Δελτίο Κέντρου Μικρασιατικών Σπουδών
Τομ. 11, 1995
Ο ανώνυμος του 1789
Brad-Chisacof Lia
https://doi.org/10.12681/deltiokms.50
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To cite this article:
Brad-Chisacof, L. (1995). Ο ανώνυμος του 1789. Δελτίο Κέντρου Μικρασιατικών Σπουδών, 11, 99-117.
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UN PORTRAIT ROBOT DE L’ANONYME DE 1789
Reprendre le débat portant sur le texte édité par Constantin Th. Dimaras sous le
titre «l’Anonyme de 1789»' aurait à notre avis quelques raisons.
Une première reposerait sur le fait que «l’Anonyme» ne semble pas avoir
bénéficié jusqu’à présent d’une lecture cohérente et appropriée; pour cause, sa
lecture en tant qu’action de lire, de pénétrer le texte, n’a pas pu s’élever à un
palier supérieur. C’est du moins ce que suggère la bibliographie bien mince qui
lui a été consacrée et dont la partie la plus importante a été rédigée dans l’espace
roumain.1
2 Ajoutons que, selon les apparences, ce fut justement dans cet espace
que le texte semble avoir suscité le plus d’intérêt (certes, après celui de son
éditeur même).
Une deuxième se rattacherait à la modalité d’approche. Jusqu’à présent le
texte a été abordé synchroniquement, les aspects diachroniques visant ses anté
cédents et des subséquents étant négligés. Autrement dit, ce texte a été approché
surtout d’une manière phénoménologique comme texte clos, en négligeant tout
aspect de l’intertextualité, tellement indispensable pour élucider certaines que
stions telles T influence ou l’immitation.
Avant toute chose tachons de faciliter la lecture appropriée de notre texte.
Dans cet ordre d’idées, nous pensons devoir signaler les figures de style suivant
leur présence dans la narration. Il s’agit en premier lieu tout d’abord de
T oxymoron à effet annihilant. Par exemple, le nom de Γ impératrice Zoé évoque,
en grec, la vie, tandis que le nom du pays sur lequel elle règne soit Matehai,
corrompu de turc matem «deuil» et hane «maison» qui en turc désigne plutôt le
sens de «maison mortuaire». De même, le nom de Melchisedec, qui en tant que
nom commun, a en roumain le sens de «saint homme» se trouve complété par le
1. Κ.Θ. Δημαράς, Νεοελληνικός Διαφωτισμός, Athènes 1977, pp. 411-428.
2. Cornelia Papacostea-Danielopolu, Literatura in limba greacä din Principatele Romane
(1774-1830), Bucarest 1982. A. Pippidi, «L’accueil de la philosophie française du XVIIIe siècle
dans les Principautés Roumaines», La Révolution française et les roumains, Ia§i 1989, pp. 243245.
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syntagme Carburi acuperit «charbon couvert» appliqué à un individu taciturne,
méchant et fourbe. D’autre part, jeux de mots, calembours et calembredaines
fleurissent à un niveau plus en surface de cet échafaudage linguistique. C’est le
cas lorsque le mot grec consacré pour désigner «la maison» σπίτι se trouve
remplacé par une variante, à savoir όσπίτιον qui, pour toute personne familia
risée avec les langues néoromanes se rapproche du sens «hospice, maison de
fous». Et les examples en ce sens sont variés: Voltaire est appelé Voltarios «celui
qui se promène»; le nom de la Moldavie est reproduit par l’anagrame du nom
que lui donnaient les Grecs, à savoir Nanidapog d’après Bogdania; quant à la
Valachie, son nom figure traduit à travers le filtre d’une étymologie populaire (de
βλάκας «sot») donc le «Pays des Insensés». Bucarest que nous identifions au Βα
σίλειον των Σαγάδων devient le «Royaume des Blagueurs» partant d’une vague
étymologie du nom roumain de la ville qui est apparantée au roumain bucurie
«joie». Enfin la dédicace de l’Anonyme évoque un personnage nommé «la pâte
Scortzescoula» où la pâte suggère la forme roumaine ou italienne pour abbé tout
en faisant également penser au mot italien pata «loque», alors que le nom
proprement dit s’avère un composé du roumain scoarfa«écorce» courrant dans
les textes gréco-roumains3 avec un suffixe diminutival -escula de sens péjoratif,
également suggéré par l’article féminin la et la termination féminine du nom
propre- ce qui jette une ombre sur le comportment sexuel du personnage en
question.4
Le texte débute par une narration de type classique, à la troisième personne du
singulier. Mais, dès qu’il s’agit de camper le cadre du récit et ses divers person
nages, la satire sous-jacente revêt les oripeaux d’une fantaisie débridée, pleine de
verdeur et joyeusement blasphématoire.
Tout commence dans une cité imaginaire au nom éloquent de Nulla. Le
personnage principal, sentant sa mort proche, veut se confesser. Ce personnage
est un baron, avec, toutefois, un nom turc et un rang dans la hiérarchie ottomane:
Mustapha-aga, fils d’un père dont le triple nom de Doukas Hahambas le Moine
évoque tout à la fois une origine grecque et les trois cultes observés à l’intérieur
de la Turcocratie (à part l’islamique, le culte mosaïque et le christianisme), dans
une confusion d'un babelisme voulu, qui se retrouve sur tout le parcours du récit.
Au chevet du moribond viendra pater Pangratios, que le conteur désigne ironi
quement comme «envoyé de Dieu et saint de profession», censé de fournir au
baron son «laissez-passer pour l’Au-delà».
La confession du baron, à la manière d’un curriculum vitae moderne, garde le
même ton fantaisiste et sans complèxes. Voici quelques échantillons: né à Mec
3. Voir A. Rädulescu, Pravilniceasca Condica, Bucarest 1954.
4. Voir l’annexe n°. 2.
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que, la capitale de l’Angleterre, d’un père de la ligne des Cantacuzènes-Mourad,
padischah de la Hollande, qui s’était marié au Pays des Insensés, dans la cité de
Gäureni (ce nom d’étymologie roumaine suggère le vide d’un trou, donc aussi le
zéro qui semble le signe de l’autre cité, susmentionnée, mais avec, par ailleurs,
une connotation de taudis). Aimant les voyages, le baron fut envoyé par son père
dès l’âge de quinze ans au Royaume des Blagueurs chez un parent du patriarche
de Constantinople. Fort obligé vis-à-vis de sa mère, son hôte le reçit très
chaleureusement, et l’a envoyé étudier à l’Académie du Pont Rouge (nous voilà
donc à Ia§i), où il gagne ses grades «universitaires» et le titre de professeur,
spécialisé dans le mal-de-France. Poursuivant cette carrière, le baron devait finir
par être nommé «logothète et directeur» de son école,5 ce qui le fera élire par les
grands du Mont Athos hégoumène de... Tätära§i (vraisemblablement donc,
l’anonyme de 1789 était au courant d’une certaine renommée de ce quartier de
Ia§i de son vivant). Toutefois, le baron ne s’attandra pas a Tätära§i, se faisant
remplacer dans la fonction d’hégoumène par «pater Lavrentios», «ancien mufti
de Brada et hadji de la mosquée de saint Ghika à Rome».
Un autre épisode commence quand le baron rend l’âme et les diables s’en
emparent, après un véritable combat avec les anges venus eux aussi dans la même
intention. En fait, le conflit entre les deux camps sera dénoué par l’âme même de
Moustapha, qui fait son propre choix, en s’adressant aux belligérants comme
suit: «Petits beaux-frères les anges, montrez-moi votre derrier; quant à moi, je
m’en vais avec messeigneurs les diables mes oncles». C’est le moment où le
conteur s’affirme en tant que tel, expliquant que messires les diables l’ont
emmené en même temps que l’âme du décédé, parce que, ami de celui-ci, il se
devait de donner la chronique de ses aventures ultérieures. A ce moment-là,
l’âme du baron et le conteur ne sont plus des personnages physiques, mais une
présence d’ordre spirituel.
Une fois son choix fait, Moustapha demande à ses oncles les diables de lui
permettre de faire une dernière visite à plusieurs de ses amis, ce qui le menerà à
«Baghdad, capitale de l’Autriche», ainsi qu’à «Nanidapog». Ces voyages servi
ront de prétexte à l’évocation d’une suite de personnages allégoriques, tels cette
«Philarghéria», que caractérise son «amour de l’argent», épouse de «Tantalon,
l’avare» (dont le nom évoque Tantale mais aussi Tîndalâun personnage des contes
populaires roumaines très oisif, aussi bien que le mot roumain tont «benet,
beta»); ou encore cette Zoé, impératrice de Matehaï, épouse de Cornélios (dont
le nom fait songer aux cornes que lui pose sa femme); ce Mélchisédéch, amant de
Zoé ou ce Mitrakhan-aga de Saligaud et ainsi de suite. Le récit continue dans un
enchevêtrement de burlesque et de grotesque, qui laisse voir, néanmoins, le large
5. Une allusion à une période de déclin de l’Académie de Ia§i dont elle s’est bientôt remise
(voir Istoria inväßmintului din Romania, Bucarest 1983).
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horizon culturel de cet anonyme de la fin du XVIIIe siècle, familier des oeuvres
d’un Lesage, dont il emprunte le Diable boiteaux (le Diable des Français) et des
Encyclopédistes (comme en témoigne, entre autres, ce personnage qui cite
Voltaire pour nier l’existence du Diable sur terre, s’attirant la prompte réponse
de Belzebuth: «Votre Voltaire est un sot. Venez avec nous et nous vous ferons
hetman!»). Ce n’est que de la plume moqueuse d’un polyglotte qu’a pu sortir la
suite des mots allemands, roumains et français - «Herrn draci saisis d’une terreur
panique...», décrivant la fuite des diables devant le monstre, dont on ne savait pas
où il commence, ni où il finit. A retenir, dans le même ordre d’idées, que
«messire» Diable est tantôt Jupan, tantôt Herr, tantôt Kyr. Mais si la plume du
conteur s’est relevée habile à décrire l’horreur (voir aussi sa personnification de
la peste), elle fait preuve de la même virtuosité quand elle évoque Roxandra, la
belle des belles qui réunit en elle tous les dons des trois Grâces et quelque chose
de plus.
Au bout de ce long périple, les diables ramènent le conteur à Nulla, avant de
réintégrer l’Enfer où l’ancien baron, «notre oncle» devenu entretemps Mustapha-djelep (sorte de marchand de bétail acheté dans les Principautés roumaines
et revendu à Constantinople) recevra le rang de «général du Régiment des
Chimères». Sur ce, le conteur «se réveille». Son récit prend, pour s’achever, une
tournure cryptographique, car on y lit la formule qu’on peut lire à la fin de
l’Annexe n°. 2.
Partant des critères proposés par W. Booth," ce récit anonyme du XVIIIe siècle
offre quelques traits communs avec ceux des conteurs modernes d’avant-garde.
Tout d’abord, la prise de conscience de l’existence du narrateur, son détache
ment et ensuite sa dramatisation dans un plan réduit. La deuxième étape com
porte la précision des régistres de la prose, afin que «le rêve» soit délimité avec
certitude, de façon qu’il ne risque jamais de se retrouver sur le même plan qu’une
autre réalité. Ajoutons, enfin que les deux visions, celle d’un être monstrueux et
celle de la beauté parfaite relèvent d’un romantisme avant la lettre.
Abordons maintenant le support symbolique et la question du langage de
cette oeuvre originale. A commencer avec la cité de Nulla, celle où débute et
s’achève d’une certaine manière l’histoire, et jusqu’à la formule mathématique
représentant son point final sous la forme d’une suite infinite de fractions avec un
possible résultat zéro, le texte repose avant tout sur le symbole du Zéro. Sans
valeur intrinsèque, le zéro tient la place des valeurs inexistantes dans les nombres,
ou bien, il confère sa valeur à un chiffre. Or, ce symbole est développé sur le
parcours du récit: il se retrouve dans le nom de la cité de Gäureni,67 ainsi que dans
6. W. Booth, The Rhetoric of Fiction et Now Don’t Try to Reason with Me, traduites
comme Retorica romanului, Bucarest 1976.
7. Voir les observations ci-dessus.
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l’appellatif dupn itsa* de l’impératrice Zoé (qui renvoie au sud-slave dupne =
«trouer»). Le pendant symbolique du Zéro est l’infini, illustré par la répétabilité
et l’équivalence des diverses réalités, par example, les rangs hiérarchiques dans
plusieurs religions occupés par une seule et même personne, la parenté diablesanges, la confusion entre les capitales de plusieurs pays.
Il ne reste qu’à jeter un regard sur ce qui aura pu être la source d’inspiration
de notre texte et essayer, ensuite, de saisir en lignes générales ce qui a fait suite
dans l’espace qui fut le sien.
Si le résumé exposé ci-dessus permet, quand même, d’entrevoir ses accoin
tances avec Voltaire surtout dans le fait que la prose est choisie comme P arme de
combat la plus efficace; si la signature «Scanarélios» nous reporte vers Molière,
la lecture du texte complet s’avère révélatrice de la grande influence de Diderot,
un fait assez isolé dans le contexte sud-est européen. Si dans une première
approche du même texte il y a quelques ans89 nous soupçonnions le drame Le fils
naturel (1757) (dont l’introduction proclame l’existence réelle de l’un des per
sonnages qui serait même l’auteur de la pièce) ainsi que le roman Jacques le
Fataliste (1778-1780) qui revêt comme «notre» texte la forme d’une incursion
expérimentale dans le domaine de la fiction, préfigurant la thématique du
nouveau roman, il nous semble tenir à l’évidence maintenant que le modèle de
l’Anonyme est le roman le plus lu lors de la vie de Diderot, à savoir Les bijoux
indiscrets. Ce qu’on doit mentionner dès le début c’est que nous ne nous
trouvons point devant une traduction ni même d’une adaptation. Ce sont plutôt
des modèles que l’Anonyme respecte dans ce roman. En partant de la durée de
l’éducation élémentaire du personnage principal le Baron Grigorios à savoir 15
ans (tout comme celle de Mangogul),10 en
11 passant par la satire de la cour royale et
par l’invocation de Voltaire et de Homère, par le rêve philosophique, jusqu’à la
formule mathématique finale qui nous suggère une continuité fatale et qui
correspond à un calcul de probabilités dans les Bijoux... (nous entendons les
essais liés à l’épreuve de la vertu féminine des premiers quinze chapitres et de la
discussion du chapitre trente quatre sur ce sujet) l’Anonyme en extrait une
multitude de suggestions. Il faut souligner encore une fois qu’il les emploie d’une
manière très personnelle ce qui nous permet d’affirmer que nous nous trouvons
devant un acte de cannibalisme selon la métaphore de l’école brésilienne de
traductions" qui voit le traducteur comme un cannibal dévorant le texte-source
dans un rituel qui aboutit dans la création d’une chose complètement nouvelle.
Maintenant, avant d’aborder l’aspect de ce qu’on pourrait appeler «les suites
8. Voir l’annexe n°. 1.
9. Dans notre article «Occident versus Orient in Anonimul din 1789», Revista de istorie §i
teorie literarä 39: 3-4 ( 1991 ), pp. 413-420.
10. Voir chapitre second des Bijoux....
11. Susan Bassnet-McGuire, Translation Studies, Londre et New York 1991, p. XVI.
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littéraires» de l’Anonyme, qu’il nous soit permis de relever un troublant rapport
de contemporanéité (dont il n’a du rien savoir) avec une curiosité de l’espace
roumain. Il s’agit d’un morceau dramatique dans le genre de la commedia
dell’arte élaboré dans la ville de Blaj de Transylvanie, entre 1778 et 1780 et joué
par les étudiants pendant le carnaval. Son titre est Occisio Gregorii in Moldavia
vodae tragedice expressa12 et c’est un mélange parfois multilingue de prose et de
vers. L’une de ses buts était, certes, de communiquer certains événements du
temps. Cependent il servait aussi de prétexte à des scènes distrayantes de sorte
qu’il comporte deux plans nettement distincts, l’un dans le ton grave, tragique
(l’assassinat, par l’ordre du Sultan, d’un prince de Moldavie) et un plan d’un
comique grotesque (une demande en marriage), avec un rapport minimum entre
les deux. Parmi les traits communs de ces deux ouvrages, en plus de leur plurilin
guisme, du même penchant à départager les plans, de leur caractère licencieux,
notons encore le thème des Tziganes, qui représentaient une présence physique
réelle dans l’espace concerné. C’est un thème qui allait bientôt (pas plus tard que
1800) donner ses fruits dans la littérature roumaine, sous la forme d’un poème
héroï-comique où les Tziganes seront choisis pour parodier et caricaturiser la
société humaine.12
13
Après cette digression qui nous introduit dans le domaine littéraire roumain,
restons-y pour relever ce qui, à une époque ultérieure, sera écrit dans le même
esprit que le texte de l’Anonyme.
En effet, si dans la littérature néogrecque ce texte, de même que tous ceux de
l’époque phanariote, semble n’avoir pas eu de successeurs, la littérature
roumaine compte une série de pièces nourries de cet esprit. En ce qui concerne le
plurilinguisme, ce trait paraîtra le plus souvent sublimé dans les noms propres. Il
suffit de mentionner en ce sens les oeuvres de pointe d’un I. L. Caragiale. On y
trouve, par exemple, un député, décrépit et corrompu, nommé Agamémnon
Dandanaché (dit «Ganamitsa») ou une égérie politique menant une double vie et
appelée également Zoé etc.
Comte tenu des données soulignées dans le présent exposé (et qui se
prêteraient à un dévéloppement), nous pensons que filtré à travers l’espace
roumain, l’Anonyme gagne maintes valences. N’oublions pas que considérer la
littérature grecque des Principautés comme une littérature appartenant à ce pays
est un lieu commun de Γhistoriographie roumaine et de l’histoire de la littérature
roumaine qui parle d’un «creuset commun»14 ou d’un «corps nourricier
commun».15
Enfin, mises à part toutes ces appréciations du reste justes, le texte de l’Ano
12.
13.
14.
15.
Dans Limba si literatura, ed. L. Drimba, 1963, pp. 359-398.
A savoir Tiganiada, de Ion Budai Deleanu.
D. Popovici, Literatura romàna moderna, I, Cluj 1939-1940, p. 32.
P. Cornea, Originile romantisului romànesc, Bucarest 1972.
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nyme, plus que celui de l’Occisio..., représente une heureuse manifestasion des
valences pratiques et poétiques du plurilinguisme .propre au XVIIIe siècle dans
les Principautés Roumaines. Ces valences devaient disparaître par la suite (à part
celles notées par nous ci-dessus) du patrimoine moderne des littératures
nationales, roumaine et néogrecque.
Quant au caractère licencieux de notre texte, un caractère qui passe pour
essentiel, nous avons pensé qu’en proposant à nos lecteurs «uneclé» des mots et
expressions plus difficiles à comprendre ainsi qu’une traduction, ils disposent
d’instruments valables pour saisir le sens du texte. Par ailleurs, il nous semble que
la «pornographie» de ce texte (qu’on ne saurait démentir si on pense aux termes
dans lesquels on discute de nos jours sur le discours pornographique, à savoir
l’impossibilité de décrire le désir sans le générer16) s’inscrit dans un courant
général au XVIIIe siècle. Elle s’aténue de la manière que décrivait avec tant
d’inspiration Naigeon en 1798:I7«A mesure que les livres purement et simple
ment licencieux perdront de leur célébrité, celui-ci pourrait bien en acquérir
parce qu’on y trouve la satire des mauvaises moeurs, de la fausse éloquence, des
préjugés religieux, avec une connaissance très étendue des langues, des sciences
et des beux-arts; des pages très philosophiques et très sages; des morceaux
allégoriques pleins de finesse avec beaucoup de chaleur et de verve».
De toutes ces données, surtout bien sûr de celles qui ressortent du résumé, on
peut assez facilement extraire le portrait-robot (si une telle expression soit
permise) de 1 ’ anonyme. Son humour corrosif et la satire vitupérante sont, à notre
avis, les résultats d’un grand mécontentement ayant à faire avec un possible refus
dont l’anonyme ait été victime, s’il n’est pas le résultat d’un mépris d’un érudit
vis-à-vis des épreuves d’amatorisme.
Le personnage paraît grec et toute ressemblence avec le baron né à Mècca
pourrait fonctionner ou ne pas fonctionner. Si l’on prennait au serieux les dates
du baron, alors on devait compter sur des origines locales. Retenons son petit
nom, Grigorios.
En suivant les mêmes traces on pourrait déduire que le mystérieux personnage
ait suit les cours de l’Académie de Ia§i. Des dates trahies par le texte, les con
naissances de français de son auteur sont excellentes comme d’ailleurs le sont
celles de littérature française. Son roumain est précaire (on lui connaît même une
faute grave dans le contexte milo domneste qui comprit un changement de code
dans lequel un adverbe (domneste «d’une manière princière») est employé au
lieu d’un adjectif (domnesc «princier, royal»). Il a aussi quelques connaissances
d’allemand et d’italien (ce dernier serait plus favorisé) aussi bien comme d’une
langue ou d’un dialecte slave du groupe sudique (voir l’Annexe n° 1). On oserait
refaire les trajets éducationels de l’anonyme en se guidant par ces connaissances.
16. Susan Stewart, Crimes of Writing, Oxford 1991, p. 235.
17. Dans Diderot, Oevres romanesques, ed. par H. Bénac, Paris 1959, p. 898.
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Ainsi, à part les Principautés où il semble quant-même avoir vécu plus long
temps, il trahit des haltes à Trieste comme d’ailleurs à Vienne (Γ amusant épisode
de Baghdad18 nous évoque Vienne et l’un des éditeurs de livres grecs qui y vivait).
Les connaissances mathématiques de l’anonyme semblent approfondies,
l’épreuve étant la formule finale, qui fait partie d’une algèbre primaire.
Si l’anonyme est familier avec le roman de Diderot il parait l’être aussi avec
les dernières parutions. C’est, du moins, ce que nous soupçonnons, à propos de la
mention qu’on fait19 de VAnthologie planudienne qui avait, grace à Brunck, sa
première édition complète finie en 1776, ce que la rendait une nouveauté autour
de la date de rédaction de l’Anonyme.
A propos des relations et des sentiments de l’anonyme envers les autres, on
peut très facilement deviner ses sympathies et ses antipathies, voire même ses
haines. Notre personnage semble nourrir ce que pire existe pour l’Académie de
Ia§i et pour beaucoup de gens ayant affaire à cette ville.
On seraient très temptés d’identifier au moins un des personnages à noms
codifiés. C’est ce Eosphore dont le nom en grec signifie aussi bien «l’étoile du
matin» que «Satan». Il pourrait être Lambros Fotiadès dont les deux noms ont
une signification liée à la lumière et à l’éclat. Il pourrait personnifier un grand
ennemi de l’anonyme.
Tout ce qu’on vient de montrer ou démontrer ci-dessus nous conduit
fatalement vers la question: qui est’ce que finalement que ce personnage
mystérieux? On oserait proposer la figure de Grégorios Konstandas. Son
éducation coïncide assez bien avec celle de Γ anonyme. S’il est sur qu’ il ait vécu à
Vienne et en Allemagne (où il a appris des mathématiques!), et qu’il soit passé
par Trieste, son instruction italienne pourrait lui venir par son maitre Kafsokalyvitis né à Patras et qui avait étudié à Constantinople où l’on sait que l’italien
était bien connu.
Quant à son français, c’est son même maitre qui a du le lui enseigner.
Kavsokalyvitis a aussi étudié à Patmos où, il semble qu’une solide instruction
française pouvait s’acquérir.20 L’épreuve des connaissances de français de
Konstandas serait la traduction appellée l’Histoire Générale (Γενική Ιστορία)
que reproduit «Eléments d’histoire de France» et «Eléments de l’histoire de
l’Angleterre» de Claude Millot et qui est restée en manuscrit.
N’oublions pas le grand respect que l’anonyme exprime à propos de quel
qu’un qui, quoique né en Grèce, connaît parfaitement le français!
C’est le même Kavsokalyvitis qui aurait pu lui raconter ses expériences au
Mont Athos (d’où la satire des moines d’Athos) et qui aurait pu le sensibiliser à
18. Voir p. 423 dans le texte grec.
19. Voir p. 427 dans le texte grec.
20. C’est ce qui nous suggère I. Colesnic dans son Basarabia necunoscutà, Chisinau 1993, à
propos de l’instruction d’un haut hiérarche.
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la religion ébraïque (d’où la mention du rabin) comme il était un converti
chrétien d’une telle origine.
On sait que Konstandas a refusé un poste à Ia§i, comme on sait de même que
son successeur à l’Académie de Bucarest a été Lambros Fotiadès. Mentionnons
en passant son amitié avec Philippidès, son collaborateur à la Géographie
Nouvelle, une personnalité que Γ anonyme loue ouvertement.
Si notre hypothèse se soutient, elle serait, naturellement, un bon point de
départ pour une étude que nous espérons écrire un jour.
Egalement si elle se soutient, l’Anonyme... serait un merveilleux auto-persi
flage d’où ses accents si osés mais aussi un énorme amusement pour les amis
auxquels il a été dédié et qui, on comprend maintenant, pour cause, l’ont publié!
De toute façon, la lecture que nous proposons par notre présente étude nous
relève une multitude de données quant au cotidien de la fin du 18ème siècle dans
les Principautés Roumaines et dans leurs environs et des coulisses des biographies
des personnalités que nous avons appris à connaître seulement par leurs oeuvres,
à savoir par leur aspect diurne et officiel tout en ignorant leurs faiblesses et
somme toute la terrible ressemblence entre notre monde et leur.
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Annexe 1
GLOSSAIRE
πούλα
ταλπαλαρία
Χαχάμπασας
Γαονρένί
σαγάς
Ποδορόσιος
Μαλίφρανίζα
Ταταράσί
Ίμπραΐλα
τύφλαι
καοιολδάσιδες
καπιολδάσίδες
Νανιδαπόγ
ζουπούνε
μούμ
καρπούν άκουπερίτ
δούπνιτσα
le roumain pour «organe sexuel masculin»,
version grécisée du nom d’un quartier de la ville Ia§i,
devenu substantif commun: Talparari, l’étymologie liée
au terme roumain Talpâ «plante du pied; semelle»,
nom turc du grand rabbin.
version grécisée d’un possible toponyme roumain,
l’étymologie liée au terme roumain gaurà «trou».
cette forme renvoie au roumain gagà «plaisanterie, blaque, badinage».
forme grécisée d’un quartier de Ia§i: Podul Ro§ (Pont
Rouge) dont la connotation nous échappe (à moins qu’il
ne s’agisse d’une allusion aux lanternes rouges signalant
parfois les bordels d’une ville.
terme roumain contemporain au texte: malafranta sy
philis (de mal-de-France).
forme grécisée du toponyme roumain Tatarasi, l’étymo
logie liée au terme tätar«Tatare»,
nom turc de la ville roumaine de Bràila.
déterminatif de φλώρια correspondant au syntagme
roumain «Para chioara» = para hard; chioara «borgne»,
qui désigne une pièce de monnaie trouée (de petite
valeur), donc avec un «oeil unique», c’est-à-dire borgne,
turc kagik «cuillère» et yoldag «compagnon» «com
pagnons de cuillère».
turc kap «récipient» et yoldag «compagnon» «com
pagnons d’assiette».
anagrame de Bogdania, autre nom de la Moldavie,
reproduction imparfaite du roumain «jupîni»= maîtres,
probablement une forme corrompue du dialecte rou
main num’ (pour «numai») = seulement,
syntagme roumain «carbune acoperit» (carbune= charbon;
acoperit= recouvert) pour désigner quelqu’un de perfide,
forme corrompue de δομνίτσα (le terme existe en
roumain aussi), reproduisant le mot sud-slave dupne =
«trouer» (fig. «tombe»).
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UN PORTRAIT ROBOT DEL ’ANONYME DE 1789
Ιμπαρατάσσα
πεζαδες
καζαντίζω
μπομπο γεμ
χαλές
πανλαπόρτι
109
le roumain «imparateasa» = impératrice.
turc «beyzade», utilisé aussi par le roumain de l’époque
pour désigner le fils d’un prince, l’héritier du trône.
synonyme de κερδίζω «gagner».
turc babacigim = «petit père».
turc haie = «latrines».
il doit s’agir soit d’une invention linguistique, soit d’une
version grécisée du syntagme roumain «pîn’ la poarta»
(pin7a=jusqu’ à; poartâ-porte), qui accouple fréquem
ment au terme roumain «cinste» (honnêteté; honneur)
suggère justement son contraire.
Les termes cités p. 423 sont ceux d’un juron roumain impli
quant la mère du destinataire; la dernière partie de cette
citation, avec le mots να οντσι, va οντσι reproduit l’inter
jection roumaine «na-fi, na-p» (prends, prends), utilisée lors
d’un échange de coups.
χόρνα
κογίοναριά
βαρούλ
πάθ
λόκος
προύνσβικ
παπαλίκης
μίλο δομνέστε
κόπον
variante grécisée du roumain horn «cheminée».
apparenté au terme κογιονάρω qui veut dire «se mo
quer», reproduit le fr. couillonnerie=moquerie; poltron
nerie.
reproduit le roumain vârul= «cousin»; pour nous n’avons
trouvé qu’une éventuelle variante du nom devenu
commun, tiré de (la Tour de) Babel.
(p. 425) pourrait être une onomatopée roumaine impar
faitement reproduite: «pîs-pîs» évoquant des pas dis
crets; on l’a rencontré dans des feates gréco-roumains
avec le sens de «tais-toi»),
forme grécisée de l’italien loco «bête, sot»,
indique le toponyme allemand Brunswick.
forme gréciseé du turc babalik, terme courant dans le
roumain de l’époque pour désigner un homme vieux et
sénile.
le syntagme roumain imparfaitement reproduit formé
par un subst.+un adj. «mär domnesc» (mâr=«pomme»;
«domnesc» = princier) pomme de qualité supérieure,
forme corrompue du toponyme roumain Copou. butte
de Iasi avec, jusqu’à nos jours le plus beau parc de la
ville.
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Annexe 2
L’ANONYME DE 1789
Faire-Part
Cette composition n’a pas été déstinée à la publication, son seul but a été de
distraire quelques amis; mais, puisque l’un d'eux a trouvé bon d’en faire part à
tout le monde sans avoir prévenu l’auteur, il la publié, en y ajoutant quelques
pensées transmises par ce même auteur à propos d’un livre appellò Sur la
tolérence religieuse-, j’ignore si ces pensées seront agréés par tous ceux qui
veulent lire ce livre, car elles sentent, en quelque sorte, leur libre penseur et, chez
nous, hélas, il y a peu de gens qui osent penser, défendre ou les accuser je dis
hautement que ceux qui n’aiment pas ces pensées sont libres de les dédaigner et
que ceux qui les apprécient les louent en même temps que l’auteur de ces lignes;
celui-ci est indifférent aux louanges tout comme aux accusations, son nom m’est
indifférent aussi.
Nous, le mouphti du Saint Empire des Ottomans, déclarons que, en lisant ce
livre, n’y avons rien trouvé contre notre Sainte Foy, l’Alcoran, ce qui fait que
nous donnons la permission à ce Giaour d’imprimer ce livre; nous lui en donnons
le privilège afin qu’aucun autre imprimeur n’ose plus l’imprimer en Turquie,
nous Yisouf Efendi, patriarche, 1632 de Janvier 29, septième heure.
Très-Honoré Kyr Baron
du saint c... (en roumain, dans le texte) et de toute
l'aridité du champ.
L’exarche de la plantalarie
Ayant l’honneur de faire votre connaissance dans Γexarche de Votre
Seigneurie, la paté Scortsescoula, j’ai Γ audace de vous offrir ce bouquin et vous
prie de le reçevoir avec votre bienveillance accoutumée tout en vous assurant de
mes Respects les plus sincères, à jamais gardés dans mon coeur, pour toute votre
famille et au plus haut degré, puisque vous maîtrisez tout le savoir, c’ est-à-dire
vous connaissez le Psautier, la Vie des Apôtres, Les Mille et Une nuit et que vous
avez fait des expériences extraordinaires en physique expérimentale (it. dans le
texte). A l’Académie de la plantalarie.
Je suis
De Ta Ignorance
Le serviteur le moins dévoué
Scanarélios...
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UN PORTRAIT ROBOT DE L ’ ANONYME DE 1789
Histoire Vraie
Dans la province inexistente, dans la ville nommée nulle, depuis peu de temps est
tombé malade le pauvre baron Moustafa aga Fils du Duca Hahambas du
Hiéromonache dont la patrie est la Mecque, capitale de l’Angleterre. Lorsqu’il
vit s’approcher l’heure où il lui fallait faire ses adieux à la communauté et de
partir pour les Champs Elysées, il appela Pater Pangrations, presbyte du Seigneur
et saint de métier afin de prendre un passeport pour l’au delà; ce religieux plein
de vertu répondit à l’appel et, en s’habillant de ses vêtements sacrés, dit au
malade qu’il devait confesser tous les faits qu’il avait faits dans ce monde ici-bas,
s’il voulait un passeport pour le monde d’au-delà. Alors Sigr Baron Moustafa aga
commença comme suit:
«Je suis né à Mécque, la capitale d’Angleterre; mon père descend de la lignée
de Katacouzinos Murat Ali, padichah de Hollande, lequel, lorsqu’il voyageait, une
fois, pour son service, à travers l’empire des insensés, a passé un certain temps
dans la ville Regnante de Gaoureni pendant le règne de la très-haute Zoitza Matei,
renommée pour ses grandes victoires et pour sa fameuse famille de bohémiens. Y
voyant alors ma mère, il l’aima pour ses grands accomplissements, lui témoigna
son amour, accepta tout de suite sa proposition et, après un mariage naturel, ils
vinrent à Mecque; le premier fruit de leur amour c’est moi; ils m’ont entouré de
tous leurs soins jusqu’ a Γ âge de quinze ans, n’ayant aucun souci pour mon avenir;
puisque je manifestais un désir de voyager, mon père m’envoya dans l’empire des
blagueurs chez un neveu de Patriarche de Constantinople qui m’accueillit en
grand amour et amitié, car il avait de grandes obligations envers ma Mère, et m’a
permis d’étudier à Γ Académie de Podoros et en peu de temps je devins fameux en
putainométrie; il ne s’écoula pas trop de temps et je me fis professeur de
Malafranta, gonorhée, école buissonière et, en passant par tous les degrés, on me
fit enfin chancellier et intendant de cette Académie; de tous mes apprentis, le plus
assidu et le plus inspiré a été un certain Grigorios, baron de la sainte c..., (en
roumain dans le texte) qui deviendra, je l’espère en peu de temps, le premier de
ΓUniversité. Comptant sur moi enfin, voyant mon très grand mérite, ceux qui
furent reçus au saint-mont, m’ont choisi prieur de saint Monastère de Tatarasi.
Après y avoir servi deux ans, j’en suis parti, y laissant pater Lavrentios, jadis
Muphti à Imbraila et ulema à la mosquée du saint Ghika à Rome. Je suis allé me
rétablir en Catalabre et j’ai commencé à enseigner la théologie et il ne m’a pas
fallu trop de temps pour devenir renommé, le saint esprit m’a suivi partout; à
cause de mes savoirs multiples je devins extrêmement riche, car chaque fois que je
prêtais un florin, je prétendais qu’on m’en remboursa trois, en démontrant de la
sorte, comme dans le cas de l’annonciation que trois est un et un est trois et je n’ai
jamais eu l’occasion d’interrompre le jeun de quarante jours, parce que j'ai
mangé incessament, et trois fois par an je me suis confessé négativement (fr. dans
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LIA BRAD-CHISACOF
le texte) et j’ai fait deux cents génuflexions négatives, bref, je n’ ai pas négligé de
contempler l’empire du ciel. Voilà quels furent mes péchés et si on nous par
donne d’étaler nos vertus aussi, apprenez que, depuis ma naissance, j’ai tué vingt
hommes et, à leur place, j’en ai conçu trente».
Le saint kyr Pangratios a dit: «Le Christ seul et la Vierge vous pardonne, je
n’en suis pas digne, mais selon les dogmes vous devez payer cinq des quarantes
messes».
Signor Baron lui a payé tout de suite cinq florins appelés des florins borgnes
la monnaie de l’aventure et alors le saint a acquiescé ses voeux et Γ a Béni. Il l’a
blasphémé des trois doigts et l’a poussé à prendre... seulement le baron l’a prié
d’attendre jusqu’à l’heure de sa mort, afin qu’il puisse vivre comme auparavant
et, si possible, aller là où l’empéreur a hâté d’aller à pied et où il pouvait voler
par le trou d’en bas; le bon et vertueux pater a été d’accord et s’en est allé; mais
à peine eut-il franchi la porte que le malheureux Moustafa rendit son âme au
diable, c’ est à dire qu’ il mourut; un grand bruit s’ensuivit tout de suite, les vitres
des fenêtres se cassent et voilà les anges et les diables au millieu de la maison; ils
examinent la conduite du feu baron, ils pèsent ses vertus et ses méchancetés. Us
pèsent et voilà les querelles, car chaque ordre pèse les saints faits de son âme et
alors ils commencent à se quereller «o satans noirs, laissez-le-nous» - «mais non,
sieurs anges sodomites, non pas». Ces paroles une fois échangées, ils se battent, la
maison tremble; mais l’âme du mort ne leur laissât pas trop de loisir; il parait
entre eux, il examine la cause de la querelle; «kyr Moustafa» lui répondit
Belzebuth «c’est pour ton Honneur qu’ on se bat ici, on se dispute à qui tu seras»
- «ah, ah, à qui je serai, sieurs anges, montrez-moi donc le dos, j’accompagne
mes oncles, les sieurs diables» et les anges disparurent tout de suite; «Compagnon
de cuillère» cria le feu baron «je vous ai donné la préférence seulement afin que
vos diableries me fassent une faveur et m’amènent à Baghdad, la capitale de
l’Autriche où je veux voir un ancien ami appelé Tantal, qui est renommé et hai
par tout le monde pour son amour pour l’argent et sa haine pour les hommes, et
aussi un peu à Nanidapog voir mes amis».
Après quoi les sieurs diables ont accepté sa proposition et l’ont emmené et
s’envolèrent; (qu’on sache cependant qu’en tant qu’ami du feu baron ils m’ont
emmené aussi, afin que j’écrive ses aventures) à peine fut-on sorti par la porte de
la cité, qu’on aperçut une foule, un moine lié, qu’ils emmenaient brûler vif; du
premier coup d’oeil j’ai reconnu la victime, c’était ce même Pangratios dont on
vient de parler, qui avait administré les derniers sacrements au feu baron; j’ai
demandé la raison, on nous répondit que le saint père avait voulu renouveler le
travail des saints Sodomites; le pachah Diable a pris sa défense et a commencé
à leur montrer que c’était la besogne de tous les saints pères du saint mont et
qu’il ne fallait pas en punir qui que se soit, si on suit la mode de chez lui et de son
pays; les hérétiques calvins n’ont pas voulu l’écouter et ont brûlé le saint moine,
en disant qu’ ils voulaient brûler tous ces saints moines, si cela était en leur pou
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UN PORTRAIT ROBOT DE L ’ ANONYME DE 1789
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voir (ô le grand blasphème), feu kyr Pangratios s’en est allé au sein d’Abraham.
Cependant, en suivant notre chemin, nous sommes arrivés à Baghdad, chez
notre ami, qui était au lit, sa cupidité lui cria: «Réveille-toi, réveille-toi, il est
temps d’ouvrir ton atelier» - «mais, répondit-il, laisse-moi dormir encore un
peu», «réveille-toi, réveille-toi», lui cria-t-on de nouveau, «quoi! tu oses même
répondre» - «mais les autres n’ont pas encore ouvert» - «ne crie pas, réveilletoi, réveille-toi, je te Γ ordonne, car on va prendre tous tes clients», alors le
malheureux sauta de son lit en criant «non, au nom de la dame Madeleine sans
tache» et alors on voit entrer la servante lui demander des sous pour des achats; il
répondit: «per Diosanto, per Santo demento, que diable, des sous, toujours des
sous, ils semblent ne penser qu’aux sous, des sous, rien que des sous, ils ne
parlent que de sous». Kir Moustapha l’embrassa pour la dernière fois et on partit
pour Nanidapog.
On y arriva vers le soir et on alla droit à la maison d’un marchand appellé
Mélchisédéch du charbon couvert (en roumain dans le texte) qui était en train de
lire un billet doux de sa maîtresse Zoitsa, l’empresse de Matehaï. Voilà son
contenu:
«Pacha Kyr Mélchisédéch,
Mon âme, je t’ai vu passer aujourd’hui, oui, sur Γ âme de mon Eméraude. Tu
m’a semblé un fils de prince, ta moustache comme la queue d’un cheval que le
roi donne à ses pachas, ah kyr Mélchisédéch, viens, viens, viens donc, ne me
laisse pas périr, ne tourmente pas mon âme des pieds à la tête; mon mari sieur
Komélios est allé à la Cour».
Voilà la réponse:
«Ô Mont Etna, et fer rouge qui brûles tous ceux qui t’approchent, oui ma
lumière Doupnitsa lorsque je reçus ton billet, il m’a semblé avoir gagné vingt
mille florins vénitiens, je viens, je viens, ma colombe, embrasser tes yeux de
pierre, tes cheveux de perles, oui mon rossignol d’hiver, je viens, je viens embras
ser ta bouche de fleurs, parfumée comme les latrines parfumées d’Arabie».
Il commanda de lui apporter son chapeau, nous sommes allés plus tôt voir le
rendez-vous de ces deux personnes; en y entrant, nous vîmes cette dame digne
d’adoration, auprès d’elle était assis kyr Grigorios, baron du sain c... (en roumain
dans le texte) et lui disait «mon oiseau, ma princesse, je me perds, mon âme est
en danger de se couvrir de gale, n’as-tu pas pitié de moi? ne m’aime tu pas? je
méprise toute la plantalarie, pour ta panlaporte je haï toute la plantalarie» Eh,
mon pauvre homme, je t’aime bien, mais va-t-en maintenant et reviens demain
au plus tôt»; le saint barbu est sorti, en chantant des louanges à saint Nicholas
pour avoir acquiescé à ses voeux et en promettant à la dame de prier pour elle;
Moustafa nous a garanti que c’était quelqu’un de très haut placé; et enfin le
Héros vint, elle le rçcut amoureusement, «ô trésor de mille bourses» lui cria-t-on,
«tes yeux de florins, mon coeur, comment ferais-je pour les arracher et les pèser,
ils doivent valoir plus de cent mille louis d’or».
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LIA BRAD-CHISACOF
Après ces paroles, ils s’embrassèrent très fort et, en retroussant sa jupe, «ah,
ah,» lui dit-elle à voix basse, «tire le rideau de la fenêtre, que j’enlève ma culotte,
ils se mettent au lit et il arrive, et il arrive (que ceux qui veulent le savoir aillent à
l’académie de Podoros). Cependant sire Kornélios Basilas arrive (je n’ai aucun
doute qu’en la langue parlée en Nanidapog «Kornélios» veut dire «connétable»)
et lorsqu’il l’entendit dire je... Ta mère, bohémienne voilà, voilà (en roumain
dans le texte) ils misent en règle, sortit de chez la dame, échangea un salut avec le
chevalier; et nous nous en allâmes.
Ensuite nous allâmes chez un certain sire Mitrahan aga, nommé intendant des
voleurs du Saligaud, qui, dans sa chambre, ne faisait rien autre chose que compter
les florins volés par l’assurance de Satan à la mosquée de Saligaud. Il regardait les
florins avec grand plaisir et disait: «ah, mes florins, maudit soit par le saint Athanasios et par la sainte Madeleine quiconque ne vous aime pas». Comme j’étais
fatigué, j’ai appuyé un peu mon dos contre la cheminée et un morceau de chaux
en tomba; alors kyr Mitrahanefendi, tout à fait effrayé, a voulu mettre ses florins
à l’abri, seulement kyr Belzebouth lui retint la main, le pauvre malheureux.
Mitrahan aga, ne comprenant pas ce qui l’avait empêché, invoquât tous les
saints, de sorte que Belzebouth efendi laissa sa main et il put mettre ses florins à
l’abri. Mais le gelep Belzebouth lui prit la barbe et l’en tira, seulement il mit
cette douleur sur le compte du jeun, de sorte qu’il appella Méthodion et lui
demanda un seau de vin et, après l’avoir vidé, il se demandait pourquoi ses joues
étaient si rouges et il assura Kyr Manthibasi qui venait justement d’y arriver
pour lui apporter la nouvelle que le charlatan Fotakis et sa bohémienne avaient
encore un nouveau-né, il l’assura donc que Saint-Antoine lui-même avait les
joues rouges comme lui et pour preuve il dit que le saint lui était apparu pendant
son sommeil.
Bien désireux d’entendre d’autres saintes bêtises, nous partîmes, mais en
suivant notre chemin, nous entendîmes des rires dans la cellule d’un moine, alors
nous revîmes sur nos pas et y entrâmes et y vîmes un petit bonhomme appeilé
Méthodion, assis sur un sofa, en train de raconter à un apprenti de l’atelier,
appelé Kyriac, combien des filles venues aujourd’hui à la synagogue avaient des
pantalons jaunes, combien avaint des pantalons verts et lesquelles d’entre elles
lui avaint montré qu’elles aiment les jeux d’amour, il lui dit aussi qu’il leur avait
donné sa bénédiction; «qu’en dis-tu», demanda Satan le seigneur Belzebouth «estu digne de tout remarquer d’un seul coup d’oeil, comme ce petit bonhomme?»,
ce à quoi, comme il aimait la vérité, il avouat sa faiblesse; pour cette raison il
décida de l’emmener et lui enjoignat de remarquer tout ce qui se passait et de le
lui dire, on lui donna donc Γ emploi d’observateur.
Cependant Moustafa dit au cousin Babel «on va chez Tun de mes amis, voir
comment il se porte» et on y arriva sans délai; le cousin s’appelle Papanastasakifilos et nous le trouvâmes en train d’écrire le billet ci-dessous:
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UN PORTRAIT ROBOT DE L’ANONYME DE 1789
«Madame,
O, ne me punissez pas et ne m’accusez pas d’impertinence, si j’ose vous
montrer que je vous aime, que je vous adore même et que toute ma vie je
n’aimerais que vous, mais si cette déclaration vous blesse il ne dépend que de
vous que je me taise, sachez cependant que vous avez le pouvoir de me donner la
vie ou de me faire mourir».
Nous sommes restés très confus devant le bavardage de ce jeune homme et le
Diable boiteux nous a assuré qu’il s’y connaissait très bien à boucher les trous;
après avoir embrassé le vieux Moustafa, nous partîmes, et nous allâmes chez un
autre ami appellé Connetablevenierodimitrakos, que nous trouvâmes en train de
lire les vers suivants:
Comment briser une chaîne?
Que Γ amour a pris plaisir de former.
L’onde cède au cours qui Γentraîne.
Et j’obéis à la douceur d’aimer, (en fr. dans le texte).
Il en était saisi d’admiration et s’écria: «Ô Diable» (en fr. dans le texte) «Ordonne!» lui répondit Belzebouth éféndi, «que diable» (en fr. dans le texte)
s’écria-t-il pour la seconde fois, en entendant cette voix: «Je suis Belzebouth
pacha»; «pouah, pouah, quelle est cette voix que j’entends?»; -«mon cousin», lui
répondit Dominus Belzebouth «c’est la mienne, celle de Belzebouth» - «quoi?
Belzebouth! par Dieu, il n’est pas possible que le diable existe dans ce monde, et
je peux te le démontrer, c’est Voltaire qui l’a dit!» «parbleu, votre Voltaire est
un niais» lui répondit Satan, «les diables existent bien et je t’invite même de
joindre à nous, on va te faire capitaine», persuadé alors, «celui-ci priât le diable
de le laisser encore un peu dans le monde ici-bas afin qu’il... lise: on l’excusât et
il leur demandât de lui trouver l’un de ses amis, nommé Polizou, pour lui faire
part de son existence et du fait qu’il était lié avec le diable: ne t’inquiète pas», lui
répondit-on, «il le sait déjà, il se trouve déjà à Prunsvik et c’est justement lui qui
sera ton colonel».
Alors le baron Moustafa parut à son tour, salua et puis nous nous en allâmes;
on s’est rendu chez un autre personnage, appellé Daniil ieromonahthavmasanthropos qui était en train de lire Anacréon, le diable boiteux n’osa pas entrer
chez lui, en disant que c’était son pire ennemi; le baron Moustafa aga le salua et
puis on alla chez un certain Toma Karas, le diable des français commença à lui
présenter ses hommages; nous lui en demandâmes la cause et il nous répondit que
ce personnage était le seul qui, quoique né en Grèce connaissait parfaitement
la langue de mes sujets; Kyr Moustafa nous a assuré qu’il était un homme
merveilleux qui possédait bien de connaissances et qu’il était digne d’être à
moitié compatriote d’Aristote - tout comme celui qui lisait Anacréon - et tout
comme le connétable. Je lui dis adieu à son tour, à lui et au baron Moustafa aga,
puis celui-ci appella le scribe Gheorgache afin que je lui dise adieu aussi et alors,
tout d’un coup, on s’y trouva, mais ô Hades! quel fantasme, quel géant tomba sur
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LIA BRAD-CHISACOF
nos sens: une sorte de femme qui, si jamais la peste paraît parmi les hommes c’est
cette femme qu’ elle va choisir pour donner aux gens une idée d’elle. Si possible, je
voudrais essayer d’aider la fantaisie de mes lecteurs à s’en faire une idée:
Description
Elle était haute d’un demi pihi* sa largeur était la même et tous ses membres
avait une proportion exceptionelle, tellement symétrique que sa tête était près
d’un tiers du tronc, son cou, sa poitrine et le reste de son corps tellement bien
collés l’un à l’autre qu’il était impossible de voir où commençait l’un et où
finissait l’autre, son menton était d’une longueur immesurée et néamoins la
figure de la dame représentait un carré symétrique, à cause du fait que son front
était aussi bas que son menton était long; ses yeux étaient tellement ronds et
saillants qu’on pouvait les appeler à juste titre biopis, comme disait jadis le
décrépit Homère; sa bouche était si grande qu’une grande pomme pouvait y
entrer sans être dérangée par ses dents droites si jamais un poète voulait faire de
ses lèvres la capitale et le royaume des muses, je reconnais qu’il y avait assez de
place pour quelques déesses qui voulaient y danser tout à leur aise avec quelques
amours.
Ce tableau parut devant nous et voilà que les sieurs Diables saisis d’une
terreur panique (en fr. dans le texte) commencèrent à courir de toutes leurs
jambes et qu’ils m’emmenèrent aussi, de peur que Kyr Moustafa ne les con
damne à faire à cette Donna ce que jamais les idolâtres romains n’avaient
proposé aux jeunes gens de faire aux sept vierges; ce qui est écrit, d’ailleurs, dans
l’anthologie aussi (que ceux qui veulent lire aillent chez Kyr Panagon); on s’en
alla donc en toute hâte. La ville exhalait une terrible puanteur; j’en demandais la
cause et Kyr Eosfor me répondit que c’était la puanteur de L’INJUSTICE DE LA
TYRANNIE ET DE LA BARBARIE qui avaient trouvé bon de choisir cette ville
justement pour l’habiter et pour y établir la capitale de leur royaume; ces vices se
sont alors asservis les aristocrates. En suivant notre chemin, nous passâmes
ensuite par kopon mais ô ciel! qui advint alors devant nos yeux c’était une
beauté dont la démarche avait un petit quelque chose, dont le maintien nous a fait
douter qu’elle était mortelle. Cependant, le Diable boiteaux nous a assuré qu'elle
était bien mortelle, que sa patrie était à Constantinople et que son nom était la
belle Roxandra. Essayer de décrire ses vertus et sa beauté serait présenter une
ruage beaucoup inférieure à l’original; voilà pourquoi je me contente d’inviter
ceux qui veulent s’en faire une idée à s’imaginer toutes les graces personnifiées
par une jeune fille parfaite et puis encore douter qu’ils sont vraiment arrivés à
Mesure de longueur valant soit 64 soit 75 centimètres
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UN PORTRAIT ROBOT DE L’ANONYME DE 1789
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s’imaginer cette créature ou plutôt il serait mieux de dire qu’ils doivent
s’imaginer une quatrième grâce qui, bien que parée de toutes les qualités des trois
autres, a cependant quelque chose de plus qui manque aux trois autres. Je me suis
approché de cette jeune fille, mais quel changement soudain dans mes sens! un
trouble un enthousiasme se sont emparés de mon âme, ma raison s’est égarée et
cette jeune fille s’est entièrement emparée de moi; toutes mes idées précédentes
se sont effacées, de nouveaux sentiments semblaient naître dans mes entrailles et
je ressentais très fort les flèches empoisonnées de ses charmes de sorte que,
presqu’à partir de ce moment ma raison a été bien troublée et mon coeur a été
tout à fait subjugué; tout mon être a été blessé. Cependant le sieur diable n’a pas
voulu y rester trop longtemps parce que le premier personnage leur avait inspiré
grande peur, de sorte que nous partîmes tout de suite, ils m’emmenèrent dans sa
nulle et ils s’en allèrent dans le Hades où ils firent notre oncle Moustafa général
dans le régiment des chimères et puis je me suis révéillé. Hallélluiah, hallélluiah,
Christus réssurectus - 228835 4/3_ + l’infini Avril.
2/5
43
I
3+1_
7+1
15+1
1+
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