en 1962 qui engageait le cinéma ethnographique et sociologique à se rendre sensible au « tissu affectif de l’expérience humaine21 ». Deux paramètres sont essentiels dans le programme du SEL : d’une part, toutes ses réalisations se fondent sur l’expérience intensive d’un terrain, entendu à la fois comme cadre de l’enquête scientifique et espace-temps du tournage ; d’autre part, elles prennent acte de la prééminence d’un nouveau paradigme visuel dans le champ des sciences humaines qui, après les travaux de W.J.T. Mitchell22, détermine une élaboration nouvelle des formes du savoir par le truchement de technologies audiovisuelles et aujourd’hui multimédias. Comme pour Rouch et Gardner, ces technologies ne sont 20. « Harnessing perspectives drawn from the arts, the social and natural sciences, and the humanities, the SEL encourages attention to the many dimensions of the world, both animate and inanimate, that may only with difficulty, if it all, be rendered with propositional prose. Most works produced in the SEL take as their subject the bodily praxis and affective fabric of human and animal existence ». Voir Sensory Ethngraphy Lab, URL : https://sel.fas.harvard.edu (consulté le 15 août 2017). 21. Morin 1962, non paginé. 22. Mitchell 1994. Mitchell soutient qu’un « tournant visuel » (« pictorial turn ») a succédé au « tournant linguistique » (« linguistic turn ») qui, d’après le philosophe américain Richard Rorty, dominait le champ des sciences humaines depuis l’après-guerre, sous l’influence de la linguistique et du structuralisme. JOURNAL DES AFRICANISTES 87 (1-2), 2017 : 242-261 256 jamais appréhendées tels de simples outils d’enregistrement qui permettraient l’accumulation de données attendant d’être interprétées par l’ethnologue, encore moins comme une sorte de seconde élaboration du savoir en vue de sa vulgarisation. Les techniques de l’image et du son participent au contraire de l’élaboration première du savoir : les films, les œuvres sonores, les installations audiovisuelles et les dispositifs multimédias conçus dans le cadre du SEL constituent des formes génératrices de savoir parce qu’ils parviennent à exprimer la matérialité et la temporalité de l’expérience du terrain, aussi bien que la variété des interactions sensorielles et affectives qui la composent, mieux que n’importe quelle forme discursive. La proximité entre le SEL et les expériences pédagogiques de Rouch ne saurait être établie sur la base d’une filiation revendiquée, elle se joue de façon plus ténue dans l’articulation entre recherche et création, théorie et pratique, formes documentaires et expérimentales, que proposent en particulier les enseignements dispensés par les chercheurs du laboratoire aux étudiants inscrits dans un cursus au sein des départements d’anthropologie ou d’études visuelles et environnementales (Visual and Environmental Studies). Ces cours alliant la théorie et la pratique – ce qui n’a rien d’extraordinaire désormais – rappellent par leurs intitulés et leurs programmes ceux de la « Formation de recherches cinématographiques » de Nanterre. En première année, par exemple, les étudiants se voient proposer un cours théorique intitulé « Exploring Culture Through Film » portant sur des films non fictionnels – soient des œuvres qui ne relèvent pas directement du champ de la fiction cinématographique, c’est-à-dire des films documentaires, expérimentaux ou ethnographiques, par exemple – qui investissent le champ de « l’existence humaine, de l’expérience vécue et de la différence sociale et culturelle, des années 1920 à aujourd’hui23 ». Un tel cours eût pu figurer au programme de la « formation de recherches cinématographiques » de Nanterre, tant les corpus étudiés s’y avèrent proches : des films plus récents, ceux de Joshua Oppenheimer, Kidlat Tahimik ou Jana Ševčíková, sont simplement venus s’ajouter à ceux de Robert Flaherty, Luis Buñuel, Maya Deren, Tim Asch, Marshall, David et Judith MacDougall, Gardner, et Rouch lui-même. L’enjeu de ce cours d’introduction rejoint celui qu’assignait Rouch à l’enseignement de la théorie et de la pratique filmiques au sein des départements de sciences humaines autrefois : il s’agit de « questionner les problèmes et les perspectives des différentes modalités et traditions de réalisation ; l’estompement des frontières entre les genres cinématographiques et la multiplicité des interactions que ces 23. Extrait du syllabus du cours « Exploring Culture Through Film », VES 73, ANTH1645, Harvard, automne 2015. « [H]uman existence, lived experience, and cultural and societal difference, from the 1920s to the present ». Je remercie Lucien Castaing-Taylor de m’avoir communiqué les syllabus des cours du SEL. 257 ALICE LEROY JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD formes permettent d’établir entre le film et le monde ; les enjeux éthiques et épistémologiques des représentations audiovisuelles ; ainsi que les relations mises en jeu entre les sujets filmés, les opérateurs et les spectateurs dans un ensemble varié de contextes culturels, occidentaux et non occidentaux, coloniaux et postcoloniaux ». Ne sont donc pas considérés dans le cadre de ce cours les seuls films réalisés par des ethnologues mais toute réalisation audiovisuelle qui aborde le champ de l’expérience humaine en prenant non seulement acte de la densité des interactions culturelles et sociales qui s’y jouent, mais aussi des questions soulevées par sa propre intervention dans ce monde qu’elle représente. Il n’est pas inintéressant qu’un tel cours soit associé à un enseignement pratique au sein duquel les étudiants sont accompagnés dans un projet personnel de réalisation. Intitulé « Sensory ethnography », ce dernier cours porte sur le renouvellement d’une tradition cinématographique dans le champ d’une anthropologie qui a bien souvent négligé d’interroger la nature des technologies qu’elle employait au nom d’une supposée neutralité de ces images mécaniquement produites. À rebours d’une telle objectivation, il s’agit d’interroger la nature des technologies de l’image et du son, sur un plan à la fois technique, épistémologique et esthétique, de façon à questionner leurs usages dans le cadre de l’enquête ethnographique. En d’autres termes, les technologies audiovisuelles et multimédias sont envisagées comme un nouveau « sensorium », qui « défamiliarise l’apparence familière des choses24 » pour nous les faire apercevoir sous un nouveau jour. La tâche d’un apprentissage pratique de ces techniques variées répond ainsi au « potentiel qu’elles incarnent, non seulement pour les anthropologues mais pour un ensemble de disciplines académiques et de pratiques artistiques, dans leur capacité unique de combinaison et de juxtaposition de mots et d’images ; de son et de silence ; d’immobilité et de mouvement ; de photo-graphique et de cinématographique ; d’analogique et de numérique ; de linéaire et de non linéaire25 ». La variété des modalités combinatoires des différents types d’image et de son, à l’ère du numérique plus encore qu’à celle de la technique argentique, invite donc à multiplier les expérimentations formelles et narratives, à inventer de nouvelles dramaturgies du réel, à explorer les possibles du montage pour rendre compte de la simultanéité des phénomènes et de la diversité des interactions, verbales et non verbales, qui composent le tissu de l’expérience humaine et non humaine du monde. 24. « To render the apparently familiar unfamiliar » Extrait du syllabus du cours « Sensory Ethnography II », VES 158cr, ANTH 1832cr, Harvard, automne 2014. 25. « Potential not just for anthropology but for an array of academic disciplines and artistic practices, in their unique capacity for combining and juxtaposing words and images; the auditory and the non-auditory; the still and the moving; the photographic and the cinematic; the analogue and the digital; the linear and the non-linear ». Idem. JOURNAL DES AFRICANISTES 87 (1-2), 2017 : 242-261 258 Radicalisant l’exigence épistémologique et esthétique d’un usage du film dans le champ des sciences humaines qui ne soit ni préparatoire ni accessoire à l’élaboration du savoir, le SEL déploie une critique plus radicale encore du logocentrisme scientifique, en reliant systématiquement l’enquête ethnographique à une expérimentation des technologies audiovisuelles. Les travaux réalisés par les chercheurs du SEL déploient ainsi une réflexion sur leur forme aussi bien que sur leur objet. Dans Sweetgrass (2009), le film de Lucien Castaing-Taylor et Ilisa Barbash qui a lui-même été une espèce de laboratoire du laboratoire (son tournage puis son montage ont accompagné pendant près de sept ans la conception du SEL), les réalisateurs ont fixé des micros sans fil aux brebis et aux bergers pour saisir dans un tout sonique et organique cette communauté zoo-humaine engagée dans l’une des dernières transhumances à travers les montagnes d’Absaroka Beartooth, dans le Montana. Dans Leviathan (2012), tourné deux ans plus tard par Lucien Castaing-Taylor et Verena Paravel, ce sont des GoPro, ces petites caméras que leur résistance aux chocs et à l’humidité réserve habituellement aux tournages de films de sports extrêmes, qui ont été attachées aux corps humains et non humains (machines, mâts, treuils, filets, etc.) sur un chalutier en Atlantique nord. Le flot chaotique des images composant cette violente symphonie marine, saisies au bord de l’écume par une caméra fixée au bout d’une perche, ou ensevelie sous la masse de poissons déversés sur le pont, prend ainsi le contre-pied d’une tradition du film de pêche qui, de John Grierson à Mario Ruspoli, avait jusqu’alors donné une vision beaucoup plus romantique des travailleurs de la mer. Verena Paravel est aussi l’auteure, avec John-Paul Sniadecki, d’une ethnographie filmée au cœur d’un quartier du Queens dominé par une immense casse de voitures. Dans Foreign Parts (2010), le montage associe ce monde de chair et de tôle en voie de déliquescence à un tableau dantesque : l’anéantissement des carcasses de voitures vaut comme métaphore du devenir de ce quartier promis à la gentrification. Spécialiste de la Chine contemporaine, Sniadecki a tourné deux ans plus tard un planséquence de 78 minutes, People’s Park (coréalisé avec Libbie D. Cohn), au cœur d’un parc public chinois dans lequel les promenades quotidiennes et les animations anodines prennent des airs de rituels chorégraphiés et de spectacle majestueux. Travaillant également à partir de la durée du plan pour saisir le cours régulier de l’existence, Manakamana (2013), réalisé par Stephanie Spray et Pacho Velez, représente le trajet d’un téléphérique au-dessus de la forêt népalaise vers un temple hindou dont la durée coïncide exactement avec celle d’un magasin de film 16 mm, conférant à cet espace-temps suspendu dans le vide, entre fixité et mouvement, une densité qui déporte ces trajets de pèlerins vers une réflexion sur l’expérience du temps filmique. Quant à Ernst Karel, ethnomusicologue qui collabore 259 ALICE LEROY JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD à ces différentes productions et enseigne l’ethnographie sonique aux étudiants du SEL, il est aussi l’auteur d’une œuvre électro-acoustique qui déploie sous la forme d’installations et de performances les paysages sonores des laboratoires de Harvard (Heard Laboratories, 2010) aussi bien que des téléfériques des Alpes suisses (Swiss Mountain Transport Systems, 2011). On voit à travers ces quelques exemples combien le SEL est un espace expérimental pareil à ceux que Rouch n’a cessé d’imaginer pour susciter de telles inventions techniques et esthétiques. Bien entendu, il ne s’agit pas de tracer une ligne continue de l’un à l’autre, le seul usage de la voix off si spécifique à la narration et à la poétique rouchiennes, et au contraire si critiqué dans les productions du SEL qui délaissent tout commentaire, peut en témoigner. Le SEL s’inscrit sans doute plus spécifiquement dans la filiation immédiate du Film Study Center et de la figure de son fondateur Gardner, plus prompt à faire dialoguer le film expérimental et le film ethnographique. Il n’en demeure pas moins que la conversation engagée par Rouch avec Gardner sur le plateau de « Screening Room » voilà plus de trente-cinq ans n’aura d’une certaine manière jamais été interrompue : elle aura engendré des institutions jumelles, des expériences pédagogiques innovantes, et surtout une propension croissante à l’hybridation des formes scientifiques et artistiques des savoirs, dont le Sensory Ethnography Lab peut être considéré comme l’élaboration la plus actuelle. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES bazin André, 1957, Les Maîtres fous, France Observateur 389, 24 octobre 1957, non paginé. gallois Alice, 2009, Le cinéma ethnographique en France : le Comité du film ethnographique, instrument de son institutionnalisation ? (1950-1970), 1895. 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Cohn & John Paul Sniadecki, 78 min. spray Stephanie, Velez Pacho, 2013, Manakamana, prod. Lucien CastaingTaylor & Véréna Paravel, 118 min JEAN ROUCH, ETHNOLOGUE ET CINÉASTE Luc PECQUET Paul HENLEY Damien MOTTIER Alice GALLOIS Florence BOYER Roger CANALS Éric Komlavi HAHONOU Christian LALLIER Michael MEYER Jean-Frédéric DE HASQUE Alice LEROY Emilie DE BRIGARD Luc PECQUET, Françoise FOUCAULT, Barberine FEINBERG Françoise FOUCAULT, Barberine FEINBERG, Luc PECQUET Anaïs MAUUARIN Jean Rouch, ethnologue et cinéaste Présentation Avant Jean Rouch. Le cinéma « ethnographique » français tourné en Afrique subsaharienne Jean Rouch au rendez-vous de juillet : métamorphose d’un ethnologue cinéaste Migrations et acculturation en Afrique de l’Ouest des années 1950 sous l’œil de Jean Rouch Va-et-vient et circulation : la contemporanéité des travaux de Jean Rouch sur les migrations sahéliennes Jean Rouch and the question of mobility. Notes on Petit à petit and the globalization of Afro-American religions anthropologie partagée à une anthropologie de la citoyenneté Le cadre théâtral chez Jean Rouch : des Re-framing the ethnographic encounter: Les Maîtres fous ciné transe », évolution ou disparition de l’interaction entre Jean Rouch et l’école de Harvard Indian Summer School: Rouch in New England Intermède 1 « Très sérieux dans son manque de sérieux » Intermède 2 Fiction réelle et œil de cristal. Les explorations photographiques de Jean Rouch Jean-Paul COLLEYN Paul STOLLER Storytelling, Rouch and the Anthropological Future MÉLANGES In Memoriam (Georges Balandier) Notes et documents Commentaire et improvisation. L’innovation de Philippe LOURDOU Jean Rouch dans la mise en scène de la parole Agnès GALLOISCHEILLAND, Le fonds d’archives sonores de Jean Rouch Pascal CORDEREIX, à la BnF Alain CAROU Aventure créatrice avec Jean Rouch Gilbert MAZLIAH Anthropologie visuelle DAMIEN MOTTIER Mozambique Comptes rendus Ouvrages reçus Informations I SSN 03 99-0 3-46 I SBN 9 78- 2- 90 8 9 4 8 - 4 6 - 2 35 €