Stefano ARDUINI
Les aPPROChes COgNITIVes
La grammaire générative a déplacé le centre de gravité des études
linguistiques des éléments constitutifs du système de la langue – phonèmes,
morphèmes lexèmes et signifiés lexicaux – vers la structure unitaire de la
phrase. Dans la tradition générative, la phrase est considérée en premier lieu
comme une unité formelle autonome des contenus conceptuels organisés.
Mais une fois que la phrase a été placée au-devant de la scène, il était inévitable que l’intérêt pour sa forme grammaticale se double d’un intérêt aussi
profond pour ses dimensions fonctionnelles : d’une part, pour son attitude
à entrer dans des combinaisons textuelles et dans des contextes d’emploi ;
d’autre part, pour les structures conceptuelles et cognitives complexes
associées aux phrases et aux textes. Le premier élargissement a donné
naissance à la linguistique du texte ; le second aux approches fonctionnelles
et cognitives.
La linguistique cognitive est un style de recherche qui inclut le travail
de plusieurs linguistes provenant de différents cadres théoriques. Elle est le
résultat de recherches différentes qui présentent des traits communs. Pour
cette raison, le sens à donner au terme cognitif n’est pas uniforme : ce qui
unifie la linguistique cognitive, c’est l’idée de la langue comme réservoir de
la connaissance du monde (Geererts et Cuyckens 2007 : 5), l’ensemble des
catégories significatives qui nous aident à développer notre expérience et à
stocker l’information 1. À partir de cette prémisse, les faits de langue ne sont
1
Les débuts de la linguistique cognitive remontent à 1975 (cf. Peeter 2001,
Nerlich et Clarke 2007) lorsque Lakoff renonce à la tentative de développer une
sémantique générative et utilise cette expression pour la première fois. C’est à
peu près dans les mêmes années que Charles Fillmore commence à travailler
à la Frame Semantics alors que Ronald Langacker jette les bases de la Space
Grammar (cf. Gaeta et Luraghi 2003 : 18-19) qui ensuite prendra le nom de
Cognitive Grammar. Le travail de Langacker rejoint celui de Talmy (2000a et
2000b), lequel avait essayé d’introduire les principes de la psychologie de la
Gestalt dans l’analyse linguistique à partir de sa thèse de doctorat. En utilisant
Cah. Lexicol. 107, 2015-2, p. 83-93
84
CAHIERS DE LEXICOLOGIE NO 107
pas décrits comme autant de structures autonomes mais comme des instruments au service de la conceptualisation et de l’interaction communicative.
Si du macrocosme de la situation mondiale nous passons au microcosme de la réalité italienne, nous retrouvons cette même multiplicité
d’approches unifiées par un certain nombre de présupposés généraux. C’est
la raison pour laquelle il nous a semblé utile de présenter la constellation des
études cognitives en Italie à partir des contributions des chercheurs les plus
significatifs.
1. Travaux d’introduction
En Italie, dans les dernières années, ont été publiés trois ouvrages
d’introduction à la linguistique cognitive : Che cos’è la linguistica cognitiva
de Stefano Arduini et Roberta Fabbri (Rome, Carocci, 2008) ; Introduzione
alla linguistica cognitiva de Livio Gaeta et Silvia Luraghi (Rome, Carocci,
2003) ; Linguistica cognitiva. Un’introduzione de Carla Bazzanella (Rome,
Laterza, 2014).
Stefano Arduini et Roberta Fabbri exposent en détail les sujets
suivants : la catégorisation et ses manifestations dans la langue ; la métaphore
et la métonymie ; la sémantique dans ses rapports avec la conceptualisation ; les principaux mécanismes cognitifs à la base de la construction et
de l’emploi des expressions linguistiques signifiantes ; l’idée de linguistique
cognitive comme modèle alternatif à la grammaire générative.
Livio Gaeta et Silvia Luraghi exposent les contributions des chercheurs
qui considèrent le langage non pas comme un objet autonome, mais comme
un instrument étroitement lié à d’autres facultés cognitives humaines, soulignant le rôle de la sémantique comme fil conducteur et trait d’union entre
la faculté cognitive de l’individu et ses capacités linguistiques. Le volume
présente notamment la conception du signifié comme concept, la théorie de
la métaphore vue comme un processus cognitif qui se réalise dans la pensée,
et des notions clés comme l’embodiment – l’idée que l’esprit se trouve dans
un corps, ancré dans les perceptions sensorielles.
Carla Bazzanella présente d’abord le cadre théorique général des
courants cognitifs et leur interaction avec les théories linguistiques contiguës
comme la grammaire générative et les approches fonctionnelles. Ensuite,
elle présente de manière analytique les principaux concepts et perspectives
de recherche, tels que embodiment, catégorisation, métaphore, grammaires
les notions de Figure et Ground (Figure-fond), reprises de la Psychologie de
la Gestalt par Talmy, Langacker développera l’idée centrale de la prolifération
conceptuelle (cf. Nerlich et Clarke 2007 : 591).
LES APPROCHES COGNITIVES
85
spatiales, grammaires constructionnelles et modèles basés sur l’emploi. Enfin,
elle explore les connexions avec les neurosciences sur des thèmes comme la
synesthésie perceptive et linguistique, l’attention, la saillance et la mémoire.
2. Contributions individuelles
Federica Casadei, qui a suivi l’enseignement de Georges Lakoff lors
de ses études doctorales, est l’auteur d’un ouvrage pionnier pour les études
cognitives en Italie : Metafore e espressioni idiomatiche (1996). Inspirée par
les théories de Lakoff et Johnson sur la métaphore, l’auteur vise à démontrer
qu’entre le signifié idiomatique codé des expressions figées et le signifié
compositionnel des expressions libres correspondantes il y a une relation
motivée : 85 % des signifiés idiomatiques, notamment, sont motivés par des
relations métaphoriques ou métonymiques transparentes. Le signifié idiomatique de avoir le vent en poupe, ‘se trouver dans une situation favorable’, par
exemple, entretient avec le signifié primitif une relation transparente, d’ordre
métaphorique. Le signifié idiomatique de passer le Rubicon, ‘prendre une
décision aux conséquences irréversibles’, également, se base sur un glissement métonymique : le geste de César portait ce message, qui ensuite a été
associé à l’expression qui en fait un signifié codé (voir aussi Casadei 1993,
1994, 1997, 1999a-b, 2000, 2003). Plus récemment, elle s’est intéressée
aux aspects lexicologiques dans une perspective plus large, en travaillant en
particulier sur le langage sectoriel (Casadei 2015) et sur les phénomènes de
polysémie et d’homonymie dans le lexique italien (Casadei 2014).
Les travaux de Silvia Luraghi font passer des études lexicales à la
typologie linguistique et la linguistique historique. Elle a surtout travaillé sur
la conceptualisation des rôles sémantiques et notamment sur ses motivations
métonymiques et métaphoriques, dans une perspective typologique (Luraghi
2014, sous presse), et sur le signifié de leurs moyens d’expression privilégiés,
cas et prépositions. Elle a d’abord travaillé sur le grec classique (Luraghi
2003, 2010a, 2012) puis sur le système des adpositions en latin (Luraghi
2010b) et en italien (Luraghi 2009). Les mécanismes d’extension sémantique et de polysémie portant sur les prépositions motivés par des concepts
métaphoriques largement documentés dans les langues du monde ont retenu
toute son attention. Dans son ouvrage le plus significatif (Luraghi 2003),
l’auteure applique une analyse usage-based à des données provenant d’un
vaste corpus diachronique de grec ancien dans le but d’explorer un réseau
de parcours d’extension du signifié d’un grand nombre de prépositions. En
définitive, la recherche de Silvia Luraghi valorise dans l’étude empirique
des évolutions diachroniques une idée de fond de la linguistique cognitive, à
savoir la primauté de l’expérience spatiale dans la cognition humaine, qui à
son tour renvoie au concept d’embodiment et à la relation primordiale entre
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CAHIERS DE LEXICOLOGIE NO 107
le corps, la perception et le milieu. Ses études ont permis de comprendre
différents phénomènes relatifs aux emplois, aux fonctions des cas et des
prépositions dans de nombreuses langues anciennes et à leurs changements
dans l’histoire. L’épaisseur théorique de ses recherches se manifeste aussi
dans un travail remarquable de comparaison entre l’approche fonctionnelle
et l’approche cognitive dans l’étude du système des cas en latin et en grec
ancien (Luraghi 2011b, et Luraghi 2008 pour une vue d’ensemble sur les
approches cognitives des cas). Ses études basées sur des grands corpus et
enrichies aussi bien par les comparaisons typologiques que par les explications fonctionnelles ont beaucoup contribué à enrichir la tradition de la
grammaire historique.
Toujours dans le domaine de la linguistique historique, Luisa Brucale
et Egle Mocciano ont développé en Italie l’idée d’une cognitive classical
linguistics. Parmi leurs travaux, citons l’article de 2011 portant sur le réseau
sémantique du syntagme prépositionnel per + accusatif en latin, qui s’étend
des signifiés de base aux signifiés plus abstraits avec des parcours conceptuels
différenciés mais strictement liés.
Le projet de Livio Gaeta vise à une intégration originale des approches
cognitives et de la morphologie naturelle tant en synchronie (Gaeta 2003,
2005) qu’en diachronie (Gaeta 2010). Une des idées centrales est que
l’emploi des suffixes et les stratégies de formation des mots sont profondément influencés par leur sémantique, qui se laisse analyser en termes de
image schemas. Dans son article de 2005, par exemple, Gaeta décrit de cette
façon les processus de nominalisation à la base de la formation des noms
d’action en italien, examinant des cas de suffixation (credere > credenza)
et conversion (revocare > revoca), ainsi que des noms dérivés de participes
passés (mangiare > mangiata) et la nominalisation de l’infini. L’auteur identifie trois image schemas différents qui expliquent à son avis ces différentes
stratégies de nominalisation, discutant des cas de compétition fonctionnelle
entre suffixes. Dans une étude de 2010 portant sur l’auxiliaire passif ginn en
luxembourgeois et les développements des suffixes instrumentaux/agentifs
dans les langues romanes, l’auteur souligne la nécessité d’intégrer la dimension diachronique dans les analyses cognitives : une approche limitée à la
seule synchronie et concentrée sur les procès métaphoriques et métonymiques
risque d’aplatir la description, ignorant la complexité du changement.
Dans le domaine de la linguistique anglaise, Cristiano Broccias s’est
consacré d’abord à l’étude des constructions de changement (2003, 2008b),
qui forment, à son avis, un réseau basé sur deux schémas principaux, nommés
Force Change Schema et Event Change Schema. La vision systémique de
la grammaire est ensuite appliquée à l’étude des constructions exprimant
la simultanéité, notamment celle des phrases temporelles introduites par as
et while (2006a, 2006c, 2010). À son avis, les phrases introduites par as
activent, à la différence de celles introduites par while, un « path schema ».
LES APPROCHES COGNITIVES
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Les conséquences de cette analyse s’étendent à des phénomènes tels que la
complémentation (2015) et la sélection de l’aspect verbal (2008a, 2011).
Broccias a aussi étudié (2006a, 2013) les bases théoriques de certaines
approches cognitives telles que la grammaire cognitive, la Blending Theory et
la Radical Construction Grammar, sur lesquelles il a émis certaines critiques.
Dans ce cadre, signalons l’analyse des concepts de summary scanning et de
sequential scanning dans la grammaire cognitive (2006a).
Toujours en linguistique anglaise, Annalisa Baicchi travaille, tant du
point de vue théorique que de celui de l’application, à des thèmes portant
sur la sémantique, la pragmatique et leur corrélation avec la syntaxe, afin de
retrouver l’étroite corrélation entre les structures linguistiques et textuelles
et les systèmes conceptuels. Étudiant les schémas de lexicalisation dans la
classe des verbes de mouvement, Baicchi a utilisé la catégorie sémantique
de Force Dynamics de Talmy pour identifier la motivation qui permet à la
langue italienne, contrairement aux autres langues romanes, d’utiliser la
conflation propre aux langues germaniques dans la mise en œuvre de formes
de mouvement où le verbe contient des traits sémantiques d’intensité, de
rapidité ou d’immédiateté de l’action. Quant au domaine de l’interface
syntaxique-sémantique, on renvoie à ses essais sur la contribution du lexique
à la complexité syntaxique de la signification : en particulier, elle a analysé
les exécutions de mouvements abstraits introduits par la cooccurrence, au
niveau de la phrase, de verbes de mouvement et substantifs relevant de l’activité mentale. Elle a en outre élaboré la notion de « métafictivité », qui se
situe à l’intersection entre la métaphore conceptuelle de Lakoff et la fictivité
de Talmy.
Pour ce qui est de la pragmatique cognitive, Baicchi s’est concentrée
sur l’étude de la réalisation linguistique et de la motivation conceptuelle
des actes de langage ; avec Francisco Ruiz de Mendoza, elle a élaboré le
modèle théorique appelé Cost-Benefit Cognitive Model, qui constitue le
premier exemple de recherche sur les actes linguistiques menée dans le cadre
théorique de la grammaire constructionnelle. La linguistique cognitive offre
ainsi à Baicchi le cadre théorique pour les études sur la traduction. Une
attention particulière est portée à la traduction du langage figuré grâce à l’élaboration des théories des espaces mentaux et de l’intégration conceptuelle
appelée Translational Projection Hypothesis. Ces travaux s’intéressent à la
complexité du parcours cognitif que les traducteurs réalisent pendant la transposition des signifiés du texte de départ et leur recréation dans le texte cible.
Le projet de grammaire philosophique de Michele Prandi (1987, 2004,
2007) partage avec le paradigme cognitif l’idée d’un rôle essentiel des structures conceptuelles dans la recherche linguistique. Il s’en différencie par deux
aspects. Tout d’abord, l’intérêt pour les structures conceptuelles cohérentes se
double d’une focalisation des conditions de cohérence sous-jacentes, connues
en linguistique comme restrictions de sélection. Les conditions de cohérence
88
CAHIERS DE LEXICOLOGIE NO 107
forment une ontologie naturelle, une véritable grammaire des concepts qui, en
même temps qu’elle trace la constitution conceptuelle de notre forme de vie,
pour ainsi dire, joue un rôle fondamental aussi bien dans l’étude des significations conflictuelles qui les transgressent que dans l’étude de l’inférence
qui s’en nourrit pour interagir avec les stratégies linguistiques de codage.
Ensuite, la reconnaissance du rôle actif des concepts dans la signification
n’exclut pas l’autonomie des structures syntaxiques formelles de la langue.
C’est précisément grâce à leur autonomie réciproque que la grammaire des
formes et la grammaire des concepts peuvent interagir dans la mise en œuvre
des expressions complexes signifiantes avec des issues variables, vérifiables
empiriquement, qui vont de la coopération au conflit.
Le conflit ouvre la voie à une étude linguistique des figures vives,
conçues comme des interprétations textuelles de signifiés complexes conflictuels (Prandi 1992, 2010, 2012). L’énoncé conflictuel Dorment les sommets
des montagnes (Alcmane), par exemple, admet tant une interprétation métonymique – dorment les animaux qui peuplent les montagnes – qu’une interprétation métaphorique : le sommeil d’un être vivant est projeté sur les montagnes.
La coopération se manifeste dans l’interaction entre le sous-codage et l’inférence dans la construction des couches périphériques des signifiés des phrases
et dans la connexion transphrastique (2004a, 2004b, 2013).
En définitive, le modèle de la grammaire philosophique permet
d’unifier l’étude de la grammaire et du signifié des expressions complexes
et l’étude des figures à partir de la même prémisse : deux ordres autonomes
de structures – une grammaire des formes et une grammaire des concepts –
peuvent interagir de façon aussi bien coopérative que conflictuelle.
3. Un précurseur dans le domaine de la sémiotique : le cas
d’Umberto eco
Grâce à son intérêt pour le rôle du savoir encyclopédique dans la
négociation sociale du sens et à ses contributions à l’étude des processus de
catégorisation, la sémiotique d’Umberto Eco rentre de plein droit dans un
style d’analyse cognitif au sens large.
Dans le cadre d’une élaboration originale du concept d’interprétation
hérité de Peirce, Eco lance un pont entre les processus de perception et de
saisie du contenu des signes. Eco distingue tout d’abord deux types d’objets :
l’« objet dynamique », qui est l’objet en soi, et les « objets immédiats » (Eco
2008 : 46), qui s’offrent à la perception. L’objet en soi, nous ne pouvons pas
le saisir entièrement, puisque nous ne possédons que des visions partielles de
la réalité. Tout en étant insaisissable, cependant, l’objet en soi ouvre l’horizon
dans lequel s’inscrivent les visions partielles, ancrées chacune dans un point
de vue limité, pouvant être unifiées dans la catégorisation. Cette dynamique
LES APPROCHES COGNITIVES
89
de la perception et de la catégorisation dévoile sa parenté essentielle avec
l’interprétation des signes. Lorsque nous sommes devant un signe, toujours
d’après Eco, le contenu ne se donne pas non plus comme immédiat, mais
comme l’issue d’un processus d’interprétation basé sur un travail d’inférence. Interpréter les signes n’est pas autre chose que les traduire en d’autres
signes, à la poursuite du contenu que nous cherchons. Ce processus prend le
nom de sémiose illimitée. Pour saisir son objet, la perception doit également
élaborer ses contenus partiels par inférence, et entamer un parcours vers
l’élaboration de « types cognitifs » soutenu par la catégorisation primaire
mentale de l’objet.
Selon Eco, face à un nouveau phénomène, l’homme crée des types
cognitifs d’abord personnels ou individuels par le biais d’un mécanisme
d’inférence. Le type cognitif permet la reconnaissance d’un objet (un chien,
une chaise, une fleur…) : il se base sur les traits sémiotiques qu’au niveau
de la perception nous considérons comme saillants et fondamentaux pour
un type d’objet ou pour une classe d’objets. La reconnaissance se fait par
le biais des prototypes et des schémas cognitifs. Les sujets de Montezuma,
qui n’avaient jamais vu un cheval, élaborèrent leur catégorie de référence
suite à leur interaction avec les conquistadores espagnols, ou plutôt avec
leurs chevaux. Le type cognitif est à la base de l’application du langage
au monde : au type cognitif on associe un mot qui désigne les objets qu’il
permet de reconnaître – pour les Aztèques, maçatl. Dire que maçatl désigne
les chevaux équivaut à dire que le mot est associé à une structure cognitive
qui reconnaît les chevaux.
À partir de ces prémisses, Eco critique l’idée d’une sémantique sous
forme de dictionnaire et développe le modèle alternatif d’une sémantique
basée sur une encyclopédie. Selon Eco, une sémantique « en forme de
dictionnaire » n’est pas une représentation de la façon dont nous comprenons et interprétons le monde. La métaphore de l’encyclopédie sert à Eco
pour souligner que les processus cognitifs mis en acte pour l’identification du
signifié sont liés à l’activation de parcelles du savoir culturel global en raison
des exigences contextuelles. Le signifié est en fait déterminé par des concepts
liés à notre expérience ou notre connaissance du monde, à des structures ou
stéréotypes souvent transmis culturellement. La notion d’encyclopédie est
donc un postulat sémiotique ou une hypothèse réglementaire qui ne peut pas
être décrite dans sa totalité, mais dont l’accessibilité de principe est requise
si l’on veut justifier les mécanismes de construction et de négociation du sens
dans les différents contextes communicatifs (Eco 2008 : 109).
Les études de Patrizia Violi (2001) sur les racines du signifié dans
l’expérience nous rapprochent à nouveau du thème de l’embodiment,
ou « cognition incarnée », typique de la sémantique cognitive. L’idée
sous-jacente de ce véritable pilier de l’édifice cognitif est que la pensée
abstraite se forme à partir des expériences primordiales qui permettent au
90
CAHIERS DE LEXICOLOGIE NO 107
corps d’interagir avec l’environnement. Le lien essentiel entre expérience
corporelle, cognition et action est d’ailleurs le noyau théorique qui unifie la
constellation variée des approches cognitives (Gaeta et Luraghi 2004 : 58).
Stefano ARDUINI
Università degli Studi di Urbino Carlo Bo
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