Sans la technique,
Le génie n’est jamais
Qu’une sale manie !
G. Brassens
À Marjolaine,
Anouk et Édouard
Une attention toute particulière à René Amigues qui m’accompagne depuis mes
premiers travaux de recherche. Je ne suis pas encore arrivé à bout de son infinie
patience, exprimée par la finesse de ses critiques et la pertinence de ses conseils.
Je remercie Yves Chevallard, Jean-Jacques Dupin et Samuel Johsua pour l’aide
et le soutien constant qu’ils m’ont apporté, contribuant ainsi à la constitution du
groupe de recherche en didactique des disciplines technologiques. Cette note de
synthèse reprend quelques épisodes de cette chronique.
Ce groupe n’existerait pas sans l’appui et l’amitié de Danielle Bouin, Daniel
Dufresne, Pierre Fayard, Pierre Julien, Michel Larini, Jean-Louis Martinand.
Chacun, à sa manière, à un moment ou à un autre, a apporté sa pierre à l’édifice.
Mes remerciements vont également à Colette Andreucci, Pascale BrandtPomarès, Isabelle Corréard, Marjolaine Chatoney, Micheline Surgand, Éric
Giraud, Luc Montel, Francis Ranucci, Gérard Surgand et Patrick Vigliano. La
constitution du pôle de recherche, de formation et d’ingénierie didactique autour
des enseignements technologiques à Château Gombert n’existerait pas sans eux.
Je remercie tous ceux, très nombreux, trop nombreux pour les citer tous sans
risque d’en oublier, qui, à l’IUFM, au CIRADE, à UNIMECA, dans la direction de
la recherche et développement, dans les séminaires, autour de projets, dans des
réunions, à l’occasion d’une discussion, m’ont permis d’avancer.
SOMMAIRE
Préambule ........................................................................................................... 1
Première Partie : Parcours de recherche ............................................................ 9
1. La construction d’une problématique .......................................................... 10
1.1. Représentations et stratégies d’élèves ................................................... 10
1.2. Organisation des enseignements et apprentissages .............................. 12
1.2.1. Le GRAFCET, introduction d’un nouveau savoir ................................ 12
1.2.2. Stratégies d’élèves et organisations scolaires .................................... 14
1.3. Effets de contrat et organisation des enseignements ............................. 19
1.3.1. Contrat didactique : un exemple en technologie................................. 19
1.3.2. Enseignements technologiques et utilisation de matériel ................... 20
1.3.3. Activités d’élèves et effets de contrat ................................................. 21
2. Les savoirs et leur référence....................................................................... 23
2.1. Des savoirs pour l’enseignement de la technologie ................................ 23
2.1.1. Contexte pour le choix de références ................................................. 23
2.1.2. La DPI comme architecture de référence ........................................... 25
2.1.3. La démarche de projet industriel comme savoir enseigné ................. 28
2.2. L’identification d’une référence ............................................................... 30
2.2.1. Méthodologie de travail ...................................................................... 30
2.2.2. Analyse des résultats ......................................................................... 31
2.2.2.1. Étapes de la démarche de projet industriel ................................. 31
2.2.2.2. Outils utilisés ............................................................................... 33
2.3. Pratiques de transmission des savoirs technologiques .......................... 36
2.3.1. Méthodologie de recueil des données ................................................ 36
2.3.2. Analyse des résultats ......................................................................... 37
2.3.2.1. Structuration du classeur des élèves .......................................... 37
2.3.2.2. Logique temporelle de l’enseignement de la DPI ........................ 38
2.3.2.3. Modalités d’organisation des séquences .................................... 41
2.3.2.4. Croisement modalité d’organisation et durée des séquences ..... 43
2.3.2.5. But des tâches proposées aux élèves......................................... 46
Deuxième partie : Des références pour les enseignements technologiques ..... 51
1. Délimiter un champ de références .............................................................. 52
1.1. Geste, technique, technologie ................................................................ 52
1.2. Activité, langage, objet............................................................................ 53
1.3. Éléments méthodologiques de délimitation ............................................ 56
1.3.1. La communauté des enseignements technologiques ......................... 57
1.3.1.1. Comparaisons internationales ..................................................... 57
1.3.1.2. Différentes réalités pour une éducation technologique ............... 58
1.3.1.3. Comparaison des différentes formes .......................................... 59
1.3.1.4. Quelques facteurs d’évolution ..................................................... 61
1.3.1.5. Rapports entre évolution et références ....................................... 63
1.3.2. La technologie comme un champ de références externes ................. 65
1.3.2.1. Le monde des objets ................................................................... 66
1.3.2.2. Activité, processus et praxéologie ............................................... 72
1.3.2.3. Les langages techniques ............................................................ 77
2. Savoirs enseignés et enseignements technologiques ................................ 85
2.1. Organisation curriculaire des savoirs scolaires ....................................... 85
2.1.1. L’éducation technologique en cinq caractéristiques et huit
approches........................................................................................... 86
2.1.2. Courants d’organisation de l’éducation technologique ....................... 89
2.1.3. Compétences visées par l’éducation technologique ........................... 91
2.1.4. L’éducation technologique dans un projet social ................................ 94
2.2. la transposition de savoirs technologiques ............................................. 98
2.2.1. Référence à des pratiques, référence à des savoirs ? ....................... 98
2.2.2. Nature des savoirs à transposer....................................................... 101
2.2.3. Organisation des savoirs technologiques ......................................... 105
Troisième partie : Perspectives de recherche ................................................. 109
1. Évolution des organisations curriculaires .................................................. 111
1.1. Description d’organisations praxéologiques ......................................... 111
1.2. Observation de l’évolution des curriculums .......................................... 115
2. Organisation de l’étude en éducation technologique ................................ 116
2.1. Ingénierie didactique et éducation technologique ................................. 117
2.2. La formation des enseignants de technologie en France ..................... 123
Bibliographie ................................................................................................... 127
Index et Tables................................................................................................ 154
1. Index des tableaux .................................................................................... 154
2. Index des schémas ................................................................................... 154
PRÉAMBULE
Ce travail, entrepris depuis plusieurs années, concerne la recherche en
didactique des disciplines technologiques ; il s’inscrit dans le cadre de la
recherche en éducation, en général, et de la recherche en éducation
technologique, en particulier. D’un point de vue chronologique, je relèverai
quelques épisodes marquants qui m’ont conduit, depuis la thèse à cette
habilitation à diriger des recherches, à explorer quelques voies constitutives de
ce que l’on pourrait délimiter comme ma contribution à la recherche en
didactique des disciplines technologiques.
Il s’agit, d’abord, forcément d’une délimitation originale car les acteurs de ce
débat sont peu nombreux, en France et dans le monde. Ensuite, il s’agit d’une
délimitation large puisque le faible nombre d’acteurs rend chaque sillon du
champ important et qu’il est délicat de faire des hiérarchisations. Enfin, le
champ travaillé prend place dans un paysage qui emprunte largement aux
recherches dans les didactiques des disciplines avec des voisinages plus
marqués
avec
les
recherches
en
didactique
des
sciences
et
des
mathématiques. Ce travail de recherche répond, dans cette perspective, à une
double exigence : d’une part, circonscrire un objet de recherche, délimiter des
terrains d’investigation, investir des espaces de réflexion et, d’autre part, ouvrir
des pistes, accroître la compréhension que l’on peut avoir de cet objet singulier.
La dialectique d’une telle entreprise peut se retrouver dans ce paradoxe :
comment peut-on imaginer des paysages grandioses lorsqu’il s’agit de labourer
méticuleusement et méthodiquement le sillon qu’on a sous le nez ? De fait, il va
de soi que c’est ce paradoxe même qui donne la dynamique au projet et qu’il
— Page 1 —
est ainsi difficile de dissocier le projet personnel de recherche des actes
fondateurs de cette recherche. Le regard sur l’espace à labourer renvoie en
même temps une image du travail à faire et des espoirs portés par des
promesses de récoltes.
Une chronique ainsi organisée selon une logique temporelle constitue un parti
pris qui ne peut placer la démarche de recherche que dans une position de ce
qu’on a fait par opposition à ce qu’il reste à faire. Or, dans ce domaine, la
recherche en didactique des disciplines technologiques, le chemin parcouru
paraît tellement limité et le champ à parcourir tellement immense que tout
positionnement chronologique apparaît particulièrement dissonant. Il me
semble beaucoup plus logique de définir ce qui constituerait des espaces de
problèmes et, à partir de là, de montrer quelle contribution j’ai tenté d’apporter,
quelle direction j’essaie de suivre.
Le premier espace de problèmes concerne directement la délimitation du
technologique. Le cas de l’enseignement français est exemplaire de ce point de
vue. Nous avons un ensemble flou de technologies (la polysémie du terme et le
pluriel généreusement attribué renforcent ce flou qu’il conviendra de situer) qui
doit servir de référence à un enseignement fort discontinu dans son appellation
même : depuis l’initiation scientifique et technologique de l’école primaire
jusqu’aux technologies spécialisées (technologie hydraulique, mécanique,
électrique, de l’information, etc.) des lycées professionnels et des formations
professionnelles de l’enseignement supérieur en passant par la Technologie
(avec une majuscule et au singulier), discipline scolaire obligatoire au collège.
De fait, une question essentielle posée ici est bien celle de savoir s’il y a une
place pour une éducation
technologique
à côté
d’autres éducations
(scientifique, mathématique, littéraire, musicale, artistique, manuelle, physique
et sportive, etc.). Bien sûr, il existe des enseignements de technologie dans le
système scolaire français depuis l’école maternelle jusqu’à l’enseignement
supérieur. Il y a institutionnalisation d’une discipline d’enseignement avec ses
attributs scolaires : des plages horaires, des textes officiels, des enseignants,
— Page 2 —
des
élèves,
des
classes.
Il
serait
toutefois
naïf
de
croire
que
l’institutionnalisation d’un espace scolaire suffit à délimiter un champ de savoirs
et en même temps à l’instituer comme champ de référence. En effet, des
technologies évoquées auparavant, il semble pour le moins hasardeux d’en
extraire quelques-unes (pourquoi celles-là et non pas celles-ci) pour les
concentrer dans un espace délimité qui perd sa pluralité (on ne parle plus que
de technologie au singulier) sans pour autant circonscrire sa singularité. Ce
premier espace de problèmes s’intéresse aux racines des savoirs qui servent
de référence à la constitution de ce qui va être enseigné. Il s’agit, pour le
chercheur, de s’essayer à une forme d’anthropologie des savoirs afin de
reconstituer les liens qui doivent exister entre ces références et ces
enseignements.
La posture analytique renvoie très rapidement au second espace de problèmes
qui concerne lui la délimitation de l’enseignement technologique. Tous les
champs éducatifs ont largement recours à des techniques (voire ont
exclusivement recours à des techniques). Le technologique, qui relève de
l’élaboration d’un discours sur la technique, se situe ainsi comme une
formalisation des techniques mises en jeu dans la classe. D’un point de vue
caricatural, on pourrait ainsi affirmer que toute discipline scolaire relève d’une
éducation
technologique
ou,
plus
sûrement,
qu’il
n’existe
que
des
enseignements techniques qui aspirent à un statut de technologique. On voit
ainsi se dessiner cette nécessité à circonscrire l’espace afin de préciser de
quelles techniques, de quelles technologies et de quels types de tâches on
parle lorsqu’on parle d’enseignements technologiques. La question de la
référence reste essentielle ici mais elle prend une tournure un peu différente.
Cette perspective d’élaboration curriculaire induit des aspects de délimitation de
l’espace de référence (tous les objets sociaux ne sont pas pertinents pour servir
de référence aux disciplines technologiques) mais également des aspects de
délimitation
dans
le
temps
(qu’est-ce
qui
est
souhaitable,
possible,
envisageable, utile, nécessaire d’enseigner) afin de définir des articulations de
séquences (ceci avant cela), des progressions dans les savoirs (d’abord celui-
— Page 3 —
ci, puis celui-là, ensuite …), des buts plus ou moins lointains à atteindre. On
peut, à la manière des ethnologues structuralistes, s’intéresser ainsi à la façon
dont tel curriculum a été construit, comment il a pris corps dans tel type
d’institution scolaire, dans tel pays, dans telle société. Loin d’être désuète, une
telle étude, a fortiori si elle est comparative, permet d’entendre les différences
et les similitudes entre curriculum comme un rapport étroit entre des spécificités
locales et des invariants forts. On pourrait ainsi émettre l’hypothèse que ces
invariants constituent des références incontournables, des corpus de savoirs
socialement légitimés dont l’école s’empare afin d’en assurer leur diffusion. Une
autre posture consiste à se placer dans la position du concepteur qui propose
d’aménager une part de cet espace curriculaire en contribuant directement à
l’édification partielle ou globale de curriculums. Il y a ainsi, dans cette posture,
un glissement d’une position de chercheur analyste de faits d’éducation
essayant de préserver une extériorité de l’observé vers une position de
chercheur acteur du développement du champ qu’il étudie. De la même
manière, nous sommes passés de la référence aux disciplines technologiques à
la construction de contenus d’enseignement. Ce passage s’inscrit dans la
première phase d’un processus de transposition de savoirs socialement
constitués. Les enjeux sont des enjeux de transposition et d’appropriation de
ces savoirs par les élèves, par tous les élèves. Ce tous s’adresse aussi bien à
l’ensemble des élèves d’une classe, à tous ceux d’une section ou d’une filière
ou encore à tous les enfants d’une classe d’âge s’il s’agit d’éducation pour tous.
Les questions liées à la transposition et à l’appropriation sont indissociables dès
lors que l’on tend à garantir les conditions de l’étude ; les enjeux et les points de
vue sont ici tout aussi forts qu’ils sont différents. L’étude de ce processus
constitue notre second espace de problèmes.
Les enseignements technologiques ne constituent pas un monde à part dans
l’univers scolaire et certaines questions sont tout aussi pertinentes ici que dans
d’autres disciplines. En revanche, certaines questions sont spécifiques à ces
enseignements ; elles justifient certainement à elles seules la délimitation d’une
didactique des disciplines technologiques ; en tout état de cause, elles justifient
— Page 4 —
le choix de mon terrain d’investigation : la recherche en didactique des
disciplines
technologiques.
D’abord,
ces
enseignements
se
réfèrent
explicitement à des organisations sociales largement choisies dans des
secteurs professionnels reconnus ; ainsi, l’utilisation et le recours aux attributs
significatifs de ces organisations est une condition d’existence même de ces
enseignements. Ensuite, la symbolique joue un rôle important en mêlant outils
professionnels (tels qu’ils sont utilisés à l’extérieur de l’école) et maquettes
sensées présenter la réalité en modèle réduit réaliste de cette même réalité
extérieure. Enfin, la classe, dans son organisation spatiale, temporelle,
structurelle et fonctionnelle ressemble à cette réalité sociale à laquelle on se
réfère (ateliers, chaînes de production, bureau, etc.). Ce rapport particulier au
réel constitue notre troisième espace de problèmes. Ces modes d’organisation
spécifiques ont des répercussions directes sur les apprentissages des élèves. À
minima, il existe une contradiction entre deux logiques : celle de l’organisation
sociale auquel on se réfère et celle de l’apprentissage. La reconstruction des
savoirs dans l’espace et dans le temps de la classe dans une articulation
programmatique fait intervenir une troisième logique, la logique de la discipline.
Une quatrième logique intervient, sans aucun doute interfère-t-elle également
avec les autres ; il s’agit de celle de l’enseignant chargé de ces enseignements.
Le processus de transposition appropriation de savoirs technologiques procède
de l’articulation entre ces logiques forcément différentes, voire concurrentes.
Ces aspects concurrents constituent, dans de nombreux cas, un facteur de
fragilisation de ces enseignements. On peut penser que des logiques
concurrentes conduisent à privilégier des choses distinctes dans le processus
de transposition appropriation des savoirs. Les enjeux n’étant pas les mêmes,
chacun des acteurs va essayer d’exercer des pressions sur l’ensemble afin
d’imposer sa propre logique. Ce troisième espace de problèmes nous permet
de poser quelques éléments de compréhension du fonctionnement de ces
enseignements par l’analyse des interactions entre ces logiques différentes et
d’en dégager les possibles en vue d’élaborations curriculaires ou de formation
d’enseignants.
— Page 5 —
Ce domaine d’investigation, regroupant ces trois espaces de problèmes,
délimite
ce
champ
de
la
recherche
en
didactique
des
disciplines
technologiques. La jeunesse des travaux rend difficile les choix de travail qui
privilégierait un espace plus qu’un autre. Les enseignements technologiques
ont été largement repensés et totalement reconstruits à partir des années 80.
On citera pour mémoire l’apparition de l’initiation scientifique et technologique à
l’école primaire, la technologie au collège et les filières ou options
technologiques au lycée. Ces mutations résultent des évolutions soit des
activités manuelles, soit des enseignements techniques. Cette reconstruction
s’est accompagnée et a été accompagnée par l’émergence d’une recherche en
didactique des enseignements technologiques. On notera également que la
jeunesse des disciplines observées s’accompagne d’une relative jeunesse de
l’émergence de recherches en didactique de ces disciplines. Ce travail s’inscrit
donc dans cette double perspective de contribution à l’émergence d’un champ
de recherche, la didactique des disciplines technologiques, et à la constitution
d’un champ d’enseignements nouveaux, les enseignements technologiques.
La démarche de travail que j’ai adoptée, que ce soit en tant que chercheur ou
en tant que formateur d’enseignants ou encore en tant que responsable d’une
structure de formation et de recherche est celle de quelqu’un qui a choisi de
s’intéresser aux trois espaces de problèmes en essayant de donner de la
cohérence à l’ensemble. De fait, je m’attacherai ici à développer une analyse
approfondie de chacun de ces espaces en essayant de montrer la contribution
apportée et les pistes ouvertes susceptibles de générer des travaux de
recherche. C’est le but de cette note de synthèse. La première partie montre
comment les stratégies de résolution de problèmes par des élèves dépendent
des organisations didactiques. Ces organisations didactiques dépendent ellesmêmes des organisations sociales auxquelles elles se réfèrent et de la
modélisation qui en est faite pour construire les contenus d’enseignement. La
seconde partie pose la question de la référence pour les enseignements
technologiques dont le choix tend à imposer la matière et la manière de
l’étudier. Cette délimitation des références me permet de m’intéresser aux
— Page 6 —
conditions d’étude des élèves en technologie à partir des questions de
transposition didactique et d’évolution curriculaire. Ce travail pose les questions
théoriques, d’une part, de la spécificité d’une épistémologie de la technologie
distincte de celle des sciences et, d’autre part, de la pertinence pour la
didactique des disciplines technologiques d’une description des organisations
praxéologiques fondée sur les seuls savoirs. La troisième partie me permet
d’ouvrir des perspectives de recherche selon deux axes : les évolutions
curriculaires et les conditions d’étude des objets d’enseignement technologique.
C’est à partir de l’ingénierie didactique et de la formation des enseignants que
ces perspectives seront tracées.
— Page 7 —
— Page 8 —
PREMIÈRE PARTIE : PARCOURS DE RECHERCHE
— Page 9 —
1.
LA CONSTRUCTION D’UNE PROBLÉMATIQUE
1.1.
REPRÉSENTATIONS ET STRATÉGIES D’ÉLÈVES
C’est en grande partie mon étonnement naïf de tout jeune enseignant devant
les erreurs commises par des élèves lorsqu’ils devaient résoudre des
problèmes « simples » d’automatismes qui m’a amené à faire un DEA, puis une
thèse
sur
ces
questions
de
stratégies
de
résolution
de
problèmes
d’automatismes et sur les remédiations possibles. Les enseignements
dispensés à l’époque en automatisme s’appuyaient largement sur la
programmation d’automates programmables industriels (API) et donc sur la
nécessité de décrire le fonctionnement du système à automatiser de manière
précise, facilement traduisible dans le langage de l’API (Forrester, 1984).
La gestion rationnelle des actionneurs et des pas de programme (limités à
l’époque par les capacités techniques des API) impliquait la gestion simultanée
de plusieurs actions. La résolution de problèmes d’automatismes, même peu
complexes, suppose toujours de combiner plusieurs actions de natures
différentes et donc d’articuler entre eux plusieurs espaces de problèmes
(Morais, Visser, 1987). Or, ces stratégies de résolution ne rentraient pas dans
les logiques développées par les élèves. Par exemple, pour faire fonctionner un
pont roulant, ils n’imaginaient pas possible de combiner deux mouvements
(horizontal et vertical) afin de réduire les durées de déplacement ; ou encore, ils
oubliaient systématiquement une opération importante pour le fonctionnement
du système.
Il semblait que leur stratégie de résolution ignorait tout de la gestion de
l’incertitude et de la généralité ou encore de l’émission d’hypothèses sur les
fonctionnalités du système. Au contraire, ils donnaient l’impression de ne
prendre en compte que les contraintes apparentes du problème qu’ils
s’empressaient de transformer en cas particuliers de la fonctionnalité
(Leplat, 1985). Dès lors, la solution globale reprenait un enchaînement plus ou
— Page 10 —
moins heureux de ces cas particuliers et ne répondait que très partiellement au
problème posé.
Un premier travail permettait de confirmer cette hypothèse et ce quel que soit le
type de tâche que l’on proposait aux élèves (Amigues, Ginestié, 1991a). Qu’il
s’agisse de lire la description sous la forme d’un langage technique formalisé du
fonctionnement d’un système automatisé ou qu’il s’agisse d’écrire une
description de ce fonctionnement au moyen du même langage, nous
constations que les élèves adoptaient une stratégie de résolution par réduction
systématique des seules contraintes explicites qu’ils découvraient en cas
particuliers limités à des solutions caricaturales du point de vue de la
fonctionnalité. Ces stratégies reposent sur un mode de résolution séquentielle,
limitées à une progression vers la solution en alternant des affirmations non
vérifiées et des abandons quasi systématiques à la moindre difficulté de
représentation du problème local à résoudre.
Cette approche d’un travail de recherche permet de poser deux questions. La
première concerne la question des obstacles dans une approche didactique
(Bachelard, 1965, Vergnaud, 1985), la seconde renvoie au rôle joué par les
représentations dans des perspectives d’apprentissage (Rabardel, 1993). Ces
deux questions, entre autres, apparaissaient suffisamment vives pour que nous
constituions une première équipe de travail (Amigues & Ginestié, 1991b). Par
ailleurs, c’est à ces questions que tentait de répondre la thèse que j’ai soutenue
en 1992(a). Cette thèse s’inscrit dans le mouvement des recherches en
didactique des disciplines à Marseille notamment autour des travaux du Centre
Observation et d’Expérimentations Didactiques avec l’ambition affichée de
contribuer au développement d’une recherche en didactique des disciplines
technologiques. Les travaux de recherche en didactique des mathématiques
(Chevallard, 1985 ; Chevallard, Johsua, 1992) et des sciences (Johsua, 1998 ;
Johsua, Dupin, 1989) ouvraient des perspectives intéressantes qui permettaient
de sortir d’un débat trop restreint à une simple alternative entre prescription
pédagogique et transmission univoque de savoirs constitués. Il était commun,
— Page 11 —
notamment en didactique des sciences, de travailler sur les représentations des
savoirs scientifiques construites par les élèves. Une tendance particulièrement
forte tentait de montrer qu’il y avait apprentissage lorsque la représentation
construite par les élèves à propos d’un phénomène scientifique passait d’une
conception réputée naïve (puisque préalable à l’apprentissage) vers une
représentation plus fonctionnelle (Amigues, 1985). C’est dans ce creuset
particulièrement fertile que mes premiers travaux de recherche pour la thèse
s’inscrivent.
1.2.
ORGANISATION DES ENSEIGNEMENTS ET APPRENTISSAGES
1.2.1.
Le GRAFCET, introduction d’un nouveau savoir
Il semblait évident que l’articulation entre représentations graphiques et rôle des
représentations dans l’apprentissage était particulièrement bien adaptée au
contexte des enseignements technologiques (on se référera à ce sujet, par
exemple, à l’étude conduite par Hostein, 1993). Pour cela, je me suis servi d’un
corpus de savoirs réputés instables : les systèmes automatisés et leur langage
de
description
fonctionnelle,
le
GRAFCET
(GRAphe
Fonctionnel
de
Commande : Étapes, Transitions) (AFCET1, 1978 ; ADEPA2, 1979). Il était
d’usage de dire que les incessantes évolutions des contenus et des modalités
des enseignements technologiques généraient de fortes instabilités qui
rendaient ces enseignements particulièrement fragiles3. À l’époque, nous
avions pris une position radicalement différente en montrant que l’instabilité de
ces enseignements était plutôt due à une définition imprécise des savoirs de
références (Amigues, Ginestié, Gonet, 1991).
1
AFCET :Association Française pour la Cybernétique Économique et Technique
ADEPA : Agence Nationale pour le Développement de la Production Automatisé
3
Les programmes d’enseignement de la technologie ont radicalement changé en une douzaine
nde
d’années ; il en est ainsi des programmes des options de 2 TSA et de l’option Technologie de
e
1 et Terminale.
2
— Page 12 —
Le GRAFCET est un langage particulièrement pertinent à étudier dans cette
perspective. En tant que représentation graphique, il permet une description
fonctionnelle des systèmes automatisés qu’ils soient simples ou complexes. À
ce titre, il est représentatif de ces savoirs technologiques qui évoluent
rapidement soumis à des innovations permanentes (Blanchard, 1979).
Au milieu des années soixante-dix, un consortium d’entreprises françaises4
productrices d’unités de commandes des systèmes automatisés lancent un
appel d’offres pour la création d’un langage de description fonctionnelle de ces
systèmes susceptible de permettre à ces entreprises d’échapper à l’hégémonie
américaine qui se profile. Ce langage doit être utilisable à tous les niveaux
d’intervention, depuis la conception jusqu’à la maintenance des systèmes, et
doit servir de langage de communication entre les différents services
techniques mais également d’outil de dialogue homme – machine (Boeri, 1979).
La réponse, proposée par une équipe de développeurs réunis dans une
association, l’AFCET, créée pour la circonstance, arrive trop tard. Le passage
de la logique câblée à la logique programmée, la généralisation des
microprocesseurs et leur développement à un rythme particulièrement rapide 5,
l’évolution des langages machines à des langages interprétés ou compilés
rendent le dialogue homme – machine plus facile en transférant à la machine
une grande part de l'interprétation des instructions et de fait limitent la portée
d’un tel langage. L’orientation prise vise à développer des langages machines
proches des langages « naturels ». Le GRAFCET faisait alors figure de langage
mort-né que l’on pouvait facilement ranger dans le placard des innovations
technologiques non abouties.
4
Il s’agissait des entreprises Télémécanique, Merlin-Gérin, Crouzet et Hager.
La capacité d’intégration des composants dans le semi-conducteur est doublée tous les
18 mois
5
— Page 13 —
Pourtant, quelques-uns des concepteurs de ce langage enseignaient dans la
formation des enseignants des disciplines technologiques (comme le génie
mécanique ou le génie électrique). Attachés à la puissance du langage qu’ils
viennent de créer, ils l’enseignent à leurs étudiants qui eux-mêmes en assurent
la diffusion dans les formations technologiques et professionnelles des
techniciens et des ingénieurs. Ces derniers font pression sur les entreprises
productrices d’unités de commandes des systèmes automatisés qui toutes,
dans la première moitié des années 80, intègrent le GRAFCET comme langage
de programmation de leurs automates programmables industriels.
1.2.2.
Stratégies d’élèves et organisations scolaires
Mon travail a consisté à étudier des productions d’élèves et les stratégies qu’ils
mettent en œuvre pour produire un GRAFCET décrivant le fonctionnement d’un
système automatisé. Pour conduire cette étude, j’ai procédé à une analyse de
la tâche et une analyse de l’activité. Cette méthodologie a été empruntée aux
travaux de psychologie du travail, notamment ceux développés par WeillFassina (1979), Vermersch (1972), Hoc (1987) ou encore Bisseret et al (1988).
L’analyse de la tâche a permis de repérer les contraintes liées aux systèmes
étudiés, leur caractère implicite ou explicite, les niveaux de solutions possibles
dépendant directement des contraintes découvertes, de leur prise en compte,
de leur transformation en fonctions du système et de l’articulation de ces
fonctions entre elles dans une solution globale. L’analyse de l’activité a permis
de caractériser les stratégies de résolution adoptées par les sujets ; ces
stratégies étaient caractérisées par la découverte des contraintes, la manière
dont ces contraintes étaient gérées et transformées en fonction du système et
enfin comment les sujets articulaient ces fonctions dans une solution globale.
Trois niveaux de stratégies avaient ainsi été caractérisés, le premier niveau
consistait en une résolution séquentielle du problème essentiellement centrée
sur les aspects explicites du problème alors que le troisième niveau reposait sur
une résolution optimale par gestion de l’incertitude et adoption de la généralité
comme solutions partielles ou globales.
— Page 14 —
Dans un premier temps, nous avons comparé différentes organisations de
situations d’apprentissage afin d’en mesurer l’efficacité au travers d’un premier
post-test immédiat et d’un second post-test différé de plusieurs mois. Quatre
modalités principales ont été définies, puis trois modalités hybrides constituées
à partir des quatre principales. Les modalités principales sont le guidage de
l’action (GA), la mise en œuvre de logique experte (LE), la confrontation aux
obstacles (CO) et le travail sur tâches à erreurs (TE). Les trois modalités
hybrides sont obtenues en ajoutant un travail sur tâches à erreurs aux trois
autres. Ce qui donnait les couplages guidage de l’action et tâches à erreurs
(GATE), logique experte et tâches à erreurs (LETE) et confrontation aux
obstacles et tâches à erreurs (COTE).
Les conditions de mise en œuvre des différentes modalités, principales ou
hybrides, étaient strictement identiques. Les élèves d’option TSA de la classe
de 2de travaillaient par binômes dans des conditions strictement identiques
quelle que soit la modalité. Ces conditions de durée des séances, d’objectifs
d’apprentissage visés, de supports utilisés étaient fixés conformément aux
textes officiels et aux recommandations pédagogiques d’organisation de ces
classes. Les tests et les post-tests étaient également identiques pour tous les
élèves. Le Tableau 1 présente les résultats obtenus lors des tests et post-tests.
— Page 15 —
Tableau 1 : Efficacité des modalités d'apprentissage
Test
Stratégie niveau 1
Stratégie niveau 2
Stratégie niveau 3
Total
Post-test
Stratégie niveau 1
Stratégie niveau 2
Stratégie niveau 3
Total
Évolutions
Stabilisations
Régressions
Total
GA
LE
CO
TE
GATE LETE COTE
5
1
0
6
0
0
0
5
1
2
4
0
1
1
4
0
5
1
0
0
6
6
6
6
6
6
6
6
6
0
0
6
0
0
1
5
0
3
3
0
2
4
0
2
4
0
0
1
5
6
6
6
6
6
6
6
5
1
6
0
4
2
5
1
1
5
3
3
5
1
6
6
6
6
6
6
6
Ce tableau, synthétique des différents résultats d’expérimentation, montre que
seulement la modalité hybride « confrontation aux obstacles suivie d’un travail
sur des tâches à erreurs » permet d’obtenir des niveaux de performances
optimaux lors du test pour tous les élèves et surtout de conserver ce niveau
pour la quasi-totalité des groupes lors du post-test. Il y a une forte stabilisation
des acquis de la séance d’apprentissage d’une stratégie de résolution
particulièrement efficace pour ce type de problème.
Il n’en demeure pas moins que cette modalité est particulièrement exotique
dans le cadre d’un enseignement technologique. Nous reviendrons sur cette
question plus loin mais nous voyons bien ici qu’un des problèmes soulevés par
les résultats de ce travail nous renvoie à la question de la formation des
enseignants et à la capacité des institutions de formation à faire évoluer les
pratiques enseignantes.
De ce point de vue, le guidage de l’action est une pratique majoritairement
répandue chez les enseignants des disciplines technologiques. En effet, ce type
— Page 16 —
d’organisation présente de nombreux avantages, du moins en apparence. Il
permet de donner aux élèves des tâches qu’ils peuvent réaliser de manière
autonome, ce qui préserve l’apparence d’un travail autonome des binômes et
accroît l’impression d’élèves actifs qui gèrent eux-mêmes leur relation aux
savoirs. Par ailleurs, cela permet d’organiser des activités différentes dans la
classe de façon à avoir plusieurs groupes d’élèves qui font des choses
différentes.
Deux aspects sont mis en avant dans cette perspective. D’une part, cela permet
de diversifier les postes de travail avec des matériels de TP différents et donc
d’avoir un plus grand nombre de TP différents. Les élèves passent d’un poste à
l’autre au gré d’un cycle de rotation établi sur plusieurs semaines. D’autre part,
le dispositif est censé être représentatif de l’organisation des postes de travail
dans une entreprise avec différents pôles correspondant aux différents secteurs
d’activités (Ginestié, 1992b).
On voit que ce genre de modalité se révèle plutôt pauvre du point de vue des
apprentissages même si l’enseignant introduit quelques éléments de régulation
de l’activité des élèves en leur proposant un travail sur des tâches à erreurs.
Par ailleurs, l’organisation de TP tournants pose le problème de la cohérence
de la progression pour les élèves. Pour ne pas être enfermé dans une
cohérence interne de succession logique des TP, ceux-ci doivent être conçus
de manière indépendante les uns des autres. La progression des savoirs en jeu
ne peut reposer sur l’articulation des tâches proposées aux élèves. On voit ainsi
la complexité de la construction de ce genre de tâches. Dans la réalité, les TP
suivent une certaine logique progressive qui n’a réellement de sens que pour
les groupes d’élèves qui suivent l’ordre de cette logique.
La référence à une organisation pédagogique à partir de la logique experte est
particulièrement sensible dans les modes d’organisation des enseignements
technologiques des pays anglo-saxons (Ginestié, 1989a). Il apparaît qu’un
enseignement technologique, pour ces pays, doit avant tout être un
enseignement dans lequel les élèves ont des problèmes à résoudre, problèmes
— Page 17 —
pour lesquels il n’y a pas de solutions prescrites au préalable mais l’élaboration
d’une solution qui découle logiquement de la prise en compte des contraintes
du problème et de leur transformation en fonctions du système.
Nos résultats montrent que les élèves ne découvrent jamais toutes les
contraintes du problème et qu’ils transforment celles qu’ils découvrent en
simples cas particuliers de la fonctionnalité. De fait, ce type de modalité se
révèle économe du point de vue des apprentissages. Privilégier l’énoncé du
problème, pour qu’il ait un sens du point de vue des problèmes qu’ont à
résoudre des experts, accroît le caractère implicite de la majorité des
contraintes et, de fait, rend pratiquement impossible leur découverte et leur
prise en compte par les élèves. Accroître l’explicitation des contraintes revient à
accroître l’explicitation de la découverte du problème et induit de fait un fort
guidage de l’action dans la prospection des possibles. Autrement dit, le
conditionnement de la solution aux attentes de l’auteur de la tâche induit un
assujettissement particulièrement fort dans le choix des moyens mis en œuvre
pour atteindre le but fixé (Bruner, 1983). Ainsi, la seule évolution possible de ce
type de modalités conduit inévitablement vers une modalité de guidage de
l’action dans laquelle l’élève est invité pas à pas à prendre connaissance du
problème, de ces contraintes et des solutions que l’on peut élaborer pour
transformer chacune d’entre elles en fonction. L’adjonction d’un travail sur des
tâches à erreurs n’apporte qu’une amélioration de circonstance qui n’a qu’un
faible coefficient de pérennité.
Au travers de ces résultats, il est clair que les relations en jeu dans les
situations d’enseignement sont particulièrement importantes. Il semble évident
que toutes les modalités d’organisation des situations n’ont pas la même
incidence sur les stratégies déployées par les élèves et donc sur leurs
performances en matière d’apprentissage (Amalberti, 1996 ; Clot, 1996). Cette
question de l’organisation et de l’incidence que cela a sur les performances des
élèves est une question d’importance dans les enseignements technologiques
où le matériel utilisé est généralement coûteux, suppose des modalités
— Page 18 —
d’organisation particulières (TP tournant par exemple) mais doit également
rendre compte d’une certaine manière des modalités d’organisations sociales
du travail. Ce sont ces éléments que j’ai essayés de regarder dans la dernière
partie de la thèse dont je présente ici les éléments les plus importants.
1.3.
1.3.1.
EFFETS DE CONTRAT ET ORGANISATION DES ENSEIGNEMENTS
Contrat didactique : un exemple en technologie
L’objection que l’on peut formuler à l’encontre de la comparaison des situations
précédentes repose sur le fait que dans l’organisation habituelle des
enseignements technologiques, les élèves ont à décrire le fonctionnement d’un
système qu’ils voient fonctionner. Le recours à du matériel, souvent des
maquettes mais également des systèmes réels, est un des éléments constitutifs
des enseignements technologiques.
Tout comme il est impensable d'imaginer une salle de technologie dans laquelle
les élèves feraient tous la même chose en même temps, il est inimaginable que
l’enseignement de la technologie puisse se faire sous la forme de leçons et
d’exercices sans manipulation de matériel. C’est d’ailleurs certainement cette
utilisation de matériel qui est pour partie à l’origine d’un recours important au
guidage de l’action.
La mise en œuvre de systèmes sophistiqués suppose souvent des
manipulations d’outils particulièrement complexes qui nécessiteraient des
apprentissages spécifiques. Comme la finalité n’est pas d’apprendre à se servir
d’un outil en particulier, pour arriver au résultat, il ne reste plus qu’à conduire
pas à pas, étape par étape, l’élève vers la solution prédéterminée par
l’enseignant, celle qui assure un fonctionnement correct du système dans le
temps imparti à la séance.
Le fonctionnement usuel de la classe de technologie repose sur un certain
nombre de règles pérennes qui établissent les termes d’un contrat didactique
entre l’élève, le professeur et le savoir (Chevallard, 1989). D’une manière assez
— Page 19 —
générale, le déroulement classique d’une séance repose sur deux dossiers.
L’un, le dossier pédagogique, contient la description de la tâche à réaliser par
les élèves, la description très précise de la manière d’aboutir au résultat et
induit fortement la solution unique à laquelle il faut arriver. L’autre, le dossier
technique, contient l’ensemble des éléments nécessaires pour répondre aux
questions posées.
Le travail des élèves consiste dès lors à suivre pas à pas les instructions du
dossier pédagogique, à chercher la réponse à chacune des questions dans le
dossier technique et à remplir le document réponse (c’est également ce que
notent Hostein (1996) et Andreucci (1994)). Il est particulièrement frappant de
remarquer à quel point les réponses à fournir relèvent d’exercices de coloriage
(par exemple, affecter une couleur à une catégorie d’éléments) ou d’exercices à
trous (par exemple, compléter une phrase avec un mot ou un groupe de mots).
Dans cette perspective, l’activité des élèves se limite à chercher la seule bonne
réponse attendue par l’enseignant. Nous sommes bien éloignés d’un travail de
construction de savoirs et nous pouvons ainsi penser que l’utilisation de
matériel dans ces conditions n’aura que peu d’impact.
1.3.2.
Enseignements technologiques et utilisation de matériel
Pour étudier le rôle joué par le matériel, d’une part, et, d’autre part, par les
règles pérennes du contrat établi dans ces enseignements, nous avons pris
trois groupes d’élèves de classes de 1e E (filière Mathématiques et technologie
industrielle) en début d’année scolaire. Deux groupes d’élèves avaient suivi
l’option TSA en classe de 2de alors que le troisième groupe n’avait pas fait de
technologie auparavant.
Deux types d’organisation ont été retenus : une modalité classique fondée sur
le guidage de l’action et la manipulation de maquettes, d’une part, et, d’autre
part, une modalité plus originale de confrontation aux obstacles sans
manipulation de maquettes. Les élèves dans tous les cas devaient décrire au
moyen d’un GRAFCET le fonctionnement d’un système automatisé de
— Page 20 —
déplacement de pièces. Un groupe (TSAMC) constitué par des élèves issus de
TSA effectuait le TP selon la modalité classique ; l’autre groupe d’élèves
(TSAMO) issus de TSA et le groupe d’élèves qui n’avaient pas suivi l’option
TSA (NTSMO) ont effectué le TP selon la modalité originale. Le Tableau 2
présente les résultats obtenus lors d’un test identique pour chaque groupe qui a
été effectué après la séance.
Tableau 2 : Niveaux de résolution retenus par les groupes selon les modalités
adoptées
Modalités
Niveau 1
Niveau 2
Niveau 3
Total
NTSMO
TSAMC
TSAMO
6
6
1
3
2
4
0
0
3
9
8
8
Total
13
9
3
25
Les tests statistiques ne font pas apparaître de différences significatives entre
les modalités NTSMO et TSAMC alors qu’il y a des différences très
significatives entre la modalité TSAMO et chacune des deux autres. En d’autres
termes, cela signifie que, d’une part, le matériel ne joue pas un très grand rôle
dans les performances des élèves et, que d’autre part, un dispositif classique
conduit les élèves ayant fait une option TSA à un niveau de performance
comparable que celui obtenu par des élèves qui n’ont jamais fait cette option.
L’utilisation du guidage de l’action pour permettre aux élèves de se construire
une représentation fonctionnelle du système qu’ils manipulent apparaît comme
une association bien pauvre du point de vue des résultats. Au-delà des
résultats quantitatifs, quelques points d’importance sont à souligner.
1.3.3.
Activités d’élèves et effets de contrat
L’activité des binômes en cours de travail était enregistrée. Le dépouillement
des bandes vidéo, selon une méthode d’analyse de contenu, permet de noter le
fonctionnement routinier des élèves qui faisaient le TP classique. Par exemple,
on note en tout début de séance cet échange verbal :
— Page 21 —
Élève 1 : « que faut-il faire ? »
Élève 2 : « regarde, il faut répondre aux questions ici ! »
Élève 1 : « il faut mettre en marche la maquette, non ? »
Élève 2 : « non, pas pour le moment, on répond d’abord aux questions. »
Élève 1 : « oui, mais pour répondre, il faut faire tourner la maquette ? »
Élève 2 : « mais non, on s’en fout, on répond aux questions… »
L’élève 1 finira par admettre qu’il n’est nul besoin de faire marcher la maquette
(alors que c’était stipulé dans l’énoncé de la tâche) pour en décrire son
fonctionnement. Il est fort probable que dans une situation traditionnelle de
classe, ils auraient fait appel au professeur qui aurait certainement rappelé la
consigne.
Cet autre binôme, en cours d’activité a eu cet échange sur le fonctionnement du
système. Ils avaient ébauché une solution dans laquelle les deux mouvements
se succédaient séquentiellement (monter PUIS avancer) alors que le système
avançait en diagonale en combinant les deux mouvements (monter ET
avancer). Un des élèves observe le déplacement et interpelle l’autre :
Élève 3 : « non, il y a un malaise, on s’est planté, ça ne peut pas être
comme ça »
Élève 4 : « hein ! Qu’est-ce qui ne peut pas être comme ça ? »
Élève 3 : « Tu vois bien, le machin il se déplace comme ça (l’élève décrit la
trajectoire en diagonale avec la pointe de son crayon) et nous, nous avons
écrit qu’il se déplaçait comme ça (il hésite et décrit une trajectoire qui prend
la forme d’un cercle, manifestement, il a du mal à décrire la trajectoire)… tu
vois…, on s’est gouré… »
Élève 4 : « mais non, on s’est pas gouré, regarde, il fait ça et ça (l’élève fait
un geste encore plus vague que son camarade) »
Élève 3 : « mais non, il y a un problème, je suis sûr que ce n’est pas ça… »
Élève 4 : « demande au prof ! »
Élève 3 : « on peut, Monsieur ? »
Expérimentateur : « Oui ! Qu’y a-t-il ? »
Élève 3 : « ben, il y a un problème ! Le machin là il fait pas ce qu’on voudrait
qu’il fasse ! Vous pouvez nous expliquer ! »
Expérimentateur : « Vous savez, je ne peux rien vous dire, tout est contenu
dans le sujet. »
Élève 4 : « laisse tomber, de toute manière on a répondu à la question, c’est
tout ce qu’on nous demande, on va pas se prendre la tête avec ça. »
— Page 22 —
Ces deux extraits de dialogues d’élèves montrent assez clairement les enjeux
dans le déroulement d’une séance. Les élèves procèdent par routines
habituelles (il faut répondre aux questions, c’est tout ce que l’on me demande).
Chaque fois qu’un d’entre eux tente de s’écarter de ce traitement routinier, on
peut penser qu’il va interroger les fonctionnalités du système, qu’il va remettre
en cause sa stratégie de résolution. Les rappels à l’ordre, à la routine, sont
cependant les plus forts. S’il n’y a pas accord entre les deux élèves sur la
découverte d’une contrainte, sur sa transformation en fonction ou, sur la
solution retenue alors c’est toujours l’option minimaliste qui est retenue. Le
processus de progression dans la stratégie de résolution à coup d’affirmations
et d’abandons est un processus efficace pour arriver à bout de la tâche même
si c’est au détriment de la construction de sens.
Cette organisation de séances se réduit à une simple articulation d’activités que
l’élève parcourt de manière linéaire sans qu’aucune des incohérences qui
apparaissent ne soit suffisamment déstabilisante pour qu'il envisage réellement
et sérieusement de changer de stratégie. Tout se passe comme si son métier
d’élève dans ce cas se réduisait à achever le TP dans les délais impartis en
étant le plus économe possible de son investissement personnel. De fait, on
voit bien que les enjeux de savoirs ne sont absolument pas les mêmes selon la
manière dont on organise les rapports aux savoirs des élèves dans le cadre de
la classe. Cette question des savoirs est un thème largement récurent aux
différents travaux que l’on a pu conduire à Marseille et qui, me concernant,
s’inscrivait dans la continuité logique de la thèse.
2.
LES SAVOIRS ET LEUR RÉFÉRENCE
2.1.
2.1.1.
DES SAVOIRS POUR L’ENSEIGNEMENT DE LA TECHNOLOGIE
Contexte pour le choix de références
Il semble que les enseignements technologiques aient du mal à trouver leur
place à l’école entre enseignements scientifiques et travaux manuels. C’est,
— Page 23 —
sans doute, lié à l’implantation et au développement de l’enseignement de la
technologie au collège à partir de 1985. Lors de deux universités d’été
(Ginestié, 1988 et 1989b), nous avions déjà posé quelques-uns des éléments
de problématiques susceptibles d’ouvrir des travaux de recherche dans ce
sens.
Dès cette époque, se posait la question du choix de la référence pour les
savoirs. Nous l’avons vu, et c’est une partie des avancées proposées dans ma
thèse, les enseignements technologiques sont largement pensés comme une
succession d’activités qui doit être représentative de l’organisation sociale du
travail et plus particulièrement du monde de la production industrielle. Si cette
référence générale ne semble plus faire problème6, le détail de l’affaire n’est
pas aussi évident que cela. Quels sont les savoirs qui doivent être enseignés ?
Jusqu’à
quel
niveau
d’exigence
va-t-on
pour
chacune
des
classes
d’enseignement ? Comment sont articulés les savoirs entre eux à l’intérieur de
chacune des classes, entre les différentes classes, entre les différents cycles
de classes, entre les différents types d’établissements ?
La mise en place des actions de reconversion des professeurs d’EMT 7 à
l’enseignement de la technologie a posé ces questions d’une manière
particulièrement vive et a été un puissant moteur dans le développement de
nombreux travaux. Cette nouvelle discipline, instituée en 1985 à partir des
travaux de la Commission Permanente de Réflexion sur les Enseignements
Technologiques (1984), prenait la place d’une longue tradition de travaux
6
L’enseignement de la technologie se réfère au monde de l’industrie et plus particulièrement à
la production industrielle d’objets empruntés au secteur électromécanique domestique. Sont
exclus des secteurs industriels tout aussi importants et riches de lieux d’investigation tel
l’agroalimentaire, le biotechnologique ou encore l’aéronautique, les transports ou encore la
production d’énergie (liste largement non exhaustive).
7
La mise en place d’un enseignement de la technologie obligatoire pour tous les élèves du
collège a entraîné la reconversion des quelque 15 000 enseignants d’EMT répartis en environ
80% de PEGC XIII (en majorité des anciens instituteurs spécialisés) et environ 20% de certifiés
de Travaux Manuels Éducatifs.
— Page 24 —
manuels en occupant le créneau horaire, les salles et en s’appuyant sur les
enseignants. La référence ne devait plus se faire à l’environnement domestique
des enfants mais à des processus industriels. Ce n’est pas une simple
substitution de cours de cuisine par des cours de mécanique à laquelle on a
assisté ; il y a bien eu construction d’un nouveau monde.
La reconversion des professeurs d’EMT n’a pas été une opération simple en
soi. De la même manière que l’on ne pouvait substituer simplement de la
mécanique à la cuisine, on ne pouvait simplement donner des savoirs
technologiques à un corps d’enseignants, constitué majoritairement par des
PEGC. La complexité de la tâche a conduit à opérer des choix particulièrement
drastiques. Au détriment d’une transposition de savoirs technologiques que l’on
avait du mal à définir, il a été très souvent et très largement préféré une
approche pédagogique (Ginestié, 1987).
2.1.2.
La DPI comme architecture de référence
Dans cet ensemble, la démarche de projet industriel constitue une référence
privilégiée. Cette expression décrit le processus de mise sur le marché d’un
nouveau produit industriel par une entreprise. Bien évidemment, il s’agit
d’entreprises de pointe et les méthodes de production industrielle privilégiées
sont parmi les plus modernes. Dès lors, la complexité de la tâche de formation
se transformait ; il s’agissait de former des enseignants à mettre en œuvre une
organisation pédagogique représentative de la démarche de projet industriel,
utilisant les outils et les méthodes de cette démarche tout en conservant la
réalisation d’un petit objet que les élèves emporteraient. Quasiment tous les
groupes responsables des formations des enseignants d’EMT ont dès lors
travaillé sur la formalisation de dispositifs pédagogiques clé en main qui
— Page 25 —
permettaient à tout un chacun d’avoir les éléments pour assurer leur
enseignement de technologie8.
La qualité d’un tel dispositif repose essentiellement sur la pertinence du modèle
pédagogique. Le constat de départ de la reconversion (tel qu’il a été fait dans
l’Académie d’Aix-Marseille) était plutôt pessimiste du point de vue des
connaissances.
Il
semblait
vain
d’essayer
d’atteindre
un
niveau
de
connaissances techniques dans tous les champs que couvrait l’enseignement
de la technologie ; donc, il fallait équiper les enseignants avec une organisation
pédagogique forte leur permettant d’enseigner à tous les niveaux du collège.
Les savoirs en jeu dans les formations se sont ainsi déplacés du technologique
vers le pédagogique. Les deux universités d’été, que nous avions organisées à
Marseille, sont particulièrement significatives de ce glissement et ce en une
année. La première, en 1988, intitulée « Technologie et Didactique », était
encore un lieu de débat. Les questions posées interrogeaient le rapport entre
les savoirs à enseigner et la manière de les enseigner. La seconde, en 1989,
intitulée « Formation de formateurs en technologie », a tranché en ne
s’intéressant qu’à l’approche pédagogique.
Pour garder du sens à cette approche pédagogique, il fallait l’ancrer sur des
fondements technologiques forts sans pour autant se référer à des savoirs
susceptibles d’être un obstacle pour les enseignants d’EMT 9. Par ailleurs, il
fallait garder un lien explicite avec les pratiques de l’EMT.
8
On se référera à la très grande masse de projets qui ont circulé (de manière officielle ou non)
comme, par exemple, ceux publiés dans la revue de Montlignon, ceux publiés par différents
CRDP ou encore par les MAFPEN.
9
C’est ainsi que nous avons expérimenté des approches de l’électronique en évitant
soigneusement toutes références aux outils de modélisation tels les lois de Kirchhoff ou les
théorèmes de Millman ou encore même la loi d’Ohm dans quelques-unes de ces formes. Nous
avions, par exemple une année, mis en place un enseignement des circuits électriques sans
utiliser d’une manière ou d’une autre les notions de courant électrique et d’intensité, faisant
travailler les stagiaires exclusivement sur des concepts de tension et d’énergie.
— Page 26 —
On voit ainsi les avantages d’une référence à la démarche de projet industriel.
On pouvait instituer la réalisation d’un objet par les élèves, objet pour lequel on
pouvait aisément établir les différentes phases du processus de mise sur le
marché depuis l’idée de départ jusqu’à son utilisation. Les enseignants
préparaient les dossiers techniques nécessaires à chacune des étapes,
constituaient avec l’aide des formateurs spécialisés les ressources techniques
nécessaires, prévoyaient les articulations des séances et leur déroulement
dans le temps dans le cadre d’un projet pédagogique.
Très rapidement, l’apport de connaissances techniques des débuts a été
remplacé
par
des
ateliers
d’élaboration
de
dossiers
techniques
et
pédagogiques. Le choix des objets supports devenait ainsi particulièrement
sensible : il était nécessaire que ceux-ci soit pluri-technologiques (sousentendu, qu’ils intègrent des éléments mécaniques – souvent le boîtier – et
électroniques), facilement réalisables (c’est-à-dire ne nécessitant pas la mise
en œuvre d’outillages, de matériaux ou de procédés complexes), plutôt bon
marché (il fallait que les élèves puissent autofinancer cette production, ce qui
limitait le coût de revient à quelques dizaines de francs) et enfin qu’ils
correspondent à un besoin social identifiable (pour que l’on puisse opérer les
études de marchés et les plans de distribution qui légitimaient l’existence de
cet objet).
Cette intimité entre le projet technique, le projet pédagogique et l’objet, est
certainement générique de l’enseignement de la technologie au collège. Elle a
permis aux enseignants d’EMT fraîchement reconvertis d’enseigner quelque
chose qui n’était plus de l’EMT comme en témoigne cette énergie créatrice des
premiers temps, si l’on se fie au nombre de projets apparus çà et là. Pour
— Page 27 —
autant, on voit clairement les limites d’une telle approche beaucoup trop
dépendante d’un contexte particulier dans une époque particulière10.
2.1.3.
La démarche de projet industriel comme savoir enseigné
Dans la généralisation de la démarche de projet industriel comme référence
pour l’enseignement de la technologie au collège, un ouvrage scolaire, intitulé
la démarche de projet industriel (Rak & al, 1992), a joué un rôle important. Cet
ouvrage proposait une modélisation de la démarche de projet industriel en dix
étapes qui permettaient de décomposer le processus de mise sur le marché
d’un nouveau produit industriel en une succession d’activités planifiées,
identifiables pour lesquelles on pouvait construire aisément des activités
d’élèves en utilisant des outils spécifiques. Pour établir cette modélisation, les
auteurs se sont intéressés à la mise sur le marché d’une micro fraiseuse à
commande numérique destinée à équiper les salles de technologie de collège.
Le Schéma 1 présente cette décomposition en dix étapes du processus de
mise sur le marché d'un nouveau produit industriel.
10
Cette approche a notamment conduit à éloigner l’enseignement de la technologie au collège
des enseignements technologiques du lycée comme, par exemple, l’option TSA de la classe de
seconde ou encore l’option technologie industrielle des classes de première et terminale. Ce qui
les éloignait était bien cette opposition entre pédagogie et savoir.
— Page 28 —
Schéma 1 : Décomposition en dix étapes du processus de mise sur le marché
d'un nouveau produit industriel
La modélisation ainsi proposée évoque un fonctionnement très linéaire pour
lequel la solution d’une étape de la démarche de projet industriel fournit les
données de problème à résoudre à l’étape suivante. Pour chacune des étapes,
les outils proposés sont empruntés à des méthodes de traitement et à des
techniques identifiées telles que l’analyse de la valeur, la méthode APTE,
l’analyse SADT, etc. (Jouineau, 1986)
L’autre partie de l’ouvrage consiste en une série de propositions afin de définir
des activités d’élèves. Par exemple, le guide méthodologique de l’ouvrage
indique clairement les liens entre la description technique d’une activité et la
mise en scène pédagogique que l’on peut en faire. Comme toute modélisation,
il s’agit de construire un savoir à partir d’un ensemble de pratiques formalisées
dans des techniques particulières d’utilisation d’outils spécifiques.
De fait, nous avons là un excellent exemple de ce que pourrait être le
processus de transposition didactique dans les enseignements technologiques,
— Page 29 —
processus par lequel des savoirs socialement constitués sont décontextualisés,
séquentialisés et reconstruits pour devenir des savoirs à enseigner. Pour
étudier ce processus, nous avons analysé ce processus de mise sur le marché
d’un nouveau produit industriel dans les entreprises. Cette étude a été conduite
sur plusieurs années au travers de travaux de mémoires professionnels et de
stages en entreprise réalisés par des stagiaires de seconde année de la filière
technologie de l’IUFM d’Aix-Marseille (Ginestié, 1994a, 1995a, 1995b, 1996a).
2.2.
2.2.1.
L’IDENTIFICATION D’UNE RÉFÉRENCE
Méthodologie de travail
L’analyse porte sur l’observation et la description du processus de la démarche
de projet industriel lors de la mise sur le marché d’un nouveau produit par plus
de deux cents entreprises de différentes tailles réparties dans les différents
secteurs de la production industrielle (Cf. Tableau 3 : Répartition des
entreprises selon leur taille et leur secteur d’activité).
Tableau 3 : Répartition des entreprises selon leur taille et leur secteur
d'activité
Petite
Moyenne
Grande
moins de
50 salariés
de 50 à 499
salariés
500 et plus
salariés
Total
A- Construction mécanique
21
17
5
43
B- Construction électrique
C- Génie logiciel
17
19
4
40
18
6
0
24
D- Construction navale
2
9
3
14
E- Appareillage médical
15
11
2
28
F- Agroalimentaire
21
12
12
9
7
2
40
23
106
83
23
212
G- Mobilier professionnel
Total
Le recueil de données a été effectué par entretien non-directif avec le ou les
responsables de la mise sur le marché d’un nouveau produit. Il est clair que le
statut, la formation et les responsabilités de cette personne sont fortement liés à
la taille ou au secteur de l’entreprise et donc fortement variables d’une
— Page 30 —
entreprise à l’autre. Néanmoins, nous pouvons définir deux catégories de
responsables.
(i) Pour les petites entreprises, le responsable de la mise sur le marché d’un
nouveau produit est pratiquement toujours le dirigeant de l’entreprise (patron,
gérant, directeur, associé, etc.). La seule distinction notable concerne le génie
logiciel où, même pour les petites structures, il y a toujours un chef de projet
souvent différent du dirigeant qui s’occupe plutôt de la commercialisation des
produits.
(ii) Les moyennes et les grandes entreprises sont structurées de telle manière
qu’un responsable de projet (même s’il n’a pas ce titre dans l’entreprise) est
toujours identifiable. Ses charges et fonctions recouvrent toujours la
responsabilité du développement du nouveau produit. Une distinction apparaît
au travers de la mise en œuvre du projet. Le responsable du développement
n’est que peu souvent responsable du suivi global du projet dans sa phase de
production ou, lorsqu’il l’est, c’est seulement lors du lancement du produit pour
une durée assez restreinte.
La grille d’entretien que nous avons adoptée pour conduire les entretiens
reprend la modélisation de la démarche de projet industriel telle qu’elle est
décrite dans le manuel de Rak et al (1992). Après présentation de cette
modélisation, nous demandions aux personnes interrogées de nous dire s’ils
procédaient ainsi, quelles différences ils faisaient entre ce modèle et leur propre
pratique.
2.2.2.
Analyse des résultats
2.2.2.1. ÉTAPES DE LA DÉMARCHE DE PROJET INDUSTRIEL
La démarche de projet industriel est présentée dans le manuel (Rak et al, 1992)
comme comprenant dix étapes (Cf. Schéma 1, page 29). Pour chacune de ces
étapes, nous avons comptabilisé le nombre d’entreprises dans chacun des
secteurs d’activités qui déclarent prendre en compte cette étape dans leur
— Page 31 —
propre démarche de mise sur le marché d’un nouveau produit. Le Tableau 4
présente ces résultats en pourcentage.
Tableau 4 : Prise en compte des différentes étapes par les entreprises
Secteurs d’activités
Nbre d’entreprises
A
B
C
D
Cons.
Méc.
Cons.
Elec.
Génie log.
Cons.
Nav.
E
F
G
App. Méd. Agroalim.
Total
Mob.
Prof.
43
40
24
14
28
40
23
212
Analyser le besoin
74%
85%
79%
100%
89%
83%
96%
84%
Étudier la faisabilité
70%
80%
79%
36%
89%
83%
83%
77%
Concevoir
86%
90%
96%
100%
79%
98%
91%
91%
Définir
65%
75%
88%
64%
100%
70%
74%
76%
Industrialiser
91%
63%
0%
29%
68%
60%
57%
58%
Homologuer
49%
85%
75%
100%
100%
100%
100%
84%
100%
100%
96%
100%
100%
100%
100%
99%
Commercialiser
60%
70%
46%
64%
68%
100%
91%
73%
Utiliser
42%
63%
100%
57%
100%
70%
74%
70%
Recycler
21%
20%
0%
14%
57%
53%
22%
29%
Étapes
Produire
Ce tableau montre que la grande majorité des entreprises développent une
série d’activités pour huit étapes sur dix (total supérieur ou égal à 70%). Deux
étapes, l’industrialisation (58% des entreprises au total) et le recyclage (29%
des entreprises au total), font exception et sont peu prises en compte.
On note l’importance attribuée à la production (99% des entreprises) et à ses
corollaires directs, la conception (91% des entreprises), l’homologation (84%
des entreprises) et l’analyse du besoin (84% des entreprises).
On constate également que les pratiques des entreprises varient énormément
d’un secteur à l’autre ; elles n’attribuent pas toutes la même importance aux
même étapes. Par exemple, les questions d’homologation semblent moins
importantes pour les entreprises de construction mécanique (49% des
entreprises) alors qu’elles sont incontournables (100% des entreprises) pour
les
entreprises
de
construction
navale,
— Page 32 —
d’appareillage
médical,
d’agroalimentaire ou de mobiliers professionnels ; on voit bien à travers cela le
poids des normalisations sur certaines entreprises.
Ces premiers résultats nous permettent de constater que les entreprises
reconnaissent la modélisation des différentes étapes de la DPI comme une
formalisation plutôt pertinente du processus de mise sur le marché d’un
nouveau produit industriel. De ce point de vue, la transposition opérée respecte
l’organisation générale de ces processus industriels. Il est toutefois un peu
limitatif de ne considérer que les déclarations des personnes interrogées sur
des étapes définies par des termes génériques mais qui n’apporte aucune
indication sur les actions menées réellement, sur les outils et les procédés mis
en œuvre. C’est ce que nous allons examiner à présent.
2.2.2.2. OUTILS UTILISÉS
La modélisation de la DPI met en avant un certain nombre d’outils à chacune
des étapes. Nous avons comparé ces outils préconisés et ceux utilisés par les
entreprises. Dans cette analyse, nous n’avons pas distingué les résultats en
fonction du type d’entreprises. Nous avons regroupé les réponses selon trois
critères :
(i) Outils identiques : pour assurer la réalisation prévue à l’étape citée,
l’entreprise utilise les mêmes outils (ou similaires) que ceux décrits dans la
démarche de projet industriel (empruntés à l’analyse de la valeur pour la grande
majorité).
(ii) Outils différents : les entreprises utilisent un outil formalisé, repéré par un
ensemble de normes, qu'ils peuvent facilement expliciter, différent de celui
décrit dans la démarche de projet industriel.
(iii) Autres : cette catégorie regroupe les entreprises qui ont déclaré ne pas
avoir d’actions particulières à une étape donnée et celles qui n’utilisent pas
d’outils formalisés.
Le Tableau 5 présente les résultats de cette analyse. La colonne sous-total
permet de repérer le nombre d’entreprises qui utilisent un ensemble d’outils
— Page 33 —
formels. Les résultats sont exprimés en pourcentage du nombre d’entreprises
total.
Tableau 5 : Outils utilisés
Utilisation d’outils
Autres
Total
Identique
Différent
Sous-total
Analyser le besoin
3%
37%
40%
60%
100%
Étudier la faisabilité
1%
36%
37%
63%
100%
Concevoir
3%
77%
80%
20%
100%
Définir
1%
48%
49%
51%
100%
Industrialiser
1%
32%
33%
67%
100%
Homologuer
2%
81%
83%
17%
100%
Produire
Commercialiser
6%
2%
92%
41%
98%
43%
2%
57%
100%
100%
Utiliser
1%
67%
68%
32%
100%
Recycler
0%
19%
19%
81%
100%
Étapes
D’une manière générale, on constate que seulement quelques entreprises (au
plus 6%) utilisent les mêmes outils que ceux décrits dans la démarche de projet
industriel. Autrement dit, les entreprises utilisent des outils différents (résultats
de la colonne « différent ») ou n’utilisent pas d’outils formalisés (résultats de la
colonne « identique »).
Par ailleurs, plus des deux tiers des entreprises formalisent leurs actions en ce
qui concerne la conception (80%), l’homologation (83%), la production (98%) et
l’utilisation (68%). Pour les six autres étapes, l’utilisation d’outils formalisés
varie d’une entreprise sur deux (49% pour l’étape « définir ») à moins d’une
entreprise sur cinq (19% pour l’étape « recycler »). On notera qu’environ deux
entreprises sur trois n’utilisent pas d’outils formalisés pour les étapes analyser
le besoin (60% dans la colonne « Autres »), étudier la faisabilité (63%),
industrialiser (67%) et commercialiser (57%).
Ces résultats montrent la distance entre les déclarations des responsables de
projet et la réalité de leurs actions. D’une part, la grande majorité des
entreprises déclarait avoir une action pour huit étapes sur dix (cf. Tableau 4,
page 32). D’autre part, cette majorité d’entreprises ne se retrouve que dans
— Page 34 —
quatre étapes sur dix dès lors qu’il s’agit de nommer les outils utilisés. Il semble
que la démarche de projet se réduise, dans l’utilisation d’outils formalisés par
les entreprises, à l’articulation concevoir, homologuer, produire et utiliser.
Ce tableau montre également que les outils préconisés dans la démarche de
projet industriel ne sont que très peu utilisés par les entreprises. Les outils et
techniques développées dans la démarche de projet industriel sont ceux que
l’on retrouve dans l’enseignement des sciences et techniques industrielles dans
les lycées et les filières de l’enseignement supérieur technologique. Il y a
construction de toutes pièces d’un savoir à des fins d’enseignement.
Ces résultats permettent de mesurer l’éloignement entre ce qui est proposé aux
élèves et les pratiques réelles des entreprises. Cette distance s’exprime bien
sûr dans l’utilisation ou non d’outils formalisés, dans la nature de ces outils mais
surtout dans le fait que ce ne sont pas des organisations de travail qui sont
modélisés mais des procédés. Cette question de la référence dans l’élaboration
des contenus d’enseignement pour les disciplines technologiques est un point
important du travail entrepris ici. La signification de ce qui est enseigné est
directement conditionnée par les choix effectués dans ce travail de modélisation
de pratiques. Plusieurs points de questionnement apparaissent ici :
L’articulation entre outils, procédés et organisations sociales permettent aux
entreprises d’agir. Le travail de modélisation opéré afin d’élaborer des savoirs
pour l’enseignement fige cette dynamique en privilégiant le couple outil –
procédé et en excluant les organisations sociales. L’enseignement se référerait
ainsi à des savoirs réduits à l’utilisation d’un outil spécifique dans un contexte
particulier. Peut-on sortir de cette situation paradoxale dans laquelle la
modélisation de pratiques conduit à évacuer tout enjeu de signification sociale
sur ces pratiques dans les savoirs ainsi élaborés ?
Privilégier le couple procédé – outil conduit à accorder une place importante
dans l’enseignement à la maîtrise de l’utilisation de ces outils. On a noté la
fragilité du choix de tel ou tel outil (seulement quelques entreprises utilisent les
outils décrits dans la modélisation). L’organisation d’un enseignement autour de
— Page 35 —
la manipulation de ces outils souffre de la même fragilité. D’une part, il est
difficile de trouver des logiques de progression des enseignements (si ce n’est
en compliquant leur utilisation). D’autre part, les contraintes liées à la maîtrise
de chacun des outils renforce les activités de manipulation de ces outils au
détriment d’activités de construction de sens sur leur rôle social. Quelles sont
les conséquences sur les organisations curriculaires des enseignements
technologiques et peut-on imaginer d’autres organisations curriculaires ?
2.3.
PRATIQUES DE TRANSMISSION DES SAVOIRS TECHNOLOGIQUES
L’organisation des enseignements est un élément clé du processus de
transposition appropriation de savoirs technologiques. Dans cette organisation,
l’enseignant joue un rôle important. C’est lui qui opère choisi les savoirs, leur
ordre, leur articulation, leur hiérarchisation ; c’est lui qui décide des tâches qu’il
va proposer aux élèves, du matériel qu’il va mettre à leur disposition, de la
façon dont ils vont pouvoir l’utiliser, de ce qu’ils feront avec, etc. Ces choix ne
relèvent pas pour autant de la libre décision et du libre arbitre de l’enseignant,
ils sont précontraints aux règles du contrat didactique. L’étude conduite dans la
thèse montrait ce rapport d’influence entre règles pérennes et règles locales.
Ce n’est pas ce rapport qui nous intéresse à présent. Il s’agit de regarder
l’influence que peut avoir la modélisation de la démarche de projet industriel sur
l’organisation de l’enseignement de la technologie au collège. Pour ce faire,
nous avons conduit un travail auprès de cent neuf enseignants la technologie
en classe de 5ème dans des collèges de l’Académie d’Aix-Marseille. Ce travail a
été conduit il y a trois ans ; depuis les programmes de technologie ont été
réécrits et relativisent la part attribuée à la démarche de projet dans
l’enseignement de la technologie.
2.3.1.
Méthodologie de recueil des données
Les cent neuf enseignants retenus sont tous certifiés de technologie, répartis
dans quatre-vingt-sept collèges pris dans différentes zones. La constitution de
— Page 36 —
cet
échantillon
respecte
une
représentativité
d’établissements
citadins
(banlieues, quartiers favorisés, etc.) et d’établissements ruraux.
Le recueil des données s’est fait à partir de :
La
consultation
et
l’analyse
des
documents - élèves
(classeurs
de
technologie) et des documents - professeurs (fiches de préparation, cahier
de texte, dossiers techniques et pédagogiques, etc. ) ;
L’observation de séances d’enseignement ;
Des entretiens non-directifs des enseignants.
Il s’agissait de préciser les points de vue des enseignants sur la nature de leur
enseignement, l’organisation qu’ils retiennent, le temps qu’ils consacrent à
chaque élément, l’importance qu’ils leur accordent, les difficultés et les
réussites qu’ils rencontrent.
2.3.2.
Analyse des résultats
2.3.2.1. STRUCTURATION DU CLASSEUR DES ÉLÈVES
Le classeur des élèves est un témoin important de l’enseignement de la
technologie. C’est ce que l’enseignant montre de son enseignement aux élèves
et à leurs parents. La façon dont ce classeur est structuré (et qui est imposée
aux élèves) est choisie par l’enseignant. Elle est donc significative de la
manière dont celui-ci organise son enseignement et les savoirs qu’il est chargé
de transmettre. Elle nous donne des indications sur le découpage et la
répartition de ces savoirs. Nous retiendrons trois structures principales :
(i)
Structure 1 : la structure du classeur adopte la démarche de projet
industriel comme structure dominante ; le classeur est divisé par huit à dix
intercalaires reprenant chacun une étape de la démarche de projet.
(ii)
Structure 2 : le classeur est découpé en quatre ou cinq domaines :
mécanique, électronique, économie - gestion, informatique et, quelques
fois, automatisme.
(iii)
Autres structures : nous avons rangé dans cette catégorie toutes les
structures qui ne relèvent pas des précédentes.
— Page 37 —
Le Tableau 6 présente le nombre d’enseignants qui ont adopté chacune de ces
structures.
Tableau 6 : Structuration du classeur de technologie des élèves
Modes de structuration
Nombre
d’enseignants
78
27
4
Structure 1
Structure 2
Autres structures
109
Total
Ce tableau montre la forte dominante d’un classeur structuré selon les étapes
de la démarche de projet industriel (78 enseignants adoptent la structure 1).
Toutefois, on notera qu’un quart des enseignants adoptent une répartition selon
les domaines de la technologie (27 adoptent la structure 2) bien que cette
organisation soit très éloignée de ce que l’institution souhaite pour cet
enseignement.
On constate que la démarche de projet industriel joue un rôle important dans la
structuration des enseignements de technologie au collège. Près de trois
enseignants sur quatre l’ont adoptée en demandant à leurs élèves de structurer
leur classeur selon ce modèle. Ce choix nous renseigne sur les pratiques de
classe : il s’agit de dérouler pendant l’année les différentes étapes de la
démarche de projet industriel en réunissant les documents (distribués par le
professeur et / ou élaborés par les élèves) dans un classeur qui reprend cette
structuration étape par étape. Nous l’avons vu précédemment, toutes les
étapes n’ont pas la même importance et ne sont pas traitées de la manière par
les entreprises. Quand est-il de leur étude dans les classes ? C’est ce que nous
allons examiner à présent.
2.3.2.2. LOGIQUE TEMPORELLE DE L’ENSEIGNEMENT DE LA DPI
La détermination de l’importance attribuée à telle partie de l’enseignement peut
être approchée par la place que celle-ci occupe dans la distribution annuelle.
Chaque enseignant dispose d’une trentaine de séances dans l’année. Il va
— Page 38 —
établir une répartition et une progression des différentes activités nécessaires
sur l’année. C’est ainsi qu’il va choisir ce qu’il va enseigner, le nombre de
séances qu’il va consacrer à chacune des étapes de la DPI, l’ordre dans lequel
il va aborder ces étapes. Ces choix dépendent de nombreux paramètres tels
que la disponibilité des salles et des matériels ou la nature du projet choisi. Par
exemple, un enseignant, qui choisirait une répartition linéaire des dix étapes de
la démarche de projet industriel sur l’année, devrait consacrer 10% du temps à
chacune des étapes, soit environ trois séances. Le nombre de séances que
chaque enseignant va consacrer à chacune des étapes nous informe utilement
sur l’importance que l’étude de cette étape prend dans l’activité scolaire.
Nous avons demandé à chacun des enseignants de nous dire combien de
séances il consacrait à chacune des étapes. Pour valider la comparaison, nous
ne retenons pour cette analyse que les soixante-dix huit enseignants qui ont
organisé leur activité selon la démarche de projet industriel. Le Tableau 7
présente les effectifs d’enseignants en fonction du nombre de séances qu’ils
consacrent à chacune des étapes de la démarche de projet industriel.
Tableau 7 : Répartition des effectifs d’enseignants en fonction du nombre de
séances qu’ils consacrent à chacune des étapes de la DPI
Nombre de
séances
<1
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 >12
Total
Étapes
Analyser le besoin
1
5
18
33
6
5
4
3
1
1
1
0
0
0
78
Étudier la faisabilité
38
22
11
4
2
1
0
0
0
0
0
0
0
0
78
Concevoir
18
30
12
8
4
2
2
1
1
0
0
0
0
0
78
Définir
43
8
7
6
9
3
1
1
0
0
0
0
0
0
78
Industrialiser
7
11
28
27
3
2
0
0
0
0
0
0
0
0
78
Homologuer
58
12
7
1
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
78
Produire
0
0
0
0
0
0
1
2
4
5
14
26
18
8
78
Commercialiser
0
1
6
17
14
11
4
7
8
4
2
1
0
0
75
Utiliser
42
21
7
7
0
1
0
0
0
0
0
0
0
0
78
Recycler
69
7
1
1
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
78
Dans ce tableau, nous avons fait ressortir en gras les zones de majorité, c’est à
dire le minimum de cellules contiguës qui réunissent un effectif minimum de
cinquante-huit enseignants correspondant à une très large majorité de trois
— Page 39 —
enseignants sur quatre. Pour chaque étape, cette majorité d’enseignants est
atteinte en une deux ou trois cellules. Par exemple, la zone de majorité des
étapes homologuer et recycler ne recouvre qu’une cellule (respectivement, 58
et 69 enseignants déclarent ne pas consacrer une séance à ces étapes et ne
font que les évoquer). La zone de majorité pour l’étape analyser le besoin
montre que la majorité des enseignants consacre entre deux et quatre séances
à l’étude de cette étape.
Si l’on effectue un classement des étapes en fonction de ces zones de majorité,
c’est à dire en fonction du nombre de séances que la majorité des enseignants
ont choisi de leur consacrer, la production occupe largement la première place
(la zone de majorité se répartit sur les cellules 10 séances à 12 séances). La
commercialisation prend la seconde place avec une zone répartie entre trois et
cinq séances, suivie par l’analyse du besoin (zone située entre deux et quatre
séances). La majorité des enseignants consacre à ces trois étapes de quinze à
vingt et une séances sur un total d’une trentaine de séances dans l’année.
L’industrialisation arrive ensuite dans ce classement, la majorité des
enseignants lui consacre entre une et trois séances. Les étapes concevoir et
définir viennent ensuite avec des zones comprises entre zéro et deux. Puis on
trouve les étapes étudier la faisabilité et utiliser dont la zone de majorité se
répartit entre zéro et une séance. Les étapes recycler et homologuer occupent
les dernières places de ce classement, la majorité des enseignants ne consacre
même pas une séance et ne font, dans le meilleurs des cas, que les évoquer.
Ces résultats mettent en avant une articulation forte entre la production, la
commercialisation et l’analyse du besoin. L’étude de la démarche de projet
industriel s’organise autour de la production d’un objet après s’être assuré qu’il
répond à un besoin et qu’il peut être vendu. Cette organisation scolaire
constitue une réduction particulièrement drastique d’une démarche de projet en
dix étapes vers une articulation forte de trois étapes seulement.
— Page 40 —
2.3.2.3. MODALITÉS D’ORGANISATION DES SÉQUENCES
Le second niveau d’analyse concerne la façon dont l’enseignant organise les
séquences. Le fait de déclarer que l’élève doit être actif et acteur de sa
formation (Ministère de l’éducation nationale, 1991) suppose d’organiser les
activités des élèves de façon à ce qu’ils produisent de manière plus ou moins
autonome. Certaines organisations pédagogiques permettent de respecter cette
déclaration.
On
peut
ainsi
dégager
quatre
catégories
de
modalités
d’organisation fréquemment utilisées :
(i) Le guidage de l’action (GA) consiste à proposer aux élèves de progresser
vers la solution au moyen de fiches guides qui planifient son travail et orientent
son champ de réponse. Dans ce type d’organisation, les difficultés sont
aplanies, c’est la logique de l’enseignant qui est privilégiée au détriment de la
logique de l’élève ;
(ii) La résolution de problème (RP) tend à placer les élèves dans une posture
d’expert. Il s’agit de respecter « l’authenticité de la tâche » du point de vue de
la référence, il faut faire comme si le problème posé était un « vrai problème »
qu’un expert doit résoudre. Cette organisation favorise la logique de la tâche au
détriment de la logique de l’élève ;
(iii) L’articulation apport théorique - exercices d’application (AE) est une
approche classique dans laquelle l’enseignant fait un cours théorique sur les
notions et les concepts nécessaires à la résolution de la tâche, il propose aux
élèves de faire des exercices d’entraînement pour chacune de ces notions ou
concepts et finalise l’ensemble dans un travail global qui porte sur la
conjonction de tous ces éléments et qui sert très souvent d’évaluation
sommative. Il s’agit dans ce cas de favoriser la logique disciplinaire au
détriment de la logique de l’élève.
(iv) La dernière colonne regroupe les modalités différentes que nous n’avons
pas pu ou su classer dans une des trois catégories ci-dessus (MD).
Le Tableau 8 présente les modalités dominantes retenues par les enseignants
à chacune des étapes de la démarche de projet industriel.
— Page 41 —
Tableau 8 : Modalités d’organisation pédagogique à chaque étape de la
démarche de projet industriel
Modalités
Étapes
Guidage
action
Résolution
problèmes
Apport et
exercices
21
8
32
3
47
1
67
29
6
0
214
27
4
24
15
9
0
7
17
18
3
124
28
63
15
56
20
77
0
24
53
75
411
Analyser le besoin
Étudier la faisabilité
Concevoir
Définir
Industrialiser
Homologuer
Produire
Commercialiser
Utiliser
Recycler
TOTAL
Autres
modalités
2
3
7
4
2
0
4
8
1
0
31
TOTAL
78
78
78
78
78
78
78
78
78
78
780
On constate que peu d’enseignants proposent d’autres modalités, différentes
des trois standards (un maximum de huit pour l’étude de la commercialisation).
Le guidage de l’action est très utilisé lors de la production (67 enseignants) et
pour l’industrialisation (47 enseignants). L’articulation apports théoriques exercices d’application est largement utilisée pour l’étude de l’homologation
(77 enseignants), du recyclage (75 enseignants), de l’étude de la faisabilité
(63 enseignants),
de
la
définition
(56
enseignants)
et
de
l’utilisation
(53 enseignants). La résolution de problème ne fait pas partie des modalités
majoritairement répandue même si environ un tiers des enseignants l’utilise lors
de l’analyse du besoin (27 enseignants) et de la conception (24 enseignants).
Or, ces modalités font peu de cas de la logique de l’élève.
Ces résultats montrent également que les enseignants utilisent massivement
l’apport théorique suivi d’exercices d’applications. Ce résultat surprenant va à
l’encontre du principe d’action des élèves préconisé par les textes. L’image de
la classe de technologie que ces derniers veulent donner n’est pas vraiment
celle d’une classe dans laquelle un enseignant « fait un cours au tableau
pendant que les élèves écoutent ». Le recours au guidage de l’action ou à la
résolution de problèmes est plus conforme à cette idée « d’élèves qui font ».
— Page 42 —
De fait, on s’aperçoit, en rapprochant ces résultats des précédents, que les
enseignants choisiraient une de ces deux modalités pour les étapes pour les
étapes qui occupent une place importante dans l’année comme la production,
l’industrialisation, l’analyse du besoin ou la commercialisation. Autrement dit,
l’enseignant procèderait par guidage de l’action ou par résolution de problèmes
aux étapes pour lesquelles il consacre beaucoup de temps (par exemple, la
production), tandis que pour celles qui sont rapidement traitées, il a recours à
une forme plus traditionnelle du type cours suivi d’exercices.
2.3.2.4. CROISEMENT MODALITÉ D’ORGANISATION ET DURÉE DES SÉQUENCES
Nous avons croisé le choix de la modalité avec le nombre de séances consacré
à chacune des étapes de la DPI pour confirmer cette interaction entre modalité
et nombre de séances. Ces résultats, exprimés en pourcentages, sont
présentés dans le Tableau 9.
Tableau 9 : Croisement du choix de la modalité avec le nombre de séances
consacré à chaque étapes en %
Modalités
Étapes
Guidage
action
Résolution
problèmes
Apport et
exercices
Autres
modalités
TOTAL
Analyser le besoin
3,30%
4,25%
4,41%
0,31%
0.12%
Étudier la faisabilité
0,35%
0,18%
2,77%
0,13%
0.03%
Concevoir
2,57%
1,92%
1,20%
0,56%
0.06%
Définir
0,19%
0,98%
3,65%
0,26%
0.05%
Industrialiser
4,84%
0,93%
2,06%
0,21%
0.08%
Homologuer
0,03%
0,00%
1,62%
0,00%
34,32%
3,59%
0,00%
2,05%
0.02%
0.40%
Commercialiser
7,20%
4,22%
5,96%
1,99%
0.19%
Utiliser
0,24%
0,71%
2,07%
0,04%
0.03%
Recycler
0,00%
0,03%
0,86%
0,00%
0.01%
0.53%
0.17%
0.25%
0.06%
1.01%
Produire
TOTAL
On peut avoir deux lectures de ce tableau. La lecture verticale nous permet de
hiérarchiser les étapes entre elles. Par exemple, on constate que le guidage de
l’action est particulièrement privilégié pour la production (34,32%) et, dans une
moindre mesure, lors de la commercialisation (7,20%), de l’industrialisation
— Page 43 —
(4,84%) ou encore de l’analyse du besoin (3,30%). La lecture horizontale nous
permet de hiérarchiser les modalités mises en œuvre. Par exemple, l’étape
définir est abordée principalement par des apports théoriques et des exercices
d’application
(3,65%)
et
beaucoup
plus
rarement
par
guidage
de
l’action (0,19%).
Ces résultats apportent un fort contraste aux premiers éléments d’analyse et
cela su sur deux plans. Ils confirment, d’une part, la place prépondérante de la
fabrication (total de 39,96%) et la réduction de la démarche de projet industriel
à trois étapes principales : produire, commercialiser (total de 19,37%) et
analyser le besoin (total de 12,27%) ; ces trois étapes occupent près de troisquarts des activités. D’autre part, ils montrent que le guidage de l’action
constitue la pratique majoritaire dans l’enseignement de la technologie
(53,04%) ; c’est la pratique majoritaire pour étudier la production (34,32%), la
commercialisation (7,20%) et l’industrialisation (4,84%). Les enseignants ont
recours à des apports de connaissances suivies d’exercices d’application dans
près d’un quart des cas (24,60%) et majoritairement pour l’étude de la faisabilité
(2,77% pour un total de 3,43%), la définition (3,65% pour un total de 5,08%),
l’homologation (1,62% pour un total de 1,65%), l’utilisation (2,07% pour un total
de 3,06%) ou le recyclage (0,86% pour un total de 0,89%).
Ces résultats montrent un enseignement de la technologie qui se consacre pour
l’essentiel à une analyse du besoin, à la production et à la commercialisation
d’un objet. Ces trois étapes occupent la majeure partie de leurs temps. Le
guidage de l’action est très largement utilisé, répondant ainsi au souci de
l’institution d’avoir des élèves actifs11. Le recours à des apports théoriques est
11
Cette orientation repose sur un modèle psychopédagogique, inspiré par les publications,
entre autres, de De Landsheere (1985), de Mérieu (1988). Ce modèle met en avant l’élève en le
plaçant au centre du système éducatif. Il s’agit de proposer aux élèves des tâches pratiques
dans lesquelles l’élève fait, est acteur de sa propre formation. Ce modèle repose sur le
présupposé suivant : ce type de tâches facilite l’accès au savoir, l’élève apprend en faisant. Ce
modèle est souvent complété par la mise en projet des élèves.
— Page 44 —
plutôt réservé à des étapes qui n’occupent que peu de place dans cette
organisation scolaire. Cette organisation pose problème pour deux raisons
principales. D’une part, l’organisation par guidage de l’action se révèle assez
pauvre du point de vue des apprentissages. S’il permet à l’élève de mener à
bien une tâche, dans de bonnes conditions de réalisation et avec un bon taux
de réussite du point de vue du résultat escompté, en revanche, il ne favorise
pas la construction de savoirs car il procède par réduction des difficultés des
élèves et par aplanissement des obstacles qu’ils rencontrent. Il n’y a aucun
élément de déstabilisation de leurs conceptions ou de leurs procédures de
résolution familière. Il ne peut donc pas y avoir évolution vers une
représentation plus fonctionnelle qui serait significative de la construction d’un
nouvel apprentissage (Weill-Fassina, 1979 ; Ginestié, 1992b). D’autre part,
comme quelques travaux en robotique pédagogique par exemple (par exemple,
Leroux, 1993) le montrent, le recours au guidage de l’action entraîne
d’importantes sollicitations et un grand nombre de questions des élèves au
professeur. C’est également ce constat que fait Andreucci (1994) à propos
d’une étude conduite dans les classes de 2 de TSA de trois lycées :
l’organisation en travaux pratiques tournants sur sept ou huit séances
fonctionne grâce à un fort guidage de l’action. Ces sollicitations apparaissent
comme des limites des élèves à faire par eux-mêmes, tout seul. Dans les deux
cas, les auteurs constatent que pour réduire ces sollicitations, les enseignants
accroissent le guidage de l’action (par exemple, en décomposant de manière
de plus en plus fine les activités des élèves) ou introduisent des phases
d’apports de connaissances (sous la forme de séances préalables explicatives
ou de séances de synthèse).
De fait, ce mode d’organisation met en avant une apparence d’élèves acteurs,
qui font des choses (en ayant largement recours à l’enseignant), ce qui est
— Page 45 —
conforme aux textes officiels. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que les
enseignants privilégient le guidage de l’action pour les activités machinales qui
relèvent plus de la succession d’opérations manuelles auxquelles ils consacrent
beaucoup de temps et qu’ils adoptent la succession apport de connaissances –
exercices d’applications dès qu’ils pensent avoir des concepts à « faire passer
dans un temps limité ». Cette tendance devrait se retrouver dans les tâches
proposées aux élèves.
2.3.2.5. BUT DES TÂCHES PROPOSÉES AUX ÉLÈVES
L’indicateur d’analyse utilisé ici porte sur l’étude des tâches proposées aux
élèves. L’objectif de ce travail est de conduire une analyse de contenus. Audelà des déclarations d’intention de l’enseignant, le premier point abordé
concerne le but réel de la tâche proposée aux élèves. Celui-ci est déterminé à
partir du croisement des intentions déclarées de l’enseignant et de la mise en
texte de la tâche telle qu’elle est présentée aux élèves. Il est évident qu’une
tâche ne vise pas un seul but et que les attentes sont souvent multiples. L’étude
qui suit cherche donc à dégager le but dominant que nous qualifions de but
réel. On peut ainsi définir quatre items différents :
But 1 : la tâche est organisée afin que l’élève arrive à choisir une solution
prédéfinie par l’enseignant, parmi plusieurs autres, en mettant en œuvre une
démarche rationnelle et en utilisant un ensemble d’outils définis.
But 2 : la tâche a pour but de permettre aux élèves de mettre en œuvre un outil
spécifique dans un but de manipulation de cet outil. Ce n’est pas
nécessairement la maîtrise de l’outil qui est visée ; il n’y a pas obligatoirement
d’enjeux de savoirs mais plus souvent des enjeux de reconnaissance (savoir
que çà existe).
But 3 : le but réel de la tâche vise l’acquisition d’un savoir repéré en tant que tel.
Les élèves doivent savoir telle ou telle chose qui semble indispensable à la
compréhension de tout ou partie de l’ensemble de la DPI.
— Page 46 —
But 4 : le but réel est de conduire l’élève à la maîtrise d’un geste ou d’un
ensemble de gestes nécessaires pour réaliser une tâche plus complexe. Ce
geste peut relever plutôt du domaine psychomoteur (par exemple, souder un
composant sur un circuit imprimé) ou plutôt du domaine cognitif (par exemple
repérer la position de composants sur un circuit à partir d’un schéma). Il s’agit
d’atteindre les compétences nécessaires à la conduite autonome du projet.
Le Tableau 10 présente les résultats de cette analyse auprès des soixante-dix
huit enseignants de technologie de notre échantillon. Selon les étapes de la
DPI, le total des réponses est supérieur à ce nombre car, pour une même
étape, plusieurs tâches sont souvent proposées aux élèves.
Tableau 10 : Buts réels des tâches selon les étapes de la démarche de projet
industriel
Étapes
Buts réels
Analyser le besoin
Étudier la faisabilité
But 1
153
But 2
But 3
But 4
Total
72
74
4
5
1
38
19
270
96
68
7
6
26
107
Définir
Industrialiser
93
136
8
28
4
2
31
6
136
172
Homologuer
51
13
7
12
83
Produire
754
74
34
49
911
Commercialiser
187
51
59
26
47
319
4
2
31
88
78
0
1
0
79
Concevoir
Utiliser
Recycler
Nous avons relevé en gras les valeurs les plus fortes pour chacune des étapes.
Le nombre de tâches proposées confirme les précédents résultats. Il est plus
important aux étapes pour lesquelles l’enseignant consacre beaucoup de
temps. On constate que la démarche de projet industriel est essentiellement
centrée sur la production (total de 911 tâches) puis la commercialisation (total
de 319 tâches) et enfin l’analyse du besoin (total de 270 tâches). Les autres
étapes sont abordées au travers d’un minimum de tâches.
— Page 47 —
Les tâches proposées sont massivement centrées sur l’obtention d’une solution
a priori (nombre de tâches de but 1 toujours largement supérieur aux autres).
Le recours à un guidage de l’action (tel qu’on peut le constater dans le Tableau
8 et le Tableau 9) couplé à la recherche d’une solution prédéfinie constitue la
pratique majoritaire des enseignants de technologie. Il y a confusion entre le
résultat de la tâche à obtenir et le but de l’apprentissage. L’utilisation du
guidage de l’action se révèle être, nous le disions plus haut, une modalité
économique du point de vue des apprentissages ; la confusion entre résultat de
la tâche et but de l’activité renforce cet appauvrissement. Le très faible nombre
de tâches proposées visant l’acquisition d’un savoir précis confirme cette
orientation.
La technologie est présentée comme une succession de tâches articulées en
cohérence avec la démarche de projet industriel. Les élèves progressent vers la
solution prédéfinie par l’enseignant grâce à un fort guidage de l’action. La
stratégie mise en œuvre est économique du point de vue des apprentissages.
Autrement dit, les élèves ont de nombreuses activités, qui suivent la
chronologie de la démarche de projet industriel, sans que pour autant ces
activités les conduisent avec un minimum de garanties à construire des
savoirs12.
Ce travail nous permet de montrer à quel point les relations entre les savoirs
enseignés (et donc leur constitution), les pratiques des enseignants et les
apprentissages des élèves, sont particulièrement fortes. Nous commençons à
comprendre un peu mieux le processus de transposition – appropriation de
savoirs technologiques. Le développement des filières technologiques dans
l’IUFM d’Aix-Marseille s’est accompagné du développement d’un certain
12
Nous avons conduit une enquête auprès d’élèves de collège qui montre que ceux-ci mettent
une grande distance entre la technologie et son enseignement (Ginestié & Andreucci, 1997).
Les résultats montrent leur niveau de conscience et leur intérêt pour la chose technologique
tout en mettant en exergue un désintérêt croissant pour son enseignant qu’ils jugent beaucoup
trop ancré sur des activités manuelles.
— Page 48 —
nombre d’outils de réflexion, de recherche et de développement13, outils qui
nous permettent de travailler un peu plus systématiquement les différentes
facettes de ce processus de transposition – appropriation (Ginestié, 1996b,
1997, 1998a). Parmi l’ensemble des possibles, ce travail nous conduit à relever
quelques problématiques qui intéressent notre travail :
L’organisation curriculaire de l’enseignement de la technologie autour de la
démarche de projet industriel induit des organisations qui privilégient les
tâches de fabrication et le guidage de l’action. Or, c’est la réalisation d’un
projet qui a une fonction formative. Existe-t-il d’autres types d’activités,
induits chez les élèves par cette organisation et qui ne se limitent pas à la
tâche ?
L’impression donnée par notre enquête met en avant des conditions
d’études peu favorables à l’apprentissage de savoirs qui vont au-delà de
procédures de réalisation et de manipulation d’outils. Qu’en est-il du travail
de l’enseignant qui « aménage le milieu » de travail de l’élève pour rendre
possible une analyse réflexive ?
L’ensemble des textes et des documents qui sert de référence à
l’enseignement de la technologie a une très grande influence sur le choix
des savoirs à enseigner, leur organisation dans des progressions, leur mise
en scène par les enseignants dans la pratique quotidienne de la classe.
Ces éléments jouent un rôle déterminant dans les apprentissages des
élèves. Les orientations prises ne ferment-elles pas trop le champ des
possibles dans l’articulation tâches – activités ?
13
Notamment le séminaire de didactique des enseignements technologiques s’intéresse surtout
à la question de ces rapports aux savoirs. Il permet de discuter de thèmes tels que les relations
sciences – technologies – techniques, de la question du besoin dans le mode d’existence des
objets techniques ou encore de l’introduction de nouveaux savoirs comme ceux qui se réfèrent
aux technologies de l’information et de la communication.
— Page 49 —
La question de la référence est une question essentielle dans la détermination
d’une discipline scolaire. Cette référence a des conséquences évidentes sur
l’organisation des connaissances que l’on veut enseigner. Elle définit l’objet de
l’étude en même temps qu’elle précise les contraintes qui pèsent sur les
conditions de l’étude. Ce sont ces éléments que nous allons examiner dans
notre seconde partie.
— Page 50 —
DEUXIÈME PARTIE : DES RÉFÉRENCES POUR LES
ENSEIGNEMENTS TECHNOLOGIQUES
— Page 51 —
1.
DÉLIMITER UN CHAMP DE RÉFÉRENCES
Dans la première partie, nous montrions, au travers d’études empiriques,
comment les choix effectués, institutionnellement ou non, dans la délimitation
d’un champ de références influait l’ensemble du processus de transposition –
appropriation. Les contraintes qui pèsent sur ce processus tendent à imposer
en même temps la matière et la manière, les questions à étudier et les formes
de l’étude (Chevallard, 1997). Peut-on ainsi délimiter un univers de savoirs en
tous genres, normalisés ou non dans une institution épistémologique, univers
qui permettrait de référer un certain nombre d’enjeux scolaires, délimitant un
espace singulier que l’on nommerait discipline(s) technologique(s) ? Si l’on
perçoit les enjeux d’une telle question, organiser la réponse ne va pas de soi.
1.1.
GESTE, TECHNIQUE, TECHNOLOGIE
Dans ma thèse (Ginestié, 1992a), je posais que les technologies au sens
étymologique introduisaient le lien de la construction d’un discours sur les
techniques. Il semble, et c’est ce point de vue que je défendais, qu’il y ait un
lien entre les gestes, les techniques et les technologies. Dans cette perspective,
les gestes décrivent l’habileté déployée par une personne pour faire une chose
sans que pour autant cette personne soit en mesure de dire, voire de justifier,
ce qu’elle fait et surtout comment elle le fait. L’explicitation du geste dans une
description fonde la technique qui prétend dépasser la confidentialité du geste
effectué par l’individu. Il y aurait cette tentative de rendre compte du geste afin
de pouvoir le répéter mais surtout afin de pouvoir le faire répéter. La frontière
entre faire et dire le faire est particulièrement ténue.
En effet, poser l’explicitation du geste dans une technique comme élément
distinctif entre geste et technique induit une hiérarchisation qui irait du spontané
intuitif au formalisé réfléchi. On peut effectivement douter de cette forme de
hiérarchisation qui induit une linéarité qui irait de l’acte à la pensée. En
revanche, on voit que l’optimisation d’un geste dans un but d’efficacité, c’est-àdire afin d’aboutir à un résultat jugé satisfaisant en regard d’une fin
— Page 52 —
prédéterminée dans une économie générale de l’activité, relève d’un lent
processus d’apprentissage. J’ai souvent utilisé pour expliciter cela l’exemple de
la cuisinière qui jette une poignée de sel dans la sauce qu’elle prépare avec
l’assurance de celle qui sait, par expérience, que c’est suffisant, qu’il n’y en a ni
trop ni trop peu mais qui, à la question posée « combien mets-tu de sel ? »,
invariablement répond « mais tu le vois ! » (Ginestié, 1994b). L’explicitation de
la recette de cuisine formalise, entre autres, cette question de la quantité de sel
(une pincée, une cuillerée à café, etc.).
Dans cette logique, la technologie devenait la construction d’un discours
argumenté sur les techniques au sens où elle permettait de relier les techniques
à des concepts théoriques scientifiques ou mathématiques afin de généraliser.
Il y avait dans cette démarche prospective, l’idée de mettre en avant la
technologie comme une modélisation de techniques afin de pouvoir les
réinvestir dans d’autres champs voisins. Le lien entre ces trois niveaux reposait
pour une grande partie sur les langages et tout particulièrement sur les
langages techniques. Établir ce lien me permettait d’attribuer à ces langages un
statut fort afin de les instituer comme référence des enseignements
technologiques. De ce point de vue, nous sommes effectivement dans une
approche dans laquelle une des caractéristiques majeures des enseignements
technologiques reposerait sur cette constitution de langages formalisés. Ainsi,
les langages techniques constitueraient, pour une part, l’émergence visible de
cette construction du « logos » et de la « tekhnè ».
1.2.
ACTIVITÉ, LANGAGE, OBJET
Il y a une articulation forte entre l’activité orientée vers une fin et le langage qui
permet de décrire cette activité, qui permet de la formaliser. Cette relation
étroite relève des liens entre la praxis, l’activité orientée vers une fin, et la
praxéologie, le discours sur la praxis (Latour, Lemonnier, 1994). La praxéologie
ouvre l’espace des références aux enseignements technologiques vers des
sciences sur les manières d’agir, sur une science de l’activité qui se
distinguerait des sciences de l’action (qui relèverait de la morale), d’une part,
— Page 53 —
mais également des sciences de la nature, d’autre part. Ouvrir ainsi l’espace
technologique au monde des sciences de l’activité revient à l’inscrire plus
particulièrement dans le champ des sciences humaines (Haudricourt, 1988).
Cet auteur montre le lien étroit qui existe entre une structure sociale, les
techniques qu’elle utilise et le discours qu’elle construit sur et à partir de ces
techniques.
Comme le remarque Leroi-Gourhan (1989), il n’y a pas réellement de preuves
formelles de la nécessité de développer des langages évolués pour développer
des techniques mais les deux vont toujours de pair. L’homme fabrique
simultanément des outils et des symboles (Latour, 1985 ; Rashed, 1997a).
C’est cette orientation finalisée de son activité, qui donne du sens à la pratique,
qui
l’organise
dans
une
praxéologie
indiquant
les
manières
d’agir
(Castoriadis, 1986). C’est dans cette perspective qu’apparaissent les éléments
qui permettent la diffusion sociale de ces manières d’agir mais également qui
rendent cette transmission active car enrichie des nouvelles manières
expérimentées par d’autres (Séris, 1994). De fait, les manières d’agir évoluent
en même temps que les modes de représentations symboliques qui les
décrivent (Castoriadis, 1975, 1997).
La finalisation de l’activité nous renvoie aux objets que l’homme produit, à ces
objets qui résultent de l’activité et qui donnent lieu aux élaborations
symboliques déjà évoquées (Latour, 1991). Dans ce rapport production d’objets
et de symboles, le même dégagement par rapport à l’immédiat est en jeu
(Wallon, 1970). Il y a émergence d’une temporalité et d’un ordre générique qui
se superposent à la temporalité et à l’ordre naturel et en inversent les signes
(Althusser, 1994). Si nous adoptons une posture marxiste, il y a une
extériorisation ou «objectivation» de l’homme, qui reste inintelligible si elle est
coupée d’une intériorité pourtant elle-même inaccessible.
De fait, outil et parole ont une existence empirique doublée immédiatement par
une universalité ; ils ne sont outil ou parole que comme instances concrètes de
cet outil, de ces mots (Leroi-Gourhan, 1992). Il y a la réalité et l’apparence de
— Page 54 —
leur maîtrise par l’individu utilisateur, l’apparence et la réalité de leur maîtrise
sur l’individu auquel ils préexistent et qui, sans eux, ne serait pas
(Althusser, 1986). De ce point de vue, la technique relèverait de l’intention
finalisée de production d’objets, la technologie quant à elle relèverait de la
production de symboles sur la technique, la manière de faire, et sur l’objet luimême, le résultat de l’activité (Poitou, 1984 ; Roqueplo, 1983).
La trilogie, activité, langage et objet, apparaît comme une référence sérieuse
aux enseignements technologiques. À travers cela, nous avons certainement
quelques-uns des principaux composants susceptibles d’être éligibles dans la
constitution de ce champ de références. Nous aurions ainsi trois entrées
possibles dans un champ de références que l’on pourrait décrire ainsi :
(i) L’entrée par les activités : la caractérisation d’une activité en lui conférant
une valeur technique autorise le repérage des objets résultant de cette activité
et les langages symboliques qui permettent, d’une part, de décrire ces objets et,
d’autre part, les manières de produire ces objets.
(ii) L’entrée par les langages : la structuration de langages symboliques est
particulièrement significative des objets qu’ils décrivent mais également des
manières mises en œuvre pour produire ces objets. De fait, conférer aux
langages un qualificatif technique permet de repérer ces langages mais
également les activités et les objets.
(iii) L’entrée par les objets : la catégorisation des objets est d’évidence une
organisation structurelle du monde. L’objet est porteur de l’activité dont il résulte
et également des langages qui permettent de le décrire ou qui permettent de
décrire la manière de le produire.
En revanche, il importe certainement de circonscrire chacun de ces éléments
car toutes les activités, tous les langages et tous les objets ne sont pas eux
éligibles sauf à tomber dans une vision globalisante des enseignements
technologiques (« tout est dans tout »). Il faut dire ce qui relève des
enseignements technologiques et ce qui n’en relève pas. Pour aussi louable
— Page 55 —
que soit cette œuvre, on en mesurera également sa portée, sa prétention et sa
faiblesse. Cet effort de circonscription relève d’un choix de méthodologie de
délimitation, c’est ce que nous allons examiner à présent.
1.3.
ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES DE DÉLIMITATION
Deux méthodes s’ouvrent à nous dans ce travail. La première consiste à
adopter un point de vue interne aux enseignements technologiques. Il paraît
difficile de délimiter le champ des références par ce biais car ces
enseignements sont fortement liés au contexte social, politique, économique du
système scolaire donné dans lequel il s’inscrit. Ce qui est envisageable en
France ne l’est certainement pas dans un autre pays et vice-versa. Toutefois,
puisque de telles formes d'enseignements existent (en France et dans de
nombreux autres pays), regardons comment ils sont organisés, quelles
références ils utilisent, quels champs de savoirs ils recouvrent, comment ils
traitent la corrélation de nos trois entrées, objet, langage et activité. Cette
analyse devrait nous permettre d’extraire quelques critères permettant de
vérifier une règle de validation minimale : si une référence est présente dans
(presque) tous les systèmes d’enseignements technologiques, alors on peut
émettre
l’hypothèse
qu’elle
appartient
effectivement
aux
domaines
technologiques et qu’elle peut être distinguée des autres domaines de
références.
La seconde méthode consiste à adopter une posture totalement externe aux
enseignements
technologiques
pour
délimiter
un
champ
de
savoirs
technologiques qui répondrait à des caractéristiques propres et qui rendrait
compte d’objets spécifiques, de langages particuliers et d’activités originales.
De fait, il s’agit de voir s’il existe, indépendamment de l’école (prise comme
institution de diffusion des savoirs), un champ de savoirs technologiques doté
d’une épistémologie propre ou d’un développement et d’une construction
permettant de repérer les ruptures, les continuités. Cette méthode consiste à
prendre le parti d’une construction d’une science qu’il reste à situer, si ce n’est
— Page 56 —
à définir. Le croisement des deux méthodes devrait nous conduire à
caractériser les éléments de la délimitation proposée.
1.3.1.
La communauté des enseignements technologiques
1.3.1.1. COMPARAISONS INTERNATIONALES
La première méthode a été largement exemplifiée au travers de l’éducation
physique et sportive. Le développement de tels enseignements, leur inscription
dans les institutions éducatives pour tous les élèves sont à l’origine de la
fédération de plusieurs champs de savoirs dans un domaine particulier : les
sciences et techniques des activités physiques et sportives. Les apports
complémentaires de la mécanique, de la biologie, de la psychologie, de
l’ergonomie, etc., ont permis de développer un champ spécifique et particulier
qui, bien sûr, a permis de développer les performances des sportifs de haut
niveau (même au prix de quelques expédients biochimiques) mais également
d’accompagner et d’argumenter le développement de l’éducation physique et
sportive à l’école.
Le développement dans de nombreux pays d’une éducation technologique, très
souvent en lieu et place de différentes formes d’enseignements manuels, nous
fournit un matériau riche et abondant pour essayer de repérer les courants
majoritaires qui peuvent se dégager, voire les invariants (Ginestié, 1998d).
Ce travail a largement été amorcé dans plusieurs groupes internationaux. Le
travail de Hörner (1985, 1987) entrepris au niveau européen nous propose une
description des curriculums mis en œuvre dans plusieurs pays. Les travaux de
la fondation PATT (Pupils Attitude Towards Technology) prolongent ce travail
en l’élargissant au niveau mondial, d’une part, et en diversifiant les points de
vue et les observateurs, d’autre part (Raat, De Klerk-Wolters, De Vries 1985,
1987, 1989). Ces deux perspectives s’intéressent surtout à l’éducation
technologique dans l’école obligatoire. Les travaux développés dans le cadre
de WOCATE (World Council Associations for Technology Education)
reprennent ce même point de vue mais proposent un élargissement recouvrant
— Page 57 —
les différentes formes d’enseignements technologiques depuis l’école primaire
jusqu’aux différentes formations professionnelles universitaires (Blandow,
Dyrenfurth, 1992a).
1.3.1.2. DIFFÉRENTES RÉALITÉS POUR UNE ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE
Le terme d’éducation technologique est largement utilisé dans le monde mais il
recouvre des réalités très différentes d’un pays à l’autre. Dans son acception la
plus large, l’éducation technologique ou plutôt son expression anglaise de
« Technology
education »,
recouvre
l’ensemble
des
enseignements
technologiques depuis les premières années de l’école maternelle jusqu’aux
formations professionnelles dispensées dans les universités. À travers ces
différentes formes, l’idée d’une continuité entre l’éducation initiale et la
formation professionnelle est plus ou moins fortement exprimée, plus ou moins
explicitement affirmée.
Certains
systèmes éducatifs distinguent dans leurs dénominations la
désignation d’une telle éducation selon les différents cycles scolaires. La
France, par exemple, a une initiation scientifique et technologique à l’école
primaire,
puis
une
Technologie
au
collège
et
des
enseignements
technologiques ou des enseignements professionnels au Lycée ; l’appellation
technologie disparaît pratiquement à l’université au profil des génies ou des
sciences pour l’ingénieur et ne sert qu’à désigner massivement des cursus de
technologie14 mécanique. Cette position se retrouve sous des formes plus ou
moins variées dans une grande partie des pays méditerranéens (Italie,
Catalogne, Portugal, etc.).
L’utilisation de la terminologie « Technology education » dans les pays anglosaxons, souvent précédée du terme de « design », définit un enseignement
14
Il est intéressant de noter que ces cursus s’intéressent plus à la conception et à la
construction mécanique qu’à la fabrication. En ce sens, ils sont plus proches de ce que
recouvre le terme design en Angleterre que du terme Technology.
— Page 58 —
obligatoire pour tous les élèves, qui peut couvrir dans certains pays (Angleterre,
Pays-Bas, certains états du Canada, Afrique du Sud, Australie, NouvelleZélande, etc.) la scolarité depuis la maternelle jusqu’à la fin de l’enseignement
secondaire (de Vries, 1995 ; Sherwood, 1995 ; Benson, 1996).
Dans d’autres pays (Grèce, Mexique, Inde, pays du moyen orient, etc.), le
terme « Technology education » définit plus spécifiquement des formations de
techniciens, techniciens supérieurs voire d’ingénieurs (Papoutsakis, 1995 ;
Sadanandan, Chandrasekar, 1987). Dans ces derniers pays, il n’existe pas
d’éducation technologique dans les cursus scolaires à l’école obligatoire.
Enfin, un dernier groupe de pays (Allemagne, pays nordiques, pays de l’est,
etc.) adoptent sous ce vocable la part de formation générale que les élèves
doivent acquérir pour exercer un emploi (Georgieva, 1995 ; Radics, 1995 ;
Wahl, Langer, 1997 ; Hill, Lutherd, 1999). En Allemagne, le terme d’éducation
technologique n’est quasiment pas utilisé si ce n’est dans quelques travaux
récents (Theuerkauf, 1995 ; Blandow, Dyrenfurth, 1995) alors qu’il évoquerait
une référence à des valeurs artisanales15 plus traditionnelles dans les pays
nordiques (Ginner, 1995 ; Kananoja, 1999 ; Kantola et al, 1999 ; Borge, 1999).
Cette diversité de sens est directement liée aux histoires de l’éducation de ces
différents pays et donc aux choix qui ont été faits à différentes époques. Les
regroupements que nous évoquions sont sans doute significatifs de sphères
d’influences ou de patrimoines culturels.
1.3.1.3. COMPARAISON DES DIFFÉRENTES FORMES
Comparer différentes formes d’éducation technologique suppose d’élaborer une
méthode qui permettrait de repérer les ressemblances et les différences. Ce
n’est pas une tâche aisée et les facteurs limitant la portée de ces études, sont
15
C’est cette idée d’articulation intime dans une catégorie d’objets particuliers, entre des
références aux technologies modernes et aux artisanats traditionnels, entre high-tech et travaux
manuels, que retranscrit le terme finlandais de « Sloyd »
— Page 59 —
nombreux. Par exemple, la durée (c’est-à-dire le temps nécessaire pour
élaborer une méthodologie comparative, l’éprouver, la mettre en œuvre,
recueillir, traiter et interpréter les données) joue un rôle non-négligeable. C’est
ce que l’on peut constater à propos d’une étude internationale sur l’attitude des
élèves face à la technologie mis en chantier par la fondation PATT 16. Les
travaux de conception de la méthode ont commencé en 1983. Les premiers
résultats, recueillis par questionnaires, ont été traités en 198617. Il faut plusieurs
conférences entre 1985 et 1989 pour aboutir à quelques conclusions (et
constater que l’entrée par les attitudes était plutôt pauvre de sens). Entre
temps, la France, par exemple, avait abandonné l’éducation manuelle et
technique (EMT) pour la technologie au collège à partir des travaux de la
COPRET (Commission Permanente de Réflexion sur les Enseignements
technologiques, constituée en 1983-1984), reconvertit la majorité de ses
enseignants de travaux manuels à la technologie, et se préparait à abandonner
sa première version des programmes pour en adopter de nouveaux (1991).
L’évolution récente et quasi généralisée des différents systèmes éducatifs pour
intégrer une éducation technologique limite la portée des études comparatives
en raison des changements importants qui surviennent dans cette phase
d’introduction particulièrement instable. Cette difficulté n’est pas liée à une
instabilité particulière des enseignements technologiques mais sans aucun
doute propre à l’institution de nouveaux enseignements. Pour autant, elle ne
doit pas empêcher le travail de repérage que nous nous proposions d'ébaucher
(Corréard18, 1999).
À ma connaissance, aucun pays n’a créé de toutes pièces un enseignement
technologique, tous ont composé avec l’existant et donc procédé par
16
La fondation PATT a mis en place une enquête internationale dans une centaine de pays.
C’est Claire Terlon qui a conduit cette étude pour la France (1990).
18
Isabelle Corréard fait partie de l’équipe d’enseignants de la filière technologie de l’IUFM d’AixMarseille. Ce travail a été conduit dans le cadre d’un mémoire de maîtrise de sciences de
l ‘éducation que j’ai dirigé.
17
— Page 60 —
réaménagements successifs qui consistent à dégager des espaces, des
moyens et des personnels. En ce sens, les enseignements technologiques ne
constituent jamais une nouvelle discipline scolaire créée ex abrupto. Ils
prennent la place d’enseignements existants et sont, pour cela, très souvent
présentés comme une évolution nécessaire ou souhaitable qui justifie l’abandon
des attributs des disciplines auxquelles ils se substituent.
1.3.1.4. QUELQUES FACTEURS D’ÉVOLUTION
En France, l’enseignement de la technologie au collège est présenté comme
une évolution de l’éducation manuelle et technique, elle-même une évolution
des travaux manuels éducatifs (Lebeaume, 1995). On voit ainsi se construire
une filiation légitimée historiquement où l’éducation technologique est une
extension d’une éducation manuelle qui se fonde elle-même sur des travaux
manuels. Cinq facteurs sont largement utilisés pour légitimer cette évolution :
(i)
L’éducation technologique rend bien mieux compte de la modernité que
les activités manuelles. Il y a évolution de l’univers familier du domestique à
l’univers tout aussi familier du high-tech. Les objets modernes s’opposent ainsi
aux objets traditionnels ou communs.
(ii)
Le passage du domestique au high-tech s’accompagne d’un autre
changement de référence depuis les activités ménagères jusqu’au « fabricant »
d’objets modernes.
(iii)
À défaut de pouvoir fabriquer des objets qui souffrent la comparaison avec
ceux du commerce, on réalise des objets dont la seule fonction est de vérifier
(voire de mettre en application) des principes ou des lois scientifiques
éprouvées par ailleurs.
(iv) L’éducation technologique est présentée comme une discipline outil dans
laquelle les autres vont venir puiser des nécessaires exemplifications, il y a un
déplacement du rapport entre concret et abstrait vers des rapports concepts –
outils.
— Page 61 —
(v)
La diversité des métiers, l’évolution des professions, le développement de
l’égalité des chances d’accès sont autant de facteurs qui nécessitent d’informer
les élèves sur les possibilités d’orientation, de choix qui s’ouvrent devant eux et
l’éducation technologique peut éclairer ces choix.
Cette évolution est nécessairement présentée de manière positive, comme une
réconciliation entre le geste et la pensée, entre l’outil et le symbole. La
modernité devient une référence incontournable dans cet effort positiviste. Pour
ses partisans, cette continuité s’inscrit dans une linéarité historique forte, les
changements évoqués ne sont que des réajustements conjoncturels du
système éducatif (Amigues, Ginestié, Johsua, 1995). On peut noter, par
exemple, que pratiquement tous les curriculums contemporains commencent
par
quelque
chose
du
style
« vivre
dans
une
société
hautement
technologique… ». Alors que le positivisme scientifique est largement remis en
cause dans l’enseignement des sciences, il semblerait que l’éducation
technologique veuille prendre cette place d’une école qui s’ouvre sur « un
progrès qui fait rage et un futur qui ne manque pas d’avenir 19 ».
Au-delà de ces aspects, les cinq facteurs d’évolutions vont tous dans le sens
d’un renforcement d’activités d’élèves qui se justifient et se suffisent à ellesmêmes. La référence à notre trilogie activité, objet, langage, apparaît de
manière implicite, comme en filigrane des activités proposées aux élèves, et
très partiellement. On notera également que les langages n’apparaissent pas
du tout. Cette organisation conduit souvent à réduire les activités des élèves à
des successions de procédures n’ayant d’autre but que la manipulation ou la
réalisation d’objets. C’est cette perspective qui pose problème.
19
Cette expression est empruntée à Philippe Meyer dans sa chronique « matutinale » sur
France Inter.
— Page 62 —
1.3.1.5. RAPPORTS ENTRE ÉVOLUTION ET RÉFÉRENCES
En termes de références, on peut voir ainsi se dessiner quelques oppositions
flagrantes d’un système éducatif à l’autre. Pour de nombreux pays, l’éducation
technologique est ancrée dans la proximité domestique de l’environnement
familier des élèves. Les objets sont pris dans l’espace domestique avec les
distances d’usage que ce domestique induit. Si le magnétoscope, le microordinateur, l’automobile sont des objets de proximité pour les petits
occidentaux, cette notion de proximité renvoie à la bicyclette, la pompe à eau,
la charrue pour d’autres enfants, dans d’autres pays.
Cette distinction sur la nature des objets induit fortement une distinction sur la
nature des activités. Pour les premiers, les activités relèvent soit de l’utilisation
de ces objets (éduquer les enfants pour en faire des utilisateurs avertis), soit de
la production industrielle de ces objets (comprendre les mécanismes des
modes d’existence des objets). Le progrès technologique implicite dans les
objets permet de mettre l’accent sur un moteur de compréhension beaucoup
plus que de manipulation. Les élèves doivent comprendre plus que savoir-faire.
Pour les seconds, l'activité se réfère aux artisanats locaux avec une
connotation forte visant l’intégration sociale directe des élèves dans le tissu
économique local.
Dans cette perspective, les aspects de compréhension sont minorés au
bénéfice de savoir-faire empruntés aux métiers environnants (Martinand, 1994).
Pour les premiers, les langages développés sont plutôt des langages de
description fonctionnelle alors que, pour les seconds, il s’agit plutôt de langages
de description structurelle. Bien sûr, les choses ne sont pas aussi tranchées et
des différences sont tout aussi manifestes entre pays occidentaux. Il y a
effectivement une oscillation forte dans cette proximité entre une référence aux
pratiques professionnelles de l’environnement ou aux objets manipulés dans un
milieu socioculturel donné. En tout état de cause, les différentes formes que
revêtent ces enseignements accréditent l’idée d’enseignements technologiques
au pluriel beaucoup plus qu’un enseignement des technologies.
— Page 63 —
Le rapport entre un développement de niveaux de compréhension versus
savoir-faire
et
compétences
gestuelles apparaît
souvent
comme
une
contradiction qu’il faut évacuer rapidement. Les différents curriculums ont
largement recours à des modèles de la psychologie, largement empruntés aux
théories
comportementalistes
et
au
courant
béhavioriste
(Carroll,
Bandura, 1990).
De ce point de vue, les objets examinés étant matériels, les activités pratiquées
relevant de savoir-faire ou de manipulations de ces objets matériels, les
langages utilisés en rapport direct avec ce monde matériel qui ne saurait en
aucun cas relever de l’abstrait, dès lors, nous sommes bien dans un monde où
les « comportements » sont forcément « observables » et rendent forcément
compte du développement de « compétences » qui concourent à l’atteinte d’un
« objectif d’apprentissage univoque, monosémique et évaluable ». Il y a dans
cette approche une accentuation démesurée qui est mise sur le développement
des gestes. L’entrée par les activités des élèves, essentiellement celles qui se
réfèrent à des procédures opératoires repérées, est privilégiée (Paquay, Altet,
Charlier, Perrenoud, 1996). Le résultat de l’activité repose sur la production
d’un objet et il est aisé de rentrer dans une démarche simplificatrice dans
laquelle l’obtention d’un produit conforme indiquerait que l’élève a bien mis en
œuvre les compétences que l’on attend de lui et qu’il a donc bien réalisé les
apprentissages visés. L’obtention d’un tel résultat ne se fait généralement qu’au
moyen d’un très fort guidage de l’action dans lequel chacune des étapes de
l’activité de l’élève est décrite de la manière la plus précise et la plus détaillée
possible. La référence aux descriptions procédurales relève des gammes de
fabrication, des modes opératoires ou encore des « check-list ». Massivement,
on se réfère ainsi à l’exécutant, à l’opérateur ; des références au concepteur, au
créateur ou à l’organisateur sont largement absentes (Rey, 1996). Les
curriculums ainsi élaborés sont des curriculums fermés dans lesquels les
activités ne sont pas génératrices d’apprentissages.
— Page 64 —
Nous voyons ainsi comment s’opère la délimitation du champ lorsqu’il s’inscrit
dans une perspective de continuité des enseignements existants. D’abord, on
opère sur la familiarité des objets choisis parmi l’environnement domestique. Le
jeu se poursuit ensuite par une classification des objets selon leur degré de
complication, c’est à dire le degré de difficultés supposé dans leur manipulation.
Beaucoup de progressions proposées reposent sur la manipulation d’objets de
plus en plus en plus compliqués20. Ensuite, on organise l’activité des élèves en
la référant essentiellement à des activités d’exécution et en procédant par des
descriptions très précises des différentes procédures nécessaires pour arriver
au résultat. La progression repose sur la répétition de scénarios identiques,
quel que soit l’objet. L’activité de l’élève peut se définir a priori et
indépendamment des objets. Le recours aux langages n’est pas systématique
et oppose pratiquement tout le temps structure à fonction. Les situations de
classes sont, dès lors, des situations prototypiques dans lesquelles les élèves
n’ont pas de problème à résoudre, n’ont pas de choix à opérer sur différentes
solutions possibles et n’ont pas à évaluer leurs choix en regard d’une
comparaison prévu – prévisible – obtenu (voir à ce sujet les travaux d’Andreucci
(1998), de Rogalski & Samurçay (1994) ou Keskessa & Baillé, (1998)).
1.3.2.
La technologie comme un champ de références externes
Organiser les champs de références éligibles pouvant contribuer à délimiter les
enseignements technologiques suppose de se donner quelques points de
repère. Notre première articulation, objet – activité – langage, devra être
examinée d’un point de vue naturaliste - quels objets, quelles activités, quels
langages sont éligibles – mais également d’un point de vue dynamique –
comment ces trois éléments interagissent et comment les interactions
20
On trouve de nombreuses illustrations de cette forme de progression. Il s’agit, par exemple,
de faire réaliser un circuit électronique à deux ou trois composants bi ou tripolaires à un niveau
donné pour ensuite augmenter le nombre de composants et utiliser des composants
multipolaires.
— Page 65 —
produisent de la signification – pour repérer quelques éléments de distinction,
par exemple, enseignements versus éducation technologique, technique versus
procédure, etc.
Ces trois éléments, objet, activité, langage, sont souvent distingués en leur
ajoutant le terme technique qui est ainsi censé les délimiter tout en les
distinguant. Il semble aller de soi, par exemple, qu’un objet scientifique soit
différent d’un objet technique ou qu’une activité littéraire soit également
différente d’une activité technique ou encore que le langage des banlieues n’ait
rien à voir avec un langage technique. Cette affirmation nécessite de délimiter
l’espace technique. Un peu plus haut dans ce texte, nous avions souligné les
aspects hégémoniques que nous pouvions attribuer à ce qualificatif de
technique, à ce point de notre présentation, il convient d’en limiter la portée en
précisant les éléments de catégorisation que nous allons utiliser.
Deforge (1985) proposait, en toute première approche, une spécification de
cette portée technique circonscrite au monde de la production industrielle. En
ce sens, il se situait dans le courant décrit par Ellul (1990) d’un premier lien
entre technique et machine. Pour cet auteur, le sens commun de technique
nous renvoie inévitablement vers les machines que l’homme crée beaucoup
plus sûrement que vers les outils, particulièrement si ceux-ci sont symboliques.
Pour peu que nous dépassions un peu cette vision spontanéiste, il apparaît un
monde technique lié à l’industrie, d’une part, et à la production intentionnelle
(voire rationnelle) d’objets, d’autre part (Poitou, 1984).
1.3.2.1. LE MONDE DES OBJETS
Le rapport au monde des objets implique et induit la relation du sujet et de
l’objet dans un environnement donné. En ce sens, s’intéresser aux objets relève
tout autant de l’intérêt porté aux objets eux-mêmes qu’aux relations qu’ils
entretiennent avec les sociétés dans et par lesquelles ils existent (Rashed,
1997c). Ignorer ces relations, c’est mépriser toute la dimension créatrice,
productrice et inventive de l’homme ; c’est, d’une certaine manière, nier le fait
que la technique s’inscrive dans une démarche de création au sens où elle
— Page 66 —
permet l’existence d’objets qui ne sont pas le simple prolongement de la nature
(Spengler, 1969). Cette définition désigne de fait le résultat de toute production
humaine et on va être amené à établir des catégories, des familles afin de
pouvoir discriminer les objets entre eux ; cette discrimination conduit
certainement à discriminer les usages des objets.
Les enseignements technologiques ont en charge l’étude des objets
techniques. Cette référence aux objets techniques est une référence forte qui
apparaît explicitement, par
exemple, onze fois dans les programmes de
technologie de la classe de 6e (MEN 1995). Ce terme générique permet de
situer une famille d’objets particuliers qui devrait se distinguer d’autres familles.
Cette distinction n’est pas forcément facile à faire. Elle est source de nombreux
débats et discussions si l’on en juge par l’abondance des
publications qui
traitent du sujet. L’unification des deux termes objet et technique suggère qu’un
objet technique se distingue des objets en général par le fait que la relation
entretenue par le sujet est une relation technique.
Approcher cette relation est fatalement expansionniste ; l’entrée par l’objet
technique s’illustre de manière évidente si nous relevons les deux points
suivants. D’une part, la relation que nous entretenons avec les objets est très
largement technique, qu’il s’agisse de techniques d’observation, de description,
de symbolisation, de conception ou de production. Si nous gardons à technique
le sens premier que nous lui avons attribué, alors il est effectivement très
largement question de la manière dont « nous nous y prenons » avec les
objets.
D’autre part, si le statut d’objet est conféré aux choses dès lors qu’on les fait
entrer dans une relation sujet - objet, alors cette relation relève d’une
intentionnalité finalisée (qui peut être réduite à sa plus simple expression) et
dès lors tous les objets sont techniques (Castoriadis, 1979). C’est cette
dimension relationnelle que relève Simondon (1989) pour qui l’essence des
objets techniques est une genèse spécifique qui prend la forme d’un processus
de concrétisation. Ce processus original se distingue des perfectionnements
— Page 67 —
empiriques mais également de toute déduction à partir de principes théoriques
préalables.
La nécessité de délimiter le monde des objets techniques qui seront soumis à
l’étude dans les enseignements technologiques est particulièrement importante.
Une limitation communément admise réduit le champ d’investigation de ces
enseignements au monde des objets artificiels ou, pour être plus exact, au
monde des produits qui résultent d’une intentionnalité humaine dans un but
marchand
à
l’exclusion
des
productions
artistiques
et
intellectuelles
(Ginestié, 1998b). Il n’en demeure pas moins que cette vision réductionniste ne
va pas de soi a priori si l’on se réfère à Deforge (1995) ou à Gabus (1975) et à
la distinction qu’ils introduisent entre l’œuvre et le produit.
Yves Deforge a largement travaillé cette question de la relation aux objets
techniques. D’abord, sur la question du point de vue que l’on peut porter sur
les objets techniques (Deforge & Chancerel, 1985 ; Deforge, 1970, 1985, 1988),
ensuite dans un effort de repérage pour introduire les concepts discriminants
d’œuvre et de produit (Deforge, 1990, 1995). Pour cet auteur, parmi tous les
points de vue que l’on peut adopter pour traiter des objets techniques, il en est
quatre particulièrement remarquables qu’il convient de privilégier. Ainsi, il
faudrait regarder les objets en tant que :
Produits d’un système de production ;
Objets dans un système de consommation ;
Machines dans un système d’utilisation ;
Êtres en soi dans un système des objets.
Le premier point de vue permet de poser le « comment c’est fait » (ou
« comment le faire ») mais aussi le « pourquoi c’est fait ainsi » dans tel système
et autrement dans tel autre. Cet auteur attire ici notre attention sur l’élaboration
des solutions retenues, solutions qui dépendent directement des variables
éducatives, sociales, psychologiques, organisationnelles et économiques. Pour
l’auteur, ce regard est nécessaire car « il ne suffit pas de produire selon les
— Page 68 —
règles technologiques pour que le système fonctionne et que les produits se
vendent ».
Le second point de vue s’intéresse aux relations entre l’objet, le système
économique et le système social. L’auteur situe dans ce regard la réflexion
dialectique entre fonctions d’usage (« pourquoi l’objet existe ») et fonctions de
signe (« comment je le distingue d’autres objets ayant le même usage »). Par
exemple, la fonction d’usage d’un briquet est de produire un grand nombre de
fois une flamme pour allumer une cigarette. De nombreux objets répondent à
cet usage, la distinction entre un « Dupont » en or massif finement ciselé et un
« Bic » en plastique jetable repose sur la différence de fonctions de signe et sur
la valeur attachée à cette fonction. Le rapport à la rareté, à l’appartenance
symbolique lie les fonctions de signe au prix du produit, à la valeur marchande
de l’objet.
À propos du troisième point de vue, Deforge propose une réflexion sur
l’extension de l’appellation de machine à tout objet utilisé par l’homme pour la
réalisation d’un acte technique. De ce point de vue, c’est donc « le couplage
homme (utilisateur) - machine qu’il faut examiner. Notamment en ce qui
concerne la répartition des activités entre l’utilisateur et la machine, sur les
apprentissages, sur la fiabilité et bien entendu sur la dialectique technique affectivité, dépendant de la dialectique usage - signe ». C’est à ce niveau
qu’interviennent en particulier les questions d’ergonomie et que sont traités les
interactions homme - machine.
Le quatrième permet de regarder les objets selon les lignées, les évolutions, les
familles. Deforge introduit la distinction entre les séries d’objet (comme suite
répétitive d’objets identiques à quelques minimes variantes près), la gamme
(comme ensemble de réponses cohérentes sous une même étiquette aux
différents secteurs de la demande) et les coordonnées (comme produits ayant
différentes fonctions d’usage mais s’assemblant et s’assortissant). Ce point de
vue permet, par exemple, de reconnaître une automobile Peugeot parmi toutes
les automobiles en circulation mais également de dater ce véhicule dans
— Page 69 —
l’évolution des modèles produits par cet industriel et, plus généralement, dans
l’évolution des véhicules automobiles.
Concernant la distinction entre l’œuvre et le produit, Deforge (1990, 1995)
introduit les concepts de processus de production allant ainsi d’un processus
original qui serait à l’origine des œuvres jusqu’à un processus formalisé qui
donnerait naissance aux produits. Ce passage de l’œuvre au produit résulterait
ainsi d’une variation continue de la composition du processus (Cf. Schéma 2 :
Variation de processus lors du passage de l'œuvre au produit). Pour illustrer
son propos, l’auteur prend l’exemple d’un plat cuisiné : « dans le cas repéré ,
il s’agit d’une œuvre car une grande partie de la recette a été inventée. Si le
résultat est apprécié, l’algorithme peut être mémorisé et introduit comme
variante de la recette primitive (variante divulguée ou gardée comme secret de
métier). Dans le cas repéré , il y a application d’une recette. Il s’agit d’un
processus formalisé qui peut être réalisé par un exécutant dans un système de
production industriel. Ce plat est un produit stéréotypé qui peut être pré-paré
(cas des surgelés) ».
Schéma 2 : Variation de processus lors du passage de l'œuvre au produit
(d'après Y. Deforge, 1995)
— Page 70 —
Dans la clarification introduite, Deforge estime que les processus originaux
participent principalement de l’artisanat et que les processus formalisés
participent principalement de la production industrielle. De fait, l’artisanat
consomme beaucoup plus de processus originaux que l’industrie. Le coût de
l’œuvre est élevé car elle est unitaire. Celui d’un produit industriel similaire est
bien plus faible, l’investissement en originalité se fait lors de sa conception et
est réparti sur tous les exemplaires de la série. La distinction entre l’œuvre et le
produit ne repose plus sur la nature de l’objet produit mais sur les processus qui
ont permis sa production. C’est cette distinction qu’introduisent les Anglosaxons en ajoutant le terme « design » au terme « Technology ». La valeur
attribuée au produit est liée dans son essence au processus de production
notamment par la valorisation de l’originalité et par la répartition de cette
valorisation sur la démultiplication de l’originalité (Deforge, 1985a).
A ce point de notre discussion et dans notre perspective d’éducation
technologique, nous avons circonscrit le qualificatif technique au monde de la
production intentionnelle et rationnelle d’objets en le liant étroitement à
l’industrie. Dans la relation sujet – objet, ce travail de circonscription nous
conduit a montrer que le qualificatif de technique au sens ou nous l’entendons
permet de définir une classe d’objets particuliers. D’une part, leur statut dépend
du point de vue que l’on adopte : produits d’un système de production, objets
dans un système de consommation, machines dans un système d’utilisation ou
êtres en soi dans un système des objets. D’autre part, la valorisation de cette
relation nous renvoie à la distinction entre l’œuvre et le produit. Cette distinction
résulte des processus qui ont permis la production de l’objet. En conclusion, les
enseignements technologiques ne s’intéressent pas à toutes les relations
sujet – objet, ils examinent une catégorie particulière d’objets techniques pris
comme produits d’un processus de production intentionnel et rationnel.
Autrement dit, les enseignements technologiques seraient consacrés à l’étude
du monde des objets techniques, monde pour lequel les modes d’existences
constitueraient un descripteur privilégié.
— Page 71 —
1.3.2.2. ACTIVITÉ, PROCESSUS ET PRAXÉOLOGIE
L’existence des objets ne rend pas compte de leur mode d’existence
(Simondon, 1989). De fait, la simple manipulation d’un objet ne dit rien ni de
comment ni de pourquoi il existe. On peut ainsi rejoindre la position avancée
par Perrin (1991a) qui montre les limites d’une histoire des techniques fondée
sur une histoire des objets. Cette position se fonde sur le postulat selon lequel
le résultat ne dit rien (ou pas grand chose) du processus de production, de la
manière de faire, des organisations en jeu dans ce faire (Perrin, 1988).
Cette position est à rapprocher du travail des ethnologues qui s’intéressent
beaucoup plus à la manière de produire tel objet ou à la manière de l’utiliser
qu’à l’objet lui-même. Ces travaux nous apprennent qu’il y a peu
d’isomorphisme des fonctionnalités des objets ; leur organisation structurelle ne
nous dit pas grand chose de leur organisation fonctionnelle (Foucault, 1966 ;
Sahlins, 1980 ; Morel, Vallerant, 1984 ; Ganne, 1984). Par exemple, ce qu’il y a
de fascinant dans les machines pensées par un Léonard de Vinci ou un Héron
d’Alexandrie, ce n’est pas qu’ils aient pensé des objets qui nous semblent
prémonitoires pour leur époque mais c’est surtout qu’ils aient utilisé des outils
de description des manières de réaliser ces objets qui sont intelligibles avec
nos outils de description des manières de faire contemporaine (Amouretti,
Comet, 1991, 1993, 1995 ; Rashed, 1997b, 1997c). Nous trouvons bien plus
clairs les plans de la machine à voler de Monsieur Vinci, machine qui n’a jamais
existé, que ceux établis pour construire des cathédrales, qui elles, existent bel
et bien (Savignat, 1983).
Il convient donc d’examiner cette approche du monde des objets techniques par
l’histoire de ces objets avec beaucoup d’attention. De nombreux programmes
d’éducation technologique comportent leur moment culturel dans lequel on
légitime l’attribution de significations au travers d’une mise en perspective
historique. Cette revendication d’une place privilégiée de l’étude de l’histoire
des techniques suppose à minima deux précautions essentielles. D’une part, il
faudrait pouvoir rendre compte sur la durée de l’évolution des manières de faire
— Page 72 —
(produire et utiliser) beaucoup plus, ou au moins autant, que de l’évolution des
résultats. La transmission à la fois cumulative et expansionniste des praxis est
largement plus explicite des évolutions en termes de progression, de
stabilisation ou de régression que ne peut l’être une description chronologique
de l’apparition des objets. D’autre part, mettre en avant une histoire des
techniques fondées sur une histoire des objets techniques s’inscrit dans une
démarche où le progrès ne peut être entendu que comme positivité de
l’évolution économique des sociétés humaines. Outre le fait de réduire
l’évolution à une simple dynamique d’accroissement de biens matériels, cette
perspective induit une vision d’un développement humain contre la nature qu’il
convient de transcender par la production technique (Daumas, 1991). On peut
noter, comme le fait de Vries (1995), les limites particulièrement fortes qu’induit
une approche de l’éducation technologique qui essaierait de prévoir les
générations futures d’objets techniques au seul regard de leur ordre
d’apparition et d’évolution historique.
Deforge montre l’importance prise par les processus de production des objets.
D’autres soulignent cette importance que ce soit pour entendre l’histoire des
techniques (Daumas, 1962-1970, Gille, 1964, Jacomy, 1990), les évolutions
technologiques (Perrin, 1983, 1991b, Lattes, 1987), les relations produit –
producteur selon un point de vue ethnographique (Leroi-Gourhan, 1973, 1986,
1992, Sigaut, 1975) ou encore des points de vue sociologique (Veltz, 1986,
Buker, Hugues & Pinch, 1987, Baudrillard, 1990, 1994, Picon, 1993).
Ce concept de processus indique un enchaînement ordonné de faits ou de
phénomènes, répondant à un certain schéma et aboutissant à un résultat
déterminé. Notamment, il s’agit d’une suite continue d'opérations qui constitue
la manière de fabriquer, de faire quelque chose selon des procédés techniques.
Décrire un processus répond au souci de rendre compte d’un ensemble
d’actions dans lequel les moyens sont organisés afin d’atteindre un but fixé.
L’action repose sur une triple conscience : conscience d’une moindre
satisfaction, conscience de la possibilité d’une satisfaction plus grande,
— Page 73 —
conscience d’une possible efficacité de l’acte. L’agencement des moyens pour
atteindre une fin relève bien de cette description d’un processus dans lequel
sont ordonnées les praxis des acteurs (Ostrowski, 1973). En ce sens, les
pratiques des acteurs sont toujours des pratiques sociales qui sont,
consciemment ou non, organisées vers un but.
Selon un point de vue d’expert, la praxéologie permet de repenser
l’agencement des moyens afin de modifier l’efficacité des actions pour atteindre
la fin fixée. De fait, pour ce faire, il faut abstraire le système moyen - fin étudié
de son contexte psychologique afin de pouvoir l’étudier en lui-même. Pour un
acteur, atteindre une fin F nécessite de composer les moyens a, b, c, d
nécessaires pour atteindre cette fin. La praxéologie permet d’étudier
exclusivement le système a, b, c, d et les systèmes voisins a1, b1, c1, d1 et a2,
b2, c2, d2 afin de déterminer lequel des trois est le mieux adapté à l’obtention
de F. Si l’on peut ainsi établir que, dans une situation donnée, le système
a, b, c, d est le mieux adapté, dès lors on pourra le conseiller à tous les acteurs
ayant la même fin et se trouvant dans la même situation. Il y a extraction du
système agissant de son niveau conscient pour en faire la théorie. Selon ce
point de vue, la praxéologie se distingue en ce sens d’une science « naturelle »
(Crimmins, 1973). Autrement dit, cet effort de description d’une activité par
l’articulation fin – moyens consiste à élaborer un discours sur la pratique. Nous
sommes bien dans cet effort d’élaboration de savoirs par abstraction de la
praxis des acteurs. Par exemple, tout automobiliste qui fait de nombreuses fois
le même parcours sait comment se placer pour prendre les virages, ralentir
quand il faut et se montrer strictement prudent au moment opportun, mais il
devra faire un nouvel apprentissage s’il change de quartier. Ses conseils ne
vaudront que pour ceux qui habitent le même bloc d’immeubles et se rendent
au même bureau. Les préceptes du moniteur d’auto-école ont une portée
beaucoup plus générale. Le plus général de tous les impératifs serait celui qui
rendrait efficace toute action quelle qu’elle soit. La praxéologie vise donc à cette
— Page 74 —
généralisation et, entre le genre généralissime et la species infima, il s’agira
seulement de monter aussi haut que possible.
Si l’on étend cette analyse à l’organisation sociale du travail, tout se passe
comme si toutes les expériences possibles d’un travail plus ou moins efficaces
avaient été faites par une multitude d’acteurs agissants qui auraient
simultanément conduit toutes les réflexions sur les manières d’agir. Il ne reste
plus au théoricien que l’effort de clarification, de précision, de systématisation
des recettes déjà éprouvées (Grossmann, 1975). Il reste à constituer une sorte
de grammaire du travail qui n’existe pas encore dans la théorie marxiste
(Althusser, 1968). Ce sont Taylor, Fayol ou Le Chatelier qui vont les premiers
se soucier d’une telle normalisation (Fayol, 1962, Amadieu, 1993). Alors que
l’homme s’est préoccupé très tôt de codifier les lois du langage correct dans
une morphologie et une syntaxe bien faites, il est curieux qu’il n’ait pas
envisagé de soumettre le travail à une semblable normalisation. Les premières
décompositions des processus de travail afin d’en trouver les formes les
meilleures n’avaient pas de visées praxéologiques, leur objectif commun étant
la détermination de la rentabilité de l’entreprise et non la détection des normes
d’efficacité envisagées comme telles (Aron, 1962). Le recours au point de vue
de l’expert est séduisant car il semble rendre compte de l’élaboration des
savoirs technologiques dans un processus d’extraction théorique à partir des
pratiques. Pourtant, le principe d’efficacité des actions sur lequel il se fonde ne
résiste pas au principe de rentabilité de l’entreprise.
À l’articulation fin – moyens, privilégiée dans un point de vue d’expert, on peut
opposer l’organisation praxéologique proposée par Chevallard (1997) qui lie
type de tâches, technique, technologie et théorie. Pour cet auteur, une
praxéologie permet d’accomplir un certain type de tâches en fournissant une
technique, ce couple définissant un savoir-faire. La praxéologie ne saurait se
limiter à ce type de recette. La présomption de savoir suppose un discours
raisonné, une certaine technologie, un logos qui rende intelligible et justifie la
tekhnè mise en jeu. La théorie fonde, éclaire et justifie à son tour le discours
— Page 75 —
technologique.
Le
bloc
technologie – théorie
constitue
le
savoir ;
une
praxéologie résulte ainsi de l’association d’un savoir-faire (type de tâches –
technique) et d’un savoir (technologie – théorie). Chevallard (1997) indique
ensuite comment l’organisation praxéologique permet d’étendre ces relations
en passant des praxéologies ponctuelles (relatives à un seul et unique type de
tâches) aux organisations locales (centrées sur une technologie déterminée) et
ensuite aux organisations régionales (formées autour d’une théorie). Ce
passage du ponctuel au local puis au régional accroît la visibilité des savoirs au
détriment
de
celle
des
savoir-faire.
Cette
proposition
d’organisation
praxéologique a des conséquences fortes sur notre analyse des enseignements
technologiques.
L’introduction de la notion de praxéologie nous permet d’avancer dans notre
délimitation de référence. Nous venons de voir l’importance de la manière
d’utiliser ou de produire un objet selon un enchaînement ordonné de faits ou de
phénomènes. L’objet lui-même n’a que peu d’intérêts. Déterminer une
praxéologie selon un point de vue d’expert relève de l’agencement des moyens
pour d’atteindre une fin. Cette posture conduit à des praxéologies incomplètes,
essentiellement axées sur des articulations types de tâches – techniques, et
donc a des déficits de normalisation. Les formes modernes d’organisation du
travail compensent largement ce déficit notamment par le développement du
nombre, du rôle et de la portée des langages techniques afin de conduire des
actions socialement reconnues ou identifiables. Cela n’est pas sans
conséquences. La mise en œuvre de techniques définies pour accomplir des
tâches déterminées (par exemple comme dans les organisations scolaires que
nous décrivions dans notre première partie) appauvrit la signification de ces
enseignements en privilégiant des activités centrées sur l’obtention d’un
résultat. Dans ce sens, la progression ne peut s’exprimer que dans des
curriculums fermés. Elle est obtenue en compliquant les objets manipulés dans
l’espoir que cette complication, en se répercutant sur les savoir-faire (le bloc
type de tâches – technique), amènera les élèves à construire eux-mêmes le
discours technologique. On l’a vu, ce n’est pas vraiment ce qui se passe. Sortir
— Page 76 —
de cette impasse nécessite de compléter l’organisation praxéologique en
organisant la construction des logos qui rendent intelligibles les tekhnès. Ce
rôle peut sans doute être dévolu aux langages techniques, c’est ce que nous
allons examiner à présent.
1.3.2.3. LES LANGAGES TECHNIQUES
Leroi-Gourhan (1971) note que le développement des techniques, l’évolution
des outils et des objets s’accompagnent systématiquement d’un développement
du langage même s’il remarque l’absence de preuves formelles, pour l’époque
préhistorique, de liens étroits qui pourraient induire une relation de cause à
effet. La tentation est pourtant grande de considérer que la transmission des
techniques mises en œuvre par les premiers hommes pour confectionner les
outils dont ils se servent ou encore pour organiser leurs actions n’ont pu se faire
sans le développement de langages.
Il n’en demeure pas moins que le passage de la pièce unique réalisée à
l’organisation de la production s’accompagne du passage d’une transmission
orale des savoirs à une transmission formalisée dans un langage normalisé
(Poitou, 1985). Si l’on reprend le schéma proposé par Deforge (Cf. Schéma 2
page 70), le passage de l’œuvre au produit est également caractérisé par une
formalisation du processus de production. La formalisation apparaît dès lors
que l’on se préoccupe de la reproduction à l’identique du produit afin d’en
réduire les coûts de production. Le transfert de l’originalité de la production à la
conception suppose que le concepteur décrive précisément la manière de faire
pour assurer le processus de production dans ses moindres détails. Ce
transfert de l’originalité de la production à la conception est daté historiquement.
Il va de pair avec l’émergence des langages techniques et l’on dispose de
quelques repères historiques pour marquer cette construction.
Nous commencerons avec les bâtisseurs de cathédrales du moyen âge (Ache,
1970, Pérouse de Montclos, 1982). À cette époque, la communication est
essentiellement orale entre les moines – architectes, chargés de veiller à la
bonne exécution, le noble bailleur de fonds et les maîtres de jurande qui
— Page 77 —
coordonnent les activités des compagnons. Certes, de nombreux moines ont
repris, développés, voire édictés des traités d’architectures hérités des périodes
grecques et romaines. Ils tracent des dessins qui projettent la future cathédrale.
Mais il semble que ces dessins étaient largement méprisés par les maîtres de
jurande et les compagnons, sans doute parce qu’ils ne savaient pas lire,
certainement parce qu’ils ne lisaient pas du tout le latin, sûrement parce que les
dessins des moines étaient des déroulements à plat de la trajectoire du moine
dans l’édifice. De fait, les dessins des moines servaient surtout à convaincre le
noble payeur (Savignat, 1983).
Les prescriptions du concepteur étant insuffisamment formalisées, alors
l’originalité de la production était confiée entièrement aux maîtres de jurande et
aux compagnons. Autrement dit, à cette époque, la conception ne procède pas
d’une mise en œuvre de savants calculs mais participe, en dépit de sa
hardiesse, d’un ensemble d’intuitions structurelles et de savoirs lentement
sédimentés (Ache, 1970). On peut ainsi voir, par exemple, une unité des frises
qui n’est qu’une unité d’apparence. De loin, on ne voit que l’harmonie de
l’ensemble alors que de près on peut voir des différences très significatives
d’une bande à l’autre, c’est à dire d’un compagnon à l’autre.
Chaque réalisation est une œuvre originale qui ne s’assemble avec les autres
éléments que grâce à la coordination exercée par le maître de jurande. La
division sociale du travail repose dans ce cas sur ce que le savoir de chacun lui
donne comme pouvoir. Le moine sait dessiner ce qui lui permet de montrer au
prince ce que sera sa cathédrale ; ce dialogue avec le prince lui permet de
connaître ses souhaits et donc de les imposer au maître de jurande. Ce dernier,
par ses discussions avec le moine, traduit ces souhaits en coordination des
activités des compagnons. De fait, c’est lui qui a le pouvoir de donner du travail
et de l’enlever.
Le compagnon maîtrise l’art et la manière de faire, il assure ainsi son pouvoir
sur les autres travailleurs au travers de ces savoirs qu’il a acquis lors de son
apprentissage. Les seules traces qu’il doit laisser, outre l’œuvre produite, c’est
— Page 78 —
un moyen visuel de mesurer son travail pour déterminer sa rétribution
(Deforge, 1981). La transmission des savoirs se fait selon un processus
d’initiation qui mêle la transmission orale (sans support écrit et encore moins
sans formalisation généralisable) et une articulation monstration – imitation
(Amouretti, Comet, 1995).
La Renaissance consacre la séparation entre constructeur et concepteur en
même temps qu’elle consacre la distinction entre l’architecte, l’ingénieur et le
producteur. Il s’agit de penser l’œuvre dans sa globalité en maîtrisant a priori
les aspects structurels de la bâtisse mais surtout en prévoyant avec le plus
grand soin l’articulation prévision du résultat à obtenir, moyens à mettre en
œuvre pour y parvenir et coordination des interventions des différents corps de
métiers (Vérin, 1983). En termes d’architecture, cette rupture est connue
comme le passage d’une architecture géométrique21 à une architecture
humaniste. À la charnière du moyen âge et de la renaissance, la redécouverte
et la diffusion du traité d’enseignement de Vitruve : De architectura22, relèguera
au second plan une bonne partie des savoir-faire des bâtisseurs de la période
gothique. Ce traité particulièrement dogmatique privilégie le normatif au
détriment du descriptif ; il s’agit de présenter un véritable corpus et non pas une
juxtaposition de monographies afin d’élever l’architecture au rang d’un art libéral
(Choisy A. 1909). Filippo Brunelleschi est un des premiers architectes de la
Renaissance qui se pense comme un intellectuel fondamentalement différent
des autres acteurs du bâtiment. C’est cette manière de faire qu’il consacre dans
l’édification de la coupole de la basilique de Florence23. Pour la première fois,
on construisait une coupole sans la soutenir par des échafaudages en bois. Les
21
Cette architecture est à l’origine des chefs d’œuvre gothiques tels les cathédrales de
Chartres, de Paris ou d’Amiens.
22
Vitruve est l’auteur du seul traité d’architecture, en dix volumes, qui ait échappé au naufrage
de la littérature technique grecque. De l’auteur on ne sait que peu de choses sinon qu’il vécut
er
au 1 siècle avant Jésus Christ.
23
Ce mode d’organisation ne dispense d’ailleurs pas des essais – erreurs. La coupole s’est
effondrée trois fois avant d’être le chef-d’œuvre que nous connaissons.
— Page 79 —
expédients techniques mis en œuvre (par exemple, les assises de briques
disposées en arêtes de poisson) sont le fruit des études du traité de Vitruve
(Manetti A., Vasari G., 1985). Cette innovation constitue un tournant décisif :
l’architecte n’est plus le chef d’une maîtrise de personnes spécialisées dans les
divers travaux, mais l’inventeur et du projet et de la technique de l’exécution.
Dans ses autres œuvres, Brunelleschi réduira encore l’autonomie traditionnelle
des exécutants, ce qui permettra l’exécution rapide de grands projets.
L’anticipation de la coordination des moyens nécessaires pour aboutir au
produit s’accompagne d’une description de plus en plus en précise de chacun
de ses éléments. Il s’agit de préciser la forme et la structure que les éléments
doivent avoir pour pouvoir s’assembler entre eux et conduire au résultat final
escompté.
Ce contrôle du détail ne peut se faire, et de nombreuses traces documentaires
l’attestent, sans une formalisation croissante de ces descriptions de formes et
de structures mais également des machines à utiliser et des manières de s’en
servir. De l’intuition structurelle géniale du moyen âge, on passe à la
rationalisation de la mise en œuvre des moyens par la planification et la
formalisation des actions. Le pouvoir est ainsi transféré progressivement de
l’artisan qui fait à l’architecte qui crée et à l’ingénieur qui conçoit. L’originalité de
l’œuvre est déportée de l’exécution à la conception. Pour assurer le transfert de
cette originalité conçue, afin que l’œuvre réalisée en garde toutes les
caractéristiques, se développe dès lors une formalisation des langages de
communication entre le créateur, le concepteur et le producteur. C’est bien
cette période qui préfigure le rôle et l’importance des langages techniques dans
la production et l’utilisation des objets. Le recours au dessin en perspective, le
développement de la géométrie descriptive sont deux exemples de cet effort de
formalisation des outils de dialogue et d’élaboration de langages techniques.
On peut ainsi donner quelques-unes des caractéristiques émergentes
conférées aux langages techniques.
— Page 80 —
Il s’agit d’abord de la formalisation d’une prescription en vue de l’exécution d’un
produit. Cette formalisation est une description selon un point de vue très précis
du produit escompté. En ce sens, il s’agit également d’une normalisation dès
lors qu’on invite les partenaires du dialogue à n’adopter qu’un seul point de vue.
La formalisation de la description du produit escompté suppose également une
description précise des moyens à mettre en œuvre pour arriver au résultat. Cet
effort de formalisation s’accompagne inévitablement, comme nous l’avons déjà
vu, d’une rationalisation de l’agencement des moyens à mettre en œuvre pour
aboutir au résultat tel qu’il a été prévu. Le recours à un ensemble de règles et
de descriptions symboliques procède de la construction de signification dès lors
que l’on se préoccupe de l’articulation entre le signifiant et le signifié. On peut
ainsi entendre le rôle et la place particulière qu’occupent les langages
techniques. Le développement des techniques s’est largement accompagné
d’un développement des langages techniques. En même temps que ce
développement joue sur le nombre de langages produits, il étend leur portée
vers des prétentions d’universalité. Par exemple, les efforts de normalisation
ont largement quitté l’atelier pour s’étendre à des normalisations nationales (la
norme
AFNOR,
par
exemple),
plurinationales
(la
norme
CE)
voire
internationales (la norme ISO).
On ne reviendra pas sur le rôle de médiateur joué par les langages techniques,
rôle qui a été très largement étudié dans de nombreux travaux (par exemple,
Rabardel & Weill-Fassina, 1987 ; Bessot & Vérillon, 1992 ; Weill-Fassina,
Rabardel, Dubois, 1993 ; D’Alençon, 1994 ; Weil-Barais, 1997). De fait, dans
ces approches, les langages techniques apparaissent comme des facteurs de
structuration de l’action humaine en même temps qu’ils permettent de structurer
sa pensée. Il s’agit bien de rendre compte selon un point de vue particulier d’un
processus d’action. L’activité logique de formalisation est liée au langage, d’une
part, car elle produit des énoncés de façon autonome et, d’autre part, ces
énoncés logiques peuvent eux-mêmes porter de façon hétéronome sur d’autres
énoncés (Wittgenstein, 1961).
— Page 81 —
La mise en œuvre d’un langage nous conduit inexorablement à distinguer deux
fonctions : une fonction référenciante et une fonction référenciée. En tant que
référencié, le langage doit, pour faire sens et éviter les paradoxes, se plier à
une théorie des types capables de discriminer entre les différents niveaux de
ses énoncés. Mais une telle construction fait appel à la fonction référenciante
de ce langage en raison de son effet de guide de l’élaboration conceptuelle et
de la formulation des énoncés formels. Ainsi, la fonction référenciante norme et
invente et par-là même, elle régit l’activité créatrice et organisatrice. En ce sens,
les langages techniques sont des outils de formalisation de processus de
réalisations concrètes. Un dessin de fabrication ne dit rien du concepteur ou du
dessinateur, encore moins de l’ouvrier chargé de réaliser la pièce. En revanche,
il permet de codifier leurs actions, la matière d’œuvre qu’ils manipulent, la façon
dont ils la manipulent (chacun à leur niveau) et le résultat auquel ils doivent
aboutir. Il y a extraction des praxis individuelles d’une praxéologie qui tend à
dépersonnaliser cette description afin de pouvoir la généraliser à une même
classe de problèmes indépendamment des acteurs. Le niveau de généralité de
description d’un langage sera donc apprécié dans cette perspective de
dépersonnalisation et de décontextualisation.
À ce point de notre propos, nous mesurons l’importance des langages
techniques dans la délimitation d’un champ de références pour les
enseignements technologiques. Les langages techniques rendent compte des
faits techniques dans cette dialectique entre le monde des objets et leur mode
d’existence. L’élaboration d’un discours technique médiatisé par des langages
symboliques spécifiques constitue un enjeu essentiel de la construction de
significations sur les objets eux-mêmes mais également sur les raisons pour
lesquelles ils existent et comment ils existent. Les langages techniques sont le
résultat d’une description formelle de l’organisation des moyens mis en œuvre
pour aboutir à une fin précise ; notamment, il s’agit de décrire les actions mises
en jeu pour atteindre ce résultat, de décrire leurs organisations et leurs
spécificités en ce qu’elles ont d’impersonnel. Les langages techniques sont
également un élément fort qui intervient dans la dialectique entre savoir et
— Page 82 —
savoir-faire. Ils entrent dans l’organisation praxéologique en tant que sémiologie
particulière élaborée dans le bloc technologie – théorie pour faire sens dans le
bloc type de tâches - technique. On notera que leur émergence se renforce à
l’époque
industrielle
et
qu’ils
deviennent
incontournables
à
l’époque
postindustrielle, consacrant le transfert du faire vers le savoir sur le faire. On
peut ainsi avancer que les langages techniques constituent cette sémiologie
particulière des savoirs techniques en ce sens qu’ils rendent compte de la
dialectique particulière qui s’établit entre l’objet technique et l’activité technique
qui lui permet d’exister. De fait, les langages techniques concentrent les
attributs des savoirs sur le faire, savoirs pour lesquels on doit pouvoir construire
une épistémologie particulière. Dans la perspective de délimitation d’un champ
de références pour les enseignements technologiques, l’articulation objet,
activité, langage intervient de manière privilégiée comme les termes
d’organisations praxéologiques propres à un champ spécifique organisé dans
une épistémologie particulière. On peut dégager différentes portées de cette
discussion :
La première concerne l’élaboration d’outils de lecture et d’analyse des
curriculums d’enseignement qui permettent de rendre compte des rapports aux
savoirs établis dans les processus d’enseignement - apprentissage. On peut
ainsi mesurer le degré d’ouverture d’un curriculum à partir des visées et des
organisations de l’étude qu’il propose. Ce degré d’ouverture dépend du rapport
entre savoir-faire et savoir qu’il induit. Le curriculum sera fermé s’il privilégie la
manière de faire, par exemple, en attribuant une place importante aux activités
techniques de réalisation ou de manipulation d’objets techniques. Le curriculum
sera ouvert s’il met en avant les savoirs sur les manières de faire notamment au
travers de l’utilisation des langages techniques pour définir, organiser et
effectuer les activités techniques liées à la réalisation ou à la manipulation
d’objets techniques.
La seconde se situe dans l’élaboration des outils de conception de
curriculums pour les enseignements technologiques. La conception de
— Page 83 —
curriculums ouverts repose pour partie sur la possibilité donnée aux élèves de
prendre de la distance par rapport à leur propre pratique de réalisation des
tâches scolaires. Pour cela, il faut que les curriculums permettent aux
enseignants d’aménager le milieu de travail de l’élève pour qu’une analyse
réflexive soit possible (Perret, Perret-Clermont, Golay Schilter, 1998). Au-delà
des possibilités d’aménagements spatio-temporels de la classe de technologie,
ce sont les aménagements conceptuels qui doivent être prévus, notamment au
travers du rôle des langages techniques dans la mise en place d’activités de
conception, planification, organisation et évaluation des activités techniques.
La troisième portée de notre travail est épistémologique. C’est un effort de
caractérisation d’organisations praxéologiques dans lesquelles on peut identifier
les objets manipulés (objets techniques), les savoir-faire (les types de tâches
possibles et les techniques mises en œuvre pour les accomplir) et les savoirs
(les technologies et les modèles théoriques qui donnent sens aux deux items
précédents) spécifiques à notre champ de références.
Ces
trois
portées
sont
interdépendantes.
Ainsi,
délimiter
un
cadre
épistémologique susceptible de servir de référence aux enseignements
technologiques permet, d’une part, de lire les curriculums d’enseignements
actuels et, d’autre part, de proposer des curriculums d’enseignements ou, à tout
le moins, de proposer des mises en œuvre de savoirs à des fins
d’enseignements technologiques. Ce dernier point peut permettre de poser les
bases d’une ingénierie didactique. À ce point de notre étude, nous nous
intéresserons au processus d’élaboration des savoirs enseignés tout en nous
attachant à montrer que c’est une œuvre originale au sens où elle fonde une
discipline scolaire constituée de continuités, de discontinuités, de ruptures et de
progressions. C’est ce que nous examinons à présent.
— Page 84 —
2.
2.1.
SAVOIRS ENSEIGNÉS ET ENSEIGNEMENTS TECHNOLOGIQUES
ORGANISATION CURRICULAIRE DES SAVOIRS SCOLAIRES
La délimitation externe d’un champ de références pour les enseignements
technologiques ne permet de couvrir qu’une part du travail, l’organisation des
savoirs enseignés est un facteur non-négligeable de structuration du champ. Ce
point de vue interne peut être développé selon deux postures radicalement
différentes. La première, plutôt descriptive, consiste à regarder ce qui existe
afin d’en comprendre les mécanismes, d’en dégager les limites mais aussi les
possibles. La seconde, beaucoup plus prescriptive, relève des processus de
structuration des curriculums, à tout le moins et plus modestement, des
fonctions de conseils que l’on peut apporter à la constitution des curriculums
d’enseignements24. Il n’y a ni contradiction ni exclusion entre ces deux postures
mais un effort de contribution de la recherche en didactique à la constitution, à
l’évolution et à l’accompagnement d’une discipline d’enseignement. Ce débat
transparaît fortement dans les différentes revues qui se consacrent à la
diffusion des travaux sur les enseignements technologiques (par exemple,
Éducation Technologique en France, Journal of Technology Studies, Journal of
Technology Education aux États Unis, etc.).
24
J’ai eu l’occasion de contribuer à la conception curriculaire lors de la mise en place d’une
éducation technologique pour tous dans l’école chilienne (Ginestié, Elton, 1998). L’introduction
d’une éducation technologique dans l’enseignement chilien apparaît depuis la première année
de l’école basique jusqu’à la seconde année de l’école médiane sous la forme d’un
enseignement obligatoire, distinct d’une éducation scientifique, d’une part, et d’une éducation
manuelle et artistique, d’autre part ; ces deux formes d’éducation existant par ailleurs. L’école
basique comporte huit années qui couvrent nos cinq années d’école primaire (du CP au CM2)
e
e
e
et les trois premières classes du collège (6 , 5 , 4 ). L’école médiane comporte quatre années
e
de
e
qui correspondent à nos classes de 3 , 2 , 1 et Terminale. Ce travail de conception
curriculaire ouvre des perspectives de nombreuses collaborations dans le cadre des
programmes MECE (Mejoramiento de la Equidad y de la Cualidad en la Educación), PIIE
(Programa Interdisciplinario de Investigaciones en Educación) et Pasantías (Programa de
Becas para Docente en Universidades Extranjeras). Dans cette perspective, nous développons
des relations avec des universités chiliennes, notamment celles de Playa Ancha à Valparaíso et
de Biobio à Concepción afin de prolonger le travail entrepris (Ginestié, 1998c, 1999c ; Ginestié,
Escalante, 1999 ; Ginestié, Rivera, 1999 ; Ginestié, Mena Miranda, 1999).
— Page 85 —
2.1.1.
L’éducation technologique en cinq caractéristiques et huit
approches
Pour essayer de caractériser les savoirs enseignés en technologie, le premier
modèle auquel nous nous intéressons est celui proposé par Marc de Vries
(1993a, 1993b, 1994, 1995 ; Raat, Mottier, de Vries, 1994). Pour cet auteur, il y
a un lien très fort entre la manière de caractériser la technologie et les
différentes
approches
que
l’on
peut
trouver
en
matière
d’éducation
technologique. Dans cet effort de distinction des formes d’éducation
technologique, de Vries retient cinq caractéristiques principales pour définir la
technologie : la technologie comme activité humaine ; la technologie comme
transformations des matériaux, de l’énergie et de l’information ; la science
comme ressource de la technologie ; la technologie comme processus de
conception, de fabrication et d’utilisation ; la technologie comme facteur
d’influence de la société. À partir de là, il se sert de ces caractéristiques pour
qualifier les enseignements selon huit approches.
(i)
L’approche selon le point de vue professionnel est très largement
répandue, elle porte essentiellement sur la fabrication d’ouvrages dont
l’ensemble des caractéristiques est prédéterminé. Dans cette approche, les
aspects humains et sociaux sont absents, il n’y a pas de rapports explicites aux
sciences et les élèves utilisent les notions de matériaux, d’énergie et
d’information sans pour autant les étudier.
(ii)
L’approche selon le point de vue de la production industrielle est une
extension de la précédente mais ici le lien entre compétences à acquérir et
choix professionnel futur des élèves est très fort. Pour autant, cette approche
est plutôt impersonnelle car l’être humain est réduit à un être productif et ce
point de vue prévaut dans la définition des rapports sociaux. De fait, il n’y a
aucun rapport avec les sciences, les activités sont essentiellement centrées sur
— Page 86 —
la fabrication. Les notions de matériaux, d’énergie et d’information deviennent
cruciales pour comprendre les processus de production industrielle.
(iii)
L’approche high-tech se fonde sur l’importance de la confrontation des
élèves au monde des objets à la mode. L’auteur range dans cette catégorie le
déploiement dans les classes d’ordinateurs, de systèmes de robotique, de
Conception
Fabrication
Assistée
par
Ordinateur.
Cette
approche
est
essentiellement centrée sur les notions de flux de matière, d’énergie ou
d’information. Les aspects humains et les rapports aux sciences sont
entièrement masqués par les équipements, Cette approche est limitée à
l’utilisation de ces équipements et de leurs applications. Les aspects sociaux ne
sont pas pris en compte de manière à éluder tout débat sur le bien fondé et les
valeurs véhiculées par une telle approche.
(iv) L’approche sciences appliquées est issue de l’éducation scientifique et a
pour objet de rendre plus pertinent les sujets scientifiques étudiés par les
élèves. De fait, c’est exclusivement l’influence des sciences sur les
technologies qui est envisagé, jamais l’inverse. Il n’y a pas de liens avec les
aspects humains ou les aspects sociaux. Les notions de matière et d’énergie
sont traitées du point de vue des sciences, ce qui exclue systématiquement les
notions d’information. Cette approche se limite à l’utilisation afin de révéler
l’arrière plan scientifique des objets.
(v)
L’approche par le concept d’ingénierie accorde autant d’importance à
l’analyse qu’à la synthèse et privilégie l’approche système. Ces concepts sont
plutôt impersonnels et sans liens explicites avec les aspects sociaux. Cette
approche utilise largement les concepts et les méthodes empruntés aux
sciences, elle se limite à une analyse de l’existant tout en accordant une très
grande importance aux notions de flux de matériaux, d’énergie ou d’information.
(vi) L’approche
par
la
conception
met
l’accent
sur
les
processus
technologiques dans lesquels les élèves doivent résoudre des problèmes non
déterminés. L’aspect humain, largement mis en avant au travers de l’expression
des besoins, se fait souvent au détriment d’une prise en compte des aspects
— Page 87 —
sociaux. Les notions de matière, d’énergie et d’information sont largement
négligées tout comme les rapports aux sciences qui sont rarement évoqués.
Cette approche privilégie le couple conception fabrication au détriment de
l’utilisation.
(vii) L’approche par les niveaux de qualification répond à une large demande
des industries en matière de main d’œuvre future. Elle met l’accent sur le
développement de compétences générales telles que le sens de la coopération,
la flexibilité ou les aptitudes analytiques. De fait, les aspects humains sont au
centre de cette approche qui se fonde sur le développement des aptitudes et
des compétences des individus ce qui, par extension, conduit à considérer les
aspects sociaux sous le seul angle du rôle de l’industrie, sans pour autant
privilégier des points de vue critiques. Les notions de matière, d'énergie et
d'information sont vues comme des outils nécessaires à la résolution de
problèmes technologiques, le rapport aux sciences privilégie largement les
méthodes d’analyse au détriment des concepts. Le processus de conception fabrication - utilisation est vu comme un tout permettant d’élaborer une solution
réalisable qui puisse être entretenue, jetable ou recyclable.
(viii) L’approche par les sciences et techniques sociales est une extension de
l’approche par les sciences appliquées mais elle est fondée sur une large prise
en compte des facteurs sociaux et humains. Cette approche se limite à
l’utilisation des objets et met en avant les influences des sciences sur la
technologie. De ce point de vue, les notions de matière, d’énergie et
d’information sont abordées sous un angle scientifique exclusivement.
Cette grille se révèle intéressante pour qualifier les systèmes d’éducation
technologiques tels qu’ils peuvent exister. Le point de vue descriptif adopté par
de Vries se fonde essentiellement sur une étude de curriculums mis en œuvre
dans différents pays, essentiellement d’Europe de l’Ouest. De fait, cette
description s’attache beaucoup plus à montrer les prescriptions curriculaires
qu’à décrire les fonctionnements réels et les pratiques de classes. Le choix qu’il
effectue entre ces cinq caractéristiques et ces huit approches permet de donner
— Page 88 —
une certaine clarté à des organisations scolaires différentes d’un pays à l’autre.
On notera également dans ce travail de description curriculaire l’effort pour
organiser la discussion autour de blocs de savoirs (les cinq caractéristiques) et
non pas de modes d’organisations scolaires. Pour de Vries (1995), ce qui
caractérise le choix d’une approche d’un système d’éducation technologique,
c’est la façon dont chacun de ces cinq blocs de savoirs est organisé, c’est à
dire quels savoirs sont privilégiés et lesquels sont abandonnés.
2.1.2.
Courants d’organisation de l’éducation technologique
La catégorisation des systèmes curriculaires, proposée par de Vries (1995), en
huit approches comporte beaucoup de redondances. Nous proposons de les
regrouper dans quatre courants principaux qui semblent assez bien décrire les
systèmes d’éducation technologiques.
Premier courant : la fabrication d’ouvrages avec une distinction très nette entre,
d’une part, les ouvrages à usage décoratif ou domestique et, d’autre part, les
ouvrages de type industriel. Les premiers s’inscrivent clairement dans une
tradition artisanale voire familiale alors que les seconds insistent sur la
planification et la préparation des processus industriels. Les activités des élèves
sont essentiellement centrées sur la fabrication ; ce point de vue est exclusif de
tous les autres, notamment de celui de l’utilisateur qui est pratiquement absent ;
l’obtention d’un produit acceptable selon des critères esthétiques, voire
artistiques constitue le principal objectif de cet enseignement.
Second courant : la confrontation de l’élève à des objets techniques. Cela va de
l’utilisation d’outillages familiers (en Europe, les matériels de bricolage) à la
manipulation d’objet high-tech tel la micro-informatique, par exemple. Ce
courant vise à familiariser les élèves avec les objets de leur environnement, que
celui-ci soit domestique et quotidien ou supposé tel dans un futur proche. Les
activités des élèves sont essentiellement centrées sur la manipulation d’objets,
de matériels. Leur exploration doit développer chez eux la compréhension
environnementale. On trouve souvent une forte ambiguïté dans ces activités
entre sciences et technologie ; la marge est très floue et la technologie ne serait
— Page 89 —
qu’une forme de science appliquée voire une application pure et simple des
sciences.
Troisième courant : le monde du travail et son organisation sociale, notamment
l’évolution
des
emplois
et
les
besoins
nouveaux
de
qualifications
professionnelles qui se fondent sur des compétences générales telles que la
coopération, le travail en équipe, la flexibilité, l’adaptabilité, l’esprit d’innovation.
Ce courant s’inscrit dans une démarche très explicite d’intégration sociale qui
passe par une intégration professionnelle des jeunes après l ‘école. Les
activités
privilégient
le
développement
des
comportements
liés
aux
compétences générales d’exercice d’un métier (adaptabilité, flexibilité, travail en
équipe, coopération, etc.). Il faut que le travail des élèves soit organisé de façon
à simuler les comportements de travailleurs du futur.
Quatrième courant : le mode d’existence des objets techniques comme
manifestation de l’interaction sociale humaine. Le recours à des références
empruntées à l’ingénierie, à la vie des produits, aux sciences humaines et
sociales tend à développer une démystification du monde technologique. Des
activités d’analyse des processus de conception – développement d’un objet,
d’utilisation d’outils sémantiques (empruntés par exemple à l’approche
systémique, l’analyse fonctionnelle, l’organisation économique des entreprises,
etc.) ont pour objectif d’inscrire les objets techniques comme faits sociaux
devant être étudiés en tant que tels.
En faisant fonctionner cette grille d’analyse sur différents curriculums
d’éducation technologique, nous constatons que chacun mélange ces différents
courants sans jamais réellement trancher. Il n’y a pas de ligne dure de
l’éducation technologique. Les curriculums sont plutôt des constructions
consensuelles qui, en l’absence de références épistémologiques clairement
définies, reflètent bien l’aporie liée à leur conception. Du point de vue de notre
travail d’analyse, notre grille nous permet de qualifier les orientations prises
dans tel ou tel curriculum, on ne peut pas, en revanche, caractériser de manière
plus opérationnelle les savoirs mis en jeu dans cet enseignement, la façon dont
— Page 90 —
ils sont organisés et, encore moins, obtenir des indicateurs sur les références à
ces savoirs. Une entrée largement utilisée pour déterminer les contenus d’une
éducation technologique est celle des compétences. C’est cette piste que nous
allons examiner à présent.
2.1.3.
Compétences visées par l’éducation technologique
Dans cette voie, nous examinerons le modèle élaboré par Blandow et
Dyrenfurth (1992b, 1995 ; Blandow, 1992, 1997 ; Dyrenfurth, Kozak, 1991 ;
Dyrenfurth, 1992, 1997). Pour ces auteurs, l’éducation technologique doit être
certes entendue en liaison avec le monde des entreprises, de l’industrie et des
usines mais ils jugent cette vision trop restrictive. Pour eux, l’éducation
technologique permet le développement de compétences qui permettent d’agir
dans notre environnement social sans que celui-ci puisse être restreint à notre
univers professionnel. Blandow (1992), par exemple, part de l’idée que les
ressources pour le développement technologique sont la résultante de
l’interaction entre l’importance que nous accordons aux ressources naturelles
(RN) et celle que nous accordons aux ressources humaines (RH), c’est à dire
aux connaissances et capacités humaines. Le Schéma 3 montre les relations
entre ressources naturelles et humaines dans le développement des
ressources technologiques.
— Page 91 —
Schéma 3 : Développement
des
ressources
technologiques
(d’après
Importance
Blandow, 1992)
Ressources
naturelles
(RN)
Ressources
humaines
(RH)
RN
RH
Temps
Ce schéma montre une décroissance continuelle, dans le développement des
ressources technologiques, de la part des ressources naturelles (RN)
simultanément à une croissance continuelle de la part des ressources
humaines (RH) dans le développement des ressources technologiques. Dans
ce double mécanisme d’évolution, il y a une inversion radicale de l’importance
des ressources ; les ressources naturelles sont primordiales au début de ce
développement mais elles ne font que perdre de cette importance au bénéfice
des ressources humaines qui ne font que prendre de l’importance. Pour ces
auteurs, le développement technologique repose essentiellement sur le
développement des ressources humaines, ce qui induit un développement
important de l’éducation technologique non pas seulement en termes de
formation à des compétences professionnelles précises mais surtout en termes
de
connaissances
développement.
et
Les
de
visées
compétences
ainsi
susceptibles
dégagées
en
de
matière
favoriser
ce
d’éducation
technologique dépassent largement celles envisagées par de Vries, notamment
dans ses approches par les professions ou les qualifications.
— Page 92 —
Pour essentiels que soient ces éléments, Blandow et Dyrenfurth ont surtout
essayé de formaliser des savoirs éligibles dans une éducation technologique au
sens donné ci-dessus. Pour eux, il s’agit « d’élaborer des situations dans
lesquelles les élèves surmontent des obstacles afin d’acquérir des capacités à
interpréter le monde des systèmes complexes, ce qui est une urgence pour nos
futures sociétés » (1992, p.568). Les savoirs mis en avant reposent sur trois
pôles essentiels : les processus d’élaboration de solutions, les concepts liés
aux systèmes et les modes d’organisations sociales des structures de
production et d’utilisation.
Pour Dyrenfurth (1997), l’articulation entre ces trois composantes donne son
sens à une éducation technologique car « elle permet de penser des
continuités, des progressions dans les apprentissages des enfants et ce depuis
les toutes premières années de l’école ». Blandow (1997) reprend un modèle
ébauché en 1992 dans lequel il met en avant quelques relations fortes
articulées en noyaux de connaissances :
(i)
Relations entre fonction et structure notamment pour les règles de
dépendances et les niveaux d’interactions. La modélisation fonctionnelle est
pour lui un moyen de tisser des liens de compréhension entre un système
constitué par des associations de boîtes noires et des éléments structurels
répondant à ces descriptions fonctionnelles.
(ii)
Relations entre organisation et fonction pour les règles de hiérarchisation
et les niveaux d’interrelations. Cette perspective permet, d’après l’auteur, de
penser les organisations comme une création qui met en relation des groupes
fonctionnels capables de dégager des stratégies fonctionnelles et des
hiérarchies structurelles. De fait, il s’agit ici de prendre en compte les potentiels
humains et sociaux et ne pas considérer le monde de la technologie comme un
monde inerte.
(iii)
Relations
entre
organisations
et
communication
pour
les
règles
d’ordonnancement et les codes et protocoles langagiers. Il s’agit de
comprendre les relations entre des éléments forcément hétérogènes organisés
— Page 93 —
dans des structures fonctionnelles donc obligatoirement en communication
selon des langages codifiés.
À travers ces trois points, on voit poindre une tentative visant à ancrer
l’éducation technologique dans un univers plutôt théorique de modélisation des
processus et des procédés. De fait, même si cela n’apparaît assez clairement
que dans le texte de Dyrenfurth de 1997, on notera cette volonté d’éloigner
l’éducation technologique de toutes formes de références à des travaux
manuels
pour
l’ancrer
dans
l’univers
de
la
production
industrielle,
essentiellement d’ailleurs en accentuant le rôle de la conception, de la
créativité,
de
l’innovation.
Ils
avancent
ainsi
l’idée
d’une
éducation
technologique qui permettrait de valoriser le choix de solutions dans un
contexte et un environnement donnés et dans laquelle les travaux de groupes,
les coopérations entre élèves, les analyses collectives de problèmes réels
seraient d’excellents vecteurs de développement de connaissances et de
compétences. Blandow et Dyrenfurth posent clairement la question de la
signification des enseignements proposés aux élèves et de leur adéquation aux
projets de société. On appréciera les ouvertures qui tendent à donner des
références théoriques sérieuses à une éducation technologique, ce que de
Vries déplore et que Blandow et Dyrenfurth tentent de faire en contribuant ainsi
à préciser un cadre épistémologique.
2.1.4.
L’éducation technologique dans un projet social
A ce point de notre propos, on ne peut pas éviter de spécifier la contribution de
l’éducation technologique à l’éducation générale des citoyens dans le cadre de
l’école obligatoire25. Dans son acception la plus large, le terme d’éducation
technologique englobe l’ensemble des disciplines technologiques depuis les
— Page 94 —
toutes
premières
années
de
l’école
obligatoire
jusqu’aux
formations
professionnelles. Or, nous l’avons déjà dit, les organisations curriculaires
construites s’inscrivent dans des projets sociaux. Pour préciser ces faits
d’éducation, nous envisageons cinq volets pour caractériser ces inscriptions
sociales et nous permettre de caractériser les savoirs qui s’y référent
(Ginestié, 1997) :
(i)
L’utilisateur d’appareils : l’utilisation d’objets techniques prend une grande
place dans notre vie quotidienne et leur sophistication croissante induit
constamment de nouveaux rapports homme – appareil dans un mélange de
banalisation et de mystification. L’éducation technologique peut ainsi contribuer
à développer des attitudes ouvertes quant au bon usage des objets techniques
en donnant du sens et en mettant de la raison dans leur usage (Fourez, 1994).
Ce sont des compétences d’analyse de fonctionnement d’appareils existants
qui sont visées, elles reposent sur des savoirs liés aux outils d’analyse
fonctionnelle.
(ii)
L’acheteur de produits : la diversification des marques, des modèles, des
gammes de produits ne facilite pas l’achat d’un objet technique 26 quel qu’il soit.
La dynamique marchande, martelée à force de messages publicitaires, tend à
légitimer notre besoin de satisfaire nos envies sans considération de prix. Elle
est
particulièrement significative
des pressions sociales et
culturelles
auxquelles chacun est soumis dans son rapport à la trilogie besoin – envie –
coût. C’est ainsi que l’on peut entendre les multiples déclinaisons de produits
qui répondent tous au même usage mais en prenant en compte des symboles
25
On notera au passage que l’obligation légale de scolarité jusqu’à seize ans est actuellement
doublée d’une obligation de fait, d’usage jusqu’à dix-huit ans. On peut donc affirmer que la
question de l’éducation technologique doit s’envisager dans la continuité de l’école depuis la
maternelle jusqu’au baccalauréat.
26
Il n’est pour s’en persuader que de regarder le nombre de magazines qui, dans des
domaines très divers et tout aussi variés, proposent, pour l’essentiel, des guides d’achat, des
comparatifs de produits, etc.
— Page 95 —
d’identification fort différents (Lebahar, 1994) ; ces derniers sont les moteurs de
décision d’achat qui font opter très précisément pour tel produit et non pour tel
autre. L’éducation technologique peut ainsi contribuer à tempérer ces
comportements émotifs en ajoutant un peu de rationalité dans les choix
d’acheteurs. Les savoirs liés à ce niveau d’approche reposent, d’une part, sur
les liens entre valeur et fonction (notamment ceux que l’on trouve dans des
outils tels que ceux de l’analyse de la valeur) et, d’autre part, sur la sémiologie
des objets (notamment telle qu’elle est abordée dans les outils du design
industriel ou dans ceux du merchandising).
(iii)
L’usager de systèmes : nos systèmes d’organisation sociale établissent
des liens très étroits avec des réseaux de systèmes techniques de plus en plus
développés autour des usagers ; ces systèmes influencent très fortement nos
activités et l’évolution de notre environnement. L’usage d’un objet technique ne
peut se réduire à sa simple utilisation mais doit être entendu dans une
perspective plus globale d’interactions fortes entre la production des objets
techniques, l’évolution de notre environnement et les modifications du contexte
social27. De fait, nos actes d’usager s’inscrivent dans ce fonctionnement
systémique auquel une éducation technologique pourrait donner une plus
grande lisibilité. Les notions de flux (de matières, d’énergies, d’informations),
d’interactions et de rétroactions, de processus de transformations (dans leurs
dimensions
irréversibles
ou
non),
d’évolutions
(entropie,
stabilité,
développement) sont quelques-uns des éléments des savoirs en jeu ici.
(iv) L’acteur social dans le système de production : l’alternance d’un rôle de
consommateur et de producteur repose sur une mise en scène d’un cycle
simpliste28 dans lequel travail = salaire = pouvoir d’achat = consommation de
produits = production = travail. Cette équation est largement répandue comme
27
Par exemple, le développement de l’automobile est lié à des choix d’aménagement du
territoire et a complètement modifié les rapports ville – campagne, citadin - villageois.
— Page 96 —
modèle explicatif du développement de nos sociétés modernes occidentales29
(qui ne saurait être entendu qu’en termes d’accroissement). Ce modèle est,
bien évidemment, culturellement et historiquement marqué. Sa principale force
réside dans cette apparence d’universalisme30 martelée avec la même force
que les messages publicitaires des produits à commercialiser, et même si
d’autres modèles ont existé ou existent, réellement ou théoriquement.
Actuellement, nous pouvons voir que l’exclusion d’une part non négligeable de
la population du monde du travail crée une exclusion sociale dont les tensions
introduisent des points de rupture dans nos écoles. L’évolution sociale n’est
jamais neutre ou a-conflictuelle. L’éducation technologique peut contribuer à
accroître la lisibilité de ces évolutions en clarifiant certaines relations entre les
hommes et le monde des objets techniques qu’ils produisent. Les concepts en
jeu ici relèvent, d’une part, des modes d’organisation sociale du travail (et donc
également de division sociale du travail) et, d’autre part, des notions
d’économie (qui ne seraient pas limitées à une économie particulière telle que
l’économie d’entreprise mais pourrait prendre plusieurs postures comme
l’économie des ménages, l’économie d’entreprise, l’économie locale, etc.).
(v)
Le citoyen dans la Cité : l’accès au savoir pour tous est un enjeu important
des démocraties contemporaines notamment afin de permettre à tout un
chacun d’exercer une part du contrôle démocratique de l’évolution sociale et ne
pas la confier à quelques poignées de spécialistes, d’experts31. De ce point de
28
Cette présentation réduite est une simplification qui n’a été adoptée que pour la clarté de la
discussion.
29
Les discussions politiques actuelles sur la relance de la croissance, l’emploi, la
consommation des ménages, etc., témoignent de l’importance de cette relation dans notre
équilibre social et économique. La mondialisation de l’économie de marché et la généralisation
me
de la concurrence sont des références de plus en plus dominantes en cette fin de XX
siècle.
30
Par exemple, A. Minc avance la thèse que l’économie de marché n’est pas une élaboration
sociale mais plutôt une composante de la nature sociale humaine.
31
Par exemple, les débats sur tout ce qui touche la natalité (fécondation in vitro, dépistage des
maladies génétiques, etc.) sont largement significatifs de ces débats de spécialistes.
— Page 97 —
vue, la contribution de l’éducation technologique en tant qu’organisatrice de
significations sur l’évolution technique, et donc sur l’évolution sociale à laquelle
elle est intimement liée, paraît incontournable. Il ne s’agit certainement pas de
donner
à
chacun
les
connaissances
d’un
utopique
encyclopédisme
technologique mais bien de donner les savoirs nécessaires à l’exercice d’un
contrôle en termes de compréhension des enjeux et des risques.
Nous pouvons, à ce point de notre discussion, voir en quoi l ‘épistémologie des
savoirs technologiques est spécifique. Dans un premier temps, on montrait que
l’articulation objet, activité, langage intervient comme les termes d’organisations
praxéologiques
propres
à
un
champ
spécifique.
Les
tentatives
de
caractérisation des savoirs, notamment dans des efforts de délimitation
conceptuelle, permettent de préciser les termes de cette épistémologie tout en
assurant les fonctions de grille d’analyse et de description, a posteriori ou a
priori, des curriculums. Ce sont quelques-unes de ces tentatives que nous
avons étudiées dans un second temps. Les savoirs mis en jeu, dont nous
ébauchons ici quelques pistes possibles, ne présagent en rien des
organisations scolaires de leur enseignement. Il faut des choix institutionnels
systématiques qui créent et organisent les conditions de leur étude
(Johsua, 1998). Ce changement de registre institutionnel relève du processus
de transposition didactique au sens que lui donne Chevallard : « faire passer
dans un autre ton institutionnel sans altérer » (1997, p. 56). Nous consacrerons
notre troisième temps à l’analyse de cette transposition de savoirs relevant
d’une épistémologie particulière. C’est ce que nous examinons à présent.
2.2.
2.2.1.
LA TRANSPOSITION DE SAVOIRS TECHNOLOGIQUES
Référence à des pratiques, référence à des savoirs ?
Un des buts recherché dans l’aménagement du milieu de travail de l’élève est
de le rendre actif, c’est à dire qu’il soit en situation de résoudre par lui-même le
problème qui lui est soumis, qu’il soit en mesure de contrôler sa stratégie de
progression dans la tâche tout en pilotant son activité. Ce but dépend des
— Page 98 —
situations construites qui ne sont pas réductibles à l’organisation d’une
succession de manipulations mettant en jeu des savoir-faire. C’est sans doute
ainsi qu’il faut entendre la question des savoirs enseignés en éducation
technologique, cette reconstruction singulière de situations scolaires pouvant
rendre compte pour des élèves des différents aspects des organisations
praxéologiques qui déterminent notre champ de références. C’est à ce genre de
description que se livrent les auteurs de l’ouvrage collectif « enseigner la
technologie au collège » (Lebeaume, Martinand, 1998) lorsqu’ils indiquent que
« ce livre souhaite apporter aux enseignants les outils permettant de penser les
activités proposées aux élèves, l’aide nécessaire à la pratique en classe afin de
poursuivre l’organisation de cet enseignement » (p. 5).
La notion de pratiques sociales introduite par Martinand (1983, 1986, 1989,
1991, 1995 ; Durey, Martinand, 1994) permet selon l’auteur d’élargir le concept
de transposition didactique avancé par Chevallard (1985 ; Chevallard, Johsua,
1992). Pour cet auteur, « les activités scolaires doivent être des images
d’activités sociales réelles » (Martinand, 1989). Cette référence s’appuie sur les
objets de travail, les instruments matériels et intellectuels, les problèmes, les
savoirs, les attitudes et les rôles sociaux. Par exemple, il considère « qu’une
fabrication collective en classe de petite série va permettre une lecture d’une
situation correspondante en entreprise et réaliser ainsi la vocation culturelle de
telles activités scolaires » (Martinand, 1989). Plus récemment, Martinand et
Lebeaume définissent quelques-uns des attributs de ce concept qui permet
d’interroger les pratiques scolaires tout en permettant de repérer les différentes
pratiques sociales qui donnent du sens aux activités scolaires (Lebeaume,
Martinand, 1998). Ils définissent ainsi une relation d’authenticité (distincte de
l’identité) et une cohérence. Cette proposition est une ouverture pour rendre
compte d’espaces de problèmes dans les disciplines technologiques. Malgré
tout, cette proposition pose des problèmes.
La référence à des pratiques pose la question de leur modélisation afin de les
faire entrer dans l’école ; ce ne sont pas des pratiques qui, en tant que telle,
— Page 99 —
servent de référence pour un enseignement mais bien évidemment des
constructions sur ces pratiques (ce sont, par exemple, les figures de démarche
de projet étudiées par Crindal, 1996). La proposition faite par Durey et
Martinand (1994) va dans ce sens et l’on entend bien le travail de modélisation
proposé pour élaborer un contenu d’enseignement nouveau dans les cursus de
DEUG STAPS32. Toutefois, on relèvera quelques-unes des limites introduites
par la modélisation des pratiques pour construire des savoirs scolaires. De fait,
si l’on peut, en accord avec le point de vue de Martinand, affirmer qu’il n’est pas
possible de prendre les résultats de la recherche comme référence exclusive
aux enseignements technologiques33, on notera toutefois que le processus
décrit par Durey pour les STAPS consiste bien à construire un référent
théorique de savoirs savants qui doivent permettre de faire évoluer les
pratiques. Il s’agit d’un processus de « savantisation » de savoirs dans un
champ donné. On n’enseigne pas des pratiques mais un savoir sur la pratique
qui s’en dégage qualitativement (Bourdieu, 1972 ; Johsua, 1994a). Il y a
nécessairement extraction des praxis individuelles pour délimiter des
praxéologies. Dans ce débat, le problème ne vient pas de l’origine de la
transposition (Johsua, 1996) et donc d’une opposition entre le savoir savant et
les pratiques sociales34. C’est bien la transposition des organisations
praxéologiques qui pose problème (Rogalski, Samurçay, 1994). Au-delà du
déclaratif, il y a bien à rendre compte de la construction des savoirs scolaires.
32
DEUG : Diplôme d’Enseignement Universitaire Général sanctionnant la fin de premier cycle
universitaire. STAPS : Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives.
33
Il n’existe pas de discipline universitaire « technologie » au Conseil National des
Universités. Il n’y a donc pas officiellement de chercheurs et de champs de recherche en
technologie. Une interprétation trop restrictive du terme savoir savant en liaison avec la
recherche universitaire laisserait penser qu’il n’y aurait pas de savoirs savants en technologie.
34
Pour autant, les pratiques de recherche visant à la production de savoirs sont bien
évidemment des pratiques sociales et les savoirs savants produits sont porteurs de ces
pratiques.
— Page 100 —
2.2.2.
Nature des savoirs à transposer
Nous avons noté précédemment la nature des problèmes technologiques pour
lesquels il n’existe pas une seule et bonne réponse mais plutôt un ensemble de
solutions parmi lesquelles le choix de la solution retenue se fera en pertinence
à un réseau de contraintes contextualisées. Ce sont donc de ce genre de
pratiques
dont
il
convient
de
rendre
compte.
Or,
comme
le
note
Schwartz (1994), il existe une distinction fondamentale entre les activités
professionnelles et les activités scolaires puisque « dans l’entreprise, c’est le
problème qui est commun et les savoirs qui sont partagés entre les différents
partenaires alors qu’à l’école, c’est l’inverse, c’est le problème qui est personnel
à l’élève et les savoirs qui sont communs ».
Cette différenciation des activités est également relevée par Deforge (1993) au
travers de la difficulté à rendre compte des dynamiques des activités sociales
dans le cadre particulier de l’école. Pour cet auteur, il y a bien une approche
paradigmatique articulée dans une théorie générale35 sur les techniques qui
institue
beaucoup
plus
l’éducation
technologique
dans
une
réflexion
philosophique. Les activités scolaires ne peuvent rendre compte des savoirfaire et de l’agir des acteurs sociaux dans les systèmes de production ; en
revanche, une connaissance philosophique sur les techniques constitue une
réelle valeur ajoutée aux connaissances professionnelles ou plus largement aux
connaissances sociales (Whitehead, 1975).
Ce point de vue n’est pas réellement éloigné de celui qu’avance Chevallard
(1997) lorsqu’il dit « qu’il convient de travailler à diffuser les outils permettant de
comprendre des phénomènes que, en tant que sujet de l’École, nous avions
appris à vivre plutôt qu’à penser ». Selon un autre point de vue, Lahire (1997)
35
En ce sens, les propositions de Deforge sont très proche de celles de Blandow (ibid.)
puisqu’il propose de fonder l’éducation technologique sur des champs tels que la cybernétique,
la théorie de l’information, la théorie des systèmes, la sémiologie (Deforge, 1993, p. 124)
— Page 101 —
indique que « la forme scolaire, comme forme spécifique de relations sociales,
se caractérise par l’apprentissage, quel qu’il soit, selon des règles
impersonnelles, des principes généraux ». Il va de soi que les savoirs
enseignés dans le cadre de l’éducation technologique doivent répondre à ces
critères de généralité. Dès lors la question qui se pose est bien celle de la
modélisation des pratiques afin d’en produire des référents généraux aux
enseignements technologiques. Nous sommes bien en présence des attributs
de
la
transposition
didactique
dans
les
termes
mêmes
décrits
par
Chevallard (1985) et retravaillés par Johsua et Dupin (1993). Pour pouvoir être
enseignables,
les
pratiques
sociales
doivent
être
formalisées,
puis
décontextualisées et désyncrétisées. C’est bien ce que nous relevions dans
notre étude sur l’enseignement de la démarche de projet, c’est également ce
que montre le travail de Bouthier et Durey (1994) sur la modélisation
mécanique de certains éléments des activités sportives ou encore le travail de
Crindal (1996) sur les figures de la démarche de projet industriel36.
Vygotski (1978) montre que les savoirs, construits historiquement et transmis
socialement, sont situés dans les différentes formes des produits résultant du
travail humain (œuvre d’art, outils, objets, etc.). Leur enseignement nécessite
l’utilisation d’objets culturels techniques et symboliques qui sont également le
fruit d’une construction sociale (Amigues, Zerbato-Poudou, 1996). Dans ce
sens,
le recours aux technicités mises en
jeu dans les pratiques
(Combarnous, 1984) relève d’une tentative de spécification des activités
scolaires qui reste déclarative alors que c’est la nature même des savoirs mis
en jeu dans l’école qui pose problème. C’est cette distinction que Johsua
(1994a, 1994b, 1997) introduit lorsqu’il propose une évolution notable au
36
L’intitulé même du travail de Crindal montre bien ce processus, puisqu’il suggère qu’il y a une
démarche de projet qui peut prendre différentes figures et non pas une variété importante de
démarches. Le travail de formalisation, de décontextualisation et de désyncrétisation a opéré en
réduisant la variété à l’unicité, donc à une forme d’universalisme qui n’accepterait plus que
quelques variations de formes comme le suggère le terme figures.
— Page 102 —
schéma de la transposition didactique en distinguant deux types de savoirs : les
savoirs savants et les savoirs experts.
Cette distinction permet de caractériser les lieux d’institutionnalisation des
savoirs et non pas leurs modes de productions. Les savoirs savants, pour cet
auteur, sont produits par des communautés scientifiques identifiées (ou
identifiables) ; l’introduction des savoirs experts vise à rendre compte d’autres
sources de production de savoirs qui ne répondent pas à ces critères
institutionnels de production. Il n’y a pas de différences majeures dans
l’élaboration des savoirs savants ou des savoirs experts. Le processus
d’élaboration est un réseau d’interactions entre savoir, pratique et problème
(Cf. Schéma 4 ci-dessous).
Schéma 4 : Processus d'élaboration des savoirs
Problème
Savoir savant
Mise en
Texte
Connaissance
Pratique
Savoir expert
Élaborer une solution à un problème donné se fait par la mise en œuvre de
connaissances (qui peuvent être répartis entre différentes personnes) dans des
pratiques (liées à des individus, des contextes, etc.). Cette approche rend
assez bien compte des propositions avancées par Schwartz (1994) ou par
Deforge (1993). Le savoir technologique contient intrinsèquement et rend
compte implicitement de son processus d’élaboration, des pratiques qui l’ont
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généré ou qui l’utilisent, du contexte social dans lequel il a été produit et ceux
dans lesquels il fonctionne, des savoirs auxquels il est lié à travers son
épistémologie. La mise en texte de ce savoir, sous une forme savante ou
experte, relève de son mode d’institutionnalisation et donc des organisations
sociales par et pour lesquelles il existe. Cette mise en texte est forcément
distincte d’une autre mise en texte qui va permettre de construire les savoirs
enseignés ; l’objet technique est porteur de ces processus d’élaboration de
savoir mais ce n’est pas pour autant que les élèves n’ont pas à le reconstruire
en classe.
Dans cet ensemble, il est restrictif de se référer exclusivement à des pratiques
qui ne sont qu’un des éléments d’un processus plus large et plus riche. Pris
isolément, chacun des termes de ce processus n’a que peu de sens en luimême, les problèmes ne sont que des exercices d’entraînements37, les
connaissances ne sont que des règles ou des principes dits de base38 et les
pratiques ne sont plus que des activités scolaires prototypiques39. On ne sait
pas ce que la pratique permet d’apprendre, l’activité est réalisée pour ellemême sans que l’on sache ce qu’on en attend en termes d’apprentissage.
Certes, on peut toujours objecter que la lisibilité des enseignements
technologiques passe par la lisibilité des tâches scolaires proposées aux
37
Dans les formations professionnelles, on parle d’exercices poubelles, c’est à dire d’exercices
qui n’ont aucun sens dans l’articulation du processus que nous évoquions et qui n’ont en fait
qu’une signification très locale limitée à la situation scolaire, ici et maintenant.
38
Les connaissances obtiennent le qualificatif de base quand on ne peut justifier de leur
existence qu’en tant que préalable incontournable pour pouvoir donner un sens à la situation
scolaire. Elles supposent une mémorisation a priori et fonctionnent sur le mode impératif, on ne
discute pas une règle ou un principe.
39
Dans une version très caricaturale, on a vu par exemple des classes transformées en minientreprises dans lesquelles les élèves jouaient au patron, au chef d’équipe, à l’ingénieur, au
directeur commercial, à l’ouvrier, etc.
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élèves40. Cette objection relève plutôt de la confusion des genres. La confusion
porte sur les interrelations entre différentes institutions (Brousseau, 1990,
1998). L’intérêt d’une référence à des pratiques se situe dans une perspective
d’élaborations curriculaires41 qui privilégie l’entrée par les qualifications
professionnelles. Elle permet d’imposer une logique structurelle à un
enseignement que l’on inscrit dans des processus d’orientations scolaires et de
choix professionnels des élèves42.
2.2.3.
Organisation des savoirs technologiques
Un des aspects récurrents de notre travail de délimitation d’un champ de
références pour les enseignements technologiques repose sur la construction
d’une épistémologie particulière. Implicitement, nous indiquions ainsi que la
technologie était une science autonome, distincte des autres sciences. Cette
position ne va pas de soi. Une définition usuelle (telle qu’on peut la trouver dans
40
La remarque d’un directeur des enseignements secondaires aux représentants d’une
association d’enseignants de technologie montre l’importance de cette lisibilité sociale lorsqu’il
leurs déclarait qu’il ne voyait pas « l’utilité d’un tel enseignement, si au moins il pouvait servir à
développer l’utilisation de l’informatique et l’usage d’Internet… ». Au-delà d’une remarque qui
est certainement caricaturale, la lisibilité du rôle social de cette discipline est discutée. De fait,
l’instabilité que l’on peut constater révèle une fracture profonde entre la conception d’un
enseignement et la façon, dont il peut être perçu.
41
On peut considérer ainsi les missions d’expertises que nous sommes amenés à effectuer
auprès d’institutions nationales ou étrangères afin de les conseiller sur l’élaboration des
curriculums d’enseignements. C’est, par exemple, ce travail que j’ai effectué auprès du
Ministère de l’éducation nationale Chilien, dans le cadre du programme de restructuration de
l’école basique et médiane.
42
Cette approche par les qualifications (au sens de M. de Vries) est largement présente dans
beaucoup de programmes d’enseignements technologiques. Il semble logique que les
enseignements technologiques s’occupent d’orientation professionnelle puisqu’ils sont sensés
s’appuyer sur les organisations professionnelles du travail. Ils doivent donc permettre d’éclairer
les choix des élèves en matière d’orientation scolaire. On regrettera que ce souci soit
particulièrement vif en ce qui concerne les élèves en échec scolaire (avec toute la relativité que
l’on peut attribuer à ce terme), ce qui ne fait qu’accroître le rôle d’une éducation technologique
perçue comme une discipline curative. Même si l’un des objectifs était celui-ci alors, les champs
de référence choisis au travers de l’industrie électromécanique ne sont pas très efficients eu
égard à la situation économique de ce secteur industriel, notamment en ce qui concerne les
capacités d’emplois des jeunes à faible niveau de qualification. Ces références semblent
beaucoup plus consacrer le poids des industries métallurgiques dans l’enseignement français.
— Page 105 —
un dictionnaire) décrit de manière générale la technologie comme la science
des arts et métiers. Toutefois, celle-ci ne serait pas une science proprement
dite
mais
l’application
des
sciences
aux
activités
industrielles
(Haudricourt, 1988). Il convient donc de trancher dans ce débat à la lumière des
éléments que nous proposons dans ce travail.
En première approximation, une science est définie par son objet 43. Il serait naïf
de faire de la technologie la science des objets techniques par une sorte
isonomie rudimentaire, la réduisant ainsi à trouver des parentés et à effectuer
des typologies dignes d’inventaires de Prévert. Non, l’objet de la technologie,
c’est bien la fabrication et l’utilisation des objets techniques. Une science se
caractérise par son point de vue sur l’objet bien plus que par l’objet lui-même.
Ce point de vue doit permettre de donner les lois d’apparition et de
transformation de l’objet. Concernant la technologie, ce point de vue est le point
de vue humain de la fabrication et de l’utilisation des objets techniques par les
hommes (Sigaut, 1985). Selon Haudricourt (1988, p. 38), « si la technologie doit
être une science, c’est en tant que science des activités humaines ». Notre
étude nous conduit à ajouter à cette définition « science des activités humaines
de production et d’utilisation des objets techniques ».
L’articulation que nous proposons entre objet, activité et langage, renvoie à des
organisations praxéologiques spécifiques qui indiquent la manière de faire mais
aussi le discours sur ces manières de faire. Le qualificatif de technique attribué
à chacun de ces trois termes délimite le champ des possibles en le contraignant
au monde des objets techniques, à leur mode d’existence et aux organisations
sociales pour et par lesquelles ces objets existent. L’objet en tant que tel ne
constitue que le squelette. Il faut le compléter par l’ensemble des gestes
humains qui le produisent et qui le font fonctionner. En soi, cette organisation
43
Par exemple, les lignes et les surfaces de la géométrie, la statique et la dynamique de la
mécanique, etc.
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des savoirs répond au besoin de connaître les techniques, pour un ensemble
de raisons que nous pouvons qualifier de culturelle, et indépendamment de
toutes considérations utilitaires. Cette connaissance ne peut être une
accumulation de recettes (Sigaut, 1988, 1994). Elle s’organise suivant une
logique et une cohérence propres à toutes connaissances scientifiques.
Cette organisation de connaissances est spécifique par son objet et le point de
vue adopté. Nous avons pu voir comment articuler objet technique, activité
technique et langage technique dans des organisations praxéologiques. Les
langages techniques entrent dans l’organisation praxéologique en tant que
sémiologie particulière élaborée dans le bloc technologie – théorie (les savoirs
sur la production et / ou l’utilisation des objets) pour faire sens dans le bloc type
de tâches – technique (les savoir-faire pour produire et utiliser l’objet). Ces
organisations praxéologiques relèvent d’une épistémologie particulière distincte
d’autres champs épistémologiques. C’est cette organisation épistémologique
qui permet d’émettre des lois d’apparition et de transformation des objets de
connaissance. En ce sens, nous définissons ainsi une science particulière et
autonome avec une épistémologie spécifique distincte des autres sciences.
Cette organisation de connaissances délimite le champ de références d’une
éducation technologique en ouvrant sur la compréhension du monde des objets
techniques, leur mode d’existence et les organisations sociales par et pour
lesquelles ces objets techniques existent. Elle détermine également les
conditions de la transposition. Ces contraintes « tendent à imposer tout
ensemble la matière et la manière, les questions à étudier et les formes de
l’étude » (Chevallard, 1997, p. 58).
Dans les questions ouvertes qui restent en suspens, celles liées à la mise à
l’étude d’objets d’enseignement technologique dans le cadre d’une éducation
technologique constituent l’axe principal afin d’organiser mon travail de
recherche à venir. Ces perspectives se concentrent autour des situations mises
en œuvre dans les classes, notamment en prenant en compte le rôle des
techniques dans les activités et des articulations savoir et savoir-faire qui ne
— Page 107 —
relèvent pas d’une relation d’exclusion de l’un par l’autre. Un aspect sensible
repose sur la mise en œuvre d’organisations praxéologiques par les élèves
dans des situations d'enseignement - apprentissage. Ces perspectives font
l’objet de la troisième partie de cette note de synthèse.
— Page 108 —
TROISIÈME PARTIE : PERSPECTIVES DE RECHERCHE
— Page 109 —
Cette troisième partie nous permet d’ouvrir des perspectives de recherche en
les organisant selon deux axes : l’étude des évolutions curriculaires et les
conditions d’étude des objets d’enseignement technologique. Le terrain
privilégié pour ces travaux est celui de l’ingénierie didactique et de la formation
des enseignants. D’un point de vue méthodologique, nous privilégierons la
construction de faits didactiques, c’est à dire de faits qui « n’existent pas dans
la nature et qui font l’objet d’une construction théorique, d’une modélisation »
(Amigues, Zerbato-Poudou, 1996, p. 16). Trois points de repères me permettent
d’organiser ce travail de recherche :
D’abord, les questions relatives à la contribution que je tente d’apporter à la
recherche en didactique des disciplines technologiques, recherches qui
présentent un caractère fondamental puisque participant à un débat scientifique
et donc à la construction de savoirs sur la technologie, son enseignement, les
pratiques scolaires, sa didactique.
Ensuite, des recherches socialement finalisées par les besoins de la
formation44 car la recherche en éducation en général et la recherche en
éducation technologique en particulier doivent sortir des institutions de
recherche pour accompagner les pratiques de terrains. Elles donnent des outils
pour penser la formation des enseignants, qu’elle soit initiale ou continue.
Enfin, l’accompagnement des pratiques de terrain ne saurait être réduit à des
apports dans le cadre de formation. Dépasser ce stade suppose de mettre en
place des dispositifs de « transferts de technologies » depuis l’ingénierie
didactique vers le développement d’une industrie pédagogique.
44
Cette expression a été empruntée à René Amigues qui l’a proposée comme objectif du projet
d’établissement de l’IUFM d’Aix-Marseille pour le développement de la recherche en éducation
dans cette institution.
— Page 110 —
1.
ÉVOLUTION DES ORGANISATIONS CURRICULAIRES
Nous abordons cette problématique sous deux angles. D’une part, au travers
de la description d’organisations praxéologiques à des fins d’élaboration
curriculaire et, d’autre part, par l’observation des organisations curriculaires
dans différents pays. Le premier point de vue fait l’objet d’un contrat européen
de recherche dans le cadre des programmes Leonardo da Vinci (Oskardottir,
Busetta, Ginestié, Papoutsakis, Sacco, 1997). Le second s’inscrit dans un
ensemble de collaboration avec des associations de recherche en éducation
technologique (WOCATE, PATT, EPT45, IDATA46, NDTEF47, etc.) ou avec des
universités.
1.1.
DESCRIPTION D’ORGANISATIONS PRAXÉOLOGIQUES
Nous avons relevé le lien étroit qu’il y a entre le choix des références et le
degré d’ouverture des curriculums. Nous avons délimité la technologie comme
science des activités humaines de production et d’utilisation d’objets
techniques. Rendre compte de ces activités et de leur organisation sociale à
des fins d’enseignement passe par leur description en vue d’une modélisation.
Le CEREQ48, en France, développe des descriptions sous la forme de
référentiel métier et référentiel diplôme. Le référentiel métier permet de définir
ce qu’est l’exercice d’une profession (en termes de description de tâches à
effectuer) alors que le référentiel diplôme décrit le niveau de qualification du
professionnel (en termes de savoir-faire). Ce genre de description de l’activité
reste au niveau de l’articulation tâche – technique. En termes de références
pour des enseignements technologiques, cela conduit à des curriculums fermés
(c’est ce que relève B. Hostein (1997) à propos de l’organisation des
45
EPT: Association of Professionals to Promote Excellence in Technology Education
IDATA: International Design And Technology Association
47
NDTEF: National Design and Technology Education Foundation
48
CEREQ : Centre d’études et de recherches sur les qualifications
46
— Page 111 —
enseignements professionnels). Pourtant, ce travail de mise en texte des
savoirs à enseigner concentre une grande partie du processus de transposition
didactique. C’est un moment particulier d’inscription institutionnelle, plus que de
description, d’un objet d’enseignement dans un temps scolaire. Pour autant,
cette inscription n’est pas une création ex abrupto. Le choix des références est
un moment privilégié puisque c’est ce choix qui va déterminer la matière et la
manière organisée dans le curriculum. C’est en ce sens que, à partir de la
description d’activités professionnelles, nous essayons de comprendre
l’organisation de références, notamment dans les relations entre savoir-faire et
savoir. Cette question fait l’objet d’un programme de recherche européen.
Le
travail
entrepris
professionnelles
consiste
susceptibles
à
d’être
trouver
utilisés
des
descripteurs
comme
d’activités
descripteurs
pour
l’enseignement (Oskardottir, Busetta, Ginestié, Papoutsakis, Sacco, 1997). Il
s’agit de repérer dans le discours de professionnels, à propos de leur activité
professionnelle, ce qui relève de techniques spécifiques à un type de tâches
particulier et d’établir les liens entre ces savoir-faire et des savoirs
technologiques généraux susceptibles de faciliter l’acquisition de ces
techniques (Oskardottir, Ginestié, Papoutsakis, Sacco, 1998a). La portée de ce
travail concerne directement l’organisation des formations professionnelles
dans les relations établies transversalement entre formation professionnelle et
enseignement général mais également d’une manière longitudinale dans les
liens que de telles formations peuvent entretenir avec une éducation
technologique pour tous. Le premier point nous renvoie aux questions de
relations transversales inter – curriculaires. Le second point nous renvoie aux
questions de continuité curriculaire entre éducation technologique et formation
professionnelle, ce qui est une autre façon de discuter de l’entrée par les
qualifications proposée par de Vries (cf. l’approche selon le point de vue
professionnel, p. 86).
La méthodologie retenue repose sur l’analyse de vingt activités professionnelles
(Oskardottir, Ginestié, Papoutsakis, Sacco, 1998b). Le recueil des données se
— Page 112 —
fait par interviews directives au moyen d’un questionnaire établit conjointement
par l’ensemble des partenaires du projet, sur proposition des islandais qui
coordonnent le projet. Le recueil des données se fait auprès de quinze
personnes exerçant l’emploi étudié et de cinq responsables hiérarchiques de
ces emplois. Les emplois retenus concernent les grands secteurs de la
production industrielle, de la distribution commerciale et des services. Les
données recueillies concernent la mise en œuvre d’outils et de compétences
générales et spécifiques. Elles sont constituées par les réponses aux questions
posées et par les commentaires faits à partir des questions et sur les réponses
fournies.
Le traitement des données va entraîner plusieurs niveaux d’analyse
(Oskardottir, Ginestié, Papoutsakis, Sacco, 1999). Le premier s’intéresse à
l’analyse d’une profession donnée dans un pays donné (en ce qui nous
concerne, la France). Il doit permettre de repérer, dans une activité
professionnelle donnée, comment les professionnels décrivent ce qu’ils font et
quels liens ils établissent entre ce qu’ils font (qui relève d’un discours sur leur
praxis) et ce dont ils ont besoin pour le faire (ce qui relève d’un discours sur les
savoirs généraux). Le second niveau compare des descriptions faites pour une
profession donnée dans les quatre pays partenaires. Il s’agit de repérer les
invariants (indicateur des éléments stables de l’activité) et les variations
(indicateur des éléments spécifiques à un type de tâche donnée dans un
contexte particulier) dans la description d’une activité et de ce qu’il faut savoir
pour
l’exercer.
Le
troisième
niveau
regarde
les
différentes
activités
professionnelles étudiées afin de repérer l’existence d’éléments communs que
l’on pourrait ainsi transférer dans une éducation générale.
Les croisements des différents niveaux d’analyse devraient permettre, d’une
part, de comprendre les rapports entre savoirs généraux et savoir-faire
spécifiques et, d’autre part, d’envisager quelques perspectives d’incidences sur
les contenus des enseignements technologiques que se soit dans des visées
d’éducation générale ou de formation professionnelle. L’originalité de cette
— Page 113 —
étude repose sur cette tentative d’identification de liens entre éducation
technologique pour tous et formation professionnelle forcément spécifique. En
regard de mes préoccupations de recherche, ce travail permet d’avancer sur les
descripteurs d’organisations praxéologiques notamment en matière de relations
entre type de tâches, techniques, technologie et théorie et comment cela
fonctionne dans le cadre d’activités professionnelles précises. Une part de
l’enquête porte sur les outils de communication utilisés par les professionnels
pour échanger entre eux autour d’un problème mais également pour faciliter
l’intégration professionnelle d’un débutant sur un nouveau poste. Dans cette
perspective, le rôle joué par les langages techniques dans cette communication
est un point essentiel de notre étude, notamment par la place qu’ils occupent et
la manière dont ils sont utilisés. Dans sa phase actuelle, la portée de ce travail
est toutefois limitée pour les raisons suivantes :
La description faite ici concerne plutôt des emplois de bas niveaux de
qualification professionnelle49, ce qui limite drastiquement les visées
concernant la partie générale.
L’analyse est fondée sur le discours des professionnels à propos de leurs
activités. Ce discours ne recouvre pas ce qu’ils font réellement. En effet, un
expert ne dit jamais ce qu’il fait, mais plutôt ce qu’il pense faire, voire ce qu’il
aimerait faire. Il est très difficile de décrire des activités au travers
d’interviews.
Ces limites nous conduisent à repenser cette étude au travers de la question
des descripteurs d’activités (donc forcément des descriptions des organisations
praxéologiques), d’une part, et, d’autre part, en terme de méthodologie
notamment sur les questions de recueil de données. Des références à la
49
Cette spécificité est un centre d’intérêt important pour l’union européenne notamment afin
d’éclairer les politiques de formation et de penser des solutions à la question du chômage des
jeunes de bas niveaux de qualification.
— Page 114 —
psychologie du travail sont particulièrement appropriées notamment en ce qui
concerne les relations tâche – activité et description de praxéologies (Amalberti,
1996 ; Clot, 1993, 1996, 1997 ; Weill-Fassina, Rabardel, Dubois, 1993). Un des
problèmes non résolus par ce travail repose sur la question de la transposition
didactique des organisations praxéologiques. Reconstruire une organisation
praxéologique suppose que l’on transpose le complexe de types de tâches
autour desquels cette organisation s’est développée (Chevallard, 1997). Cette
perspective suscite deux questions. Quels sont les descripteurs d’activités
professionnelles pertinents pour la construction de savoirs sur les pratiques à
modéliser ? Comment interviennent les langages techniques dans ces
organisations praxéologiques particulières et comment en rendent-ils compte ?
1.2.
OBSERVATION DE L’ÉVOLUTION DES CURRICULUMS
Dans la seconde partie de ce travail, nous avons présenté quelques modalités
d’organisation curriculaire de l’éducation technologique dans différents pays.
Nous avons également souligné la difficulté à établir des comparaisons
intercurriculaires, les méthodologies comparatives utilisées dans les travaux
connus permettent dans le meilleur des cas de constater que c’est différent. En
quoi est-ce différent et comment qualifier les différences ? Ces deux questions
résument ce thème d’étude. La jeunesse de l’éducation technologique, les
enjeux sociaux qu’on lui attribue50, l’absence de références largement connues,
sont autant d’éléments qui contribuent au développement de comparaisons.
Jusqu’à présent les comparaisons ont essentiellement porté sur les attitudes ou
les conceptions des élèves et sur des études curriculaires formelles (au sens
des approches proposées par de Vries). Les différences sont plutôt d’ordre
social et ne disent rien des savoirs enjeu dans ces systèmes (Corréard, 1999).
50
Ces enjeux s’expriment, par exemple, dans la politique de l’UNESCO en matière d’éducation
qui fait de l’éducation technologique un pôle de restructuration des systèmes éducatifs (par
exemple, Tamir, 1996)
— Page 115 —
Notre travail s’inscrit dans une perspective différente de repérage des savoirs
en jeu en regard de considérations épistémologiques. Les formes des savoirs
technologiques, tels qu’ils sont enseignés à l’école et à chacune des étapes de
la transposition didactique, servent de base à cette description (voir par
exemple Chatoney51, 1999a, 1999b). Il s’agit de repérer :
L’organisation des savoirs dans les textes officiels (programmes, instructions,
recommandations, etc.) : quels sont les savoirs de référence, quelles
organisations
praxéologiques
sont
privilégiées,
comment
se
font
les
articulations et sur quoi se fondent les progressions.
L’organisation du travail des élèves par les enseignants : comment
l’enseignant organise les activités, sur quelles tâches, pour quel résultat et avec
quel matériel.
Au-delà des contraintes linguistiques ou socioculturelles, nous faisons
l’hypothèse qu’il est possible de qualifier les différences intercurriculaires d’un
point de vue épistémologique au travers des articulations objet, activité,
langage. Un premier travail prospectif est envisagé en Europe afin de tester la
validité de cette hypothèse et nous permettre d’avancer dans l’élaboration d’une
méthodologie comparative (Corréard, 1999).
2.
ORGANISATION DE L’ÉTUDE EN ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE
L’organisation de l’étude en éducation technologique constitue le second axe
de nos perspectives de recherche. On a pu voir l’incidence des modalités
d’organisation des situations d’enseignement sur les performances des élèves
en matière d’apprentissage. On a également pu voir que l’organisation des
savoirs à enseigner induisait fortement ces situations. Ces descriptions
51
Marjolaine Chatoney est doctorante au CIRADE et travaille sur le processus de transposition
didactique des savoirs technologiques à l’école primaire. Elle fait partie du groupe didactique
des disciplines technologiques.
— Page 116 —
organisent notre problématique en l’orientant sur les terrains de l’ingénierie
didactique et de la formation des enseignants.
2.1.
INGÉNIERIE DIDACTIQUE ET ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE
Dans une première approche, nous définirons l’ingénierie didactique comme
étant à la fois un moyen de mettre au point des instruments scientifiques pour
l’observation, un moyen d’expérimenter des solutions pratiques que sont les
moyens d’enseignement des différents savoirs et un moyen de valider
expérimentalement des organisations épistémologiques (Mercier, 1999). Pour
autant, le passage de ces instruments de la recherche dans le monde de
l’enseignement ne va pas de soi. En matière d’éducation, l’interaction recherche
et enseignement n’est pas une relation à sens unique, la recherche se nourrit
de l’observation des pratiques de terrain qu’elle contribue à éclairer. De ce point
de vue, plus que de mettre ces instruments directement sur le « marché » des
moyens d’enseignement, il s’agit d’organiser ces « transferts de technologie »
en pensant simultanément l’organisation des formations, la production des
instruments
et
leur réinvestissement
dans la
production de
moyens
d’enseignement.
L’usage de matériels, de machines, d’objets est prépondérant dans les
enseignements
technologiques.
On
constate
que
l’étude
des
usages
didactiques de matériels est un domaine peu étudié actuellement. L’essentiel
de ces travaux s’inscrit dans la recherche en didactique des sciences. Ils
cherchent à renforcer la dimension expérimentale de ces enseignements par la
mise en place (la justification ?) des travaux pratiques (Dupin, Johsua, 1997).
On trouve également quelques travaux qui s’intéressent à cette question dans
les enseignements technologiques, par exemple dans les formations de génie
mécanique à l’université (Cartonet, 1999 ; Prudhomme, 1996) ou au lycée
(Keskessa, Baillé, 1998) mais le point de vue adopté généralement relève du
même principe expérimentaliste que celui des TP de sciences. Ces travaux ont
en commun de justifier l’usage du matériel en référence à des pratiques
externes à l’école (la démarche expérimentale du scientifique, l’expérimentation
— Page 117 —
dans l’organisation rationnelle de recherche de solution). Au-delà de ces
études, on trouve bon nombre de matériels52 à destination des enseignants de
technologie que l’on peut répartir en deux catégories :
Des applications clés en main incluant une maquette, une description de son
fonctionnement et de son utilisation dans le cadre d’un enseignement précis
pour un niveau de classe donné53. Ces applications dépendent directement du
matériel qu’elles décrivent, les tâches pour les élèves sont souvent réduites à
des tâches d’opérateurs.
Des enseignements clés en main comportant des dossiers techniques et
pédagogiques, des fiches, des descriptions de tâches, des ressources
documentaires, etc., portant sur une partie de programmes54 (par exemple,
l’introduction de l’automatisme ou de la robotique au collège) ou sur la totalité
d’un programme55. Ces dispositifs se veulent indépendant par rapport à des
maquettes ou machines utilisées et cherchent à développer ce qu’il est possible
de faire avec des élèves en technologie. On notera toutefois que
l’indépendance affichée est relative car l’usage d’un type de maquettes ou de
machines est suggéré, voire recommandé. Les références à ce type de matériel
sont explicites.
52
On peut distinguer ces matériels par leur réseau de distribution. La diffusion est assurée soit
par des éditeurs et des entreprises privées (Delagrave, Technologie service, etc.), soit par les
réseau institutionnels (CRDP, formation continue), soit encore par des réseaux informels sous
forme de littérature grise, c’est à dire produite par des enseignants sans validation par une
institution.
53
nde
Ce sont, par exemple, le modèle réduit du store SOMFY (classes de 2
option TSA), les
mallettes pédagogiques de Télémécanique ou encore l’utilisation de Lego et autres Fisher
technique. Les enseignants disposent de tous les éléments techniques nécessaires à la
conception et à la mise en œuvre d’une séquence pédagogique donnée (par exemple,
Télémécanique, 1991)
54
On trouve une excellente illustration de cette approche dans l’ouvrage « le projet
pédagogique en technologie » proposé par Corriol et Gonet (1994).
55
C’est, par exemple, ce que proposent Jourdan, Prat et Perrin dans leurs ouvrages sur les
systèmes automatisés en classe de seconde (1987) ou encore Lebeaume et Martinand à
propos de l’enseignement de la technologie au collège (1998).
— Page 118 —
Le premier type de matériels ne s’intéresse qu’aux seules conditions de mise
en œuvre pédagogiques des maquettes ou des machines dans les classes. Le
second type de matériels déplace cette problématique en mettant en avant une
logique fondée sur les interrelations élève - professeur – matériel. Dans ces
travaux, les préoccupations se centrent largement sur la question des activités
des élèves et des apprentissages qu’ils peuvent développer (par exemple,
Corriol, Gonet, 1994 ; Vivet, 1993 ; Leroux, Bruneau, 1992 ; Leroux, 1993).
Pourtant, un certain nombre de problèmes non-résolus subsiste. Dans ces
travaux, la machine56 est largement considérée comme un support. Pour
certain, elle n’intervient pas directement dans le processus d’apprentissage
(voire elle serait un obstacle à l’apprentissage), pour d’autres, elle permet de
contextualiser des situations et devient un prétexte à d’autres apprentissages.
L’utilisation des machines devient très vite artificielle 57, sans problème
particulier à résoudre si ce n’est de les mettre en œuvre par le biais de
descriptions procédurales et sans enjeu de savoirs Ces propositions excluent
l’utilisation de machines du rapport au savoir, ce qui est assez curieux d’un
point de vue épistémologique.
L’articulation concevoir pour réaliser est présentée comme une clé pour
l’éducation
technologique
dans
plusieurs
travaux
anglo-saxons
(Mockford, 1995 ; Kimbell, 1997 ; Benson, 1996 ; 1998 ; Welsh, 1997 ; 1998 ;
Martin & Coleman, 1992). La phase de conception prend une grande
importance qui rend toujours seconde la fabrication. La réalisation n’est pas,
pour autant, traitée de manière secondaire mais elle est considérée comme une
mise en application des solutions retenues lors de la conception. La description
de la tâche est suffisamment ouverte pour ne pas figer le processus de
56
La maquette est envisagée comme un modèle réduit de la machine qui doit en garder les
proportions et les fonctionnalités.
57
Corriol et Gonet utilisent, à ce propos, le terme de tâches prétextes pour décrire ces tâches
qui ne sont ni des tâches d’apprentissage, ni des tâches d’évaluation.
— Page 119 —
conception dans la découverte d’une solution prédéterminée par l’enseignant 58.
Les élèves ont le choix de l’objet qu’ils vont concevoir et réaliser ; ce sont soit
les fonctions à remplir, soit le couple fonctions – contraintes qui sont
prédéterminées sans pour autant impliquer un résultat identique pour tous ; les
élèves doivent élaborer leur propre solution d’intégration forme – fonction en
tenant compte des questions de coût, de matériaux disponibles utilisables, de
procédés de fabrication possibles, de savoir-faire et de compétences de l’élève
ou du groupe d’élèves, etc. (Montel, 1997 ; Surgand, 1997 ; Ranucci, 1997,
1999). La conception fait appel à un ensemble de techniques, de procédures et
de processus de formalisation d’un objet qui n’existe pas matériellement vers
un objet matériel qui intègre dans un ensemble de formes un ensemble de
fonctions. La fabrication de l’objet n’est plus que la concrétisation d’un
ensemble de solutions qui résulte de cette intégration forme - fonction (C’est
cette définition que donne Lebahar (1994) du travail des concepteurs
professionnels dans l’industrie). Dans ce type d’organisation, les machines ne
font pas partie d’un décor mais deviennent des outils qui prolongent la pensée
de l’élève en donnant forme à ce qu’il a conçu. Il y a un changement de registre
dans l’activité des élèves qui passent du rôle d’opérateur à celui de concepteur.
L’exigence de formalisation de ce qui va être fait et comment on va le faire lors
de la phase de conception repose pour partie sur la mise en œuvre de
représentations graphiques.
58
Dans ces travaux, il y a une dévolution du problème qui repose souvent sur une demande à
de jeunes enfants de réaliser une marionnette ou une voiture. Ainsi décrite, l’activité pourrait
s’apparenter à un travail de coordination psychomotrice. La demande est plus précise que cela
puisqu’il s’agit pour les enfants de faire a priori un dessin de l’objet à réaliser et une planification
de la manière dont ils vont s’y prendre pour le réaliser. La réalisation n’intervient qu’après cette
phase et doit se faire en fonction de ce qui a été prévu. In fine, il y a une comparaison de ce qui
a été obtenu avec ce qui a été prévu dans un important travail de verbalisation afin de repérer
la cause des écarts constatés entre le prévu et le réalisé. Une grande importance est donnée à
la qualité du produit obtenu, à son fini et à la précision des mesures effectuées. Dans certaines
situations, l’élève conçoit une réalisation d’un objet qui sera effectuée par un autre. Le travail
s’étend ainsi aux questions de communication, de représentations graphiques et à l’utilisation
de symboles.
— Page 120 —
Dans cette articulation conception – réalisation, il subsiste des problèmes nonrésolus d’un point de vue didactique. La première critique porte sur la
fonctionnalité des objets produits, ceux-ci ne répondent que très partiellement à
des exigences de fonctionnement (Lutherdt, Hill, 1999). Dans l’ensemble des
fonctions, ce sont les fonctions de signe qui sont privilégiées au détriment des
fonctions d’usage. L’accent est mis sur la créativité des élèves et non pas sur la
rationalité du processus qu’ils mettent en œuvre. Dans les évaluations,
l’originalité est beaucoup plus valorisée que la fonctionnalité (Schmidt, 1999).
La seconde critique porte sur la manière dont le problème est présenté aux
élèves. Dans la très grande majorité des cas, l’élève conçoit et réalise un objet
pour son environnement familier, voire familial (cadeau à faire, fête à célébrer,
jeu à compléter, etc.) et toujours dans un cadre ludique. Il n’y a pas réellement
d’évolution de cette position au fur et à mesure de l’avancement de l’élève dans
son cursus scolaire ; la progression est, ici aussi, largement basée sur la
complication de l’objet à concevoir et à réaliser. De fait, il y a une très forte
relation d’assujettissement au matériel mis en œuvre dans la situation avec la
situation elle-même. Autrement dit, ce n’est pas le matériel mis en œuvre ou la
qualité des injonctions pédagogiques de l’enseignant qui sont garantes de
l’apprentissage d’un savoir par les élèves mais la situation mise en place dans
la richesse des interactions qu’elle permet.
Ces deux critiques nous permettent de préciser nos perspectives de recherche
qui s’organisent autour de trois points : l’articulation conception – réalisation utilisation, le rôle des langages techniques, les aides à l’étude. Ces trois points
ne sont pas isolés mais constituent les termes d’un système dynamique qui met
en relation un élève, des outils et un objet d’enseignement (Amigues, Ginestié,
1995 ; Agostinelli, 1994). Il ne s’agit plus de prévoir une mise en scène de la
situation en essayant d’anticiper sur les réactions des élèves et sur les
questions qu’ils sont susceptibles de poser, pas plus qu’il est nécessaire de
savoir qui, de l’enseignant ou du matériel, fournit les éléments de réponses
(Ginestié, 1996e). Il s’agit de concevoir et analyser des situations dans
lesquelles le matériel didactique fourni fonctionne comme générateur
— Page 121 —
d’inférences. Ce générateur repose sur la construction d’artefacts pour la mise
en œuvre d’un dispositif matériel par l’articulation de schèmes d’actions
instrumentées et des schèmes d’usage (Rabardel, 1995). Dans cette
construction, il y a supériorité des fonctions, qui renvoient aux schèmes
d’actions instrumentées, sur les procédures, qui renvoient aux schèmes
d’usage. Nous pouvons émettre l’hypothèse qu’un pilotage de l’action par les
fonctions est susceptible de générer plus d’interactions élève - savoir qu’un
guidage de l’action par les procédures de manipulation des matériels et donc de
constituer une aide à l’étude efficace. Cette distinction entre procédure et
fonctions s’inscrit également dans nos préoccupations épistémologiques et
nous permet de préciser le contour de situations expérimentales à proposer aux
élèves :
L’élaboration d’une solution est le résultat d’un choix à partir d’un ensemble
de possibles et en fonction de l’expression des contraintes. La solution retenue
intègre les fonctions dans un ensemble de formes.
Les langages techniques sont utilisés comme représentation symbolique des
résultats de chacune des étapes du processus de conception dans une
perspective de communication et ce afin de faire faire et de faire utiliser par un
autre que soi. Il s’agit de prévoir l’organisation et la planification des différentes
tâches du processus de réalisation en décrivant ce qu’il faut faire, comment il
faut le faire et comment on sait que c’est bien fait.
In fine, la mise en perspective du produit fini (résultat de la réalisation) en
regard du produit escompté (résultat de la conception) doit permettre de
qualifier les écarts en termes d’erreurs de conception, de planification ou de
manipulation.
C’est cette perspective d’élaboration de situations que je souhaite développer.
Ce genre de travaux nous permet d’affiner nos modèles sur les conditions de
l’étude
d’objets
d’enseignement
technologique,
sur
l’aménagement
de
l’environnement de travail de l’élève et sur les organisations praxéologiques à
l’œuvre dans les classes de technologie. Ce travail a des répercussions sur la
formation des enseignants des disciplines technologiques.
— Page 122 —
2.2.
LA FORMATION DES ENSEIGNANTS DE TECHNOLOGIE EN FRANCE
La formation des enseignants en France relève d’un système particulier et
original par rapport aux autres pays59 : il y a confusion entre la formation
professionnelle et la procédure de recrutement d’un fonctionnaire agent de
l’état. Les étudiants choisissent d’être enseignant après un cursus universitaire
fondé sur les savoirs de la discipline universitaire. De plus, les épreuves des
concours de recrutement reprennent largement les contenus universitaires
disciplinaires et très peu les aspects liés au métier d’enseignant. Sur les deux
années de formation, la première est un entraînement aux épreuves du
concours, la seconde se concentrant sur une formation professionnelle par
alternance60. Pour leur temps en établissement scolaire, les stagiaires sont
considérés comme un potentiel d’enseignants disponibles : la logique de la
formation est largement masquée par la logique administrative de gestion des
ressources humaines. Ces contraintes particulièrement fortes rendent difficile
l’organisation d’une formation professionnelle initiale, trop souvent réduite à
quelques aides essentielles d’urgence. Pour l’éducation technologique,
l’absence de cursus universitaire spécifique ajoute, à ces difficultés générales,
celles de l’acquisition de savoirs technologiques tels que nous les avons
précisés par ailleurs (Ginestié, 1996c). Cette organisation particulière tend à
renvoyer vers la formation continue des enseignants les faiblesses de la
formation initiale.
Une étude sur le repérage des difficultés des apprentis enseignants de
disciplines technologiques montre qu’il est très rarement question d’enjeux de
59
Dans la plupart des pays, il existe des facultés d’éducation chargée de mettre en place des
cursus universitaires de formation professionnelle des enseignants au même titre qu’il y a des
cursus de formation pour former des médecins ou des ingénieurs. L’obtention d’un emploi est
déconnectée de la formation.
60
Les élèves professeurs doivent effectuer une moitié de leur temps dans un établissement
scolaire où ils prennent en charge plusieurs classes tout au long de l’année scolaire et l’autre
moitié suivre des formations à l’IUFM.
— Page 123 —
savoirs dans leur pratique de classe (Ginestié, Mouity61, 1999). Une analyse de
contenus d’entretiens avec des stagiaires élèves de la 2 e année d’IUFM met en
évidence que, face à des difficultés, les solutions qu’ils envisagent relèvent
toutes
d’un
accroissement
massif
de
la
prescription
pédagogique
(Mouity, 1998). Il s’agit de préparer son enseignement en prévoyant tout. Dans
ces conditions, ils demandent des documents clés en mains, élaborés par des
experts de l’éducation. Leur travail consistant à les reproduire, les distribuer aux
élèves et veiller au bon déroulement de la séance en s’assurant que les élèves
font bien ce que les documents détaillent.
Une étude sur les modes d’organisation des formations montre qu’elles ne se
démarquent
pas
réellement
des
pratiques
usuelles
des
situations
d’enseignement technologique. À défaut de mesurer leur incidence sur les
pratiques des stagiaires, ces organisations confortent les stagiaires en
accentuant
la
relation
tâche - technique
au
détriment
de
la
relation
technologie – théorie62 (Ginestié, 1997, 1999d ; Brandt-Pomarès63, 1999 ;
Ginestié, Brandt-Pomarès, 1998 ; Ginestié, Mouity, 1999). De la même manière
que dans des classes, il faut que les activités se déroulent, sans que les
stagiaires rencontrent la moindre difficulté. Il n’y a pas non plus d’enjeux de
savoir clairement explicités.
61
Christian Mouity a soutenu en 1998 une thèse en sciences de l’éducation à l’Université de
Provence sous la direction de René Amigues. En tant que tuteur, j’ai suivi ce travail de thèse en
participant directement à son encadrement. Cette thèse établissait une comparaison entre la
formation des enseignants d’enseignements technologiques dans deux pays, la France et le
Gabon.
62
Cette approche de l’organisation des formations a été étudiée notamment au travers de
formations sur le rôle et l’usage, dans l’éducation technologique, des outils informatiques et des
technologies de l’information et de la communication. Les données ont été recueillies par
enregistrements de dialogues entre enseignants de technologie et leur formateur lors de
séances de formations. Les analyses de résultats sont, en majeure partie, des analyses de
contenus.
63
Pascale Brandt-Pomarès est actuellement doctorante en sciences de l’éducation à
l’Université de Provence sous ma direction. Elle s’intéresse, d’un point de vue didactique, dans
ses travaux à la façon dont un corpus de savoirs (les technologies de l’information et de la
communication) est introduit dans l’enseignement de la technologie au collège et quel
accompagnement l’ingénierie didactique peut participer à cette introduction.
— Page 124 —
Dans le dispositif général de formation des enseignants, un certain nombre de
problèmes soulevé ci-dessus ne sont pas propre à la formation des enseignants
des disciplines technologiques. Ce sont ces distinctions entre le général et le
spécifique que René Amigues traite lorsqu’il situe la part de formation générale
et commune dans la formation initiale des maîtres (1997).
En complément de ce point de vue général, la question posée est celle de la
place de la recherche en didactique dans la formation des enseignants des
disciplines technologiques (Mercier, 1996). Autrement dit, comment la
recherche en didactique peut éclairer les choix en matière d’organisation des
formations, d’une part, et, d’autre part, comment introduire des résultats des
recherches en didactique dans les formations des enseignants ? La portée de
cette problématique ne se limite pas à la formation initiale des enseignants mais
a des répercussions sur leur formation continue. Par ailleurs, cette
problématique s’inscrit dans une dynamique de recherche sur la formation des
enseignants, comme en témoigne le nombre de revues et de colloques qui lui
est consacré (voir, par exemple, Skholê n°7, Didaskalia n°13, le revue française
de pédagogie n°94, etc.). Nos perspectives de recherche s’inscrivent dans ce
débat sous l’angle du « transfert » des résultats des recherches en ingénierie
didactique64. D’une façon restrictive, on pourrait voir dans l’idée de transfert une
application simpliste des résultats de la recherche dans la pratique des
enseignants. Ce n’est pas notre perspective ; le transfert ne peut exister que s’il
s’inscrit dans une dynamique d’interrelations entre la recherche et le milieu. Les
analyses de pratiques nourrissent les constructions théoriques de la recherche
64
Par exemple, le projet ARTEMMIS (Advanced Research in Technology Education via a
MultiMedia Information’s Server) est un programme international de transfert des résultats de la
recherche à destination de l’enseignement et de la formation dans les de la technologie, de la
mécanique et du génie électrique. La première phase, en cours, consiste à structurer un
serveur WEB d’accès à des ressources à distance ; la seconde phase vise la mise en place
d’une structure de formation à distance (Ginestié, Jimenez, Brandt-Pomarès, 1999 ; Ginestié,
Vigliano, 1995 ; Giraud, Surgand, 1999 ; Jimenez, 1998 ; Vigliano, 1998a, 1998b, 1998c).
— Page 125 —
qui permet de produire des outils dont la mise en œuvre est un enjeu de
formation (Amigues, 1995 ; Mercier, Salin, 1998).
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INDEX ET TABLES
1.
INDEX DES TABLEAUX
Tableau 1 :
Tableau 2 :
Efficacité des modalités d'apprentissage ..................................... 16
Niveaux de résolution retenus par les groupes selon les
modalités adoptées ...................................................................... 21
Tableau 3 : Répartition des entreprises selon leur taille et leur secteur
d'activité ....................................................................................... 30
Tableau 4 : Prise en compte des différentes étapes par les entreprises ......... 32
Tableau 5 : Outils utilisés ................................................................................ 34
Tableau 6 : Structuration du classeur de technologie des élèves ................... 38
Tableau 7 : Répartition des effectifs d’enseignants en fonction du
nombre de séances qu’ils consacrent à chacune des étapes
de la DPI ...................................................................................... 39
Tableau 8 : Modalités d’organisation pédagogique à chaque étape de la
démarche de projet industriel ....................................................... 42
Tableau 9 : Croisement du choix de la modalité avec le nombre de
séances consacré à chaque étapes en %.................................... 43
Tableau 10 : Buts réels des tâches selon les étapes de la démarche de
projet industriel ............................................................................. 47
2.
INDEX DES SCHÉMAS
Schéma 1 :
Schéma 2 :
Schéma 3 :
Schéma 4 :
Décomposition en dix étapes du processus de mise sur le
marché d'un nouveau produit industriel ....................................... 29
Variation de processus lors du passage de l'œuvre au
produit (d'après Y. Deforge, 1995) ............................................... 70
Développement des ressources technologiques (d’après
Blandow, 1992) ............................................................................ 92
Processus d'élaboration des savoirs .......................................... 103
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