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2016, Journal des anthropologues
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TTR : traduction, terminologie, rédaction, 1989
Sinaï en 70 langues. (Midrach) Dans le dessin, ferme ou hésitant, de ses territoires, le discours de la traduction rencontre souvent le discours religieux. Cette convergence peut s'expliquer par un intérêt commun pour les dynamiques, contradictoires ou dialectiques, du mystère et de la révélation. Dans le vécu religieux comme dans l'acte de traduire, il semble qu'il y ait à la fois l'affirmation d'un contenu clos, caché, insaisissable, et le désir de connaître et faire connaître ce contenu. La révélation (texte spirituel ou traduction), au demeurant, n'infirme pas le mystère: un livre révélé n'en épuise pas pour autant son sens de même qu'une traduction n'est jamais définitive. Pour certains auteurs, le discours de la traduction prend même sa source dans le discours religieux. Les premières traductions naissent de livres religieux à traduire et la volonté de traduire est inhérente au prosélytisme du fait religieux. La Bible, en Occident, a ainsi pu jouer un rôle majeur en tant que creuset de langues et matrice de traductions. La King James Version ou la traduction de Luther le montrent aisément. Par ce même principe, la Bible devint naturellement source primordiale d'inspiration littéraire, poésie première. Antoine Berman, concluant son ouvrage majeur l'Epreuve de l'Étranger sur les enjeux et difficultés de l'émergence de la traductologie, évoque les résistances rencontrées par la traduction en Occident et énonce ce propos à nos yeux déconcertant: Elles semblent être originairement d'ordre religieux et culturel. À un premier niveau, elles s'ordonnent autour de / 'intraduisible comme valeur. L'essentiel d'un texte n'est pas traduisible ou, à supposer qu'il le soit,
Sur les livres dans la peinture et les livres imaginaires. La version intégrale avec illustration est disponible sur le lien suivant: http://www.gbrulotte.com/fr/articles/livresjamaislus.xhtm Le magazine Nuit blanche en a publié une version réduite et sans images, No 93(2003): 16-17. Disponible sur www.erudit.org.
Philosophiques, 1978
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Dans ces pages, l'auteur retrace, sans fard et sans emphase comme sans non-dits ni souci de plaire ou de déplaire, l’histoire de sa greffe personnelle sur le Peuple juif, hautement improbable et violemment contestée par l’une et l’autre parties (juive et chrétienne). Une confession, en quelque sorte, mais surtout une description distanciée et plus événementielle qu’introspective, pour conserver le climat de cette histoire vécue, dans laquelle ne manquent ni le pittoresque ni l’émotion, voire l’humour de situation.
Les Cahiers du CIRC [Centre interdisciplinaire de recherches en droit constitutionnel et administratif], 3, 2018
dans Xavier DELGRANGE (dir.), L’enseignement de la philosophie et l’avenir des cours «philosophiques» dans les écoles en Communauté française (Les Cahiers du CIRC [Centre interdisciplinaire de recherches en droit constitutionnel et administratif], 3), Bruxelles, Université Saint-Louis – Bruxelles, septembre 2018, p. 112-143
Lex Electronica, 2015
Cet article a d'abord fait l'objet d'une communication dans le cadre du colloque « Laïcité, obligation de neutralité de l'État et droits de la personne », Association du Barreau canadien, Division Québec, 7 novembre 2013, puis d'une conférence lors d'une journée d'études organisée par le Centre de recherche Société, Droit et Religions de l'Université de Sherbrooke (SoDRUS), le 14 mars 2014. Il faudrait réactiver cette chose délicieuse qui consiste à réfléchir sans se croire obligé d'accrocher au bout de sa pensée une opinion. Nous n'arrêtons pas d' opiner, et cela fait un bruit exaspérant. Dany Laferrière 1
Laval théologique et philosophique, 2016
Au point de départ de cette réflexion sur l’innovation religieuse, deux considérations : d’une part, il existe nécessairement de la nouveauté et de la créativité religieuses dans la mesure où les religions évoluent, s’adaptent et demeurent vivantes ; d’autre part, la jeunesse est elle-même pensée et construite comme source de nouveauté et de progrès. L’innovation religieuse se trouve conséquemment au centre du thème de recherche « jeunes et religions ». Sous forme de « notes de recherche », l’intention ici est d’identifier quelques repères permettant une problématisation de la question de l’innovation religieuse dans l’étude du rapport des jeunes aux religions. Pour ce faire, nous interrogerons les conditions d’une telle innovation, tant sur le plan empirique qu’épistémologique : de quelle innovation est-il question, qui innove et innove en regard de quoi ? Quelle épreuve épistémologique devrions-nous faire subir aux principaux concepts pour nous assurer de leur opérationnalité, de ...
Théologiques, 1998
Les cinq années d'existence de la Revue ont été l'occasion d'évaluer la réalisation de son premier objectif, l'interdisciplinarité entre la théologie et les autres sciences humaines. On sait que l'interdisciplinarité signifie plus que la juxtaposition de travaux, sur un même thème, rédigés par des spécialistes de différentes disciplines. A la Revue, elle s'est réalisée également dans des corps-à-corps, soit entre les membres du Comité de rédaction lors de la problématisation des différents numéros, soit entre les signataires des articles publiés dans le cadre des débats-midi de Théologiques, tenus après la parution des numéros. Au bilan, on a commencé à pratiquer une interdisciplinarité entre sciences humaines et théologie; on l'a encore peu pensée. Le présent numéro reprend la question, de façon originale, je crois, par le choix de ses actants et actantes et par l'option d'une démarche d'exploration.
In connection with the Paris killings (January 9 2015), this paper studies some social effects of relgious beliefs. It examines the difference between crowd ('foule') and mass ('masse'). Since the 17 th century, European religious communities have avoided crowd phenomena. It is not the case for Islam.
Dans l'histoire allemande, les vagues d'immigration juives russophones sont récurrentes 3 . Les premiers migrants juifs d'URSS arrivent en RFA à la fin des années 1980, mais ils ne représentent que 300 personnes sur les 50 000 émigrants annuels de l'Union soviétique ; accueillis comme réfugiés, ils reçoivent un permis de séjour et de nombreuses aides sociales (Harris, 1999 : 36). En 1990, les États-Unis imposent des restrictions aux immigrations et les démarches pour migrer en Israël se complexifient ; 8 500 juifs russophones arrivent alors en Allemagne de l'Ouest.
Dès le début de l'année 1990, la RDA travaille à l'accueil de juifs d'ex-Union soviétique ; elle leur permet d'entrer sur le territoire avec des visas touristiques, d'obtenir un titre de séjour pour 5 ans et de nombreuses aides sociales. La RDA vote une législation le 11 juillet 1990, qui accorde « l'asile politique aux personnes ayant quitté leur pays par crainte de persécutions raciale, religieuse, politique ou dues à leur nationalité ou leur appartenance sociale » (Bensimon, 2003 : 108-109). Ils sont à peu près 4 000 à arriver en RDA au cours de l'année 1990.
Les conditions d'accueil des juifs soviétiques étant bien meilleures en RDA qu'en RFA, cette dernière décida de donner un statut juridique précis aux juifs d'ex-Union soviétique et mena, dès le 9 janvier 1991, « une politique facilitant l'émigration et l'installation définitive de membres de la communauté juive de l'ancienne Union soviétique » (Harris, op. cit. : 29) ; c'est la loi dite du Kontingentsflüchtlingsgesetz (loi relative aux réfugiés de contingent). La politique menée au niveau de l'Allemagne réunifiée connut plusieurs étapes d'élaborations. Au début de janvier 1991, les immigrants juifs de l'ex-Union soviétique sont soumis au régime d'entrée et d'accueil des réfugiés (loi du 22 juillet 1980). Les quotas de réception correspondent aux capacités d'accueil des différents Länder du pays. Des extensions sont apportées à la loi le 30 avril 1991, et le 10 novembre 1991. À terme, elle se décline selon trois modalités principales : « a) A refugee recognized under the Refugee Quota Law is granted amnesty from deportation unless he or she violates public safety and order. b) If a Jew from the former Soviet Union recognized in the FRG visits his or her homeland or wishes to relocate to a third country, it could mean losing the residence permit. c) An important issue is the passport regulation.
[…] Jews arriving from the former Soviet Union will not be issued an international passport as stipulated by the Refugee Quota Law. This means that while they have a similar status as refugees recognized under the German Quota Law, their status is not absolute. They are to keep their old Soviet passport » (Miklis, 1994 : 73). En 1992, 100 000 dossiers avaient déjà été remplis. Les démarches sont pourtant longues. Le demandeur doit prouver son identité juive, se soumettre à un examen de candidature qui va valider ou non son émigration, et, en cas d'acceptation de sa demande, l'émigrant n'a qu'un an pour partir avant que le document n'expire (Dietz, Lebok & Polian, 2002 : 36). D'après ces auteurs, 128 000 juifs de l'ex-Union soviétique auraient ainsi immigré en Allemagne entre 1990 et 2000. Et ce chiffre aurait quasiment doublé les 12 années suivantes, 234 136 « réfugiés du contingent » puis « migrants juifs » comptabilisés entre 1991 et 2012 (Vapné, 2015 : 74). Malgré les réticences israéliennes, l'Allemagne réunifiée devint, en quelques années, le troisième pays d'accueil pour les juifs soviétiques (après Israël et les États-Unis). L'Allemagne se défend d'être un pays d'immigration 4 . Aussi l'accueil d'une population juive russophone aussi importante peut surprendre. Mais le droit d'asile, pour des populations victimes de persécutions en raison de leur religion ou de leur nationalité, fait partie intégrante de la Constitution allemande. Les juifs d'ex-Union soviétique, tombant sous le coup de cette loi, ne pouvaient donc qu'être accueillis en Allemagne. Cependant, c'est au regard de leur spécificité juive que fut créée la loi par quotas, relative aux réfugiés de contingent. Cette politique d'immigration libérale pour les juifs est une forme de reconnaissance de la responsabilité allemande face à la Shoah, et fut signifiée comme telle par le tribunal décisionnaire qui s'est réuni le 9 janvier 1991. Les membres constitutifs de ce tribunal, chancelier et ministres régionaux, ont adopté sciemment cette ligne politique pour se racheter des crimes du national-socialisme 5 et dans un souci de légitimation politique. Les juifs russophones immigrés recevaient ainsi des aides, pour le logement, l'enseignement des langues, le travail. Ils bénéficiaient également d'un accès au statut de citoyen allemand, statut généralement réservé aux descendants de familles ethniques allemandes (Axelrod, 1999). Ce dernier point marqua un tournant dans la politique allemande, permettant une arrivée massive de juifs russophones sous le statut d'immigrants et non plus de touristes (Peck, 2006 : 44).
Cette politique a eu un impact sur le choix migratoire des populations juives russophones. L'Allemagne offrait, malgré son histoire, une situation économique et sociale rassurante aux candidats à l'émigration de l'ex-Union soviétique : « Many choose to live in Germany, sometimes selecting it over Israel or the United States, because in Eastern Europe Germany is seen as a major economic powerhouse and a land of economic opportunity. Some like its proximity to Russia and its familiar European heritage and others prefere Germany because it is presumed safer and more secure than Israel. […] Germany can provide the personal and financial security Russia was lacking » (Peck, op. cit. : 42). L'histoire de l'immigration de Nicole, juive russe d'une vingtaine d'années en 2004, illustre parfaitement ces propos :
Mon père, il voulait aller en Amérique parce qu'en ces temps-là, c'était ouvert pour les juifs et c'est pour ça que nous sommes partis à Vienne sans savoir ce qui allait advenir après. C'est-à-dire qu'on avait un visa pour Israël et on est venu à Vienne, et là on a appris qu'on ne pouvait plus aller en Amérique. Il y avait beaucoup d'autres possibilités, l'Afrique du Sud, l'Australie, le Canada, mais notre famille, c'est-à-dire même ma soeur plus âgée, mes grands-parents, toute la famille était partie en Israël. On s'est dit que c'est trop loin de tout, Canada, Australie, c'est vraiment très loin. On va essayer de trouver quelque chose en Europe et du coup, il y avait des possibilités là, en Allemagne. La vie ça va ici, on a des possibilités, des avantages, alors on va essayer de se poser, de s'installer ici (notes d'entretien Nicole, 5 juillet 2004, Berlin).
Cette immigration, qui s'inscrit dans le système non-laïc allemand, ou de séparation-coopération entre instances gouvernementales et religieuses, n'est pas accueillie sans conditions de liens à la communauté juive institutionnelle d'Allemagne. En effet, les immigrants juifs doivent être affiliés à la communauté juive pour bénéficier des aides sociales de l'État, devant même, depuis 2005 6 , fournir une attestation de leur futur accueil dans une communauté juive du pays. L'Allemagne a pour objectif politique clairement affirmé, du moins dans les débuts de cette immigration, de renforcer les communautés juives sur le déclin ; « Une mission est imputée à ces étrangers : renforcer les communautés juives religieuses allemandes quasiment anéanties depuis 1933. Derrière l'accueil selon des critères ethniques, se cachait donc une injonction à avoir en Allemagne des pratiques et des modes de vie juifs. Il était attendu de ce groupe non pas tant qu'il s'assimile au groupe majoritaire en raison de sa similarité avec celui-ci, mais qu'il intègre une minorité déjà historiquement constituée composée d'"autres" assimilés à la culture allemande » (Vapné, 2015 : 76). Dans la politique allemande menée envers ces réfugiés jusqu'en 2005, la spécificité juive est peu officialisée, même si le fait de prouver sa judéïté est clairement une clause de l'immigration ; « Plus précisément, afin de pouvoir obtenir le statut de "réfugié du contingent", les candidats à l'émigration doivent pouvoir prouver aux autorités qu'ils relèvent de la catégorie ethno-nationale, introduite par l'État soviétique dans les papiers d'identité soviétiques, de juif par la nationalité (natsionalnost), et qu'ils sont d'anciens citoyens soviétiques résidant dans l'espace post-soviétique. [...] Néanmoins, il s'agit bien d'une immigration ethnique, dans la mesure où il était nécessaire que le candidat à l'immigration prouve son appartenance ethnique au groupe national juif, selon l'emploi soviétique du terme, afin d'obtenir le droit d'immigrer de manière légale en Allemagne. En conséquence, on peut considérer que la catégorie de "réfugié du contingent" a servi à masquer la nature première de cette politique migratoire − c'est-à-dire une politique destinée à accueillir, avant tout, des juifs, et non pas des réfugiés -et ce, pour accroître la population juive d'Allemagne » (Vapné, 2012). Au travers de cette immigration juive, il s'agit bien pour l'Allemagne de redonner une place et un poids à une identité confessionnelle dans son système politique pluraliste.
En 1989, à la chute du bloc de l'Est, la situation des communautés juives était assez catastrophique, notamment dans la partie Est du pays. La communauté juive de Berlin-Est comptait seulement 200 membres, celle de Leipzig 35 membres et toutes deux représentaient respectivement les deux communautés juives les plus importantes numériquement. L'immigration juive russophone fut une manne démographique salvatrice pour ces communautés vouées à la disparition, engendrant de nouvelles constructions (rénovation de la synagogue de Leipzig, construction de la synagogue de Dresde et de Chemnitz) et de nouvelles activités. L'immigration juive russophone a donc bien contribué au renouveau de la vie juive en Allemagne, objectif poursuivi par la politique mise en place par le gouvernement allemand. Cependant, cette volonté politique fut élaborée sur une image totalement erronée du juif russophone, poursuivant une sorte d'utopie de ce que deviendrait la minorité juive allemande et de l'aura qu'elle pourrait diffuser sur le pays, à l'instar des communautés juives d'avant-guerre (Vapné, 2015). Cet imaginaire politique est en réalité bien loin du profil sociologique et religieux de ces populations juives.
Le mouvement migratoire traité dans cet article est spécifiquement lié à un contexte historique et politique, générateur de caractéristiques culturelles précises. Les juifs russophones immigrés en Allemagne viennent des pays de l'ex-bloc soviétique, essentiellement la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine. Jusqu'à la chute du bloc de l'Est en 1989, ils ont vécu sous le joug communiste, c'est-àdire sous un régime politique extrêmement répressif à l'encontre des minorités religieuses. En un premier temps, sous Staline, la politique soviétique fut celle d'une « assimilation forcée » : les juifs ont été touchés par de multiples interdits d'expression et de manifestation de leur culture, afin de réduire les différents termes de leur identité.
C'est à cette période qu'est construit le statut de « juif » en tant que groupe religieux mais également groupe national ; « Depuis 1932, la mention ievrei (juif) figure sur leur passeport intérieur. En tant que groupe religieux, les juifs soviétiques sont soumis à la campagne athéiste et laïcisés de force et, plus que celle des autres religions, la pratique du judaïsme est réprimée. Les bibles et les publications en hébreu sont interdites, alors que les livres de culte des autres religions restent tolérés ; les objets nécessaires au respect des rituels juifs sont confisqués ; les lieux d'enseignement et de pratique du judaïsme fermés pour la plupart. Cette double identité prête à une confusion qui permet de déguiser l'antisémitisme sous le masque de l'athéisme. La nationalité juive est la seule à être privée de ses droits culturels, pourtant garantis par la Constitution soviétique pour tous les groupes nationaux » (Peretz, 2006 : 54). En effet, la société soviétique est élaborée dans l'exclusion de la référence religieuse comme élément d'appartenance ; de fait, le régime soviétique s'emploie à une ethnicisation de la religion, c'est-à-dire à la mise en place d'un « processus par lequel les identités religieuses sont construites et assimilées à des "ethnies" ou à des groupes culturels » (Benveniste, 2010 : 345). En URSS, l'appartenance au groupe juif fut ainsi construite comme une nationalité masquant l'identité religieuse et culturelle. À la mort de Staline (1953), la politique mise en place n'est qu'une continuation de cette répression, mais sous couvert d'antisionisme ; elle s'exprime essentiellement dans le domaine de la religion juive, la croyance et la pratique du judaïsme. À la fin des années 1960, force est de constater l'efficacité de cette politique ; le judaïsme est en plein déclin (Soljénitsyne, 2003) : « La population juive d'URSS se contracte encore plus rapidement que celle d'Europe occidentale : au recensement de 1970, elle n'est plus que de 2,15 millions. En outre, presque tous les indicateurs montrent que les juifs perdent nombre de traits qui font leur identité et s'intègrent progressivement dans la société soviétique. Ainsi, le yiddish a cessé d'être leur langue commune. […] Beaucoup de rites fondamentaux de la pratique religieuse sont en voie de disparition comme la circoncision, la bar-Mitsvah ou encore le bain rituel. Les juifs ne tardent pas à former la minorité la plus assimilée de toute l'Union soviétique » (Wasserstein, 2000 : 200-201).
En conséquence de ces 40 années de répression, les juifs migrant en Allemagne à partir des années 1990 ne sont juifs que par une dénomination « nationale », telle qu'élaborée par les instances soviétiques, mais qui ne revêt plus aucune réalité religieuse ni culturelle. Ils témoignent d'une méconnaissance profonde du judaïsme, de la tradition et de la culture juives ; « Toutefois, ces juifs-là ne savent pas grand-chose ni de l'enseignement, ni de la vie juive » 7 (Trepp, 1996 : 294). Cette ignorance a engendré de profonds bouleversements dans les pratiques liturgiques des communautés juives vieillissantes de l'ex-Allemagne de l'Est. Les structures étaient devenues trop petites pour accueillir les membres lors des offices, des explications devaient être dispensées en russe lors des offices avant d'expliquer les actes liturgiques à effectuer, des cours ont été mis en place sur l'histoire juive et le judaïsme. Au-delà, la population migrante n'est pas homogène ; elle est composée de familles, regroupant des grands-parents, des parents et des enfants. Cette variété générationnelle n'a pas été sans effets sur le développement de la vie juive en ex-Allemagne de l'Est dans les années 1990 et 2000.
Officiellement, le judaïsme en ex-Allemagne de l'Est est d'obédience libérale. Les différentes obédiences religieuses juives existantes en Allemagne résultent de scissions à la période de la Haskalah (Lumières). Le mouvement juif de l'Aufklärung à la fin du XVIII e siècle consiste en un mouvement d'émancipation, de tendances à l'acculturation et à l'assimilation de la part des juifs. Sur le plan religieux, des réformes opposent une orthodoxie juive à un mouvement dit réformé. Jusque-là, les juifs vivaient selon les préceptes du judaïsme orthodoxe, obéissant à l'ensemble des commandements et aux lois de pureté et d'alimentation (Gidal,1998). Avec la Haskalah, le judaïsme réformé met en avant la nécessité d'adaptation du judaïsme à la modernité, rompant avec le judaïsme rabbinique traditionnel : concordance des pratiques du culte juif à celles du culte chrétien, liturgie réduite et récitée en langue vernaculaire avec un orgue, égalité totale des sexes (Wigode). Au milieu du XIX e siècle naît un mouvement dit libéral, qui se distingue du judaïsme réformé par des positions théologiques et rituelles plus radicales : liturgie réformée, usage de l'orgue, mais respect d'une prononciation traditionnelle et séparation sexuelle (Petuchowski). Au début du XIX e siècle, le terme d'orthodoxie concrétise un mouvement du judaïsme dont les adeptes se veulent les gardiens de la Torah et se réclament d'un judaïsme traditionnel, principalement en réaction au judaïsme réformé, avec une observance stricte de la liturgie, une interdiction de l'orgue, une séparation sexuelle (Goldberg ; Wigoder). Aux XIX e et XX e siècles, l'ensemble des petites communautés juives d'Allemagne développent un judaïsme orthodoxe populaire, particulièrement attaché aux racines de la tradition juive et aux coutumes locales, dit orthodoxe traditionnaliste.
Au tournant des années 2000, un seul rabbin était en charge des trois communautés juives de Leipzig, Chemnitz et Dresde, composantes urbaines du Land de la Saxe. À cette même période à Berlin, dix synagogues étaient dénombrables, réparties de façon inégale dans la ville ; il existait trois synagogues dans l'ancienne partie Est de la ville, une à la Oranienburgerstrasse (de tendance réformée), deux à la Rykestrasse : une de tendance libérale et un espace synagogal orthodoxe dans l'enceinte de la yeshivah ; il existait en parallèle sept synagogues dans l'ancienne partie Ouest de la ville, une à la JoachimstalerStraße (dite traditionnelle), une à la Pestalozzistraße (de tendance libérale) et une à la Herbartstraße (également de tendance libérale), une à la Fraenkeluferstraße (de tendance libérale), une à la Hüttenweg (de tendance réformée), toutes cinq officielles et deux autres espaces synagogaux non officiels : un dans la Augsburgerstraße, lieu servant de synagogue pour le groupe HABAD 8 nouvellement installé à Berlin, et un dans la Joachimstalerstraße, qui relevait en réalité d'une pièce d'habitat aménagée pour servir de lieu de prière pour célébrer un office sépharade 9 . Malgré la diversité existante, la tendance libérale était la plus affirmée officiellement à Berlin.
Que ce soit en Saxe ou à Berlin, la réalité de pratique du judaïsme était bien différente de ce que présentait ce paysage institutionnel. En effet, en Saxe, les offices synagogaux ne rassemblaient qu'une vingtaine de personnes, de 50 ans et plus. Ils n'avaient lieu qu'une fois par mois, le rabbin devant « tourner » sur les trois villes. En son absence, aucun office n'était alors célébré. À Berlin, les offices étaient hebdomadaires, la ville disposant de plus de rabbins, mais rassemblaient également en grande majorité des adultes de 50 ans et plus, et ce de façon marquée dans les synagogues réformées et libérales. En Saxe, les offices étaient réalisés en deux langues, l'allemand et le russe ; il s'agissait de transmettre aux 8 HABAD est l'acronyme de Hohma, Dina, Daat (respectivement sagesse, compréhension et connaissance). Ces axes mystiques sont des manifestations divines par lesquels ce mouvement hassidique se désigne et s'identifie (Podselver, 2010). Le terme est en effet utilisé en Allemagne pour désigner le mouvement Habad Loubavitch, qui s'est rapidement étendu après 2004 ; « Aujourd'hui Chabad Berlin possède un centre éducatif, quatre synagogues, une bibliothèque, une crèche, un jardin d'enfants, une école, une yeshiva, un programme de formation rabbinique, un restaurant cacher et beaucoup d'autres institutions et services en vue d'assurer la vie juive » indique leur site. http://www.chabadberlin.de/templates/articlecco_cdo/aid/2352684/jewish/C habad-Berlin.htm 9 La synagogue Sépharade Tiferet Israël a ouvert ses portes à Berlin en 2006. https://synagogetiferetisrael.wordpress.com/. S'y rassemblent, sous la dénomination de sépharades, des juifs israéliens d'origine sépharade et des juifs de l'ex-Union soviétique, originaires du Caucase. russophones l'information concernant la gestuelle à tenir, le sens de circulation dans la synagogue, la manière de porter les vêtements liturgiques, etc. La visibilité quasi exclusive des « adultes » lors de ces offices ne signifie pas que les plus jeunes aient été absents des espaces synagogaux ou n'aient pas pratiqué. En réalité, toute une tranche d'âge, des jeunes de 12 à 25 ans, se réunissaient (hebdomadairement à Leipzig, mensuellement à Berlin) pour célébrer des offices entre eux dans des espaces spécifiques : à Leipzig, ils disposaient de pièces au troisième étage du centre communautaire ; à Berlin, ils occupaient trois pièces en sous-sol de la synagogue.
Cette scission en deux groupes générationnels distincts tenait à la différence de pratique religieuse : les adultes suivaient un rite libéral, avec un apprentissage de la liturgie pour les juifs russophones ; les jeunes, bien qu'inscrits dans le même type d'apprentissage, suivaient un rite de tendance orthodoxe. L'ensemble du rituel religieux était réalisé avec plus de rigueur et de codification. Les jeunes se réunissaient en fin de journée pour célébrer l'office et prendre le repas du kiddush 10 . Pour l'office, une salle était aménagée avec des chaises et un portant faisant office de mehitzah 11 entre les filles et les garçons, là où les adultes se contentent d'une séparation sexuée dans l'espace de prière. Par ailleurs, l'office du vendredi soir comporte un chant spécifique, le lekha dodi, qui vient signifier l'entrée dans le shabbat 12 . Jeunes et adultes récitent cet hymne, les jeunes avec une gestuelle très marquée, des inclinaisons droite-gauche très appuyées, alors que les adultes réduisent son expression au fait de se tourner et se retourner. De plus, au coeur de l'hymne, les jeunes dansent, se disposant en rondes sexuées de part et d'autre de la mehitsah symbolique. À Berlin, la synagogue tradi-10 Cérémonie de sanctification d'un jour saint. 11 Séparation entre hommes et femmes : rideau, mur, étage.
12 Cet hymne est un cantique qui aurait été imposé dans la liturgie juive par les mystiques de Safed au XVI e siècle. Il comporte sept strophes, correspondantes aux sept jours de la semaine ; chacune des strophes est répétée deux fois, et la dernière strophe se fait le dos tourné au tabernacle. (Ben Chorin, 1984). tionaliste de la Joachimstalerstraße avait, outre ce lehka dodi prononcé, adopté un rite supplémentaire réalisé mensuellement lorsque les jeunes étaient présents : le rite de Carlebach 13 . Il s'agit d'une création du mouvement hassidique, une ronde chantée et très rythmée qui dure quelques minutes. Une fois l'office terminé, les jeunes de Leipzig ou de Berlin restaient ensemble afin de célébrer le kiddush dans leurs espaces consacrés. Les adultes célébraient également le kiddush ensemble, mais cela se restreignait à l'ingestion du vin et du pain, et à quelques aliments casher partagés. Les jeunes effectuaient le rituel du kiddush dans sa totalité : célébration du kiddush, netilathyadayim, célébration du motsi (repas), birkat hamazone et zemiroth 14 .
Les groupes de jeunes et d'adultes sont tous deux des composantes de la population juive russophone immigrée en ex-Allemagne de l'Est à partir de 1990. Pourquoi une telle divergence dans l'obédience religieuse est-elle observable ? L'âge des membres de cette vague d'immigration est un facteur de compréhension essentiel. En effet, tous s'inscrivent dans ce mouvement dit de « retour à la religion ». Coupés de tout judaïsme par le régime communiste, ils redécouvrent une religiosité juive, en tant que première génération de l'immigration. Mais ces immigrants ne constituent pas une population générationnelle homogène, il s'agit d'enfants, de parents et de grands-parents. Les enfants, dans ce schéma de retour à la religion, constituent une troisième génération ; parmi eux, les jeunes, âgés de 12 à 25 ans, accentuent le retour et l'expriment donc en termes orthodoxes et non plus libéraux (Michel, 2011). Cet apport théorique permet de mieux comprendre la scission observable sur les terrains juifs de l'ex-Allemagne de l'Est au tournant des années 2000. Il permet également de prendre la mesure de ce qui était une réalité « en train de se faire », une recherche d'inscription dans un espace social et/ou religieux suite à un phénomène migratoire. Cette situation socioreligieuse résultait d'une immigration récente, et les inscriptions des jeunes dans la voie religieuse répondaient majoritairement à un désir de poursuivre l'émigration vers Israël ou les États-Unis.
En 2001, Viktor était un jeune russophone de 21 ans, étudiant à la yeshivah (école talmudique) de Berlin et se préparant au rabbinat. Il aspirait à une émigration prochaine vers les États-Unis, afin de poursuivre la voie orthodoxe empruntée alors qu'il n'avait strictement aucune pratique religieuse en ex-URSS. De même, Nicole, rencontrée en 2004, était en attente de son visa pour Israël et fit son alyah 15 au mois d'août de cette même année. Très investie dans la vie religieuse du groupe de jeunes Berlinois, elle était l'une des plus assidues et attentives au respect des codes religieux et prescriptions liturgiques. L'investissement dans une voie religieuse orthodoxe correspondait alors à une volonté de départ de l'ex-Allemagne de l'Est.
La réalité du judaïsme de la population juive allemande
Les juifs russophones composent aujourd'hui la majorité de la population des communautés juives d'ex-Allemagne de l'Est. Sur les communautés de Saxe, l'immigration des juifs russophones a sauvé les communautés ; Leipzig est passé de 35 membres en 1989 à 700 en 2001, Dresde d'une vingtaine de membres à 400 sur la même période et la communauté de Chemnitz a été reconstituée à l'arrivée des russophones, comptabilisant environ 350 membres au début des années 2000. La communauté juive de Berlin comptabilisait quelques 11 000 membres dans les années 2000. Pour autant, entre le nombre de personnes affiliées à chacune des communautés, pour les raisons précitées notamment, et le nombre effectif de juifs présents lors des offices, l'écart est très important. Là aussi, il ne vient pas signifier un désintérêt prononcé pour la religion juive. En témoigne la présence réelle lors des grandes fêtes juives. En 2001, la célébration de Hanoukkah 16 a rassemblé 200 à 300 personnes dans les villes de Leipzig et Chemnitz. Des repas collectifs avaient été organisés dans des salles de réception, dans chacune des deux villes un jour différent, pour rendre possible la présence effective du rabbin et de sa femme ; ils débutèrent par l'allumage rituel des bougies de la hanukkiah (chandelier de Hanoukkah), la bénédiction, suivie de la célébration du motsi à Dresde (c'était un vendredi). Les enfants et adolescents de la communauté ont animé la soirée avec des récits théâtralisés, des chants et des danses sur le thème de Hanoukkah. Sur cette même semaine, leur assistance aux animations et spectacles destinés aux enfants a rendu visible des parents qui accompagnaient des moins de 12 ans 17 . À Leipzig, un après-midi fut consacré au jeu et à la danse. Les responsables du centre culturel de la communauté avaient préparé plusieurs activités : atelier de dessin et de peinture consacré au thème de Hanoukkah, pas de danse juive pour les parents. Elles furent suivies d'un spectacle des enfants visant à expliciter l'histoire de la fête de Hanoukkah, autour du sevivon 18 . L'après-midi s'est terminé par un goûter et des jeux divers.
De même, en 2004 à Berlin, un camp d'été organisé par l'école de Talmud-Tora de la communauté juive de Berlin a réuni une quarantaine d'enfants âgés de 5 à 14 ans, habituellement absents des manifestations religieuses. Sur deux semaines, les enfants ont participé à diverses animations : excursions, sorties et visites de lieux berlinois, leçons et jeux. La première journée se déroula au centre communautaire ; elle avait pour but que les uns et les autres fassent connaissance. L'organisation était celle des camps israéliens, avec des madrichim (guides) pour des groupes d'enfants rassemblés par âge. La journée se déroula entre jeux en groupes (dessins, jeux de balle, de mime, etc.) et rassemblements collectifs, notamment pour une rencontre avec le rabbin de la communauté et des chants en hébreu.
Les associations ou groupements extérieurs à la communauté, les réseaux d'interconnaissance, rendent également visibles de nombreux juifs, qui ne fréquentent pas les offices liturgiques. Le Kesher Israelis in Berlin, par exemple, est un réseau de juifs israéliens vivant à Berlin. Ils se réunissent régulièrement pour des discussions, des sorties, le plaisir surtout de se retrouver entre Israéliens car beaucoup évoquent un sentiment d'inadéquation entre eux et la population juive d'Allemagne. Noah, israélien de 30 ans, habite à Berlin depuis neuf ans en 2004 et dit :
Je suis né en Israël et j'ai grandi là-bas. […] Je suis avec le groupe israélien. Je n'ai aucun contact avec d'autres juifs, juste avec ce groupe d'Israéliens. Ce n'est pas la même chose avec les autres, on ne se comprend pas (notes d'entretien avec Noah, 7 juillet 2004, Berlin).
18 Le sevivon est une toupie cubique traditionnellement utilisée pour Hanukkah. Sur ses faces sont inscrites les lettres Noun, Guimel, Hé Chin, initiales pour la phrase Nes Gadol haiah Cham, signifiant un « grand miracle a eu lieu ici ». Le grand miracle en question est celui de la libération de Jérusalem de l'occupation romaine. En Israël, la lettre Chin est remplacée par la lettre Pé, pour « un grand miracle a eu lieu ici ».
Hors communauté religieuse existe également un groupe de juifs américains, appelé Jüdische Stammtisch Berlin. Il s'agit d'un réseau informel d'interconnaissance, qui se réunit mensuellement pour des discussions.
Il serait donc erroné de généraliser à l'ensemble de la population juive d'ex-Allemagne de l'Est, le retour à la religion ; erroné également de conclure à une minorité religieuse active face à une majorité invisible et désintéressée. En effet, plusieurs caractéristiques de cette population juive peuvent coexister. En Saxe sont présents aux offices hebdomadaires officiels une trentaine de personnes, des adultes russophones, et quelques vieux membres « allemands 19 ». Sur les célébrations festives, ce chiffre peut s'élever à quelques 200 à 300 membres. À Berlin, les membres présents hebdomadairement seraient environ 150 à 200 personnes, voire jusqu'à 500 lors de célébrations ou évènements ponctuels. Il s'agit là encore essentiellement de populations russophones, mais également de juifs dits « allemands » et Israéliens 20 . Outre cette différence de composition « démographique », ces chiffres révèlent surtout un fossé numérique entre les juifs inscrits dans la communauté et les juifs réellement investis dans une pratique juive.
Le retour au religieux observé dans les manifestations religieuses est donc à relativiser. L'approche ethnologique permet de focaliser sur la réalité sociale et religieuse au niveau microsociologique. Dans l'étude présente, il s'agit de mettre au jour un mécanisme de retour à la religion au sein de membres pratiquants de communautés juives d'ex-Allemagne de l'Est. Ce regard permet de saisir une différence générationnelle visible, l'expressivité religieuse différenciée entre orthodoxie et libéralisme, l'importance de la rupture que constitue le communisme 21 dans ce contexte. Mais plusieurs échelles d'analyse s'imposent pour bien comprendre la réalité sociale et religieuse en question ici.
Le retour au religieux des jeunes russophones est surtout apparenté à une recherche de sociabilité. Au début des années 2000, les seules structures juives existantes en ex-Allemagne de l'Est étaient des institutions religieuses, la judaïté se basant sur une tradition religieuse ; de ce fait, la pratique religieuse répond à une recherche identitaire. Les célébrations sont bien des « occasions de (re)nouer des liens, de susciter de nouvelles amitiés. Le plaisir de se retrouver entre juifs est devenu une nouvelle manière de manifester son identité juive et son appartenance » (Cohen, 1990 : 147). À travers la pratique religieuse, c'est surtout le « petit pays » qui est reconstitué (Sayad, 1999), l'espace refuge. En témoigne ces paroles d'un interlocuteur ukrainien de 28 ans : C'est un long chemin qui m'a mené au judaïsme. En Allemagne, il y a deux groupes : les immigrants et les juifs.
[…] J'ai rencontré Irina il y a 4 ans et nous avons rencontré la communauté. Dans ces réunions, j'ai trouvé des points communs avec le judaïsme. Tout ce que je pensais était pensé dans le judaïsme : les hommes, la vie, … J'ai trouvé une logique dans le judaïsme pour moi. Au début, tout était difficile. J'ai du apprendre : la Torah, les commentaires, j'ai écouté et posé des questions à Irina. En 4 mois, tout s'est éclairci et imbriqué en une image. Là, j'ai pensé : je ne me suis jamais senti aussi bien. Avec la religion, je suis sûr que ce que je suis est la bonne voie. C'est ce que je suis. J'ai compris et je suis sûr de ce que je fais. J'ai enfin des motivations pour vivre. D'autant plus qu'il est plus dur en tant qu'immigré de trouver sa place. Je ne me serais pas tourné vers le judaïsme si je n'étais pas parti (notes d'entretien avec Ygor, 28 novembre 2001, Leipzig).
Ce retour au religieux, expression d'une recherche de sociabilité sous-jacente, ne concerne finalement qu'une petite proportion de la population migrante. Les juifs non russophones sont très peu présents dans les structures religieuses sur le temps du quotidien ; en majorité, ils ont une pratique religieuse assez libérale, qui s'apparente à celle des juifs dits de Kippour, une pratique d'un judaïsme identitaire en quelque sorte et non pas religieux. Pourtant, ces juifs non russophones résidant en Allemagne depuis les années 1950 ont également connu le communisme. Ils pourraient donc aussi s'inscrire dans un schéma de retour à la religion, ce qui n'est pas le cas. De ce fait, la manifestation d'un judaïsme et d'une forme de judaïté tels qu'ils s'exprimaient en ex-Allemagne de l'Est au début des années 2000 ne relèvent-ils pas d'une forme d'assimilation, d'intégration à la société allemande ? Inscrits dans la communauté juive conformément à la législation allemande, ces juifs immigrés s'inscrivent également dans le système démocratique allemand qui valorise une non séparation entre religion et nation. En s'affiliant à une communauté religieuse, les juifs immigrés ne font que s'intégrer au système séparation-coopération adopté par l'État allemand. Ils ont ainsi une pratique religieuse qui relève du privé, tout en étant ancrée dans le système allemand de participation d'une minorité religieuse au système démocratique. En ce sens, et contrairement à ce qu'elle pourrait signifier dans la société française, l'affiliation communautaire religieuse ne correspond pas à une affirmation d'un particularisme identitaire, d'une revendication de reconnaissance d'une minorité ou d'un repli communautaire face à une société « hostile ». Il s'agit plutôt de s'insérer dans la société allemande, en conformité avec le système démocratique adopté. l'affiliation à une institution religieuse. C'est dans ce contexte politique qu'ont été accueillis les juifs russophones à partir des années 1990. Pour des communautés juives sur le déclin en ex-Allemagne de l'Est, cette immigration fut salutaire mais a bouleversé le fonctionnement établi. Au début des années 2000, des scissions religieuses entre jeunes et adultes caractérisaient les communautés, invitant à considérer un phénomène de retour à la religion. Sur un plan sociologique, ce phénomène ne touche qu'une petite partie de la population migrante, ce qui laisse entrevoir dans cette expressivité religieuse un schéma d'adaptation à la société allemande.
Mots-clefs : laïcité, immigration, communisme, religiosité, assimilation.
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