Tome 87
Fascicule 1-2
DIRECTEUR DE RÉDACTION
Luc Pecquet
COMITÉ DE RÉDACTION
Catherine Baroin, Elara Bertho, Julien Bondaz, Jean Boutrais,
Andrea Ceriana Meyneri, Christian Dupuy, Jean-Baptiste Eczet,
Marie-Luce Gélard, Suzanne Lallemand, Olivier Langlois, Françoise
Le Guennec-Coppens, Luc Pecquet, Claude-Hélène Perrot, Élodie Razy,
Christian Seignobos, Maria Teixeira, Fabio Viti
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Abdoulaye Bara Diop, Françoise Héritier, Lluis Mallart Guimera,
Elikia M’Bokolo, David Parkin
SECRÉTARIAT DE RÉDACTION
Luc Pecquet
RESPONSABLES DES COMPTES RENDUS
Julien Bondaz, Luc Pecquet
RELECTURE
Anne-Laure Blusseau
MISE EN PAGES
Blandine Favier
Journal des africanistes
TOME 87 - FASCICULE 1-2
242 | 243
Résumé
Rouch et l’École de Harvard
En 1980, Jean Rouch est invité par Robert Gardner à l’émission de
télévision « Screening Room », à Boston. Rouch a présenté ses films
trois ans auparavant au premier Margaret Mead Film Festival de
New York, mais c’est la première fois que les téléspectateurs américains de cette chaîne locale de Boston peuvent découvrir son œuvre à
la télévision. Cette même année, Rouch est à Harvard, dans le cadre
d’une université d’été qui le verra revenir régulièrement à Cambridge
jusqu’en 1986. À partir de ses archives personnelles, cet article tente
de retracer sa rencontre et ses échanges avec les anthropologues et étudiants de Harvard, et se penche sur l’héritage aussi bien artistique que
pédagogique et institutionnel de Rouch dans le champ de l’anthropologie visuelle à Harvard aujourd’hui, en particulier à travers les travaux
du Sensory Ethnography Lab.
Mots-clés : Jean Rouch, Robert Gardner, Émilie de Brigard,
Lucien Castaing-Taylor, Film Study Center, Comité du film
ethnographique, Sensory Ethnography Lab.
Abstract
Rouch and the Harvard School
In 1980, Robert Gardner invited Jean Rouch onto the set of the TV
show « Screening Room », in Boston. For the first time, an American
audience saw Rouch’s films on a local TV channel, although Rouch
had already been introduced at New York’s first Margaret Mead Film
Festival three years before. That same year, in 1980, Rouch went
to Harvard’s Summer School, in the first of a series of visits which
would continue until 1986. This article traces these various exchanges
between Rouch and the anthropologists and students of Harvard. It
also considers Rouch’s artistic, institutional and educational legacy for
the field of visual anthropology at Harvard today, particularly through
the example of the Sensory Ethnography Lab.
Keywords : Jean Rouch, Robert Gardner, Émilie de Brigard,
Lucien Castaing-Taylor, Film Study Center, Comité du film
ethnographique, Sensory Ethnography Lab.
ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD
ALICE LEROY
CENTRE DE RECHERCHES SUR LES ARTS
ET LE LANGAGE (CRAL), EHESS / CNRS
SCREENING ROOM
Sur le plateau austère de « Screening Room », deux hommes sont confortablement assis dans des fauteuils de cuir : l’un est Robert Gardner, l’animateur et coproducteur de cette émission de télévision diffusée nuitamment
sur une chaîne locale de la région de Boston depuis 1973. Le second est
Jean Rouch. La première question que Gardner adresse à son invité pourrait
tout aussi bien s’appliquer à lui-même : « Vous considérez-vous comme un
cinéaste ou comme un anthropologue1 ? » Rouch répond sans hésitation :
« Les anthropologues me considèrent comme un cinéaste et les cinéastes
comme un anthropologue. Mais étant Gémeaux de naissance, je peux
sans difficulté me tenir en deux endroits en même temps2. » Ethnologue
et cinéaste, cinéaste et ethnologue, Rouch partage avec son hôte cette
indécidable dualité, gémellité plutôt que contradiction. La caméra est leur
outil de travail, la pellicule, leur carnet de notes. Plus que cela, le cinéma
constitue simultanément à leurs yeux un moyen de susciter des interactions
avec les membres d’un groupe humain et de rendre compte de la richesse
et de la variété des expériences sensibles sur le terrain. Il engage ainsi
les ethnologues à repenser les conditions épistémologiques de la production du savoir dans l’enquête ethnographique. Leur réunion sur ce plateau
de « Screening Room », une émission où Gardner a entrepris de rendre
visibles les cinématographies les moins diffusées sur les écrans commerciaux, aurait pu intervenir, comme il l’observe lui-même, dès 1973, quand
Gardner inaugurait ce programme télévisé en présentant les documentaires
de John Marshall sur la police de Pittsburgh ou les films peints sur pellicule de Stan Brakhage. L’alternance de projections et de discussions au
cours de l’émission procède moins de l’improbable volonté de dupliquer
l’expérience de visionnage des films en salle, que d’un effort pour conférer
à cette expérience une autre dimension, en l’étendant à un public peu familier des formes documentaires et expérimentales du cinéma. Le format de
l’émission comme la diversité de ses invités suggère aussi des affinités
électives entre les champs de la recherche et de la création, puisque pour
1. « Do you think of yourself as a filmmaker or as an anthropologist ? »
2. « Well, you see anthropologist consider me as a filmmaker and filmmakers, they consider me
as an anthropologist. But you see I am Gemini by birth which means I am in two places at the
same time ».
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Gardner, comme pour Rouch, il n’y a pas de frontière étanche entre l’ethnographie et le cinéma, non plus qu’entre les sciences et les arts.
Gardner a découvert le travail de Rouch en 1957 quand, jeune anthropologue de Harvard, il a vu pour la première fois Les Maîtres fous lors du
VIe Colloque international sur le film ethnographique, à Prague. Celui-ci,
alors secrétaire général du Comité international du film ethnographique (le
CIFE), fondé un an plus tôt à l’occasion du Ve Congrès des sciences anthropologiques et ethnologiques de Philadelphie – sur le modèle du Comité
du film ethnographique français créé, lui, dès 1952 par André LeroiGourhan, avec le concours de Rouch –, est retenu en Afrique et représenté
par un jeune cinéaste belge formé auprès d’Henri Storck, Luc de Heusch3.
Nul doute que Gardner et son collaborateur Marshall, qui termine à cette
époque The Hunters, premier d’une longue série de films sur les Ju|’hoansi
du désert de Kalahari, sont curieux de suivre les progrès du CIFE. Ils ont
eux-mêmes entrepris la création d’un centre dédié à la pratique du cinéma
en sciences humaines, le Film Study Center, à Harvard, dans un esprit
proche de celui qui anime les chercheurs du musée de l’Homme. Dans un
contexte où le film ethnographique fait encore l’objet d’une certaine défiance parmi les anthropologues, une telle structure se veut simultanément
un lieu de production, diffusion et conservation des films de recherche
et de création, et un espace propice à l’« élaboration des propriétés stylistiques du médium cinématographique proprement dit4 ». Ces espaces,
à la lisière de plusieurs champs, favorisant les formes hybrides, poursuivent un double objectif : celui de fonder des communautés artistiques et
scientifiques, en encourageant la pratique cinématographique sur les terrains de recherche des anthropologues et sociologues. S’il n’existe pas de
liens formels entre le musée de l’Homme de Paris et le Film Study Center
de Cambridge, les ethnologues et cinéastes de chacune de ces institutions
se reconnaissent mutuellement, et lorsque Gardner termine son premier
long métrage, en 1963, Dead Birds, sur les rituels guerriers des Dani en
Nouvelle-Guinée, il confie à Rouch la traduction et l’enregistrement du
commentaire français. Il faut dire que l’un et l’autre partagent la conviction que le cinéma recèle des puissances esthétiques et dramaturgiques
incomparables avec les autres formes d’écriture – quelle que soit, par ailleurs, l’élaboration toute personnelle qu’ils font chacun de ces puissances,
Gardner allant progressivement vers un style plus expérimental, dont le
montage est l’opération essentielle, quand Rouch privilégie la poésie accidentelle du tournage comme rencontre et expérience de partage.
3. Gallois 2009. De Heusch, suivant les traces d’Henri Storck qui s’était embarqué avec Marcel
Griaule pour filmer l’expédition Dakar-Djibouti en 1931, s’est tourné vers l’anthropologie au
début des années 1950.
4. « [A]n investigation into stylistic consideration of the film medium itself ». Gardner 1957: 350.
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ALICE LEROY
JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD
Mais revenons sur le plateau de « Screening Room » : Rouch commence,
dans un anglais délicieux, à tisser le fil de sa propre légende, et raconte comment, jeune ingénieur des Ponts et Chaussées, il fit d’abord sauter des ponts à
la fin de la guerre avant d’en construire de nouveaux après la libération. Pour
lui, l’ethnologie et le cinéma ont toujours été de concert : quand il découvre,
à cinq ans, Nanook de Robert Flaherty dans une salle brestoise, ou lorsque,
jeune homme, il fait son éducation cinéphile auprès d’Henri Langlois à la
Cinémathèque française avant de partir pour le Niger découvrir les rituels de
possessions qui fourniront le sujet de ses premiers films. Gardner et lui ont
préparé un certain nombre d’extraits de films pour l’émission. Curieusement,
ce ne sont pas Moi, un noir ou Chronique d’un été, les films qui ont fait connaître Rouch en France, d’abord auprès des critiques des Cahiers du cinéma
puis du public, qui ont été sélectionnés pour être diffusés ce soir-là, mais des
films plus proches de la méthode d’observation privilégiée dans le champ
de l’anthropologie depuis les travaux de Gregory Bateson et Margaret Mead
à Bali. Gardner introduit ainsi, sous le titre Rhythm of Work, une séquence
d’un film de recherche sur les gestes du travail quotidien5, dans laquelle
la caméra mobile de Rouch s’approche d’un groupe de femmes qui chantent en pilant le mil au rythme du martèlement des pilons. Deux extraits
du cycle de films sur le rituel du Sigui, réalisé avec Germaine Dieterlen
entre 1967 et 1972, sont ensuite commentés en direct par Rouch qui décide
de bouleverser la succession ordonnée des projections et des échanges pour
improviser un commentaire en anglais et en direct sur les images du Sigui
des Dogon. La parole de Rouch se superpose aux images filmées en son synchrone et adopte ce ton identifiable entre tous, cette voix qui improvise tout
en ayant l’air de réciter, ou bien qui récite tout en ayant l’air d’improviser.
« J’ai toujours improvisé les choses, explique-t-il à son hôte, comme nous
le faisons en ce moment même, et cela me plaît parce qu’on ne sait jamais
quelle en sera la conclusion6. » Ce commentaire improvisé sur le plateau de
« Screening Room » offre peut-être une image plus juste de la personnalité
et de la méthode de Rouch que le choix d’extraits de ses films ou les questions posées par Gardner. La forme même de cette improvisation est réminiscente des premières projections de ses films, comme Rouch se plaît à le rappeler lui-même à propos des Maîtres fous, diffusé en intégralité en dernière
partie d’émission. Cette fois, c’est une version anglaise qui est présentée,
avec un commentaire enregistré au préalable. Il est difficile d’imaginer
quel public regarde ce programme à une heure aussi tardive de cette nuit
du 9 juillet 1980, et Gardner ne peut s’empêcher, à la fin de l’émission, de
5. On retrouve cette séquence trois ans plus tard dans le montage de Dionysos.
6. « I’m always improvizing something, as we are doing now and I like it because we don’t know
what could be the end of it ».
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se demander quelles seront les réactions des téléspectateurs et s’ils ne verront pas dans ces Maîtres fous une offense à ces hommes possédés par une
transe violente, exposant sans pudeur face à la caméra leurs rictus déments,
éructant des paroles délirantes et marchant comme des automates. Rouch
lui rapporte la réaction bien connue de Marcel Griaule et de la plupart des
spectateurs quand, en 1954, il projeta le film pour la première fois au musée
de l’Homme, improvisant le commentaire depuis la cabine et sentant monter
la colère de la salle, « comme une tempête en mer ». Parce qu’il croyait en
la valeur de son travail, et peut-être aussi par goût de la polémique, Rouch
n’écouta pas ceux qui, à l’instar de Griaule, lui enjoignaient de détruire
sa copie, et le destin des Maîtres fous se joua dans les pages de France
Observateur sous la plume d’André Bazin7, puis à Venise où le film obtint
le grand prix de la Mostra en 1957. L’histoire des Maîtres fous a suffisamment été commentée pour qu’on ne s’y arrête pas une nouvelle fois, mais le
souvenir des réactions très divergentes suscitées par le film présente Rouch
sous un double éclairage, celui de l’anthropologie et celui du cinéma, l’une
et l’autre ne s’accordant par toujours sur la portée de ses inventions stylistiques : si la plus grande part de la communauté scientifique autour de
Rouch en 1954 ne peut admettre l’existence d’un film comme les Maîtres
fous, c’est bien parce que celui-ci saisit la puissance dramaturgique de ce
rituel où sont parodiées les figures du pouvoir colonial. Ce n’est pas par
hasard que Jean Genet puis Peter Brook s’inspireront de ce petit théâtre de
la cruauté pour y chercher, l’un, les personnages des Nègres, l’autre une
méthode actorale pour Marat-Sade. En évoluant vers les formes expérimentales et ludiques de l’ethnofiction ou du cinéma-vérité, Rouch n’a cessé par
la suite de creuser cette ambiguïté du film, préférant, à l’observation pseudoobjectivante, la performance collective. Dans le portrait esquissé au cours
des 75 minutes de l’émission de juillet 1980, il apparaît clairement que deux
des aspects fondamentaux de cette exploration du cinéma comme outil de
terrain et forme de création appartiennent, d’une part, à l’usage de la parole
(associée à l’hyper-mobilité de la caméra, c’est elle qui noue les registres
du quotidien et du mythe, du prosaïque et de la transe, du document et du
récit), et, d’autre part, à la réflexivité des savoirs, qui engage toujours une
situation de partage et d’échange. Le film s’avère ainsi un matériau de travail pour l’ethnologue, principalement dans la mesure où il peut être débattu
et critiqué par ceux qui l’ont conçu comme par ceux qui y ont pris part, et
même par ceux qui n’ont de lien ni avec l’histoire des formes filmiques, ni
avec celle de l’anthropologie mais qui partagent le goût de la conversation.
7. « Le film Maîtres fous n’est pas la survivance d’une pratique religieuse, mais la naissance
d’un culte », écrit Bazin (1957).
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ALICE LEROY
JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD
EXERCICE DE PÉDAGOGIE ROUCHIENNE
En 1980, Rouch n’est pas seulement venu dans le Massachusetts parler
de ses films sur un plateau de télévision, il est pour la première fois invité
à Harvard, dans le cadre d’une « Summer School » qui le verra revenir
chaque année, à l’exception d’une fois, jusqu’en 1986. Cela fait néanmoins
trois ans déjà que ses films circulent dans les institutions et universités
américaines, depuis qu’en septembre 1977, Émilie de Brigard l’a convié
au premier Margaret Mead Film Festival à New York, où l’homme et son
œuvre ont fait sensation. Il reste de cette rencontre fondatrice entre Rouch
et le public américain un formidable petit témoignage : un ciné-portrait
de Margaret Mead improvisé dans son bureau, avec Rouch à l’image et
Marshall au son8. Émilie de Brigard est l’artisan de la révélation de Rouch
sur la scène académique américaine et elle est naturellement associée,
trois ans plus tard, au premier séminaire estival tenu par Rouch à Harvard.
Elle en assure une forme d’introduction théorique et historique, à travers un
cours qui précède la venue de Rouch et familiarise, durant trois semaines,
les étudiants avec l’histoire et les enjeux du film ethnographique. Rouch
n’arrive que mi-juillet, avec son aura de conteur et un nombre considérable
de films dans ses valises. Il est difficile de reconstituer le programme exact
de son enseignement à Harvard à partir des rares notes présentes dans ses
archives : ce qu’il prépare néanmoins avec un luxe de détails, ainsi qu’en
témoignent des listes interminables, rédigées à la main ou à la machine et
constamment annotées, c’est le programme des films projetés. Leur étude
révèle non seulement la cinéphilie de celui qui s’est formé entre deux institutions voisines, la Cinémathèque de Chaillot et le musée de l’Homme,
mais elle témoigne surtout de la pédagogie rouchienne : on y trouve bien
entendu des films « ethnographiques », à commencer par les siens, ceux
de Marcel Griaule, Gregory Bateson et Margaret Mead, Timothy et Patsy
Asch, David et Judith MacDougall, et bien sûr Marshall et Gardner. On
y lit aussi en filigrane une certaine histoire du documentaire et du film
ethnographique, qui invoque le Kinoglaz de Dziga Vertov, les symphonies urbaines du même Vertov et de Walter Ruttmann, les ethnofictions
de Robert Flaherty et la poésie de Jean Vigo, aussi bien que Las Hurdes
de Luis Buñuel ou Le Tempestaire de Jean Epstein. Figurent encore au
programme les films d’amis : Ricky Leacock qui vient en voisin du MIT,
Oumarou Ganda, le truculent « Edward G. Robinson » de Moi, un noir
devenu cinéaste, et qui disparaît brutalement le 1er janvier 1981, Joris
Ivens, Michel Brault, ou encore Johan van der Keuken. Enfin, des films
plus inattendus trouvent place dans les marges de ces listes, suggérés peutêtre par les échanges avec ses homologues de Harvard : les films de Maya
8. Rouch et Marshall 1978.
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Deren, de Jim McBride, et même un film de Bruce Baillie, Castro Street,
plus proche de la cinéphilie de Gardner que de celle de Rouch.
Il est à noter que la méthode pédagogique de ces sessions estivales
emprunte aux fameux cours de « cinéma et sciences humaines » de la
Cinémathèque de Chaillot que Rouch tient depuis 1972 à destination des
étudiants de Nanterre et de la Sorbonne, et de toute une population hétéroclite
d’assidus, de nationalités et d’horizons divers. Lors de ces séances
matinales du samedi, baptisées par leurs participants « la boucherie » tant
la discussion et l’analyse critiques s’y exercent sans restriction aucune et
aux dépens des réalisateurs qui acceptent de se prêter au jeu, le public se
voit proposer un programme de films qui sont ensuite débattus. L’objectif
pédagogique de Rouch est double, comme il l’explique dans une synthèse
de 1992 destinée à la Cinémathèque : il s’agit non seulement « d’initier
les étudiants au cinéma documentaire [...] [et plus largement à toutes les
formes filmiques] en projetant des films en présence de leurs réalisateurs,
mais également de les introduire à la réflexion sur le rôle du cinéma en
sciences humaines9 ». C’est là, sans doute, le cœur de cette articulation si
rouchienne entre théorie et pratique : pas de « reading-list », ni de cours
articulé, mais une immersion intensive dans la matière des images, et des
échanges à bâtons rompus. L’oralité est la condition de cet enseignement,
la conversation son mode d’exercice. Cela explique notamment la diversité
des profils de ceux qui prennent part à ces séminaires hors norme :
étudiants, doctorants, chercheurs de diverses disciplines, mais aussi
cinéastes et cinéphiles de tout crin. L’on voit ici combien cette méthode
d’enseignement, élaborée depuis les années 1950, adapte les méthodes de
travail de la pratique filmique de Rouch à un programme pédagogique :
la parole et la réflexivité en constituent les modalités essentielles et
l’interdisciplinarité, le cadre privilégié. Dès 1948, le Centre de formation
à la recherche ethnologique (CFRE) dirigé par André Leroi-Gourhan a mis
en œuvre des « cours d’initiation aux techniques de la photographie, du
cinéma et de l’enregistrement sonore10 ». Le Comité du film ethnographique
assume cet enseignement à partir de 1952, avec le concours de Roger
Morillère, engagé comme « technicien de la prise de vues ». À compter du
début des années 1960, ce programme de cours devient un laboratoire des
nouvelles techniques d’enregistrement synchrone de l’image et du son et
s’ouvre à d’autres disciplines de sciences humaines (la psychologie et la
sociologie). Si cette formation rencontre un succès grandissant auprès des
étudiants (91 étudiants de première année suivent ces cours en 1967-1968,
et 150 en 1968-1969), son organisation reste assez expérimentale, comme
9. Rouch 1992, non paginé.
10. Fonds Jean Rouch, BnF, département des manuscrits, NAF 28464.
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ALICE LEROY
JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD
en témoigne le compte rendu d’une réunion tenue le 15 janvier 196811, au
cours de laquelle des étudiants sont invités à partager leurs impressions : la
plupart d’entre eux n’avaient jusqu’alors « aucune habitude des documents
audio-visuels », ainsi qu’ils l’expliquent, avant d’ajouter que les séances
de projection et de débat devraient être plus systématiquement articulées
avec les autres cours et avec l’étude des ouvrages d’anthropologie qui,
notent-ils, sont « très différents » des films visionnés. Sur quoi fondent-ils
cette distinction ? « Le propre du film, c’est de montrer ce qui n’est pas
définissable. » C’est là une définition que Rouch lui-même aurait pu donner
de sa pratique quand il se demandait quel autre outil que la caméra pouvait
décrire le phénomène de la possession et « la métamorphose inquiétante
d’une vieille femme fatiguée en un dieu véhément12 ».
ÉVALUATION ET RÉFLEXIVITÉ
Un aspect remarquable de ces enseignements relève de leur mode d’évaluation qui s’applique non seulement aux étudiants mais aussi aux enseignants, et peut être compris comme une extension du principe de réflexivité. Le contrôle continu n’est pas, dans l’esprit de Rouch, une sanction
administrative mais une opportunité pour les étudiants d’exercer leur créativité et leur esprit critique. Les énoncés des sujets d’examens du cours de
« cinéma et sciences humaines » sont symptomatiques de l’interdiscipliinterdisciplinarité effective de cet enseignement et de la réflexion avant-gardiste que
mène Rouch sur l’articulation des rapports entre arts et savoirs. Les intitulés des sujets proposés aux étudiants encouragent non seulement la créativité et la réflexion personnelle de ces derniers, mais ils témoignent aussi
de la tâche du cinéma dans le champ des sciences humaines selon Rouch :
– À l’université McGill de Montréal, Henri Langlois a donné
pendant trois ans des anti-cours de cinéma, sous forme de films
présentés au premier trimestre. Que pensez-vous de tels cours ?
Comparez-les aux cours classiques d’histoire du cinéma.
– Quelle différence faites-vous entre le langage du cinéma
muet et celui du cinéma parlant, tels qu’en rendent compte les
films d’Epstein présentés au cours (La Glace à trois faces, Le
Tempestaire, La Chute de la maison Usher, Six et demi, onze)
ainsi que L’Atalante de Jean Vigo et Ménilmontant de Dimitri
Kirsanoff ?
– Peut-on parler, comme le faisait André Leroi-Gourhan, d’une
ethnographie par le cinéma de fiction ? Traitez ce sujet en vous
11. Id.
12. Rouch 1995 : 38.
JOURNAL DES AFRICANISTES 87 (1-2), 2017 : 242-261
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appuyant sur les films suivants : Tenga d’Idrissa Ouédraogo, Mon
oncle Antoine et Rouli-roulant de Claude Jutra, Folie ordinaire
d’une fille de Cham de Jean Rouch, L’Autre de Mado Le Gall.
– Quel rôle peut jouer à votre avis le cinéma comme outil de
recherche en sciences humaines ?
On notera que ces sujets offrent aux étudiants la possibilité de s’exprimer
sur toutes les questions qui intéressent la conception d’un enseignement de
cinéma en sciences humaines : les anti-cours de Langlois (une performance
axée sur la découverte des films et sur la parole et la personnalité de
Langlois lui-même) sont proposés comme des contre-modèles aux cours
« classiques » d’histoire du cinéma ; les différences stylistiques liées aux
usages des techniques du son et de l’image sont appréhendées à travers les
expérimentations avant-gardistes des cinéastes français des années 1920 ;
les frontières entre science et fiction se trouvent contredites par des formes
qui ne renoncent pas à la scientificité en dénonçant la fausse objectivité
du film dit « scientifique » ; le film est d’emblée envisagé comme un outil
de recherche et non comme un outil de vulgarisation de la recherche. Le
cinéma n’est dès lors pas enseigné pour lui-même, mais dans la perspective
de produire de nouvelles formes de savoirs en sciences sociales, en
proposant des modalités inédites d’expression des problèmes et des
résultats scientifiques, par le truchement d’expérimentations techniques et
stylistiques, au moyen d’outils audiovisuels. Un rapport de 1973 au conseil
scientifique de l’université de Paris 10 Nanterre13 fait ainsi état de deux
aspects de l’enseignement de la pratique au sein de cette « formation de
recherches cinématographiques » de l’UER de sciences sociales : un aspect
technologique vise à l’inventaire et à l’expérimentation « des possibilités
d’ordre technique offertes par les appareils d’enregistrement et de lecture
actuellement disponibles14 » ; et un aspect méthodologique est relatif
au « parti que les sciences humaines peuvent tirer de ces possibilités ».
Différents travaux de réalisation investissent ce volet méthodologique,
à commencer par des projets envisageant « l’image animée comme
moyen d’investigation permettant l’observation des activités sensibles
non verbales ». On trouve ainsi un programme de « cinématographie de
la vie matérielle » – avec des films privilégiant de longues séquences
sur des activités familiales ou artisanales (La Petite Ménagère et La
13. Fonds Jean Rouch, BnF, département des manuscrits, NAF 28464.
14. On imagine à quel point la dimension technique d’une telle formation est importante ;
durant cette même année 1973, la formation a d’ailleurs fait l’acquisition de matériel vidéo :
une caméra Akai portative couleur, un moniteur couleur, un magnétoscope portatif 1/2 pouce
Sony, mais aussi une caméra mixte optique 16 mm et vidéo Aaton, et un magnétophone portable
professionnel.
251
ALICE LEROY
JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD
Toilette d’Annie Comolli ou Le Coiffeur itinérant et Laveuses de Claudine
de France) ou des activités sportives (Le Judo français de Yasuhiro Ohmori
et Musculation d’Annie Comolli et Claudine de France) – ; un programme
de « Cinématographie des relations sociales », avec l’étude de la vie
quotidienne dans le 15e arrondissement de Paris ou de « l’évolution des
attitudes et des aspirations de petits exploitants de l’Hérault, confrontés
aux transformations économiques et sociales ». Dans d’autres travaux,
l’image animée est prise comme objet d’étude, « considérée en elle-même
ou rapportée à l’évolution de l’instrumentation sensorielle » – ce qui donne
lieu, par exemple, à la réalisation d’« un film expérimental consacré à la
danse et dans lequel l’activité de l’opérateur constitue l’un des éléments de
la chorégraphie ». Enfin, les outils d’enregistrement et de lecture d’images
animées sont mobilisés dans le cadre d’un programme d’« épistémologie de
l’observation cinématographique », qui n’est autre que la formalisation de la
réflexivité qu’appelle tout dispositif filmique dans le cadre d’une recherche
scientifique, selon Rouch. À ces questionnements épistémologiques sur les
conditions de production d’un savoir par le truchement de technologies
audiovisuelles tentent de répondre des films qui interrogent leur propre
point de vue (réflexivité) et leur propre forme (expérimentation) : « C’est
dans cet esprit qu’a été conçu le film de Jean-Christophe Rose, Le Corps
blessé, réalisé à la suite d’une réflexion critique sur les catégories de la
pensée du corps, et dans lequel l’auteur s’efforce de tirer parti du pouvoir
synesthésique de l’image animée pour contrecarrer la domination de la
vue. » Cet enseignement pratique, à la fois technique et méthodologique,
se double d’un solide bagage théorique d’analyse des œuvres filmiques.
À cette fin, la formation produit aussi des films didactiques « où alternent des
extraits d’œuvres classiques et contemporaines et des entretiens critiques
animés par Jean Douchet, Roger Mobilière et Éric Rohmer ». Pour l’année
1973-1974, le programme d’enseignement se distribue donc suivant une
alternance de cours théoriques assurés par des personnalités comme Henri
Langlois, Jean Douchet, Jean Rouch et Enrico Fulchignoni, et d’ateliers
de pratique délivrés par Jean-Pierre Beauviala ou Gilles Marsolais, sans
compter un cours facultatif de « gymnastique préparatoire au tournage ».
La même combinaison de théorie et de pratique structure les Summer
Schools de Rouch à Harvard, et, comme autrefois les étudiants de Nanterre,
les participants de ces sessions estivales sont invités à exercer leur esprit
critique et à réfléchir au rôle du cinéma dans le champ des sciences
sociales. En 1981, l’« examination book » d’un étudiant venu de Belgique,
Eric Pauwels, nous renseigne sur l’esprit de ces Summer Schools rouchiennes. Conformément aux consignes de la feuille d’examen, Pauwels
a rédigé une lettre à un ami dans laquelle il donne sa définition du « film
ethnographique ».
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Au terme de trois semaines de cours avec Émilie de Brigard (une histoire du film ethnographique qui nous a permis d’étudier les travaux
les plus représentatifs de l’anthropologie, et en particulier un certain nombre de films [...]), Rouch est arrivé. Soudain – tandis qu’il
nous présente son travail –, il devient évident que l’anthropologie est
quelque chose « avec » et non « sur » des personnes. Bien entendu,
science et savoir sont essentiels, mais prendre conscience que
l’anthropologie est une expérience qui doit être partagée avec les personnes est d’une importance capitale. Le « cinéma », cet outil combinant l’image et le son, est en ce sens la technique la plus aboutie pour
montrer son expérience et partager son analyse. À travers l’usage du
film en anthropologie, il devient enfin possible de saisir la subtilité de
la limite entre le réel et la fiction. Quand des anthropologues étudient
et travaillent avec des personnes (des « primitifs ») qui conçoivent la
réalité et l’imaginaire dans une relation si étroite, quand des scientifiques vivent avec des hommes qui comprennent le monde dans
des termes mythologiques et une rationalité qui leur est propre, il est
fondamental qu’ils sachent à quel point l’anthropologie est une question de sensibilité, de temps et d’amour15.
Pauwels a obtenu la note « A- » lors des examens finaux de cette université
d’été de 1981, nul doute que pour ses évaluateurs, il avait parfaitement saisi
les enjeux d’une défense du cinéma dans le champ des sciences humaines en
général, et de l’anthropologie en particulier. On ne saurait mieux exprimer
l’alliance de l’ethnographie et du cinéma pour Rouch, le second offrant
de saisir les termes de la première non plus dans un langage ethnocentré
et nécessairement limité par quelque jargon académique mais dans celui,
contrasté et sensible, des techniques combinées de l’image et du son. Sur un
plan narratif et esthétique, le film démultiplie les possibilités d’expression
des situations vécues par l’ethnographe et ses interlocuteurs, en instituant
un partage de leurs expériences. Sur un plan épistémologique, l’usage des
15. La lettre est bien évidemment rédigée en anglais, la traduction est de mon fait. Je reproduis
ci-après la citation telle quelle : « After a three weeks of class of Emilie de Brigard (history of
anthropological film where we looked at some of the most representative anthropological works
(films) [...]), Rouch arrived here. Suddenly – because he is showing his work – it is so clear
that anthropology is something “with” people and not “about” people. Of course, science and
knowledge are essential, but knowing that anthropology is an experience that you have to share
with the people is capital. “Film”, the instrument of image and sound put together is, in that
way, the best technic you can use to show your experience, to share your analysis. With the use
of film in anthropology, you understand how subtle is the limit between reality and fiction. When
anthropologists are studying and dealing with people (“primitives”) who think that reality and
imaginary are so closed to each other, when scientists live with people who elucidate the world
in mythological and irrational terms, they have to know how much anthropology is a question of
sensibility, of time, of love ».
253
ALICE LEROY
JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD
outils audiovisuels dans le champ de l’anthropologie vise à contrecarrer
une vision étroite du savoir, conditionnée par l’objectivité scientifique, dont
Rouch montre dans ses propres films qu’elle n’est jamais qu’une fiction
ou un arrangement avec les situations observées. Le savoir scientifique
n’appartient pas au seul ethnologue étudiant d’autres modes d’existence, il
est coconstruit dans des interactions sociales que la caméra peut contribuer
à créer en favorisant des situations d’échange et de jeu. Peu importe que
la frontière entre le réel et la fiction ne puisse plus être délimitée, elle ne
l’est pas non plus dans l’existence quotidienne. L’anthropologie partagée
s’entend dès lors comme une méthode d’enquête ethnographique et une
communauté de pensée fondée par l’expérience du tournage.
DES LABORATOIRES AU CARREFOUR DES MONDES
DE LA SCIENCE ET DE L’ART
À travers ces expérimentations pédagogiques, Rouch livre aussi une
bataille institutionnelle, celle qui l’oppose à des traditions réticentes à voir
les techniques audiovisuelles investir le champ des pratiques scientifiques,
et plus encore à créer des ponts entre le monde de la recherche et celui de
la création. C’est là, précisément, un axe sur lequel il rencontre le soutien plein et entier de ses collègues de Harvard : le Film Study Center est
d’une certaine manière l’équivalent du laboratoire audiovisuel de la Ve section (« Sciences religieuses ») de l’École pratique des hautes études, créé
en 1963 à l’initiative de Claude Lévi-Strauss et Dieterlen, et dirigé par Jean
Rouch et Gilbert Rouget (qui laisse la direction en 1974). Ce laboratoire de
l’EPHE vise à initier chaque année une vingtaine d’étudiants aux techniques audiovisuelles légères afin de favoriser leur emploi dans les études de
terrain des phénomènes religieux. Il ne s’agit donc pas de former des professionnels du cinéma, mais des scientifiques capables d’être autonomes
dans la réalisation de formes audiovisuelles, maîtrisant par conséquent les
formats du 16 mm, du Super 8 et de la vidéo. Si le laboratoire encourage
et soutient la production de films de recherche, cela tient pour une part à
ce que les outils techniques d’enregistrement de l’image et du son offrent
le moyen d’étudier des comportements rituels, des gestualités codifiées ou
des formes de transe que l’observation directe ne permet pas d’analyser
précisément : « ces aspects ne sont apparus qu’après examens répétés
des comportements rituels enregistrés, en utilisant des changements de
vitesse (accéléré, ralenti, arrêt sur l’image)16 », souligne Rouch avec Roger
Morillère et Dominique François dans leur rapport d’activité en 1978. Il
a, d’autre part, vocation à constituer une archive de films scientifiques,
avec pour fin « l’établissement d’une cinémathèque des films intéressant
16. Rouch et al. 1978 : 435.
JOURNAL DES AFRICANISTES 87 (1-2), 2017 : 242-261
254
les sciences religieuses17 ». Le laboratoire audiovisuel de l’EPHE se situe
dès lors sur un terrain expérimental déjà exploré par le Comité du film
ethnographique (CFE), celui d’un espace de recherche à la croisée des
mondes de l’art et de la science. Les mêmes ambitions animent les fondateurs du Film Study Center de Harvard, consacré au soutien et à la promotion de « travaux qui enregistrent et interprètent le monde en images et en
sons18 », dans une perspective qui vise cette fois non seulement à favoriser
l’intégration des outils audiovisuels aux pratiques scientifiques et la production de films de recherche, mais aussi l’accueil, à travers un système de
résidences, d’artistes et de créateurs travaillant dans le domaine du film, du
son et bientôt des nouveaux médias. Ce dialogue entre recherche et création fait ainsi l’objet d’une articulation plus étroite outre-Atlantique, où
l’influence du cinéma d’avant-garde (film expérimental, film d’animation
et essai documentaire) détermine pour une part importante la réflexion
esthétique qui accompagne la fondation de telles structures.
L’une des spécificités propres au laboratoire Audiovisuel de l’EPHE
relève de l’établissement de diplômes « comportant une partie filmée19 » :
les étudiants peuvent valider leur diplôme, qu’il s’agisse de leur maîtrise,
leur doctorat de troisième cycle ou leur doctorat d’État, avec un travail faisant un usage important des outils du cinéma et de la vidéo. Le format
expérimental de ces thèses audiovisuelles est étendu, à partir de 1978, aux
doctorats de cinématographie des universités de Paris 10 et Paris 1, sous la
houlette de directeurs de thèse tels que Jean Rouch, Marc Ferro, Claudine
de France, Enrico Fulchignoni ou Dominique Noguez. Cette fois, la thèse
est principalement constituée par la réalisation d’un film documentaire
de court ou moyen métrage, accompagné d’un mémoire de réflexion sur
le travail de réalisation et de montage du film et sur les événements qu’il
documente. Parmi les étudiants qui choisissent ce format inédit de doctorat,
quelques cinéastes en devenir comme Idrissa Ouédraogo, Euzhan Palcy,
Dai Sijie, Jean-Louis Le Tacon et Pauwels (qui aura suivi Rouch à Paris
pour soutenir en 1984 une thèse intitulée Enthousiasme et simulation dans
le jeu de l’acteur).
De manière remarquable, un laboratoire fondé en 2006 à l’université
Harvard par l’anthropologue et cinéaste Lucien Castaing-Taylor opère la
synthèse idéale de ces différentes plateformes hybrides de recherche et
création. Le Sensory Ethnography Lab (SEL) s’est progressivement fait
connaître hors du champ académique, à travers des productions récompensées dans des festivals de cinéma et sélectionnées par des institutions
17. Ibid. : 436.
18. « Work that records and interprets the world in images and sounds ». Voir « About the
FSC », URL : http://www.filmstudycenter.org/about.html (consulté le 15 août 2017).
19. Rouch et al. 1978 : 433.
255
ALICE LEROY
JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD
muséales pour être exposées dans le cadre de manifestations artistiques.
Ses membres ont pourtant pour point commun d’appartenir en premier
lieu au champ de l’anthropologie : s’ils s’aventurent dans les domaines
de l’art contemporain et du cinéma, c’est que leurs réalisations portent
une attention particulière à la dimension esthétique de leur recherche. On
a donc là des scientifiques qui, à l’instar de ceux du laboratoire audiovisuel de l’EPHE voilà plus de cinquante ans, font usage des médiums
analogiques et aujourd’hui numériques pour enregistrer et interpréter le
monde en images et en sons, non seulement parce que ces outils sont les
plus adéquats pour l’analyse des phénomènes qu’ils étudient, mais aussi
parce que leur recherche articule simultanément un volet scientifique et
un volet artistique. Cette association de l’esthétique et de l’ethnographie,
les membres du SEL l’assument et la revendiquent : l’une et l’autre ne
s’amoindrissent pas mais offrent au contraire de penser à nouveaux frais
les méthodes et les enjeux de l’enquête ethnographique et de produire du
savoir sous d’autres formes que celles des modalités discursives du monde
académique. Sont ainsi investies « les multiples dimensions du monde, tant
animé qu’inanimé, qui trouveraient difficilement à s’exprimer à travers
une prose discursive », peut-on lire sur le site du laboratoire. De la sorte,
« la plupart des travaux produits par le SEL prennent pour sujet la praxis
corporelle et la fabrique affective de l’existence humaine et animale20 »,
accomplissant de façon assez exemplaire, en l’étendant aux formes de vie
non humaines, le programme fixé par Edgar Morin en 1962 qui engageait
le cinéma ethnographique et sociologique à se rendre sensible au « tissu
affectif de l’expérience humaine21 ».
Deux paramètres sont essentiels dans le programme du SEL : d’une part,
toutes ses réalisations se fondent sur l’expérience intensive d’un terrain,
entendu à la fois comme cadre de l’enquête scientifique et espace-temps du
tournage ; d’autre part, elles prennent acte de la prééminence d’un nouveau
paradigme visuel dans le champ des sciences humaines qui, après les travaux de W.J.T. Mitchell22, détermine une élaboration nouvelle des formes
du savoir par le truchement de technologies audiovisuelles et aujourd’hui
multimédias. Comme pour Rouch et Gardner, ces technologies ne sont
20. « Harnessing perspectives drawn from the arts, the social and natural sciences, and the
humanities, the SEL encourages attention to the many dimensions of the world, both animate
and inanimate, that may only with difficulty, if it all, be rendered with propositional prose.
Most works produced in the SEL take as their subject the bodily praxis and affective fabric of
human and animal existence ». Voir Sensory Ethngraphy Lab, URL : https://sel.fas.harvard.edu
(consulté le 15 août 2017).
21. Morin 1962, non paginé.
22. Mitchell 1994. Mitchell soutient qu’un « tournant visuel » (« pictorial turn ») a succédé
au « tournant linguistique » (« linguistic turn ») qui, d’après le philosophe américain Richard
Rorty, dominait le champ des sciences humaines depuis l’après-guerre, sous l’influence de la
linguistique et du structuralisme.
JOURNAL DES AFRICANISTES 87 (1-2), 2017 : 242-261
256
jamais appréhendées tels de simples outils d’enregistrement qui permettraient l’accumulation de données attendant d’être interprétées par l’ethnologue, encore moins comme une sorte de seconde élaboration du savoir en
vue de sa vulgarisation. Les techniques de l’image et du son participent au
contraire de l’élaboration première du savoir : les films, les œuvres sonores,
les installations audiovisuelles et les dispositifs multimédias conçus dans
le cadre du SEL constituent des formes génératrices de savoir parce qu’ils
parviennent à exprimer la matérialité et la temporalité de l’expérience du
terrain, aussi bien que la variété des interactions sensorielles et affectives
qui la composent, mieux que n’importe quelle forme discursive.
La proximité entre le SEL et les expériences pédagogiques de Rouch ne
saurait être établie sur la base d’une filiation revendiquée, elle se joue de
façon plus ténue dans l’articulation entre recherche et création, théorie et
pratique, formes documentaires et expérimentales, que proposent en particulier les enseignements dispensés par les chercheurs du laboratoire aux
étudiants inscrits dans un cursus au sein des départements d’anthropologie
ou d’études visuelles et environnementales (Visual and Environmental
Studies). Ces cours alliant la théorie et la pratique – ce qui n’a rien d’extraordinaire désormais – rappellent par leurs intitulés et leurs programmes
ceux de la « Formation de recherches cinématographiques » de Nanterre.
En première année, par exemple, les étudiants se voient proposer un cours
théorique intitulé « Exploring Culture Through Film » portant sur des films
non fictionnels – soient des œuvres qui ne relèvent pas directement du
champ de la fiction cinématographique, c’est-à-dire des films documentaires, expérimentaux ou ethnographiques, par exemple – qui investissent
le champ de « l’existence humaine, de l’expérience vécue et de la différence
sociale et culturelle, des années 1920 à aujourd’hui23 ». Un tel cours
eût pu figurer au programme de la « formation de recherches cinématographiques » de Nanterre, tant les corpus étudiés s’y avèrent proches : des
films plus récents, ceux de Joshua Oppenheimer, Kidlat Tahimik ou Jana
Ševčíková, sont simplement venus s’ajouter à ceux de Robert Flaherty, Luis
Buñuel, Maya Deren, Tim Asch, Marshall, David et Judith MacDougall,
Gardner, et Rouch lui-même. L’enjeu de ce cours d’introduction rejoint
celui qu’assignait Rouch à l’enseignement de la théorie et de la pratique
filmiques au sein des départements de sciences humaines autrefois : il
s’agit de « questionner les problèmes et les perspectives des différentes
modalités et traditions de réalisation ; l’estompement des frontières entre
les genres cinématographiques et la multiplicité des interactions que ces
23. Extrait du syllabus du cours « Exploring Culture Through Film », VES 73, ANTH1645,
Harvard, automne 2015. « [H]uman existence, lived experience, and cultural and societal
difference, from the 1920s to the present ». Je remercie Lucien Castaing-Taylor de m’avoir
communiqué les syllabus des cours du SEL.
257
ALICE LEROY
JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD
formes permettent d’établir entre le film et le monde ; les enjeux éthiques
et épistémologiques des représentations audiovisuelles ; ainsi que les relations mises en jeu entre les sujets filmés, les opérateurs et les spectateurs
dans un ensemble varié de contextes culturels, occidentaux et non occidentaux, coloniaux et postcoloniaux ». Ne sont donc pas considérés dans
le cadre de ce cours les seuls films réalisés par des ethnologues mais toute
réalisation audiovisuelle qui aborde le champ de l’expérience humaine
en prenant non seulement acte de la densité des interactions culturelles et
sociales qui s’y jouent, mais aussi des questions soulevées par sa propre
intervention dans ce monde qu’elle représente.
Il n’est pas inintéressant qu’un tel cours soit associé à un enseignement
pratique au sein duquel les étudiants sont accompagnés dans un projet personnel de réalisation. Intitulé « Sensory ethnography », ce dernier cours
porte sur le renouvellement d’une tradition cinématographique dans le
champ d’une anthropologie qui a bien souvent négligé d’interroger la
nature des technologies qu’elle employait au nom d’une supposée neutralité de ces images mécaniquement produites. À rebours d’une telle objectivation, il s’agit d’interroger la nature des technologies de l’image et du
son, sur un plan à la fois technique, épistémologique et esthétique, de façon
à questionner leurs usages dans le cadre de l’enquête ethnographique. En
d’autres termes, les technologies audiovisuelles et multimédias sont envisagées comme un nouveau « sensorium », qui « défamiliarise l’apparence
familière des choses24 » pour nous les faire apercevoir sous un nouveau
jour. La tâche d’un apprentissage pratique de ces techniques variées répond
ainsi au « potentiel qu’elles incarnent, non seulement pour les anthropologues mais pour un ensemble de disciplines académiques et de pratiques
artistiques, dans leur capacité unique de combinaison et de juxtaposition de
mots et d’images ; de son et de silence ; d’immobilité et de mouvement ; de
photo-graphique et de cinématographique ; d’analogique et de numérique ;
de linéaire et de non linéaire25 ». La variété des modalités combinatoires des
différents types d’image et de son, à l’ère du numérique plus encore qu’à
celle de la technique argentique, invite donc à multiplier les expérimentations formelles et narratives, à inventer de nouvelles dramaturgies du réel,
à explorer les possibles du montage pour rendre compte de la simultanéité
des phénomènes et de la diversité des interactions, verbales et non verbales,
qui composent le tissu de l’expérience humaine et non humaine du monde.
24. « To render the apparently familiar unfamiliar » Extrait du syllabus du cours « Sensory
Ethnography II », VES 158cr, ANTH 1832cr, Harvard, automne 2014.
25. « Potential not just for anthropology but for an array of academic disciplines and artistic
practices, in their unique capacity for combining and juxtaposing words and images; the
auditory and the non-auditory; the still and the moving; the photographic and the cinematic; the
analogue and the digital; the linear and the non-linear ». Idem.
JOURNAL DES AFRICANISTES 87 (1-2), 2017 : 242-261
258
Radicalisant l’exigence épistémologique et esthétique d’un usage du
film dans le champ des sciences humaines qui ne soit ni préparatoire ni
accessoire à l’élaboration du savoir, le SEL déploie une critique plus radicale encore du logocentrisme scientifique, en reliant systématiquement
l’enquête ethnographique à une expérimentation des technologies audiovisuelles. Les travaux réalisés par les chercheurs du SEL déploient ainsi
une réflexion sur leur forme aussi bien que sur leur objet. Dans Sweetgrass
(2009), le film de Lucien Castaing-Taylor et Ilisa Barbash qui a lui-même
été une espèce de laboratoire du laboratoire (son tournage puis son montage ont accompagné pendant près de sept ans la conception du SEL),
les réalisateurs ont fixé des micros sans fil aux brebis et aux bergers pour
saisir dans un tout sonique et organique cette communauté zoo-humaine
engagée dans l’une des dernières transhumances à travers les montagnes
d’Absaroka Beartooth, dans le Montana. Dans Leviathan (2012), tourné
deux ans plus tard par Lucien Castaing-Taylor et Verena Paravel, ce sont
des GoPro, ces petites caméras que leur résistance aux chocs et à l’humidité réserve habituellement aux tournages de films de sports extrêmes,
qui ont été attachées aux corps humains et non humains (machines, mâts,
treuils, filets, etc.) sur un chalutier en Atlantique nord. Le flot chaotique
des images composant cette violente symphonie marine, saisies au bord
de l’écume par une caméra fixée au bout d’une perche, ou ensevelie sous
la masse de poissons déversés sur le pont, prend ainsi le contre-pied d’une
tradition du film de pêche qui, de John Grierson à Mario Ruspoli, avait
jusqu’alors donné une vision beaucoup plus romantique des travailleurs
de la mer. Verena Paravel est aussi l’auteure, avec John-Paul Sniadecki,
d’une ethnographie filmée au cœur d’un quartier du Queens dominé par
une immense casse de voitures. Dans Foreign Parts (2010), le montage
associe ce monde de chair et de tôle en voie de déliquescence à un tableau
dantesque : l’anéantissement des carcasses de voitures vaut comme métaphore du devenir de ce quartier promis à la gentrification. Spécialiste de
la Chine contemporaine, Sniadecki a tourné deux ans plus tard un planséquence de 78 minutes, People’s Park (coréalisé avec Libbie D. Cohn),
au cœur d’un parc public chinois dans lequel les promenades quotidiennes
et les animations anodines prennent des airs de rituels chorégraphiés et de
spectacle majestueux. Travaillant également à partir de la durée du plan
pour saisir le cours régulier de l’existence, Manakamana (2013), réalisé
par Stephanie Spray et Pacho Velez, représente le trajet d’un téléphérique
au-dessus de la forêt népalaise vers un temple hindou dont la durée coïncide exactement avec celle d’un magasin de film 16 mm, conférant à cet
espace-temps suspendu dans le vide, entre fixité et mouvement, une densité qui déporte ces trajets de pèlerins vers une réflexion sur l’expérience
du temps filmique. Quant à Ernst Karel, ethnomusicologue qui collabore
259
ALICE LEROY
JEAN ROUCH ET L’ÉCOLE DE HARVARD
à ces différentes productions et enseigne l’ethnographie sonique aux étudiants du SEL, il est aussi l’auteur d’une œuvre électro-acoustique qui
déploie sous la forme d’installations et de performances les paysages
sonores des laboratoires de Harvard (Heard Laboratories, 2010) aussi
bien que des téléfériques des Alpes suisses (Swiss Mountain Transport
Systems, 2011). On voit à travers ces quelques exemples combien le SEL
est un espace expérimental pareil à ceux que Rouch n’a cessé d’imaginer
pour susciter de telles inventions techniques et esthétiques. Bien entendu,
il ne s’agit pas de tracer une ligne continue de l’un à l’autre, le seul usage
de la voix off si spécifique à la narration et à la poétique rouchiennes, et au
contraire si critiqué dans les productions du SEL qui délaissent tout commentaire, peut en témoigner. Le SEL s’inscrit sans doute plus spécifiquement dans la filiation immédiate du Film Study Center et de la figure de
son fondateur Gardner, plus prompt à faire dialoguer le film expérimental
et le film ethnographique. Il n’en demeure pas moins que la conversation
engagée par Rouch avec Gardner sur le plateau de « Screening Room »
voilà plus de trente-cinq ans n’aura d’une certaine manière jamais été
interrompue : elle aura engendré des institutions jumelles, des expériences pédagogiques innovantes, et surtout une propension croissante à
l’hybridation des formes scientifiques et artistiques des savoirs, dont le
Sensory Ethnography Lab peut être considéré comme l’élaboration la plus
actuelle.
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JEAN ROUCH, ETHNOLOGUE ET CINÉASTE
Luc PECQUET
Paul HENLEY
Damien MOTTIER
Alice GALLOIS
Florence BOYER
Roger CANALS
Éric Komlavi
HAHONOU
Christian LALLIER
Michael MEYER
Jean-Frédéric
DE HASQUE
Alice LEROY
Emilie DE BRIGARD
Luc PECQUET,
Françoise FOUCAULT,
Barberine FEINBERG
Françoise FOUCAULT,
Barberine FEINBERG,
Luc PECQUET
Anaïs MAUUARIN
Jean Rouch, ethnologue et cinéaste
Présentation
Avant Jean Rouch. Le cinéma « ethnographique »
français tourné en Afrique subsaharienne
Jean Rouch au rendez-vous de juillet :
métamorphose d’un ethnologue cinéaste
Migrations et acculturation en Afrique de l’Ouest
des années 1950 sous l’œil de Jean Rouch
Va-et-vient et circulation : la contemporanéité
des travaux de Jean Rouch sur les migrations
sahéliennes
Jean Rouch and the question of mobility. Notes
on Petit à petit and the globalization of Afro-American religions
anthropologie partagée à une anthropologie
de la citoyenneté
Le cadre théâtral chez Jean Rouch : des
Re-framing the ethnographic encounter:
Les Maîtres fous
ciné transe »,
évolution ou disparition de l’interaction entre
Jean Rouch et l’école de Harvard
Indian Summer School: Rouch in New England
Intermède 1
« Très sérieux dans son manque de sérieux »
Intermède 2
Fiction réelle et œil de cristal. Les explorations photographiques de Jean Rouch
Jean-Paul COLLEYN
Paul STOLLER
Storytelling, Rouch and the Anthropological
Future
MÉLANGES
In Memoriam (Georges Balandier)
Notes et documents
Commentaire et improvisation. L’innovation de
Philippe LOURDOU Jean Rouch dans la mise en scène de la parole
Agnès GALLOISCHEILLAND,
Le fonds d’archives sonores de Jean Rouch
Pascal CORDEREIX, à la BnF
Alain CAROU
Aventure créatrice avec Jean Rouch
Gilbert MAZLIAH
Anthropologie visuelle
DAMIEN MOTTIER
Mozambique
Comptes rendus
Ouvrages reçus
Informations
I SSN 03 99-0 3-46
I SBN 9 78- 2- 90 8 9 4 8 - 4 6 - 2
35 €