Article
« Transformation des modes étatiques de contrôle social »
Jules Duchastel et Danielle Laberge
Politique, n° 20, 1991, p. 65-92.
Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :
URI: http://id.erudit.org/iderudit/040699ar
DOI: 10.7202/040699ar
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TRANSFORMATION DES
MODES ÉTATIQUES DE
CONTRÔLE SOCIAL
Jules Duchastel et
Danielle Laberge
Université du Québec à Montréal
Cet article s'intéresse au problème des transformations récentes des
formes étatiques de contrôle social. Avant même de statuer sur la réalité ou
la profondeur de ces changements, les auteurs s'interrogent sur la différence
entre les projets et la mise en œuvre de transformations. Ils attirent
l'attention sur la complexité de ce qu'il et convenu de nommer le système
pénal et, conséquemment, de ses transformations possibles. Distinguant les
divers niveaux de cohérence entre éléments du système, ils montrent
comment logiques politiques et bureaucratiques manifestent avant tout des
tendances contradictoires.
Après avoir distingué cinq modalités d'intervention étatique dans le
domaine du contrôle social — production législative et réglementaire,
financement, coordination des activités des agences, supervision des
activités des agences, gestion directe —, ils présentent les principales
transformations des pratiques discursives entourant le contrôle social et
abordent quelques exemples d'évolution de ces activités de contrôle, en
particulier le bénévolat et la privatisation.
Introduction
La sociologie du contrôle social s'inscrit dans une tradition
qui remonte à la fin du XIX e siècle, plus précisément à la
publication d'une série d'articles d'Edward Ross dans VAmerican Journal of Sociology, revue qui venait de paraître1. Il
serait trop long de retracer ici les nombreuses transformations
qu'a connues le concept de contrôle social2. Disons simple1. Ces articles seront repris par Ross en 1901 dans un ouvrage très
connu : Social Control and the Foundation of Sociology.
2. Voir à ce sujet Ph. Robert, 1 9 8 1 .
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POLITIQUE/N* 20
ment qu'il est souvent pris dans deux sens opposés. Ou bien
il est assimilé à celui de reproduction sociale, ce qui lui fait
perdre toute spécificité. Ou bien il renvoie aux divers modes
de répression mis en œuvre exclusivement par l'État et il ne
permet plus de saisir des situations de contrôle moins strictement répressives. Nous avons choisi une voie intermédiaire
qui nous permet de définir le contrôle social à partir des
situations ou des groupes auxquels il s'applique plus directement. Contrairement à la reproduction sociale élargie qui
concerne l'ensemble des individus de la société, le contrôle
social s'exerce, avant tout, sur des sous-ensembles (groupes
ou individus) qu'il marginalise. Cette optique englobe différentes formes de gestion ou d'intervention sociales qui ne se
réfèrent pas nécessairement à des illégalités, mais qui
renvoient cependant à la marginalisation de situations ou de
comportements jugés déviants3.
Depuis une quinzaine d'années déjà, on constate dans la
littérature — particulièrement la littérature de langue anglaise
— un intérêt marqué pour les transformations que l'État
apporte au système de contrôle social. Il en est de même
dans plusieurs disciplines, de la criminologie au travail social,
en passant par la sociologie du droit ou du contrôle social.
Ces travaux reflètent le désenchantement qui a suivi l'échec
relatif des projets de réforme des dernières années et une
résignation devant les incitations à la rationalisation financière.
En dehors des modèles interprétatifs particuliers, l'existence
de transformations majeures dans les formes de contrôle
social est considérée comme acquise et non problématique.
De nombreux analystes posent à priori que les modes de
3. Malgré les critiques adressées aux usages du concept de contrôle
social, Cohen, 1983 le circonscrit à l'intérieur des paramètres suivants: «I will
continue to use "social control" to refer to something narrower and more
specific than the standard sociological and anthropological concept, yet
something wider and more general than the formal legal apparatus for the
control of crime. This in-between territory belongs to all organised responses
to crime, delinquency and allied forms of deviance — whether sponsored
directly by the state or by institutions such as social work and psychiatry,
and whether designated as treatment, prevention, punishment or whatever»
(p. 102).
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contrôle social ont subi des modifications et que ces modifications, loin d'être secondaires ou marginales, réorientent de
façon importante les rapports effectifs entre la société civile
et l'État, tel qu'il apparaît à travers différentes modalités
spécifiques de contrôle social.
Ces analyses, comme celles qui touchent les autres
domaines de l'intervention étatique, nous semblent poser des
problèmes méthodologiques, sinon épistémologiques. Ces
problèmes concernent l'articulation des divers ordres d'intelligibilité de la réalité sociale et les inferences implicites de l'un
à l'autre. En voici deux exemples reliés à la représentation
des transformations étatiques.
Nous distinguerons les
représentations conceptuelles ou théoriques qui servent de
cadre d'analyse et les représentations sociales — discours
étatiques ou idéologies — qui sont l'objet de cette analyse.
Dans le premier cas, on se heurte à la rigidité de certaines
catégories d'analyse prises comme des universaux plutôt que
comme des constructions marquées par un contexte historique4. Il faut remettre en question l'usage des concepts qui
nous servent de point d'appui, car ils sont soumis à l'évolution
de la réalité qu'ils représentent. Par exemple, la signification
des concepts d'étatisation, de privatisation ou de centralisation, bien que comportant un noyau sémantique relativement
permanent, peut varier grandement en regard de l'évolution
historique des réalités qu'ils recouvrent. Dans le cas des
représentations sociales, il arrive trop souvent que l'on prenne
le discours pour la réalité. Ainsi, sur la base de discours
publics qui ont pour thèmes les nécessaires transformations
des formes d'intervention étatique, on infère que ces transformations sont déjà appliquées dans les institutions, l'organisation ou les pratiques.
L'analyse des transformations du contrôle social nous
semble devoir introduire une distinction entre l'énoncé des
4. Les travaux de Polanyi, tels que rapportés par Jean-Jacques Gislain,
dans «L'État et le marché: réflexions sur leur articulation institutionnelle»,
Interventions économiques, n9 17, 1987, suggèrent de renoncer à ce type
d'approche, en dénaturalisant certains concepts (comme celui de marché) et
en rétablissant leur caractère historique.
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projets, sous forme d'intentions administratives ou de
politiques spécifiques, et la mise en œuvre de ceux-ci. On
pourrait parler d'un monde d'intentionnalités représentant le
réel sur la seule base des discours, qui se construit en
interaction avec un monde de pratiques spécifiques.
Un second ordre de problèmes concerne la variation des
types de transformation suivant les secteurs ou les formes de
contrôle social. Peut-on dégager de larges tendances, des
tendances importantes qui dépassent les variations sectorielles ou ponctuelles? La réponse nous semble résider dans le
découpage de l'analyse, qui nous évitera d'en être réduits à
des généralisations abusives basées sur des observations
partielles. Sans un découpage de l'analyse, l'on arrive aux
affirmations les plus contradictoires à propos des mêmes
réalités, par exemple «y a moins d'État, mais plus de contrôle».
Dans le présent article, nous ferons d'abord quelques
clarifications qui nous apparaissent comme des préalables à
une analyse des transformations du système pénal. Bien que
notre démarche se situe dans le cadre plus large du contrôle
social, conçu comme la gestion sociale de situations ou de
groupes marginalisés, nous nous en tiendrons au domaine plus
restreint de la pénalité. De façon précise, nous examinerons
quels principes de cohérence sont ou ne sont pas dans
l'articulation des différentes agences composant le système
pénal. De plus, nous spécifierons les modalités particulières
et distinctes d'intervention de l'État dans le domaine pénal.
Enfin, d'un point de vue prospectif, nous tenterons d'identifier
les caractéristiques des transformations du contrôle social
étatique en distinguant les transformations discursives et les
transformations matérielles.
1. Clarifications
Des critiques récentes ont souligné les difficultés que
présentent les analyses globalisantes des dernières années
(Bottoms, 1983; Cohen, 1987; Lascoumes, 1989a;
Matthews, 1987; Young, 1983). Au lieu de reprendre les
divers aspects de ces critiques, nous tenterons, dans la
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perspective qu'elles développent, de mettre en évidence
certaines questions qui nous semblent essentielles pour notre
analyse.
Système pénal et principes de cohérence
Nous retiendrons d'abord le problème que posent les
expressions «système pénal», «appareil pénal» et «système de
justice» («criminal justice system»). En raison du principe
unitaire et exclusif qu'elles évoquent, ces désignations prêtent
à confusion. La question est de savoir s'il existe vraiment un
système pénal. Un ensemble d'agences (police, tribunaux,
instances correctionnelles, etc.) se partagent la gestion de la
pénalité. Par commodité, on les désigne comme des constituants d'un système pénal. Bien qu'il existe une cohérence
certaine dans les activités de nature pénale qui relèvent de ces
différentes instances, cela n'implique pas pour autant qu'elles
cumulent tous les ordres de cohérence qui caractérisent un
système. Par conséquent, si l'articulation entre les différentes
agences du système pénal est marquée par une cohérence
d'ordres juridique et processuel, il ne faut pas en conclure
qu'il y a cohérence sur les plans bureaucratique et politique.
Le premier ordre, celui de la cohérence juridique, représente en quelque sorte une «métacohérence». Cette cohérence découle du fait que toutes les activités pénales relèvent
de l'ordre juridique et y trouvent leur justification. Le droit
constitue ici Y ultima ratio de chacune des agences et, par
extension, du fait qu'on les envisage comme un système.
Chacune des agences est fondée directement par et dans le
droit, produit de la nécessité pour l'État de perpétuer l'ordre
et de réprimer le crime. À ce titre, les agences peuvent être
considérées comme les parties essentielles d'un tout qui leur
donne leur cohérence.
Le second ordre de cohérence est de nature processuelle.
Il se réfère à la prise en charge des individus sur le plan pénal.
La cohérence ici se situe dans la logique de l'itinéraire que doit
suivre le citoyen qui est appréhendé. Le parcours à travers les
agences se déroule selon un ordre prévu et est régi par des
règles procédurales qui en déterminent la mécanique générale.
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POLITIQUE/N- 20
C'est ainsi que la sentence suit te procès au lieu de le précéder. Mais cela n'implique nullement que tous les individus
sont traités de la même manière au cours de ce processus
partiellement réglé5. Ce n'est donc pas de la nature ou des
déterminants de la prise en charge dont il est question, mais
plutôt de leur ordre, de leur organisation séquentielle, qui
suppose une cohérence minimale entre les différentes agences. C'est donc à l'intérieur de ces deux ordres, juridique et
processuel, qu'il est possible de concevoir le domaine pénal
comme un système.
La cohérence interne, prémisse de cette reconstruction,
est trop souvent étendue à des niveaux où elle n'existe pas.
C'est là que se situe le problème. En effet, on suppose qu'il
y a une cohérence (des principes) politique dont la logique
serait partagée par l'ensemble des instances concernées :
tribunaux, police, instances de gestion des peines. On .aurait
affaire à un fonctionnement exclusivement «top-down»
(Matthews, 1987), selon lequel les changements seraient la
résultante de décisions prises aux niveaux supérieurs. Cette
conception extrêmement centralisatrice et réactive du
fonctionnement de l'appareil pénal ne correspond pas du tout
à son fonctionnement réel (Lascoumes, 1989 a). Par exemple, autant au Québec qu'au Canada, des énoncés de politique
définissent de nouveaux principes d'orientation en ce qui a
trait à la réduction de l'utilisation du système pénal, à l'accroissement de la sélectivité des individus visés et à la
diminution des peines. Malgré le caractère explicite et
concordant de ces intentions politiques, aucune observation
empirique ne permet de confirmer une réduction marquée, à
l'un ou l'autre titre, de l'utilisation du système pénal durant
cette période.
5. Certaines trajectoires spécifiques susceptibles d'être affectées par
différentes caractéristiques des justiciables — le sexe, la classe sociale ou
l'origine ethnique, pour ne nommer que les plus évidentes — ou contextuelles. Cette cohérence processuelle ne peut être assimilée en aucune façon à
un traitement égalitaire des individus qui s'y trouvent. Voir entre autres Pires
et Landreville, 1985, qui identifient au moins cinq facettes de l'inégalité
juridico-pénale (p. 108-110).
Ouchastel et l a b e r g e / C O N T R Ô L E S O C I A L
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Quant à l'hypothèse d'une cohérence de nature bureaucratique, elle nous semble également inappropriée. Puisque la
prise en charge pénale des individus correspond à des
parcours relativement prévisibles à l'intérieur de chacune des
instances et d'une instance à l'autre, les agences qui composent le système pénal devraient avoir une certaine cohérence
bureaucratique commune. La logique bureaucratique se
superposerait, en quelque sorte, à la cohérence processuelle.
Il n'en est pourtant pas ainsi. En voici les raisons.
D'une part, chaque agence s'inscrit avant tout dans une
logique d'intérêts, d'obligations et de contraintes qui lui est
propre. Par ailleurs, si la dimension pénale de leurs activités
nous incite à voir les agences dans leur ensemble comme un
système, cette dimension ne rend pas compte de toutes leurs
activités. Nous pensons ici principalement aux modalités
complexes de régulation relevant de la police et des tribunaux,
lesquelles dépassent la stricte gestion de la pénalité. Par
exemple, bien que dans nos perceptions le rôle de la police
soit de lutter contre la criminalité, il est bien plus de maintenir
l'ordre — circulation routière, paix sociale, secours aux
personnes dans le besoin, etc. De la même façon, la fonction
pénale n'est qu'une des attributions des tribunaux, et la
division des juridictions témoigne de la diversité de ses
sphères d'intervention. L'activité judiciaire ne peut donc être
réduite à la seule activité pénale.
D'autre part, le parcours des différentes étapes de la prise
en charge pénale montre les contradictions profondes qui
existent entre les diverses agences et ne correspond pas
nécessairement aux règles énoncées. Par exemple, les
tribunaux, en vertu de leur autonomie relative, émettent une
somme de sentences qui dépasse de beaucoup les capacités
d'accueil des centres de détention, d'où la surpopulation des
institutions carcérales, qui nécessite le recours à différentes
stratégies ponctuelles. Entré autres, il faut trouver des
moyens de remettre en liberté des incarcérés avant la fin de
leur sentence. La surpopulation des institutions carcérales ne
se manifeste pas seulement au Québec et au Canada, mais
elle semble affecter presque tous les pays occidentaux (à
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POLITIQUE/^ 20
l'exception peut-être des pays dont les politiques pénales sont
plus douces, tels que la Hollande et les pays Scandinaves)0.
Modalités d'intervention étatique
La seconde source de confusion qui peut gêner l'analyse
des transformations actuelles du système pénal provient de ce
que l'intervention étatique est pensée globalement (Brodeur,
1988; Laberge, 1988 a). Puisque les formes particulières
d'articulation entre l'État et l'appareil pénal sont univoques et
non complexes, il devient difficile d'en identifier les transformations. En analysant les transformations étatiques, on s'en
tiendra alors à des catégories binaires : présence/absence,
privé/public, volontaire/coercitif, etc. Les représentations
habituelles du développement du système pénal ont associé,
de manière trop exclusive, le développement de l'État moderne et celui du système pénal. En conséquence, elles ont
contribué à masquer la complexité de la construction progressive de cette imbrication entre l'État — dans les sociétés
capitalistes avancées — et les formes les plus dures du
contrôle social exercées par les agences pénales.
Dans le domaine qui nous intéresse, l'État contemporain
intervient selon des modalités distinctes et spécifiques. Il
nous semble d'ailleurs que des clarifications à ce sujet
devraient permettre de résoudre un certain nombre de
contradictions apparentes dans les résultats des recherches
effectuées au cours des dernières années. Certaines de ces
recherches partent de la prémisse d'un accroissement, d'une
diversification et d'une diffusion du contrôle social, alors que
d'autres supposent le mouvement inverse, c'est-à-dire le
retrait de l'État, par l'abandon de quelques domaines d'intervention.
6. Voir entre autres la section «débat» de la revue Déviance et société
consacrée à ce phénomène, 1988, vol. XII, n° 3.
Duchastel et Laberge/CONTRÔLE S O C I A L
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Nous ramènerons à cinq modalités distinctes les interventions de l'État dans le domaine de la gestion sociale7 : la
production législative et réglementaire, le financement, la
coordination des activités des agences, leur supervision et la
gestion directe.
La production législative et réglementaire correspond aux
activités servant à déterminer des obligations ou des prohibitions qui concernent les activités des individus, des groupes
ou des organisations. Les énoncés sont assortis de sanctions
qu'entraîne leur violation. La réglementation crée aussi les
conditions de sa propre mise en œuvre, c'est-à-dire qu'on y
prévoit les modalités de son application par la création, la
définition, la réorganisation et, parfois même, l'abolition
d'agences (au sens d'instances) administratives.
Le financement est probablement l'activité la plus facile à
saisir. Nous regroupons sous cette rubrique toute forme de
déboursés assumés par l'État, et permettant l'instauration ou
l'exercice d'activités. Au financement des services directement sous juridiction gouvernementale, on peut ajouter le
transfert direct par contrats de service ou subventions, les
avantages fiscaux pour les entrepreneurs, et les programmes
particuliers de subsides aux entreprises8.
La coordination des activités dévolues aux agences est
une tâche étatique essentielle qui assure la cohérence
processuelle dont il a été question. Si, habituellement,
l'autorité exclusive de chaque agence ou instance administrative est fixée de façon réglementaire, sa délimitation reste
insuffisante pour que les citoyens soient dirigés efficacement
dans le réseau des services. L'État doit donc développer des
mécanismes de coordination particuliers.
7. Le concept de gestion sociale doit être distingué de celui de contrôle
social de deux manières. D'abord, il renvoie à une réalité plus large (la
reproduction sociale) et ne concerne pas exclusivement les situations ou
groupes marginaux. Ensuite, il désigne plus spécifiquement les dispositifs de
mise en œuvre de la reproduction sociale et, plus précisément ici, du contrôle
social.
8. Voir Warren, 1 9 8 1 , sur les formes diverses de financement pouvant
être mises en œuvre après la privatisation.
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POLITIQUE/N' 20
La supervision des activités des agences, en tant qu'intervention spécifique de l'État, n'est pas toujours évidente parce
que souvent les fonctions de gestion directe (5* modalité) et
de supervision sont concomitantes. Depuis la dissociation
récente entre la gestion des clientèles et la mise en œuvre
générale des politiques, il est possible de reconnaître plus
clairement l'importance de la supervision. Par ce biais, l'on
s'assure que la réglementation ou certains aspects de celle-ci
sont respectés de façon minimale.
L'intervention étatique se manifeste enfin sous forme de
gestion directe, c'est-à-dire de prise en charge effective des
individus par les agences étatiques. Au sens strict, c'est
l'État-entrepreneur, l'État-intervenant dont il est ici question.
Dans le domaine pénal, l'État a mobilisé la quasi-totalité des
activités d'intervention directe et de prise en charge. La
fusion n'est pas aussi marquée dans d'autres secteurs de la
gestion sociale.
Pour chacune des agences ou, de façon plus large, pour
chacun des types d'activités composant le système pénal,
l'une ou l'autre des dimensions ci-dessus sera plus ou moins
pertinente. En effet, seule la production légale et réglementaire appartient entièrement à l'État dans le domaine qui nous
intéresse. Celui-ci intervient toujours sur la base d'une
réglementation prise au sens large. En revanche, les autres
modes d'intervention possibles, de forme variable, sont
toujours présents, puisqu'il est difficile d'imaginer qu'aucune
modalité ne mette en œuvre l'acte législatif. Comme l'a
clairement montré Gurvitch (1940), la règle juridique produit
des effets symboliques en dehors de sa mise en œuvre
effective. Une loi peut avoir des effets sans qu'aucune
modalité ne soit prévue pour son application, mais son impact
est alors restreint. Il est difficile de concevoir qu'elle ait un
pouvoir de structuration ou de normalisation si elle ne donne
lieu à une application même partielle et incomplète9.
9. Il ne s'agit pas de prétendre ici à une cohérence parfaite ou même
importante entre le droit «fictif» et le droit en œuvre. Mais il faut au
minimum qu'existe une certitude quant à la potentialité du second pour
qu'agisse le premier.
Duchastel et Laberge/CONTRÔLE S O C I A L
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L'analyse des mouvements que subit le fonctionnement
des différentes agences chargées du contrôle social, et plus
spécifiquement le fonctionnement du sytème pénal, se heurte
toujours à un problème épineux. Comme l'a fait remarquer si
justement Matthews (1987), l'État se trouvant au cœur même
des pratiques de contrôle, il est facile d'interpréter les
transformations importantes qui le concernent comme source
de toute transformation dans les modes de contrôle social.
Un tel glissement permet de faire l'économie d'analyses
spécifiques et de transposer automatiquement toute transformation globale de l'État au niveau d'activités partielles comme
les pratiques de contrôle social. De façon bien élémentaire,
il faut essayer de distinguer deux opérations : l'identification
des transformations et les explications concernant la source
de ces transformations.
Dans les pages qui suivent, nous essaierons d'identifier
parmi les modifications apportées aux pratiques celles qui
nous apparaissent comme des signes de transformation
véritable et non comme de simples ajustements fonctionnels.
Nous distinguerons les pratiques d'ordre discursif (énoncés de
politiques, thématiques de débats, propositions d'orientation)
et les pratiques effectives. Il est essentiel de faire la différence entre les transformations discursives et les transformations concrètes quand le système n'a pas de cohérence
politique, autrement dit quand il n'y a pas de concordance
directe ou univoque entre des énoncés d'intention et leur
mise en œuvre.
2. Transformations des pratiques discursives :
les thèmes importants
Les thèmes que nous présentons renvoient aux principaux
enjeux mis de l'avant depuis une quinzaine d'années dans le
domaine de l'analyse du contrôle social par l'État et, plus
spécifiquement, des procédures pénales. Cette thématique
parcourt l'ensemble des sources discursives et caractérise
aussi bien les énoncés d'intention politique et les productions
gouvernementales que les analyses provenant des milieux
scientifiques ou des milieux d'intervention. Par ailleurs, ces
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POLITIQUE/N* 20
thèmes ne s'articulent pas spécifiquement ou exclusivement
à un projet social, à une position politique ou à un modèle
interprétatif particulier, mais couvrent, sous une forme ou une
autre, l'éventail des modèles d'interprétation ou des options
sociopolitiques. Nous avons retenu trois axes thématiques
distincts : communauté et responsabilisation; privatisation,
économie et efficacité; technologie, surveillance et sécurité.
Communauté et responsabilisation
Depuis une quinzaine d'années déjà, les idées de communauté et de responsabilité individuelle ou collective émergent
dans les projets politiques et dans les analyses scientifiques.
L'aspect intéressant est que ces idées sont une remise en
question de l'identité des responsables de l'intervention. En
effet, le XX* siècle a été marqué par l'accroissement constant
de l'intervention directe de l'État dans les différents secteurs
du contrôle social. Par l'intermédiaire des agences étatiques,
l'État s'est graduellement érigé en titulaire de l'intervention
dans une multitude de situations sociales ou individuelles.
C'est pourquoi l'échec des projets réformistes ou novateurs
au cours des années 70 a été attribué à une trop grande
emprise de l'État. Cela explique l'apparition, dans les nouveaux projets, d'un principe de substitution ou d'atténuation
de la place qu'il occupe.
L'importance de plus en plus grande que revêtent dans les
discours politiques et scientifiques les notions de communauté, de responsabilité individuelle ou de responsabilité familiale
constitue un pôle d'opposition aux formes étatiques d'intervention. Elles se présentent comme un modèle possible et
informel — c'est-à-dire dont les modalités ne sont pas
définies — de substitution à l'État. Ce modèle, basé sur des
représentations sociales extrêmement puissantes, suscite des
émotions à la fois positives et floues (Cohen, 1987; Laberge,
19883,6).
Par ailleurs, il est certain que les notions de responsabilité
individuelle ou familiale et de communauté peuvent s'inscrire
dans des projets politiques très différents. Leur prédominance
dans les débats des dernières années vient probablement du
fait qu'elles sont polysémiques et que chacun peut y projeter
Duchastel et Laberge/CONTRÔLE S O C I A L
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ce qu'il veut. La mise de l'avant de l'idée de communauté
s'appuie en effet sur des plans d'analyse très différents, dont
les plus évidents se retrouvent dans les couples d'oppositions
suivants : local/centralisé;
personnalisé/bureaucratique;
informel/formel; souple/rigide; mais, aussi, modération/abus
de service; autonomie/dépendance. D'autre part, la présentation des thématiques de communauté et de responsabilité a
rarement dépassé le stade du slogan ou de l'idée intéressante.
Ainsi, la notion même de communauté n'est pas construite de
manière élaborée ou explicite dans les projets proposés10.
Ce qui a permis qu'elle soit utilisée de diverses façons et lui
a évité des remises en question.
Privatisation, économie, efficacité
Le second axe thématique, vu comme une source de
transformation sociale, concerne principalement le financement des interventions et leur caractère plus ou moins
performant. Il renvoie aux notions de privatisation, d'économie, de saine gestion et d'efficacité. L'émergence de ces
préoccupations coïncide avec la crise fiscale que connaissent
la plupart des gouvernements des pays occidentaux. Remontée du néo-libéralisme, rationalisation budgétaire des dépenses
publiques, déréglementation, voilà autant de tendances qui
ont touché aussi les activités de contrôle social. Il ne s'agit
pas de déterminer si cette crise est une source de transformations ou si celles-ci ne constituent qu'une des manifestations
de la crise. Disons que dans le contexte de l'époque, encore
actuel à beaucoup d'égards, les discours sur l'efficacité ou les
vertus de l'entreprise privée ont marqué l'examen de toutes
les questions sociales.
Cette thématique, tout autant que la première, a suscité
beaucoup de débats sans pour autant évoquer chez tous des
10. Le meilleur exemple de cette absence de construction concerne le
domaine de la désinstitutionnalisation psychiatrique qui est en œuvre depuis
de très nombreuses années en Amérique du Nord. Il est impossible de
trouver des projets sérieux de définition de ce qu'est la communauté qui
apparaît, par défaut, comme étant tout lieu autre que l'hôpital psychiatrique
(Laberge, 19886; Lefebvre, 1985, 1987).
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POLITIQUE/N- 20
images toujours positives11. Nous croyons que c'est autour
de ces questions que le pénal se distingue de façon claire des
autres formes de contrôle social étatique. Si les personnes
qui sont l'objet d'une intervention pénale sont représentées
couramment comme les moins méritoires — d'autant moins
méritoires qu'on les compare à d'autres groupes nécessitant
un soutien public : les personnes âgées, les malades, les
personnes handicapées, etc. —, ce sont paradoxalement les
agences pénales qui sont les moins menacées par les coupures budgétaires. Il y a rupture totale entre l'idéologie du
mérite, du besoin et les investissements effectifs. La priorité
est donnée aux prétendues nécessités de l'ordre social.
Comme le faisait remarquer Brodeur (1988), le domaine du
privé ne peut se réduire à une définition simple où se confondent sphère privée et entreprise privée. Ainsi, la privatisation12 suppose-t-elle, dans son sens premier, le transfert de
responsabilités de certaines agences étatiques à des instances
non étatiques dont le statut peut être par ailleurs diversifié.
Quelques cas viennent immédiatement à l'esprit : des entreprises poursuivant des buts lucratifs, des organismes sans but
lucratif, des individus rémunérés ou non rémunérés.
À cette première source de diversification, c'est-à-dire
l'identité des nouveaux responsables de l'intervention, s'en
ajoute une seconde qui concerne la nature du passage dont
1 1 . On peut, par spéculation, voir les projets de privatisation comme
servant surtout des fins idéologiques qui s'adressent soit aux bénéficiaires,
soit au personnel de ces agences. La privatisation se présentant souvent
sous forme de coupures de postes ou de services, la menace de son
instauration éventuelle sert ainsi d'incitatif puissant à la pratique de
comportements d'autorestriction. On demandera moins de services, on en
demandera moins souvent, ou alors on tentera d'être plus efficaces ou plus
performants.
12. La privatisation renvoie implicitement à la notion d'intervention et de
responsabilité pour l'intervention.
Bien que nous n'en débattions pas
explicitement ici, l'intervention dans le domaine pénal s'arrime nécessairement au cadre juridique qui la fonde. Là aussi des mouvements importants
se font sentir, qui ne sont pas sans rapport avec certaines formes de
privatisation. Pour une clarification de ces questions, voir M. Van de
Kerchove, «Les différentes formes de baisse de la pression juridique et leurs
principaux enjeux».
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79
nous avons parlé. Encore une fois, on a trop souvent tendance à réduire l'idée de privatisation à sa manifestation la
plus patente, qui est le transfert pur et simple des responsabilités du secteur public au secteur privé. Pourtant, divers cas
s'inscrivent sous cette rubrique. La mise en place, par
exemple, de nouvelles activités qui sont confiées à des
instances non étatiques et l'expansion des responsabilités
confiées aux instances privées sont d'autres changements qui
très souvent décrivent beaucoup plus adéquatement les
mouvements de transformation.
Pourtant, tous ces débats, la volonté de certains groupes
de tenter des expériences, les incitations à une rationalisation
des dépenses publiques dans ce domaine («la justice coûte
cher»), ne peuvent faire l'objet d'un consensus prima facie,
parce qu'ils sont indissociables de conceptions beaucoup plus
fondamentales liées à l'exercice du droit et à l'obligation de
punir. La renonciation à certains privilèges qu'implique l'idée
de contrat social se fait au profit d'un État garant d'égalité et
de modération. Ainsi, l'exercice de la capacité de punir et de
réprimer ne peut être soumis aux lois du marché sans altérer
fondamentalement la nature des liens symboliques qui créent
à la fois l'État et la société civile.
Technologie, surveillance, sécurité
Le troisième thème touche à la sécurité, au contrôle et à
l'impact des techniques. Ces aspects intimement liés aux
précédents reflètent clairement les tensions traditionnelles
entre les nécessités de l'ordre et le respect des droits individuels. Cette opposition s'est complexifiée avec le développement et l'utilisation accrue des nouvelles techniques de
surveillance. L'accroissement de la sécurité13 semble se
faire sans douleur et ne pas entraîner un usage plus grand de
mesures explicitement répressives.
13. Dans une large mesure, on peut se demander s'il ne s'agit pas avant
tout du sentiment de sécurité, qui serait en croissance, plutôt que de la
sécurité réelle, cette dernière pouvant d'ailleurs être définie de multiples
façons potentiellement contradictoires.
80
POLITIQUE/N" 20
Cette situation a tout de même de nombreuses conséquences. En premier lieu, elle permet à la transgression des
droits individuels de se faire sous des modes indirects, non
violents et même invisibles. La question qui devrait alors se
poser de façon aiguë est de savoir si, par le biais de ces
nouvelles stratégies de surveillance et de contrôle, l'on
substitue vraiment des moyens moins sévères à d'autres plus
sévères pour arriver aux mêmes fins. En second lieu, cette
question fait surgir des problèmes moraux très difficiles à
résoudre : Quel prix devrait-on payer pour éviter à certains
individus des mesures extrêmement répressives? Qui devrait
faire ce choix? Si l'usage de nouvelles méthodes de surveillance et la multiplication des stratégies dites préventives
semblent poser des problèmes éthiques à la société, plusieurs
en vantent l'efficacité. En effet, l'usage des techniques de
surveillance s'inscrit directement dans la logique d'efficacité
et d'économie dont plusieurs se font les défenseurs acharnés.
Du point de vue de nombreux gestionnaires, c'est par ce biais
que l'on pourra faire, à moindres coûts, des opérations aussi
et même plus efficaces.
Modèles idéals de transformation
Les trois axes thématiques abordés ci-dessus signalent des
transformations importantes des enjeux, projets et représentations dans le domaine pénal. Si, comme nous le disions
précédemment, aucun projet social, aucune position politique,
aucun modèle interprétatif ne peuvent prétendre monopoliser
ces thèmes ou les articuler de manière très explicite, il est
possible d'identifier des modèles idéals qui trouvent certains
échos dans la société. La conjonction de ces thèmes donne
naissance, en effet, à des modèles généraux de transformation, dont on ne sait souvent plus très bien quelle portion est
prospective et quelle portion est déjà en œuvre.
Modèle conservateur-libertaire
Ce modèle met l'accent sur la responsabilité individuelle
ou familiale et sur la nécessité pour l'État de se retirer de la
Duchastel et Laberge/CONTRÔLE S O C I A L
81
quasi-totalité des activités de gestion directe, du moins dans
le domaine correctionnel : la gestion des prisons par des
entreprises privées et l'autofinancement des prisonniers;
l'usage de nouvelles techniques pour surveiller certaines
catégories de condamnés ou les personnes sous libération
conditionnelle — à la fois sur la base de leur efficacité totale
et de leurs coûts minimes (Landreville, 1987) — ; et l'utilisation accrue de forces de sécurité privées. L'État est conçu
avant tout comme le garant de l'ordre et de la sécurité. Les
citoyens quant à eux doivent assumer leurs responsabilités.
Modèle réformiste-écologiste
Ce second modèle suppose une transformation des formes
d'intervention les plus dures, un usage plus discret de
l'appareil pénal, le recours à des mesures communautaires,
une décentralisation des lieux d'exercice du pouvoir, une
limitation de l'intervention aux cas les plus graves et donc un
accroissement de l'efficacité des pratiques de contrôle. Ici, la
nécessité de l'intervention étatique n'est pas véritablement
remise en cause; ce sont plutôt les formes ou les modalités
de l'intervention qui sont critiquées. On fait une place
importante à l'idée de partenariat — pas toujours sous ce
vocable — au moyen d'une coordination plus étroite des
activités entre des regroupements communautaires.
Modèle radical-critique
Un troisième modèle interprète les récents développements comme des signes d'extension du contrôle social, entre
autres par l'ajout de nouvelles mesures souvent plus douces
(«widening of the net») et par l'usage accru de techniques de
surveillance. Le modèle radical-critique présente une société
dans laquelle le nombre des individus qui font l'objet de
contrôle immédiat va en s'accroissant grâce à des mesures
toujours plus nombreuses et plus subtiles de surveillance ou
de prise en charge. Selon cette hypothèse, la mise en place
82
POLITIQUE/M' 20
de mesures alternatives14 n'a pas un caractère substitutif
mais plutôt additif. Il n'y aurait donc pas de façon de contrer
l'envahissement progressif de l'État.
L'examen des transformations discursives permet donc de
voir les enjeux, les ruptures, les contradictions que contiennent plus ou moins explicitement les projets sociaux. D'autre
part, ces débats, et les modèles auxquels ils renvoient,
«déteignent» nécessairement sur les pratiques effectives — et
ce, en dehors de toute transformation matérielle de ces
modalités d'intervention. Les transformations discursives
altèrent nécessairement le sens que l'on donne à des opérations inchangées puisqu'elles les insèrent dans des projets
sociaux différents.
3. Transformations des
activités de contrôle social
Peut-on déceler des transformations matérielles dans les
activités de gestion? Il ne s'agit pas ici de déterminer s'il y a
moins d'État, ou plus d'État, mais d'identifier des tendances
plus générales à partir de certaines transformations effectives
qui semblent en voie de s'opérer.
On peut ramener à quelques questions simples les enjeux
relatifs à l'exercice et aux transformations des formes de
contrôle social : sur qui s'exercent les modalités particulières
de contrôle? Comment ces cibles sont-elles identifiées? Qui
assume la responsabilité du contrôle? Quelles formes spécifiques prend cette responsabilité? Bien que ces questions ne
soient pas entièrement indépendantes les unes des autres,
nous limiterons notre examen aux transformations liées de
façon plus particulière à deux d'entre elles, la première portant
sur les formes de responsabilité qui échoient aux diverses
modalités de contrôle et la seconde sur les modes d'alimentation du système pénal.
14. Mesures à caractère communautaire plutôt qu'institutionnel,
stratégies de «diversion», mesures de substitution, par exemple.
Duchastel et Laberge/CONTRÔLE S O C I A L
83
Bénévolat
La crise fiscale a donné lieu à certaines tentatives de
rationalisation de l'intervention étatique dans le domaine du
contrôle social. Les agences dont la fonction était principalement ou exclusivement d'agir auprès des administrés (d'effectuer le contrôle social, en quelque sorte) ont été, nous
semble-t-il, les administrations les plus touchées par les
mesures d'économie. Bien entendu, selon leur pouvoir relatif
et leur capacité différente de mobilisation, ces agences n'ont
pas toutes été affectées de la même façon par les coupures.
La rationalisation budgétaire a conduit l'État soit à cesser
son intervention, soit à la déplacer, ou encore à en transférer
la responsabilité matérielle. De cette manière, la réforme peut
recevoir l'appui de différents groupes politiques. En obéissant
au principe de la responsabilité individuelle (ou à la responsabilité de petites unités sociales : famille, école, quartier, etc.),
elle satisfait les tenants du néo-libéralisme. Du même coup,
l'importance qu'elle accorde à la communauté et aux groupes
d'entraide de même que le transfert des responsabilités à des
unités moins larges contentent les critiques de l'intervention
étatique, qui lui reprochent d'être inappropriée, bureaucratique
et inhumaine.
À cet égard, le déplacement des responsabilités reliées à
certains types d'intervention directe (essentiellement la
responsabilité de la prise en charge) a eu l'immense avantage
de réconcilier idéologiquement des groupes divergents sur le
plan politique.
Néanmoins, il faut dépasser le contenu discursif et
examiner les limites de ces pratiques de déplacement et
certains de leurs effets concrets. En ce qui a trait à l'implication de la communauté dans les interventions de contrôle
social, il semble qu'elle atteint surtout des pratiques touchant
les groupes sociaux les moins menaçants ou les plus faibles.
Dans le domaine pénal, c'est au niveau de la gestion des
sentences que s'opère le mouvement de déplacement. Quant
au maintien de certaines activités ou à l'instauration de
nouvelles formes d'intervention, cela ne se fait plus exclusivement par la création de nouvelles agences étatiques
84
POLITIQUE/N' 20
(État-intervenant). On observe plutôt un double mouvement
qui s'inscrit directement dans la logique de la bienfaisance :
obtention de services non rémunérés ou accroissement des
services sans augmentation de salaire.
D'une part, l'accent est mis sur l'utilisation de plus en plus
marquée du travail non rémunéré, qui se substitue au travail
assumé par des agences étatiques ou qui accroît le volume de
travail de ces mêmes agences. Par exemple, les nouvelles
condamnations à des travaux communautaires impliquent
l'accueil des personnes condamnées et la supervision de leurs
travaux. L'encadrement, la supervision et le contrôle sont
alors assumés, dans le cadre de contacts directs, par les
membres des entreprises, institutions ou regroupements qui
acceptent gratuitement de s'occuper des personnes condamnées. À ce titre, on peut donc supposer que les formes de
contrôle n'ont pas disparu, comme certains ont pu le croire,
ou que le contrôle s'est accru, comme d'autres le prétendent.
C'est plutôt une substitution des gestionnaires du contrôle qui
s'est produite.
D'autre part, le fonctionnement des groupes bénévoles ou
sans but lucratif — dont le nombre va croissant dans la
gestion pénale — est de plus en plus soumis à des contraintes
relatives à leurs modes d'intervention (forme, fréquence) de
même qu'au type et au nombre de leurs clients et clientes. La
soumission à ces contraintes devient même une condition
pour obtenir le financement nécessaire à la poursuite de leurs
activités. Résultat : ces organisations bénévoles sont obligées
d'assumer des tâches plus nombreuses ou plus difficiles dans
un contexte plus réglementé et bureaucratique, tout en étant
soumis aux mêmes normes de performance et sans que les
ressources financières soient ajustées (parfois même elle sont
réduites).
On constate donc que les transformations apportées à
l'intervention étatique ne peuvent être décrites exclusivement
comme des mesures de retrait ou d'accroissement. Elles se
présentent aussi comme des formes spécifiques d'activités.
Par exemple, on observe actuellement un accroissement de la
supervision des activités d'intervention, le maintien ou la
Duchastel et Laberge/CONTRÔLE S O C I A L
85
diminution de l'intervention directe et la transformation des
agences subventionnées.
En résumé, le déplacement des responsabilités s'opère
dans deux sens : vers les individus ou les familles qui prennent en charge la totalité ou une partie importante des
interventions (soins, surveillance, etc.); vers des groupes dont
le travail est totalement ou partiellement bénévole.
Délation
La nécessité de réduire, ou du moins de ne pas augmenter, certaines fractions de l'appareil étatique, couplée à
l'idéologie de la responsabilité collective, a permis de développer ou de cautionner certaines formes de rapports entre les
agences de contrôle social et les administrés.
L'application de tout règlement nécessite la mise en place
des mécanismes de signalement des dérogations et de renvoi
des cas vers les instances de supervision. Comme il est
difficile de développer les agences de repérage, il faut
instaurer d'autres moyens d'identifier les situations répressives qui intéressent les agences. Par ailleurs, les tâches de
surveillance accomplies bénévolement, surtout dans le
domaine pénal, créent en elles-mêmes de nouvelles situations
qui devraient être réprimées.
C'est ainsi que dans le domaine de la gestion des affaires
pénales se développent ou se renforcent les mécanismes de
signalement et de dénonciation.
On peut ramener ces
mécanismes à deux catégories : les interventions des citoyens 15
et l'utilisation de délateurs techniques. Dans le premier cas,
on se retrouve devant un éventail élargi de situations que les
citoyens sont tenus légalement de dénoncer parce qu'elles
relèvent en principe de la juridiction des agences pénales. Il
y a obligation de signaler et donc de déférer à des instances
15. Nous ne considérons pas spécifiquement ici le problème des
délateurs, informateurs de police, agents provocateurs qui constituent,
comme le dit Brodeur, 1988, «l'entreprise privée individuelle» (p. 186). Cette
question est beaucoup trop complexe pour que nous l'abordions ici, et nous
renvoyons les lecteurs aux ouvrages de cet auteur.
86
POLITIQUE/^ 20
judiciaires des situations ou des personnes que l'on présume
devoir être réprimées. Si l'on fait exception de cas aussi
évidents que l'obligation de prêter assistance à une personne
en danger de mort, on reporte sur l'ensemble de la société
l'épineux problème de déterminer ce qui constitue véritablement un objet de soupçon. Comment concilier cette tendance
avec le respect élémentaire de la vie privée de chacun et
chacune? Bien entendu, ces incitations à la dénonciation —
lesquelles ne sont nullement soumises aux règles de responsabilité personnelle et administrative (accountability) que l'on
peut espérer de la part d'instances officielles — sont cautionnées par l'idéologie de la responsabilité individuelle.
Par ailleurs, les discours sur la rationalisation budgétaire,
sur l'efficacité et sur la performance des systèmes entraînent
une utilisation maximale des nouvelles techniques de surveillance et de dépistage. L'utilisation de bracelets électroniques
pour la surveillance permanente des personnes condamnées
ou sous observation judiciaire est une des propositions les
plus disputées actuellement dans le domaine pénal10. L'usage, par les employeurs, de détecteurs de mensonges, de tests
d'urine (dosage de drogue ou d'alcool) s'inscrivent aussi dans
cette optique de surveillance et de dénonciation. Enfin, la
standardisation et la jonction des différentes banques de
données alimentées par les agences étatiques (Justice, Santé,
Assurance-chômage, Bien-être social, etc.) vont permettre
non seulement d'identifier les personnes ayant des comportements légalement répréhensibles, mais pourront éventuellement donner lieu à la surveillance accrue de personnes ou de
groupes qui, du point de vue des agences de surveillance,
présentent supposément des facteurs de risque plus élevés.
D'ailleurs, ce genre d'informations constitue la matière
première d'agences de renseignements privées, très lucratives, et dont les services sont utilisés par les entreprises, les
futurs employeurs ou quiconque souhaite en savoir davantage
sur son voisin.
16. Pour un tour d'horizon de la situation à propos de cette question et
un examen des problèmes posés par l'usage des bracelets électroniques, voir
Landreville. 1987.
Duchastel et Laberge/CONTRÔLE S O C I A L
87
Les pratiques de surveillance et de délation ne peuvent à
long terme qu'altérer la nature des rapports interindividuels et
des rapports sociaux. Cette altération est entretenue par le
vide juridique dont ces pratiques sont l'objet. Ainsi, pour
l'instant, on n'entrevoit pas les formes légalement acceptables
qui pourraient encadrer de telles pratiques, pas plus qu'on ne
prévoit les sanctions pour leur usage abusif ou malicieux.
Conclusion
L'évaluation des transformations que l'on observe dans les
formes et modalités de contrôle social pose des problèmes
complexes. La première difficulté est d'établir des distinctions
entre transformations discursives et transformations matérielles. Si les changements discursifs au niveau des politiques ou
des analyses relatives au système pénal méritent attention,
elles ne prouvent pas pour autant que des changements
concrets ont été apportés dans la pratique.
Bien qu'une telle distinction puisse être fondée pour tous
les objets d'analyse sociologique ou politique, elle devient
fondamentale dans le champ pénal en raison de l'incohérence
bureaucratique et politique qui le caractérise. S'il y a parfois
équivalence entre les transformations discursives et les
changements concrets, il est fréquent que leur rapport en soit
un de dissociation ou de dissonance. Dans certains cas, les
premières n'indiquent que des orientations ou des possibilités
sans déclencher de modifications effectives. Les seconds,
même les plus visibles, ne sont pas toujours issus de discours
explicites.
Les débats et les analyses sur la privatisation, qui ont
occupé l'avant-scène depuis quelques années, constituent une
excellente illustration du problème de dissonance. Ils permettent également de saisir la complexité des formes d'intervention étatique, même dans un domaine comme celui du pénal
qui relève de la compétence exclusive de l'État. Ainsi, les
tenants de la privatisation ont largement fait valoir les
économies potentielles que le retrait des administrations
publiques ferait faire aux contribuables. Or, le retrait de
l'administration directe ne signifie pas pour autant la fin du
88
POLITIQUE/N- 20
financement par l'État. On substitue souvent une entreprise
à l'État administrateur sans pour autant qu'il y ait cessation
du transfert de fonds.
De plus, la privatisation de certaines activités pénales ne
peut être ramenée à une simple question de finances. En
effet, le transfert à des instances privées — plus ou moins
organisées, avec ou sans but lucratif, bénévoles ou rémunérées — va provoquer le morcellement et la multiplication des
agences de prise en charge. En conséquence, il nous semble
que ces activités étatiques de coordination qui devront faire
l'objet d'un financement croîtront au cours des prochaines
années. Le contrôle des activités des groupes, organisations
et agences permet d'assurer une standardisation des pratiques
et le maintien d'une certaine cohérence dans l'orientation de
ces pratiques17.
Le transfert de la responsabilité du maintien de l'ordre au
secteur privé et, donc, le désinvestissement total de l'État en
ce domaine seraient tout à fait impensables. Il s'agit là d'un
élément fondamental de la reproduction des rapports sociaux.
C'est donc sur le plan de la gestion directe que se font à
l'heure actuelle les plus grands efforts de retrait de l'État18.
Ainsi, malgré un discours qui semble prôner la décroissance,
on assiste paradoxalement à une expansion de l'appareil pénal
qui s'opère par le biais de modalités parallèles. L'ajout de
nouvelles unités de gestion ou d'intervention qui, même
largement financées par l'État, sont techniquement indépendantes et qui se situent dans des normes et des cadres définis
également par l'État permet de concilier les exigences liées à
la rationalisation des finances publiques (coûts généralement
moins élevés, statut précaire) et la nécessité de maintenir le
contrôle étatique.
17. C'est pourquoi certains groupes bénévoles préfèrent ne pas demander
de soutien financier gouvernemental pour ne pas avoir à subir le carcan
bureaucratique qui accompagne toujours l'octroi de subventions.
18. Comme le mentionne Belley, 1986, le supposé monopole étatique
relatif à la pratique juridique est largement ébranlé par les pratiques
alternatives ou parallèles qui se développent depuis maintenant plusieurs
années (voir entre autres p. 30-31).
Duchastel et Laberge/CONTRÔLE S O C I A L
89
Aussi retrouvons-nous de plus en plus aujourd'hui dans le
paysage toutes sortes d'agences ou de formes d'intervention
au statut hybride, si bien que les frontières entre le formel et
l'informel, le privé et le public, l'étatique et le communautaire
risquent de s'estomper. C'est de la définition que l'on donne
au contenu de la catégorie étatique (par opposition à toute
zone non étatique et non spécifiée) que dépend maintenant
l'évaluation des transformations apportées aux pratiques de
contrôle social : accroissement, diminution ou modification.
À plus forte raison, cette définition détermine-t-elle l'appréciation que l'on veut faire des pratiques de contrôle qui impliquent le recours à la peine, lequel n'est plus au sens strict
l'apanage exclusif de l'État.
90
POLITIQUE/N» 20
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